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MARS 2017 #34

Char lotte OC

// David Hallyday // Goldfrapp // Juveniles // Lou Gala // Nina Meurisse // Tess


CONTRIBUTEURS

FONDATEUR, DIRECTEUR DE LA REDACTION, REDACTEUR EN CHEF CINEMA & DIRECTEUR DE LA CREATION FR A NCOIS BERTHIER REDACTEUR EN CHEF, REDACTEUR EN CHEF MUSIQUE DINE DELCROIX RÉDACTRICE EN CHEF BEAUTE AUR IA NE BESSON JOURNALISTES Dine Delcroi x, François Berthier. PHOTOGRAPHES François Berthier, Florian Fromentin, Martin Lagardère, Anthony Gomes PRODUCTION PHOTO Dine Delcroix + François Berthier PHOTO DE COU V’ François Berthier CONTACT R EDACTION/PUB theblindmagazine@gmail.com

The BlindMagazine est édité par la société Ten Feet Under / Tous les textes et photos sont soumis par leurs auteurs qui acceptent leur publication et n’engagent que leur responsabilité.


EDITO #34 EDITO#34 Chers lecteurs, chères lectrices, BLIND. Un mot court qui marque une intention inalterée, la nôtre, celle de faire le tri sélectif dans la culture qui envahit votre champ de vision à travers ce magazine créé il y a maintenant tout juste 4 ans. Non sans labeur, non sans plaisir, non sans doutes et non sans passion, BLIND continue d’exister modestement grâce aux nombreux contributeurs qui ont su rendre possibles des idées, des envies et des résolutions. Qu’ils soient rédacteurs, photographes, stylistes, spécialistes du cheveux, artistes en maquillage, attachés de presse (gentils et méchants) ou chefs de projets, ils ont tous porté une attention particulière à ce magazine et nous tenons à les saluer chaleureusement tout comme nous tenons à vous remercier pour votre fidélité constante dans cette aventure. Nous espérons vous proposer de jolies pages pendant encore longtemps et peut-être même vous surprendre… Bonne lecture ! L’équipe TheBlindMagazine


MARS 2017

8

70

6 L’instant Live

42

THE FlAMING LIPS

JUVENILES

8

54 En couverture

David HALLIDAY

CHARLOTTE OC

20

NINA MEURISSE 26

LOU GALA 34

GOLDFRAPP

4

70

TESS 78 La fille qui rend Blind

ANDJA


En couverture


L’INSTANT Live L’instant LIVE


L’INSTANT LIVE THE FLAMING LIPS @Bataclan, Paris 2 février 2017

Par : Dine Delcroix / Photos : Wallendorff

The Flaming Lips a publié le 13 janvier 2017 son quatorzième album studio intitulé Oczy Mlody et a saisi l’occasion pour venir le promouvoir en France lors d’un concert psychédélique qui s’est tenu le 2 février 2017 dans la célèbre salle parisienne du Bataclan. Un

show festif et décalé comme la bande a toujours su en proposer à base, ce soir-là, de ballons géants, de lumières multicolores, de serpentins abondants, de perruques extravagantes, de costumes flamboyants et de créatures gonflables.

Loin

d’utiliser tous ces délirants effets visuels pour lésiner sur le son, le groupe a concocté une minutieuse setlist faisant principalement la part belle à ses trois derniers albums dans des orchestrations pleines d’énergie, le tout, agrémenté d’une reprise réussie de Space Oddity de David Bowie, que le chanteur-leader, Wayne Coyne, a interprété à l’intérieur d’une boule géante depuis laquelle il a traversé le foule en délires du Bataclan.

Bien plus qu’un concert, The Flamings Lips en live est une expérience sensorielle spectaculaire.


BLIND TRUTH


DAVID HALLYDAY PAR Dine Delcroix / Photos : François Berthier


Veste Benetton Tee «New York» perso


Après une parenthèse musicale anglophone en groupe sous le nom de Mission Control en 2015, David Hallyday a fait son retour dans les bacs le 4 novembre 2016 avec Le temps d’une vie, un nouvel album en français, le premier depuis six ans dans cette langue. Porté par les singles Comme avant et Des portes entre nous, ce nouvel opus est l’occasion, pour le chanteur et musicien, de renouer avec son public francophone. Il se produira notamment dans la ville suisse de Sion le 14 juillet 2017 dans le cadre du festival Sion sous les étoiles ainsi que sur la Scène Flottante d’Agde le 1er août 2017.

enfant ? Je voulais ressembler à Steve McQueen. J’adorais ses films. C’était le grand frère que j’avais envie d’avoir. Il faisait des courses de bagnoles, il était pilote moto, il faisait du cinéma… Tout ce que j’aimais ! Il avait une espèce de prestance et une façon de marcher, de se comporter… J’étais captivé par son aura.

Lorsque tu te regardes dans la glace le matin, que te dis-tu ? Cela dépend des jours. Les jours se suivent, ne se ressemblent pas et on n’est

Si tu avais une baguette magique, que chan-

pas vraiment tout à fait le même que la

gerais-tu ?

veille. Des fois, je me dis « Ça va être une super journée, c’est génial ! » et il y a des jours où je me dis « Ça va être galère ! » (rires). Je pense aussi qu’on dort de la manière dont on fait son lit.

Je ferais en sorte que tout le monde s’entende mieux, qu’il y ait moins d’aigreur, moins de jalousie et plus de respect pour les valeurs en général. Un monde qui fusionne mieux, qui s’entend mieux, où on serait beaucoup plus productif et où on gaspillerait beaucoup

À qui voulais-tu ressembler quand tu étais 11


moins d’énergie à essayer de se battre

Que peut-on entendre comme message d’ac-

dans la vie en général pour des choses

cueil sur ta boite vocale téléphonique ?

qui n’en valent pas la peine.

On entend « Bonjour ! Je ne réponds jamais aux messages vocaux, envoyez-moi un texte, merci ! ». Je n’écoute jamais ma boite vocale, c’est pénible. Je pense qu’on va bientôt être amené à voir la disparition de la boite vocale. Plus personne

Quel super héros aurais-tu aimé être ?

n’a le temps de rien et c’est devenu un vieux truc, la boite vocale.

Superman. Il n’a besoin de rien pour voler, il se déplace quand il veut, il est très looké, sa copine est super mignonne, il est dans la discrétion, la dissimulation. C’est un personnage bienveillant. Quand et comment as-tu cessé de croire au père Noël ? Je n’ai jamais cessé de croire au père Noël, j’y crois toujours au sens très large Quel pouvoir magique aimerais-tu avoir ?

du terme. Pour moi, le père Noël, c’est toutes les choses positives qui peuvent

Le pouvoir de rendre quelqu’un intelli-

arriver dans une vie et dont tout le monde

gent quand il est con (rires).

dit que c’est impossible. Généralement, quand on me dit que c’est impossible, moi, je pense que c’est possible et c’est un peu croire au père Noël. J’ai envie d’y croire. Il ne vient pas si on est assis sur une chaise toute la journée à l’at-

Quel prénom aurais tu-aimé porter ? Malcolm. Je trouve que c’est un nom puissant bien que difficile à prononcer. Je voulais appeler mon fils Malcolm mais ma femme n’arrivait pas à le prononcer. C’est original et il n’y en a pas beaucoup.

tendre. Personne n’a besoin de personne aujourd’hui. Si tu ne vas pas chercher le père Noël toi-même, tu n’as pas de cadeaux ! Tant qu’on croit au père Noël de la vie, tout va bien.


Jean & Chemise LTB // Bijoux Thomas Sabot // Shoes perso


Costume Sisley // Tee Shirt The kooples // Shoes perso // Bagues Thomas sabot


Que peux-tu me dire de négatif sur toi ? J’ai résolu quelques défauts comme l’anxiété et l’impatience mais je reste encore assez impulsif et, des fois, ce n’est pas bien. J’ai le sang chaud et je réagis un petit peu trop rapidement, par moments.

nant, je vois mon métier comme une passion et j’ai sacrifié beaucoup de choses pour continuer à le ressentir comme une passion, justement. À partir du moment où j’ai commencé à gagner ma vie en composant des chansons, je l’ai fait vraiment égoïstement pour moi parce que c’est quelque chose de nécessaire pour moi. Un passion, c’est une chose à laquelle on pense du réveil jusqu’au coucher. C’est un besoin comme boire, manger, marcher, courir ou parler.

Et de positif ? Je suis quelqu’un d’extrêmement bienveillant au regard de ceux qui le sont pour moi et je n’oublie jamais ce que l’on fait pour moi, dans le bien comme dans le mal.

Que ferais-tu s’il ne te restait que 24 heures à vivre ? J’occuperais ces 24 heures avec beaucoup d’humour, je passerais du temps avec les gens que j’aime et je me déchargerais en disant tout ce que j’ai sur le cœur, de

Qui veux-tu épater le plus ? Quand j’étais petit, je voulais épater les gens proches de moi, la famille, les potes, les filles… Comme j’étais très précoce dans ce métier et que, dès l’âge de 5 ou 6 ans, je jouais déjà de la batterie, j’ai vu que cela posait problème avec les copains et c’est ainsi que j’ai commencé à décou-

bon, de mauvais, toutes les bonnes et les mauvaises choses que j’ai pu faire et que je n’ai peut-être pas dites. Je demanderais aussi à mes porches de ne pas être triste parce que la vie continue et qu’il ne faut pas trop pleurer, ce qui est compliqué car c’est toujours difficile d’avoir un côté spirituel dans la mort quand on aime les gens.

vrir la jalousie. Du coup, je me suis surtout beaucoup dénigré par rapport à mon métier en essayant de taire pour moins faire de mal aux gens et créer plutôt une barrière de sécurité pour moi. Mainte15


De quelle question aimerais-tu avoir la réponse ? « Y a-t-il vraiment une vie après la mort ? ».

Quel a été ton dernier instant de solitude ? J’en ai toujours. On peut être très entouré mais la solitude se passe dans la tête. Je peux être super bien tout en ayant besoin d’avoir mon espace, ma boite de réflexion et j’arrive très bien à faire cela même en étant entouré. Il m’arrive souvent de me sentir incompris, esseulé. C’est déprimant au début mais, comme j’ai du caractère, je m’en remets toujours. C’est même de moins en moins compliqué de m’y remettre.

As-tu menti pendant cet entretien ? Non, tout est vrai à 110%.

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Sweat Oliver Spencer // Pantalon Ikks // baguesThomas Sabot


Veste The Kooples // Chemise col mao Sisley. Stylisme Alison Bottemanne Makeup Amelie Moutia Hair Angelica Pettirossi Video Sacha Benitah



BLIND TEST

Nina Meurisse

a d’abord étudié la musique avant de se tourner vers le cinéma qui lui a offert sa première apparition à l’écran dans Saint-Cyr » de Patricia Mazuy en 2000. Depuis, elle multiplie les tournages et a notamment joué devant la caméra de Laurent Rivière dans Je suis un soldat et celle de Stéphane Brizé dans Une vie. Après avoir campé une psychiatre dans la série Glacé, diffusée en janvier 2017 sur M6, la jeune femme est à l’affiche de Cuisine et dépendance et de Un air de Famille, deux pièces d’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri qui se jouent actuellement au Théâtre de la Porte Saint-Martin.

PAR Dine Delcroix / Photos : François berthier


NINA MEURISSE


NINA MEURISSE - PREMIÈRE FOIS

Premier souvenir ?

Premier amour ?

La sieste en maternelle : une pièce pleine de matelas, extinction des feux, repos !

Val Macé en primaire.

Première voiture ? Pas une voiture mais une mobylette bleu nuit pour aller au lycée.

Premier métier que tu voulais faire ? « Général pour emmerder les garçons » d’après ma mère. Moi, je ne m’en souviens pas.

Premier rapport sexuel ? Protégé.

Premier chagrin d’amour ? Jacques Brel en boucle. Se sentir encore plus triste et encore plus vivante.

Premier animal de compagnie ? Premier baiser ? Caché dans le petit bois de l’école.

Tigrou, un hamster mort d’une crise cardiaque en faisant de la roue.

Premier disque acheté ? 22




Un album de Tryo.

Premier choc dans la vie ? La fabrication de pop corn dans une boite de Quality Street. Je me souviens bien du bruit.

Premier concert ? Joe Satriani avec mon père. Premier voyage ? La Turquie. Un road trip en famille. Premier film culte ? « La vie est belle » de Frank Capra. Premier péché ? La cigarette cachée avec ma voisine à l’arrière de la maison de mes parents. Premier livre culte ? « Le Prince de Motordu » sans hésitation. Premier job ? Comédienne. J’avais 10 ans. Premier prof détesté ? Aucun en particulier. Quand je ne les aimais pas, je me mettais au fond de la classe. Cela passait très vite.

Premier vote ? À 18 ans. J’étais très fière et, depuis, je suis fidèle au poste.

Premier prof adoré ? Ma prof d’anglais au lycée. Elle nous faisait regarder « Friends ». J’étais très assidue.

Premier sentiment de fierté ? La montée des marches à Cannes pour « Saint Cyr ».


BLIND TEST PAR Dine Delcroix / Photos : Francois berthier

LO


Révélée au cinéma en 2013 dans 16 ans ou presque de Tristan Séguéla, Lou Gala est la plus jeune actrice à avoir reçu le prix Talents Cannes Adami en 2015 pour son rôle dans le court métrage Samedi soir de Stéphanie Murat. Elle est récemment apparue en chipie attachante dans le film Tamara, disponible en DVD depuis le 28 février 2017 et vient d’être choisie pour être l’égérie du Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz qui se déroulera du 3 au 7 octobre 2017.

OU GALA


LOU GALA - BLIND TEST

Lady L. de tristesse de

Romain Françoise

Gary, Bonjour Sagan

et

Le

Rêve d’Émile Zola.

Ton secret de beauté ? Le legging panthère rose fluo.

Ton antistress ? Ta Madeleine de Proust ?

Jouer de la basse.

Le souvenir d’un parfum que j’ai fabriqué petite en mélangeant des trucs.

La tendance mode que tu détestes ? La bien-pensance. Le film qui raconte ta vie ? Ce serait super que ce soit Wonder Woman, la série.

Le détail chic pour toi ? La politesse et le courage de dire les choses. 28

Ton livre de chevet ?


29



Ta série du moment ?

Le pays où tu pourrais immigrer ?

Cat’s Eye, Fargo et The Prisoner..

L’île de Laputa.

Ta chanson pour te sentir bien ?

Un autre métier qui t’aurait plu ?

Don’t You Worry ‘Bout A Thing de Stevie

Croupière au casino ou psychologue

Wonder.

pour chats ou la pythie de Delphes.

Ton proverbe fétiche ?

Qui inviterais-tu à ton dîner idéal ?

Only Lovers Left Alive.

Prince, Charles Baudelaire, David Bowie, Lady Gaga, Lana del Rey, Frida Kahlo, Woody Allen, James Gray, Claire Denis, Leonard Cohen, Jeremy Irons, les anciens maris d’Angelina Jolie et, en fin de soirée, quelques membres de la famille Adams.

L’insulte que tu préfères ? T’es cool, en fait !.

Le défaut que doit avoir une personne pour te séduire ? Le compliment qui t’énerve le plus ?

Un goût caché pour Mariah Carey.

T’es cool, en fait !. 31


Le cadeau que tu rêves d’offrir ? Une nuit avec Marilyn Manson.

Libé ou le Le Figaro ? Picsou Magazine.

Le disque que tu as honte d’avoir acheté ? La compilation Comment séduire à la russe ?

Le talent que tu aimerais avoir ? Mettre en pause… Et se tirer de là au plus vite !

La question qu’on ne doit pas te poser ? « Vous faites l’interfessier ? ». 32



RENCONTRE

Après quatre années Goldfrapp reviennent

de silence, les anglais de avec Silver Eye, un septième album disponible dès le 31 mars 2017. Introduit deux mois plus tôt par le lead single Anymore, ce nouvel opus a été, comme souvent, conçu dans un mystère propre au duo formé en 1999 par Alison Goldfrapp et Will Gregory et marque un retour aux sonorités electro hypnotiques qui ont distingué les premiers disques des deux acolytes.


Par Dine Delcroix Photos : DR


GOLDFRAPP

Vous revenez avec un nouvel album quatre après le précédent. Comment avez-vous occupé votre temps entre ces deux disques ? Il y a eu une petite pause après l’album Tales Of Us. Nous avons fait la musique d’une pièce de théâtre à Londres qui s’appelle Madea et qui est une tragédie grecque traditionnelle. Nous avons ainsi travaillé avec beaucoup d’artistes. Will a fait beaucoup de choses, notamment avec son groupe Will Gregory Moog Ensemble avec lequel il a donné beaucoup de concerts. Ensuite, nous sommes retournés en studio et il nous a fallu du temps pour nous remettre dans le bain.

Avez-vous dû faire face à des pannes d’inspiration, à certains moments ? Il y a toujours ce truc de la page blanche quand tu t’assois pendant des jours et que rien de pétillant ne sort. C’est un cauchemar ! Inversement, il y a ces jours où les choses te viennent naturellement et c’est très excitant. Ensuite, tu repars sur d’autres journées où rien ne se passe. Il y a des hauts et des bas mais c’est normal. Il faut savoir avancer continuellement et briser les barrières. Pour cet album, nous avions des idées mais n’étions pas sûrs de vouloir les mettre en 36

pratique et c’est souvent la même chose avec nous : nous avons fréquemment des idées que nous finissons par jeter une fois que nous commençons à travailler et ce n’est qu’en faisant les choses que nous découvrons vraiment où nous voulons aller. Nous avons parlé de faire des choses plus électroniques et de réintroduire des synthés sans pour autant nous répéter en refaisant des albums comme Head First ou Supernature.

Après environ vingt années de travail en duo avec Will Gregory, vous arrive-t-il d’avoir des désaccords ? Incroyablement, nous ne sommes pas souvent en désaccord. Je pense que nous pouvons parfois être frustrés lorsque que les choses n’arrivent pas vraiment, ce qui est normal. L’un de nous pourrait vouloir essayer d’aller dans une direction dont l’autre ne serait pas sûr mais, une de plus plus belles choses dans le fait de travailler avec Will, c’est qu’il est un musicien brillant mais aussi très ouvert. Il a toujours cette incroyable capacité de faire confiance. J’ai travaillé avec d’autres personnes dans le passé et, la plupart du temps, les gens ne sont pas prêts à faire les choses, restent bloqués et ne veulent pas essayer de nouvelles choses. C’était toutefois très inspirant d’avoir d’autres personnes avec nous sur cet album qui se sont davantage impliquées à nos côtés que sur nos albums précédents. C’était nouveau pour nous.




Aimerais-tu réitérer l’expérience de ce travail en équipe ? Oui, j’ai vraiment apprécié. J’aime avoir des énergies différentes dans la pièce. C’est inspirant d’avoir d’autres choses à faire.

son est très important ! Toutes les phases comptent. Ce n’est pas comme s’il était question d’enregistrer quelque chose en studio que quelqu’un va ensuite produire. Le mixage est la seule phase qui est vraiment à part de tout le reste.

Quelle partie de la conception de ce disque a été la plus difficile ?

Avec ce disque, vous revenez à un son électronique proche de celui que vous proposiez à vos débuts. Était-ce intentionnel ?

Je crois que c’est le début qui a été difficile. Les débuts sont toujours difficiles parce qu’ils sont faits de questionnements. C’est une fois qu’on a quelques chansons qu’on commence à savoir comment cela est en train de se façonner et qu’on se sent un peu plus confiant dans le processus.

Nous avons pensé à beaucoup de choses différentes que nous étions curieux d’essayer. C’est au fur et à mesure des tests que nous avons vraiment décidé de ce que nous voulions faire. En essayant, tu entends des choses qui fonctionnent et d’autres qui ne correspondent pas du tout à ce que tu veux.

En studio, faites-vous beaucoup de prises ?

Qu’est-ce qui a principalement inspiré ce nouvel album ?

Nous sommes perfectionnistes. Cependant, nous commençons toujours par de l’improvisation. Tout vient de là et c’est une part importante de ce que nous faisons. Je sais que certains musiciens ne sont pas à l’aise avec cela mais je ne sais pas comment commencer une chanson si on ne peut pas improviser. Il faut improviser ! Il s’agit d’expérimentation, il s’agit de s’exposer. Bien souvent, nous gardons ces moments improvisés sur le disque. En studio, nous enregistrons absolument tout ce que nous jouons car nous ne savons jamais ce qui peut se passer. Il peut y avoir vingt minutes pourries comme il peut y avoir cinq minutes intéressantes et exploitables. Le

Je n’aime pas écouter de la musique pendant que j’écris mais beaucoup de choses ont inspiré cet album : les éléments, les rituels, le paganisme, le mysticisme, la musique dance, l’electro, les sons industriels…

Une fois de plus, l’esthétique autour de votre musique est très soignée. Qui se occupe de cette partie-là ? Je n’aime pas dire ces choses-là. Pour Will et moi-même, la musique a toujours été une expérience visuelle. Will 39


aime illustrer la musique et moi aussi. L’aspect visuel des choses est toujours une part importante de l’expression de ce que nous faisons. Cette fois-ci, ce qui a changé, c’est que je me suis photographiée moi-même. Beaucoup de choses arrivent en cours de route. J’ai choisi ce paysage parce qu’il reflétait à mes yeux certains thèmes de l’album, une sorte de sentiment et d’atmosphère.

Tu apparais personnellement sur la pochette de l’album mais ton visage est couvert. Pourquoi ce choix ? J’ai fait cette photo assez spontanément. J’ai capturé quelque chose qui s’est produit à un moment.

Étais-tu plus à l’aise à l’idée d’être à la fois la photographe et le modèle ? Oui (rires). Néanmoins, je n’étais pas toute seule, j’étais aidée par une assistante. J’ai été également aidée pour les vêtements et le maquillage. Nous nous sommes beaucoup amusés à jouer dans le sable de ce paysage fou. Will m’a énormément encouragée dans cette démarche. Je fais de la photographie depuis un moment et il m’a semblé naturel de faire ces photos. C’était également plus censé financièrement parlant de ne pas avoir à payer une tiers personne. J’ai vraiment beaucoup aimé ce processus.

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Depuis le début, il y a un certain mystère qui vous entoure dans votre manière de communiquer sur vos albums et de les promouvoir. Est-ce conscient ? Je ne vois vraiment pas ce que tu veux dire (rires). Je ne sais pas s’il y a quelque chose de mystérieux chez quelqu’un qui monte sur scène et qui chante devant des gens. Je ne sais pas bien quoi répondre à cela… C’est bien de nous trouver mystérieux et je prends cela comme un compliment. La plupart du temps, à cette époque, les choses sautent tellement aux yeux qu’il est bon d’avoir un peu de mystère dans ce monde. C’est la raison pour laquelle j’aime la lune et les choses qui ne sont peut-être pas immédiatement évidentes, qui permettent de découvrir d’autres choses à travers elles. J’aime le mystère, je le respecte et je pense que nous en avons davantage besoin dans nos vies. Nous vivons dans un monde où nous en savons trop sur tout. La douceur et le mystérieux ne sont pas des mauvaises choses. Si tu me connaissais un peu plus, tu verrais que je ne suis pas mystérieuse du tout. Je suis plutôt directe et honnête.

Si tu savais la possibilité de changer quelque chose à ces vingt années de carrière, que ferais-tu ? Je changerais beaucoup de choses mais, malheureusement, je n’en citerai aucune (rires). Désolée… Tout le monde a des regrets mais j’en donnerai aucun. Fin !


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JUVENILES

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JUVENILES

Quatre ans après un premier album abouti, les Juveniles sont de retour dès le 24 mars 2017 avec Without Warning, un second opus enregistré à New York et dont la production a été confiée au DJ et producteur Joakim du label Tigersushi. Mélangeant des morceaux aériens, des pistes minimalistes et des chansons disco-rock, ce nouveau disque valait la peine d’être attendu et bénéficie de l’expérience scénique acquise par le groupe rennais durant ces dernières années, tant en France qu’à l’étranger. Rencontre avec Jean-Sylvain Le Gouic, le front man de la bande qui vient de dévoiler le clip du single Love Me Forever.

Interview : Dine Delcroix Photos : Martin Lagardère



Vous revenez avec un nouvel album quatre ans après le premier. Qu’avez-vous fait entre ces deux disques ? On a pas mal tourné après le premier album. Il y a eu des festivals en France et à l’étranger. On est aussi allé au Brésil, en Chine, en Corée, en Taïwan… Il y a eu également une grosse période de composition puis il a fallu mixer le nouvel album chez Joakim à New York, ce qui a pris pas mal de temps mais on y est !

Quatre ans entre deux albums, c’est plutôt rare pour un projet qui démarre. Avez-vous conscience d’avoir pris un risque en attendant autant de temps ? Oui, c’est forcément des doutes qu’on a au début avant que les choses ne sortent mais, ensuite, je me suis moins posé la question quand j’ai eu les retours sur les premiers singles. Ces questions, on se les pose moins aussi parce qu’on a vraiment la tête dans le cambouis tous les jours entre la préparation du live, la promotion… Je pense que j’aurais du recul là-dessus après. C’est quand il n’y a pas d’actualité que l’on doute.

Ce nouvel album aurait-il sonné différemment si vous n’aviez pas pris tout ce temps pour le faire ? Oui, complètement ! Il y a eu une grosse période sans actualité qui invite à la remise en question et qui a fait l’album qui est là. Entre le moment où je pensais avoir un album et aujourd’hui où il sort réellement, il y a des titres qui ont été remixés et d’autres tout simplement composés, notamment Someone Better et Can We Fix It qui sont, finalement, des singles.

En quatre années écoulées entre deux albums, qu’est-ce qui a changé dans ton approche de l’industrie musicale et dans tes goûts musicaux ? J’ai une vision assez particulière de l’industrie musicale. J’ai mon propre label qui s’appelle Paradis Records sur lequel il y a Juveniles, Clarens et Le Comte qui sont licenciés chez d’autres trucs et, plutôt que de m’intéresser à comment se passent les choses dans les majors, j’ai davantage essayé de développer mon activité de manière indépendante. J’ai, par exemple, produit des EPs, notamment avec Yuksek pour Clarens ou, dernièrement, avec Le Comte. Ensuite, dans mes goûts, je dirais que c’est beaucoup plus diversifié qu’avant. J’écoute énormément Andy Sauf, Whitney, Raoul Vignal et je continue à écouter pas mal de trucs qui ne sont pas forcément des influences. J’écoute plutôt de la pop à guitare alors que je n’en fais pas.

Quelques mois avant la sortie du disque, vous avez dévoilé le single Can We Fixe It . Pourquoi la chanson ne figure-t-elle pas sur l’album, finalement ?



Disons que c’est un inédit. En fait, c’est vraiment le tout dernier titre qui a été fait, que j’ai mixé et produit alors que l’album était déjà lancé. Aussi, j’aime bien avoir des petites faces B un peu à part dans les discographies.

Par rapport au premier album, as-tu travaillé différemment sur ce deuxième ? Oui. Sur le premier, j’étais seul face à mes claviers et mes guitares dans une pièce alors que, pour ce deuxième, c’est la famille autour du label qui s’est retrouvée à participer à la vie de ce disque et cela s’est fait assez progressivement. Le fait d’être allé en Asie tous ensemble nous a soudés.

Comment avez-vous eu l’idée de confier la production de ce nouvel album à Joakim ? On l’a connu par le biais de Guillaume Rossel, un des batteurs qui joue sur l’album. C’est lui qui a suggéré de faire produire le disque par Joakim et tout s’est fait hyper rapidement. On a pris un café avec Joakim à Paris et il nous a dit « OK, venez ! Par contre, je suis à New York et mon seul créneau disponible est dans un mois ! ». Voilà comment tout s’est fait ! On a eu la chance que tout se passe bien. C’est quelqu’un dont j’adore les albums et j’ai aimé son approche.

Vous avez également renoué avec le producteur Yuksek. Comment s’est passée votre collaboration avec lui sur ce disque ? Il avait entièrement produit le premier album, ce qui a été vraiment un gros travail avec lui en termes de pré-production, de mixage et de retouches. Sur ce nouvel album, il a seulement mixé un titre qui est « Love Me Forever » pour l’exploitation. Joakim en a aussi fait un mix que j’aime beaucoup mais que je voudrais garder pour le sortir dans une version alternative. J’aimerais bien que ce soit une face B, par exemple.

Quelle a été la phase la plus rapide du processus de création de cet album ? La production avec Joakim. Il avait des créneaux relativement courts qui obligent à travailler dans l’urgence. Ensuite, lui, il travaille en analogique, quasiment sans ordinateur même si cela peut nourrir le syndrome du ‘morceau pas fini’. De même, les prises de basse et de batterie ont été très rapides parce qu’on a travaillé avec de très bons musiciens.

Lorsque tu ne produis pas les morceaux toi-même, as-tu les mêmes exigences envers la personne à qui tu délègues la production ? Non, c’est vraiment un échange. Il y a toujours des retours à faire. Quand on confie la réalisation d’un album à quelqu’un, il en devient le directeur artistique donc il




faut savoir lui faire confiance et avoir une espèce de lâcher prise.

Changerais-tu des choses dans cet album, aujourd’hui, si tu en avais la possibilité ? Non, je ne changerais rien. Je l’ai écouté pas mal de fois et je trouve que, finalement, le boulot avec Joakim en termes de partis pris et de cohérence est extraordinaire.

Parmi les partis pris de l’album, il y a le morceau « Solipsism » qui est totalement instrumental. A-t-il une histoire particulière ? Oui, je voulais un truc « chelou » au milieu de l’album, une espèce d’ovni. Le solipsisme, c’est un concept fou : l’idée qu’on ne puisse être sûr que d’une seule chose au monde, c’est le fait d’être réel, tout seul et de pouvoir remettre en doute absolument tout le reste. C’est un concept bizarre qui est à la base de beaucoup de troubles de la personnalité. C’est un peu comme le syndrome de Capgras, ce trouble dans lequel on affirme que nos proches ont été remplacés par des sosies.

Sur un thème aussi vaste que celui-ci, pourquoi as-tu choisi de ne pas mettre de paroles ? Je voulais un truc plus à la manière d’un médium, un peu ovni et un peu plus violent que ce qu’on fait d’habitude, comme une sorte d’explosion.

Ce nouvel opus s’achève sur la ballade planante « Entitled To Happiness ». Est-ce, un peu, le morceau nostalgique de l’album ? Ce n’est pas un morceau très heureux, à vrai dire. C’est plus une réflexion sur l’enfance qui accepte qu’on ne peut rien changer et qui dit « Maintenant, j’ai le droit d’être heureux ! ». Si je devais écrire des synopsis, j’aurais plus de facilités à le faire sur un titre comme celui-là que sur un titre comme « Love Me Forever » où il y a un côté plus rythmé. Sur « Entitled To Happiness », les arrangements sont justement réduits quand la voix arrive.

Pour rester sur un air de nostalgie, qu’aimerais-tu pouvoir revivre si tu avais la possibilité de remonter le temps ? On a vécu tellement de trucs magiques et tant de première fois ! Les premières dates à l’international, la première fois où j’ai rencontré Yuksek ou celle où j’ai rencontré Joakim…


Avec, maintenant, deux albums à votre actif, les concerts sont-ils plus intéressants à élaborer ? Oui et on a déjà des querelles internes sur quels morceaux mettre pour faire un set équilibré et c’est ce qui est plaisant dans le fait de sortir un deuxième album. On ne fait plus de remplissage, on fait vraiment un live en choisissant pile poil les morceaux qu’on veut pour telle ou telle ambiance.

Qu’est-ce qui t’a le plus manqué dans le projet Juveniles, ces derniers années ? La vraie vie de groupe qui a recommencé quand on a pris le camion tous ensemble pour aller enregistrer l’émission Quotidien. La vie de groupe, c’est justement un mélange de camaraderie et de professionnalisme. Ce sont les petits trucs du quotidien de la vie de live qui manquent, je pense. Après, je ne vais pas dire que les club-sandwiches des aires d’autoroutes me manquent mais c’est le fait de prendre le camion, l’excitation qu’il peut y avoir avant et après la scène ainsi que le stress que l’on peut ressentir.

Ce retour de Juveniles est notamment marqué par un changement d’image puisque la communication visuelle ne se fait désormais plus qu’autour de toi. Pourquoi ce changement ? La réflexion s’était posée pendant le premier album et un peu après. Cela vient surtout du fait que la personne qui écrit les textes, qui compose et qui chante, c’est moi. Paradoxalement, le premier album, je l’ai pratiquement fait tout seul et on en a fait une promotion de groupe alors que, pour ce deuxième, il y a eu beaucoup plus de collaborations et de musiciens mais j’avais envie d’assurer une position de front man parce que j’ai poussé les chansons plus loin avec des trucs assez personnels et plus intimistes.

Juveniles reste-t-il toutefois un groupe ? Juveniles, c’est une famille élargie, menée par un front man. Après, quand on fait un featuring avec Yuksek, il n’y a que moi, finalement, donc c’est une bonne question… On verra si je suis prêt à parler de Juveniles comme d’un alias.

As-tu définitivement mis de côté ta moustache pour ce retour ? Oui. Cela a été assez rapide. Elle a dû tenir jusqu’au premier album mais, après, j’ai porté une énorme barbe. Pour cet album, je me suis dit : « On arrête la moustache et on arrête de raser les côtés ! »(rires).



EN COUVERTURE


PAR Dine Delcroix / Photos : François Berthier


CHARLOTTE OC

Originaire

d’Angleterre, Charlotte OC écrit, compose et interprète ses titres depuis l’adolescence, se forgeant, au fil des années, un univers à part entière, tant sur le plan musical que dans l’esthétique très soignée de ses visuels. Disponible dès le 31 mars 2017, son album, Careless People, est une pépite de textes poétiques aux productions dark-pop que sa voix captivante sublime sans leurre, comme en témoignent Blackout et Darkest Hour, les premiers singles extraits de l’opus

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Quand as-tu réalisé que tu avais envie de créer ? Une sensation constante d’inconfort me donne envie de créer avec ce ressenti selon lequel quoique je fasse, ce n’est pas assez bien. Le moment où j’ai réalisé que j’avais envie de créer, c’était quand mon père m’a inscrite à des cours de guitare lorsque j’étais jeune. Je ne voulais pas y aller. J’étais obsédée par les chewinggum et il m’avait fait croire que nous allions en acheter mais, une fois dans la voiture, nous sommes allés bien plus loin que le magasin que je connaissais et

Quel âge avais-tu lorsque tu as commencé à écrire des chansons ?

il m’a annoncé que nous allions prendre

J’avais 15 ans. Il y a des chanteurs dans

des cours de guitare. Au début, pour je

le monde et il y a des gens qui ont be-

ne sais quelle raison, j’associais cela à

soin de créer des choses. C’est un grand

quelque chose de négatif en me disant

moment quand tu réalises que tu ne

que ce n’était pas mon instrument. Puis,

veux pas juste chanter. C’était très pro-

après être allée à ce cours, j’ai réalisé que

fond. J’aimais faire des reprises mais

c’était la meilleure chose que mon père

j’avais besoin d’écrire ma propre mu-

ait faite pour moi à ce jour. C’est par la

sique. J’ai toujours réarrangé les chan-

suite que je me suis mise à écrire.

sons des autres dans ma tête quand je les écoutais à radio.

Tu as d’abord signé un contrat pour quatre albums avec le label Columbia mais les choses ne sont pas déroulées comme tu le souhaitais… En effet ! Je crois que je n’étais pas prête. Je savais que je voulais faire de la musique mais j’étais encore en train d’apprendre et de grandir en tant que personne, aussi cliché que cela puisse paraître. Il y a des artistes à qui on peut dire ce qu’ils ont à faire et dont le caractère correspond à ce 59


fonctionnement. Moi, j’avais besoin de

j’étais en plein dedans. Être ambassadrice

trouver ma voie. Parfois, on me deman-

pour la marque consistait à chanter lors

dait d’essayer des choses qui ne ressem-

des compétitions de surf et à participer

blaient pas vraiment à celle que j’étais ni

aux campagnes publicitaires. Je ne suis

même à celle que je suis aujourd’hui. Il

pas mannequin donc cela ne me convenait

faut du temps pour trouver ce qu’on veut

pas particulièrement mais cela reste une

faire vraiment.

belle époque de ma vie. La marque a pris soin de moi lorsque Columbia m’a laissée tomber et j’en serai toujours reconnais-

As-tu perçu la musique comme une industrie blessante à ce moment-là ? Oui. J’ai vu un côté très obscur de l’industrie avant même d’avoir 17 ans et c’est pourquoi j’ai eu envie de m’éloigner le plus possible des diktats pour proposer quelque chose de vrai.

sante. Ce n’était pas mon monde mais il m’ont accueillie et pris sous leur aile. Le stylisme tient justement une place importante dans ton image. As-tu des marques ou des créateurs de prédilection ? Ma mère est issue de la classe ouvrière. Elle a quitté le Malawi pour l’Angleterre à l’âge de 13 ans sans parler un mot d’anglais. Elle est partie de rien, n’avait

Après cet échec avec Columbia, tu es deve-

pas d’argent et s’est très bien débrouil-

nue ambassadrice de la marque Quicksilver.

lée. Quand j’étais petite, nous achetions

Comment cela est-il arrivé ?

nos vêtements dans la chaîne de magasins T.K. Max. Cela nous convenait et

Musicalement, je suis née sur Internet

je pourrais encore y aller. Nous n’avons

dans la mesure où j’enregistrais des mor-

jamais porté de vêtements de créateurs

ceaux que je mettais en ligne et c’est d’ail-

alors, quand on me demande si j’ai des

leurs grâce à Myspace que j’ai été signée

créateurs préférés, je précise que je ne

par un label. La marque Quicksilver

porte pas de vêtements de créateurs bien

m’a également trouvée sur Internet. À

que j’adore Alexander Wang. Il y a vrai-

l’époque, j’adorais l’artiste Jack John-

ment un côté masculin-féminin dans ce

son et ma musique ressemblait beaucoup

qu’il fait, particulièrement dans ses créa-

à la sienne. J’avais enregistré une partie

tions pour femmes avec une certaine

de mon premier disque dans son studio

chaleur que j’aime avoir dans tout ce que

tout en travaillant avec des personnes qui

je fais. Je crois que c’est mon créateur

avaient collaboré avec lui, ce qui, pour une

préféré.

gosse, était incroyable bien que cela ne me ressemblait pas. Je pense que Quicksilver était justement à la recherche d’artistes 60

dans la même veine que Jack Johnson et


61


Tu as confié être à la fois timide et excentrique à la sortie de ton EP, il y a quelques années. Te qualifierais-tu de la même façon, aujourd’hui ? Je ne suis pas timide, aujourd’hui. Je suis beaucoup plus sûre de moi, maintenant, et c’est ainsi que je dois être, surtout en ayant un album à promouvoir. Je ne veux pas que les gens pensent que je ne suis pas sûre de mon disque. Je pense aussi que le fait d’avoir 26 ans est un moment important pour une jeune femme. Excentrique, oui. J’aime avoir mon propre espace. Je suis un papil-

Ton album s’intitule Careless People

lon sociable mais, à un moment donné,

d’après une phrase extraite du roman Gats-

j’ai vraiment besoin d’être seule. C’est

by le Magnifique. À quoi fait référence ce

un contraste épuisant entre ce que je

titre ?

veux et ce que je ne veux pas.

Cela fait référence aux gens qui ne soucient de rien ni personne et j’ai l’impression qu’il y en a beaucoup. Il m’arrive moi-même d’être ainsi parfois mais c’est ce qu’il faut, par moments, quand rien ne va dans ta vie. Il faut savoir s’éloigner. Cela fait mal, surtout aux personnes que l’on délaisse. Cet album parle du passage de la jeune fille à la femme, ce qui implique des moments durant lesquels j’ai été assez négligente avec les gens et où j’aurais dû me soucier un peu plus. J’étais un peu trop préoccupée par des choses insignifiantes. Quand tu réalises que quelqu’un est négligent avec toi, tu grandis et c’est ce dont parle l’album.

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Certains textes de ton album ont été co-écrits.

tendre la musique en premier. Si la mé-

Tu n’aimes pas écrire seule ?

lodie me parle, les paroles me viennent

J’aime écrire avec des gens et je pense que la musique doit être complètement collaborative. C’est une jolie chose à partager avec quelqu’un, surtout quand il s’agit d’une musique comme la mienne. Si tu fais de la musique acoustique, c’est davantage normal d’écrire seul mais, je ne sais pas, c’est tellement beau de se rattacher à quelqu’un qui te comprend et qui assimile tes expériences. C’est un peu comme le fait de tomber amou-

naturellement. C’est la manière la plus simple d’écrire, pour moi, mais cela peut aussi être complètement différent. Je suis vraiment inspirée quand j’écoute de la musique électronique qui n’a pas de paroles. D’ailleurs, mon premier EP, « Colour My Heart », a été influencé par mon passage à Berlin où j’écoutais beaucoup de musique électronique et où tous mes amis étaient DJs. L’absence de paroles me pousse à imaginer des mélodies.

reux après avoir trouvé l’âme soeur. C’est incroyable et je le conseille à n’importe qui. Cela change ta manière d’écrire et de considérer la musique. Bien sûr, il y a une certaine pureté dans le fait d’écrire seul dans la mesure où tu ne penses à personne d’autre mais cela implique un certain égoïsme dans lequel tu pourrais te retrouver coincé. C’est bon de s’ouvrir dans toutes les situations et d’être collaboratif dans tout.

La fin des relations amoureuses est un thème assez récurrent dans les textes de ton album. Vaut-il mieux éviter de tomber amoureux ? Je suis tombée amoureuse pour la première fois pendant que je faisais cet album et c’est d’ailleurs ce qui a inspiré le single Blackout donc je ne dirais jamais qu’il faut arrêter de tomber amoureux mais il faut avoir du caractère. Sans cela, la vie peut-être vraiment très difficile. Ma sœur, par exemple, n’avait pas suffi-

Aimerais-tu écrire pour d’autres artistes ? Oui, ce serait intéressant de changer d’état d’esprit et de se plonger dans le monde de quelqu’un d’autre.

samment de caractère lorsqu’elle sortait avec ce terrible garçon qui a inspiré le titre Darkest Hour. Il était terrifiant et même le son de sa voix laissait entendre qu’il était mauvais.

Généralement, comment naissent tes chansons ? C’est généralement la mélodie d’abord ainsi que les accords. J’ai besoin d’en65


On est tenté de te demander comment elle va aujourd’hui... Elle va très bien. Elle a entamé une nouvelle vie. Cela me fait bizarre de parler d’elle en interview d’autant que je suis sa jeune sœur et que les rôles sont un peu inversés. C’était dur de la voir devenir l’ombre d’elle-même. J’étais très jeune lorsqu’elle a vécu tout cela et j’avais envie d’exprimer mon ressenti à ce sujet par le biais de cette chanson qui était ma façon à moi de lui dire que j’étais là pour elle. J’avais besoin de faire cette chanson pour me décharger de tout cela. Je suis

Tu dis cela en souriant comme si tu étais heu-

fière de ma sœur parce qu’elle a finale-

reuse d’être triste…

ment pu divorcer de cette homme véritablement diabolique.

Oui et je suis vraiment bonne à cela (rires). J’ai eu une formidable enfance. Ma mère avait un salon de coiffure

Tu as dit en interview que tu as toujours voulu briser le cœur de quelqu’un et ressentir de la peine. Était-ce nécessaire, pour toi, de passer par cette tristesse pour créer ? Oui et j’en ressens parfois encore la nécessité (rires).

et avait pour habitude d’écouter les histoires de ses clients. J’y ai travaillé alors j’ai eu l’occasion aussi d’y entendre un tas d’histoires de ruptures. J’étais jeune et je n’avais rien vécu de tout cela puisque je n’étais encore jamais tombée amoureuse mais j’étais impatiente de ressentir ces choses-là. Lorsque j’ai fini par ressentir cela pour la première fois, étant quelqu’un de sensible, je ne m’en suis pas très bien sortie et je pense que c’est de là que vient mon écriture.

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Dans ta chanson I Want Your Love, tu

Ton album se termine par la chan-

évoques l’état dépressif qui peut amener à

son In Paris. La ville de Pa-

boire et à fumer. Es-tu du genre à boire à

ris a-t-elle une significa-

fumer lorsque tu déprimes ?

tion spéciale à tes yeux ?

Oui. Boire beaucoup de vin rouge est

Oui.

très significatif de la dépression pour

très jeune lorsque

moi. Quand je déprimais, je buvais trop

que la princesse

et je fumais, ce qui est très mauvais pour

Diana est morte

moi. J’étais juste jeune et je m’en fi-

et

chais. Les choses qui ne sont pas bonnes

pas vraiment

pour toi te font toujours te sentir bien et

qui s’était passé à

c’est justement de cela qu’il s’agit dans

l’époque. J’ai appris

cette chanson : être imprudent avec tes

son histoire il y a

propres émotions et, donc, négligent en-

quelques

vers toi-même.

68

je

J’étais

ne savais ce


années à peine et j’ai trouvé cela à la fois triste et romantique. « In Paris » est une chanson qui parle d’elle et de la manière dont elle a été balayée par l’homme avec qui elle était. C’est une chanson qu’elle pourrait

Pourrais-tu vivre à Paris ? Je pense que je pourrais vivre n’importe où mais j’aimerais d’abord parler la langue car je n’aime pas être quelque part où je ne peux pas parler.

chanter au prince Charles en lui disant « Je sais que tu n’as pas vraiment envie d’être avec moi mais

Quelles chansons de ton disque conseillerais-tu d’écouter en premier ?

je ne veux pas être ton ennemie… ».

Probablement Running Back Tou You

du

parce que c’est une chanson pour se sen-

prince ne vou-

tir bien avec un bon groove. Il y a égale-

lait pas qu’elle

ment la chanson Higher qui a été entière-

fasse

partie

ment enregistrée en une seule prise avec

de la royauté

un orchestre dans des conditions de live.

alors j’ai imagi-

J’ajouterais Shell aussi mais je suis fière de

né son ressenti

toutes les chansons, en fait.

La

famille

à travers cette chanson désespérée. « In Paris » est aussi

une

chanson sur ma relation avec la de

ville Paris.

J’adore Paris mais, parfois, j’ai l’impression que la ville ne veut pas de moi et j

e

chose

ressens la même avec la ville de New

York… 69


PAR Dine Delcroix Photos : Berthier

François

Maquillage : Gloria pour HMC Paris


S S E T

BARBER SHOP QUARTET


TESS Nouvel espoir

de la pop electro made in France, Tess a été repérée sur le net comme beaucoup de jeunes artistes de sa génération avant de signer un contrat avec le label Choke Industry. Ses singles « Endlessly » et « Love Gun » sont inclus sur l’EP éponyme qu’elle a publié le 20 janvier 2017 en attendant son premier album qui est actuellement en préparation. La réunionnaise de 22 ans vient de rejoindre l’imposante programmation du célèbre festival américain Lollapalooza dont la première édition française aura lieu à

Paris les 22 et 23 juillet 2017 à l’Hippodrome de Longchamp.

Qu’est-ce qui t’a initiée à la musique ? J’ai voulu faire de la guitare vers l’âge de 14 ans. Du coup, j’ai pris des cours de guitare classique pendant trois ans. Ensuite, j’ai souhaité chanter par-dessus ma guitare alors j’ai commencé par des reprises que je postais régulièrement sur

J’étais au lycée, je devais avoir 15 ans et j’ai toujours écrit en anglais. Au début, c’était un peu moins naturel qu’aujourd’hui car il s’agissait de mes premières chansons donc je devais vraiment réfléchir alors que, maintenant, c’est beaucoup plus facile et rapide.

la chaîne YouTube que j’ai créée puis je me suis mise à écrire mes chansons. C’est donc sur YouTube que j’ai été repérée par le label Chocke Industry qui m’a contactée sur Internet.

Le fait d’écrire en anglais vient-il d’une influence anglo-saxonne ? Oui. J’écoute plutôt de la musique pop anglo-saxonne. J’aime des artistes comme Sia, The Weeknd, Ed Sheeran,

Joues-tu d’un autre instrument que la gui-

Lorde, Rihanna…

tare ? Non et, au final, ce qui me plait le plus, c’est de chanter. As-tu

déjà

envisagé

d’écrire

des textes en français ? Non et, en règle générale, je n’écoute pas Te souviens-tu de la première chanson que tu as écrite ? 72

de trop de choses en français.




Comment as-tu travaillé l’identité sonore de

beaucoup à cette piste puisque je ne sais

ton projet musical ?

pas du tout faire les arrangements.

C’est vraiment un travail d’équipe, un échange entre mon producteur et moimême. Je compose exclusivement à la guitare et on se met d’accord avec mon producteur sur les arrangements qui vont venir derrière. Il me propose des choses, je lui dis ce qui me plaît et ce qui ne

As-tu déjà beaucoup de chansons en stock pour ton premier album à venir ? Oui.

me plait pas et on essaye d’aller dans la même direction.

Parmi toutes, comment choisis-tu celles qui seront sur ton futur premier album ? Avec ton producteur, avezvous une ligne directrice

Là encore, je travaille vraiment en colla-

lorsque vous habillez une

boration et par rapport aux arrangements

maquette ?

qui ont été faits. En fonction des arrangements, on ressent qu’un titre a plus de

Pas du tout. On essaye

potentiel qu’un autre.

des choses et on voit au fil du temps ce qui correspond le mieux aux morceaux. On est assez d’accord donc c’est chouette.

Lorsqu’une chanson n’est pas retenue, la gardes-tu pour la retravailler ou t’en débarrasses-tu définitivement ? Cela dépend. Certaines sont à jeter et d’autres sont peut-être à retravailler pour

La maquette Live For Now qui

plus tard.

figure sur ton EP permet justement d’entendre la base guitare/voix de tes compositions. Ce son te ressemble-t-il davantage que les autres ? C’est sûr que ma musique ressemble 75


Tes chansons reflètent une certaine maturité

Oui et, du coup, ils pensent que c’est

vocale. D’où te vient cette maîtrise du chant ?

bien que quelqu’un fasse enfin quelque

Je ne sais pas vraiment (rires). J’ai toujours été autodidacte au niveau du chant,

chose de différent de ce qu’ils ont l’habitude d’entendre là-bas.

c’est quelque chose que j’ai vraiment travaillé toute seule. En postant mes vidéos au fur et à mesure, j’essayais de m’améliorer.

Lorsque tu es passée du statut d’artiste web à celui d’artiste en maison de disques, qu’est-ce qui a le plus changé dans ton quotidien ? Tout ce que j’ai à faire : la promo-

Quand tu fais une reprise, quel est ton

tion, les enregistrements en studio, les

mode opératoire ?

concerts…

J’essaye vraiment de proposer une reprise à ma sauce et de faire en sorte que ce ne soit pas de l’imitation. Vois-tu ces aspects du métier comme une forme de contrainte ? Non. J’ai juste dû quitter mon île mais je As-tu déjà eu des retours d’artistes dont tu as

n’ai pas de pression et j’aime ce que je

repris des chansons ?

fais tant que cela me plaît.

Quand j’ai repris Halcyon Birds de Broken Back, il avait commenté ma vidéo en disant qu’elle lui avait plu et cela m’a fait plaisir.

Depuis que tu as commencé à rencontrer des journalistes, y a-t-il une question à laquelle tu es lassée de répondre ? Oui : « Comment définirais-tu ton style

Tu es originaire de la Réunion. La plupart

musical ? ». Je trouve que, maintenant,

des artistes qui en viennent proposent une

dans la musique, on peut moins classer

musique locale, à l’inverse de la tienne. Te

les sons dans des genres.

voit-on, là-bas, comme un ovni ?

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LA FILLE QUI REND BLIND

KATIA

by Franรงois Berthier



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