Programme de salle Jean la Chance Brecht / Hourdin

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Côté public 2

Bord de plateau À l’issue de la représentation Jeudi 14 mars Atelier critique Atelier ouvert à tous et animé par Barbara Engelhardt Lundi 18 mars à 19h à la Librairie Quai des Brumes Réservation obligatoire auprès de Quentin Bonnell 03 88 24 88 47 Théâtre en pensées Rencontre avec Jean-Louis Hourdin et Guy Pierre Couleau animée par Armelle Talbot (UdS) Lundi 25 mars à 20h au TNS La projection prévue dimanche 24 mars de Ventres glacés de Slatan Dudow sur un scénario de Brecht est ANNULÉE. c


3  Coproduction du TNS

jean la chance

De Bertolt Brecht • Chef de troupe Jean-Louis Hourdin Traduction de l'allemand Marielle Silhouette et Bernard Banoun Décor – Costumes Raffaëlle Bloch Musique Karine Quintana Chorégraphie Cécile Bon Lumières Félix Jobard Son Antoine Richard Avec Laurent Meininger Jean Mary Léaument Jeanne Priscille Cuche La femme du manège, musicienne (clarinette) Julie Palmier La jeune fille Jean-Marie Frin L'Ami Julien Barret M. Feili, un voleur Anthony Moreau Un marchand, un voleur, un berger David Casada Un marchand, un voleur, un berger Nathalie Goutailler Un marchand, musicienne (trompette) Karine Quintana La servante, musicienne (accordéon) Daniel Malavergne Musicien (tuba) Équipes techniques du Grat-Cie Jean Louis Hourdin Régie générale Jean-Pierre Dos et Jean-Baptiste Herry Régie son Christophe Pierron Réalisation des costumes Juliette Gaudel, Florence Jeunet Construction du décor PRELUD, 21700 Corgoloin du TNS Régie générale Martine Ferrandis Régie lumière Olivier Merlin Régie son Thibaut Thaunay Régie plateau Denis Schlotter Habilleuse Bénédicte Foki Lingère Angèle Maillard Du mardi 5 au dimanche 24 mars 2013 Horaires du mardi au samedi à 20h, les dimanches à 16h Relâche les lundis et dimanche 10 Espace Grüber Durée 1h40 Coproduction GRAT-Cie Jean-Louis Hourdin, Théâtre Dijon Bourgogne, Théâtre National de Strasbourg Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National. Avec l’aide de la SPEDIDAM La compagnie est conventionnée en DRAC-Bourgogne > Première le 27 novembre 2012 au Théâtre Dijon Bourgogne > Jean la Chance est publié par L’Arche, éditeur et agent théâtral du texte représenté, 2005.

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Jean la Chance de Bertolt Brecht : Un road-movies

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Cela arrive rarement : l’état d’amour, intégral pour une œuvre. Lorsque j’ai lu la pièce : le désir immédiat de la monter Comme pour Woyzeck de Georges Büchner. Comme pour les sketches de Karl Valentin et ce n’est sans doute pas un hasard, cette trilogie amoureuse. Et tant d’autres… Comment se faisait-il que les amoureux de théâtre ne la connaissent pas, ou si peu. Il me fallait, sans délai, que nous partagions ce poème. Une œuvre à la fois savante et populaire, tragique et farcesque. Maillon inouï entre les premières pièces et les grandes œuvres de la maturité, où s’élabore le système Brecht. Aussi, plein de surprise devant le reniement de Bertolt Brecht sur ce poème ; il fallait s’y frotter, tout de suite, le temps de trouver les moyens de production pour le monter en « grand ». Je m’y suis attelé passionnément avec divers groupes d'élèves en formation – dont, en 2011, le Groupe 40 de l’École du TNS, alors en première année –, avant de réunir les acteurs actuels. Nous avons présenté ce travail d’atelier dans le cadre du festival Théâtre en Mai du Théâtre Dijon Bourgogne. Une farce dramatique (ou l’inverse) avec musique. Une troupe foraine. Le tréteau nu, avec seulement l’indispensable poétique. Un homme, au centre, « fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui ». Un homme, que les autres, au gré des rencontres, vont dépecer, déposséder. Un homme à qui on arrache ce qu’il a. Un homme qu’on empêche de se développer. La dépossession prend de multiples formes. Le théâtre, à nouveau, microscope de l’aventure humaine, laboratoire des beautés et des iniquités des hommes. Un écorché sur le billard, mais trouble extrême : Jean n’est pas fâché Jean ne se révolte pas Jean n’accuse personne. Les vilénies qu’il subit, il les accepte, sans mot dire, ou le comble, il les excuse. Il en devient plus léger, éternellement ravi, se fondant dans le ciel, la nature et l’espace, perpétuellement émerveillé d’être. Comment ne pas être frères. Jean-Louis Hourdin


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Amedeo Modigliani Portrait de Mo誰se Kisling


Chaïm Soutine Retour de l'école après l'orage

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Il nous faut donc jouer vite, léger et vigoureux. Il ne s’agit pas de précipitation, mais de rapidité ; pas seulement de jouer vite, mais davantage de penser vite. Il nous faut avoir le rythme des répétitions à l’italienne, mais en y mettant une vigueur discrète, un plaisir personnel. Les répliques ne doivent pas être proposées avec hésitation, comme on offre à quelqu’un ses propres dernières chaussures, il faut qu’elles soient lancées comme des balles. Il faut que l’on remarque que de nombreux artistes sont là au travail comme collectif (« ensemble »), pour communiquer conjointement au public des histoires, des idées, des prouesses artistiques.

Bertolt Brecht

Lettre aux collaborateurs du Berliner Ensemble, dans Écrits sur le théâtre, trad. Jean Tailleur et Édith Winkler, L’Arche Éditeur, 1979, p.595


Écoutez. Je suis Jean. J’ai vu des choses sombres. J’ai vu l’ombre infinie où se perdent les nombres, J’ai vu les visions que les réprouvés font, Les engloutissements de l’abîme sans fond ; J’ai vu le ciel, l’éther, le chaos et l’espace. Vivants ! puisque j’en viens, je sais ce qui s’y passe ; Je vous affirme à tous, écoutez bien ma voix, J’affirme même à ceux qui vivent dans les bois, Que le Seigneur, le Dieu des esprits des prophètes, Voit ce que vous pensez et sait ce que vous faites. C’est bien. Continuez, grands, petits, jeunes, vieux ! Que l’avare soit tout à l’or, que l’envieux Rampe et morde en rampant, que le glouton dévore, Que celui qui faisait le mal, le fasse encore, Que celui qui fut lâche et vil, le soit toujours ! Voyant vos passions, vos fureurs, vos amours, J’ai dit à Dieu : « Seigneur, jugez où nous en sommes. Considérez la terre et regardez les hommes. Ils brisent tous les nœuds qui devaient les unir. » Et Dieu m’a répondu : « Certes, je vais venir ! »

Victor Hugo

Au bord de l’infini, Livre Sixième, dans Les Contemplations, Éd. Gallimard, coll. Folio, 2010, p. 290

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Et toujours je pensais : les mots les plus simples Doivent suffire. Si je dis ce qu’il en est Chacun sentira son cœur se déchirer. Tu vas périr si tu ne te défends, Ça, tout de même, tu le comprendras.

Sous le familier, découvrez l’insolite ! Sous le quotidien, décelez l’inexplicable ! Puisse toute chose dite habituelle vous inquiéter Dans la règle découvrez l’abus, Et partout où l’abus s’est montré, Trouvez le remède !

Bertolt Brecht


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Plusieurs aussi sont là, au beau milieu de leur époque, et évoluent en flux et se retrouvent en flots. Plusieurs se précipitent en flots et font s’écouler dans leur sens tout ce qui passe à leur portée. Et les flux de Carcasse vont leur cours eux aussi, mais c’est par en-dedans que cela se produit. Carcasse pèse de tout son poids sur le socle de ses pieds, quand plusieurs autour sont légers, et se déplacent avec le vent et tournent. Chaque membre de Carcasse imprime son poids vers et aucun ne tente d’envol. Les bras de chaque côté tombent des épaules plutôt que d’en surgir et d’amener un geste, et même le bout des doigts tire Carcasse vers en bas, attire vers le sol mais sans jamais chuter, apportant par le bas l’équilibre qu’il faut. Tiens, c’est période bétonnée se dit Carcasse, c’est période cimentée, et de sable, et de cailloux, mais moi au bord de mon époque on attend de moi plus de souplesse je me trompe ?

Mariette Navarro

Alors Carcasse, Cheyne Éditeur, 2011, p. 16

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Il reprend à son compte, sur un mode nouveau, la grande et vieille chance du théâtre – l’exposition d’une présence [des Anwesenden]. Au centre de ses essais se trouve l’homme. L’homme d’aujourd’hui ; un homme réduit, donc, mis à l’écart dans un environnement froid. Mais comme il est le seul à notre disposition, nous avons intérêt à le connaître. Il est soumis à examens, à expertises. Le résultat s’énonce comme suit : transformable, l’événement ne l’est pas à ses points culminants, par vertu et résolution, mais il le devient dans son déroulement strictement habituel, par raison et exercice. Construire à partir des plus infimes éléments de comportements ce qui s’appelle « agir » dans la dramaturgie aristotélicienne, voilà le sens du théâtre épique. Ses moyens sont donc plus modestes que ceux du théâtre traditionnel, ses buts également. Il vise moins à emplir le public de sentiments, fussent-ils ceux de la révolte, qu’à le rendre durablement étranger, par la pensée, aux états de choses dans lesquels il vit. Notons juste en passant qu’il n’est pas de meilleur déclic pour la pensée que le rire. Et l’ébranlement du diaphragme, en particulier, offre habituellement de meilleures chances aux idées que l’ébranlement de l’âme. Le théâtre épique n’est somptueux qu’en occasions de rire.

Walter Benjamin

L’auteur comme producteur, dans Essais sur Brecht, trad. Philippe Ivernel, Éd. La Fabrique, 2003, p. 141 14


Edward Hopper American Landscape

JEAN. C’est très joli ici. […] On a l’impression de partir pour l’enfer. Souvent, je me dis : quand les gens vont en enfer parce qu’ils n’ont pas été bons mais sont devenus de plus en plus mauvais, ils ont droit avant à un tour en l’air au-dessus du paradis. Comme ça, ils peuvent se pencher et voir ce beau monde doré. Et c’est encore pire pour eux quand ils se retrouvent en enfer ! Bertolt Brecht

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Cha誰m Soutine Le canard sur fond bleu


– À vous voir limer avec tant d’entrain, vos affaires doivent être bonnes. – Oui, répondit le rémouleur. Un bon rémouleur est un homme qui trouve de l’argent dans sa poche à chaque fois qu’il y plonge la main. Mais où avez-vous donc acheté votre belle oie ? – Je ne l’ai pas achetée, je l’ai eue en échange contre mon cochon. – Et votre cochon ? – Je l’ai eu pour une vache. – Et la vache ? – Je l’ai eue pour un cheval. – Et le cheval ? – Le cheval, je l’ai eu pour une pépite d’or grosse comme ma tête. – Et l’or ? – Ah ! c’était mon salaire pour mes sept ans de service. – Vous avez toujours réussi à vous tirer d’affaire, dit le rémouleur, et si seulement vous arriviez maintenant à entendre sonner l’argent dans votre poche, votre bonheur serait fait. – Comment dois-je m’y prendre ? – Il faut vous faire rémouleur, comme moi. Pour ça, vous n’avez besoin que d’une pierre à aiguiser, et le reste se trouvera de luimême. Tenez, j’en ai une, là, justement. Certes elle est un peu endommagée, mais vous n’avez besoin de me donner rien d’autre que votre oie en échange. La voulez-vous ? – Quelle question, puisque je serai alors l’homme le plus heureux au monde ! Si j’ai de l’argent chaque fois que je mets la main à la poche, de quoi d’autre ai-je besoin de me soucier ? répondit Hans. Il lui tendit son oie et reçut en échange la pierre à aiguiser. – Tenez, dit le rémouleur en soulevant une grosse pierre ordinaire qui se trouvait à ses pieds, voilà encore une bonne pierre qui est bien pratique et sur laquelle vous pouvez frapper pour redresser vos vieux clous tordus.

Les frères Grimm

Hans-la-Chance, dans Contes pour les enfants et la maison, Tome 1, trad. Natacha Rimasson-Fertin, Éd. José Corti, coll. Merveilleux n°40, 2009, pp. 452-453

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BiogrAphie Jean-Louis Hourdin

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Né en 1944, Jean-Louis Hourdin est formé à l’École supérieur d’art dramatique du Théâtre National de Strasbourg (TNS) de 1966 à 1969. Il devient comédien et joue sous la direction de nombreux metteurs en scène, tels Jean Jourdheuil, Peter Brook, Jean-Pierre Vincent et JeanPaul Wenzel. Il est aussi un des grands acteurs de la décentralisation. En 1976, il fonde avec Arlette Chosson sa compagnie : le GRAT, Groupe de Recherche et d’Action Théâtrale, basé en Bourgogne, qu’il dirige encore aujourd’hui sous le nom de GRAT – Compagnie Jean-Louis Hourdin. Dès 1979, il participe, avec Olivier Perrier et Jean-Paul Wenzel, à l’aventure du Théâtre des Fédérés à Hérisson (Allier). Dans ce lieu de création et de diffusion, tous trois défendent un théâtre populaire et invitent la population locale à participer à certains de leurs projets artistiques. Mais cela n’enlève rien à leur exigence poétique et à leur volonté de faire du théâtre un lieu de prise de conscience politique. Se définissant lui-même comme un « chef de troupe », Jean-Louis Hourdin a mis en scène plus de trente spectacles joués en France et à l’étranger. Il monte aussi bien des textes d’auteurs classiques, comme Shakespeare, Büchner ou Marlowe, que des textes d’auteurs contemporains, comme Fassbinder, Michel Deutsch ou Eugène Durif. Il s’intéresse également à des textes non dramatiques présentés sous la forme de cabarets politiques : Ça respire encore (1978), Ça respire toujours (1999), présentant des textes de Dario Fo, Franca Rame, Karl Valentin et Michel Deutsch. Enfin, beaucoup de ses spectacles mêlent musique et textes : c’est le cas de Bobby dit (2006), joué par Gérard Guillaumat d’après des textes de Bobby Lapointe. Très attaché à la transmission, il rachète en 2004, à PernandVergelesses, petit village de vignerons de Côte-d’Or, la maison de Jacques Copeau, où il entend créer un lieu de formation professionnelle et d’insertion pour les jeunes comédiens, dédié à la réflexion sur le théâtre. Il y organise des colloques sur le spectacle vivant. Ces dernières années, sa route a souvent croisé celle du Théâtre Dijon Bourgogne (TDB), où il a présenté la majorité de ses spectacles : Veillons et armons-nous en pensée (2005), cabaret politique à partir de textes de Brecht, de Engels et de Marx ; Une confrérie de farceurs (2007), spectacle de farces du Moyen Âge jouées par une troupe mêlant comédiens bourguignons et membres de la Comédie-Française ; Coups de foudre (2011), poème de Michel Deutsch sur la faillite du monde contemporain, mis en musique par Karine Quintana. Il a aussi participé aux créations de Très nombreux, chacun seul (2012), spectacle traitant de la souffrance au travail et interprété par Jean-Pierre Bodin, et de Et si on s’y mettait tous ! L’art de faire de la vérité une arme maniable (2012), variations dans un camion d’épicerie sur la crise des subprimes.


Bertolt Brecht (vers 1916) - droits réservés -

Directrice de la publication Julie Brochen Réalisation du programme Magali Mougel avec la collaboration de Éric de La Cruz, Fanny Mentré et Quentin Bonnell Crédits Photos du spectacle : Vincent Arbelet Graphisme Tania Giemza Édité par le Théâtre National de Strasbourg Kehler Druck/Kehl – Mars 2013 19

Abonnements / Location 03 88 24 88 24 1, avenue de la Marseillaise BP 40184 F-67005 Strasbourg Cedex Téléphone : 03 88 24 88 00 Télécopie : 03 88 37 37 71 tns@tns.fr www.tns.fr


SAison 12-13


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