Surexposer #2

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interpeller

rapport à la ville, mais face à l’homme, pour qu’elle reprenne sa place vis-à-vis de lui. Vous avez fait du vert votre signature. Pourquoi ce choix ? Bizarrement, le choix du vert ne s’est pas du tout fait en lien avec la nature. En fait, je n’ai jamais considéré la couleur verte en tant que telle mais plutôt dans le but de mettre en valeur certains éléments. Un peu comme si l’on venait surligner au feutre stabilo un objet sur un schéma en noir et blanc. On peut aussi y voir une référence à Yves Klein [NDLR : plasticien français connu entre autres pour son bleu qu’il appliqua sur nombre de ses œuvres]. En tout cas, plus que le fait de n’utiliser que le vert, j’aime surtout l’idée que ce soit devenu ma propre couleur. Il y a souvent une dimension violente dans vos créations. Est-ce le reflet de la façon dont vous percevez notre époque ? Bien sûr. Mais la perception de la violence est quelque chose de bien subjectif. Personnellement, je suis plus choqué par ce que je vois au journal télévisé de 20h que par mes toiles ou mes réalisations sur les murs. J’ai tendance à considérer que mon travail est plus axé sur la provocation que sur la violence, si tant est qu’il puisse susciter une quelconque réaction. Quand je vois ce que l’on nous sert tous les jours, il faudrait aller loin aujourd’hui pour parvenir à être vraiment agressif ou violent ! Comment choisissez-vous les murs et panneaux publicitaires sur lesquels vous collez vos créations ? Il y a souvent un long travail de repérage. Je suis notamment attentif à la texture des murs. J’aime utiliser ceux qui serviront mes collages. Le grand avantage de la rue, par rapport à une toile, c’est que l’environnement est déjà là et que l’on peut jouer avec et créer ainsi quelque chose qui a du sens. En tout cas, le choix du mur conditionne à 50% le résultat final. Et pour ça, j’avoue que Google Map est devenu mon meilleur ami ! Vous faites attention à préserver votre anonymat. Est-ce pour conserver toute liberté dans votre démarche ? D’abord, je préfère que les gens s’attardent sur mon 56

travail plutôt que sur ma dernière paire de baskets ! Et en effet, j’aime garder une certaine liberté, un peu comme un détachement entre mes deux identités. Avez-vous parfois des problèmes avec les autorités ? Il m’est arrivé quelques soucis… Mais je ne vais pas m’en vanter ! A l’étranger surtout. Aux Etats-Unis notamment, c’est très compliqué… Vos collages sur les panneaux ou les abribus ont une durée de vie parfois très limitée. Cette dimension éphémère est-elle frustrante ou considérez-vous qu’elle fait partie du jeu ? Oui, cela fait partie du jeu et à vrai dire, je ne me suis jamais posé la question d’une éventuelle frustration. Je considère le travail que je fais dans la rue comme un acte spontané qui n’a pas de raison d’exister en tant que décoration… Je ne vois vraiment pas d’intérêt à considérer ce que je crée comme une fresque servant à décorer une énième façade d’immeuble… Pour moi, la rue est d’abord un laboratoire qui me permet de tester en continu des idées, qui existeront peut-être après dans le travail que je fais pour les galeries. Dans votre projet « co-branding », vous détournez les publicités de grandes marques. Pourquoi ces détournements ? Lorsque j’ai lancé le concept de « co-branding » - ou plutôt de mon « co-branding » ! - c’était d’abord en réaction à l’aspect ultra-esthétisant des publicités dans la rue, en particulier celles pour les marques de vêtements et les objets de luxe. J’ai constaté que la dimension esthétique de ces pubs est telle qu’elles deviennent des objets qui n’ont plus de sens, juste enfermés dans leurs boîtes métalliques. Je me suis demandé jusqu’à quel point la pub s’adresse vraiment au public. Répond-elle à un vrai besoin ? Est-elle juste là pour susciter l’envie chez des gens qui en ont les moyens - ou pas - et créer ainsi des castes ? Dans quelle mesure ces affiches nous touchent-elles et comment les perçoit-on ? Les visuels utilisés sont-ils dénués de sens pour nous obliger à les idéaliser ? Ou bien la surabondance d’images nous rend-elle hermétique à tout ? En réponse à tout ça, j’ai eu envie de créer mes propres affiches en partant de mon travail et en y associant des logos. Des affiches


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