Octavio Alberola

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Espagne

Le long cheminement de la « mémoire retrouvée »

Octavio Alberola

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Espagne Le long cheminement de la « mémoire retrouvée » Octavio Alberola

Octavio Alberola est anarchiste. Il est né en Espagne, à Alaior, Îles Baléares, en 1928. Aujourd'hui, il vit à Perpignan, France. En 1939, il s’exile au Mexique avec leurs parents. Dès ce moment, il commencé son militantisme anarchiste dans les Jeunesses Libertaires et à la CNT espagnole au Mexique. En 1962, il s’incorpore à l'organisation clandestine "Défense Intérieure" constitué par le Mouvement libertaire espagnol après le congrès de la CNT de 1961. Actuellement, il est un des animateurs du "Groupe pour la révision du procès Granado­ Delgado", qui depuis 1998 exige l'annulation des sentences franquistes, et du "Groupe de soutien aux libertaires et syndicalistes indépendants à Cuba" (GALSIC). Infatigable, il collabore également à d'autres initiatives libertaires en Europe. Il est un homme plein d'histoires écrites à travers d’une vie libertaire agitée et intense.

Extrait de: http://mislatacontrainfos.blogspot.com.es/2010/05 /ana‐entrevista‐octavio‐alberola.html

http://starm1919.blogspot.com.es/

http://elsetaproducciones.blogspot.com.es/

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Espagne : le long cheminement de la « mémoire retrouvée » Ce texte parut en 2004 dans le numéro 73 de la revue Matériaux pour l'histoire de notre temps, éditée par la B.D.I.C. (Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine) et dédié à « L'Espagne : la mémoire retrouvée (1975­2002) », avec cette note de la Rédaction de la Revue comme introduction : À la suite du n° 70 de Matériaux pour l’histoire de notre temps consacré à « L’Espagne : la mémoire retrouvée (1975‐2002) », l’un des acteurs de cette quête de mémoire, Octavio Alberola, animateur du Groupe pour la révision du procès Granado‐Delgado, a souhaité porter à la connaissance des lecteurs de la revue une chronologie commentée de ce lent et difficile processus de récupération mémorielle. Il s’agit notamment de mettre en évidence les étapes qui ont mené, et mènent encore, l’Espagne à gérer son passé, notamment en ce qui concerne la réhabilitation des victimes de la répression franquiste. Le procès de Francisco Granado et de Joaquín Delgado est emblématique de certaines procédures judiciaires expéditives de la période franquiste. Les deux jeunes antifranquistes, venus de France, ont été arrêtés à Madrid le 31 juillet 1963. Ils furent immédiatement accusés par un tribunal militaire d’avoir posé deux bombes qui avaient explosé deux jours auparavant, le 29 juillet ; l’une devant la Direction générale de la Sécurité, à la Puerta del Sol, faisant une vingtaine de blessés, et l’autre devant la Délégation nationale des syndicats, Paseo del Prado, ne causant que des dégâts matériels. Après une procédure expéditive (procedimiento sumarísimo), ils furent condamnés à mort le 13 août et exécutés au garrot quatre jours plus tard, le 17 août 1963, à la prison Carabanchel de Madrid. Or les deux militants anarchistes, âgés respectivement de 27 et 29 ans, étaient innocents des faits pour lesquels ils avaient été condamnés et exécutés. Rappelons qu’en cette même année 1963, le 20 avril, Julián Grimau, membre du Comité central du Parti communiste espagnol, avait été fusillé dans cette même prison pour supposés crimes de guerre. Matériaux pour l’histoire de notre temps

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La condamnation des crimes du franquisme ? Après avoir organisé sa succession, Franco se vantait de laisser « tout bien ficelé » (1), et, d’une certaine manière, les événements semblent lui avoir donné raison. Non seulement la transition du franquisme à la démocratie se fit dans le cadre de la légalité définie par les Lois fondamentales instaurées par le régime franquiste, mais cette « légalité » n’a jamais été mise en cause constitutionnellement par l’Espagne démocratique. En réalité, la Transition n’était qu’une transaction politique pour permettre à l’Espagne de s’incorporer pleinement dans l’Europe du Marché commun. Une transaction imposée en partie de l’extérieur, négociée entre franquistes forcés à accepter la démocratie et une opposition antifranquiste incapable d’exiger, et Moniz encore d’imposer, un vrai changement de régime. Ce n’est donc pas surprenant que la Transition ait produit une démocratie où le prix payé a été une amnésie historique prolongée. C’est pour cela que, pendant de nombreuses années, il a été impossible de savoir quoi que ce soit sur les crimes du franquisme. Non seulement parce que les livres d’histoire n’en parlaient pas, mais aussi parce que le nouveau pouvoir a fait tout le nécessaire pour que personne n’en puisse parler publiquement. Et quand il n’a plus été possible de l’empêcher, les institutions de la démocratie continuèrent à prendre des décisions pertinentes pour étouffer les dénonciations des victimes et empêcher qu’elles obtinssent justice. On a dû attendre jusqu’au 20 novembre 2002 pour qu’au Parlement le Parti populaire (PP) s’associe, pour la première fois, à la condamnation du coup d’État militaire de 1936 et à la réhabilitation des victimes de la répression franquiste. Mais, plus d’une année ont passée et l’on n’a pas encore pu obtenir la révision ou l’annulation des sentences prononcées par la justice franquiste. Octavio ALBEROL Après la Transition et plus de vingt‐cinq ans de démocratie, le fait est que l’on attend encore une décision du Tribunal constitutionnel condamnant la dictature franquiste et ses crimes. Ainsi, comme le montre l’historique qui suit, l’on ne pourra pas parler vraiment de « mémoire retrouvée » tant que cette condamnation ne sera pas inscrite dans la Constitution.

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Historique du processus de récupération de la « mémoire historique » La « Transition » de la Dictature à la Démocratie… Le 1er avril 1939, Franco signe le dernier bulletin de guerre et, officiellement, la Guerre civile prend fin. Franco règne sur toute l’Espagne et célèbre sa Victoire le 19 du même mois lors d’un imposant défilé militaire à Madrid. À partir de ce moment‐là, Franco exerce un pouvoir dictatorial et, pour le conserver, il n’hésitera pas à avoir recours à la répression pendant plus de trente‐ six ans. Selon certains historiens, les chiffres de cette répression sont terrifiants : 100 000 personnes assassinées au cours de la Guerre civile, presque 50 000 de plus pendant la dictature franquiste et presque un million d’antifranquistes enfermés dans des camps de concentration et prisons. Le 30 octobre 1975, Franco cesse d’être le chef de l’État. Jusque‐là, il a régné en dictateur incontesté, mais il a 82 ans et il est en train d’agoniser. Une agonie que sa famille, dans une tentative désespérée pour garder le pouvoir, prolongera artificiellement pendant presque un mois. Le 20 novembre 1975, Franco meurt. Comme prévu par le Caudillo, la monarchie est rétablie. Le 22 novembre 1975, Juan Carlos de Borbón est proclamé roi d’Espagne. Trois jours après, les Cortes décrètent une grâce générale (indulto) et Juan Carlos est couronné le 27 dans l’église des Jerónimos, à Madrid. Sont présents les représentants des États‐ Unis, de la Grand Bretagne, de l’Allemagne et de la France. Au début du mois de mai 1976, un communiqué officiel de la Commission politique du Parlement européen précisant les conditions pour que l’Espagne puisse s’incorporer à la Communauté européenne, accélère les « négociations pour le changement ». Le jeudi 1er juillet 1976, Arias Navarro présente sa démission et, le samedi 3, Adolfo Suárez est nommé président du gouvernement. Le mercredi 7, le gouvernement Suárez tient sa première réunion et le décret d’amnistie est approuvé. Entre le 10 septembre 1976 et le 18 octobre de la même année, le conseil de ministres approuve le projet de loi sur la réforme politique et le plénum des procureurs aux Cortes adopte cette loi qui modifie les Lois fondamentales du franquisme. Le 15 décembre 1976, le référendum donne 94,2 % de « oui » à la

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réforme politique. Peu après, en janvier 1977, Suárez reçoit officiellement Felipe González au palais de La Moncloa. Nonobstant, des événements tragiques, comme l’assassinat des avocats d’Atocha (liés aux Commissions ouvrières), commotionnent le pays et prouvent que le processus de réforme politique n’est pas totalement garanti. Le 1er avril, Suárez déroge à une partie des contrôles sur la presse et le Parti communiste (PCE) est légalisé le 9. Le 15 juin 1977, les premières élections libres depuis quarante et un ans sont réalisées. L’UCD (Union du centre démocratique) obtient la majorité aux nouvelles Cortes avec 165 sièges contre 118 au PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol) et 20 au PCE, 16 à l’Alliance populaire et 29 aux autres partis. Le 14 octobre 1977, les Cortes approuvent la loi d’amnistie et le 27 sont signés les pactes de la Moncloa : « programme de comportement juridique et politique » et « programme d’assainissement et de réforme de l’économie ». Mais ce n’est que le 31 octobre que le Congrès et le Sénat approuvent le projet de texte constitutionnel. Le 6 décembre 1978, la Constitution est approuvée par référendum, avec une abstention de 32,89 %. Le « oui » obtient 87,87 % des votes, le « non » 7,83 % et les votes nuls et blancs 4,3 %. Le 27, en session conjointe des Cortes, le roi ratifie le texte constitutionnel. La Constitution est publiée et entre en vigueur le 29, en même temps que Suárez dissout les Cortes. L’UCD gouverne grâce à sa majorité relative et à la « compréhension » du PSOE, des nationalistes et même du PCE. Les élections de mars 1979 ne changent guère le rapport de forces, mais l’Alliance populaire de Manuel Fraga Iribarne et le PSOE disputent l’électorat centriste à l’UCD. Adolfo Suárez est obligé à laisser la présidence du gouvernement à Leopoldo Calvo Sotelo, également de l’UCD, investi après le rocambolesque épisode (le célèbre 23‐F, du 23 février 1981) provoqué, Congrès des députés, par le colonel Tejero et ses 300 gardes civils.

Pendant la période du PSOE de 1982­1996… Le 28 octobre 1982, le PSOE obtient dix millions de votes et gagne les élections avec le slogan : « Pour le changement ». Les résultats (46 % pour le PSOE, 3,8 % pour le PCE, 25,3 % pour AP‐PDP (2) et seulement 7,2 % pour l’UCD, et les ultras du franquisme sont réduits à une infime minorité) confirment la volonté du peuple espagnol de tourner la page du franquisme.

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Cependant, en 1987, la veuve de Julián Grimau, Angela Martínez Lansaco, commence des démarches pour réhabiliter son mari, militant communiste fusillé le 20 avril 1963. Pour annuler la sentence, elle présente une demande de révision (recurso de revisión), qui est rejetée le 30 janvier 1990 par la Chambre militaire du Tribunal suprême, lequel considère qu’il n’y a pas d’« éléments nouveaux de preuve ». Le recours postérieur devant le Tribunal constitutionnel donne le même résultat. Le 29 juin 1990, est enfin promulgué la loi 4/1990 pour régler les indemnisations à tous ceux qui furent emprisonnés dans les prisons franquistes (« pendant plus de trois ans et ayant 65 ans au 31 décembre 1990 »). Par la suite, les associations d’ex prisonniers politiques continuèrent à se mobiliser pour améliorer ces conditions d’indemnisations ou pour augmenter leur montant, lesquelles ; car, dans certains cas, elles étaient misérables. En 1993, la journaliste Llucia Oliva commence, pour la télévision espagnole, un documentaire sur les tentatives d’attentats contre Franco. Le film est présenté d’abord en Espagne par la TVE, le 7 février 1996, et puis en France par Arte, le 13 mars de la même année. Pour la première fois il est dit publiquement en Espagne que les deux jeunes anarchistes Francisco Granado et Joaquín Delgado, exécutés en 1963, n’avaient rien à voir avec les attentats du 29 juillet de cette année qui leur avaient été imputés. Attentats à la Direction générale de la Sécurité et au siège des syndicats phalangistes à Madrid pour lesquels ils avaient été jugés par un Conseil de guerre (Sumarísimo), condamnés et garrottés dix‐sept jours après leur arrestation.

Pendant la période du Parti Populaire de 1996­2004… En 1996, deux réalisateurs catalans, Lala Goma et Xavier Montanyà, produisent, avec l’appui d’Arte, un documentaire sur l’affaire Granado‐ Delgado. Il est présenté premièrement en France (le 4 décembre 1996) puis en Espagne (le 7 novembre 1997). Dans ce documentaire, Antonio Martín y Sergio Hernández déclarent publiquement être les auteurs des attentats du 29 juillet 1963 à Madrid. Dans le même documentaire, le procureur du Conseil de guerre qui condamna Granado et Delgado se dit prêt à se présenter devant un tribunal s’il est convoqué par la justice pour la révision du jugement de 1963. Le 3 février 1998, la veuve de Granado (Pilar Vaquerizo) et le frère de Delgado (Francisco Delgado) présentent au Tribunal suprême une demande de révision contre la sentence prononcée le 13 août 1963.

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Cette demande se fonde sur de « nouveaux éléments de preuve » : les déclarations d’Antonio Martín et Sergio Hernández, les véritables auteurs des attentats du 29 juillet 1963. En octobre 1998, le journaliste Carlos Fonseca publie un livre — Garrote vil para dos inocentes. El caso Delgado­Granado (3) — mettant en évidence l’arbitraire de la justice franquiste et la non culpabilité des deux jeunes exécutés. À la fin du livre, est reproduite la demande de révision du jugement de 1963 présentée en 1998 devant le Tribunal suprême. Le 3 mars 1999, la chambre militaire de ce Tribunal refuse la révision, argumentant que la sentence de 1963 fut prononcée en accord avec la « légalité en vigueur » à l’époque et que l’organe juridictionnel jugea « en conscience ». Le 8 mars 1999, pour commémorer le soixantième anniversaire de l’exode des Républicains, le Congrès des députés rend un hommage symbolique aux exilés et, le jour suivant, le Sénat fait de même. Le 9 mars 1999, le Parlement de Catalogne approuve une proposition (4) demandant au gouvernement de l’État espagnol la révision du jugement qui condamna à mort, en 1974, le jeune antifranquiste catalan Salvador Puig Antich. Le 16 avril 1999, considérant inacceptable l’arrêté du Tribunal suprême, Francisco Delgado et Pilar Vaquerizo présentent un nouveau recours (dit recurso de amparo) devant le Tribunal constitutionnel. Le 24 mai 1999, la veuve de Francisco Granado, Pilar Vaquerizo, sollicite la Communauté de Madrid afin que lui soit concédée l’aide que cette Communauté autonome a octroyée aux ex prisonniers du franquisme qui ne purent prétendre aux aides de l’État, telles que définies par la loi 4/1990. Le 25 mai 1999, le Groupe pour la révision du procès Granado‐Delgado organise à Madrid, au Club international de la presse, une conférence de presse afin de rendre publique la présentation du recours devant le Tribunal constitutionnel. Le 1er juin 1999, le groupe parlementaire du Parti Populaire se refuse à approuver la résolution sur la commémoration des 60 ans de l’exil parce que, Dans cette résolution, « le coup d’État militaire contre la légalité républicaine » est condamné. Le 24 novembre 1999, la présidence de la Communauté de Madrid communique à Pilar Vaquerizo que l’aide lui a été refusée, car son mari, exécuté 17 jours après avoir été arrêté, n’a pas fait le minimum du

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temps d’emprisonnement exigé par la réglementation sur les aides aux ex prisonniers du franquisme. Le 22 décembre 1999, Pilar Vaquerizo présente, au ministère de l’Économie, une demande d’indemnisation s’appuyant sur la loi 4/1990, et, le 25 février 2000, ce ministère lui répond qu’elle n’a pas droit à l’indemnisation puisque son mari n’a pas fait les trois ans de prison exigés dans cette loi. Le 12 mai 2000, Mme Vaquerizo demande à Nouveau l’aide à la Communauté de Madrid, car celle‐ci a réduit à un an le temps de prison minimum exigé. Mais, le 31, la présidence de cette Communauté lui répond négativement une fois de plus, car son mari « n’a pas fait l’année de prison » exigée maintenant. D’octobre à novembre 2000, la Caravane de la mémoire, organisée par l’Association Guerre civile et exil, sillonne l’Espagne en autocar (5). En décembre 2000, le journaliste Emilio Silva crée l’Association pour la récupération de la mémoire historique (ARMH). Le 8 mars 2001, à la demande du Groupe pour la révision du procès Granado‐Delgado, le groupe parlementaire de la Gauche unie (Izquierda Unida) présente une proposition au Congrès des députés pour « réformer la législation existante en matière de révision des sentences » et « établir un programme public de réparation morale à l’égard de tous les Espagnols fusillés pendant le franquisme pour des motifs politiques et de conscience ». Et le 9 mars 2001, au Sénat, le même groupe parlementaire demande « l’approbation de la proposition demandant la révision du jugement qui condamna à mort, en 1963, les deux jeunes antifranquistes Francisco Granado Gata et Joaquín Delgado Martínez ». Le 21 juin 2001, à la Commission de la Justice et de l’Intérieur du Congrès des députés, le Parti populaire refuse l’initiative d’IU et des autres groupes de l’opposition. En mai 2001, le Congrès des députés vote la réhabilitation des guérilleros, qui sont désormais désignés comme « des combattants pour la liberté et la démocratie ». Le 10 décembre 2001, à la Commission de présidence de la Communauté de Madrid, le représentant du PP refuse à Pilar Vaquerizo, veuve de Francisco Granado, sa demande d’indemnisation — accordée aux ex prisonniers de la dictature franquiste — sous prétexte que le cas de son mari, exécuté 17 jours après son arrestation, ne remplit pas les conditions requises : avoir fait un minimum d’une

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année de prison. Mais, il reconnaît que c’est une injustice, et que c’est au Parlement de résoudre ces cas. Dès lors, le Groupe pour la revisión du procès Granado‐Delgado, pour appuyer la démarche de Pilar Vaquerizo, adresse une pétition aux divers groupes parlementaires afin qu’ils présentent une proposition pour que les veuves ou veufs des antifranquistas exécutés puissent avoir droit à l’indemnisation accordée aux ex prisonniers du franquisme. Le 19 février 2002, au Congrès des députés, le groupe du PP refuse la proposition présentée par les autres groupes pour résoudre les cas en suspens des veuves ou veufs d’antifranquistes exécutés (dont celui de Pilar Vaquerizo). Nonobstant, le PP affirme, pour la première fois, « sa pleine reconnaissance morale à l’égard de Tous les hommes et les femmes victimes de la répression franquiste pour avoir défendu la liberté et professé des convictions démocratiques ». Il propose un amendement demandant au gouvernement un rapport sur les cas en suspens, qui est refusé par les autres groupes. Le 17 octobre 2002, le Groupe pour la révision du procès Granado‐ Delgado et de solidarité avec Pilar Vaquerizo, qui avait auparavant envoyé à tous les groupes parlementaires une pétition leur demandant d’arriver à un consensus au sujet de la réhabilitation et de l’indemnisation des victimes de la répression franquiste, commence une tournée de conférences à Valladolid, qui se poursuit dans d’autres villes espagnoles. En octobre 2002, un colloque est organisé à Barcelone sur les camps de concentration en Espagne durant la Guerre civile et la dictature franquiste. Le 24 octobre 2002, le Congrès des députés approuve à l’unanimité une proposition de la Gauche unie pour honorer la mémoire et reconnaître la tragédie des « esclaves du franquisme », les républicains condamnés à des travaux forcés entre 1937 et 1970. Le 13 novembre 2002, le Parlement catalan approuve à l’unanimité une proposition pour faciliter le retour, en Catalogne, des exilés catalans et de leurs descendants. Le 20 novembre 2002, le Congrès des députés vote à l’unanimité une résolution (qualifiée d’historique) condamnant « le soulèvement militaire de 1936 » et réaffirmant le devoir de « reconnaissance morale envers Tous les hommes et toutes les femmes qui ont été victimes de la guerre civile espagnole, ainsi que tous ceux qui souffrirent plus tard la répression de la part de la dictature franquiste ». Est affirmée également « la reconnaissance

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et la protection économique et sociale pour les exilés de la Guerre civile et les enfants de la guerre ». Le 21 novembre 2002, le fils d’un couple de militants du POUM — Armando Muñiz et Agueda Campos fusillés en 1941 — a présenté une demande de revisión auprès du Tribunal suprême. Le 12 mars 2003, le Parlement de Navarre approuve, avec l’abstention de l’UPN (le PP de Navarre), une résolution pour exprimer « la reconnaissance et la réparation morale » aux Navarrais fusillés pendant l’été de 1936. Le 17 mars 2003, l’association Héros de la République et de la liberté rend publics les résultats d’une vaste recherche qui permet de connaître les noms des victimes de la répression enterrées, sans être enregistrées, à Santander. La même recherche reste en suspens pour les fosses communes d’autres localités de la région. Au cours du même mois, le groupe de travail organisé par le gouvernement basque et la société Aranzandi pour enquêter sur les personnes disparues pendant la Guerre civile avait donné suite à 180 demandes d’information, qui s’élevaient à 250 fin avril, bien que la phase d’exhumation des corps n’ait pas encore commencé. Le 27 mars 2003, le Parlement catalan approuve à l’unanimité une motion qui oblige le gouvernement catalan à créer, dans les trois mois, un consortium pour recenser les personnes disparues pendant la Guerre civile et localiser les fosses communes dans lesquelles elles pourraient être enterrées. Le 1er avril 2003, un groupe de juristes, de différentes sensibilités politiques, a présenté au président du Parlement catalan un pré‐projet de loi pour réviser et annuler les « sentences injustes » dictées pendant la dictature franquiste. Le 3 avril 2003, le Parlement de Catalogne approuve à l’unanimité une proposition, présentée par ERC (Gauche républicaine de Catalogne), demandant la révision du jugement qui condamna à la peine de mort en 1963 Joaquin Delgado et Francisco Granado. Le 14 avril 2003, les familles de Francisco Granado, de Joaquin Delgado, auxquelles se sont jointes également celles de Joan Peiró et de Salvador Puig Antich6, exécutés également par la dictature, écrivent une lettre au président du Tribunal constitutionnel afin qu’il applique la résolution du 20 novembre 2002 adoptée par le Congrès des députés pour répondre constitutionnellement aux demandes de révision des sentences prononcées par la justice franquiste. Le Groupe pour la révision du procès Granado‐Delgado commence une campagne

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d’appui à la lettre des familles Granado, Delgado, Peiró (6), et Puig Antich (7), afin de sensibiliser la classe politique et la société civile pour exiger du Tribunal constitutionnel la condamnation et annulation des sentences prononcées par la justice franquiste. Le 4 mai 2003, le chef du gouvernement, José María Aznar et le pape Jean Paul II utilisent la canonisation du père José María Rubio pour rendre un hommage solennel à la mémoire des « martyrs nationalistes » de la Guerre civile. Ce même jour, l’Association pour la récupération de la mémoire historique achevait l’exhumation de sept corps d’antifranquistes, disparus depuis soixante‐sept ans, d’une fosse commune à Recas, Dans la province de Tolède. Par ailleurs, le 26 juin 2003 l’on inaugure, au Musée du Prado, l’exposition Art protégé. Mémoire de la direction des Beaux‐Arts durant la Guerre civile pour rendre hommage « à la rigueur, au courage et au professionnalisme » des fonctionnaires de ce bureau républicain qui préserva et remit intégralement 27 000 pièces du patrimoine public et privé aux vainqueurs de la Guerre civile. Le 8 juillet 2003, suite à la campagne du Groupe pour la révision du procès Granado‐Delgado pour appuyer la lettre envoyée par les familles Granado, Delgado, Peiró et Puig Antich au président du Tribunal constitutionnel, la députée socialiste Amparo Valcarce García présente une proposition de loi au Congrès des députés afin d’obtenir « l’annulation de tous les jugements sommaires » réalisés par les tribunaux franquistes. Le 10 juillet 2003, le Tribunal suprême refuse la demande de révision présentée quelques mois auparavant par le fils d’un couple de militants du POUM de Sagunto, condamné en 1941 par un conseil de guerre. Malgré la résolution du 20 novembre 2002 votée par les députés, la raison invoquée est que « le manque de garanties de procédure ou la possible inconstitutionnalité des conseils de guerre » du franquisme « n’est pas une raison suffisante pour réviser ou annuler les sentences ». Le 16 juillet 2003, la presse catalane informe que plusieurs partis catalans (Convergence et Union, Parti socialiste de Catalogne, Gauche républicaine de Catalogne et Initiative pour une Catalogne verte) ont présenté au parlement de Catalogne un « projet de loi pour réviser et annuler les sentences dictées pendant la Guerre civile et la dictature franquiste et qui étaient fondées sur des motifs politiques, sociaux ou idéologiques ». Mais, comme la présente législature est pratiquement achevée, l’initiative devra être débattue après les élections catalanes de l’automne prochain.

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Le 22 août 2003, le Groupe pour la révision du procès Granado‐ Delgado, continuant sa campagne pour obtenir l’annulation des sentences prononcées par les tribunaux franquistes, présente au musée du Cinéma de Girone le film sur l’affaire Granado‐Delgado. Le 10 septembre 2003, au Congrès des députés, le groupe parlementaire du Parti populaire refuse une proposition de loi présentée par le groupe socialiste demandant un texte pour pouvoir annuler les jugements instruits pendant la dictature franquiste. La raison de ce refus est que, dans la résolution du 20 novembre 2002, était « réaffirmée la reconnaissance morale à tous ceux, hommes et femmes, qui avaient été victimes de la Guerre civile et aussi de tous ceux qui avaient souffert la répression franquiste et l’exil ». Le 17 septembre 2003, le Groupe pour la révision du procès Granado‐ Delgado envoie une lettre au président du Tribunal constitutionnel lui demandant de tenir compte de la raison du refus du Parti populaire et de procéder à l’annulation des sentences prononcées par les tribunaux franquistes. Et cela parce que la résolution du 20 novembre 2002 stipulait que les institutions devaient appuyer « toute initiative des familles des victimes » demandant la réhabilitation morale de leurs membres ayant souffert la répression franquiste. Le 25 septembre 2003, le Parlement andalou approuve, à l’unanimité, une proposition de loi réitérant la « reconnaissance publique et morale de respect » envers ceux qui furent « assassinés pendant la guerre civile espagnole pour avoir défendu les valeurs républicaines », plaidant auprès du gouvernement pour l’adoption de mesures en faveur de la récupération des restes des disparus. Comme l’on peut voir par l’historique qui précède, le processus de récupération de la mémoire historique mis en marche par les victimes de Franco a été très lent et difficile, et il n’est pas encore achevé. Il est vrai que quelques succès juridiques ont été obtenus et que les maisons d’édition ont commencé un travail de diffusion de l’histoire et des témoignages directs des années noires. Mais cette orientation éditoriale est, pour des raisons de sensibilité politique du sujet, encore limitée et partielle. Pas à pas, le processus avance et la mémoire du passé revient ; mais il faut se rendre à l’évidence : les groupes d’intérêts politiques disposés à enterrer cette mémoire sont énormes et puissants, et peu nombreux et faibles les groupes de militants disposés à poursuivre cette quête. Même si l’on célèbre très solennellement (8) le vingt‐cinquième anniversaire de la Constitution, le Défenseur du peuple il est encore à

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annoncer que, dans son Rapport aux Cortes, il demandera « l’adoption de mesures effectives pour que les pouvoirs publics collaborent avec les familles des disparus qui réclament leur localisation et leur identification pour pouvoir les enterrer dignement ».

Notes : (1) « Tout est lié (ou ficelé, atado, en espagnol), et bien lié, après ma décision et l’approbation des Cortes de désigner comme successeur et roi le prince Juan Carlos de Borbón. » (Discours de fin d’année, 1969 : Andrée Bachoud, Franco. La réussite d’un homme ordinaire, Paris, Fayard, 1997, p. 416). (2) Alliance populaire ‐ Parti démocrate populaire. (3) Madrid, éditions Temas de Hoy, 1998. (4) Dite « no de ley » (non de loi). (5) Voir Odette Martinez‐Maler, « 2000­2002 : les Caravanes de la mémoire. Effractions et discordances », Matériaux pour l’histoire de notre temps, n° 70, avril ‐ juin 2003, pp. 87‐93. (6) Juan Peiró Bellis avait été ministre de l’Industrie du gouvernement de Francisco Largo Caballero pendant la guerre d’Espagne. Exilé en France, il fut arrêté par les Allemands et extradé en Espagne en 1941. Condamné à mort, il refusa d’intégrer les syndicats verticaux, comme le lui proposaient les phalangistes et fut fusillé en 1942. (7) Salvador Puig Antich, jeune militant libertaire, fut exécuté en 1974. (8) Le 6 décembre, le Groupe pour la révision du procès Granado‐Delgado, avec l’appui de la CGT et d’autres groupes libertaires et anarcho‐syndicalistes, organisa (à la même heure qu’aux Cortes Juan Carlos I présida les actes de célébration du vingt‐cinquième anniversaire de la Constitution) un meeting publique dans la place de la Puerta del Sol pour exiger l’annulation de sentences franquistes.

(Cet historique s’arrête à la fin de l’année 2003 ; car ce numéro (73) de la revue « Matériaux pour l'histoire de notre temps » parut au premier trimestre 2004.)

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Poursuite de ce long cheminement de la « mémoire retrouvée »

En effet, à cet historique il faut donc ajouter toutes les initiatives et événements qui ce sont produits, à partir de janvier 2004 jusqu’à ce fin de l’année 2013 ; car, même s’il y a eut des « avancées », comme suite du processus de récupération de la « mémoire historique », et maintenant il y a de nombreuses associations mémorialistes que tentent d’obtenir la condamnation des crimes franquistes, nous en sommes encore loin d’obtenir justice pour les victimes du franquisme. Et cela même si en 2007 il a été promulguée la dite Lois de Mémoire historique. L’historique reprend donc débuts 2004, en pleine campagne électorale pour les élections générales qui doivent avoir lieu le 14 mars et qui s’annoncent encore favorables au PP... C’est dans ce contexte que neuf parlementaires du PSOE, CiU et PNV présentent le 31 janvier, au Parlement Européen, un projet de Résolution pour que el Conseil d’Europe condamna le franquisme et exige la réparation morale de leurs victimes. Mais, le 14 mas, les élections sont favorables au PSOE et c’est ainsi qu’un mois plus tard nous avons à nouveau un gouvernement socialiste présidée, cette fois‐ ci, par José Luis Rodríguez Zapatero.

Pendant la période du PSOE de 2004 à 2012… Comme on pouvait s’y attendre, dans ce nouveau contexte, les initiatives vont se multiplier. En outre, le 14 avril 2004, peu d’heures avant que le nouveau gouvernement entre en fonctions, le Secrétaire de Justice de la Salle Première du Tribunal Constitutionnel notifie à la Procureur, Ana Llobera, le rapport du Fiscal de ce Tribunal sur le Recours promu en 1999, par les familles de Francisco Granado et de Joaquín Delgado, contre l’Arrêté de la Salle Militaire du Tribunal Suprême refusant le révision du procès de 1963 qui condamna à ces deux jeunes libertaires. Mais le plus « extraordinaire » fut que le Rapport de ce Fiscal était daté du mois d’avril 2000 ! C’est‐à‐dire : qu’il était resté sans suite pendant quatre ans et qu’il était « activé » quelques heures avant que le Pouvoir change de mains… Devant cette surprenante « diligence » du Tribunal Constitutionnel

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dominé encore par les pro franquistes, le Groupe pour la révision du procès Granado‐Delgado rendit public quelques jours plus tard un Appel demandant d’envoyer lettres de protestation à la nouvelle Présidente du TC qui venait d’entrer en fonctions… Cela étant, ce Tribunal refusa le 28 mai d’admettre une demande de révision d’un jugement (« sumarísimo ») de 1975, bien que s’excusant par la première fois d’être obligé de le faire : « « La dure réalité de l’Histoire ne peut pas être contournée dans le juridique avec de procès de révision sans fin». Par contre, le 2 juin, Le Congrès des Députés approuva une Proposition (non de Loi) du PNV, EA y le BNG, amandée par le PSOE, qui, s’appuyant sur celle de 2002, exigeait de donner de « la reconnaissance morale, sociale et économique aux victimes de la guerre civile et du franquisme », et demandait urgemment au nouveau Gouvernement de « systématiser la législation » qui avait été approuvée jusqu’alors à ce sujet, incluse la réparation de dommages, « qui s’auraient pu produire pendant la transition à la démocratie, avec des propositions spécifiques de programmes, mesures et actuations concrètes pour améliorer la situation actuelle ». Et le 13 juillet, le Tribunal Constitutionnel annula l’Arrêt du Tribunal Suprême, du 3 mars 1999, refusant la révision du Conseil de Guerre du 13 août 1963 qui avait condamné à mort les anarchistes Francisco Granado et Joaquín Delgado. Cette décision fut qualifiée d’historique par la presse pour être la première fois que le Tribunal Constitutionnel annulait un Arrêt du Tribunal Suprême refusant un Recours de révision d’un jugement franquiste, et aussi pour l’obliger à continuer l’instruction du Recours de révision présenté par les familles de Granado et de Delgado en 1998. De plus, il lui exigeait aussi de prendre les dépositions‐témoignages de Sergio Hernández, d’Octavio Alberola, de Luis Andrés Edo et de Vicente Martí, que ce Tribunal n’avait pas considéré nécessaire de prendre avant de se prononcer contre la révision du Conseil de guerre de 1963. Le 3 septembre, le Gouvernement créa, par décision du Conseil des Ministres, une Commission Interministérielle, présidée par la Vice Présidente Première du Gouvernement, pour « étudier la situation des victimes de la Guerre Civile et de la postérieure répression franquiste » et préparer un Projet de Loi pour sa « complète réhabilitation morale et juridique ». Cette Commission fut approuvée par le Conseil des Ministres du 10 septembre. Mais le 15 octobre, jour du 64e anniversaire de l’exécution de Lluis Companys (Président de la Généralitat de Catalunya exécuté en 1941), la Vice Présidente Première

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déclara que le Conseil des Ministres n’avait pas fixé une date précise à la Commission pour rendre compte de ses travaux… Et ce ne fut que début 2005 que cette Commission commença à convoquer et à écouter les représentants des Groupes qui défendaient les victimes et les Associations pour la récupération de la mémoire ; mais sans s’engager à rien, même pas à donner une date pour la présentation de son Rapport. Cela créa mécontentement entre les Groupes et les Associations mémorialistes. Ce mécontentement continua et le 15 novembre, le journal EL PAÍS publia un article annonçant que « les associés préférés du Gouvernement, RC et IU­ICV, avaient décidé de ne plus attendre la loi de récupération de la mémoire historique promise par le Gouvernement il fait plus d’un an et retardée en plusieurs occasions », et que ces partis allaient présenter une proposition de loi plus précise à ce sujet. C’est vrai que la création de cette Commission avait incité à la présentation de nouvelles demandes de réhabilitation et réparation de victimes de la Guerre Civile, et que le Gouvernement avait pris quelques mesures… Comme celle prise par le Conseil des Ministres et approuvée définitivement, le 25 novembre, par le Congrès accordant à certaines organisations ouvrières (principalement à la UGT) de recevoir des indemnisations pour leur patrimoine confisqué par le franquisme. Mais le temps continuait à passer sans que la Commission donne des signes d’avancer… Ainsi arriva 2006 et le 17 mars on sut que L’Assemblée Parlementaire du Conseil d’Europe avait approuvé par unanimité la première grande condamnation internationale du régime franquiste, demandant au gouvernement espagnol d’ériger des monuments à la mémoire des victimes du franquisme. Et quelques jours après, le 31 mars, la presse donnait à connaître une Lettre d’Amnistie Internationale demandant au Gouvernement de reconnaître « le droit des familles des victimes des violations des droits humains commises pendant la Guerre Civile et le régime franquiste à savoir la vérité sur leurs êtres chers et à obtenir justice et réparation ». Le pressant à présenter la Loi de Mémoire Historique. En outre, suite à la Résolution du 13 juillet 2004 du Tribunal Constitutionnel, Sergio Hernández présenta le 20 mars son témoignage, à Paris, à un Commissaire de la Police française, confirmant être l’auteur, avec Antonio Martin, des attentats du mois de juillet 1963 à Madrid, pour lesquels avaient été condamnés et exécutés Francisco Granado et Joaquín Delgado. Hernández n’avait pas voulu se présenter à Madrid devant le Tribunal Suprême, et celui‐ci fut obligé de

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recueillir sa déclaration par « Commission Rogatoire ». Et le 31 avril ce fut Octavio Alberola qui témoigna, enfin, à la Salle V du Militaire du Tribunal Suprême, pour confirmer les déclarations de Sergio Hernández et de Antonio Martín, comme les vrais auteurs des attentats contre la Direction Générale de la Sécurité, de la Place Puerta del Sol, et du siège des Syndicats franquistes à Madrid de 1963. Réagissant aux rumeurs circulant sur l’imminente présentation du Rapport de la Commission Interministériel, le Groupe pro révision du procès Granado‐Delgado envoya, le 9 juin, une lettre aux Portevoix des Groupes Parlementaires leur exigeant d’assumer leur responsabilité de « mettre fin à la honte et au déshonneur d’une Démocratie qui continuait validant les sentences des Tribunaux franquistes ». Le 22 juin, Le Congrès des Députés approuva une Déclaration pour appeler l’année 2006 comme « Année de la Mémoire Historique », et, quelques jours plus tard, IU‐ICV demanda que le Congrès fasse une Déclaration institutionnelle proclamant le 18 juillet comme Jour officiel de condamnation du régime franquiste. Cette proposition pour engager l’Espagne officielle dans la Déclaration du Conseil d’Europe, condamnant le régime franquiste, resta sans suite par le refus du PP. Nonobstant, le 17 juillet, le journal EL PAÍS affirmait ce qui suit : « Après une très longue procédure avec des multiples retards, le Gouvernement ultime le Rapport et la Loi de Mémoire Historique pour la présenter au Conseil des Ministres avant le mois d’août. Avec le temps et les critiques féroces du monde conservateur, le Gouvernement a adouci le contenu de la Loi pour essayer de limiter la polémique et d’apaiser au PP, contraire à faire une quelconque Loi ‘qui remua le passé’ ». Et quelques jours plus tard, le 27 juillet, le Conseil des Ministres approuva, avec plus d’un an de retard, le Projet de Loi, jusqu’alors connu comme « Projet de loi de mémoire historique » et rebaptisée avec ce nouveau titre : « Projet de loi de reconnaissance et ampliation des droits et établissement de mesures en faveur de ceux qui pâtirent persécution et violence pendant la guerre civile et la dictature ». Mais ce même jour, la presse annonçait la décision du Tribunal Suprême refusant la demande d’annulation de la condamnation à mort prononcée par un Conseil de Guerre contre l’anarchiste José Pellicer, fusillé par les franquistes le 8 juin 1942 ; mais, pour la première fois, un des cinq magistrats de la Salle V du Militaire vota en faveur de la révision... Le fait de connaître enfin l’intégralité de ce Projet de Loi fit réagir les Associations qui avaient collaboré avec la Commission ; car elles

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purent constater que leurs principales demandes n’avaient pas été retenues : surtout en ce qui concernait la réhabilitation juridique (annulation des sentences) des victimes de la répression franquiste. De plus, dans ce Projet on assimilait ces victimes à celles de la faction franquiste, qui avaient été déjà réhabilitées par loi et avec tous les honneurs pendant la Dictature. Le Gouvernement commença alors des « négociations » avec les Partis et quelques Associations pour « arranger » ce Projet et le Portevoix du Groupe Socialiste au Parlement affirma, le 15 août, qu’il « y avait marge de négociation » et que le projet pouvait être « inclus reformé »… Quelques jours plus tard, le 24 août, le Ministère de Défense retirait la statue équestre de Franco qui présidait encore l’entrée principale à l’Académie Militaire de Saragosse. Au cours du mois de septembre, et sachant que le Gouvernement voulait finir les « consultations » à la fin de ce mois, le Groupe pro révision du procès Granado‐Delgado envoya une lettre aux Portevoix des Groupes Parlementaires leur demandant de ne pas approuver le Projet sans qu’il inclut « des mesures concrètes pour que les veuves ou veufs des personnes exécutées par la Dictature puissent percevoir l’aide accordés par l’État aux prisonniers du franquisme » ; car cela avait été oublié dans le Projet. Le Groupe IU‐ICV présenta alors un amendement pour que cette exigence figure dans le Projet de Loi. Les jours et les mois continuèrent à passer, et le 9 décembre, le Tribunal Suprême refusa encore un Recours de révision présenté par la sœur de l’anarcho‐syndicaliste Joan Peiro, ex ministre de la République condamné à mort le 21 juin 1942, et un autre par la fille de José Pellicer, le fondateur de la Colonne de Fer, fusillé le 8 juin 1942. Trois jours plus tard, le 12 décembre, le journal EL MUNDO communiquait que le Tribunal Suprême avait autorisé l’instruction du Recours de Révision de la sentence dictée en août 1937contre Ricardo Puente Rodríguez, directeur d’une radio républicaine qui avait été condamné a mort pour faire « propagande rouge ». Il annonçait aussi que « l’affaire Granado­Delgado sera débattue aujourd’hui par la même Salle de ce Tribunal ». Et le lendemain, le 13 décembre, après deux jours de délibération, cette Salle V du Militaire, publiait une Note de presse dans laquelle se précisait uniquement qu’il avait été « accordé, en décision adoptée à la majorité de ses membres, refuser l’autorisation sollicitée pour interposer Recours de Révision (par les familles de Francisco Granado et de Joaquín Delgado) au sujet de la Sentence du 13.08.1963 ». Il était annoncé aussi que « dans quelques jours sera rédigée la Résolution correspondante au sujet de laquelle ont annonce

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Vote Particulier divergeant les Magistrats Calvo Cabello et Juanes Peces ». Le 14 décembre, après plusieurs ajournements, il y a eu, en présence du Président du Gouvernement, enfin le débat parlementaire sur les « amendements à la totalité » présentés par les Groupes parlementaires PP, IU‐ICV et ERC. Le jour suivant, la presse annonçait que le Projet de Loi présenté par le Gouvernement avait passé « le principal écueil au Congrès des Députés ». EL PAIS résumait le débat ainsi : « Après trois heures d’intense et vibrant débat, sans dispute entre les députés, avec des formes douces mais avec d’énormes divergences de fond, il resta bien clair que tous les Groupes, moins le PP, considèrent nécessaire une Loi de ce type, mais aussi tous les Groupes, moins le PSOE, sont contre la formule que le Gouvernement a proposé pour honorer aux victimes, et qu’ils veulent aller plus loin. Le PP, ERC et IU­ICV virent refouler leurs amendements à la totalité ; mais les positions contradictoires entre tous les associés du Gouvernement laissent présager un long et complexe parcours parlementaire ». Le 23 décembre la presse commenta la Résolution de la Salle V du militaire du Tribunal Suprême refusant, par trois votes contre deux, l’autorisation pour réviser le jugement qui condamna à mort Francisco Granado et Joaquín Delgado en 1963. Mais ce ne fut que le 8 janvier 2007 que cette Salle communiqua la Résolution aux familles de Granado et de Delgado, lesquelles décidèrent de présenter un Recours devant le Tribunal Constitutionnel pour poursuivre le combat pour la réhabilitation totale des victimes de la répression franquiste. Recours qui fut présenté le 31 janvier. En ce qui concerne le parcours parlementaire du Projet de Loi sur la Mémoire Historique, il fut, en effet, « long et complexe » à cause, surtout, de la peur du Gouvernement socialiste d’y introduire l’annulation des sentences prononcées par les Tribunaux franquistes. Tellement long que les Courts espagnoles (Congrès de Députés et Sénat) n’approuvèrent définitivement le Projet présenté par le Gouvernement que le 10 décembre 2007, et qu’il ne devint Loi que le 27 de ce même mois, quand le texte fut publié dans le Journal Officiel. Une Loi, tellement lâche et honteuse, qui n’a laissé aucun espoir aux victimes de la Dictature d’obtenir justice à travers elle. De là qu’elles soient obligées maintenant ­ début de 2014 ­ de l’attendre du bon vouloir de la Justice argentine qui, en principe, a accepté d’instruire les cas des disparus et torturés pendant la dictature franquiste.

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