Sparse 14 (mar. 2016)

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sparse guide moderne de la vie

www.sparse.fr • gratuit • à lire dans tes chiottes magazine tiré à 1 million d’exemplaires, mon pote

sparse | numéro 14 | trimestriel | mar. avr. mai. 2016

l’An-fer, le mythe, la réalité Que nous veulent les raëliens ? Jacques, l’ovni de l’électro Comment fait-on un sandwich Daunat ? Jackson Richardson au banc d’essai Gérard Vivès est un gars cool Pourquoi la vache qui rit rit ? + les nanars de Mr. Duterche Stéphane allix hilldale ted nomad la cave à musique la fontaine d’ouche

gratuit.


BINGBANG

03 80 48 82 30 w w w. d i j o n . f r


édito. Alors que je déambulais nonchalamment comme à mon habitude sur le green du golf de Norges-la-Ville, occupé à créer du lien avec des amis d’influence dans le but à peine dissimulé de leur fourguer des pages de pub dans le magazine, une évidence me vint à l’esprit en les entendant discuter de leurs placements : si on récupère tout le pognon que ces mecs ont défiscalisé en France, en Suisse ou chez nos amis européens luxembourgeois, belges et bataves, hé bien on règle le problème de la dette instantanément, et on bouche ce coquin de trou de la Sécu. Je me décidais donc naturellement à partager ma réflexion avec mes camarades de jeu, persuadé qu’ils comprendraient le bien-fondé de ma théorie ; quand là, sans crier gare, Jean-Michel m’annonce qu’il me prend la 4ème de couv’ pour le mag du mois de juin. Au prix fort. Crois-moi qu’on a continué cette partie tranquillement et que je l’ai laissé gagner. Et qu’on est reparti dans son 4x4. Y’en a qui bossent les gars, franchement.

- Chablis Winston

« Sparse ? Une fiotte ». S. Aurier


sommaire amuse-bouche 3. édito 6. guestlist 7. trouve un nom à ta région 8. CONTRIBUTEURS 9. the pulitzer sessions 10. courrier des lecteurs 11. SHOPPING : le pire du bon coin 12. RETro

ours Ce magazine est édité par Sparse Média. Siret : 750 725 806 00012 - APE : 9499Z www.sparse.fr - contact@sparse.fr Directeur de publication Pierre-Olivier Bobo rédacteur en chef Antoine Gauthier Contributeurs Aurore Schaferlee, Aurélien Novak, Chablis Winston, Édouard Roussel, Franck Le Tank, Jeff Buckler, Lilian Elbé, Simone G.,Loïc Baruteu, Louise Vayssié, Martial Ratel, Mr. Choubi, Nicdasse Croasky, Jérémie Barral, Benjamin Moreux, Niko Vayssié, Simon Galley, Sophie Brignoli, Tonton Stéph, Doug Ritter, Riddimdim Selecta, Nicolas Bœuf, Valentin Euvrard, Jean-Paul Goûter, Giorgio Armagnac, James Granville forever Direction artistique internetinternet

PhotographIes Alexandre Claass, Louise Vayssié, Vincent Arbelet, Alexis Doré, Édouard Roussel

légende 14. l’an-fer : mythe et réalité RENCONTRE 20. stéphane allix, le mentallix immersion 24. chez les raëliens INTERVIEW jacques, électro zinzin

30.

REPORTAGE comment on fait un sandwich daunat ?

34.

ENTRETIEN 38. Jackson richardson au banc d’essai rencontre 42. gérard vivès est un mec cool diaporama 48. les feux rouges curiosité la cinémathèque de mr duterche

52.

musique hilldale, pop pavillonnaire

56.

histoire pourquoi la vache qui rit, rit ?

Illustrations David Fangaia, Hélène ‘Microbe’ Virey, Mr. Choubi, Léa Zamolo

58.

DÉVELOPPEMENT COMMERCIAL Romain Calange

62.

COMITÉ DE RELECTURE Marine Pataille, Marion Godey, Martin Caye, Aurore Schaferlee

WELCOME TO MY HOOD 66. fontaine d’ouche, little manhattan

Couverture Jacques, douche de La Vapeur Photo : Alexandre Claass

la cuisine de sparse foodage de gueule : suck my cocktail 64. radio potins bulles

ROMAN-PHOTO 70. sortie de piste LA PAGE MODE football mafia

Imprimeur Chevillon Sens

74.

Dépôt légal : à la sortie du magazine ISSN : 2260-7617 La rédaction décline toute responsabilité quant aux opinions formulées dans les articles, cellesci n’engagent que leurs auteurs. Tous droits réservés © Sparse 2016 Merci à nos partenaires ainsi qu’à toutes celles et ceux qui ont permis la réalisation de ce numéro.

76.

Prochain numéro : juin 2016

portrait ted nomad

Dessert 78. HABILLE TON KÉVIN 79. abonnement / mOTS fléchés 80. sélection musicale 81. CRASH-TEST 82. CARTOGRAPHIE


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L VAEU FERE SES ORTES POU S’ARADIR EŦ SE ODENISR DERNIERS cONcERTS AVANT TRAVAUx 31/03 FAADA FREDDY / RIDDIMDIM SELEcTA & BLAcK VOIcES 01/04 ODEZENNE

02/04 MANSFIELD.TYA / TINY FEET

urs ouvert tous les jo a partir de 17h Pendant les travaux l’activité continue, à suivre sur lavapeur.com

the barbarian’s pub, rue francois jouffroy 21000 dijon

ICI L ONDE ´ ICI L ONDE ´ ICI L ONDE ´ ICI L ONDE MUSIQUE ´ MUSIQUE MUSIQUE MUSIQUE ART AU CENTRE D ´ ART AU CENTRE D ´ ART AU CENTRE D ART AU CENTRE D ´ ´ LE CONSORTIUM LELE CONSORTIUM CONSORTIUM LE CONSORTIUM — DIJON — DIJON — DIJON — DIJON AVRIL—JUIN. 2016 AVRIL—JUIN. 2016 AVRIL—JUIN. 2016 AVRIL—JUIN. 2016

C YO P & K A F

G A S AT I — 2013 V I L L E  :  Ta r a n T o

c yo p e k a f . o r g

F e s t i va l

Mv

2–10 AV RI L 2016 D IJ O N

F e s t i va l M v . CO M


guestlist PAR la rédaction photos : DR

jean-philippe lefèvre

didier goiffon

florian Ginchard

Adjoint au maire de Dole en charge de l’action culturelle conseiller régional de Bourgogne Franche-Comté

Directeur de la Cave à musique, Mâcon cavazik.org

Franchement, ils sont pas un peu souspayés les conseillers régionaux ? On pourrait pas les augmenter un peu ? C’est un sujet qui mériterait qu’on en parle avant les élections non ?

Vouglans ou les Settons ? Plutôt Connemara même si c’est le suivant sur la liste !

Tu montes à la capitale. Train, bus, covoit’ ou jet privé ? J’habite la capitale.

Si t’as une fille, tu pourrais la prénommer Marie-­Guite ? Non, les miennes s’appellent Yvanne et Clémence, un peu de sérieux.

Qu’est-­ce qu’on trouve, si on drague le fond du Doubs ? Du silure.

C’est le remaniement. Tu prends quel ministère ? À ton avis ? J’aime beaucoup la vue sur le jardin du Palais royal.

Tu vas où, pour faire du sport ? Je cours dans les chemins du Val de Saône.

Ils ont fusionné les régions, pourquoi ils ne fusionnent pas les France 3 ? La France est une et indivisible.

Quel est l’accent de la région le plus prononcé et le plus ridicule ? L’accent de ma femme, elle est née à Pontarlier.

Comment empêcher les riches de planquer leur pognon en Suisse ? Leur laisser le loisir de l’utiliser avec intelligence en France.

Le cours du persillé de Bourgogne se maintient à 19,90 sur tous les stands du marché. Un mot contre les ententes illégales au détriment du consommateur ? Pas mal ta métaphore avec les tourneurs et producteurs parisiens... au détriment des salles de province.

Cite-moi un mot bien bourguignon ou franc­-comtois et commente-­le. « Tu viens quand moi ». Formule jurassienne, toute simple, pour dire : on fait un bout de chemin ensemble pour aller au bistrot du coin. La Percée du vin jaune, c’est une façon de jeter dans les égouts un liquide qui n’est pas à la hauteur des vins de Bourgogne, c’est ça ? Jaloux ! Pourquoi François Rebsamen est le plus beau de tous, quel est son secret ? Je sais pas… Moi j’utilise l’Oréal. Que faut-­i l ingérer pour ne pas s’endormir, si on suit en direct le conseil municipal ? Moi je ne le suis pas je le vis… et pendant la séance je bois l’eau « Doléa ». Ton vin préféré de la région? Attention à ce que tu vas répondre... Un Givry premier cru, ça c’est vrai.

Ils sont pas un peu zinzins, à la Citadelle de Besançon, d’avoir fait voisinner un musée de la Résistance bien glauque et un zoo avec des animaux déconneurs ? Avec la Rodia en contrebas, ils ont la totale. Qu’est-­ce qui manque le plus, au centre-­ ville de Mâcon ? La vie. Tu t’épiles les poils des couilles toi sérieux ? Non, mais ma femme taille le triangle, ticket de métro, voire plus… Quel est l’âge de Laurent Bourguignat ? C’est qui ? Je ne connais que Thierry Bourguignon. C’est si bien que ça Lyon, que tous les Mâconnais s’y précipitent ? En étant étudiant, si tu veux envisager des études supérieures à Mâcon, t’es mal barré.

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Directeur de La revue Q, Besançon larevueq.fr

Un mot pour ces villages en BFC de moins de 100 habitants qui ont voté FN à plus de 40 % aux régionales ? Courage, on va vous couper la TNT et réhabiliter les bibliobus. Pourquoi Besançon est la meilleure ville de la région selon toi ? Parce qu’elle a su promouvoir le Giant en préservant Quick de la concurrence américaine en centre-ville. Ils ont cru quoi, à Chalon-sur-Saône, à nommer leur salle de basket le Colisée ? Ils ont certainement voulu se montrer plus romantique qu’à Villeurbanne. Tu vas lui donner quel petit nom, toi, à la Bourgogne­ Franche­- Comté ? BFF. L’inventeur du site de rencontre Meetic serait dijonnais. C’est si dur que ça de pécho, par ici ? Chat noir… Cite-nous un bon plan restau et un bar sympathique à Besançon ? Da Gianni pour manger, le Ckwan pour tiser. T’es plutôt FC Sochaux, AJ Auxerre ou DFCO ? Les trois. Sochaux pour Pagis, Auxerre pour Laslandes, Dijon pour Garcia. Cite-nous un rappeur bisontin à suivre en ce moment ? Butter Bullets. Pourquoi les Bisontins sont si jaloux des Dijonnais à ton avis ? Une histoire de pognon certainement.


TOP 10 PAR chablis winston illustration : pierre roussel

salut, tu t’appelles comment ? Aide Marie-Guite Dufay et ses amis à trouver un nom à la grande région.

Début de l’histoire, il y a deux régions, qui datent de la loi de décentralisation de 1982. La Bourgogne et la Franche-Comté, qui se regardent en chiens de faïence sans trop s’intéresser l’une à l’autre. En 2015, nouvelle réforme, on fusionne les deux régions, au forceps. Point barre. Nevers, Belfort, Sens, Digoin... c’est pareil maintenant. Démocratie participative oblige, l’institution suprême a décidé de consulter les habitants pour le futur nom de la grande région. Alors que le match est déjà plié. Dommage, on a des idées. Petite contribution. Liste non exhaustive de ce que pourrait être un nom de région qui claque. Un truc qui booste la marque BFC quoi ! Du branding à l’américaine. À jeter à la gueule de vos interlocuteurs quand ils vous demandent « tu viens d’où toi ? ».

Bourgogne Franche-Comté

Marie-Guite land (ou Dufaystan)

Le nom le plus standard. Les personnes influentes des deux régions se sont réunies, ont brainstormé, analysé la situation. Ils ont eu une idée de génie : on prend les deux noms et on les met bout-à-bout. Comme FR3 à l’époque. On appellerait la région : Bourgogne Franche-Comté. Tu vois le truc ? L’idée fait son bonhomme de chemin et semble avoir de l’avance sur les autres... Ça nous permet de trouver un petit acronyme bien senti à l’Américaine. BFC. Quand même plus classe que PACA, non ?

Le nom le plus mégalo. C’est elle qui a gagné, c’est elle qui décide. L’Imperator. Donc si elle veut l’appeler comme ça, elle a le droit. François Sauvadet l’aurait appelée « Alésia », je crois. Mais il n’a pas gagné.

Soleil d’amour niché au cœur de la vérité du bonheur

Le plus poétique. Ce nom m’a été soufflé par Kim Jung-un. Ça aurait de la gueule. Et ça remettrait du baume au cœur des habitants qui retourneraient un peu au boulot. Ces feignasses. On organiserait des défilés militaires dans la capitale économique, Dole, et on lancerait des missiles juste pour énerver les Américains. Génial.

Franche-Comté Bourgogne Le nom le plus insensé. Oui, pourquoi mettre la Bourgogne en premier ? Est-ce qu’on suit bêtement l’ordre alphabétique ? Est-ce qu’il y a un sens des mots plus esthétique ? Je sais pas moi... Est-ce qu’on dit Hardy et Laurel ? Non. Tom et Olive ? Non. Dumber et Dumb ? Mon couteau et ma bite ? Cherche pas.

+ 380 euros

Le nom le plus symbole. Finalement, la décision la plus importante prise par la nouvelle assemblée de la grande région est d’augmenter les indemnités des élus. Donc ce serait un nom révélateur. Même si je ne suis pas sûr que ce soit très efficace.

Vin-Fromage (ou Saucisse-Persillé)

Acapulco

Le nom le plus filou. Avec un peu de chance, les gens se trompent, réservent leurs billets à destination de Dole-Acapulco, et on se retrouve avec un tourisme en hausse de 50 %. Les Ricains sont tellement cons que ça peut marcher. On tente ?

Le nom le plus marketing. Tête de gondole. Tu sais ce que tu vas trouver. C’est marqué sur la boutique.

East Side fucking France

Entre Paris et Lyon et Strasbourg

Le nom le plus gangsta’ street shit. La région puissante. C’est en anglais donc compréhensible à l’international. Bien. Ça aurait le mérite de faire flipper un peu les ennemis de notre belle région qui hésiteraient avant de nous envahir de peur qu’on soit un gang dangereux.

Le nom pour les losers de la géographie. Précède la question « Ah ouais c’est où ça ? » de ton interlocuteur sous-cultivé. Ça évitera de le mettre mal à l’aise. S’il ne sait pas où sont ces trois villes, abandonne la discussion.

Caca

Morvan-Jura

Le nom le plus cool. Ce nom original m’a été soufflé par ma petite nièce de 2 ans. Après tout pourquoi pas ? C’est facile à retenir, facile à écrire, ça rentre dans les têtes. Du pur naming à en faire pâlir les plus grands cabinets de consulting. On attend le logo avec impatience. // C.W.

Le nom le plus atlas de tourisme. Le Morvan, c’est sur tous les départements de Bourgogne. Le Jura, c’est le seul massif digne de ce nom du coin, et depuis Jurassic Park, c’est une marque internationale. 7


contributeurs PAR chablis winston photos : DR

Augustin Traquenard Augustin est un aventurier, il aime à se fourrer dans les situations les plus embarrassantes pour savoir comment il pourra s’en tirer. Augustin versus Wild. Et c’est toujours lui qui gagne. Dernièrement, il a gagné par KO contre le festival GéNéRiQ, à l’aise.

Douglas Ritter Mi-punk, mi-démon, Doug Ritter explore le dark net à la recherche du meilleur de la musique la plus underground possible. Dix personnes ont déjà écouté ? C’est trop mainstream mon pote ! Next.

Léa Zamolo Des crayons de couleur, quelques feuilles en papier, et le tour est joué. Léa n’a besoin ni de Photoshop, ni de tous ces logiciels tous pétés. Elle a des mains et elle s’en sert ; ça fait bizarre, hein ? Quand elle veut se chauffer elle fait du feu, quand elle veut se déplacer, elle marche. C’est simple la vie avec Léa Zamolo.

Alexandre Claass Alexandre Claass, à la difference de son frère, ne construit pas de machines agricoles. Il erre sur toutes les plages avec son gros 4x4 à la recherche de la « photo des 50 ans », la photo ultime, celle qui illuminera un jour une couverture de Sparse. Mystique.

Alexis Doré Alexis Doré est un photographe et correspondant de guerre hongrois, naturalisé américain, il a couvert les plus grands conflits de son époque et est l’un des fondateurs de la coopérative photographique Magnum, première de ce genre à voir le jour. À moins que ce ne soit Robert Capa... Je sais plus.

Cyril Hanouna Détesté par la moitié du PAF, hué, conspué par l’intelligentsia bien pensante de la culture française, Cyril avait besoin de se ressourcer, de revenir aux bases de son métier. Il a donc postulé (et a été retenu !) pour un stage d’observation de 3 semaines au service santé/bien-être de la rédaction de Sparse. Un café Cyril !

Pierre-Olivier Bobo Même les soirs de drame, il faut trouver la flamme qu’il faut pour toucher les femmes qui me tendent les mains, qui me crient qu’elles m’aiment et dont je ne sais rien. C’est pour ça qu’aujourd’hui je suis fatigué, c’est pour ça qu’aujourd’hui je voudrais crier : je ne suis pas un héros, mes faux pas me collent à la peau. Je suis pas un héros, faut pas croire ce que disent les journaux.

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courrier des lecteurs Merci pour toutes vos lettres d’amour ou d’insultes. ÉCRIVEZ-NOUS : CONTACT@SPARSE.FR

« Hey Sparse, Je suis désespérément à la recherche d’une femme pouvant supporter mon ego surdimensionné, mon strabisme convergent ainsi que ma manie des plats cuisinés à base de sauce au raifort ; à quand une rubrique « Rencontres » dans mon magazine préféré ? » ALBERT, BESANÇON (25)

« Coucou mon Sparsou’, Dernièrement, j’entends parler de BFC un peu partout, pourquoi ? C’est quoi ? KFC va changer de nom pour Bourgogne Fried Chicken ? » LUCIE, DIJON (21)

« Coucou, C’est bien gentil de s’attaquer à la cancoillotte et aux gens qui en mangent, mais j’ai entendu parler d’un complot comme quoi Sparse chercherait à sponsoriser un producteur local de la variante du vin jaune. Alors, on a quoi à dire pour sa défense ? » LOUISE, BESANÇON (25)

« Ouéch francheman, c pa nimporte koi cette raiform de l’ortograf ? ya plu de respai. » Jay-zonne, Gray (70)

Réponse de la rédaction Ok Framboisier. Tes parents ont dû t’appeler comme ça en référence à la légende des Musclés ? Bravo. Pour ton histoire de meuf, je te conseille de te rendre sur la D678 entre Simard et Louhans. Au kilomètre 24, range-toi sur le bas-côté et fais deux appels de phares. Tu apercevras une camionnette. Grimpe dedans. C’est Josy qui s’occupera de toi. De rien.

Réponse de la rédaction Prononcer Bourgogne Franche-Comté, ça prend déjà 2 minutes. BFC, c’est un raccourci, un acronyme, c’est tout. Et c’est vrai que ça a un côté à l’américaine, jeune et dynamique. Tout nous, quoi.

Réponse de la rédaction En fait, c’est le producteur de cancoillotte qui va sponsoriser Sparse. On devra porter ses produits sur nous à chaque passage télé. Dans la dernière émission de Drucker, tu as dû remarquer qu’un journaliste (pardon) de notre équipe portait la crème de jour « velours de cancoillotte » de chez Nivea/Raguin.

Réponse de la rédaction T’es vraiment un putain de réac’ mon petit Jay-zonne. Le monde évolue, il faut avancer avec lui. Tu ne veux pas non plus qu’on garde une sécurité sociale ou un code du travail ? Vilain passéiste.

« Bonjour noble Sparse, Un petit coup de main pour ma campagne de crowdfunding ? J’ai besoin d’investir pour faire construire un temple où accueillir nos créateurs extraterrestres. Je compte sur la générosité de chacun pour aboutir à ce projet spirituel d’une importance capitale. D’avance merci » Raël, Tokyo

« Bonsoir madame, Je suis anthropologue et je fais en ce moment une étude poussée sur les relations bourguigno-franc-comtoises. Dans le cadre de mes recherches, j’ai cru trouver la preuve qu’en 2015, au moins un Bisontin s’est intéressé à un Dijonnais. Vous qui vous y connaissez, pouvez vous me confirmer ça ? » claude, dole (39)

Réponse de la rédaction Le truc le plus énorme mon petit Raël, ce n’est pas que tu puisses oser nous demander de participer à ton escroquerie, non, le plus fou c’est que des milliers de personnes te donnent de l’argent ; des gens qui cherchent des réponses, et qui ont visiblement moins de temps pour réfléchir que pour faire des virements sur ton compte bancaire... Réponse de la rédaction Bien sûr que non, le Bisontin fait semblant de ne pas voir le Dijonnais. Trop dérangeant. Un peu comme un enfant du divorce auquel on dirait, en lui présentant le fils du nouveau mec de sa mère : « Tiens, voilà ton nouveau grand frère ». Ça ne lui fait pas plaisir au gamin, surtout qu’il était fils unique ; mais il va s’habituer.

Réponse de la rédaction Bien sûr que non. Le Dijonnais ne sais pas donner d’amour. Il préfère se moquer, c’est plus simple. Tout au plus fait-il semblant de s’intéresser à son nouveau frangin. Pour faire plaisir à son père. Mais aussi pour faire comprendre au p’tiot qu’il va falloir partager les jouets maintenant, et donner la Playstation. Sinon c’est une tarte dans la gueule, quand papa aura le dos tourné, courageusement.

« Bonsoir madame, Encore moi. Un de mes assistants me fait part à l’instant de la découverte de preuves d’amour données à un Bisontin par un Dijonnais... Je suis surpris. Est-ce possible ? » claude, dole (39)

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Cendrier Casanis (8 €) Cendar de compétition, ayant reçu des milliards de cendres de grosses clopes sans s’émailler. A participé 8 fois à la Percée du vin jaune en tant que cendrier de poche. Valeur sûre. → Beaucourt (90500)

Tongs fillette T28 (2 €) Retrouvées dans ma valise en revenant de Thaïlande. Modèle fille ou garçon (je ne me rappelle plus cause trop bu d’alcool de serpent). Légèrement tâchées. → Sermamagny (90300)

shopping PAR franck le tank

Protège appui tête OM (1 €) Protège appui-tête OM FDP à vendre cause fan du PSG depuis qu’ils sont bons. Euro symbolique. → Besançon (25000)

Couverture fait main au crochet (35 €) Un pur produit made in la cité des Ducs. Issu d’un sweat shop situé à deux pas du boulevard Schumann, le travail des petites mains d’enfants se ressent dans une création racée et contemporaine. 35€ à débattre. → Dijon (21000)

Les meilleures offres de la région dénichées sur Le Bon Coin

Veste Armand Thierry collection 2005 (10 €) Si Troyes n’était pas la capitale de la mode, la Haute-Saône le serait certainement. La preuve en est avec ce superbe sweat capuche bradé pour une bouchée de pain. Armand Thierry is the new Armani. → Frahier-et-Chatebier (70400)

Homme Sénéma (faire proposition) Homme Sénéma, cousin des Reufs Lumières. Son puissant, qualité yify. Guy Tard non incluse. → Dijon (21000)

Ballerines Vends ballerines qui puent la mort, cause odorat retrouvé, faire offre 2€ minimum fdpout. Couleur marron chiasse. Mes autres annonces à connassedu21. → Dijon (21000)

Poster géant supercross Bercy 1984 (10 €) Tu te rappelles du Super Cross de 94 ? Quand Jean-Guy s’était pris de la boue dans ses frites ? Pouah cette rigolade. Figure-toi que les posters sont dispos, Johnny O’Mara, Rick Ross et Jacky Vimond. 10 balles, j’emballe. → Auxerre (89000)

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Dimanche 17 janvier

ce qu’il ne fallait surtout pas rater ces dernières semaines

« Drogue : réseau démantelé à Gray », « un go-fast intercepté avec une demi-tonne de cannabis ». Bon, une question simple revient avec insistance : il reste quoi à faire à Gray ? Ailleurs : la presse satirique se moque de la nouvelle com’ typographique du PS, quasiment identique à celle de... Monoprix : ouais, où t’achètes ta lessive.

par TONTON STÉPH et CHABLIS WINSTON

Vendredi 1er janvier

Mardi 19 janvier

2015, c’était bien de la merde. Pas du tout rassuré par 2016, un habitant de la Floride crashe sa voiture dans un immeuble en tentant de voyager dans le temps. Ce sera donc bien l’année de Hilldale, à n’en pas douter.

Le phénix du jour est russe. Déclaré mort par un médecin après avoir bu trop de vodka, un moscovite s’est réveillé dans la chambre froide de la morgue, avant de retourner chez ses compagnons de beuverie pour recommencer à faire la fête ; une leçon de vie et de résilience qui sera reconnue à juste titre lors des mises en bière quotidiennes de la rue Battant, à Besançon, jusqu’à celles des rues Jeannin et Berbisey à Dij’.

Samedi 2 janvier Probablement émoustillé par l’info précédente, le joueur du Real Madrid James Rodriguez est arrêté par la police espagnole à plus de 200 km/ heure. C’est plutôt en grammes que se chiffreront les causes de retraits de permis d’une dizaine de Dijonnais la veille. Bonne année !

Jeudi 21 janvier Scandale à New York où on peut désormais trouver dans la rue des cabines de masturbation : fantasme de tout habitant de l’Yonne. Joies solitaires, toujours : dans les Vosges, un homme décède après avoir inhalé trop de gaz hilarant. La plus belle mort possible ? À tester au festival du rire à Fontaine d’Ouche, lol.

Lundi 4 janvier Au Kirghizistan – autant dire qu’on sait pas plus où c’est qu’Audincourt ou que Champagnole dans ta nouvelle grande région – un homme se met tout le pays à dos en chambrant sur Facebook le plat national, une espèce de saucisse, qu’il compare à « un pénis de cheval » ; le bougre risque jusqu’à cinq ans de prison ou une expulsion, donc tu te détends tout de suite avec les blagouzes qui te viennent sitôt que tu penses à la Morteau ou la Montbéliard.

Vendredi 22 janvier Scandale cette fois-ci à Lons-le-Saunier où la municipalité empêche, sous le motif habituel de concurrence déloyale, le foodtruck local de faire halte en ville, mais qui semble tout à fait disposé au contraire à permettre l’implantation d’un Courtepaille et d’un Buffalo Grill. Lons is the new Chenôve.

Dimanche 10 janvier Une lycéenne de 16 ans invente une appli qui suscite l’intérêt d’Apple et d’Alain Juppé, ce candidat qu’on nous présente comme un mec branché : il s’agit d’une application qui permettrait aux enseignants de faire l’appel sur leur smartphone. Voilà, au lieu de zoner, tu seras bien obligé d’aller au cours de Madame Biton pour faire ta crise d’ado, mon grand.

Mercredi 27 janvier C’est ailleurs dans la nouvelle région, à Morteau, qu’une épidémie encore moins réjouissante a été détectée, puisque pas moins de dix élèves ont fait un malaise. Plan rouge, dispositif médical sur place, et saucisses de secours distribuées à tout le monde.

Vendredi 15 janvier François « American Tobacco » Sauvadet visé par une enquête du parquet financier de Paris sur des soupçons de malversations et de favoritisme. Mediapart établit même un lien avec l’entreprise Bygmalion. Rien à voir, encore que, Dijon est désignée pour accueillir le Winamax poker tour. Alain Houpert a fait plus fort à Salives, qui accueille le championnat du monde de Mario Kart. Attention aux peaux de bananes, tout de même.

Samedi 30 janvier Le chanteur dijonnais Sol crève l’écran dans l’émission télé The Voice. L’info est largement relayée par les habitants de la ville sur les réseaux sociaux, permettant par la même occasion une double révélation de leur profonde nature : ou groupies, ou haters – mais dans tous les cas, spectateurs de TF1.

Dimanche 31 janvier

Samedi 16 janvier

Bon biz’ : en ce jour du Seigneur, Le Progrès nous apprend que le Jura compte parmi les fidèles les plus généreux avec la Jésus S.A. Pas moins de 18.000 boules versés gracieusement aux 31 prêtres quadrillant le département. 153 euros en moyenne par paroissien donateur : soit un abonnement BeIN et Canal+, et deux soirées à se la coller dans un bar.

Saluons l’initiative des bonnes sœurs de Semur-en-Brionnais (71) qui, pour récolter des fonds nécessaires à la rénovation de leur couvent, s’affichent sur Youtube en train de tester un wave-board. Deux suggestions toutefois : y’a plus de sous au Vatican ? Quid d’une divine sextape ? 12


Mardi 2 février Notre Lilian Melet du France 3 local tient à relayer sur son blog une absence très remarquée, à la Saint-Vincent Tournante d’Irancy. Celle de Marie-Guite Dufay, nouvelle présidente de la BFC. C’est pourtant simple : une Saint-Vincent digne de ce nom, ça se fait sur la Côte de Nuits ou de Beaune. Elle a du nez, Guiguite.

Mardi 16 février Scandale national ce jour, où un joueur du PSG, Aurier, décide de traiter son entraîneur Laurent Blanc de « fiotte » dans une vidéo lamentable. C’est aussi le jour où un participant beaunois à l’émission « Garde à vous ! » sur M6 reçoit une remarque homophobe. Il s’était présenté comme « coiffeur et gay » mais voulait casser les clichés. Faudra tif ’hair, ceux-ci ont la peau dure, en 2016 aussi.

Vendredi 5 février Au Brésil, un pasteur évangélique convainc des dizaines de fidèles que son sperme est saint, ce qui les contraint à lui prodiguer diverses fellations. Selon la police, il aurait attesté : « C’est le servant de Dieu qui est dans mon pantalon. J’espère continuer mon œuvre en prison ».

Mercredi 17 février

Samedi 6 février

Ce serait un habitant de Chatillon-sur-Seine qui aurait empoché la coquette somme de 17 millions d’euros, soit autant que tous les habitants de la région réunis. À lui le beau pavillon et le beau break ! Sinon, il pourra s’offrir ce nouveau type de drones inventés et dévoilés en ce beau jour par l’armée russe, lesquels sont désormais équipés de bazookas. Le tur-fu.

Braquage aux Rousses. Des individus, à visages découverts, braquent le bureau de renseignement du domaine skiable aux Jouvencelles. Bien vu ! Dans un bureau de renseignement, il n’y a pas d’argent. Bilan : zéro euro, forcément.

Dimanche 7 février

Vendredi 19 février

Jour de classico : les supporters de l’OM caillassent un bus... de Chinois qu’ils ont pris pour un bus de supporters du PSG. Aux États-Unis, un homme braque un Photomaton qui le prend en photo, facilitant sa future arrestation. Une belle journée.

Une entreprise britannique a compilé les milliers de réactions de Twittos liées à la bière afin d’isoler les émotions revenant le plus souvent, ce, afin de retenir 38 critères permettant de créer la meilleure binouze. Prends ça, la Bavaria.

Lundi 8 février

Samedi 20 février

Le trait d’union entre la Bourgogne et la Franche-Comté est de plus en plus visible : dans le territoire de Belfort, soit l’équivalent du Mordor pour les Dijonnais, alertes à la bombe à répétition dans des lycées. Quelques jours après, arrestation d’un jeune homme du côté de Marsannay-le-Bois (21), soupçonné d’avoir passé les coups de fil anxiogènes.

Mexique : quelques 124 crocodiles retrouvés asphyxiés ou écrasés durant leur transport en camion entre la côte pacifique mexicaine et la côte caraïbe. Coïncidence, un restaurant dijonnais, le Ritchies Dinner lance le burger au crocodile du Bostwana sur sa carte. Apparemment le goût est proche du poulet.

Jeudi 11 février

Un fonctionnaire espagnol ne se serait pas rendu au travail pendant six ans sans que cela ne se remarque. À quoi a-t-il occupé son temps ? « J’ai lu Spinoza ». Pas mal. Surtout qu’il n’a dû payer que 27.000 euros d’amendes alors qu’il touchait 37.000 euros par an pendant tout ce temps.

Lundi 22 février

Samedi 13 février

Samedi 27 février

La belle histoire du jour vient du Jura. Un boulanger, dont la vie avait été sauvée par un SDF d’une intoxication au monoxyde de carbone, l’a formé à son métier et lui a légué gratuitement sa boutique. Allez, prends ta 8,6, quitte un peu les Galeries Lafayette et va te poser avec tes bébés chiens devant le Point Chaud, gros.

En Slovénie, une municipalité produit le rêve de nombreux d’entre nous en faisant jaillir de la bière d’une fontaine en pleine ville. Prends-ça, les BerThoM. Restriction cependant : l’accès sera réglementé et payant. « Pour 6 euros, les visiteurs pourront se servir trois verres de cette bière conçue à partir du houblon local, servie dans une chope commémorative. »

Les bovins dominent la région ; où l’on apprend qu’il y a par exemple plus de ruminants dans la Nièvre et dans la Saône-etLoire que d’être humains. Cela met la nausée à nos hardcorevegans locaux ?

Mardi 2 mars Placé dans un coma artificiel durant neuf jours après une hémorragie cérébrale, Kai Thomas, un adolescent britannique de 15 ans souffre d’un trouble qui pourrait l’amener comme un seul homme dans notre belle région : en effet, il est désormais obsédé par le fromage et jure sans arrêt. Putain dommage qu’il soit anglais, sinon il serait presque comme nous.

Dimanche 14 février Une vingtaine de chats aurait disparu à Quétigny. Hasardons quelques hypothèses. Déjà, y a-t-il une landaise au Pizza happy ? Il y a en tout cas un resto chinois. Et Alf, il devient quoi, Alf ? 13


légende

Voyage au bout de l’An-fer Pourquoi le souvenir du club de la rue Marceau à Dijon reste-t-il encore aussi vif dans l’inconscient collectif ?

par augustin traquenard photos : Albin Porcherel, luc deren, olivier saint-denis, DR

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« J’avais 15 ans et je pensais qu’à une chose : putain il faut absolument que j’arrive à entrer » « Nous sommes des enfants de l’An-fer ». Si tu as moins de trente ans, tu connais la ritournelle dont on te rebat les oreilles. T’as pas connu ? Bah non t’es trop jeune. De toute façon aujourd’hui à Dijon, il n’y a plus que des boîtes pour lycéennes. La notoriété de l’Anfer, qui ferma ses portes en 2002, dépasse largement l’agglomération dijonnaise. Aujourd’hui, ce club semble faire partie de la mémoire collective, une sorte d’institution quasi patrimoniale vénérée par les anciens qui partagent flyers et images d’archives sur des pages Facebook dédiées. Le clubbing, c’était mieux avant. Nombre de Dijonnais affirment y avoir passé des soirées dingues, avoir assisté à des sets d’anthologie, avoir été inspirés par une ambiance incomparable, perdu leur pucelage, s’y être pris les vingt premières cuites de leur vie ou encore y avoir perdu de vue des amis pour finalement les retrouver quelques heures plus tard sur les genoux d’une drag queen … « Ce qui s’est passé à l’An-fer restera à l’An-fer » m’a-t-on confié récemment. Piqué par la curiosité, je me suis vraiment demandé pourquoi moi, étudiant à Dijon dans les années 90, j’avais passé tous mes jeudis soirs à boire de la bière lors de soirées STAPS salle Devosges en écoutant les Rita Mitsouko mixés par un pékor. Alors que d’autres buvaient déjà des « smart drinks », l’ancêtre du Vodka-Red Bull en écoutant des DJ débouler de Detroit. J’ai bien pris quelques cuites à l’An-fer mais comme me le confiait l’ami Chablis Winston, pour moi « c’était juste un lieu de nuit pas cher du centre-ville où j’allais écouter de la soul au deuxième étage, et où on rentrait tous, même en shorts ». Il me fallait rencontrer ceux qui avaient

fait et fréquenté le lieu avant qu’ils ne deviennent séniles. Je suis monté dans ma DeLorean pour partir vérifier si les néo-réacs de l’électro dijonnaise ne souffraient pas en fait de mythomanie. Pour aller à l’essentiel, j’ai directement appelé l’ancien tôlier. Reconverti dans le secteur du pinard et résidant à Barcelone, j’imaginais que Fred Dumélie allait m’envoyer bouler, trop occupé à fouetter ses ouvriers viticoles entre deux piña coladas sirotées dans sa luxueuse villa. Au contraire, Fred m’a répondu promptement et m’a gentiment accordé pas mal de temps. Lors des différents entretiens que j’ai pu mener, toutes les personnes interrogées ont manifesté un réel plaisir à reparler de cette époque. Au final, tout s’est passé comme si tout le monde réfutait la nostalgie mais on la sentait là, palpable. Et surtout attention, il ne fallait pas déconner avec cette tranche de vie. L’histoire de l’An-fer c’est du sérieux.

La genèse 1988, « summer of love » en Angleterre. Thatcher fait interdire les rave parties. En France, le phénomène reste confidentiel, le mouvement techno en est à ses balbutiements. À Dijon, il ne se passe pas grandchose. Si tu es jeune et que tu as envie d’écouter de la musique, tu dois supplier ton pote possédant une 205 GTI de t’emmener à Besançon pour assister à un concert des Négresses Vertes. Pour la techno, c’est bien dans les clubs que vont sévir les précurseurs, et même si Dijon va vite accrocher les wagons, c’est tout de même à Paris, au Rex-Club que les premières soirées mensuelles 33

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(« jungle ») vont s’organiser le mardi, sous l’impulsion d’un groupe de Londoniens un peu azimutés. En septembre 1989, l’An-fer ouvre ses portes. Un projet porté par deux frangins, Fred et Franck Dumélie qui, ayant hérité de la discothèque familiale, « le Biblos », vont innover. Au départ, ça semble mal barré : le choix du nom du club rivalise avec le salon de coiffure en terme de calembour. Mais rien ne semble altérer leur détermination de secouer la vieille ville de Dijon. Ils proclament 1989, « l’année du fer » en référence à l’aspect métallique de la déco du club… escalier en fer, mobilier en fer, bref, tout était « an fer » comme dirait Franck Ribéry. La légende veut que le hold-up de Fred Dumélie ne soit pas la découverte du fer mais celle de Laurent Garnier quelques années plus tôt à Rimini, en Italie. Fraîchement débarqué de Manchester, Garnier est invité à venir mixer à l’An-fer. Les débuts sont assez confidentiels, les 20 pèlerins présents se demandent si le tôlier n’a pas pété un boulon en découvrant les sets de Laurent Garnier. Fred Dumélie ne lâche cependant pas l’affaire et donne une résidence à Garnier qui viendra mixer une fois par mois. La résidence de Garnier va se poursuivre pendant quatre saisons, des soirées baptisées « New Age », puis « Trax » et enfin « Wake Up ». En parallèle, le club qui n’aurait pas pu vivre à cette époque sur le seul créneau de la musique électronique va largement diversifier sa programmation en accueillant des concerts, des soirées étudiantes, en organisant des soirées indie-pop baptisées « Hype », inspirées de ce qui se faisait à l’époque à Manchester, des DJ sets plus abordables au grand public. →


Sympas les portiers.

«

L’An-fer, le mythe

Le point de départ de la construction du mythe de l’An-fer, c’est l’émergence de la techno en France et le bénéfice du réseau international de Laurent Garnier qui va connecter le club avec la scène de Detroit (Jeff Mills, Derrick May). La résidence de Garnier à l’An-fer de 1990 à 1994 sera le point de départ avant-gardiste d’une ligne directrice dans la programmation de la musique électronique à Dijon. Le développement Ce qui s’est passé de ce créneau va prendre à l’An-fer restera du temps et se faire progressivement. Pour à l’An-fer » parler de cette période, j’ai rencontré Lionel Fourré, un des premiers programmateurs de l’An-fer dans une brasserie cossue de Dijon. « À partir de 1993, j’ai travaillé avec Tonio De Campo, alors light jockey pour organiser les soirées. On a lancé une programmation ambitieuse de la scène française émergente (Jack de Marseille, Manu le malin) pour s’inscrire dans la continuité de la résidence de Garnier. Un tour de force pour une ville de province où 52 week-ends par an, il était possible de découvrir la scène française et internationale, avec des plateaux de prestige parfois relayés par les DJ

dijonnais. » Point d’orgue, la venue de Daft Punk en live et sans casque en 1995 puis en DJ set pendant la sortie de Homework en 1996. En plus de programmateurs très actifs, un réseau de communication étendu va se mettre en place pour promouvoir et faire rayonner l’An-fer : disquaire (Chouette disques), partenariat avec les bars (l’Alscott bar, le Select bar, l’Edelweiss, le Mosquito, le Liberté, le Café des roses…) et organisation des before par Lionel Fourré et Tonio De Campo. À l’heure de l’happy hour, le son est calé sur RVL où l’on diffuse Raveline, l’émission de DJ Tonio où ce dernier joue les nouveautés et fait la promo de l’An-fer. La production de flyers va être rationalisée et quasi-industrialisée. On en retrouve aujourd’hui les vestiges sur une page Facebook « L’An-fer du partage », témoin de ces folles années où le rendez-vous du week-end était précédé d’une attente fiévreuse de la part des habitués. On notera l’évolution des visuels vers un graphisme de plus en plus barré et bariolé flirtant souvent avec le bon goût questionnable de cette époque. Beaucoup d’anciens combattants dijonnais, pionniers du clubbing, se souviennent avec tendresse de cette époque bénie où la communication et la promotion de l’An-fer se faisait par la distribution de flyers. Une époque préhistorique sans Internet que j’ai pu évoquer avec Luc Deren qui m’a reçu dans les locaux enfumés du collectif Risk. Excellent accueil en chaussettes et sandales entre deux platines de mix, il se souvient : « Fred Dumélie a mis à contribution la clientèle fidèle pour promouvoir le club en inondant la ville et le réseau des bars partenaires de ces flyers. Pour les habitués, on ne faisait pas simplement une sortie en boîte mais le rendez-vous du vendredi était précédé d’une attente et d’une mise en condition particulière : l’Alscott bar rue des Godrans était un événement avant l’événement, toute la semaine on se demandait comment on allait se fringuer le vendredi ».

Le virage de la french touch À la fin des années 90, l’évolution d’une partie de l’électro française vers la house music, lors de l’émergence puis de l’explosion du phénomène French 16

Touch, coïncide aussi avec un virage dans la programmation des DJ qui joueront à l’An-fer. Lionel Fourré passe la main à Fred Gien et Christian Allex pour la programmation. Il est amusant d’essayer de démêler au milieu des différents intervenants ayant œuvré à l’organisation des soirées, à qui l’on doit le succès du club, chacun revendiquant, à des époques se chevauchant parfois, le prestige de la venue de telle ou telle star de l’électro. Fred Gien est aujourd’hui reconverti dans le rétro gaming. J’ai pu le rencontrer et flinguer quelques zombies avec lui sur une console antédiluvienne lors d’une expo « Arcade maniac ». Il m’a confirmé le rôle moteur de l’An-fer pour la ville de Dijon dans le domaine de la musique. « Dijon a pris le pas sur Besançon où tu devais auparavant aller pour assister à des concerts rock ; la tendance s’est inversée». Avec Fred Gien et Christian Allex, le club a aussi connu ses heures de gloire. On ira chercher les DJ de la french touch à Paris (St Germain, Dimitri from Paris, Bob Sinclar, Cassius). Le dispositif de communication va s’étendre hors de la ville (impression de programmes à 2.000 exemplaires envoyés par la Poste). Ce sera aussi l’organisation de concerts comme celui de Maceo Parker, du reggae jamaïcain pointu, Phoenix, Franck Black des Pixies, Tindersticks ou celui, plus mouvementé, d’Alliance Ethnik. Christian Allex m’a impressionné. Devenu une bête dans le monde de la musique (programmateur des Eurocks et Cabaret Vert entre autres...), il m’a d’abord montré comment réussir la fusion Bourgogne Franche-Comté en enquillant un verre de Givry puis un Pontarlier avant de me parler de son travail à l’An-fer. « Au début, quand l’An-fer a ouvert, il n’y avait pas trop de concurrence, la techno avait plus de détracteurs que d’amateurs. Puis ça a commencé à être la mode mais la concurrence à Dijon, notamment le Carré, est restée sur le créneau ultra techno, transe allemande à la sauce NRJ. On est alors parti dans une politique de marketing offensive dans nos réseaux à Paris, les DJ et aussi la presse parisienne qui a commencé à parler de l’An-fer, qui a été propulsé à l’avant-garde sur la place parisienne… tout ce buzz est revenu sur Dijon. Il y avait une vraie énergie sur Dijon à l’époque, on organisait des concerts à la Vapeur qui venait d’ouvrir et l’after se faisait à l’An-fer. »


« Salut, je t’appelle avec mon nouvel iPhone 7 » / Lolo Garnier aux cheveux violets

Mi-jupe, mi-pantalon : cette personne porte un « jupalon »

« Je me suis retrouvé devant le préfet qui était tout étonné de me voir en costard, il s’attendait sûrement à voir un mec défoncé se pointer avec les cheveux teints en bleu » Fred Dumélie, patron de l’An-fer

Le personnel et la faune En ce qui concerne le personnel du club, la stabilité, le professionnalisme et la sympathie du staff a également été un facteur déterminant dans la popularité de l’établissement. Mickaël, le barman-physionomiste, connaissait le prénom de tous les clients. Un personnel sympa, amateur de musique, qui tapait volontiers la causette avec tout un chacun. Et un videur mythique, Sionne, originaire du Tonga, dont quelques joues de vilains garnements se rappellent certainement encore. Lors du dernier set de Laurent Garnier, l’ensemble du staff s’est rassemblé autour de lui et les applaudissements étaient réciproques. Cet esprit friendly va fédérer la clientèle. Un noyau dur d’habitués du lieu, génération marquée par l’An-fer, va entraîner dans son sillage un public plus large. Ce qui est notable dans les souvenirs des personnes interrogées, c’est cette osmose entre les clients qui n’avaient rien à voir ensemble. « L’Anfer, c’était la rencontre de personnes qui venaient pour des raisons différentes. Ce qui était particulier, c’était le mélange, la rencontre de ces groupes de personnes », confie Gérald Marmot, client zêlé de l’An-fer. Si le club suscite un véritable engouement et que le public afflue, cela ne fait cependant pas de l’An-fer un établissement populaire faisant

l’unanimité. La réputation du club est sulfureuse ; tout d’abord parce que l’histoire naissante du mouvement techno reste liée à la consommation de drogues notamment à la prise d’ecstasy. Aujourd’hui interrogés à propos de l’épineux sujet de la consommation de stupéfiants lors des soirées à l’An-fer, personnel et clients ne nient pas le phénomène mais tendent tous à modérer l’image d’un temple de la défonce. Gérald avoue : « Ça se défonçait mais c’est toujours le cas chez ceux qui écoute de la musique non ? Enfin effectivement, l’histoire de la techno est liée à la drogue mais ce n’était pas la motivation première. Le son était tellement bon que tu pouvais te shooter juste avec la musique. » De fait, il s’agissait d’un établissement qui offrait une grande liberté pour faire la fête, se déguiser, se lâcher mais tout de même pas faire n’importe quoi. Pas question pour le personnel de laisser les clients se taper une ligne sur le bar ou d’organiser un réseau de distribution de dope au sein du club. David Meugnot, ancien barman puis patron d’un des fameux bars de « before », le B@rt’, concède : « En terme de défonce, il y a certainement eu plus de débordements à l’espace Grévin ou au Cellier de Clairvaux à l’époque où le public était en mode free party ». L’image sulfureuse de l’An-fer était aussi indéniablement liée à la communauté homosexuelle. Chère famille pour tous, dans les années 90, 17

les gays sont juste des pédés. L’évocation d’un mariage homosexuel n’est pas un débat, juste une blague. L’image de l’An-fer pour le Dijonnais lambda ? « Une boîte de pédés ». À cette époque, il était peu courant de croiser des drag queens ou des personnages transformistes dans un night club de province. Cependant, associé à l’esprit de la fête, à l’extravagance et à une forme de modernité, le coté gay-friendly régnant au 8, rue Marceau semble avoir contribué à faire accepter les homos dans une ville à l’esprit réputé conservateur et va finalement se révéler être un atout pour le club. Pour Gérald, « la communauté gay a fait énormément pour le développement de l’An-fer en organisant des soirées à thème, déguisées, péplum, vampires… » Associé à l’énergie déployée par la direction, le staff, la clientèle interlope, la déco, la programmation, cette forme de libération des mœurs va créer un esprit qui tranchait nettement avec les boîtes à papa des années 80 où la tenue correcte était exigée, les consos hors de prix et le son carrément débile. C’est ce qu’on commence à appeler un club, comme en Angleterre. Pour certains, on y vient attiré par le parfum de l’interdit. Luc se rappelle : « J’avais 15 ans et j’écoutais Radio Campus pour me tenir au courant de ce qui se passait à l’An-fer, j’étais trop jeune pour rentrer et ma mère me disait - ne va surtout pas là-bas, il y a des drogués, des pédés et des arabes - et moi je pensais qu’à une chose : putain il faut absolument que j’arrive à entrer ». Pour d’autres, on y vient parce que ça brasse du monde et que l’ambiance est sympa… Au fil des années, le public de l’An-fer aura lui-même une forme de notoriété auprès des DJ. « Festif et musicalement éduqué, moins snob qu’à Paris ». →


« T’aurais pas ‘Tomber la chemise’ ? » « Je la mets dans 2 morceaux»

Les enfants de l’An-fer Cette période a laissé des traces à Dijon en même temps qu’elle a fait naître des passions et déclenché des vocations. L’An-fer a enfanté des DJ maison comme Tonio, qui y a débuté comme light jockey, ou encore Konik et P’tit Luc, de Risk, encore actifs, qui disent être passés de danseur à trainspoteur puis à DJ. Vitalic qui ne renierait probablement pas l’influence de l’An-fer sur sa carrière. Un nom qui revient souvent est celui d’Olivier SaintDenis, qui avec deux autres Olivier (Kaiser et Regis) va fonder le groupe Square et aura sa petite carrière par la suite. Il confie : « J’ai atterri à l’An-fer tout à fait par hasard, un vieux pote m’y a traîné ... c’était en juillet 91, je haïssais la house & l’acid music (ou tout du moins ce que j’avais pu en entendre à la radio, c’est à dire le coté commercial et le beat répétitif). J’ai tout de suite accroché sur l’endroit, le côté excentrique des danseurs, drag queens, les habitués : des gens super lookés et impliqués dans les soirées, qui vivaient à fond pour cette musique et cette culture. Le coté original m’a attiré, et je me suis laissé prendre par la musique. De telles variations avec un tempo si binaire... j’avais l’impression que quelque chose de nouveau s’ouvrait à moi... puis avec mes deux meilleurs amis

Hé ouais, ça fumait à l’intérieur... 18

« La communauté gay a fait beaucoup pour le développement de l’An-fer »

de l’époque, on a cherché à aller plus loin et à comprendre comment cette musique était faite. Parallèlement, on a investi dans des machines : synthés, boîtes à rythme, tout en apprenant à caler deux disques au tempo, avec des platines de fortune. »

La fin Plusieurs phases se sont succédées : techno de Detroit, trans, french touch, les courants de la musique électronique se sont diversifiés mais au final, le déclin semblait gagner l’établissement. Comme toute belle histoire, celle de l’An-fer a une fin. Fred Dumélie ne nie pas cet essoufflement mais attribue, au-delà d’une fin de bail non renouvelé, la mort de l’An-fer à des conditions particulières : « On avait encore des projets, notamment de racheter le bâtiment pour faire un resto en bas et continuer à faire marcher la boîte. Le problème c’est qu’on nous a mis beaucoup de pression. Un promoteur lorgnait sur l’immeuble et comme il avait pas mal d’amis, on nous a bien emmerdé. Descente de flics à 1h00 du mat’ avec fouille généralisée. Je me souviens du commissaire le lendemain ; tout ce qu’ils avaient trouvé c’était 2 grammes de chichon dans la poche d’un client, et là il me dit : Monsieur, votre établissement est un repère de drogués. Il y a eu beaucoup d’incompréhension et sûrement un peu de jalousie parce qu’on avait quand même du succès. À la suite d’une fermeture administrative, je me suis retrouvé devant le préfet qui était tout étonné de me voir en costard, il s’attendait sûrement à voir un mec défoncé se pointer avec les cheveux teints en bleu. Au bout d’un moment, on en a eu marre et on a lâché le bail, c’est décevant aussi parce que personne n’a poursuivi cette entreprise de faire un lieu nocturne de rassemblement à Dijon. » En 2002, la fermeture donne lieu à une grande messe avec une semaine de teuf et un défilé d’artistes de renom qui reviennent pour la


quiz : es-tu un enfant de l’an-fer ? On va voir si t’es vraiment balaise. Qui a dit quoi ?

A. « Je vais faire fermer cette verrue et en faire des apparts. »

1. Fred Dumélie, patron de l’An-fer.

B. « C’est moi qui ai booké les Daft. »

2. Fred Gien, programmateur à l’An-fer.

C. « Monsieur, votre établissement est un repère de drogués. » D. « Aujourd’hui à Dijon, y’a plus que des boîtes pour lycéennes. » E. « Après le départ de Fred Dumélie, ça a vraiment été un concours de bites. » F. « Les patrons de troquet aujourd’hui, c’est tous des FDP. »

dernière. Cet événement reste un traumatisme pour les habitués, pour le staff et pour le personnel. « Fred Dumélie c’est Aymé Jacquet. Il a gagné la Coupe du Monde et puis il s’est barré en nous laissant comme des cons de Français qui penseront toujours que c’était mieux avant », pense Luc. Alors, le succès de l’An-fer, on le doit à quoi, à qui ? Au tôlier, aux programmateurs, aux clients ? À une époque et à un courant musical émergeant, à la jeunesse organisée en tribu qui ne vit que pour la fête ? À propos du facteur prédominant de cette belle réussite, les avis divergent. Pour Fred Dumélie, la pierre angulaire a clairement été Laurent Garnier. « Si ça a aussi bien marché c’est essentiellement grâce à la musique, c’est-à-dire grâce à Laurent. C’est tout simplement le meilleur. Il y a beaucoup de bons DJ qui font des sets plus ou moins bien foutus mais lui c’est le seul qui raconte une histoire. Nous, on voulait s’inscrire dans la durée et avec Laurent Garnier, on a eu ça. Et puis bien sûr, comme il était résident, il en a amené d’autres, après c’est même plus toi qui va les chercher, c’est eux qui demandent. Pourtant au début ce n’était pas gagné, Dijon n’a pas la réputation d’être une ville ouverte où tu peux rassembler les gens facilement. » Cet avis, Luc du collectif Teknet/Risk ne le partage pas forcément : « J’adore Laurent Garnier et je le respecte, mais il n’a pas donné autant au club qu’on l’imagine, la résidence Wake up, c’était aussi au Palace puis au Rex à Paris et pas uniquement à Dijon, on était sur l’axe Paris Lausanne (Le Loft).Même chose pour Jeff Mills, il venait et faisait trois dates en France, une à Paris, une à Dijon parce qu’il y avait Laurent Garnier mais aussi parce que c’était la route pour aller

à Cannes ou se tenait le Midem. » Là où tout le monde tombe d’accord, c’est pour attribuer le succès de l’An-fer à Franck et surtout à Fred Dumélie : « Il me faisait confiance dans la programmation » (Lionel Fourré) ; « Il avait la capacité à écouter deux morceaux d’un artiste et à dire sans se tromper ; oui, ça on le fait » (Fred Gien) ; « Il allait voir les patrons des bars et les invitaient à l’An-fer, il distribuait des entrées pour les employés » (Luc Deren).

L’after An-fer À Dijon, la capacité à rebondir sur le phénomène An-fer après sa fermeture dans le milieu de la nuit comme dans la programmation de la musique électronique ne s’est pas faite facilement. L’ouverture du « Rio » dans le quartier de la gare n’a pas fait long feu. Souffrant d’une part de la comparaison avec les belles années passées à l’An-fer, de locaux moins adaptés et surtout de l’absence fédératrice de Fred Dumélie, la volonté de poursuivre l’aventure avec une partie du staff de programmateurs et d’acteurs ayant œuvré au 8 rue Marceau s’est soldée par un échec. « Nous les petits jeunes, on s’est dit que notre temps était venu mais on a fait des conneries, on a trop voulu se tirer la bourre. Plutôt que de reconstruire ensemble, ça a finalement été un concours de bites », avoue Luc. Presque 15 ans après la fermeture de l’An-fer, les clubs de Dijon peinent à tenir la comparaison. La génération des fans de l’époque a vieilli et aspire probablement à un ralentissement des BPM lorsqu’elle va écouter de la musique tout en se morfondant parfois en repensant à la belle époque et en déplorant le manque de vitalité de la nuit dijonnaise. Pourtant, les associations, les lieux, les festivals, les initiatives et la programmation des musiques actuelles à Dijon aujourd’hui sont probablement plus variés et dynamiques que dans les années 90… La nostalgie, camarade. // A.T.

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G. « L’arrivée de la gauche à la mairie n’a pas été une bonne chose pour le milieu de la nuit. » H. « Quand je suis parti, la prog est devenue commerciale, ça a commencé à moins bien marcher. » I. « Quand je suis arrivé, ça a été le début des meilleures années. » J. « J’ai fait toutes les soirées à l’An-fer de 1989 à 2002, j’en ai raté aucune. » K. « Derrick May avait paumé tous ses vinyles à l’aéroport, il est venu me supplier chez moi pour me taxer mes disques. » L. « Je venais à Dijon juste pour la bouffe, le pinard et parce que c’était sur la route de Lausanne où là t’avais un vrai club, le Loft. » M. « Laurent Garnier, c’est le meilleur. » N. « Je me suis pris 3 coups de couteau mais rien à foutre, 3 jours après j’étais là, l’An-fer c’était ma famille. »

3. Lionel Fourré, programmateur à l’An-fer. 4. Christian Allex, programmateur à l’An-fer. 5. François Rebsamen, the mayor. 6. Laurent Garnier, DJ. 7. P’tit Luc, DJ. 8. Jean-Michel de Brazeyen-Plaine, homophobe. 9. M. le Commissaire divisionaire, commissaire divisionaire. 10. Gérard de Dijon, gros mytho. 11. Kiki, drag queen. 12. Jeff Mills, DJ. 13. Olivier Saint-Denis, DJ. 14. Sionne, rugbyman videur à l’An-fer. 15. Tonio, DJ. 16. Pierre-Louis, étudiant en médecine. 17. Gérald Marmot, fan de l’An-fer.

O. « L’An-fer ? Une boîte de pédés. »

18. David Meugnot, Barman à l’An-fer.

P. « Finalement Laurent Garnier, il n’était pas si connu. »

19. Guy Roux, entraineur de l’AJA.

Q. « Les Daft avaient les jetons avant la sortie de Homework , ils m’ont contacté discrètement pour pouvoir tester leur live à l’An-fer. »

21. Chablis Winston, rédac’ chef de Sparse.

R. « Fcom a hésité à signer les Daft mais finalement ils ont préféré nous signer nous. » S. « J’ai gagné toute les soirées « élection du plus gros membre étudiant » organisées à l’An-fer. » T. « J’ai convaincu absolument tous les clients de mon bar hétéro d’aller à l’An-fer, personne ne voulait y mettre les pieds. » U. « Avant l’An-fer, tout le monde venait en boîte à Auxerre. » V. « Moi la techno, j’ai toujours trouvé que c’était de la merde, heureusement à l’An-fer, y’avait aussi des concerts. »

W. « Ça fait 15 ans qu’il ne se passe plus rien à Dijon. » X. « J’aime Sparse, quand tu le lis, tu crois que Dijon, c’est San Francisco »

22. M. le préfet, Préfet.

Tu as 23 bonnes réponses. Tu es : Fred Dumélie. Ou un mytho. Tu as entre 15 et 22 bonnes réponses. Tu es un enfant de l’An-fer, abonné à Trax et à Tsugi. Tu partages des photos de flyers sur la page Facebook : « l’An-Fer du partage ». Tu as entre 5 et 15 bonnes réponses. Tu es un peu jeune. Tu as peut-être participé à la semaine de fermeture du club en 2002. Tu as moins de 5 bonnes réponses. Tu habitais Besançon ou Auxerre dans les années 90. Ou tu as moins de 30 ans. Tu as 0 bonne réponse. Tu as moins de 20 ans.

Réponses. A : anonyme ou peut-être 5 / B : 2, 3, 4 et peut-être 5 / C : 9 et 22 / D : 11 / E : 7 / F : anonyme / G : 13 / H : joker / I : joker / J : 10 et peut-être 5 / K : 13 mais il a juste demandé, pas supplié / L : 12 et peut-être 6 / M : 1 et peut-être 15 / N : ça pourrait être 14 mais il habite à Sens, pas pu l’interroger / O : 8, 22 et 9 / P : anonyme / Q : 4 / R : 13 / S : 16 / T : 18 mais exagéré / U : 19 / V : 21 / W : tout le monde, de 1 à 22 / X : 4.


le mentallix

Stéphane Allix, le 6ème sens

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rencontre par valentin euvrard illustration : léa zamolo

« Qui a déjà ressenti la présence d’un être cher disparu dans la même pièce que lui ? ». La quasi-totalité des mains de l’assemblée se lève. Celui qui pose la question, c’est Stéphane Allix. Qu’est-ce qu’un grand reporter vient faire dans une salle de cabaret de province, à l’odeur de naphtaline avec de la moquette au plafond, à peine l’année 2016 lancée ? Visiblement, c’est le lieu idéal pour parler de la mort. Plus précisément, de la preuve de la vie après la mort. Parce que oui, il l’a. On est dans le cabaret Odysséo, une salle qui sent bon les glorieuses années 80, juste à côté du lac Kir. Dans la pièce, pleine, des gens en quête de réponses, venus écouter l’expérience de cet ancien présentateur de M6. Stéphane Allix, c’est un mec au parcours pas banal. En 1988, à 19 ans, il rejoint clandestinement un groupe de moudjahidines en Afghanistan. Ensuite, il devient reporter de guerre un peu partout où les gens se tuent dans le monde. En 2001, Stéphane Allix voit mourir son grand frère sous ses yeux, en Afghanistan. À partir de ce moment-là, il enquêtera presque exclusivement sur les expériences humaines inhabituelles. À savoir, les expériences de mort imminente, la médiumnité, bref, tout ce qui questionne et interroge la définition même de la mort. On n’a pas pu résister à la tentation de lui demander ce qu’il se passait après la mort. Entretien entre la vie et la mort, le crédible et l’irrationnel. Vous présentez aujourd’hui votre dernier livre « Le Test : une expérience inouïe, la preuve de l’après-vie ? ». Une expérience à la frontière du surnaturel, comment est-ce que vous vous y prenez ? J’ai fait un deal avec mon père avant qu’il meurt. À sa mort, je cacherais des objets dans son cercueil et ça resterait entre nous deux. En 2013, il décède et je mets alors mon test à exécution. Il n’y avait pas un être vivant

« Ce n’est pas Stéphane Allix, journaliste français, qui va prouver qu’il y a une vie après la mort » Stéphane Allix n’a pas la réponse

qui était au courant, pas même ma femme. Un an après son décès, je suis allé voir des médiums. Je leur disais que je voulais faire un livre d’entretien avec eux. D’ailleurs, j’en connaissais certains depuis longtemps. Je leur demandais de faire une séance avec eux au début, que je voie comment ça marche, pour constater s’il y avait des défunts autour de moi qui se manifestaient. Mais sans jamais dévoiler aux médiums l’idée de mon test. Vous aviez déjà fait des expériences avec les médiums avant votre test ? Je travaille sur la médiumnité depuis des années. J’ai déjà fait part de mes expériences dans mon précédent livre et dans mes émissions diffusées sur M6. Donc vous savez comment fonctionnent les médiums, ce n’est pas comme si c’était une découverte pour vous au moment de votre test. Oui, je connais très bien le sujet. Je sais comment une séance se déroule. Le premier médium que j’ai vu, c’était en 2003. Et c’est toujours aussi mystérieux ? Oui (Rires). Il y a des choses profondément troublantes dans la capacité qu’ont les médiums d’obtenir des infos super précises de la part des défunts. Je voulais « profiter » de la mort de mon père pour essayer de monter une expérience avec lui. Je l’ai fait parce que je pense que mon père aurait adoré lire le livre. C’était quelqu’un de très curieux, qui s’interrogeait sur la mort, comme moi, au moment où Thomas (son grand frère, NDLR) nous a quitté. Comme pour toute expérience scientifique, j’ai postulé dès le départ que mon père était encore conscient, quelque part. Lorsque je cache les objets dans le cercueil, je m’adresse à lui, imaginant qu’il flottait 21

quelque part au-dessus de la pièce. Je lui dis donc que je cache ces objets pour qu’il puisse un jour me les décrire. Si jamais il était là, qu’il m’a entendu et qu’il le communique à des médiums, alors on en aura une preuve. Tous les médiums vous ont dit quels étaient les objets cachés sous le corps de votre père ? Hé bah oui. C’est ça qui fracasse (Rires). Mon livre est décomposé en plusieurs chapitres, chacun pour une séance avec un médium différent. Moi je ne les aidais absolument pas. Je ne leur disais pas que j’attendais un message, encore moins de la part de qui. Mon test a marché. Mais c’est allé encore plus loin. Il s’avère que lors des séances, mon père s’est présenté, mais aussi d’autres défunts, c’est ça qui est curieux ! Des personnes que vous avez connues ? Certaines se sont présentées mais je ne les connaissais pas, alors je n’ai malheureusement pas pu les identifier. Mais mon grand-père, ma grand-mère et d’autres membres de la famille, oui. Un monsieur s’est présenté lors d’une séance en expliquant qu’il était mort à la guerre. Il se décrivait avec un manteau, dans le froid, et il disait s’appeler Paul. Et après des recherches généalogiques, il s’avère que l’oncle de mon père s’appelait Paul, mort en février 1915, porté disparu à la guerre. Et ce Paul, il n’est pas venu chez un médium, mais chez trois médiums ! Cette récurrence permet de faire un travail d’analyse statistique. Et quand les mêmes défunts, les mêmes détails concernant ces défunts se présentent chez différents médiums, on ne peut plus parler de coïncidence. On est dans une occurrence statistique complètement inexpliquée. →


« Ma vie ne se réduit pas à l’existence de Stéphane Allix, » Stéphane Allix parle de Stéphane Allix

Comment vous réagissez lorsque le premier médium vous indique les objets dans le cercueil de votre père ? C’était très fort. J’ai mis 4 objets, dont un livre. Avant mon premier rendez-vous, j’étais en avance, alors je me suis mis à parler dans ma voiture. Je m’adressais à mon père. Je lui expliquais qu’on commençait l’expérience, que je comptais sur lui pour se manifester auprès du médium et qu’il lui dise quel livre est dans le cercueil. Et en même temps que je parlais à voix haute, je me demandais comment il pourrait me l’exprimer. J’ai appris à la longue que les défunts arrivent à donner des choses aux médiums qui sont de l’ordre de la sensation, du visuel. Alors que des mots, c’est plus difficile. Un peu comme vos rêves. Après le réveil, le rêve est présent, détaillé, mais dès que vous commencez votre journée, il disparaît, il s’évapore. La médiumnité, c’est la même chose. Et pour une raison qui m’échappe, ce qui se dissout le plus rapidement, ce sont les mots et les chiffres. C’est pour ces raisons que je me demandais comment mon père allait pouvoir me décrire Le désert des Tartares, de Dino Buzzati. Et il s’avère que le médium, vers la fin de la séance, me dit que le monsieur avec qui il est en contact lui montre une poignée de sable qu’il laisse s’écouler dans le désert. Et là, j’ai pris un coup de poing en pleine figure. Je n’aurais même pas pensé à ça pour décrire le livre. Vous arriviez à feindre vos émotions pendant les séances, pour ne pas influencer le médium ? Oui, il le fallait absolument. Je ne voulais surtout pas faire de retour aux médiums, même si ceux que j’ai vu dans mon livre ne se connaissaient pas tous entre eux, pour ne pas qu’ils en

parlent à d’autres et ainsi réduire au néant mon test en leur racontant la séance qu’ils avaient eu avec moi. En réalité, les médiums n’ont su leur réussite que lorsque mon livre a été publié. À chaque séance, les six médiums ont donné exactement les mêmes réponses ? Non, pas exactement. C’est comme si vous envoyiez 6 personnes à Venise et que vous leur demandiez à leur retour de décrire la ville... Chacun aura ses propres mots. Je reformule ma question. Les six médiums convergeaient à chaque fois vers les mêmes réponses ? Oui. C’est pour ça que j’ai appelé ce livre « Le Test » et que les objets étaient capitaux. Les 6 médiums les ont trouvés de manière indiscutable. Après, selon leurs sensibilités, tous ne m’ont pas dit la même chose, certains captaient plus tel type d’information, d’autres insistaient plus sur tel type de ressenti... Chacune des séance a une structure commune, c’est-àdire qu’on parle aux mêmes personnes, mais ensuite, ces personnes disent des choses différentes aux médiums, qui eux-mêmes les perçoivent de façon différente. On parle tout de même sérieusement de communication avec des morts... Est-ce qu’il ne peut pas y avoir d’autres explications, comme la télépathie, même si c’est tiré par les cheveux ? C’est une très bonne question, légitime. Dans les explications conventionnelles, comment quelqu’un qui ne vous connaît ni d’Eve ni d’Adam peut être capable de vous donner des infos précises sur votre père qui est mort ? Chacune des séances était enregistrée et retranscrite mot pour mot. Ça me permettait de voir si le médium décrivait des choses très vagues pour finalement arriver à quelque chose de précis, ou s’il était très précis dès le départ. Cette précision que les médiums ont est une indication qu’ils ne cherchent pas à vous faire dire des éléments pour l’aider à voir un peu plus clair, comme peuvent le faire les mentalistes. Les mentalistes, sans en donner

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l’air, vous emmènent là où vous voulez aller. Après, comme vous dites, pouvoir me dire quels objets sont avec mon père n’est pas la preuve absolue qu’ils communiquent avec les morts. Ils pourraient très bien obtenir ces informations par la télépathie. C’est une question que je leur ai posée et tous m’ont répondu de manière unanime : « ce sont deux perceptions différentes ». Les médiums sont capables d’entrevoir nos pensées, c’est ce qu’on appelle la voyance, mais ils s’accordent tous pour dire que lorsqu’un mort est à côté d’eux, c’est tout à fait autre chose. Donc votre test est improuvable...Vous vous doutez bien que ce n’est pas Stéphane Allix, journaliste français, qui va prouver qu’il y a une vie après la mort. Après 15 ans de travail sur ce sujet, j’ai compris qu’on ne pourrait jamais prouver l’existence d’une vie après la mort. La science est une technique d’appréhension du réel développée en Occident depuis quelques siècles, mais somme toute réduite sur de larges sujets qui nous concernent. L’amour échappe complètement à la science par exemple. Pourquoi est-ce que j’aime toujours ma femme ? Pourquoi je vis avec elle depuis tant d’années ? La foi que peuvent avoir des gens, qu’elle soit religieuse ou pour une guérison, est aussi inexpliquée. Pourquoi quelqu’un qui croit qu’il va guérir, a plus de chances de guérir d’une maladie ? Ce monde subtil des émotions échappe à l’examen scientifique. Il ne faut pas essayer d’appliquer une méthodologie qui travaille sur la matière et la reproductibilité à des phénomènes qui ne peuvent pas l’être. Comme la vie après la mort. On peut y apporter des éléments convergents, c’est le but de mon travail. Le reste, c’est un cheminement personnel qui nous mène à y croire ou non. Mais vous, vous y croyez. Aujourd’hui, j’ai une certitude intuitive que la vie se poursuit après la mort. Ma vie ne se réduit pas à l’existence de Stéphane Allix, mais à quelque chose de bien plus vaste. Comme la vôtre d’ailleurs. // V.E.


MAISON

VICTOR HUGO BESANÇON VILLE NATALE

Le 26 février 1802, la maison du 140 Grande-Rue à Besançon a vu naître un écrivain mondialement célèbre, Victor Hugo. À la différence des autres maisons où il vécut, la Maison natale de Victor Hugo est plus qu’un musée ou un lieu de mémoire. Dans une scénographie contemporaine laissant une grande place au multimédia, ce sont les combats de l’homme engagé qui sont présentés dans des espaces aux vocations différentes.

Le rez-de-chaussée évoque les hommages rendus par les Bisontins et les liens tissés avec sa ville natale. Au premier étage, une exposition permanente de quatre espaces thématiques est entièrement consacrée aux combats de cet écrivain engagé pour la liberté d’expression, pour la dignité humaine, pour les droits des enfants, pour la liberté des peuples.

Atelier Poste 4

140 Grande-Rue Ouvert tous les jours sauf mardi Tél : + 33 (0)3 81 87 85 35 www.besancon-tourisme.com


reportage

PaR valentin euvrard et nicolas boeuf illustrations : david fangaia

the raël life Au milieu de la rue, il est franchement immanquable. C’est pas tant à sa tête ou à son style, mais plutôt à l’affiche qu’il arbore fièrement sur son torse : « Expo-conférence à Dijon – des extraterrestres ont créé l’humanité scientifiquement ». Remballe ton expo-conférence Astier, les Raëliens sont dans le game. L’homme-sandwich nous alpague devant l’hôtel Campanile de la gare : « Vous venez pour découvrir la vérité ? » Oh oui, et comment !

On ne vous cache pas qu’on était au courant de la tenue de cette conférence depuis un moment. D’ailleurs, à l’entrée de la salle, une femme nous demande comment on l’a appris. Réponse : Facebook. L’algorithme du site de Zuckerberg fait de drôles de choses (ou nous sommes particulièrement tordus) comme mettre en avant la page « Mouvement Raëlien » derrière laquelle se cache le community manager le plus décomplexé du monde. Répartie, infos claires et même humour dans ses commentaires, bref, ça vaut le détour. Toujours est-il que c’est comme ça que l’on apprend que Dijon est choisie comme première ville pour cette expo-conférence qui sillonnera toute la France et la Suisse dans les mois à venir. « Mais comment peut-on sérieusement croire que les humains ont été scientifiquement créés par des extraterrestres ? » C’était, en substance, la grande question qui nous habitait avant d’aller rencontrer les Raëliens de Dijon. Ces types qui se retrouvent pour prêcher la bonne parole des Elohims sont-ils des dingues, des simples d’esprit, des manipulateurs ?

Guitare, bagnole et soucoupe Ah, les Elohims… Ce sont les créateurs de l’Homme. Le terme vient de l’hébreu et signifie généralement « dieu » dans la Bible hébraïque. Mais plutôt qu’un vieux barbu, imaginez à la place une civilisation hautement évoluée, avec 25 000 ans d’avance sur nous, capable de créer la vie. Détail amusant, dans une vidéo projetée pendant la conférence, les Elohims sont représentés avec de la barbe. On est loin du petit bonhomme gris aux grands yeux sombres. Visualisez Conchita Wurst croisé(e) avec Michael Jackson et vous aurez un aperçu du premier être qu’a rencontré Raël, le 13 décembre 1973. À cette époque, Claude Vorilhon n’est pas encore Raël. C’est un ancien chanteur de rue, spécialisé dans l’imitation de Jacques Brel, avec un certain penchant pour les bagnoles. Il connaît une petite carrière musicale jusqu’à ce que son producteur se suicide. De retour dans son pays natal en 71, l’Auvergne, il fonde Auto-Pop, un magazine automobile. Pas de pot, le gouvernement Messmer interdit les compétitions automobiles après le crash pétrolier. Et là, 13 jours après la fin de son journal, le 13 décembre 1973, il tombe nez à nez 24 38

sur un Elohim au Puy de la Vache. Trop gros pour y croire ? Attendez la suite.

José Bové cosmique Raël échafaude toute une construction qui paraît cohérente au premier coup d’œil. Mais faut pas se moquer du monde non plus. Si on prend trois centimètres de recul, on prend conscience de l’absurdité de ce que l’on lit. Et de ce qu’on entend. Arnaud*, raëlien depuis la première heure du mouvement, nous explique comment se passe la vie dans le monde des extraterrestres : « Au départ, la Terre, c’était qu’une planète bleue. Les Elohims ont mis 2000 ans pour la terraformer et 12000 de plus pour trouver un écosystème stable et harmonieux ». Des aliens qui faisaient absolument tout ce qu’ils voulaient, les types maîtrisaient complètement la génétique. Enfin, pas tout non plus, « il y avait des José Bové chez eux », rajoute Arnaud. Comprendre par là que tous les scientifiques extra-terrestres n’étaient pas chauds pour créer l’Homme. Il y a eu une scission entre eux, mais l’Homme est finalement sorti des laboratoires « et il était à l’image des Elohims ». →


Karaoké pour Raël. 39


« Les clés de l’ADN sont données dans la Bible et le Coran » Arnaud, connaisseur du sujet

Dans son discours, Arnaud est fantasque. Il explique que les Elohims eux-mêmes ont été le fruit d’une expérience scientifique par une autre race d’aliens et ainsi de suite. Et l’homme reproduit ce schéma. « Nos scientifiques réfléchissent à comment coloniser les planètes. Je sais pas si vous avez vu, mais on projette de terraformer Mars et Jupiter », avance-t-il. Réponse immédiate par un spectateur dans la salle : « Et comment ? Je vous rappelle que Jupiter est une géante gazeuse, on n’y posera jamais les pieds ». Par une pirouette, Arnaud change de sujet. C’est sa spécialité. En deux heures de conférence, il s’est improvisé à la fois agriculteur, médecin et économiste. C’est sûrement grâce à ce savant mélange de compétences qu’il peut avancer « que les clés de l’ADN sont données dans la Bible et le Coran », que Jésus et Mahomet « avaient reçus eux aussi la visite des Elohims » et que nous, spectateurs présents dans la salle, formons la « génération qui vivra 700 ans ». RIP la génération Bataclan. Lorsqu’on discute avec ces adeptes, la première chose dont on se rend compte, c’est que tous avaient une certaine sensibilité aux sujets des ovnis et des extra-terrestres avant de rencontrer la théorie de Raël. « J’ai toujours senti qu’il y avait quelque chose, làbas, que l’on n’était pas seuls », raconte Pierre*, le responsable des Raëliens pour l’est de la France. Avec sa petite barbe blanche et sa voix douce, Pierre ressemble à un rescapé des communautés hippies des années 70. Avec un énorme tatouage du symbole raëlien dans le cou. Symbole qui mélange étoile de David, « parce qu’elle pointe vers l’infiniment grand et petit » et svastika « parce que ça marque ».

Puzzle La première fois que les disciples tombent sur le livre de Raël, tous ont la même image : comme des pièces d’un puzzle qui se rassemblent d’un coup. « C’est un ami qui était en apprentissage avec moi qui m’a conseillé de lire ce livre. C’était il y a plus de 35 ans », se rappelle Pierre. « C’était une révélation. Je ne pensais pas trouver un jour

autant de vérités dans un livre. » Joël*, adepte depuis une trentaine d’années raconte une histoire similaire. « J’étais en voiture avec une fille, en sortant de boîte. Elle me demande si je crois aux extra-terrestres et aux choses comme ça. Ouais, c’est vrai, j’y croyais déjà. Du coup, elle me dit de lire ce livre. C’était incroyable ». Son regard s’agite un peu sous son bonnet enfoncé presque jusqu’aux yeux. « C’était comme si tout prenait un sens en même temps. Ça a ouvert plein de portes dans mon cerveau. » Avec son récit à la fois simple et élaboré, Raël a su convaincre non sans mal tout un tas de gens qui pensaient déjà « qu’on n’était pas tout seuls. » Il est concevable que c’est beaucoup plus simple de croire que l’Homme a été créé par une autre intelligence, plutôt qu’il soit sorti du néant par un dieu qui a créé le monde en 7 jours. Une fois accrochés dans le récit et persuadés que nous avons bien été en contact avec nos créateurs, il est simple de monter de plus en plus loin dans la foi. Les extra-terrestres veulent qu’on leur construise une ambassade pour les recevoir sur Terre ? Pas de problème !

Sauvegarde spatiale On écoutant nos interlocuteurs discuter, on en oublie l’essentiel. Qu’est ce qu’on fout là, à parler complètement au premier degré de l’existence d’aliens qui nous auraient créés ? Prit par le récit, on acquiesce bêtement à ce qu’ils disent en oubliant l’absurdité totale. Heureusement, ils nous ramènent vite sur Terre (#jeudemots). Accrochez-vous, parce que là, on part loin. On interroge Joël pour savoir comment on devient Raëlien : il y a un genre de baptême ou quelque chose ? À vrai dire, oui. « On peut être baptisé, en quelque sorte par un prêtre raëlien, quatre fois par an », détaille-t-il. Quatre dates symboliques qui correspondent aux rencontres avec les extraterrestres (et aussi à la date de l’explosion de la bombe atomique sur Hiroshima, WTF ?). « En fait, il s’agit juste de reconnaître en soi l’existence des Elohims. Un prêtre vous met de l’eau sur le front, ce qui me permet de réaliser plus facilement le TPC. » Pardon Joël, le TPC ? « Le Transfert du Plan Cellulaire. En fait l’eau que l’on a sur le front sert de conducteur. Notre cerveau transmet grâce à des vibrations notre code génétique dans l’espace jusqu’aux Elohims qui le stockent dans un ordinateur. Comme ça, si l’humanité finit par s’autodétruire, ils réimplanteront uniquement les vrais croyants. » Pendant qu’on essaye de raccrocher notre mâchoire, Joël me raconte son propre baptême, réalisé par Raël himself. Aussi délirante que soit cette histoire de TPC, elle nous révèle tout de même quelque chose →

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Raël, l’argent et ses anges Pendant la conférence des Raëliens à Dijon, les dérives sectaires du mouvement ont bien évidemment été passées sous silence ou largement diminuées. Classé comme secte depuis 1995, le mouvement raëlien est une machine à scandale tournée vers un seul profiteur : son gourou, Raël. L’argent, d’abord. Interrogé à plusieurs reprises par le public, le maître de conférence élude la question d’un haussement d’épaules : « Si vous n’avez rien à donner, on ne vous force pas. En revanche, si vous êtes millionnaire et que vous avez deux millions à donner, je les prends avec plaisir », assume-t-il. En réalité, les règles de la secte raëlienne sont un peu moins souples qu’il ne le laisse entendre. Les membres sont invités à donner précisément 10 % de leurs revenus après impôts au mouvement. Mais à quoi sert donc cette manne ? « Déjà, pour nos interventions comme celle-ci. Hé ouais, ça coûte du fric. Rien que la location de cette salle, c’est 1000 balles », affirme notre conférencier. Le reste, c’est pour financer la fameuse ambassade prévue pour accueillir les Elohims lors de leur retour sur Terre. Ils en sont où les travaux d’ailleurs ? Pour l’instant, aucun pays ne veut céder un terrain extra-territorial au mouvement qui veut fonder son propre petit pays. En attendant, l’argent s’entasse bien au chaud dans ses caisses. Mais bon, « faites confiance aux Raëliens, ils ne toucheront pas votre argent », assure Arnaud. À ce don de 10 %, il faut ajouter une autre obole, facultative mais largement encouragée de 1 % au profit « du seul plaisir de Raël ». Le gourou qui habite au Japon est apparemment un très bon vivant. Quand il ne s’agit pas de financer ses courses de bagnoles, c’est pour lui composer son harem « d’anges ». Disons-le clairement, il s’agit d’un système proxénète où de très jeunes femmes s’engagent à avoir des relations sexuelles avec Raël et les Elohims. Bon, vu qu’ils n’ont toujours pas pointés le bout de leur nez, Raël en profite bien tout seul.



« Et alors là, l’extraterrestre se pointe et il me dit...»

« On est dans la physique quantique quand on pense à la paix » Mireille, raëlienne

ans. L’informatisation et la robotisation font que l’Homme a de moins en moins de tâches ingrates à faire. La Finlande va expérimenter un revenu universel de base, d’autres pays y réfléchissent, notamment la France. Être payé et ne plus bosser. En termes raëliens, ça s’appelle le « paradisme ». sur l’idéologie raëlienne. Jusque là, on nous avait présenté le message des Elohims comme quelque chose d’universel, dont les Raëliens seraient de simples porte-voix. Finalement, on s’aperçoit qu’il y a bien un avantage à reconnaître l’existence des créateurs. En cas d’Armageddon, les vrais seront sauvés. Le paradis selon Raël.

Sensual Healing On a aussi eu droit à une séance de méditation. Pour Mireille*, comme pour tous les Raëliens, il y a un formidable outil pour changer le monde : la méditation sensuelle. Et attendez ! Tout le monde peut la faire ! Sans rire ! « On est tous reliés les uns aux autres par nos sens. Nos cerveaux forment un réseau, comme Internet ! », s’emporte notre coach de méditation. On ferme alors les yeux, on respire profondément. On tente de ressentir « la paix en nous ». Dès qu’on la tient, on peut l’envoyer au reste du monde, dans une « énorme vague d’amour qui s’étend sur toute la planète ». Vous pouvez le faire chez vous si vous voulez. On nous a garanti que si chaque humain donnait une minute par jour pour méditer pour la paix, on finirait par l’obtenir. « Plus on médite,

« Notre cerveau transmet grâce à des vibrations notre code génétique dans l’espace » Joël, un adepte

plus nos neurones vibrent. On créé alors des ondes, comme une radio. On est dans la physique quantique quand on pense à la paix. » Désolé, on ne te capte plus Mireille. Tu fais vibrer tellement fort un de nos voisins qu’il « accepte de croire » à vos théories, mais qui se demande si on découvrira le secret des pyramides et des infra-terriens en étant raëlien. Putain, il ne manque plus que les reptiliens et on est bons.

Société futuristique Allez, admettons que l’on rejoigne les rangs de Raël. C’est quoi le next move ? Le changement politique. Il faut que le changement vienne d’en haut, « parce qu’en ce moment, c’est la médiocratie qui règne », lance Arnaud. Il faut un « collège de guidance pour l’humanité, pas un gouvernement ». C’est le modèle qu’utilisent les Elohims, c’est la « géniocratie ». Bah ouais, quitte à choisir entre être gouverné par un idiot ou un génie, autant prendre le deuxième, non ? Arnaud nous vend ce modèle comme vertueux, cassant les codes politiques actuels. « Le pouvoir doit disparaître, c’est ce qui nous mine. » Mais il se garde bien de nous dire que ne seront éligibles aux postes publics que les individus ayant un coefficient intellectuel supérieur à 50% de la moyenne. Les électeurs devront avoir un QI supérieur à 10 % pour glisser le bulletin dans l’urne. Une démocratie sélective qui frôle l’eugénisme. Ceci dit, on ne travaillerait plus dans cette géniocratie. « Les machines peuvent faire notre travail, dès aujourd’hui », assure le conférencier. Alors pourquoi continuer de bosser ? Il n’a pas tort, la définition du travail n’est plus celle qu’elle était il y a encore 30

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Pot pourri Sur quoi repose vraiment l’idéologie raëlienne ? En fait, c’est un véritable micmac de concepts spirituels (méditer pour la paix dans le monde), sociaux et économiques (comme le revenu de base) mêlés à une foi aveugle en la science comme facteur unique de progrès humain. Le tout basé sur la croyance en l’existence d’une civilisation extraterrestre qui nous aurait créés. On peut aussi y ajouter des principes de liberté sexuelle hérités des communautés hippies des années 60-70. Et cet incroyable enchevêtrement existe pour l’enrichissement d’une secte et de son gourou : Raël Les Raëliens rencontrés à Dijon ne sont sûrement pas de maléfiques sociopathes qui prêchent leur idéologie afin de recruter de nouveaux adeptes pour enrichir leur secte. Ils ressemblent plus à des victimes, convaincues du bien-fondé de l’idéologie de leur maître. Ce qui ne les rend pas moins dangereux : un croyant pénétré est souvent bien plus convaincant qu’un baratineur. Quand on demande à Pierre s’il aimerait rencontrer nos créateurs, ses yeux de vieux sage hippie s’illuminent comme ceux d’un gosse. Il attend depuis plus de 30 ans de rencontrer des extraterrestres qui sont le fruit de l’imagination d’un manipulateur et espère plus que tout pouvoir se rendre un jour dans une ambassade qui ne sortira jamais de terre. Face à cet homme enferré dans des convictions aussi délirantes que dévorantes, on ne ressent qu’une seule chose : de la pitié. // V.E. et N.B.

* les prénoms ont été modifiés pour des raisons évidentes d’anonymat.


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interview

PaR sophie brignoli illustrationS : guillaume constant photos : alexandre claass

Chez Jacques Auberger, 24 ans, il y a d’abord le look : crâne rasé, mais seulement au milieu, vêtu de fripes récupérées à Emmaüs, on pense d’abord avoir à faire à un anti-hipster. Et puis il y a Jacques le producteur de musique, un savant fou qui tape sur un seau en plastique et tord des scies en live, incorporant des bruits d’alarmes incendie et de verres brisés. Ou encore Jacques le conférencier, actif au sein de groupes de propagateurs d’idées et de son ambitieux collectif Pain Surprises. Rencontre avec cet artiste singulier, lors de son passage à La Vapeur pour le festival GéNéRiQ.

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Facteur ou coiffeur ?

« Je fais de la méditation, le Vipassana. C’est une retraite dans laquelle tu ne parles pas, tu manges très bio et tu médites »

Tu te produis sur scène, mais pas que dans des salles de concerts ; tu es intervenu plusieurs fois lors de conférences TEDx en Alsace et très récemment lors de la 10ème édition de Tribe à Paris sur le thème « Sortir du cadre ou pas ». Comment devient-on intervenant au sein de groupes de penseurs indépendants ? Comme d’hab’ un mélange entre le fait que je sois né où je suis né et le fait que je fasse ce que je fais. Mon oncle fait partie de l’équipe de TEDx Strasbourg, je lui ai proposé de faire quelque chose et ils ont accepté. Et en même temps, c’est aussi parce que je suis fan de TED et que c’est important de s’exprimer, c’est bon pour moi, pour faire le bilan. Il y a des thèmes et des discussions qui m’ont beaucoup apporté.

responsabilité. Donc tu changes d’avis mais pas de coupe de cheveux. Non je ne change pas de coupe de cheveux pour l’instant. Je pense changer d’ici quelques années, le jour où je ferai un album peut-être. Ça pourrait aller ensemble, il y a des trucs comme ça qui vont ensemble. Par exemple, quand je vais avoir un vélo, je vais avoir une meuf. C’est con mais je me dis ça. Tu fais partie du collectif Pain surprises, qui est à la fois une agence de pub, un label, et qui a organisé une dizaine de soirées à Paris « parce que la nuit n’avait pas connu d’orgasme ». Tu nous expliques ? Ce qu’on faisait à cette époque c’était un peu nul. Et en même temps trop bien parce qu’on faisait ce qu’on voulait. On a même tourné un porno dans la boîte. Le truc c’est que notre public c’était des gens – un peu comme nous – coinços, fils de, et ils osaient rien dire parce qu’ils ne voulaient pas passer pour des gens fermés. Donc on inventait des concepts de pire en pire… (Rires) C’était la surenchère de l’absurde, quelque chose d’intuitif, de la provoc’ pure. On réfléchissait à un truc qui pouvait vraiment les faire buguer, et on a eu cette idée de filer 1.200 € au public. Quand tu réfléchis, après une certaine heure les gens n’ont plus d’argent et ne vont plus boire. Si à ce moment-là tu distribues de la thune, ils vont aller directement au bar la dépenser. Tu en récupères donc une partie. Au final tu lâches 400 €, c’est le prix d’une danseuse, sauf que personne ne se souviendra de la danseuse le lendemain. Mais de toi qui file de l’argent, si. Avec Jacques, je ne fais pas du tout ça, mon propos est clair. →

Mais quand tu fais ta présentation de 18 minutes au TEDx, tu y vas en tant que qui ? Jacques, le producteur de musique ? Non j’y vais en tant que moi. Il n’y a qu’un seul Jacques. C’est marrant que tu dises ça puisque dans ta deuxième conférence tu décris la demi-douzaine de Jacques qui sommeillent en toi... C’est vrai. En fait il y a plusieurs Jacques, notamment un qui dit qu’il n’y a pas plusieurs Jacques. (Rires) Cette conférence était une façon d’expliquer qu’on peut avoir plusieurs avis sur les choses en fonction des instants. On peut même avoir plusieurs avis en même temps. La grossièreté de l’esprit empêche parfois de se rendre compte de la complexité de certaines réalités. C’est un peu simple ce raisonnement non ? Oui c’est hyper simple. Je ne suis pas là pour construire quelque chose ou assumer une

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Ta musique est faite de bruits que tu pioches sur Internet et que tu enregistres toi-même. Comment ça marche exactement ? Je me sers toujours sur le net mais j’ai aussi partout avec moi des micros piezo et un petit enregistreur H4. Mais c’est pas la quantité de son qui compte, je recherche des bruits bien précis que j’explore à fond, parce qu’un seul son peut être la base du morceau, c’est très précieux. Les bruits de porte, par exemple, sont toujours différents, et le hasard fait que tu peux en tirer un rythme fortuit. Je vais aussi piocher dans les sonothèques du cinéma parce qu’il y a des super enregistrements, des bruits de balles de tennis qui passent de près, des bruits de foules... Des choses qu’il est très difficile de capter. En live aussi tu utilises des objets en tant qu’instruments ? Oui, c’est la façon la plus spontanée que j’ai trouvée pour recréer cette démarche. Je prends des objets que je trouve, il y en a que je garde et d’autres que je renouvelle. Je suis allé à Emmaüs en arrivant à Dijon exprès. J’ai acheté une veste de La Poste à 6 € et deux scies. Mon rêve serait de faire une tournée Emmaüs. Les gens ramèneraient leurs objets et moi je pourrais faire du son avec. Je leur ai envoyé un mail, je pense que ça va les chauffer. C’est un endroit assez particulier, c’est un peu comme un squat quand tu y penses.

mails tous gentils mais j’y réponds de moins en moins. J’ai plein de mails qui servent à rien. J’étais en Inde pendant deux semaines et je me suis dit à mon retour que j’allais plus considérer les choses qui m’arrivent en vrai. Par mail c’est trop flou. Les gens font souvent le strict minimum, comme si la vie pouvait se gérer par mail. Tout ce que je fais, je le vois comme un prétexte pour passer de bons moments, pour échanger. En fait, t’es un peu un hippie ? Oui peut-être. Sauf qu’eux, ils ont pris trop de fonce-dé. (Rires)

Tu traînes d’ailleurs toujours dans des squats ? Oui, si l’on considère l’endroit dans lequel je vis comme un squat... C’est une ancienne imprimerie qui nous est prêtée à Asnières ; je partage un studio avec les mecs de Polo & Pan. D’ailleurs je vais faire une apparition dans leur album.

Tu bosses sur un prochain EP ? J’ai un single qui va sortir, qui s’appelle Dans la radio ; c’était au départ une commande de la Maison de la Radio avec des bruits enregistrés dans leurs locaux. Je pense qu’ils s’attendaient à quelque chose d’expérimental et j’ai fait au contraire un morceau très carré, sur lequel je chante. Donc ils l’ont passé une fois, mais ce n’est pas rentré en radio. J’ai plein d’idées, je pourrais en parler des heures. Je vais dans des directions hyper pop et à la fois expérimentales, avec des morceaux sans tempo, avec que des bruits. Je travaille les concepts de tempo sans fin et de morphing du son.

Tu as aussi signé une BO de court-métrage avec Flavien Berger, comment s’est passée la rencontre ? Ça m’a un peu réconcilié avec l’idée de faire de la musique à plusieurs, c’était très agréable de bosser avec lui. On a des points communs, clairement. Et lui s’en bat les couilles des styles de musique, et même si ce n’est pas un chanteur au départ, il chante et le fait plutôt bien. Ça m’inspire pas mal.

Est-ce que tu voudrais faire autre chose ? L’Américain Reggie Watts est une grosse inspiration pour moi. Il fait un one man show et de la musique en même temps, il est énorme. J’ai fait du théâtre pendant cinq ans, c’est important ce genre de pratique : ça te permet d’avouer que t’es pas à l’aise.

« Il y a plusieurs Jacques, notamment un qui dit qu’il n’y a pas plusieurs Jacques »

C’est pour ça cette coupe de cheveux ? Mais tu sais que je suis toujours pas à l’aise avec cette coupe-là ? Depuis l’Inde, ça y est je la réassume. Il faut le vouloir, mais je le veux. Je suis pas encore défait complètement de la honte. Le problème c’est que je traîne trop maintenant dans des endroits où les gens prennent cette coupe pour un truc stylé. Mais que ce soit un mec qui se foute de ma gueule ou une classe toute entière de CM2 dans le métro, le but est d’arriver à n’en avoir rien à faire. C’est un thermomètre pour savoir à quel moment je suis proche de moi-même. Ce que pensent les autres ça n’a aucune forme d’importance, même pas un peu. Tout peut venir de toi et j’ai déjà toutes ces valeurs de respect, d’empathie... Je ne le fais pas pour passer pour le mec qui ne veut pas être stylé.

Qu’est-ce qui a changé depuis la sortie du premier EP Tout est magnifique en 2015 ? Déjà j’ai arrêté de culpabiliser, en plus maintenant j’ai un peu d’argent, je peux payer un loyer et manger ce que je veux. Ça change tout et je suis plus serein. Je suis complètement désillusionné du game, à tel point que si ma carrière s’arrêtait là et bien tu vois j’men foutrais. C’est pas parce que ça marche que je vais être heureux. C’est pas parce que ma musique est bien que ça va marcher et d’ailleurs si ça marche ça ne veut pas dire que ma musique est bien.

Ça te vient d’où cette spiritualité ? Je sais pas... Ma maman est prof de yoga. Je fais de la méditation aussi, le Vipassana. C’est une retraite dans laquelle tu ne parles pas, tu manges très bio et tu médites selon un protocole inventé par un mec. Et c’est vraiment criant de vérité. D’ailleurs c’est gratuit, le centre est à Auxerre, mais tu peux aussi faire ça en Suisse. Je pense que tout le monde a ce besoin de spiritualité.

Pourtant tu as déjà la reconnaissance des médias et des pros, avec notamment un passage sur France Culture et un live aux Trans après seulement un EP, c’est plutôt rassurant non ? Je veux pas avoir l’air prétentieux en disant ça mais qu’est-ce qu’ils en savent si je suis bon ? J’ai fait quatre morceaux. Je pourrais très bien faire de la merde. Après je fais de la musique pour moi, et tant que je kiffe je ne peux pas me tromper.

Peut-être mais tu sembles l’avoir trouvé tôt. Au bout d’un moment tu ne perçois plus cette notion de temps à l’occidental, c’est juste du temps psychologique. Il n’y pas d’histoire de score dans la vie, de tôt ou tard, pas de point de comparaison. C’est chacun son délire. // S.B.

Tu communiques aussi beaucoup directement avec les gens via Facebook, tu fais pas ça un peu pour eux aussi ? Je reçois plein de 32


Visuel créé par l’étudiante Clara Vidal-Rosset à l’issue d’un concours interne à l’école nationale supérieure d’art de Dijon, dans le cadre d’une convention de développement avec le Grand Dijon.

www.myDijon.fr /carteCultureGrandDijon.fr


reportage

daunat summer Si tu aimes la bonne bouffe, que tu privilégies les circuits courts, si tu préfères déguster des aliments qui ont du goût, et qui ne se dissimulent pas derrière un bel emballage, alors, tourne la page. Je m’adresse à toi qui, à la pause de midi, veut manger « quelque chose », peu importe quoi, mais juste bouffer un truc. Laisse moi te dire que c’est mal ! Le sandwich que tu as acheté vite fait, qui est tout beau, tout propre, n’a pas été fabriqué avec amour, mais plutôt avec la rage de l’ouvrier qui n’en peut plus de satisfaire tes désirs de glandeur. Bienvenue dans le monde féerique de la fabrication du club sandwich Daunat ; c’est une belle usine à Sevrey, dans la banlieue de Chalon, dans un coin de rêve, au bord de l’autoroute du soleil. Allez, pose tes baskets, ta casquette et ton cellulaire, et enfile ta combi, ton masque et ta petite charlotte.

PaR aurélien novak, à chalon-sur-saône illustration : DR

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« La salade sans goût, elle trempe dans le chlore »

A

près avoir passé tes années lycée à manger à la cantine, et tes années fac à déjeuner au resto U, tu pensais enfin que tu allais être débarrassé de tes maux de ventre et tes gaz de 14h36 ? Mais non ! Maintenant t’es au boulot, t’es content, t’as une paye, mais toujours pas de temps ; alors tu files à l’Inter le plus proche, tu prends un petit sandwich Jambon Emmental de la gamme Plaisir Vrai de chez Daunat. Évidemment, le plaisir tu ne l’as pas en le mangeant, ni en le digérant. Faudra peut-être penser à consulter ! Le géant du sandwich a tout fait pour que tu bouffes vite, et tu continues à l’engraisser avec ta carte sans contact. Mais faut avouer que Daunat c’est tentant, et c’est surtout un choix délirant, rien que sur les sandwichs club, on compte plus de trente recettes différentes, et ce n’est qu’une infime partie de ce que produit la marque. Daunat c’est le leader du petit pain garni, cent millions d’unités vendues chaque année, on est loin de la boulangère qui vend 10 jambon-beurre dans la journée. Excuse-moi, tu préfères sans doute le duo bacon-chèvre, ou alors le poulet-brebis. J’avoue qu’on salive déjà à l’idée de tirer la languette pour laisser s’échapper l’odeur du grand air.... Maxime Soulas, le PDG et tout son petit personnel pro de la com’, ont pensé à tout pour t’inciter à croquer chaque instant1. Un petit générateur d’idées de menus Daunat est disponible sur le site de la marque. Si t’as envie de générosité avec de la charcuterie, par exemple, le géant du sandwich te propose un petit wrap jambon-brebis sauce yaourt ! Par contre, si tu veux savoir d’où provient ta tranche de jambon, t’auras beau lire tout l’emballage, tu trouveras pas. Chez Daunat,

on pétrit le pain, on assure « un maximum de fraîcheur dans vos pauses snacking », nous dit le service com’. Ça a de la gueule ça, « snacking », alors que ça veut juste dire manger vite et salement. Par contre pour la provenance de la viande, c’est silence radio. L’UFC-Que-Choisir a mené une enquête à travers laquelle on découvre que Daunat est l’une des rares marques à ne pas indiquer d’où provient la viande qui compose ses produits. Le leader du sandwich ne balance pas ses sources. Mais bon Maxime Soulas vient d’une famille d’agriculteurs, et se définit comme « un grand amoureux des produits » d’après le site Lsa-conso.fr. Ça prouve que Daunat est à la recherche de l’authenticité et du bon goût !

« Mets en rouuuute ! » Pour confectionner un sandwich Daunat, il faut plusieurs ouvriers sur une ligne : un qui s’occupe du pain, un autre qui tartine le beurre, puis un qui pose la tranche de jambon, et encore un autre qui dépose le morceau d’emmental. Et on n’oublie pas celui qui referme le sandwich, et celui qui le met en boîte. Bon, autant dire que ça fait du monde à payer. Quand tu manges Daunat, tu participes à la création de valeur et d’emplois, c’est beau (d’ailleurs à Chalon, c’est l’argument emploi qui prévaut. On ne touche pas à Daunat, comme Amazon, parce que ça file du boulot). Chez le géant du sandwich, on a opté pour le taylorisme : on divise le travail. Imagine une usine similaire à celle de Chaplin dans « Les temps modernes » : tu ajoutes des combinaisons blanches et une odeur de bouffe industrielle, et tu touches un peu du doigt l’ambiance chez Daunat Bourgogne. Alors que ça te prend 5 minutes à peine à

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l’engloutir, pense un peu à ce qu’un ouvrier fait pour le créer ton sandwich ! Déjà il doit aller à Sevrey, et quand t’habites Chalon, c’est la loose de bosser à Sevrey. Au bord de l’A6, l’usine t’attend. Tu gares ta bagnole, tu traverses la petite passerelle, tu chopes une magnifique combinaison blanche, à ta taille, quand tu en trouves une. Ensuite, tu t’habilles, tu enfiles tout ça, ça te prend bien 10 minutes cette histoire. Attention, il faut être couvert, tu te diriges vers le grand froid. Tu traverses un long couloir, et de là, tu peux voir les autres bosser, tu peux voir ce qui t’attend. Pour la chaîne de fabrication, tu descends en zone rouge, c’est la pire. Tu chopes des bottes, tu passes dans une petite mare pour les laver. Te voilà maintenant dans l’antre du Diable. En plus de l’odeur, tu dois supporter le bruit, « en un mot : horrible, je sais même pas si ça définit bien l’ambiance.... l’enfer, c’est le bon terme », se souvient Caroline2 qui a travaillé à Daunat pendant ses études. Mais là, ce n’est qu’un début, on n’a pas encore mis la main à la pâte. Pas de chichi, tu enfiles tes gants et tu vas vers ta chef d’équipe, c’est la dame qui a une bande rouge sur sa combi, comme un brassard. Et là, elle te dirige vers un chef de ligne (brassard bleu) qui te confie une tâche. Ça y est, tu es parti pour plusieurs heures d’aliénation sans interruption ; c’est à ce moment que tu t’en veux d’avoir lu Marx, le salaud, il t’as mis des idées en tête. Eh bien maintenant tu fermes ta gueule, et tu fais ce qu’on te demande. Tu n’es plus rien, tu n’es plus personne, tu es un outil de production. C’est le système qui veut ça. Il n’y a pas que chez Daunat qu’on demande à l’ouvrier d’effectuer une tâche ingrate et répétitive. Disons seulement que le numéro un du sandwich illustre bien le concept d’aliénation. →


« Avec Daunat on subit une violence, elle est gustative d’un côté, et sociale de l’autre »

Parmi cette multitude de tâches, toutes plus ingrates les unes que les autres, tu fais un classement dans ta tête, de la pire à la moins pire, et tu espères ne pas te retrouver à poser le jambon, par exemple. « Faut arriver à prendre 3 tranches, les aligner dans une forme particulière et insérer tout ça dans le sandwich sans déborder sur Madame salade derrière ! » témoigne Sarah qui, elle aussi, a travaillé dans la grande usine chalonnaise. Il faut toujours faire plus vite. « Les cadences sont infernales, rien à voir avec les autres entreprises » raconte Caroline qui a travaillé par la suite dans d’autres boîtes du secteur agro-alimentaire. L’entrepôt de production est divisé en deux parties : dans l’une se trouvent les lignes pour la confection des sandwichs en triangle (sandwich club), l’autre partie, c’est pour les baguettes. Dans cette seconde section, tu peux profiter de la vue sur l’autoroute. Si tu es bien placé sur la ligne, et que tu maîtrises ton job, tu peux donc te payer le luxe de contempler les Renault Scenic et les camions. Côté triangle, les tranches de pain de mie avancent sur un large tapis roulant bleu, par à-coups, et les cadences augmentent si la demande augmente, c’est la loi du capitalisme. Chaque ouvrier est face à la ligne, une caisse remplie d’un ingrédient est accrochée à côté de lui. Tu plonges tes mains dans le poulet congelé, attrape une pincée, et la dépose délicatement sur la tranche de pain de mie recouverte de mayonnaise. Au bout du deux-millième sandwich, forcément tu fatigues. T’es tellement mal que tu préférerais assister au spectacle de Didier Gustin et Patrick Bosso réunis avec en fond sonore du Patrick Sébastien, plutôt que d’être accroché à cette ligne. Si un incident arrive, que la ligne s’arrête, tu fais craquer ta nuque, tu lèves les yeux et tu te sens revivre, mais quelques secondes plus tard, tu entends au loin : « Mets en rouuute ! » et là, toute la machinerie se relance, le bruit et les voyants lumineux t’agressent de nouveau, et la ligne reprend sa cadence infernale. Le jambon est rose fluo, la rosette et le poulet n’ont pas d’odeur, sans parler du thon, qui est composé de miettes de miettes de miettes de thon. Et la salade sans goût, elle trempe dans

le chlore. Pour être sûr que tout est propre, on coupe les laitues, on les passe dans une machine qui les recoupe encore, et là, tous ces petits morceaux trempent dans une flotte remplie de substance dont se dégage la bonne odeur de la piscine, oui, le chlore. Abordons la question des œufs aussi. Les audacieux les mangent, ou peut-être les fous. À Daunat, il y a les œufs que le commun des mortels connaît, et puis, il y a les tubes. C’est un peu dans le même esprit qu’un rouleau de pièces. Ces tubes sont remplis de tranches d’œufs durs, la tranche du milieu, là ou le jaune est bien présent, un jaune étincelant, qui peut t’écœurer rien qu’en le voyant. L’ennui c’est que ces œufs en tube, rangés dans un emballage bleu sac poubelle, sont trempés dans je-ne-sais-quoi, mais c’est liquide, et on ne dirait pas de l’eau, et je pense pas non plus 36

que ça soit de la goutte. Pour le bonheur de tes papilles, pour la planète et pour la société toute entière, Daunat fait le max.

Daunat : l’expérience de la vie Lorsqu’on consomme ou qu’on fabrique du Daunat, on subit une violence, elle est gustative d’un côté et sociale de l’autre. Le géant du sandwich ne laisse personne de marbre, il marque nos vies à jamais. Je n’ai pas d’exemple, mais j’ose espérer que les plus grands cuistos de demain ont déjà croqué dans un petit pain garni de chez Daunat. Et que c’est après cette expérience qu’ils décideront alors de s’investir pour ne plus jamais subir cette violence.


Photo non contractuelle.

Daunat est à l’origine de plein de grandes carrières dans tous types de secteurs. « Je suis contente de l’avoir fait (travailler chez Daunat) car ça a renforcé mon goût pour les études, oui ! Et j’en parle avec plaisir, c’était une bonne expérience » confie Sarah, qui aujourd’hui

Daunat est l’une des rares marques à ne pas indiquer d’où lui provient la viande qui compose ses produits

est au max, niveau études. Pour Matthieu, l’expérience Daunat a été intéressante, « même si on se dit qu’on ne veut pas y finir. Quand on peut se permettre de faire des études pour « choisir » son travail, ça donne un coup de boost de se dire : l’usine, c’est pas pour moi ». Daunat quand on essaye, on se dit « plus jamais ça », et on met tout en œuvre pour ne plus jamais y retourner. Mais, il y a du monde qui bosse là-bas, tout le temps. Les types se mettent en 4 pour que tu bouffes ton casse-dalle, ils en chient pour que tu bouffes vite et que tu perdes pas tes précieuses minutes de pause dans ton bureau tout propre équipé d’une bouilloire USB. Les travailleurs de chez Daunat se sont mis en grève en avril 2014, pour demander une réelle majoration des rémunérations sur les dimanches travaillés. C’est un début. Enfin, 37

toi-même tu sais, la lutte finale n’est pas encore arrivée. Mais elle viendra, j’ai espoir. Pour finir, je m’adresse à toi et toi et toi, le bouffeur de sandwichs Daunat, si tu aimes toujours ça, okay, gobe ça vite, mais cachetoi, et balance l’emballage dans la poubelle jaune. // A.N.

1 « Daunat, croquez chaque instant » est l’un des slogans de la marque. 2 Les prénoms ont été changés. 3 Le siège de Daunat, après nous avoir baladé pendant plusieurs semaines, n’a pas répondu à nos questions. Toutes les informations de cet article sont basées sur le témoignage de personnes ayant travaillé dans l’usine de Sevrey.


interview

Richardson toujours deux fois Dans les années 1990 déjà, le club de San Antonio (Pampelune) était un haut lieu des exploits d’un génie français avec un ballon. Avant la bande des Experts, le hand français brillait sur les parquets du monde avec les Barjots puis les Costauds. Avant encore Niko Karabatic, meilleur joueur du monde en 2007 et en 2014, un bleu de France avait reçu cet honneur, en 1995. Un bleu de la Réunion, manieur de ballons comme personne, qui du milieu des années 1990 à 2008 a régalé la planète entière de gestes incroyaaables, entre roucoulettes et autres tirs à l’amble. Ce génie cool, fantasque, imprévisible s’est mué depuis l’année dernière en entraîneur rigoureux. Et coup de bol, après une pige de quelques mois à Chambéry, c’est à Dijon qu’il a décidé de poser ses valises pour entraîner le DBHB. Il faut savourer ce moment car ce n’est pas demain la veille que l’équivalent d’un Ballon d’Or viendra entraîner un club dijonnais. Rencontre au bord du terrain, un soir d’entraînement au Palais des sports, avec un Jackson Richardson sérieux comme tout, pour causer de son nouveau job et de ce passé glorieux.

par martial ratel photos : alexis doré

Qu’est-ce qu’on dit à un joueur pour qu’il soit bon ? De prendre du plaisir à faire ce qu’il fait. Franchement, on a la chance de remplir son frigo en faisant quelque chose qu’on aime. Parfois, c’est vrai, ce n’est pas facile, le corps ne répond pas à chaque fois, à ce qu’on lui demande au moment présent mais il faut se faire violence pour vivre des moments agréables le week-end devant sa famille, devant son public. Ça vaut le coup de se faire violence pour vivre des aventures minimes aujourd’hui, mais qui seront grandes plus tard. Quand vous étiez joueur, vous étiez « Jackson l’inventeur » d’incroyaaables gestes. Qu’est-ce que vous comptez inventer en tant qu’entraîneur ? Ce n’est pas moi qui

ai trouvé ce nom, ce sont les journalistes. Mais c’est vrai que quand on est joueur on a plus de facilité à improviser. Sur le banc, en tant qu’entraîneur, on n’a pas forcément la possibilité de le faire à chaque moment. On peut essayer d’apporter des petits trucs, des petites touches venues d’ailleurs mais on ne peut pas forcément inventer le système de jeu avec les joueurs qu’on a. Si vous n’en avez rien à carrer de la tactique, passez à la question suivante. Si vous voulez savoir comment l’équipe de France de hand a tout gagné, restez. En tant que joueur, avec l’équipe de France, vous avez participé à une invention tactique : la 1-5 (5 gaillards collés à la 38

zone, devant le gardien, et un Jackson, seul devant, qui coupe la circulation de balle, qui gratte des ballons et colle d’incroyaaables contre-attaques qui minent le moral de l’adversaire et font gagner l’équipe !) Oui, comme joueur, j’ai grandi avec ce genre de défense. Mon souhait ce serait d’amener, comme entraîneur, ma touche dans la défense 3-2-1 ou 1-5... Mais pour faire cette défense, il faut avoir les joueurs adéquats. Est-ce que le déclic pour devenir entraîneur s’est passé en 2005 ? Lors de la demi-finale du mondial, vous êtes blessé à la main, c’est votre dernier match en équipe de France, vous voulez la médaille de bronze pour finir en beauté et là, on


Grosse affluence dans les tribunes du Palais des sports

vous voit, comme jamais, sur le bord du terrain haranguer vos partenaires. Non, pas du tout. C’est une question de principe : j’étais le plus ancien et j’étais le capitaine, c’était mon devoir de le faire. On est dans un groupe et on doit apporter ce petit plus dans la communication. Le projet « devenir entraîneur » n’est pas venu tout de suite. J’ai arrêté ma carrière en 2008 et pendant trois ans, j’ai accompagné mes enfants à l’entraînement. L’opportunité de les voir jouer le week-end et d’échanger avec les entraîneurs, ça a poussé ma femme à me dire : « Vas-y, tu n’as qu’à dire que tu veux devenir entraîneur pour le devenir ! ». Mais pour moi, ce n’était pas parce que j’étais ancien joueur que j’avais cette capacité à dire les choses en tant que formateur. Alors elle

m’a répondu : « T’as qu’à passer ton diplôme d’entraîneur ». Et ben, voilà... Comment celui qui était décrit comme un blagueur, un timide, est-il devenu un meneur d’hommes ? En fait, ça ne s’apprend pas. On l’est ou on ne l’est pas. J’ai ressenti ce potentiel. C’est vrai que quand j’ai commencé à Paris-Asnières, j’étais le plus jeune, tout comme à l’OM-Vitrolles, face à de « grosses têtes d’affiche », des joueurs talentueux. Ensuite, j’ai pris cette envergure en Allemagne, à Großwallstadt. Je suis arrivé en 1996, j’étais champion du monde, meilleur joueur du monde. C’était une équipe en bas de tableau du championnat, le président et l’entraîneur m’avaient demandé de mener cette équipe, avec des jeunes 39

joueurs, dans le haut du classement. C’est comme ça que j’ai appris. Avec la difficulté de la langue, j’ai appris, d’une manière, cette facilité à transmettre le message. Même si ensuite, ça a été plus facile de le faire en français... (Rires) Le titre de meilleur joueur du monde que vous avez reçu en 1995, c’était un poids, une distinction lourde à porter ou une motivation supplémentaire ? Ce titrelà oblige à montrer qu’on l’a mérité. En Allemagne, lors des matchs, le speaker me présentait comme le « meilleur joueur du monde ». Il fallait prouver que je méritais ce titre ! Tous les week-ends, il fallait impérativement être performant et surtout exemplaire. →


Je rĂŞve oĂš ce mec a des bras dans le cou ?

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« C’était à chaque fois un combat, un combat pour ne pas avoir à me justifier de ne pas défendre la loi des blacks ou la loi des rastas » Jackson Richardson

Vous êtes recordman du nombre de sélections en équipe de France. Dans votre biographie, Jack l’inventeur, on découvre qu’il y a de la tension, des frictions entre vous et Claude Onesta, l’entraîneur. (Le gars le plus titré en France, tous sports collectifs confondus ndlr). Vous le traitez même de « menteur », je crois... Ce n’est pas une question de le traiter de menteur. Je lui ai dit les choses. Ce n’était pas un règlement de comptes. Je ne crache pas dessus mais si ce n’était pas vrai, je ne l’aurais pas écrit. Comme on dit : « Les paroles s’envolent, les écrits restent ». Mais l’embrouille est sur quoi ? Du temps de jeu, votre rôle dans l’équipe ? Non, il y a plein de choses... Ce sont des prestations dans des événements, sur les années passées. Ce que j’ai raconté ce n’est pas que sur un coup, c’est sur plusieurs... J’ai dit ce que j’avais envie de dire. Vous allez l’entraîner un jour cette équipe de France ? Il y a tellement de chemins à passer, tellement d’expériences à prendre avant... Je ne veux pas me projeter trop vite. Si on me donnait l’opportunité d’entraîner une équipe nationale, je l’accepterais volontiers, j’ai eu la chance de porter 417 fois le maillot bleu-blanc-rouge. Être à la tête d’une délégation française, ce serait un honneur. Quand vous marquiez d’incroyaaables buts, dans des positions de déséquilibre total, on a l’impression que finalement vous cherchiez à faire le spectacle... Vous pensiez à ça sur le terrain ? Non, non... On a tendance à se donner un état d’esprit « handball champagne ». Mais ce n’est pas que ça, et c’est ce que j’essaye de transmettre à mes joueurs, même si c’est vrai qu’il y en a peu qui ont ce pressentiment que je retrouve chez un Michaël Guigou ou un Luc Abalo. J’avais un jeu à l’instinct mais ce n’est pas forcément favorable pour un entraîneur,

parce qu’on sort du projet de jeu. On a intérêt à être performant pour rester en adéquation avec le collectif. Si on sort un peu trop souvent ça pénalise le collectif.

mon sport avant de faire mon métier, et de partager mon sport. Aujourd’hui c’est un peu plus délicat. Le sport est devenu un métier, le plaisir passe après.

Oui, mais là je vous parle de buts, seul, en contre-attaque. Par exemple, en l’air, vous partez à fond sur la gauche, vous embarquez le gardien et vous enchaînez avec un geste impossible à l’opposé... Je pars du principe que les gardiens jouent avec le tireur. Alors nous aussi les tireurs, ce doit être notre objectif : déplacer le gardien d’un côté pour trouver la solution de l’autre. C’est ce que je transmets à mes joueurs du DBHB. Je trouve que les tireurs ne sont pas assez joueurs !

Dans les années 1990-2000, vous étiez en France une des figures black. Vous étiez un des blacks connu. Est-ce que c’était important pour vous ? Est-ce que vous en aviez conscience, est-ce que vous l’avez travaillé ? Non, je ne l’ai jamais travaillé. C’est vrai que c’était un peu difficile de véhiculer certaines images : la couleur de la peau et surtout le look. Avoir des rastas faisait qu’il y avait une interprétation un peu mal jugée par rapport à l’humain. Et en fait, c’était à chaque fois un combat, un combat pour ne pas avoir à me justifier, de ne pas défendre la loi des blacks ou la loi des rastas. En fait, tout le monde est libre d’être ce qu’il veut. Ce n’est pas forcément dans l’apparence qu’on juge une personne, c’est surtout à travers l’intelligence de l’être humain. J’ai vécu des choses qui volaient au-dessus de mes capacités à gérer. En 19941995, quand je jouais à l’OM-Vitrolles, on m’a demandé de m’engager, de prendre position par rapport au maire FN. Je l’ai fait parce que c’est l’endroit où j’étais, ce n’était même pas une question de politique. Le club de hand nous permettait de nous exprimer, c’est vrai que j’ai été mis devant, comme porte-parole, mais c’était tout à fait normal. Et donc, j’ai eu droit à des remarques de Jean-Marie Le Pen, ces trucs politiques me dépassaient et je ne pouvais pas gérer.

Point technico-tactique : Jackson avait un, et un seul, équivalent dans le monde : le Croate à serre-tête Ivano Balić, retraité depuis l’année dernière, deux fois meilleur joueur du monde, un phénomène capable de gestes incroyaaables ! Est-ce que Ivano Balić était votre égal ? J’ai eu la chance de jouer un an avec lui. J’ai le regret de ne pas avoir joué plus longtemps. Il était venu en Espagne pour jouer avec moi, il avait d’autres propositions. J’ai quitté Pampelune pour Chambéry, il aurait souhaité que je reste un an ou deux, moi, je rentrais en France pour préparer mon futur professionnel. Pendant cette saison, j’ai pris un énorme plaisir. L’admiration est réciproque et on est amis. Sur le terrain, on arrivait à se retrouver arrière ou demi-centre, c’était d’un naturel ! Je me voyais en lui et lui en moi. Sur le terrain, on a réalisé des choses... imaginaires. Même si en équipe nationale - on peut avoir des frères en face ça ne nous empêchait pas de nous mettre des coups et de pouvoir rigoler à la fin du match. Il y a quelques semaines sur beIN Sports, vous lui demandiez : « Qu’est-ce que tu as que les autres n’ont pas ». Je vous pose la même question. Le principe du plaisir : faire 41

En 2000, avec le titre Tabou, un-bien-beaureggae-FM sur le hand, vous vous êtes lancé dans la chanson, vous allez retenter le truc ? Ah, non ! Pas du tout ; je me suis rendu compte qu’il y a des choses qui sont faites pour soi et d’autres qu’il faut éviter. Avec cette chanson, je porte une croix... Si vous pouvez éviter de sortir cette croix, ce serait gentil à vous... // M.R. Cadeau : http://youtu.be/J7jK9lJAlWY


INTERVIEW

LE MEC D’À CÔTÉ Même si on n’est pas fan de TF1, on se souvient tous de Gérard des Filles d’à côté, la série culte des années 90. On sait tous qu’il envoyait des sketchs et ses vannes pendant Le Juste Prix et qu’il s’est refait une santé avec Danse avec les stars. Mais finalement, on ne connaît que très peu Gérard Vivès. À peine sait-on qu’il est aussi l’oncle du petit génie de la bande dessinée Bastien Vivès. Gérard reçoit au cœur du domaine de la Vernée au fond de la Nièvre où il s’est récemment installé pour créer un espace artistique, culturel, sportif qu’il veut un lieu d’échanges. On est allé à la rencontre d’un mec forcément bien plus profond que son image de bouffon culte de la télé à papa des vingt dernières années. Retour sur les années show biz et focus sur son nouveau projet.

par jérémie barral et benjamin moreux, à Garchizy photos : J.B., SUREAU/TF1/SIPA

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Caleçon poutre apparente pour GÊrard.

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Gérard, maintenant

Tu es venu ici pour créer un espace culturel, sportif et artistique au domaine de la Vernée. Comment est né ce projet ? Comment s’est fait le choix de la Nièvre ? Cette idée, je l’ai depuis très longtemps : mélanger plein de disciplines, qu’elles soient artistiques ou culturelles. Je viens d’une famille où je suis l’erreur sportive. Ils sont tous des illustrateurs, des dessinateurs ou des peintres et ce, depuis mon grand-père. J’ai baigné dans le milieu du dessin et du sport. J’ai toujours fait un peu de sport. J’avais très envie avec le temps de créer un lieu où j’avais tout ça. Entre le moment où tu as une idée en tête et le moment où tu la réalises, il se passe pas mal de choses. Plus jeune, je ne me sentais pas forcément avoir les épaules pour porter un tel projet. Je me suis mis

dessus au moment où j’étais encore sur Le Juste Prix, ça commençait à gamberger. Quand j’ai décidé d’arrêter l’émission, je me suis mis à la recherche de différents lieux. Je me suis baladé à travers la France et de fil en aiguille, je suis arrivé ici. Ça a été vraiment le coup de cœur. Je me suis senti vraiment bien. Il faut se sentir bien à un endroit pour y faire venir du monde. J’ai visité pas mal de choses. Ici, il se passe quelque chose. Vraiment. Quand je suis venu visité en juillet 2013 c’était très différent. C’était un foyer d’hébergement et un foyer d’aide par le travail. J’ai eu le coup de cœur pour ce lieu qui a un potentiel. Je me suis dit qu’on pouvait vraiment réaliser plein de choses. Il y a un mélange entre un côté château et un côté travail que j’ai trouvé extraordinaire. Un lieu où il y a de la pierre et du végétal, ça me plaît beaucoup aussi. Est-ce que la proximité de l’autoroute qui permet d’être proche de la capitale a orienté ton choix ? J’ai quand même comme idée de faire venir les gens que ce soit de la région ou d’ailleurs. Quand on regarde l’A77, on est très proche de la capitale, c’est vrai. Maintenant on dit aussi, je suis loin de rien puisque je suis ici. Donc, je suis près de tout. Quand je suis ici, c’est Paris qui est loin, c’est pas moi. Il y a toujours cette réflexion « Paris ! Paris ! ». Paris c’est une ville, mais il y a des gens qui ont peut-être plus d’envies qu’à Paris. Comme je dis toujours, à Paris il faut du pognon. « T’as du pognon ? Tu vas être bien. T’as pas de pognon ? Tu vas te faire chier ». Paris coûte cher, Paris coûte extrêmement cher. Paris c’est bien quand tu as de l’argent. Comment est-ce que tes proches ont accueilli l’idée de ce projet dans la Nièvre ? Pour tout vous dire, quand je me balade en province, c’est souvent les gens de province qui me disent : « Qu’est ce que vous êtes venu foutre ici ? ». Les gens se rendent pas compte. Quand on a du boulot on est bien ici. Je vous emmène chez moi, vous tenez deux jours, pas plus, vous vous flinguez. C’est en région parisienne. Après quand on n’a pas de boulot c’est l’enfer. Vous, vous êtes habitué à voir des grands espaces, à voir des arbres. Je ne suis pas habitué ici. Je trouve ça fantastique. Les potes que j’ai emmenés ici sont tous tombés sur le cul. Pour l’instant, il y a eu un ou deux événements... Oui, on a fait les journées portes ouvertes et la danse. La danse, c’est un milieu que je ne connaissais pas du tout. J’ai plongé dedans. Je me suis mis à fond dedans. C’est sympa, ça rapproche les gens. On a commencé là-dessus. On continuera avec autre chose.

« Je fais de la soudure. Je me fais livrer des barres de 6m je les découpe et je soude » Gérard, bricoleur


Ce premier événement était autour de la Zumba, est-ce que ça sera ouvert aussi à la danse classique ou contemporaine ? Ouais, pourquoi pas. Moi, ce que j’essaye de faire ici c’est construire un outil. C’est un endroit sympa. Il y a des salles, un parc. La danse, elle est extrêmement variée. Ma démarche c’est de faire venir des gens. J’invite des personnes à venir passer du temps sur le domaine et ça suscite ou pas des envies. Je ne m’y connais pas en danse classique ou en Zumba ou en quoi que ce soit. Par contre, il y a des gens qui ont envie, des associations qui ont des projets. J’ai réfléchi à comment des petites structures peuvent venir ici et moi, il faut que je fasse vivre le lieu. C’est comme pour pouvoir donner un magazine gratuit de qualité... (dit-il en se saisissant de ton magazine préféré). Il faut des ronds qui rentrent quelque part. J’ai mis en place un système qui fait que des tout petits peuvent venir me proposer des choses et que chacun puisse y trouver un intérêt même financier. Ce que je veux, c’est m’immerger dans la Nièvre. Je suis ici depuis 2013 et je m’efforce de ne pas faire de vagues. On a ouvert, on peut donc commencer à en parler. Si Gérard Vivès peut apporter un peu de lumière de temps en temps sur le domaine c’est très bien. Je ne veux pas que ça soit Gérard Vivès qui fasse vivre le truc. Gérard Vivès on s’en tape. On me voit jamais dans les émissions de télé. La vie de Gérard Vivès, elle ne m’intéresse pas. Si on peut apporter des gens, si des associations peuvent venir ici. C’est bien. Vous serez donc ouvert à tous types de propositions... Oui, tous types de propositions. (Rires) Là, on va accueillir un salon du jeu vidéo. Moi, les jeux vidéos, ça me casse les bonbons. Mais j’ai rencontré le président de la fédération française de jeux vidéos, ce mec là est Compagnon du Devoir, il est super bon. Il est venu faire des enduits. On a commencé à discuter et il avait une approche super intéressante du jeu vidéo. De là est né un concept, une idée. « On va faire un salon du jeu vidéo, même trois ». Il y a des mecs qui ont des discours super intéressants et qui ont conscience du virtuel de la chose. C’est ce que j’ai envie de faire ici. Accueillir des personnes qui étaient vachement sceptiques ou qui avaient une certaine répulsion pour ça et leur montrer que ça va plus loin. Amener des choses ici un peu différentes. J’ai un lieu mais les spécialistes, c’est les autres. J’ai quelques idées de direction mais c’est aux autres de faire. Si demain, j’ai de la danse classique c’est pas à moi de dire qu’il faut faire des pointes et des demipointes. Dans le jeu vidéo c’est pareil. Là, je veux travailler sur le virtuel et le réel. Ce n’est pas moi qui vais apporter le contenu, c’est les experts qui vont le faire. Est-ce que l’image que tu avais dans AB productions ne t’a jamais desservi dans ta vie ? Non. Que des bonnes choses ? Le pédé ? J’ai joué de 93 à presque 97. En dehors de ça, quand on entendait ma voix on n’en revenait pas. On ne me le demandait pas à moi mais à mon entourage. Du genre : « Est-ce qu’il

l’est ? », « en fait Gérard Vivès, il fait du sport aussi ? » (Rires). Tous, sans exception. Quand on me voyait en vrai, ça surprenait. Bien sûr que ça m’a collé. Ça a beaucoup changé parce qu’on m’a vu dans d’autres choses. Après c’est devenu culte. Je n’étais pas dans le générique des 52 premiers épisodes. J’y suis entré parce que les gens se sont attachés à ce personnage. Sur la fin c’était l’histoire de Gérard avec Adeline. Il y a des gamins qui m’ont vu sur Le Juste Prix et qui ne me connaissent pas autrement. J’ai ce décalage, ce mélange-là. J’ai fait illusion. Quand tu me voyais plier des serviettes dans Les Filles d’à côté et que tu me croisais dans la vie, tu te disais : « Lui, il est comédien, parce qu’il est différent ». Donc que du positif. Ca ne t’a jamais desservi pour une carrière cinématographique ? Il n’y a pas de carrière, jamais. Je vais vous le dire, je l’ai dit à plein de gens. Moi, j’ai raté ma vie professionnellement. J’aurais voulu gagner un grand chelem en tennis. Mon rêve absolu, ça aurait été d’être champion de tennis. Je suis nul à chier en tennis. Je me suis jamais dit « tu vas devenir comédien ». C’est comme le sport. Tu t’entraînes beaucoup. Tu observes, tu analyses, tu essayes de comprendre le milieu dans lequel tu vas évoluer. J’ai travaillé de manière empirique. Il faut savoir une chose, chez AB, tu avais un contrat par jour. Le soir tu étais viré. Et si dans la nuit tu avais reçu un nouveau contrat tu continuais. J’ai fait 348 épisodes, j’ai eu 348 contrats. Tu sais jamais ce qui va se passer. J’ai jamais dit que j’allais faire une carrière. C’est un accident qui a duré longtemps. Si tu veux être champion olympique du 100 mètres, tu as besoin de personne. Tu t’entraînes et si à un moment donné tu descends sous les 10 secondes, tu as de grandes chances d’être sélectionné. Tu peux être le meilleur comédien, si tu es ici et que personne ne te voit... Ce sont des métiers qui dépendent du désir d’autrui mais si tu es pote avec untel c’est mieux. Et puis, quand je finissais de tourner, je rentrais chez moi et je travaillais à d’autres projets. Il y a une difficulté qu’il faut comprendre : quand je faisais Drôle de Jeu avec Lagaff, ce sont →

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Oui, ils dansent devant une tondeuse à gazon.

« Gérard et Les Filles d’à côté c’est culte. Nous, on était les Beatles. On ne pouvait pas sortir » Gérard, rock star


Gérard, encore maintenant.

des grosses émissions et on faisait tout en condition du direct. Là, il se passe des choses. J’en causais avec un musicien qui était à Wembley ; tu as 80.000 ou 100.000 personnes qui gueulent quand tu rentres chez toi, dans ton hôtel, dans ton bus ou dans la ligne C du RER, pour moi tu vis une terrible dépression. Comme les sportifs qui marquent un but ou quand tu vis ce genre de grand moment. C’est difficile de gérer l’après. C’est souvent pallié par les drogues et par l’alcool pour certains... Je ne bois pas, je ne me drogue pas et je ne fume pas de joint. Moi quand ça n’allait pas, je soulevais de la fonte. Ça me calmait. C’est quand même compliqué... (Après un instant, Gérard reprend) Je soude. Je fais de la soudure. Je me fais livrer des barres de 6 mètres, je les découpe et je soude avec. C’est la seule chose dans ma vie où j’ai l’impression d’être capable de faire quelque chose. Cela ne fait pas très longtemps. Ça fait quelques années que je fais ça et j’ai vraiment la sensation que j’ai créé autre chose. Quand je joue, j’ai du mal à me dire que je fais vraiment quelque chose. Quand tu joues une scène 10 fois et qu’après on te filme de plusieurs manières, tu ne ressens pas grand chose… En fait, je ne me suis jamais senti comédien ou animateur. Je ne me sens pas. Acheter de la ferraille et faire des trucs ça me parle. Je pense que c’est un truc qui m’a manqué.

« Moi quand ça allait pas, je soulevais de la fonte. Ça me calmait » Gérard, solide

où dans les autres ? Est-ce que c’est plus à Textilot ou à AB ? Est-ce que dans une troisième mi-temps il y en a plus ou pas ? Est-ce que les mecs qui sont les stars d’une équipe de football dans une région, quand le soir ils vont dans la boîte de nuit du coin, ils ont plus de rapports qu’ailleurs ? Quel est ton plus grand souvenir des années 90 ? C’est maintenant parce c’est seulement maintenant que je m’en rends compte. Il faut quand même rappeler que quand j’ai commencé Les Filles d’à côté, j’avais jamais fait ça de ma vie. À l’époque, je plaçais des avions à Orly pour les garer. Ça n’a rien à voir. Je me retrouve à faire ça et je n’ai pas conscience du truc. Tu découvres un nouveau monde. On te plonge dans un univers que tu ne connais pas du tout et tu ne te rends vraiment pas compte. Je pense que Gérard des Filles d’à côté c’est culte. Attention, il faut prendre ça avec beaucoup d’humilité et en italique. J’ai rencontré des gens dans différents endroits qui sont dans un état incroyable quand ils me voient. Pas moi, mais le personnage que j’ai pu représenter. On a eu jusqu’à 11 millions de spectateurs. Nous on était les Beatles. On ne pouvait pas sortir. Et en plus, tu ne le sais pas et tu ne t’en rends pas compte. On t’en parle encore aujourd’hui, plus de 20 ans après... C’est culte. Tu t’en rends compte avec le temps.

Selon So Film et Le Nouvel Obs, les tournages d’AB étaient un peu sulfureux... Mon père qui était à l’usine, qui n’est pas allé à l’école et qui, à 9 ans, s’est retrouvé derrière une charrue et qui après s’est retrouvé à l’usine, ça c’était sulfureux. Ça c’était dur. Ce que j’ai fait à AB je le souhaite à tout le monde. C’est quoi en chier ? Si ça c’est en chier, je ne comprends pas.

Tu as gardé des rapports avec les acteurs de l’époque ? Non parce que ça bouge. À un moment tu travailles à un endroit et puis tu es envoyé ailleurs... C’est pas comme si tu travaillais sur une chaîne de montage chez Renault où tu rencontres vraiment des gens. Tu n’es jamais que de passage. J’ai fait surtout beaucoup de télé et maintenant avec le spectacle vivant, il y a beaucoup de choses qui sont possibles. C’est en train d’exploser, il y a des chaînes de partout maintenant, tu ne peux plus que croiser les gens.

On ne le voyait pas dans ce sens-là. Disons qu’il y avait beaucoup de rapports entre acteurs... Ah ouais... J’en sais rien. La question c’est : est-ce que c’est plus dans ce monde-là

Où en sont tes relations avec TF1, est-ce que vous êtes en froid ? Est-ce que tu veux savoir ce que TF1 pense de moi ? C’est extraordinaire. J’apprends ce que j’ai fait ou ce

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« Chez AB, tu avais un contrat par jour. Le soir tu étais viré. Et si dans la nuit tu avais reçu un nouveau contrat tu continuais. J’ai fait 348 épisodes, j’ai eu 348 contrats » Gérard, CDD Gérard et sa chemise à motifs, relax.

que je vais faire par la presse. Choses que je ne savais pas moi-même. J’avais écrit un article à ce propos parce que j’apprenais des choses dont je n’étais pas au courant et que j’étais à la Vernée. Je n’ai jamais eu de contrat avec TF1. Je travaille pour des boîtes de production qui vendent des programmes à TF1. Quand TF1 m’appelle pour faire Danse avec les stars, ça c’est vraiment TF1. Quand je fais Le Juste Prix ce n’est pas TF1, c’est FreeMantell qui vend à TF1. Je n’ai pas de bons ou mauvais rapports avec TF1. Si demain on venait me proposer quelque chose sur TF1, ou d’autres chaînes qui me plairaient, je le ferais. La dernière chose que j’ai faite c’est sur NRJ12. Je me suis vraiment éclaté. On a jamais été marié avec TF1 donc on peut concubiner de temps à autre.

pas, j’ai beaucoup de mal. Je pars en dépression très vite. Je donne souvent un exemple, quand la France était en Coupe du monde en 98. Barthez s’est claqué la main. On te dit « putain, on est dans la merde, le remplaçant est bloqué dans les embouteillages, mets les gants et va dans les buts. » Si tu réfléchis pas tu te dis « putain quelle chance, c’est extraordinaire ». Par contre si tu n’es pas à la hauteur, tu te prends 15 buts, ton équipe perd, on va vouloir te tuer. Pour que j’accepte quelque chose, il faut que j’ai conscience que j’en suis capable. Ou alors il va me falloir un temps de préparation qui va me permettre de bosser. Si je suis capable d’improviser, si j’ai le sens de l’improvisation c’est parce que j’ai beaucoup travaillé. Le titre de votre article pourrait être « Le besogneux ». (Rires) // J.B. et B.M.

Est-ce que tu t’es fait plaisir finalement ? Je me suis rendu compte que pour être bon, il faut que j’aime. Si je n’aime 47


diaporama

Circulez I

ls sont surtout verts, orange et rouges. Depuis peu, ils sont parfois garnis de radars qui flashent, les traîtres, par derrière. Vraies entraves à la liberté, pour ceux qui ne la conçoivent qu’à travers leurs grosses cylindrées à quatre ou deux roues, les feux rouges sont là tranquillous dans la rue et brillent, palpitent jour et nuit en s’en foutant du qu’en-dirat-on. Urbain bien urbain, le feu rouge est la civilité imposée. Le code de la route sait bien, lui, que le conducteur se carre des règles de cordialité et du respect des lois de circulation. Rien d’étonnant alors de découvrir que c’est en Angleterre (le pays qui a tout codifié ce qui est important dans la vie : foot, rugby, boxe, hockey sur gazon, tennis de table) qu’on voit apparaître pour la première fois en 1868 un feu de circulation. L’Angleterre, le fair play et le « sorry, good game » savent bien qu’avec des tonnes de puissance entre les mains, le tricheur gagne, forcément, toujours. Alors syndrome british, tout le monde a droit à son feu : le piéton, le tram, le train... sauf sûrement la finance. Parce que le libéral britannique sait que « la main invisible » fait bien les choses. « Le feu rouge, c’est pour les pauvres », raccourci assez tentant, périphrase, un aïku pour résumer notre beau début de XXIème siècle. Bienvenue dans un monde limité, parfois à la pointe de la technologie, bien plus riche finalement que le tricolore qu’on aperçoit. Petite balade dans le centre de Dijon, où on a croisé tout un tas de dispositifs de circulation clignotants, un des rares jours de soleil de l’hiver - on n’allait quand même pas prendre la voiture pour ce reportage - !

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Feu piéton à côté des toilettes de la Mairie

Rue Musette

Passage pour les mini bus donc mini feu à seulement deux couleurs.

Objet de curiosité pour les touristes comme pour les Dijonnais. Il clignote tout le temps à coté de cette barrière toujours levée.

Feu piéton - Radiohead Pour les bus aussi

Quatre lanternes ! Une vraie débauche de moyens. De là à parler de sapin de Noël...

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Vous avez vu le travail sur les leds ? C’est autre chose que le feu d’antan avec l’ampoule derrière la petite silhouette. On raconte que c’est en traversant ici que Tom Yorke a eu l’idée de faire une tournée éco-responsable, toute éclairée par des leds (l’hôtel de la Cloche étant à deux pas, cette anecdote est donc probable).


Galerie Tram

Iris

C’est le tur-fu. Des extraterrestres ou le Consortium auraient conseillé cette signalisation de tram.

Mise en abîme. C’est obligé, les macs qui ont trouvé ce nom de demoiselle sont des poètes ou des adeptes hardcore de Barthes !

verso

Le tagueur est prié de s’adresser à la direction du journal. C’est quoi ce tag ? C’est quoi ce blaze complément illisible ? Jeune personne, tu as raté ton heure de gloire.

Recto

On ne regarde pas assez les feux rouges de dos.

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Flèche qui clignote

C’est la sortie du parking du conseil régional. Pour mémoire, cette collectivité est à gauche et que croyez-vous qu’indique la flèche ? Allez à droite. No comment.

Le combo

Vélo + voiture + affiche + stickers + panneau impératif, manque juste le mot compte triple.

par MARTIAL RATEL, à dijon PHOTOS : ALEXANDRE CLAASS

joypad

Certains semblent interactifs. On n’a pas osé appuyer dessus. 51


portrait

mr. duterche roi du nanar Strange movies for strange people. C’est la promesse inscrite sur toutes les présentations de la cinémathèque de Mr. Duterche, le rendez-vous dijonnais des amateurs de « nanars » : L’homme homard venu de mars, Clash of the ninjas, Cannibal the musical, Karaté robo zaborgar, Monster in the closet… Bienvenue dans ce monde de films étranges peuplés de monstres en caoutchouc, de gags débiles, de performances d’acteurs douteuses, de sang verdâtre, de gore rigolo et de femmes fatales qui aiment parfois jouer de la tronçonneuse.

par nicdasse croasky photos : louise vayssié, DR

P

été gratuite, parce que l’idée de faire payer pour voir des films de merde était insupportable pour Mr. Duterche. Les gens viennent comme au cinoche. Le bar est ouvert. On boit un verre avant le film, y a des pop corn, on est bien. Dès l’ouverture des portes, l’écran est allumé sur l’image de départ du DVD, qui donne le ton. Et les habitués le savent : si tu arrives trop en retard, pas de transat. Dans ce cas, relégation au fond sur une chaise métal façon Tolix bien raide ! La dernière cinémathèque, en février, diffusait The Refregirator, nanar indé américain des années 90. L’histoire d’un gentil couple provincial parti à la conquête de New York et qui a fait le mauvais choix en s’installant dans un meublé miteux, mais pas cher. Léger problème : le frigo est cannibale, et c’est une porte vers l’enfer contrôlée par Satan. Tout simplement. S’ensuit une galerie de personnages cinglés, des séances de cannibalisme électro-ménager, un œdipe mal résolu, des gags allant de chiants à très marrants et une fin totalement improbable. Le public, une cinquantaine de personnes, se tire vite fait après la séance, comme au cinoche. Qu’est-ce qui a bien pu pousser tous ces gens normalement constitués, à aller regarder un de ces films auréolés d’une telle réputation ?

our Mr. Duterche, à l’origine de cette cinémathèque, « dans le nanar, t’as de tout, mais faut être honnête : c’est bien taré. Y’a par exemple la nouvelle scène japonaise gore. Je sais pas si on peut appeler ça du nanar, mais on y retrouve cet humour bien givré et ce côté artisanal où on voit que c’est fabriqué. J’adore ça ! Tu as ensuite le nanar assumé où les mecs te pondent une merde mais ils savent ce qu’ils font, alors ça fonctionne. La production indé-américaine avec les films Troma, par exemple. Tu as aussi le nanar non assumé où les mecs font un film sérieux mais vu qu’y a pas un rond, des acteurs nuls, du doublage fauché etc… ça en devient drôle. Un de mes préférés, c’est Virus cannibale, nanar italo-espagnol de 1980. Le réalisateur voulait faire un film de zombies sérieux et voilà qu’en plein milieu, il t’insère des images de documentaires animaliers des années 70, avec un toucan qui passe, suivi d’un kangourou. Et tu te bidonnes, même si en fait, y’a pas une seule scène construite pour être un gag. » Ça transpire l’absurde, que ce soit voulu ou non, un peu comme les jeux d’enfants, où tu inventais l’histoire en la racontant. Et c’est le dénominateur commun de ces films : « Et il faut être un public très ouvert pour apprécier la poésie absurde de ces films. Ça demande même une certaine exigence, à la limite, une forme d’élitisme : c’est pas à la portée du premier teubé venu », assène Duterche.

Un transat, un verre, un nanar : le tiercé gagnant. Dans le public ce soirlà, Charles et Ugo confirment aimer la gratuité, le côté convivial, y aller en groupe. John et Laëtitia reviennent pour la deuxième fois. Eux apprécient le côté très décalé des nanars projetés. Simon, fan de la première heure, a emmené sa copine Caroline. Lui aime le lieu, le fait de se retrouver entre potes pour voir des nanars. Elle, est curieuse même si elle n’en regarde pas en dehors. Karim vient pour voir des films décalés et drôles qui ne sont projetés dans aucun cinéma classique. →

« Tu te bidonnes même si en fait, y’a pas une seule scène construite pour être un gag ». Depuis octobre 2006 et un peu plus de 70 films diffusés, c’est un public très divers qui vient à La Vapeur pour cette soirée mensuelle, dans l’espace bar, et s’assoit confortablement sur un transat, puis regarde le film et bien souvent se marre très fort. L’entrée a toujours 52


Mr. Duterche et ses animaux de compagnie.

« Il faut être un public très ouvert pour apprécier la poésie absurde de ces films » Mr. Duterche

À la loc’ chez Vidéo Futur. 53


Home cinéma.

oreille, écume les fanzines. Pas d’internet à l’époque. La piste le mène sur ce qui sera sa pépite : le groupe The Cramps, catalogué rockabilly, qui punkifiait des reprises de morceaux obscurs des années 50 et 60 et était fan de cinéma de série Z. Dans la foulée, avec un pote, ils se goinfrent de VHS de série Z des années 50 à 80, qu’on n’appelait pas encore « nanars ». Des VHS cultissimes dont beaucoup n’ont jamais été rééditées en DVD et qu’ils trouvaient à l’époque dans les rayons au fond des vidéos clubs. Au bout de toutes ces années, c’est toute une culture visuelle et musicale qu’il s’est forgé, limite personnal lifestyle. Alors quand il ne diffuse pas des nanars, Mr. Duterche mixe en soirée toute cette musique qu’il affectionne : soul sauvage, surf, garage rock, des trucs obscurs et exotiques des années 60… et cultive son univers visuel qui fait le joint entre la musique et les films. Quand on lui dit qu’il est resté bloqué dans les sixties, il confirme que c’est bien la décennie qu’il préfère, avec des courants musicaux si variés qui l’ont traversé et l’énergie créative unique qui s’en est dégagée. Y’a de ça aussi dans les nanars ; des productions fauchées pour lesquelles les réalisateurs devaient faire preuve de fièvre inventive pour pallier au manque de pognon. Le résultat est bancal et pourtant y’a un truc qui se passe. Mieux vaut oublier les postures intellos et le bon sens en entrant dans cette cinémathèque. Pour aimer les nanars et ne pas se tirer en courant avant la fin du film, faut pas avoir honte du mauvais goût. Mr. Duterche assume sa programmation à 99% et la revendique. Le mauvais goût, il adore. En bon prêcheur, la cinémathèque lui permet de faire découvrir ces films, inédits au cinoche et que peu achèteraient en DVD. Prochaine et dernière cinémathèque fin mars avant les travaux de la Vapeur avec Ozone attack of the rednecks mutants : l’histoire d’un bled paumé situé sous un trou de la couche d’ozone qui transforme les habitants en affreux zombies mutants assoiffés de sang. On ne se refait pas. // N.C. 23 mars à La Vapeur : Ozone ! Attack of the Redneck Mutants

Certains viennent même en bus ou à vélo. Cette motivation étonne toujours Mr. Duterche, qui confirme que c’est comme ça depuis le lancement de la cinémathèque. Lui-même a été surpris du succès de son projet, dans une ville qu’il estime pourtant pas trop ouverte à l’underground et à ce type de cinéma. Recruté à La Vapeur pour gérer les studios de répét’, le directeur de l’époque, Fred Jumel, lui avait demandé de réfléchir à des animations gratuites pour faire vivre le bar. Pas de problème pour Mr. Duterche qui a rapidement proposé d’acheter des transats et de diffuser des nanars. L’équipe de la Vapeur l’a alors regardé avec des yeux ronds mais a dit OK. Le premier film programmé n’avait pourtant rien de facile : Premutos. Du gore allemand de la fin des années 90. Cradingue mais drôle. Un vrai pari. Résultat : la salle était blindée et pas seulement par des fans de métal, comme Duterche le craignait un peu. Non. Du masculin, du féminin. Des jeunes, des personnes plus âgées. Incroyable. Gratuité, transats, convivialité, films décalés : ces ingrédients ont fait le succès de ces projections où on vient chercher du plaisir dans l’absurde. L’histoire de cette cinémathèque est bien sûr indissociable de celle de son créateur, Mr. Duterche. D’où son nom : La cinémathèque de Mr. Duterche. Lui ne s’en lasse pas, des nanars. Ces films l’accompagnent depuis qu’il a 10 ans. The Cramps : du rockabilly punk et des séries Z. Mr. Duterche le confirme : « Ces films, c’est un morceau de mon identité, de ce que je suis devenu. Ils relèvent d’une sorte d’esthétique underground que je recherche aussi bien dans le cinéma, la photographie, la musique. Ça fait partie d’un tout. » La découverte des nanars est en effet chez lui intimement liée à son éducation musicale, toute personnelle. C’était en primaire, durant son année de CM2. Un midi, il entend à la cantine un morceau des Stray Cats, du pur rockabilly. La révélation. Il se met à fouiner, fabrique son 54


D I J O N C I T É I N T E R N AT I O N A L E D E L A G A S T R O N O M I E E T D U V I N

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NOUVEAU


Hilldale pop pavillonnaire portrait par édouard roussel photo : E.R.

« Mais qu’est-ce que c’est que ce foutoir ? » Dans ce qui devait être encore il y a quelques heures le spacieux salon d’un loft à Saint-Apollinaire, traînent un fatras de câbles, de micros, de caméras, etc. Au centre de cette débauche technologique, éclairée par un bon gros projo, les quatre membres d’Hilldale et leurs instruments, piaffant d’impatience de commencer à tourner. C’est dans ce joyeux bordel que le groupe d’indie-pop rêveuse tourne une captation de Gary, façon ‘‘Live on KEXP’’, le single radio-edit de leur nouvel EP : Memorabilia. Pendant que les techniciens s’affairent à leurs branchements, parfaitement imbitables pour le commun des mortels, on en a profité pour en apprendre un peu plus sur Hilldale, à savoir Christelle, Charlie, Julien et Lucas (112 ans à eux quatre).

L

es tournages ont ceci de fascinant qu’ils permettent de vérifier la loi de Murphy. Le moindre désagrément fait capoter l’ensemble. Que faire quand on a oublié les baguettes du batteur, que le fond de teint vient à manquer, quand ce n’est pas la technique qui fait un caprice ? Généralement un aller-retour permet de régler ces contretemps et pour ce qui est technique, un coup de gaffer suffit. D’ailleurs, le professionnalisme d’une boîte de production peut s’apprécier au nombre et à la variété des rouleaux de ce ruban adhésif disponibles en régie. Sur ces critères parfaitement subjectifs, il faut reconnaître que CHapet Hill est une boîte sérieuse. L’histoire d’Hilldale – si elle devait être filmée – commencerait comme une de ces Rom-Coms de l’après-midi sur M6, avec juste un peu plus de guitare, d’alcool et d’anglicismes capables de foudroyer un Québécois fervent défenseur de la ‘‘french tongue’’. « C’est quand j’étais à Lyon, se souvient Julien, guitariste du groupe. Je traînais dans le milieu punk-hardcore et tous mes potes avaient des groupes ; c’était un truc qui me branchait à mort, mais moi je ne me sentais pas de faire du punk. Ce n’est pas mes aspirations, sauter partout en

faisant des gros accords… bof. J’attendais de trouver les bonnes personnes. » Et là arrive Charlie et ça « matche » direct, les deux partagent quelques goûts en commun pour le rock indé des années 1980-90 et les deux guitaristes en viennent à se tripoter le manche en tête-à-tête. « On était bourrés et on chantait de la merde c’était marrant », relativise quand même Charlie. C’est à Dijon que l’affaire prend une autre tournure quand les deux potes s’installent ensemble. « On était dans le doute à ce moment-là, poursuit Charlie, on se demandait un peu ce qu’on pouvait bien faire à Dijon, alors on s’est lancés dans ce projet. À force on a commencé à avoir des petits bouts de morceaux. Un peu par hasard, Christelle est venue passer une soirée avec nous… et elle a un peu chanté sur nos compos ; ça l’a fait ! » La demoiselle, malgré une décennie à fredonner de la pop, n’avait jamais chanté en anglais : « Je ne me trouvais pas forcément crédible au début, se rappelle Christelle, il me manquait la diction. Du coup c’est très spontané, il n’y a que moi qui ai cet accent-là. Mais je pense que j’amène de la musicalité aux compos et une certaine fraîcheur tout en essayant de rajouter le moins d’effet (et d’affect, ndlr) possible, ce qui n’est pas si évident, car avec le temps, on chope certaines inflexions. » 56

Dernier arrivé, et non des moindres : Lucas à la batterie. « On l’a mystifié, résume Julien. Au début il a dû croire que c’était une blague, qu’on allait jouer deux-trois fois comme ça et puis basta. Mais très vite on a été accompagné par La Vapeur, on a fait quelques dates ; aujourd’hui on sort notre deuxième EP. » Lucas, invariablement stoïque, n’a pas l’air épouvanté par la tournure qu’ont pris les événements. Restait à trouver un nom, et après avoir un temps songé à ‘‘Help Youssef’’, ils ont finalement opté pour la sobriété : Hilldale, référence subtile à Retour vers le Futur et sa tranquille zone pavillonnaire. « Je n’étais pas vraiment inquiet, tempère Lucas, il faut dire qu’on est assez créatifs quand il s’agit de dire des conneries ».

« Le nouvel EP est plus affirmé, mieux enregistré, on se connaît un peu mieux et on se permet plus de choses » Julien, guitariste du groupe


Ils m’ont mis un beau bordel dans le salon.

The Sophomore Slump Les Américains ont théorisé ce syndrome pour expliquer l’échec de bon nombre d’étudiants en deuxième année. Une variante de cette inclination à la flemme touche aussi les musiciens qui, répétant les réussites de leur premier disque, se vautrent en douceur sur le deuxième. L’histoire de la musique en est remplie d’exemples. Heureusement, Hilldale semble immunisé. Le premier EP compte cinq chansons et fait 16 minutes. Le petit dernier en compte six et dure 28 minutes. « Memorabilia est vraiment dans la continuité du précédent, prévient Julien, mais je le trouve plus affirmé, mieux enregistré, on se connaît un peu mieux et on se permet plus de choses. On nous a dit qu’il sonnait un peu comme les Go-Betweens, ce qui est curieux parce que ce n’est pas ce qu’on avait dans le viseur. Cet album, je le trouve plus 90’s que 80’s avec un peu plus de disto ». Charlie en rajoute une couche : « Sur le premier EP on était vraiment dans une config’ couplet-refrain. Mais sur celui-ci, tout en gardant ce format très pop, on s’est

dit qu’on aimerait bien pousser le truc un peu plus loin avec des pré-refrains et des ponts dans nos compos ». Ces intentions sont particulièrement audibles sur Brenda, hommage à peine voilé à cette garce de Shannen Doherty dans Beverly Hills, ce soap californien qui a servi d’éducation sentimentale à toute une génération née au début des années 80. « J’essaye d’infuser dans nos compos une sorte de mélancolie, à la The National, précise Christelle, et surtout que ça vibre. Je suis méthodiste (sic) dans la manière de structurer les chansons, mais je fais confiance aux garçons, qui ont une vraie culture musicale pour exploser le format parfois un peu trop plan-plan de la pop, mais il faut le faire de manière contrôlée. » Autant y aller franchement, les Hilldale sont dans la merde, ou plutôt à la croisée des chemins : soit rester à barboter sur la scène locale ou se jeter dans le grand bain. Hilldale prend le risque de se jeter à l’eau et il va falloir qu’ils sortent leurs tripes pour émerger au milieu de cette scène indie-pop saturée. « On sait que ça va être dur, prévoit Julien, on trouve toujours que les trucs n’avancent 57

pas assez vite, on attend toujours le ‘‘next step’’. Le problème, c’est qu’aujourd’hui on arrive au bout d’un réseau qu’on avait déjà à la base, alors faut qu’on bouffe de la date et qu’on trouve un tourneur. » Sur le plateau ça commence à s’exciter, Christelle s’interroge : « Je garde la couette ou pas ? », le genre de choix existentiels qui déterminent une carrière. « Nan, oublie la couette, lâche Lucas, ça fait trop joueuse de tennis ». Bon, heureusement, pour mettre fin à ces interminables tergiversations un gars de CHapet Hill rappelle tout le monde à l’ordre : « Bon, il faut vraiment que vous vous affoliez et que vous vous mettiez en place ». Les pieds dans les starting-blocks, ou plutôt dans le pedalboard, Charlie reste conscient du boulot à abattre : « On commence à en chier mais c’est parce qu’on a décidé de passer à la vitesse supérieure… On commence par cette capta’ avec CHapet Hill, on aimerait aussi faire un clip avec eux. On bosse avec une attachée de presse et un collectif de graphistes. On a tout intérêt à faire les choses sérieusement pour faire en sorte que ça prenne ». // E.R.


portrait

la vache qui rit parce qu’elle le veau bien Elle est le repère du touriste qui entre dans la ville grâce à sa tour, un des rares moyens pour le lédonien de s’en sortir face à la question « sinon, y’a quoi à Lons ? », un emploi pour plus de 300 personnes, et un musée aussi. En un mot, le second emblème de la ville. Encore faudrait-il se souvenir du premier.

par simone g., à lons-le-saunier photos : S.G. illustrations : léa zamolo

58


T

out démarre par une histoire de famille. Le fromage La vache qui rit est le succès du groupe Bel, du nom de Léon Bel, le créateur de la célèbre portion. Ce dernier, fils de Jules Bel, dirigeant d’une entreprise d’affinage et de négoce à Orgelet, restera le principal dirigeant des entreprises Bel de 1908 à 1941. Le gendre de Léon Bel, Robert Fievet lui succédera et à partir de 2009, son arrière petit-fils, Antoine Fievet. Lorsque l’on évoque l’entreprise à Lons-le-Saunier, lorsque l’on observe la communication du groupe, le marketing, lorsque l’on parcourt le musée et son secteur retraçant l’historique de l’entreprise, c’est un mot, « famille », qui revient avec récurrence et avec ce petit ton nostalgique du « c’était mieux avant ». Léon Bel, de retour à Lons après la première guerre, achète un atelier de fabrication rue de l’Aubépin, place actuelle du musée, avec le suisse Emile Graf. Depuis, le groupe a dépassé toutes les frontières et gagné tous les continents par son ambition forte d’industrialisation : depuis l’implantation de la première filiale à l’étranger, en Grande-Bretagne, en1929, Bel a construit 28 sites de production sur les cinq continents et distribue ses produits dans près de 130 pays... Le groupe a même implanté des sites dans des pays comme l’Iran, la Turquie ou la Syrie (site fermé depuis quelques années en raison du conflit). Une très grande famille, donc.

Bel Lons-le-Saunier ou l’esprit Bel Pour donner un aperçu de ce que fut l’esprit des usines de Lons, un ancien salarié évoque par exemple la mise en place de la mutuelle (qui était au départ un service particulier à l’usine) avec une avantageuse participation du groupe, le comité d’entreprise actif et conséquent de l’entreprise, un centre de recherche qui était le point de départ de nouveaux produits (déplacé), un service de publicité important... Un esprit manifestement en déclin, dont on n’entend plus vraiment parler dans les couloirs, même si le directeur du site parle encore « de gens très attachés à la marque, de couples qui travaillent ensemble, de générations qui se succèdent, de gens d’ici qui ne quitteraient le Jura pour rien au monde » (Le Progrès, 2015). Restent les anecdotes de familles sur l’usine, celles qui sont croustillantes et évoquent les histoires d’amour – le fromage, c’est sexy, tout le monde le sait, va regarder le calendrier de l’association Fromages de terroirs –, celles des ouvriers nostalgiques qui sont touchantes et racontent les premières machines suisses à 60 portions par minute, ou encore celles des étudiantes, mignonnes, qui ne savent pas ranger les portions dans la boîte et se font houspiller par les ouvrières, prime de rendement oblige...

Et le musée ? Alors, sur le papier, comme sur le parking d’ailleurs, ça fait envie. C’est vrai que ça a de la gueule, et puis c’est vert, c’est sûr. Et puis qu’est-ce que c’est grand dis-donc, 3.450m². Pertinente analyse, mais ça donne quoi en vrai ? Les marques s’invitent dans les musées, jouent la carte de la mémoire collective, fédèrent autour d’images conviviales et familiales et nous font surtout oublier qu’elles vendent peutêtre un savoir-faire, mais surtout des produits...

Avec La Maison de La vache qui rit, on se frotte au concept même de musée de marque, avec plus de 1000 m² d’espace muséographique et bien sûr la boutique, référençant près de 200 articles, à l’image du musée Haribo à Uzès par exemple, qui a ouvert la voie dans les années 90. Et cette vache, elle s’y connaît en matière de communication, le site est donc plein de promesses. L’engagement de la Maison de La vache qui rit est de faire vivre le lieu, d’être à la croisée de plusieurs univers comme le marketing, la culture, les loisirs ou même la pédagogie. À disposition donc, un espace pour les expositions temporaires, un auditorium de 80 places, un jardin d’enfants, une terrasse avec un espace restauration, un parcours interactif. Je me suis rendue au musée pour une première expérience, je sais, je suis de Lonsle-Saunier et le musée est ouvert depuis mai 2009, mais les Dijonnais connaissent-ils leur musée de la moutarde Amora ? Bon, selon mes sources, si vous êtes passés à côté, vous survivrez... La brochure est remplie de propositions d’activités comme l’atelier gourmand, d’expositions temporaires d’art contemporain, d’animations ponctuelles et de rendez-vous comme la fête de la musique, etc. Mais là, au beau milieu des vacances d’hiver : rien de prévu. Débute alors l’errance dans le musée presque vide. Les bornes interactives maintiennent l’intérêt des enfants mais il y a peu d’objets à toucher, à manipuler, peu de mise en scène, une salle d’exposition en travaux, un espace restauration ouvert seulement en été... Bref, notre premier rendez-vous est un peu manqué mais la magie opère tout de même, elle est séduisante cette vache, les objets de la boutique sont une réussite et la dégustation des Pik et Croq’ offerts par la maison assez régressive.

Mais qu’est-ce qu’on mange alors ? Bel, c’est La vache qui rit mais pas seulement. À Lons, les usines produisent la traditionnelle portion mais aussi les Pik et Croq’, produit bien plus récent, et les cubes apéritifs natures, tandis que les usines de Dole produisent les spéciaux, comme le saumon, ton préféré. Mais le groupe Bel, c’est un grand nombre de marques, distribuées en France et dans le monde (hello the laughing cow !) comme Babybel, Boursin, Apéricube, Leerdammer ou Port-Salut – ça doit bien être écrit dessus, regarde les petits caractères au dos peut-être – fabriqués selon le secteur. En effet, le groupe dispose de deux secteurs : le secteur fromager (le fromage fondu, ben c’est du fromage fabriqué à partir de fromage, c’est fou je sais...) et le secteur laitier, avec la récupération du lait et sa pasteurisation sur site (pour les fromages comme le Kiri ou le Babybel). Alors, tu as le choix pour la dégustation, tu as aussi le choix des recettes, car les livres de cuisine utilisant les marques sont nombreux et tu peux aussi découvrir les produits Bel chez Iglo, Fleury Michon ou Liebig (et peut être bientôt dans ton après-shampoing ?) car le co-branding est encore un outil marketing bien maîtrisé par la marque... Et si tu es radin, ou fainéant, tu peux attendre les échantillons donnés par la caravane promotionnelle VQR au Tour de France, là encore, elle est une des premières marques à avoir participé au tour, dans les années 30, et poursuit les opérations de marketing sur les mers, avec Kito de Pavant, skipper du voilier aux couleurs de la vache. → 59

Une dizaine d’années de procès contre la « Vache sérieuse »


La concurrence.

Imitée, jamais égalée

« La dégustation des Pik & Croq’ offerts par la maison est assez régressive »

Les contrefaçons de la VQR ont été nombreuses depuis la création de la portion ; le créneau animalier a beaucoup séduit, la légèreté et le côté rieur du sujet aussi. La stratégie de lutte du groupe a été très longtemps de racheter toutes les marques dont le nom était approchant ou de déposer par avance des noms qui pourraient potentiellement jouer sur la notoriété de la vache. À regret, ou non, nous avons du dire adieu à la vache qui pleure bien sûr, mais aussi la vache qui rue, la vache savante, la gosse qui rit ou encore le chat qui sourit. Mais celle qui a fâché notre vache, c’est la vache sérieuse. Une dizaine d’années de procès et un jugement rendu en 1959 en faveur du groupe Bel contre la société Grosjean, également installée à Lons-le-Saunier et surtout concurrente directe. Outre le vol d’image, c’est le dénigrement de la qualité du produit qui était en cause pour le groupe Bel. Mais, la guerre des deux vaches, ici, c’est une vieille histoire... Le succès de la vache sérieuse était grandissant et l’entreprise Grosjean avait également des outils marketing sérieux comme la ville Grosjean : les enfants pouvaient la bâtir, en carton, à partir de bons présents dans les boîtes. L’engouement des consommateurs fut très important et le rire de la vache Bel est devenue jaune, la justice a jugé de la suite. Mais la question de la qualité est centrale chez Bel depuis les années 60 et vise à répondre aux nombreuses questions concernant le recette du produit. Une affiche, commandée en 1961 y répondra : « La

20 60

VQR, c’est du lait... du beurre et du bon fromage ». Gruyère principalement, edam ou encore mimolette, écroûtés bien sûr ! Mais attention, selon les pays, la recette varie et les quantités sont gardées secrètes. Le mystère, c’est l’autre face de la vachette, ou l’autre facette de la vache peut-être...

Pourquoi rit-elle, celle-là ? Léon Bel, lors de la Première Guerre mondiale, est affecté au régiment de « ravitaillement en viande fraîche » au moment où l’état-major décide d’ouvrir un concours de logos à apposer sur les véhicules de transport. Ce concours est remporté par Benjamin Rabier, illustrateur et dessinateur de BD, qui avait choisi de représenter une vache rieuse, surnommée la Wachkyrie, parodie des Walkyries, emblèmes des véhicules de transport des troupes allemandes et thème musical wagnérien célèbre. Il s’en souviendra quelques années plus tard et fera appel à B. Rabier lui-même pour reprendre le motif, avec quelques transformations. Plus tard, la signature de B. Rabier disparaîtra et l’emblème évoluera vers le dessin que l’on connaît tous aujourd’hui. L’ajout de boucles d’oreilles, qui n’existaient pas au départ, serait une idée de l’épouse de Léon Bel, une façon de féminiser le logo et d’amuser le consommateur qui cherchait à compter – peine perdue – le nombre de boîtes dans la boîte, parfaite illustration de la mise en abîme, répétée à l’infini. Vachement fort comme idée. // S.G.


photo © Frédéric Sonnet

THÉÂTRE MANSART LIEU DÉDIÉ À LA JEUNE CRÉATION

JEU.17 MARS

PROFÉRATIONS DE LA VIANDE LA CIE L’OREILLE INTERNE

DU MAR.29 MARS AU SAM.2 AVRIL

JEU.7 AVRIL

FOCUS CIRQUE #2

AVEC CIRQ’ÔNFLEX ET LE LAB

MER.13 AVRIL

FESTIVAL ÉCLOSION 7ÈME ÉDITION

LOVE BOX

LE THÉÂTRE UNIVERSITAIRE DE DIJON

AVEC LES CIES A&O ET FLYING FISH

MAR.5 AVRIL

À LA RENCONTRE DES DANSES DE L’AILLEURS

LE CDC ART DANSE BOURGOGNE

KRAFT

JEU.28 AVRIL

LA CIE LES ALENTOURS RÊVEURS


Quand il remplit les verres, il renverse les cœurs.

suck my cocktail

la cuisine de sparse foodage de gueule par tonton stéph

On sait bien, va, que t’attends pas la fin du mois pour te contenter de manger liquide. Mais bien avant tes soupes chinoises achetées 40 centimes au Marché du bonheur, tu as tout de même le temps de venir admirer Tom Cruise et son shaker chromé, qui remue frénétiquement ses ptits bras pour te pondre un cocktail complètement zinzin qui agrémentera ton quotidien morose.

speakeasy (14, rue quentin - dijon)

la note : 2/5

Déjà c’est quoi ce blaze digne d’une école de langues ? Oublie Madame Biton que t’avais à Seurre en LV1 : un Speakeasy était un établissement de contrebande durant la prohibition de la tise à Chicago, dans les années vingt. Mais t’attends pas à un rade aux effluves douteuses de bouilleur de cru : l’établissement lorgne davantage du côté de la clientèle de la Villa Messner. Bon, normalement, on a déjà perdu 80 % des lecteurs probes de Sparse à ce stade. Mais reste un peu, on va golri. C’est toujours marrant de se rendre au moins une fois dans ces lieux où se pavane un temps la pseudo-élite dijonnaise, voire beaunoise, qui vient claquer ses bifetons là où il faut se montrer, avant de se lasser et de ne plus y mettre les pieds durablement. Ici, on ne donne guère dans les cocktails fastoches à base de Paquito, comme dans tes soirées endiablées du campus : ce qui est préféré, c’est le mariage des alcools très forts, ce qui est à n’en pas douter un exercice d’équilibriste. L’Esperanza, à base de mescal et de citron, servi dans un verre à Margarita, m’a coûté douze balles - autant dire : un rein -, j’ai beaucoup pleuré. Un coup de fil à ma banque et j’ai enchaîné sur le cocktail éponyme du restaurant, qui arrive à marier les

inconciliables : Dijon et l’Angleterre. Comprendre : le cassis et le gin. Une réussite plutôt inattendue, la tête tourne vite avec cette fois un verre plus rempli ; ok, ça va, on aime. Et autour alors? Eh bien, même si la tête tourne, c’est peu dire qu’on aime moins. On va vous laisser la surprise de la déco digne d’un mauvais porno-peplum ou un Marc Dorcel (si, tu sais, les scènes dans les châteaux) ; après, on peut juste déjà dire que les colonnes à la Cinecitta, c’est non. Mais si la mentalité de Caligula te repousse pas, tu pourras donc venir bouffer du homard ici – ou plutôt : te montrer bouffant du homard ici. Oublie pas de te pavaner, ça te donne une contenance, tu sais. Quasi une prestance. Et si tu es déjà suffisamment torché pour assumer sans gerber une déco à la Gatsby le magnifique (oh, pas tant celui qu’on imaginait si classe chez Fitzgerald, plutôt celui épileptique de Baz Luhrmann), tu peux venir garer ton Touran pas loin et vider ton PEL sur place, tu auras notre bénédiction. Tu ne nous en voudras pas, par contre, de nous contenter d’un p’tit SaintVéran sans prétention à l’Industrie. Établissement qui, lui, sera encore là dans quelques mois.

Embassy bar, Vertigo (3 rue Devosge - dijon)

la note : 1/5

On va pas se mentir : le nerf de la guerre, pour boire des cocktails, c’est la caillasse. Exemple : si tu crois que Fabio Lucci est un grand couturier italien, il ne va peut-être pas falloir te pointer ici non plus, mec. Au Vertigo, le cocktail avoisine les quinze euros facile. Et tu pourras pas payer en dix fois avec ta carte Cofinoga. Rappelons que le lieu jouxte

l’hôtel de La Cloche, et c’est tout sauf un hasard. Tu risques d’avoir gentiment la pression sous le lustre, il ne manque plus que des Ferrero Rocher pour se croire à la soirée de l’ambassadeur. Elles sont là, face à toi, intimidantes car nimbées d’une lumière bleue du plus bel effet : toutes les teilles qui te sustenteront. Que des alcools de luxe. Au Monop’, 62


tu te payes rarement une Grey goose made in France, qui limite pourtant l’usage des Efferalgan le lendemain ; tu te rabats sur une bonne vieille Poliakov – achat vite regretté. Attention, ici, cocktails chelous. Voire relous : tu pourras pas franchement te perdre dans ton baratin habituel, mais seras obligé de suivre une manœuvre pour profiter à plein des quinze boules que t’auras claqué. En effet, celui que j’ai choisi – oui, j’en ai pris qu’un, hein – était servi sur un plateau en métal du plus bel effet aux yeux d’un membre de l’élite dijonnaise : il était en effet recouvert d’une poudre blanche avec une petite paille. Il ne s’agissait pas de la coke coupée à je ne sais quoi que se foutent dans le pif les plus illustres smicards de la ville, mais tout aussi grotesque, d’un Mentos pilé, que j’étais censé aspirer avant de me prendre un tube à essai de Vodka Idol mélangé à du Get 31, avant de vite boire un petit shot de Perrier en forme de crâne ; voilà,

c’était pas For the Love of God, de Damien Hirst, mais le cocktail Sueurs froides, que j’ai eu la bonne idée de goûter en plein hiver. Mon accompagnatrice plus avisée s’est, elle, rabattue sur le tout aussi étrange Deep in string, dont on refusera de tenter une traduction littérale : Suze, cassis Antolin, sirop de cannelle, infusion thé noir fruits rouges. Le genre de trucs qu’a priori, tu tenteras pas chez toi. P’tet chez mémé, à la limite : c’est présenté dans une tasse à thé, on ne s’y attendait pas du tout. Pour tout dire, on n’a pas l’impression de prendre à proprement parlé un cocktail. Le tout avait quand même l’air assez pro, c’est indéniable. En attendant la prochaine soirée mixologie dans les prochains mois, il te sera toujours possible de faire un peu gaffe et de prendre un cocktail sans alcool Herbal détox : thé vert pour ton bide, thym et menthe. Les cocktails softs à 7 balles ont sincèrement l’air délicieux.

Le Messire bar (3 rue Jules Mercier - Dijon)

la note : 3/5

Dans une des rues les plus glauques du centre-ville, ce bar atypique aurait pu servir de décor à une enquête de ce bon vieil Inspecteur SS Stefan Derrick, après le meurtre d’une prostituée dans le Hambourg interlope. Entre les lumières orangées posées à même les petites tablées, une déco léopard (« et non panthère », souligne le patron sexagénaire) assez hardcore sur toutes les banquettes, et une peluche géante de fauve au milieu, on n’est pas loin d’atteindre le summum du WTF pour Dijon. Autant dire que c’est d’emblée très attachant et/ou flippant, surtout si tu débarques ici avec déjà un coup dans le nez. Un écran LCD tranche avec le reste du décor de bar à hôtesses, qui permet de diffuser indifféremment un match de rugby ou une chaîne de mode. Mais t’es surtout venu là pour boire, non ? Le choix porté sur le nom le plus pété, le Mon Amour, a révélé dans

son verre piscine tous ses arômes : vodka, crème de banane, cerise à la liqueur. Plutôt pas mal, et tant pis pour la digestion. Le Punch ouragan, au nom qui aurait pu inspirer un coup dans Street Fighter 2, s’est rapidement avéré beaucoup trop chargé - pour ne rien dire du lendemain de la consommation. Après, au moins, disons que tu en as pour ton argent, ça change des mélanges vides d’alcool proposés dans les boîtes inavouables de la place de la Rep’; finissons sur cet aspect en rapportant une litote proposée par une testeuse ce soir-là : « Je dirais pas que je suis bourré, mais... ». C’est cette même testeuse dont nous tairons le nom qui a eu affaire à Rose, la patronne elle aussi sexagénaire – avec tout ce que cela implique aux heures tardives – laquelle possède une fâcheuse tendance à t’engueuler quand tu lui demandes le chemin des chiottes : ambiance.

L’Assommoir tome II (48 rue monge - dijon)

la note : 4/5

Ce bar est bien sûr une institution de Dijon, nous y faisons régulièrement référence. On avouera sans difficulté y traîner nos guêtres quasi tous les week-ends, ne serait-ce que parce que l’établissement propose des mix tous les vendredis et samedis, et jouit d’une situation stratégique entre le centre-ville et la Péniche Cancale. Ici, à côté d’une carte proposant tous les classiques du cocktail, vous en trouverez quatre « maisons » de fort bonne tenue, ne serait-ce que parce qu’ils ont une identité. En l’occurrence, il nous a semblé qu’ils misaient en grande partie sur une dimension « aromatique », en utilisant des herbes fraîches du plus bel effet. Ainsi du Soft Killer:

gin, liqueur de pêche, jus d’orange et citron, mais surtout menthe fraîche, comme dans ton habituel Mojito (qu’ils font excellemment aussi). Dans le même genre de sensation bien agréable, la Dolce Vita, toujours à base de gin, miel, jus de pomme, et là aussi basilic frais. Anna, la proprio, est aussi fort portée sur son cocktail à base de vodka, piment, miel, ananas, menthe fraîche, avis aux amateurs. Ceux qui se sont déjà proposés des mètres de shooter’s le savent déjà bien. À l’Asso, ils font des prix sur les cocktails toute la semaine, aussi, c’est bon à savoir, surtout du coup si tu kiffes les cocktails pimentés. Avis aux Hard’amats.

Mais encore... (même si tu titubes, gros) parmi les meilleurs cocktails de ta mégalopole. Notre coup de cœur pour le lait de Brébiphant, complètement indigeste. Par contre, la brochette de bonbons, c’est pas obligé. Gros plus : une terrasse super fraîche l’été. Ouais, c’est encore loin, faut bien l’admettre. • « Ici on fera jamais de Mojito ! » Tu veux une médaille ? Surtout que finalement, la Péniche Cancale se lance dans les Friday Cocktails : pour 6 modiques euros, un breuvage original entre 19h et 21h. Le premier, le Russian Flag : Vodka, cranberries, lemon cherry. Efficacité. • La Casa del Mojito, 51 rue Parmentier. Celui-là, on n’y est pas allé rien que pour son nom complètement pété : la maison du mojito, sérieux. Place de la Rép’, sérieux. Non loin du triangle d’or, qui relie toutes les âmes en peine entre le Chat Noir, la Salsa Pelpa et le Baltaz’. Sérieux. // T.S.

• Bon ça y est, cette fois-ci, le Spritz, c’est plus une mode, c’est carrément une déferlante, même les VRP en boivent autour du marché. Le cours du Prosecco étant passé sous les 4 euros à Carrouf’, tu peux même en trouver place du Bareuzai : c’est dire... Le moins cher a été vu à l’Alchimia (4,50 euros). Toutefois, si tu es nostalgique de l’époque où tu croyais être en avance sur le Zeitgeist en sirotant ton grand verre orange dans les ruelles de Turin, sache que le Spritz à notre goût le plus réussi se situe bien chez Jean-Marie et Anna, à L’Asssomoir Tome II, dont on vient de parler. Et ils se défendent aussi pas mal à L’Industrie, rue des Godrans. Ouais, de bons bars, de toute façon. • Tout est une question d’ambiance et de service. Là aussi, si tu kiffes une atmosphère médiévale sur fond de métal (!), tu peux te faire bien plaiz’ avec la carte de L’Antre II Mondes, rue d’Ahuy, qui propose

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la cuisine de sparse

Radio potins bulles par so fish illustrations : mr. choubi

La fishstory Lundi 28 mars. Mais putain comme ce jour est LOOOOONNNNNG ! Comme tous les lundis soirs, et pour bien débuter ta semaine, c’est apéro meufs. Problème, c’est la fin du mois et vous êtes fauchées. Du coup, c’est rapatriement dans vos apparts. Pour l’orga, ça commence sur Facebook et dès 11h. Ça ne s’improvise pas, tout s’organise dans les moindres détails... Et puis c’est essentiel de démarrer la semaine avec un objectif clair et sensé, histoire de tenir bon toute la journée, d’avoir un but, d’apercevoir une lumière au bout du tunnel. Aujourd’hui plus que jamais, ton lundi a été tendu, entre les discussions du weekend (nouvelle orthographe) pathétique qu’ont passé tes collègues et le fait que tu ne te sois pas tout à fait remise de ton dimanche gueule de bois/zonage/pot de glace et tartines de Nutella... plus que jamais, l’appel du réconfort girly se fait ressentir ! D’habitude votre groupe est plutôt bien organisé : une meuf ramène les bulles, l’autre a toujours 2, 3 petits trucs à grignoter et t’en as une qui a la masse de potins chopés en soirée. Mais là, plus ça va, plus vous êtes à l’arrache. L’hiver, le brouillard, les très bons festivals du

moment... En tout cas, le houmous en boîte ça va 5 minutes, et comme c’est toi qui reçois, tu te dis que tu pourrais faire bien mieux. D’ailleurs, parfois quand tu es seule chez toi, tu commences à t’égarer, tu regardes tes bouquins de cuisine (ou Top Chef ) et tu rêves d’accueillir tes potes autour d’un buffet de ouf, avec des roulés-saucisses chaloupés, des mousses de jambon drapées et des veloutés de légumes liftés, d’être une vraie meuf, quoi ! Mais d’ordinaire, ça se termine plutôt avec une soupe de ficelle et un soufflé à la semelle, pas de bol, new generation... Mais pas ce soir ! Quand tu rentres à la maison, deux options s’offrent à toi. En premier, tu ouvres ton frigo, et là, horreur, l’odeur, c’est insoutenable, tu es tentée de mettre un masque de plongée pour en faire l’inventaire... et de toute façon y’a quasi rien de comestible là-dedans... En second, tu ouvres le placard, et là, niveau odeur c’est mieux mais niveau contenu, c’est la même ! Mon conseil à ce stade, c’est que tu enfiles tes UGG et tu cours faire quelques courses pour sauver le coup. Avant de sortir, n’oublie pas tes clés et ton tote bag. Direction le Monop’ ou le petit Caz’ ! 64


La shortfish (plaisir, détox et tartinade) Bon ben là, force est d’admettre que côté courses, ça va être super rapide... Tu comptes bien évidemment sur la supérette du coin ou ton épicier préféré, à condition qu’ils aient pensé aux gens comme toi et qu’ils soient ouverts le lundi ! L’objectif sera de rassembler un max d’ingrédients en un temps record et sans le moindre effort... Un défi réalisable dans tous les recoins de BFC ou presque. Dis moi que tu as au moins une boîte de sardines ou de maquereaux à l’huile dans tes placards ? (Si si, celle-là même que ta mère a mis dans ton panier d’emménagement il y a 6 ans...). Des œufs, de la farine, un peu de lait

et une croûte de fromage qui traînent ? Dans ton bac à légumes t’as quoi ? Des carottes ? Des poireaux ? Un brocolis jauni ? Ça fera l’affaire ! Sinon on a peut-être une chance de trouver des trésors dans ton congélo, genre des fines herbes ? Ou une plaquette de beurre ? Pour compléter tout ça, achète donc du fromage frais (celui avec le nom de la ville US où se déroule le film ou celui avec le nom d’un village paumé dans une région inconnue de France où on n’a pas encore tourné de film). Bien évidemment, ajoute à ta liste tout ce qui est énoncé plus haut et que tu ne trouverais pas dans un recoin de ton appartement...

Le fishmeal varie énormément d’un four à l’autre, à toi de tester ! Et comme ça on se retire toute responsabilité de quelque échec que ce soit... Ensuite, pour le côté détox, ce sera velouté de saison ! Les légumes qui vieillissent dans le fond du frigo feront bien l’affaire. Épluche tout ça, coupe en gros. Émince un oignon si tu as, fais-le rissoler dans ta casserole avant d’y jeter tes légumes coupés. Tu peux ajouter une pointe d’épices si tu veux (curry, cajun, raz’el hanout...) ça n’en sera que mieux. Couvre ensuite moitié eau, moitié lait, tu verras ce sera bien. Pour la tartinade, ce sera rillettes de poisson et tu vas voir c’est très simple, tu peux même faire ça depuis ton canapé ! Prends une boîte de sardines ou maquereaux à l’huile, égoutte-la et dans une assiette sépare les filets pour enlever l’arête centrale et les petites qui vont avec. Ensuite, tu émiettes le tout, tu y ajoutes du poivre, une pointe de curry, ta barquette de fromage frais et des herbes fraîches sorties du congélo. Tu peux ajouter un jus de citron si tu as, et un peu de piment pour réveiller tout ça, voilà c’est prêt. À servir avec ton pain rassis du week-end, que tu peux toaster pour qu’on n’y voit que du feu ! Attends toi à du Waouu, du Mmmmm et du Qu’est-ce que c’est bon en veux-tu en voilà. Farandole de compliments annoncée pour ta soirée meufs !

Pour le plaisir, ce sera Gougères (avec la majuscule madame, car aujourd’hui c’est un secret de grand-mère que nous partageons avec toi). Tu sors d’abord de ton panier ou frigo 125 g de farine, 80 g de beurre, 25 cl d’eau, 4 œufs, 100 g de comté, du poivre, du sel et de la noix de muscade. Dans une casserole, tu fais fondre ton beurre dans ta casserole d’eau avec sel, poivre, muscade. Quand ça bout, tu retires du feu et tu verses ta farine en fontaine et d’une traite, tout en remuant. Tu remets doucement sur le feu, tu continues de remuer pour que ça sèche un peu. Tu laisses refroidir quelques minutes et passe au velouté. Ton velouté est lancé, ajoute les œufs, UN par UN. C’est important... Tu les mélanges bien, ça te donne une jolie pâte. Tu ajoutes le comté râpé pour finir, tu assaisonnes plus si besoin. Tu préchauffes ton four à 200°. Tu prends une petite cuillère et avec tes petits doigts tu fais des petites crottes de pâte sur une plaque recouverte de papier sulfu. Tu enfournes quand ton four est bien chaud et tu les oublies pour 15 minutes. Attention règle ultra importante : TU N’OUVRES SURTOUT PAS LE FOUR PENDANT CE TEMPS LÀ ! Et si tu es curieux, quand ça commence à sentir bon, tu peux entrouvrir le four en un quart de seconde pour voir si les gougères sont cuites (gonflées et dorées). Pour le temps de cuisson exact, environ 20 minutes, ça

La happyfish Bon ben finalement, t’as eu super la flemme de te lancer dans les gougères, ta pote est passée par Monop’ sur le chemin et a chopé tout un tas de merdes industrielles qui bizarrement, n’ont pas le même goût le lundi et sont juste délicieuses, et cerise sur le gâteau,

ton autre pote vous a pris pour des buses et vous a servi des potins vieux de deux semaines ! La prochaine fois tu t’organises mieux le lundi, ou tu zones moins le dimanche, ou tu bois moins le samedi, ou tu ne fais pas l’apéro prolongé du vendredi... // A.S. et S.G.

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Le petit Manhattan.

welcome to my hood

Les fables de la Fontaine d’Ouche PaR lilian elbé photos : bibliothèque municipale de dijon

Il y a quelques semaines à Dijon, dans l’atelier de vélos où j’officie, une dame entre pour faire réparer une crevaison. Elle arrive directement du quartier Fontaine d’Ouche où sa bicyclette était garée toute la journée. La cause de la panne est un coup de couteau. Elle en est d’autant plus persuadée qu’elle a eu le temps de ruminer la chose sur le trajet. « Parce que là-bas, vous comprenez, ça va finir que plus personne ne va vouloir y aller ». Sourire gêné et poli, on démonte le pneu pour effectivement découvrir... un minuscule morceau de verre. Pour la crevaison, il faudra quelques minutes seulement pour réparer le mal. Quant aux a priori qui perdurent sur les tours du fameux quartier de l’ouest dijonnais, ce sera un peu plus complexe. Quelques chiffres et un peu d’histoire pourront peut-être toutefois résorber les clichés qui collent aux cerveaux des Dijonnais...

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La Fontaine d’Ouche, mythe « ghetto ». L’histoire moderne de la Fontaine d’Ouche à Dijon est un peu celle de tous les quartiers estampillés « banlieue » dans l’esprit de ceux qui n’y vivent pas. Chaque année au 14 juillet, les dizaines de tours et barres s’illuminent à l’occasion du feu d’artifice tiré depuis le lac Kir. Et c’est joli. Le reste du temps, hormis pour les 10 000 personnes qui y habitent, c’est moche, c’est haut, quarante nationalités s’y mélangent, donc ça fait peur. Parce que concentré, parce qu’enclavé à l’extrémité de l’agglomération. Une amie m’a même déjà avoué avoir pris la voiture avec son copain afin de vérifier si c’était ghetto comme dans les films. Exactement comme Thoiry dans La Haine, « un zoo, là, qu’on visite en voiture ». Elle n’y avait jamais mis les pieds depuis sa naissance. « Thoiry mon cul, ouais ». Pourtant la Fontaine d’Ouche a bien plus l’image d’une « banlieue » qu’elle ne l’est vraiment dans les faits. D’abord parce qu’elle est un simple quartier sur le territoire dijonnais et non une commune voisine, mais surtout parce que la réalité des chiffres et du quotidien sur place est à mille lieues de l’image préfabriquée par la télévision qu’on lui prête...

fortune et que l’État veut continuer à expérimenter le mythe de la cité verticale merveilleuse façon Le Corbusier à travers toute la province, Sudreau négocie avec le chanoine : ce sera le lac contre la cité. Dès lors, deux architectes parisiens mandatés par l’État pondent un projet urbanistique colossal pour l’ouest dijonnais, 11.500 logements répartis en trois grands quartiers autour d’un lac artificiel qui n’est finalement que le « centre de loisirs » de cette ville également artificielle. En 1962, le projet est dévoilé au public dans Les Dépêches sous le joli nom de « ZUP

« La ZUP du futur lac de Dijon ». Il n’y a qu’un accès routier pour la Fontaine d’Ouche, le boulevard Chanoine Kir. Et ce n’est pas innocent, puisque la naissance de ce quartier est intimement liée à la création du lac rêvé depuis toujours par l’ancien maire de Dijon Félix Kir. Cette ZUP sortie de nulle part à la toute fin des années 1960 est même une contrepartie négociée par l’État. Tout a véritablement débuté le 23 août 1960 lorsque Pierre Sudreau, illustre ministre de la Construction, vient en visite à Dijon. Oui, le gouvernement avait à cette époque une telle passion pour le béton qu’il en avait ouvert un ministère ! Ce jour-là, Félix Kir évoque à Pierre Sudreau son projet en dessin depuis quelques années déjà : aménager un grand espace de loisirs autour d’un plan d’eau de deux kilomètres de long pour ses administrés, là où serpente l’Ouche et vieillissent quelques usines, entre Plombières et Dijon. Mais le ministre Sudreau voit là le moyen de faire passer une autre idée qu’il a, lui, en tête. Depuis l’armistice et malgré la sortie de terre de dizaines de grands ensembles dans toute la France – à Dijon le quartier des Grésilles est alors déjà quasi terminé –, la demande en logements n’a jamais été aussi forte. Comme la construction de ce lac coûte une petite

du futur lac de Dijon ». Et il est pour le moins gigantesque. Le lac au milieu, la Fontaine d’Ouche, mais aussi tout le quartier de grands ensembles de Talant belvédère, 2.000 logements et un centre commercial sur le plateau de la Cras, le tout surplombé d’une magnifique autoroute aérienne, prolongement de l’actuelle bretelle A38 vers Paris devant traverser Dijon via le sud du centre-ville... Les débats et inquiétudes s’enchaînent dans la presse pendant de longs mois, surtout sur la question de l’autoroute. Le chanoine se fait quant à lui plutôt discret sur la question, obnubilé par la construction du lac, qui elle, avance bien. Quelques années après, faute de moyens, la ZUP de DijonTalant est revue à la baisse : pas d’autoroute, pas de cité sur les vignes de la Cras, une Fontaine d’Ouche repensée légèrement à l’économie et Talant pour plus tard. 68


Times Square.

Éviter les erreurs des Grésilles. Pour le quartier qui nous intéresse ici, les erreurs faites lors de la construction des premiers grands ensembles ont toutefois tenté d’être évitées. Dès les années 1960, on a compris qu’il fallait ajouter à l’important nombre de logements de la mixité, et surtout des commerces et équipements publics de qualité afin d’éviter l’effet ghetto. Alors sur les plans apparaissent dès le début une myriade de lieux publics autour de larges espaces verts : un centre social, un centre commercial, des terrains de jeux, des promenades, un groupe scolaire, un collège, un lycée... Toutefois, tout ne sera pas fait et certaines maladresses reproduites. D’abord, par souci de rentabilisation, la concentration de logements au mètre carré est petit à petit augmentée et certains équipements publics sont vite abandonnés au profit de simples commerces. Les tours commencent à pousser en 1966, les premiers habitants emménagent fièrement à l’automne 1968 dans une ambiance de travaux jusqu’en 197376. Dans la revue municipale de juin 1970, le maire semble se justifier des grands programmes immobiliers qui poussent dans toute l’agglomération. De janvier 1969 à avril 1970, pas moins de 3 745 programmes de construction de logements sont en effet autorisés sur le quartier Fontaine d’Ouche, qu’on présente comme la « pierre d’angle du parc de logements dijonnais ». Construire est alors une « impérieuse nécessité », nous explique le maire Jean Veillet, successeur du chanoine Kir. Malin, le vieux maire adoré des Dijonnais est en effet mort nonagénaire en 1968 après l’inauguration de son lac, mais sans avoir vu les tours de Fontaine d’Ouche qu’il a consenties au ministre quelques années auparavant.

mais d’époques très différentes. Les ZUP sont des programmes officiels de l’État de 1959 à 1967 prévoyant l’expansion de la ville à travers la construction de grands quartiers sur ce qui était jusqu’alors des champs, et ce, afin de répondre à la pénurie de logements. Quant aux ZUS, elles discriminent justement depuis 1996 ces anciennes ZUP, ces grands ensembles, concentrés, devenus depuis dégradés et victimes d’un fort taux de chômage. D’ailleurs, malgré les amalgames que la hauteur de certaines tours peuvent créer, la Fontaine d’Ouche n’a jamais été classée comme ZUS. Et pour cause, parmi les plus récents quartiers de l’agglomération dijonnaise, elle a toujours été suivie de près par la politique de la ville, choyée par les élus, et les bâtiments locatifs largement rénovés au cours des deux dernières décennies. Depuis 2009, 24 millions d’euros ont été investis par la municipalité pour rénover les équipements extérieurs et commerciaux. Grâce à la mixité entre propriétaires et locataires, l’important travail éducatif et les équipements publics, la qualité de vie dans le quartier est donc, quand on s’en approche, à des lieues de l’image que l’on s’en fait. Certes, 28% des ménages vivent sous le seuil de pauvreté et la moitié de la population déclare un revenu inférieur à 800 € par mois, certes ça bicrave toujours un peu dans les halls de l’avenue du Lac – la plus modeste du quartier car entièrement composée de logements publics –, mais je vous défie de croiser un habitant du quartier se sentant en insécurité chez lui. Ils ne seraient donc ni dangereux, ni méchants, ni malveillants les habitants de Fontaine d’Ouche ? Eh bien non, justement, les chiffres parlent : le taux de délinquance sur l’ensemble du quartier est légèrement inférieur à l’ensemble de la circonscription dijonnaise ! Par contre, victime du cliché, un petit propriétaire à Tire-Pesseau aura tout le mal du monde à vendre son appartement, largement dévalué par rapport à un autre quartier dijonnais, tandis que niveau sécurité intérieure, les cambriolages et vols sont moins développés que dans d’autres quartiers. Fait tout à fait logique, puisque la richesse est ailleurs. Mais étonnamment, personne n’a peur de se promener en voiture dans les ruelles sombres de Daix... // L.E.

«Sensible », le quartier ? Bien entendu, à l’époque, le terme ZUP n’est pas encore connoté négativement pour qualifier le quartier, alors idéalisé par les promoteurs immobiliers. À différencier des ZUS, zones urbaines sensibles, les ZUP désignent simplement des « zones à urbaniser en priorité ». Les deux renvoient à des termes officiels de la politique de la ville, 69






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la page mode

à gauche Maillot/short : sales d’après l’entrainement. Chaussettes : sans protège-tibias. Interdit. Chaussures : pour terrain synthétique. Montre : Rolex avant 50 ans. Cocktail : 2cl de rhum, 8cl de Roundup, 5cl d’un truc italien trop stylé, 15cl de 33 Export. Pose : « Ah ouais, je vois ce que tu veux dire ». Ambiance : léopute.

Photos : Vincent Arbelet Série réalisée à Dijon Merci au Messire bar et à Lydie Jean-Dit-Pannel

à droite Blouson : extrêmement cintré. Gants : contrat pour la mafia. Maillot : Jacques Abardonado for ever Pose : Non au paquet neutre. Ambiance : les affranchis du BTP.

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Cœur avec les doigts.

portrait

Balade pour un Nomad PaR niko vayssié photos : ted nomad

Appréciées dans les galeries, ses œuvres sont aussi des rencontres hasardeuses au fil de vos balades. Entre art, punk et recherche esthétique, le mâconnais Ted Nomad s’amuse et s’inquiète.

C

iconophiles. Artiste prolifique, Ted Nomad, 37 ans, est difficile à classer, tant son art est protéiforme. Grapheur, tagueur, peintre, performeur, street-artist, poète ? Tout lui convient. On le rapproche de Banksy, qu’il a découvert bien après avoir élaboré son propre style. Peu importe, l’optique de Ted Nomad lui est spécifique et répond à deux impératifs : le plaisir et la nécessité. La plupart de ses œuvres présentent cette dualité : d’une part, en observant la finesse des détails (voir les rides et le grain de peau dans le portrait de Noam Chomsky) ou les mises en scène pertinentes, on comprend vite que l’artiste prend son pied dans la création. La jubilation est communicative quand, lors d’une performance au soleil, il jongle avec les aérosols et les cartons chantournés, promenant son atelier sur roulettes dans le public, à qui se dévoile en direct et musique live, le portrait d’Esperanza Spalding au cours d’un suspense graphique très ludique. D’autre part on ressent l’impératif de révéler quelque chose de vulnérable. Les œuvres, sereines et inquiètes, proposent des messages clairs, qu’il s’agisse du support (mur, carcasse de bagnole, brouette, ferraille, objet de récup, etc.) ou du sujet. Sur toile, se révèle une approche circonspecte de l’humain, son quotidien ou son actualité. La référence à La Création D’Adam,

’était l’été dernier, un type assis le cul par terre à la lisière de Mâcon vers le pont sud. Un endroit bâtard, piéton, moderne et venteux, écarté des agitations, une zoning-zone où stagnaient en bonne entente SDF, punks, et pêcheurs. Planqué dans un coin de béton, il couvrait son visage dans une posture accablée. J’ai failli me faire avoir par ce pochoir noir et blanc assez réaliste qui se patinait tranquillement des salissures de la ville, défiant le climat et les chiens. À présent, c’est l’hiver, les punks sont partis vers le sud. Poussiéreux, le type me parle chaque fois que je passe vers lui. Qui est-il ? Un amoureux déçu ? Un père inquiet ? Un mec bourré qui a perdu ses clefs ? Chaque jour le rend différent. Si le personnage semble égaré, l’œuvre d’art ne l’est pas. Elle s’intègre discrètement là où elle percutera le mieux dans ce paysage entre bords de Saône et pont aérien, mais paradoxalement, il faut la trouver. Elle frappe par la beauté de son graphisme, lequel, en quelques coups de bombe ultraprécis, témoigne d’une belle lucidité. Éphémère et généreuse, offerte aux errances, elle se réfère aux questions existentielles et à la configuration sociale du lieu, devenant le ralliement des traîne-savates, des punks, des clandestins, des nomades et des

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Elle a tout salopé, Valérie Damidot.

« Soudainement, vous faites partie des gens à qui Jimi Hendrix sourit »

par exemple (détail des mains pointées l’une vers l’autre), questionne dans ses multiples déclinaisons la précarité des valeurs humaines les plus pragmatiques face aux intempéries du monde actuel.

d’enthousiasme et de fatalisme. Sans bannière, Ted est un genre de militant solitaire. Il ne peint pas de désastre, mais des gens emblématiques dont on connaît l’implication humaniste. Par ailleurs, il s’amuse à réinjecter dans le marché des trucs condamnés par l’obsolescence et réhabilités en tant qu’objets artistiques.

Les œuvres les plus caractéristiques sont les portraits de gens anonymes ou célèbres, « sculptés » au pochoir dans un noir et blanc saturé voire solarisé. La magie vient de ce que les personnages, représentés au prisme d’un long travail photographique et numérique, frappent par la puissance de leur regard. Magnétique, il vous accroche, vous suit des yeux, évoquant l’histoire d’une vie ou d’un combat. Ciselé, acrobatique, il prend vie. Soudain, vous faites partie des gens à qui Jimi Hendrix sourit. Ces postures directes n’imposent rien au visiteur, leur implication politique ou sociale est à peine suggérée. Au-delà du parti pris esthétique des images originales, la pertinence du propos est d’abord dans le choix des célébrités représentées. À l’expo Des Visages, Des Figures (sept. 2014), Galerie Mary-Ann à Mâcon, on savourait la logique du casting. Les musiciens y étaient nombreux, parmi d’autres, artistes, poètes, icônes universelles, tous semblant témoigner de l’humanité. Coltrane, Picasso, Baudelaire, Vincent Cassel, La Joconde, Miles Davis, Amélie Nothomb, Prévert, Hitchcock, La Jeune Fille à la perle... De nombreux grands peintres aussi, qui semblent adouber l’artiste. J’en passe, obligé, l’Œuvre est vraiment généreux. La longue série des portraits commence en 2012, époque où l’activité graphique de Ted Nomad, jusque-là contestataire, punk et urbaine, négocie un virage plus artistique. Un terrain, un camion, une communauté... Il se met à croquer les potes, les potes trouvent ça cool. Mieux : ils se sentent sublimés, offrant à Ted l’occasion de découvrir le pouvoir de son talent. J’aimerais bien confronter ces portraits initiatiques aux célébrités désormais représentées. Sinon, Ted Nomad ressemble à ses œuvres. Sympa, discret, entre Ioda et Aragorn, du genre tranquille-mais-ne-t’y-fies-pas. Un truc dans les yeux, mélange

L’Œuvre de Ted Nomad comporte deux volets : il y a ce qu’on peut visiter et acheter par gourmandise dans les galeries ou les expos, et ce qu’on croise d’aventure dans un appart, un squat, un couloir. C’est le côté Inside, qui revendique la vocation privée ou intime de ces œuvres. Ted Nomad est vendeur, normal - artisan autant qu’artiste, il bosse constamment. En regard de son travail Inside, il y a le miroir in situ, œuvres sauvages rencontrées au hasard de cours, passages, jardins, escaliers, sur des façades, des épaves, des ruines, et même sur un coin de béton stratégique du centre-ville (les mains de Michel-Ange reliées par un cœur rouge sang délavé). Ces œuvres constituent le côté Outside de Ted. Les pochoirs, souvent des re-façons d’œuvres Inside, sont appropriés, troublants, et offerts aux passants. Jubilatoires et/ ou dramatiques, ils surprennent par leur esthétique, comme cette fresque jazzy sur un vieux panneau publicitaire, où sur fond d’un New York stylisé, Louis Armstrong et la Statue de la Liberté se disputent la vedette. Foncez vérifier tout ça sur tednomad.com (iconographie superbe), mais aussi à l’excellente galerie dijonnaise Open Art, 1 bis rue Musette, où l’artiste est exposé à demeure. La collection Outside s’agrandira à Pont-deVaux (01), du 14 avril au mois d’août. Ted Nomad y réalisera une dizaine de fresques, offrant aux regards la magie de l’art en train de se fabriquer. En outre, il exposera à la galerie de l’Académie de Mâcon, L’Envoutée, 2 bis rue Saint-Nizier, à partir du 1er avril (vernissage). À mieux y regarder, le type paumé du pont sud-est sans doute un autoportrait, et ça change tout. Ted Nomad est assis là, reprenant son souffle entre deux coups de bombe, et j’ai envie de m’asseoir à côté, histoire de bavarder. // N.V.

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habille ton kevin

Ce mois-ci, Kévin va aux sports d’hiver avec les potes de son oncle. Prêt à tout pour s’intégrer, il a chaussé ses briards-savarin et il boira du vin chaud. Alors prends tes ciseaux et rends-le tout beau !

PaR jean-paul goûter et giorgio armagnac

Fais gaffe, y’a des trucs écrits au dos, tu viendras pas pleurer quand ton Kévin sera découpé et que tu pourras plus les lire. 74roux, 1 zeste de citron, 1 zeste d’orange, 2 bâtons de cannelle, 2 étoiles de badiane Recette du vin chaud : 1,5 litre de vin rouge (bordeaux, bourgogne ou pinot noir), 250 g de sucre


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mots fleches Faire peau neuve

Les terrasses dijonnaises le sont

Précède la hype. Remplis cette grille si t’as un peu d’amour propre.

Il faut y aller casqué

Sous le joug

Herbe à omelette

Nicdasse à ses débuts

Insupportable quand il est chef Niveau de conduite

Coupe-vent Aida jadis à remplir de somptueuses baignoires

Utile au Dijonnais en séjour à Besac’ ?

Battu

Avant le joint

Usine à résolutions

Au bout de la ligne

Ce que cache le motif

Il faut être deux pour ce truc-là Aux extrémités brûlantes

Après z ça fait nib Quand on n’est pas dedans on peut crever

Truc impossible à la Péniche Cancale

Succulente quand elle flotte Investit dans la terre

En bas

Types de Dijon

Pour s’offrir un p’tit gueuleton chez Osaka ?

Appel à témoin Souvent faite vers le tronc qui tourne

Fin de colloc

Gageons que Sparse n’y pédalera jamais Fin de race

Par exemple

Presque au bout de la rue Berbisey

Blanches et pointues Au bar de l’Univers, Y. Jamait est bien dans le sien

On ne peut rien faire d’autre que ça chez le dentiste

Visible au gré de la mode Dans la geôle

Migrant de couleur

Contrôle des masses

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PaR niko vayssié Niveau expert Solutions page 82


la sélection musicale

La vieillerie Nino Ferrer - Nino & Radiah (1974). Un miracle. L’œuvre d’un type malheureusement considéré par beaucoup comme un chanteur rigolo. Comme un Carlos gavé de rythm’n’blues en quelque sorte. Sans tomber dans une réhabilitation légitime qui prendrait trop de temps, Nino Ferrer a pourtant pondu en 74 l’un des chefs d’œuvres musical français des seventies. Intégralement chanté en anglais et à deux voix avec la ravissante Radiah Frye, accompagné par les funky Lafayette Afro Rock Band, Nino & Radiah n’est ni plus ni moins qu’une merveille de soulfolk psychédélique, éblouissant de mélancolie et de sensualité. À classer sans hésitation aux côtés de Melody Nelson et de Polnareff’s. Soit le panthéon ultime des albums pop français. Même chanté en anglais... Un miracle on vous dit. // M.C

À éDe grande qualiteé Bones - USELESS. Pour ceux qui ne connaissent pas le rappeur Bones, A$AP Rocky a, sur son dernier album, remixé son titre Dirt sous le nom de Canal St. Terré dans l’Internet underground depuis déjà pas mal de temps et fort d’une petite notoriété street crédible, le maigrelet pâle aux cheveux longs qui n’aurait, physiquement, rien à envier à n’importe quel chanteur de black metal dépressif est responsable de nombre de mixtapes et d’albums concepts tous plus sombres et géniaux les uns que les autres. Rempli de bangers lui aussi, USELESS se pose en suite logique : de la trap lo-fi aussi noire que les collants de ta sœur gothique, un flow caverneux, du chant parfois hurlé à s’en arracher la voix et un univers plutôt original dans ce genre de scène. À écouter par tout amateur de trap ténébreuse. // D.R

ADRIAN YOUNGE - Something About April. Multi-instrumentiste génial, Adrian Younge impose les bases de sa dark soul prod’ après prod’. Que ce soit avec Ghostface Killah ou avec son groupe Venice Dawn, il enchaîne les albums classes. C’est encore réussi avec le second volet de la bande originale d’un film imaginaire mêlant action et érotisme, sa musique rend hommage à la soul des 60’s, à la blaxploitation et même à Serge Gainsbourg. Il ne jure que par l’analogie, déteste les samples et pour cet opus il s’est entouré de magnifiques chanteurs qui subliment son travail. Adrian Younge est une valeur sûre, tu peux y aller les yeux fermés. // R.S

ÀTout le monde s’en tamponneé Igor & Natasha - Dolphin & Mermaid. La France a Peter et Sloane, l’ex-URSS a… Igor et Natasha. Et force est de croire que le couple - à l’époque, car depuis divorcé - a connu sa petite heure de gloire à la fin des années 80 et au début des années 90. Et ce n’est pas le morceau titre, dont on vous conseille le clip, ou encore Такси такси, pour Taxi Taxi (les deux hits incontestables de cet album), qui me feront mentir : guitares funky, chant mielleux dans la langue du général Ourumov, solis de guitare électrique impériale, batterie et ligne de basse synthétique et regards de braise, coquillages et crustacés sur la magnifique couverture d’album. Parallèlement, Igor et Natasha, ou Natasha et Igor, poursuivaient leurs carrières solos respectives, toujours avec le même amour de la musique, toujours avec la même moustache demi-lune, toujours très présents dans le paysage et l’imaginaire visuel et collectif de la Mère Patrie, sans doute tous les dimanches sur le canapé du Drucker local. Na zdorov’ye ! // D.R.

Caca dans les oreilles Louise Attaque - Anomalie. Louise Attaque en 2016 ? Pourquoi pas, mais il va falloir nous convaincre, les gars, et c’est plutôt mal parti pour le moment. Vous voyez ces artistes qui, finis, essaient de mélanger les codes musicaux ayant fait leur gloire passée à tous les éléments pop d’aujourd’hui ? Voilà, vous avez le nouvel album de Louise Attaque, Anomalie, qui porte très mal son nom tant il est normal. En revanche, une attaque, on en fait bel et bien une à son écoute. À mi-chemin entre le dernier Kyo et le dernier Muse, probablement. Oui, c’est ça, dans la poubelle ! Attention, ne touchez pas cet album, vous risqueriez de choper des bactéries vieilles de 50 ans. // D.R.

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crash test par jeff buckler illustration : jeff buckler

L’illustratrice était en congés cette fois-ci.

Tu t’es vu quand ta passion c’est... Descriptif faussement sociologique et non exhaustif des différents hobbies pratiqués par nos concitoyens. Souvent fédérateurs et socialisants ils te permettent d’exister dans ce monde capitaliste. De Belfort ou de Montceau, cérébral ou manuel, débutant ou confirmé, assidu ou en dilettante, discret ou exhibitionniste, qui que tu sois et quelle que soit ton activité préférée, y’en a pour tous les goûts. Si t’es hyperactif tu peux même cumuler. Pas le même maillot, mais la même passion. Gagnant du loto, ton pactole tu dépenseras. Chômeur, ton temps tu consacreras. Prends ça Buddha.

le sport

Parce que « Mangez, bougez », conditionnement. Parce qu’un esprit sain dans un corps sain. Bisous Pierre de Coubertin. Parce qu’une bonne douche après l’effort, réconfort. Parce que c’est la seule activité qui te vide le cerveau, normal tu l’as oublié au vestiaire. Parce que t’as besoin d’un adversaire : toi-même ou l’enfoiré qui t’a battu. Parce que c’est ton seul moyen de croire encore au Père Noël, la victoire. Parce que tu sais ce que c’est de l’endorphine, addict. Parce que l’expression « Mouillez le maillot » justifie ton nombre élevé de lessives par semaine. Tu es : une tendinite. Ou un chronomètre.

quand tu rentres chez toi, en ouvrant ton dressing. Parce qu’invariablement tu recommences le samedi suivant. Parce que sinon ça sert à quoi l’argent ? Tu es : un crédit à la consommation à 17 %. Ou interdit bancaire.

le jardinage

Parce que tu es naturellement passé du bac à sable au bac à compost. Parce que le plaisir de cultiver ce que tu as semé. Parce que le plaisir de voir grandir ce que tu as cultivé. Parce que le désespoir de voir tout ça bouffé par les limaces. Parce que tu rêves secrètement d’autosuffisance. Parce que l’AMAP c’est pour ces feignants de bobos. Parce que tu connais la saisonnalité de la nature. Parce que tu écoutes soigneusement les conseils des anciens du village. Parce que tout ça en 2016 n’a vraiment plus aucune valeur, foutu réchauffement climatique. Tu es : un calendrier lunaire. Ou du Roundup.

le bricolage

Parce que t’as conservé ton âme de constructeur de Lego, mignon. Parce qu’avant toi le néant et qu’après toi les étagères. Parce que t’es pas pris de crises d’angoisse devant le rayon visserie de n’importe quel magasin spécialisé. Parce que les artisans c’est tous des voleurs. Parce que c’est sûr que c’est pas ton boulot l’artisanat. Parce que tu feras mieux la prochaine fois, c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Parce que ça avait l’air simple le mode d’emploi, novice. Parce que ça t’a permis d’économiser du pognon mais pas tes week-ends. Tu es : allée N, rangée 18. Ou feu le camion Catavana.

la télévision

Parce que tu ne liras jamais aucune ligne de ce magazine. Parce que tu ne liras jamais aucune ligne d’un autre magazine d’ailleurs. Parce que c’est une source de divertissement inépuisable. Parce que tu t’es trouvé une religion qui ne disparaîtra jamais. Big Brother is watching you. Parce que t’as eu aucun scrupule à vendre ton temps de cerveau disponible. Parce que ta passion tu peux la vivre dans ton salon, dans ta cuisine, dans ton lit... dans tes toilettes. Parce que ça te fait de la compagnie. Parce que ça te fait un sujet de discussion avec tes collègues le lendemain midi. Navrant. Tu es : un bouquet. Ou un légume.

la cuisine

Parce que t’aimes énormément la bouffe, gourmand. Parce que t’as aussi fait le choix de t’en foutre de ta taille de jean’s. Parce que t’as été traumatisé par le chou-fleur de la cantine. Parce que l’odeur d’un plat en sauce qui mijote des heures te rappelle que tu vas pas tarder à manger. Parce que tu connais personnellement ton boucher. Parce que tu ne connais pas personnellement le cochon que tu transformes en terrine. Parce que ta collection de couteaux n’a rien à envier à la devanture d’une armurerie. Parce que Maïté tout simplement. Tu es : sucré. Ou salé.

le travail Parce que le travail c’est la santé. MEDEF aime ça. Parce que t’as pas le choix c’est la crise. Les Républicains aiment ça. Parce que la devise du régime de Vichy tu as fais tienne. Parce que « les jeunes ils veulent pas travailler ». Parce que t’arrives pas à t’avouer que tu sais pas t’occuper autrement. Parce que t’attends patiemment la retraite pour pouvoir t’épanouir. Parce que t’as toujours préféré la fourmi à la cigale dans la fable de La Fontaine. Parce que pourquoi papa il est pas encore rentré ? Parce que la culture c’est pas un métier. <3. Tu es : Alekseï Stakhanov. Ou un commerçant.

le shopping Parce que c’est la seule maladie contagieuse acceptée par la plupart des Français. Parce que tu penses que ton « style » te permet d’exister. Parce que t’as encore rien trouvé hormis un petit top, hormis un petit sac, hormis ce joli petit pull... Parce que tu poses tes vacances à la période des soldes, cinglé. Parce que c’est la seule activité qui te vide aussi rapidement un porte-monnaie. Parce que tu culpabilises souvent

P.S : notre honneur nous a imposé de ne pas vous parler de l’alcool. 81


cartographie

très chasse par la rédaction

La France, c’est 1.3 millions de chasseurs, soit le pays d’Europe où il y a le plus de chasseurs. La chasse est également le deuxième sport des Français après le foot. En Bourgogne Franche-Comté, ils sont 70.500 chasseurs. Petit tour d’horizon de la saison 2015-2016 qui se clôture dans la grande région.

Doubs

Deux braconniers doubiens interpellés « Les deux protagonistes, à bord d’un puissant 4X4, sont tombés dans le filet des 17 agents engagés dans cette opération, avec à la clef un cerf fraîchement abattu gisant dans le 4X4 pick-up »

Thory (Yonne)

Accident de chasse en Bourgogne : la balle aurait ricoché « La thèse envisagée est celle du tir accidentel » Lacour d’Arcenay (Côte-d’Or)

Bonnevaux-le-Prieuré (Doubs)

Sanglier : la chasse au record bat son plein

Doubs : ouverture de la chasse et du dialogue avec les randonneurs

« Une chasseuse jurassienne a abattu une bête de 145 kg. Des chasseurs côte-d’oriens ont fait mieux avec un animal de 168 kg »

« Des chasseurs et des randonneurs qui se parlent pour partager l’espace naturel. C’est plutôt rare »

Bolandoz (Doubs)

La cabane de chasse a été cambriolée Pazy (Nièvre)

Chasse : à la recherche du gibier blessé

« Mauvaise surprise, ce jeudi matin, pour les chasseurs de l’ACCA (…) leur petit groupe électrogène a disparu, comme la bouteille de gaz et le matériel qui l’accompagne »

« Joël Paupert et Filou se sont découverts une passion commune : la recherche de gibiers blessés »

Forêt du Sud-Revermont (Jura) Condal (Saône-et-Loire)

Chasse à Condal : de la querelle de village au Conseil d’État « Tous les plans de chasse sur la commune ont été suspendus et il faudra attendre la décision du Conseil d’État pour une levée de cette suspension »

L’opération « sécurité à la chasse » a permis d’informer 158 chasseurs « Objectif de cette opération annuelle, programmée de longue date : contrôler l’application des mesures de sécurité à la chasse »

Forêt de Chaux (Jura)

Solutions des mots fléchés

Un sanglier de près de 150 kg tué à la chasse ! « Le prélèvement de cet individu monstrueux de 145 kg a été effectué dans la forêt de Chaux, située à l’est de Dole, le jeudi 26 novembre. C’est Julie Carrière, 26 ans, qui est à l’origine de ce superbe coup de fusil »

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