Surexposer #2

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S'habilleR

Jocelyn Armel, prince de la sape Impossible de le manquer. Même de loin, on le repère tout de suite. Chapeau vissé sur la tête, costume trois pièces aux couleurs éclatantes : Jocelyn Armel Bizaut Bindickou dit « Le Bachelor » n’a pas manqué cette fois encore son arrivée rue de Panama. Véritable figure du quartier de la Goutte d’Or, ce franco-congolais de 51 ans, parisien d’adoption depuis presque quatre décennies, a ouvert en 2005, Connivences, boutique de vêtements de la marque éponyme qu’il a créée en 1998. Depuis, une seconde boutique a vu le jour rue Caulaincourt, toujours dans le 18ème mais en terre « bobo » cette fois. Connivences ou « l’ar t de faire chanter les couleurs ». A coup sûr, le slogan de la maison sait tenir ses promesses. Costumes rayés rouges et blancs, vestes jaune citron ou fuchsia doublées en soie ou cravates aux imprimés multiples. Le tout « made in Italy » dans des coupes impeccables. Jocelyn Armel assure lui-même la direction artistique de ses collections avec une attention toute particulière portée aux finitions. « J’ai le sens du détail : les doublures, les surpiqûres,… C’est ça qui fait la différence ! » dit-il l’œil malicieux. Un savoir-faire que ce tchatcheur à la verve communicative a acquis chez le couturier Daniel Hechter où il a fait ses classes de « supervendeur » pendant six ans, après son master de gestion dans une école parisienne. C’est d’ailleurs en constatant que certains clients, africains notamment, ne trouvaient pas toujours les couleurs qu’ils souhaitaient que cet amoureux du tissu a eu l’idée de lancer sa propre marque. Revendiquant une autre approche de l’élégance, Connivences se démarque définitivement de ses 50

consœurs parisiennes. « Nous sommes dans une société qui veut tout normer mais qui a dit que le noir et le bleu marine étaient la norme ? Chacun peut avoir sa propre définition de l’élégance ! » explique Jocelyn Armel, précisant au passage que sa passion des vêtements n’équivaut pas pour autant à une fascination frénétique pour les marques. « S’habiller, c’est d’abord fouiner, chiner. La sape, c’est d’abord ça ! » Sape, le mot est lâché ! Et Jocelyn Armel se fait un plaisir d’en donner sa définition personnelle : « La sape, c’est l’élégance bien sûr mais c’est aussi l’amour de soi et l’amour des autres. Car comment aimer l’autre, si je ne m’aime pas ? Certains peuvent peutêtre gérer ce paradoxe. Libre à eux mais moi, je ne peux pas ! Aimer les autres, c’est leur donner ce qu’on a de beau. » Commentant sa tenue du jour, il poursuit non sans humour : « Avec un costume comme celui-là, je peux réveiller un cadavre ! Mes amis, je vous le dis comme je le pense : si on ne veut pas être vu, autant ne pas naître ! » Dans ses boutiques, Jocelyn Armel habille aussi bien les sapeurs à l’affût permanent de nouveautés, que les ouvriers de la banlieue parisienne en quête d’une tenue chic ou des artistes. « J’habille beaucoup les africains mais pas seulement. On vient de partout me voir. Même de Monaco ! » En fond d’écran de son ordinateur, une photo de cinq trentenaires posant devant un château et habillés de la tête aux pieds par Connivences. « Ce sont des français. Ils sont habillés en bleu marine la semaine mais là, ils étaient invités à un mariage. Et beaux comme ça, je peux vous dire qu’ils ont piqué la vedette aux mariés ! » Futile la sape ? D’un revers de la main, Jocelyn Armel balaie l’argument. « S’habiller et habiller les autres, c’est


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