Limites de la gamification appliquée au marketing, pour une proposition de real-gamification.

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Sylvain Paley

La Règle du jeu

1. LA RELATION ENTRE L’HOMME, LE JEU ET LA SOCIETE 1.1 LES VERTUS UNIVERSELLES DU JEU

Jusqu‟au XVIIème siècle, l‟activité de jeu n‟était pas considéré comme digne ou vertueuse. Pourtant certains philosophes de l‟antiquité se sont placés malgré eux dans des situations paradoxales. Pour Aristote, l‟accès à l‟eudaimonia (le bonheur ultime, qui apparait à la fin de la vie) doit se faire au moyen d‟une activité très particulière, l‟energeia. Cette activité se distingue des activités utilitaires, que l‟on pratique pour atteindre un objectif qui est autre que l‟activité en elle-même. L‟energeia est une autre sorte d‟activité qui se suffit à ellemême, qui possède sa propre fin. Aristote propose alors de pratiquer l‟action vertueuse, car celui qui agit vertueusement fait ce qui est souhaitable en soi. Mais Aristote est alors obligé de clarifier une situation confuse : le joueur, lorsqu‟il s‟adonne à sa pratique, ne cherche que le plaisir du jeu en lui-même, la cause finale du jeu est le jeu lui-même.

Ce n‟est donc pas dans le jeu que consiste le bonheur. Il serait en effet étrange que la fin de l‟homme fût le jeu, et qu‟on dû se donner du tracas et du mal pendant toute sa vie afin de pouvoir s‟amuser !98

L‟objectif d‟Aristote est de disqualifier le jeu, de lui ôter toute chance d‟être une energeia. Le jeu est considéré comme futile et puéril, il est douloureux pour Aristote de penser que l‟on puisse se tuer à la tâche toute sa vie pour accéder à cette sorte de plaisir évanescent qu‟est le divertissement. C‟est ainsi que le philosophe va opérer un subtil retournement : le jeu – considéré comme une fin en soi – ne serait en fait qu‟un délassement du corps et de l‟esprit entre deux activités. D‟activité se suffisant à elle-même, le jeu passe à non-activité, à repos ayant – finalement – un objectif qui ne se suffit plus à lui-même : celui de préparer le corps et l‟esprit à l‟activité. L‟argumentation d‟Aristote sur le jeu laissera des traces indélébiles dans l‟esprit de ses successeurs : le jeu sera assimilé pendant très longtemps à des plaisirs puérils, voire aux plaisirs du corps. On considérera également que l‟homme obsédé par le jeu en vient à négliger tous les autres aspects de la vie. Mais dans sa rigueur, Aristote a préparé le terrain des philosophes du XVIIIème siècle : sa démarche de justification

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Aristote, Éthique à Nicomaque, Livre X (Vrin, 1979) trad. J. Tricot

Master 2 CSM CELSA

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2011-2012


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