Etang thau

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Je dédie ce livre à ma famille Monique, Aurélie, Walter, Mélanie, Cyril, Zora, Naïs, Noa, Ely, Margot, ainsi qu'à mes amis et mes compagnons d’aventures sous-marine.



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Sommaire

Introduction Annie Castaldo, conchylicultrice, Marseillan Michel Dupuis, artiste/peintre, Mèze Pierre Maigre, défenseur des oiseaux, Villeveyrac Jean-Marc et Agnès Blanc, club de plongée, Sète Guy Bastide, historien, Mèze Claudia Azaïs Négri, pêcheuse, Marseillan Michel Izoird, ancien pêcheur, Pointe Courte - Sète Et tantôt DESSUS & tantôt DESSOUS... Biographie des auteurs Remerciements

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Sur les bords de ma méditerranée je suis né. Devant les envoûtantes images sous-marine du célèbre commandant j’ai grandi. Petit garçon rêveur, je dévore les revues et journaux à la recherche de l’image tant attendue, que je découpe et colle avec tant de soin, dans mon précieux cahier. Et l’envie de plus en plus grande d’explorer à mon tour ces eaux si ensorcelantes, m’envahie. La vie passe mais le rêve reste. Rêve qui devient réalité lorsque de nombreuses années plus tard se présente, enfin, l’opportunité d’effectuer ma première plongée en scaphandre autonome accompagné d’un moniteur. Je rentre dans l’image, je découvre la vie sous la surface, et plus jamais ne me quittent mes palmes. Océans et mers du monde, lacs et rivières de ma campagne, étang de mes vacances en famille, tous ces univers je m’en vais découvrir. Puis viens le besoin de partager ces couleurs, cette vie, ces émotions que représentent pour moi ces mondes sous-marins. Je dois immortaliser cet instant, où cette faune et cette flore sous marine, si riches et si belles, s’offrent à moi, pour le revivre, pour l’offrir à d’autres. Le néoprène devient mon plus bel apparat et mon caisson étanche mon accessoire, et c’est ainsi que je pénètre dans ces profondeurs, pour saisir l’image et transmettre mon émotion. Cela fait trente ans que je profite de ce que m’offrent ces eaux si douces ou si salées, si fragiles et innocentes mais sans cesse agressées. Et tel le vieux proverbe indien le dit : « L’homme n’est pas né sur Terre pour corriger la nature, mais pour en être le fidèle gardien. » Avec cet ouvrage, peut-être qu’à son tour, un petit garçon devant les images de cet étang enchanteur, voudra bien en devenir lui aussi le gardien. Denis PORACCHIA

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Le bassin de Thau est une curiosité géographique. C’est une petite mer intérieure de soixante-quinze kilomètres carrés, qui constitue aussi l’étang le plus important du Languedoc-Roussillon. Les historiens estiment que sa formation s’est produite onze ou douze mille ans avant notre ère et que la bande de terre longeant la mer n’a définitivement relié le mont Saint-Clair qu’à l’époque romaine. Toujours est-il que cette étendue d’eau, reliée à la Méditerranée que par trois minces graux naturels, constitue un milieu naturel tout à fait particulier. Le bassin est alimenté à la fois par l’eau de mer qui assure la salinité mais aussi par les eaux de ruissellement depuis l’arrière-pays et qui amènent quelque deux cents millions de mètres cubes d’eau douce, eux-mêmes porteurs de sédiments et de minerais divers. Cette singularité explique la richesse de son écosystème, différent de celui de la mer. Ici la nature qui se développe en vase clos produit une faune et une flore extrêmement denses, mais en modèle réduit. Pour les plongeurs et les scientifiques, Thau offre le spectacle d’une nature riche et diversifiée en matière d’algues, d’anémones, de lièvres de mer, de coquillages, de poissons et de crustacés.

L’étang de Thau a commencé à attirer les humains il y a plus de 2500 ans puisque Mèze fut fondée au VIe siècle avant notre ère. Cette vaste étendue d’eau salée constituait pour les populations riveraines une source d’approvisionnement régulière en poisson et dès les origines on y cultivait aussi modestement les huîtres. Malgré des tempêtes qui, de temps à autre, traversent l’étang, on pouvait y naviguer toute l’année, à l’abri des déchaînements de la Méditerranée. Le bassin de Thau a donc été depuis les débuts le théâtre d’une activité humaine intense. Qui s’est encore accrue à la fin du XVII e siècle lorsque le canal du Midi vint y déverser son trafic de marchandise. La pêche de poisson, qui s’est toujours pratiquée sur un mode artisanal, se poursuit aujourd’hui avec des volumes nettement plus modestes. En revanche, l’ostréiculture dont l’exploitation sur une grande échelle n’a vraiment commencé que dans les années 1920, est devenue depuis un demi-siècle l’activité principale de la région. On y produit encore huit mille tonnes d’huîtres, l’étang de Thau produit actuellement dix pour cent de toutes les huîtres de France. Face aux berges de Mèze, Marseillan, Bouzigues, Loupian ou Sète, on trouve ces mystérieux parcs à huîtres qui dessinent leurs formes géométriques au milieu de l’étang, les pontons qui s’avancent depuis le rivage. Les visiteurs viennent volontiers pour le déjeuner ou le dîner faire une dégustation de coquillages à la cabane à huîtres. Quelque six cents producteurs (un ou deux de taille industrielle, les autres de niveau artisanal) continuent de travailler et d’alimenter le marché régional et parfois national. L’ostréiculture est l’un des premiers créateurs d’emploi de la région, et deux mille cinq cents personnes en vivent.

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Annie CASTALDO

conchylicultrice - Marseillan

Pour Annie Castaldo la conchyliculture est une histoire de famille – « depuis trois générations ! », proclame-t-elle. Son grand-père a été le premier à s’installer en bord d’étang, sur la commune de Marseillan dans les années 1950. Son père, après avoir appris le métier sur le tas, a pris la succession. À dix-neuf ans à peine, Annie a suivi sa voie et, à 26 ans, en 1986, a assuré la relève avec son mari. Les installations de la maison Castaldo se trouvent à la Bézarde est, entre Marseillan et Mèze. Annie se considère comme une petite exploitante, avec ses quatorze tables, ces enclos qui constituent l’unité de mesure, même si certains exploitants n’en possèdent que trois ou quatre. « Douze tables sont venues avec l’héritage de mon père, dit-elle, et nous en avons acheté deux autres. Mais pour éviter la surproduction et protéger l’environnement, nous ne faisons travailler que huit tables dans l’année, dont deux pour les moules. »

Les supports accrochés aux pieux verticaux qui se voient du rivage servent à fixer les huîtres naissantes. Après une année, on obtient des huîtres à maturité de taille petite ou moyenne (les nos 4 et 3). Si l’on va à dix-huit mois, on en obtient de grosses, les nos 0 ou 1. Dans cet espace qui paraît réduit, l’entreprise Castaldo a obtenu l’année dernière vingt tonnes d’huîtres : « C’est une mauvaise année, dit-elle, normalement on devrait arriver à trente tonnes. » Un travail physiquement éprouvant, quand il faut une fois par semaine retirer les supports pour nettoyer un à un les coquillages. Et l’été « les heures sont très longues ». Annie Castaldo est loin de se plaindre, car elle vit correctement du métier qu’elle adore, mais pour arriver à ce résultat, il faut se diversifier : elle fait de la vente aux traiteurs et restaurants, la vente au marché, et se limite au « circuit court », qui rapporte davantage au producteur. À cela elle ajoute, comme beaucoup d’exploitants, la dégustation au mas, c'est-à-dire des tablées de trente ou cinquante personnes, qui viennent déjeuner ou dîner à la Bézargue pendant la belle saison.

Le principal ennemi pour les ostréiculteurs de Thau – qui sont au nombre de 600 et qui produisent 10% de l’ensemble des huîtres françaises – ce sont les virus. Pour les contrer, on a remplacé les espèces existantes par des huîtres… japonaises, qui étaient plus résistantes. Cela a créé des liens et Annie Castaldo, ostréicultrice, MarseillanJapon, où elle a donné trois conférences, à Tokyo et dans des ports de pêche. Elle avoue que son japonais est encore embryonnaire, mais entre ostréiculteurs on parle le même langage et on se comprend, à la condition de disposer d’un interprète. Annie Castaldo est depuis longtemps une personnalité marquante sur le bassin de Thau. Elle a mené un combat de dix ans qui a mené à la reconnaissance en 2006 des droits des femmes de producteurs, jusque-là privées de toute reconnaissance professionnelle, et continue la lutte pour faire recaonnaître ce statut au niveau européen. Elle participe activement à la vie associative pour la défense de l’ostréiculture traditionnelle. À 54 ans, Annie est une concylicultrice fort acftive et très heureuse.

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Michel DUPUIS

Artiste/Peintre - Mèze

Arrivé en 2011 à Mèze, l’artiste-peintre Michel Dupuis mène la vie qu’il avait toujours voulu vivre. Juste derrière le port, il a Installé dans une petite rue tranquille un local qui lui sert à la fois d’atelier et de salle d’exposition/vente. Pendant la belle saison, il y a beaucoup de passage, ce dont il ne se plaint pas. Le reste de l’année, il a tout son temps pour accumuler les toiles petites, moyennes ou grandes et peindre son sujet de prédilection : l’étang de Thau, ses activités de pêche et ses parcs à huîtres, ses paysages au soleil couchant, le port de Mèze avec ses voiliers amarrés, la foule des visiteurs. Né à Roanne, dans la région lyonnaise, Dupuis s’est retrouvé par les hasards de la vie salarié au ministère de la Défense. Mais il a toujours eu la passion de la peinture : «Je peignais pour moi, en amateur, et je participais à des expositions régionales. En 2010, j’étais en poste à Orléans, lorsque j’ai choisi de démissionner de mon travail pour réaliser mon rêve : m’installer au bord de la mer et au soleil. J’ai trouvé à Mèze mon petit coin de paradis. » Il cherchait le bord de mer. Mais pour lui le bassin de Thau est un bord de mer avec quelque chose en plus, car les activités humaines structurent le paysage : « Le soir le mont Saint-Clair s’illumine à l’horizon, donnant un sens à ce grand espace. Sur cette petite mer intérieure, les bateaux de pêcheurs vont et viennent. Les alignements

des parcs à huîtres dessinent des formes géométriques sur l’eau. Entre Marseillan et Bouzigues, je trouve au milieu de nulle part des mas d’ostréiculteurs, avec ces pontons qui s’avancent vers le milieu de l’étang. Selon l’heure de la journée, les parcs à huîtres ont une couleur très sombre, puis ocre, puis blanc immaculé. L’étang de Thau et ses abords constituent un spectacle sans cesse renouvelé. » Avec habileté, Michel Dupuis faisait auparavant des tableaux hyperréalistes sur des sujets modernes et urbains. Depuis son arrivée à Mèze, il a évolué vers un autre style, une sorte de flou artistique très élaboré où les détails apparaissent de loin comme dans un halo de brume. Dans son atelier de la rue du docteur Magne, Michel Dupuis mène une vie heureuse – et prospère – à proximité des paysages qu’il préfère. « Je ne m’ennuie jamais », dit-il.

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Pierre MAIGRE

Président LPO - Villeveyrac

Changement de décor. Pierre Maigre était directeur de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Sète où il a travaillé toute sa vie avant de prendre tout récemment sa retraite. On le retrouve aujourd’hui au milieu de la garrigue, au Centre Régional de Sauvegarde de la Faune Sauvage animé par la Ligue pour la Protection des Oiseaux, dans des bâtiments garantis cent pour cent écologiques sur la route de Loupian dans la commune de Villeveyrac. Pierre Maigre s’est toujours passionné pour les oiseaux même s’il s’empresse de préciser que la LPO, présidée par le médiatique Allain Bougrain Dubourg, et qui a célébré en 2012 son centenaire, s’occupe désormais de la protection de l’ensemble de la biodiversité. Mais sa « clientèle », si l’on ose dire, reste pour l’essentiel composée de volatiles. « Sur les mille sept cents animaux blessés ou malades qu’on nous apporte dans une année, dit Pierre Maigre, 95% sont des oiseaux. » Dans les « salles de soin » réservées au personnel, de jeunes stagiaires sont en train de nourrir des oisillons ou de veiller sur des oiseaux en convalescence. À l’extérieur, des pensionnaires à peu près guéris et qu’on a placés dans de vastes volières en attendant de les relâcher. Parmi eux, cinq impressionnants Vautours fauves qui s’étaient perdus en s’aventurant loin de leurs falaises. Le plus grand a une envergure de deux mètres quatre vingts. On leur donne l’équivalent

d’un lapin (mort) chaque jour. « Parfois, ce sont les policiers ou les pompiers qui nous appellent, parfois de simples particuliers qui ont trouvé un oiseau blessé ou épuisé par une longue errance. » La LPO de l’Hérault, qui existe de manière autonome depuis 2006, est désormais l’une des plus actives en France au niveau départemental. M. Maigre sait tout – ou presque – sur la faune du bassin de Thau, ses nombreuses espèces, les 35000 oiseaux déjà bagués par ses soins mais aussi les vingt couples de Pies grièches à poitrine rose, une espèce menacée qui, chaque année, part d’Afrique du sud pour venir passer trois mois en Hérault et plus particulièrement dans la région de Villeveyrac. Sans oublier le Faucon pèlerin venu d’Europe du nord et qui depuis des années vient en solitaire prendre ses quartiers d’hiver avenue Victor Hugo à Sète ! Au Centre de sauvegarde, on a aménagé un parcours pédagogique au bénéfice des curieux et des groupes scolaires. On apprend aux visiteurs à reconnaître une quinzaine d’oiseaux parmi les plus courants dans la région. On montre les petites cabanes (nichoirs) construites dans les arbres, et où des couples d’oiseaux sont venus spontanément construire leur nid. Et on raconte l’histoire de cette Cigogne blanche tombée du nid, qu’on avait soignée, installée dans une volière, puis dans un nid « artificiel », avant de la voir repartir vivre sa vie dans le vaste monde.

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Echasse blanche avec ses poussins

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Mouettes rieuses et canards


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Mouette rieuse (adulte, plumage hivernal)

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Grand cormoran (adulte)

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Flamants roses paradant

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Mouettes rieuses (adultes en vol, plumage hivernal)


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Jean-Marc & Agnès BLANC

Club de plongée - Sète

Jean-Marc Blanc a toujours été proche des milieux de marins. Mais ce qui l’attirait c’était la Méditerranée. Il est arrivé à Sète il y a une trentaine d’années pour suivre une formation de plongeur au lycée de la mer de la pointe du Barrou. Ayant reçu son diplôme il est devenu à son tour instructeur de plongée au milieu des années quatre-vingts. Il a contribué notamment à former des candidats à l’ostréiculture en haute mer, là où il faut un équipement avec bouteilles pour entretenir les filières conchylicoles en eaux profondes. En 1994, avec sa femme Agnès, il amarre son bateau de neuf mètres, le Souras Bas, au quai de la Consigne dans le port de Sète et crée un club de plongée, Aqua Sète, tout en poursuivant son activité d’instructeur au lycée de la mer. L’aventure d’Aqua Sète à duré près de vingt ans, à raison de quelque trois mille plongées par an, à la fois en haute mer et en étang. Parmi les usagers, un tiers d’élèves du lycée de la mer, un autre tiers de spécialistes de la biologie marine, et un tiers d’amateurs de photos sous-marines. « La plongée dans l’étang de Thau est quelque chose de très spécial, dit Jean-Marc Blanc. En haute mer, par exemple en Corse, le plongeur voit à cinquante mètres. Dans l’étang, on voit tout juste deux mètres devant soi. Mais la biodiversité est extraordinaire. Comme il s’agit d’un milieu aquatique fermé, on trouve une densité

exceptionnelle d’espèces. Il suffit de bouger la tête, de porter son regard à gauche ou à droite pour saisir un autre paysage. Thau, c’est un univers sous-marin en modèle réduit, où l’on trouve une diversité incroyable de limaces, de mollusques, d’annelides, d’arthropodes, des hippocampes en nombre ainsi que des espèces rares, tel le blennie paon. » Agnès Blanc est née et a passé sa vie en bord de mer, mais est tombée amoureux de cette mer fermée. Sous l’eau, on trouve une extraordinaire diversité de vie et de couleurs. À la surface, il y a cette masse aquatique apparemment calme quadrillée sur sa partie centrale par les parcs à huîtres et qui se cabre les jours de tempête. « Il y a une musique particulière à l’étang de Thau , dit-elle. Quand il y a du vent, on n’entend que lui, comme en mer. Mais quand il y a la pétole, cette absence totale de vent, l’étang devient une formidable caisse de résonnance, où l’on entend à des kilomètres de distance un cri d’oiseau, le saut d’un poisson, des bribes de conversation. L’étang est un lieu de pêche, de loisir, c’est aussi un lieu de rêverie. »

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Guy BASTIDE

Historien - Mèze

Guy Bastide est un enfant du pays. Son père était un pêcheur d’étang qui a pris sa retraite en 1980. Entré aux Services culturels de la ville de Mèze en 1988, c’est un passionné d’histoire de sa ville et du bassin de Thau. Il collabore à des ouvrages historiques et, surtout, consacre beaucoup de temps à faire le guide pour des visiteurs, des touristes et des groupes scolaires. Il fait visiter le château de Girard, un magnifique bâtiment du XVII e siècle, l’église Saint-Hilaire, qui date du XV e, et la chapelle des Pénitents, dont la construction date du XIIe siècle, sur l’emplacement d’un ancien temple grec. Mèze a sans doute été détrônée de son rang de métropole sur l’étang de Thau par la ville de Sète, surtout à partir du XIX e siècle, mais elle garde le privilège de l’ancienneté, ayant le même âge que la ville d’Agde, qui date du VII e siècle avant l’ère chrétienne. « La première colonie de peuplement, explique Guy Bastide, venait de Marseille et se composait de Phéniciens. Ils furent plus tard remplacés par des Grecs, puis des Romains. Dès cette époque, la localité vivait de la vigne et de la pêche, mais on sait que les Romains s’adonnaient également à la culture des huîtres. Pendant plus de vingt siècles, Mèze fut le grand port de commerce de l’étang, et connut un essor supplémentaire après la construction du canal du Midi. À partir du 13e siècle, c’était un centre important de mégisserie et de commerce des alcools. »

Lors de ses visites, Guy Bastide raconte cette longue histoire glorieuse, les bateaux qui faisaient la navette sur l’étang, les bateauxbœufs, des barges à fond plat, où l’on entassait les tonneaux. La ville de Mèze, qui compte aujourd’hui douze mille habitants fut pendant des siècles la ville la plus importante sur l’étang de Thau. Les bateaux venaient s’y mettre à l’abri des tempêtes de mer. Les ateliers de tonnellerie furent les plus importants de la région et employèrent jusqu’à cinq cents ouvriers. L’économie locale a connu de profondes mutations depuis cette époque, mais la ville reste axée sur ses deux activités de toujours : la vigne et la pêche.

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Claudia Azaïs Négri

Pêcheuse - Marseillan

Pour être pêcheur d’étang, il faut du courage, et Claudia Azaïs Négri, qui a commencé à travailler à seize ans, en 1987, en a à revendre. « Cela nous fait des journées de travail de quatorze heures, dit-elle en haussant les épaules. Les seules périodes de repos, c’est quand il y a sur l’étang une tempête qui nous empêche de sortir. » Fille de pêcheur, elle s’était tournée vers le transport de touristes, avait obtenu une licence de pilote et acheté un bateau. « Quand j’ai eu fini de payer le bateau, dit-elle, les normes européennes ont changé et je n’avais plus le droit de l’utiliser sur l’étang. J’ai dû le revendre pour une misère à un collègue qui avait la même activité, mais en eau douce, sur la Marne. J’ai repris la pêche à la fin des années quatre-vingt-dix. » Claudia, qui travaille avec une salariée, pêche tout ce qui s’attrape au filet. Il y a le poisson, principalement la daurade, mais aussi le muge ou le loup. « J’ai abandonné ma licence pour l’anguille, dit-elle, à cause des réglementations qui interdisent sa pêche six mois par année. » Il y a aussi la crevette, la seiche, l’encornet, qui se pêchent avec des filets plus resserrés en forme de nasse. Tous les soirs, avant le coucher du soleil, Claudia et sa « matelote » posent leurs filets qu’elles retireront le lendemain matin à l’aube. Des filets à l’horizontale qui forment un mur

long de cinq cents mètres, flottant et lesté par le fond. Une autre technique consiste à encercler un parc à huîtres d’un filet long de trois cents mètres et à effrayer les daurades qui viennent s’y emprisonner. Les résultats sont très variables. Certains jours, on ne ramène que trois kilos de poisson. Exceptionnellement, on arrive à dix kilos ou davantage. La moyenne se situe autour de cinq ou six kilos. Claudia Azaïs Négri ne pourrait en vivre si elle n’en faisait pas en même temps le commerce. Trois matinées par semaine, aux halles de Marseillan, elle vend sa pêche du jour ainsi que des poissons qu’elle commande à des grossistes de la Méditerranée et de l’Atlantique. Elle prépare des paniers-« surprise » de poissons à quinze euros que s’arrachent ses clients réguliers et sur Internet. Seule femme professionnelle dans un milieu masculin, Claudia exerce également la fonction de prud’homme pour les vingt-deux pêcheurs de Marseillan et a accepté de figurer sur la liste du maire sortant pour les élections municipales de mars 2014, en tant que déléguée aux ports : « Je ne fais pas de politique, dit-elle, j’y vais pour défendre les intérêts des pêcheurs d’étang. »

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Michel Izoird Ancien pêcheur - Pointe courte , Sète

Michel Izoird est une figure quasi-historique du quartier, un « pointu » par excellence. Comme la plupart des gamins de l’époque, il apparaît dans le film d’Agnès Varda, La Pointe courte. Il avait cinq ans et se souvient aujourd’hui encore des projections en plein air des rushes. Sur l’une des rares cartes postales des années 1910, on reconnaît sa grand-mère, qui tenait dans ses bras l’une de ses tantes. Débarqué on ne sait pourquoi dans ce quartier de pêcheurs, son grand-père Louis Izoird était un pianiste de cinéma muet, dont le frère avait composé la musique d’un célèbre tube de l’époque, La caissière du grand café. Son père pratiqua la pêche toute sa vie. Dès l’adolescence, chacun des quatre fils embarquait avec lui, l’assistait et apprenait le métier. Quand il rentrait du « régiment », le fils au début de la vingtaine devenait à son tour patron et propriétaire de barque. Michel Izoird a été pêcheur pendant trente ans, jusqu’en 1997 où il a dû arrêter pour cause d’insuffisance rénale. « On pêchait de tout, dit-il. Pour le poisson, on travaillait surtout au filet, mais également à la battue, en se déplaçant à pied pour pousser les daurades et les anguilles. Certains travaillaient de nuit « à la boîte », couchés à plat ventre sur la barque, en utilisant un projecteur et une sorte de harpon. Pour les coquillages, on se servait d’une clovissière, un instrument à long

manche qui raclait le fond de l’étang. Il y avait aussi la pêche à la drague avec des filets. C’était un métier très physique et fatigant, mais à l’époque, jusque dans les années quatre-vingts, on en vivait plutôt bien, on gagnait plus qu’un ouvrier en usine. C’est bien plus difficile aujourd’hui, et les jeunes ne reprennent plus le métier. » Entre-temps il s’est découvert une vocation d’artiste. Le peintre Pierre François, du groupe Sète-Montpellier, aujourd’hui disparu et, lui avait appris le métier. À son tour il s’est mis à peindre à sa manière de vieux pavois abîmés. Après quoi il a commencé à créer avec des bouts de bois et de pinces à linge des scènes de joutes en miniature. Il y a dans ses placards de nombreuses barques colorées avec des jouteurs. Sur le haut d’une armoire une pièce longue d’un mètre cinquante : c’est le défilé des jouteurs, qui compte plus de cent cinquante figurines. Michel Izoird n’en fait pas commerce. Il les garde pour lui ou les offre en cadeau. Michel Izoird ne pêche plus, mais il a la nostalgie. Sous ses fenêtres, il aperçoit la maison où jadis la famille vendait des produits de pêche. Les pêcheurs d’étang en activité sont de moins en moins nombreux. C’était mieux avant, bien entendu.

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HIPPOCAMPE (Hippocampus) Ce poisson appelé plus communément «cheval de mer» mesure entre 6 et 15 cm selon les espèces. On le trouve parmi les algues ou parmi les herbiers de posidonies ou de zostères sur lesquels il peut s’accrocher avec sa queue. Les œufs sont déposés par la femelle dans la poche ventrale du mâle où ils seront stockés jusqu’à éclosion des larves.

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SEICHE (Sepia officinalis) Ce mollusque de la classe des Céphalopodes (même famille que les poulpes et les calamars) peut atteindre une 40aine de centimètres. En cas de danger la seiche peut expulser un nuage d’encre (sepia) pour se dissimuler. La seiche se fond par mimétisme dans le milieu environnant grâce aux nombreuses cellules pigmentaires de son manteau.


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SPIROGRAPHE (Spirographis spallanzanii) Plus grand des vers tubicoles de méditerranée, pouvant mesurer jusqu’à 35 cm, son corps est situé dans un tube mou composé de mucus et de sable. La couronne tentaculaire de couleur variable peut atteindre 15 cm. A la moindre alerte, les spirographes, très sensibles aux vibrations, se retirent dans leur tube. 127


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CLAVELINES ( Calvelina lepadiformis) Cet animal de la classe des Ascidies peut mesure jusqu’à 3 cm. Les individus sont réunis à la base par un stolon et sont groupés en colonies de plusieurs centaines d’individus formant ainsi de véritables bouquets.

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DORIS MARBREE (Dendrodoris limbata) De couleur extrêmement variable, avec de petites tâches foncées sur le dos et un liseré jaune qui entoure le manteau, cette limace se nourrit essentiellement d’éponges. Taille de 7 à 10 cm.

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AURELIE (Aurelia aurita) Méduse peu urticante pouvant atteindre 40 cm de diamètre. Les 4 «oreilles» en forme de fer à cheval (photo de gauche) sont en fait ses organes sexuels. 133


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HOLOTHURIE LECHE-DOIGTS (Ocnus planci) Petite holothurie, de 10 à 15 cm de long et de 3 à 4 cm de diamètre, sa peau à l’aspect et le toucher d’un cuir épais et mou. Elle se nourrit en léchant ses tentacules buccaux arborescents.

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BLENNIE-PAON

(Salaria pavo)

D’une taille maximale de 13 cm, la blennie-paon vit dans des eaux peu profondes sur les rochers ou le sédiment. Cette espèce se distingue par un ocelle cerclé de bleu derrière l’œil. Le mâle est reconnaissable par ses couleurs plus vives et une crête sur la tête.

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LIÈVRE DE MER MOUCHETÉ (Aplysia punctata) Cet herbivore, auquel les rhinophores en forme d’oreilles de lièvre ont donné son nom, peut mesurer jusqu’à 20 cm. Il se trouve dans les algues ou les herbiers à faible profondeur. Sa ponte ressemble à un plat de spaghettis.

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Denis PORACCHIA Depuis plus de 30 ans, Denis Poracchia passe la plus grande partie de son temps libre sous l’eau et le plus souvent en eau douce... Que ce soit pour des reportages vidéos diffusés sur SEASONS, ou photographe de plateau et régisseur pour le cinéma... Denis nous fait partager sa passion pour la nature à travers l’image et en particulier par la photographie.

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Louis-Bernard ROBITAILLE Écrivain et journaliste québécois, auteur de plusieurs romans, est installé à Sète depuis plus de vingt-cinq ans. Correspondant du journal canadien La Presse, il relate l’actualité française et notamment, les péripéties de la classe politique.

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REMERCIEMENTS Je tiens à remercier toutes les personnes qui m'ont accompagné pour cette aventure de livre et en particulier Danièle Letelier, Michel Martin, Marlène Crespel, Claude Azaïs, Sébastien Mespoulede, Mael Delon-le-digarcher, Regis Deltour, Jean-Pierre Revel et tous mes compagnons de plongée...

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Editions Au fil du Temps Route de Trinquies 12 330 SOUYRI (France) www.fil-du-temps.com

Direction artistique : SICHI Stéphane Relecture : GALIBERT Jacques Dépôt Légal : Mars 2014 Achevé d’imprimer en Février 2014 sur les presses de NOVOprint - Espagne N° ISBN : 978-2-918298-46-5





« L’homme n’est pas né sur Terre pour corriger la nature, mais pour en être le fidèle gardien.» Proverbe indien Le bassin de Thau est une curiosité géographique. C’est une petite mer intérieure de soixantequinze kilomètres carrés, qui constitue aussi l’étang le plus important du Languedoc-Roussillon. Les historiens estiment que sa formation s’est produite onze ou douze mille ans avant notre ère et que la bande de terre longeant la mer n’a rejoint le mont Saint-Clair qu’à l’époque romaine. Toujours est-il que cette étendue d’eau, reliée à la Méditerranée que par trois minces graus naturels, constitue un milieu naturel tout à fait particulier. Ce livre va vous faire découvrir la richesse de son écosystème, différent de celui de la mer. Ici la nature qui se développe en vase clos produit une faune et une flore extrêmement denses, mais en modèle réduit. Pour les plongeurs et les scientifiques, Thau offre le spectacle d’une nature riche et diversifiée en matière d’algues, de limaces, de coquillages et de crustacés. A travers des rencontres et des portaits de personnalités emblematiques de l’étang racontés par LouisBernard Robitaille, des images du dessus et de dessous glanées par Denis Porrachia, vous n’aurez plus le même regard sur cette mer intérieure.

ISBN : 978-2-918298-46-5

Prix de vente : 32 €


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