OPIUM #2

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Intro par Fredd

J’ai lu dans la concurrence que l’édito était toujours la chose qui venait en dernier dans la conception d’un magazine. Chose que je savais par cœur étant donné la petite expérience que j’ai en la matière. Du coup, j’ai vraiment l’impression de tout faire de travers. En effet, tout à fait bizarrement, cette intro est la première chose que j’aurai écrite pour ce mag. Nous sommes à la fin du mois de septembre et ça fait deux bons mois que j’essaye de faire croire autour de moi que je suis à fond sur ce nouvel Opium et que ça avance plutôt pas mal… J’aime bien cette période de l’année, on a skaté à fond depuis la fin de l’hiver donc on se sent bien sur sa planche, voire plus ou moins invincible, et c’est le moment où l’on commence à se dire que ce serait bien si on avait de la neige cette saison. C’est aussi la période où l’on bataille pour récupérer toutes les vidéos de snowboard de l’année (achetez-en au moins une, oh !). Mais surtout, c’est la période de l’année où tout paraît faisable. Les pirouettes, les rails suicidaires, en septembre, finalement, ça n’a pas l’air si dingue que ça. En général, dès le premier quart d’heure sur la neige, on se rappelle vite que tout compte fait, ces gars-là sont vraiment sur une autre planète. On se dit alors, que la performance n’a pas d’importance et que tout ce qui compte, c’est de rigoler avec ses potes. On s’arrange comme on peut avec les dures lois de la nature… Alors qu’est ce qu’on va y mettre dans ce magazine ? L’an dernier, ce qui a remporté le plus de succès, il semblerait que ce soient les (non) tests de boards… Emmerdez-vous à tester les planches correctement, et tout ce que veulent les gens c’est qu’on raconte n’importe quoi… Et bien cette année, on n’a pas eu le temps de tester les décos, alors vous attendrez un peu pour vous acheter une nouvelle board. Quoi d’autre ? Les J.O. ? Non, personne ne

nous a vraiment sollicité pour qu’on en remette une couche avec cette bouffonnerie, pourtant là, on ne va pas réussir à se taire. Une des raisons pour lesquelles il est salutaire de haïr les Jeux Olympiques, c’est que ça nous prive de bonnes videoparts. Ma théorie, qui n’en est pas vraiment une, c’est qu’à cause des entraînements démesurément intensifs en pipe, en vue de briller à Stade 2 et dans l’Équipe, les gars n’ont juste plus le temps de filmer des choses intéressantes. Par choses intéressantes, j’entends bien sûr du snowboard hors pipe et si possible, hors park également. Le demi tube et autres constructions pharaoniques me faisant à peu près autant vibrer que l’arrivée du Iphone4, j’aspire, quand je regarde une vidéo, à y voir du « vrai » snowboard, sur des spots naturels, ou du moins qui ressemblent à des spots naturels. Je vais quand même pas m’emmerder à télécharger toutes ces vidéos illégalement pour n’y voir que du tremplin artificiel, respectant la norme ISO 31000-543, damé au laser et luisant comme un vers. Je ne dis pas non plus qu’il faille absolument n’avoir dans les vidéos (et les magazines) que du snowboard labellisé bio, avec, comme vous le verrez à plusieurs reprises dans ce magazine des gars qui crapahutent, bivouaquent et galèrent comme des ânes pour quelques centaines de mètres de descente. Mais je me dis qu’un peu d’authenticité, de windlips et de kickers plus ou moins naturels ne peuvent pas faire de mal. C’est peut-être un peu vieux jeu comme vision des choses, mais c’est comme ça, et puis j’aime bien élaborer des théories inutiles et avoir des avis bien tranchés sur des sujets totalement anecdotiques. Heureusement pour tout le monde, j’ai quand même très souvent tort et les parts

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de Mathieu Crépel et Arthur Longo cette année, nos deux champions français, sont là pour nous prouver qu’on peut rester actif après une bonne bière, euh non c’est pas ça… Leurs parts foisonnantes d’Alaska et de snowboard en forêt, sont là pour nous prouver qu’on peut rester intéressant et même fréquentable après avoir pris part au grand cirque de l’Olympisme. D’où leurs

interviews croisées dans ce magazine. Heureusement qu’il nous reste les dures lois de l’argent tout puissant, le journalisme sportif et les commentaires aiguisés de la voisine pour continuer à détester les J.O. en toute sérénité. On en fait trop avec les J.O. ? Oui, beaucoup trop, même moi je me saoule, allez, bienvenue dans ce deuxième numéro de Opium, le troisième arrive… L’an prochain.

11 Youngblood Il se prend pour Neil Young, il a le même nom qu’un ancien snowboarder (un peu) célèbre, il vient d’avoir son Bac, mention AB et surtout, il a le même prénom qu’un chat (vraiment) célèbre.

Victor Daviet et Marco Smolla.

12 Ours Les deux meilleures photos de ce magazine, et de loin ! 18 Nous sommes 2012 Des Russes qui se prennent pour des Américains. Tout fout l’camp. 24 Moustache Ride Arthur Crépel, Olympisme, insécurité, 15 à 20 000 euros la part, Mathieu Longo, double saut périlleux et Yannick Amevet. 40 Bienvenue à Shandyland Shandy Campos, on ne se rend pas compte ici, mais au Canada c’est juste une putain de légende. Victor Delerue et Nils Arvidson par contre, je ne suis pas sûr qu’on les connaisse là-bas. 54 The Wall Radioactivité, sexe canin, Flamenco-Rap et wallrides.

La galerie

58 Nicolas Müller, Marco Grilc,

66 Darkside of the Moon On voulait que tous les titres de ce mag soit des noms d’albums de Pink Floyd. Au final, il n’en reste que deux et demi. P.S. Rémi, qui a écrit le texte, ne se drogue pas. 72 Goms Une aventure qui va ravir les amateurs de snowboard urbain. 80 La séquence Huit pages pour un seul trick qu’on a déjà vu en séquence dans Onboard et en vidéo dans Boiling Point ? Et oui. 88 La croisière s’amuse Des oufs qui sautent dans une eau à quatre degrés. 96 Who killed l’Intercrew ? Maintenant que ça n’existe plus on se décide enfin à faire un article sur l’Intercrew. Ça va leur faire une belle jambe aux gars… 106 Skate or die On me reproche souvent d’en faire trop avec les gens que j’aime bien. Cet article ne va pas arranger les choses.

La chute

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108 Le syndrome du « local hero ».


Nous – Et pourquoi on ferait un « Youngblood » sur lui plutôt qu’un autre ?

Rémi – Il n’écoute pas de musique gay friendly et il conduit comme un barge.

Fs5 melon. Col de Vars – Photo Rémi Petit

Nous – Banco

Félix Carlier Age 19 Lieu de résidence Grenoble Spot privilégié Le Grand Bornand Vidéo de référence The Resistance Snowboarder de référence Bode Merrill Première board Une vieille Burton mais je me rappelle plus le modèle. Sponsors Salomon, Bonfire, Anon, P.A.G., À branler Crew Pourquoi le snowboard et pas le ski ? Une question de bon sens, c’est comme pour le roller et le skate.

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Fredd, Taï Pan de ouf Jad, drop de ouf

Opium est édité par Les ÉDITIONS DU GARAGE SARL au capital de 8000 q 13, rue de l’Isère 38000 Grenoble Toute reproduction, même partielle est interdite. Mais en même temps, on n’est pas du style à faire des procès, à vrai dire, on ne sait même pas comment s’y prendre pour attaquer quelqu’un en justice. Faudrait qu’on se renseigne, mais ça aussi, ce n’est vraiment pas notre genre. Donc allez-y, faites comme bon vous semble, par contre, ne venez pas vous plaindre si on vous tombe dessus un de ces quatre, parce que ça, c’est un peu plus notre genre, on est des oufs ! Conception graphique Jad Hussein Rédaction Fred(d) Demard (fred@somaskate.com) Sécrétaire de rédaction Laurence Cubat (laurence@hellokitty.com) Publicité David Turakiewicz (tura@somaskate.com) Impression Snel Grafics sa, Vottem, Belgique

Photographes JRémi Petit, Kolya Tsarev, Lorenz Richard, Clas Hammari Christensen, Ashley Barker, Mike Yoshida, Carlos Blanchard, Tero Repo, Jérôme Tanon, Endo Tsutomu, Lorenz Holder, Matthieu Georges, Cyril Müller, Ben Stähli, Patrik Ngu, Nicolas Fojtu, David Machet.

Merci Merci à nos annonceurs, les photographes, la Norvège, le 05, l’Amérique du nord et le Japon sans qui nous n’aurions pas pu faire ce magazine. Et bien sûr à vous, les lecteurs, « on vous souhaite tout le bonheur du monde » comme on dit chez nous…

Rédacteurs Jérôme Tanon, Rémi Petit, Jad, Sten Smola, Matthieu Georges, Bruno Rivoire Couverture : Mat Schaer, switch method. Narvik – Photo Matthieu Georges

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Konstantin Berejevskiy

Konstantin Berejevskiy, boardslide


Texte par Jad – Photos par Kolya Tsarev

Depth bomb

Il n’y a pas très longtemps je zonais sur le net et là, bam ! Je tombe sur une vidéo de skate russe. Le matin, ça fait bizarre. Une méchante vidéo au final, avec des spots en marbre russe, des road-trips flippants le tout enveloppé d’un montage brutal. Un bon esprit en conclusion, énergique et assez primitif. Ça m’a fait du bien. Quelques temps plus tard je me retrouve nez à nez avec le trailer de «La Resistance» des «We are 2012». Cela m’a fait le même effet. Pas de doute il y a un effet Russe qui doit te transporter direct dans une Mack Dawg de 93. Incroyable. Sûrement un lien avec la vie là-bas, l’envie de se réchauffer peut-être. D’après la bande, un bon depth bomb (vodka, bière) et ça repart. Une solution qui leur réussit depuis leur formation en 2009 apparemment (on vous remet une tournée ?). La plupart des gars sont de St Petersbourg et se retrouvaient depuis longtemps, le week-end, dans la petite

station de Korobicino pour rider une box et un rail dans le jardin d’une maison qu’ils squattaient. Une vie de bohème, de voyages foireux dans une voiture au bout du rouleau, du jib soviétique et quelques hivers à -30°C plus tard, ils sont toujours là. L’un a monté Terror snowboard et Denis Leont’ev aka Bonus vient de remporter le Frontline rail jam à Stockholm. « No way to chill » me dira dans son meilleur broken english Alex, l’énergique chef d’orchestre de la bande. Effectivement, si on subit le système là-bas, rien n’avance vraiment. Une bonne dose d’énergie est nécessaire pour s’extraire d’une léthargie imposée par un régime bien discutable. Les We are 2012 poursuivent donc leurs aventures en terrain hostile. Le bon esprit, j’avais pas menti.

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Maxim Sibiryakov

Maxim Sibiryakov, Fs boardslide


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Sasha Osokin, gap to wallride


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Arthur Longo, Fs3 melon. Trysil, Norvège – Photo Lorenz Richard


Intro par Fredd

Moustache ride

Nos meilleures chances de médailles aux Jeux étaient à Grenoble l’autre jour. Mathieu Crépel et Arthur Longo, les deux prodiges du snowboard français, réunis dans une ville où règne le crime et la terreur, comme nous l’avons tous vu sur M6. Entre deux rixes et quelques règlements de compte entre bandes rivales, nous avons réussi à leur poser quelques questions. On aurait pu en profiter pour leur casser les genoux afin de les empêcher de retourner faire les zozos aux J.O. mais on s’est encore débinés, et puis, quoi qu’on en dise, ils ne méritent pas ça, c’est des bons les deux. On s’est donc contentés de leur parler de moustaches et d’autres choses tout aussi inutiles.

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Dans les premiers souvenirs qu’on a de il était haut comme trois pommes, mignon comme tout, terriblement gentil et anormalement balèze en snowboard. Quinze ans plus tard, tout ça n’a pas bougé d’un centimètre, sauf qu’aujourd’hui il a le premier rôle et donc la dernière part, dans le vingtième volet de « Totally Board », le fameux blockbuster américain. C’est donc la fête pour lui, et pour nous par la même occasion, puisque la part en question « débaroule sévère » selon la formule consacrée et qu’à un rythme de seulement deux parts en quinze années de « carrière », on n’est pas totalement rassasiés. Pour on a

, c’est un peu différent, moins l’impression de le connaître depuis qu’il a 6 ans, quoique, mais on a quand même eu le temps de comprendre qu’il était dans la même catégorie que Mathieu, celle des deux ou trois gars vraiment en avance sur les autres… Il n’a pas la dernière part dans la vidéo des Pirates autrichiens

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Interview par Jad et Fredd

par contre, et ça, c’est franchement un scandale. Je propose donc de bombarder l’Autriche, rayer une bonne fois pour toute cet ingrat pays de la carte pour leur apprendre à respecter nos champions. Ah, on me fait signe qu’il faut vraiment que je la boucle pour qu’on puisse enfin passer à cette interview… Bonjour messieurs, ça ne vous fait pas flipper d’être à Grenoble ? Il paraît que c’est un peu chaud ici. Mathieu  Oui, j’ai eu un peu peur en sortant du bus, mais je suis venu avec mon garde du corps, Arthur. C’est plus ou moins un local, il est du 38. Moi ça me fait un peu peur, tu sais, le pays Basque c’est le pays des bisounours. Arthur Au pays Basque ils viennent directement avec des bombes. Non, ils sont calmes en ce moment, y’en a beaucoup qui se sont fait arrêter. (depuis l’interview, l’ETA a même décidé de ranger les armes, Mathieu n’est pas bien grand, mais il a le bras long apparemment) (à Arthur) C’est fou, tu parles exactement comme Yannick Amevet, la même voix, la même façon de parler. C’est à cause de la consanguinité aux 2 Alpes ? T’es pas le premier à me le dire. J’ai pas l’impression de parler comme lui pourtant, j’espère pas… Ha ha. Mais c’est vrai qu’on est tous un peu de la même famille là-haut. Les crétins des Alpes, c’est nous. Bon, parlons de choses sérieuses, c’était quoi ces moustaches franchement ? Ça avait commencé avant les jeux. On était partis à Mt Hood s’entraîner avec Alluan (Ricardi), notre coach et Djul (Joude, filmeur) et on avait décidé de se laisser pousser la moustache. Bon, comme on est

tous un peu imberbes, ça marchait pas très bien… Et puis y’a ce mouvement « the movember » aussi, on voulait faire un petit clin d’œil à ça. Mais c’était pas vraiment prémédité. Le matin des jeux on a trouvé un marqueur et on s’est fait des moustaches, c’est tout. Et puis aux U.S. ils ont le cliché du français avec la moustache, la baguette sous le bras… On s’est dit qu’on allait jouer le cliché à fond. Et tu ne t’es pas fait tatouer comme les autres ? (Arthur a une moustache tatouée sur le doigt) Ce qui s’est passé, c’est que le lendemain de la soirée de clôture des J.O. ils (Arthur, Alluan) se sont levés encore bourrés et ils sont allés se faire tatouer dans le premier truc qu’ils ont trouvé. Ils m’ont appelé tout excités « on est au salon de tatouage, tu viens ? ». J’ai réfléchi deux secondes et j’ai dis « bein, non ». Et au final, je regrette pas vraiment… ha ha. C’est vrai que ça sert à rien, mais heureusement qu’il y a l’histoire derrière tout ça. Il t’en faut une ! J’avais dit que si vous vous la refaisiez faire (elle est mal faite) (en plus), peut-être, je viendrais avec vous. Peut-être ! Qu’est ce que vous retirez de votre expérience des J.O. ? De bons souvenirs ? Ouais quand même ! Je le répète tout

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Arthur Longo, Fs Alley Oop nosebone. Røldal, Norvège – Photo Clas Kristensen



Mathieu Crépel, switch Fs3 nosebone. Whistler Backcountry, BC, Canada – Photo Ashley Parker



le temps, mais ce qui était vraiment cool c’était toute la partie en amont, les voyages avec ce petit groupe soudé. Enfin soudé… y’en a qui n’ont pas voulu se faire le tatouage quand même… Et voilà ! Tu vois, il faut que tu te le fasses. Attend, la compète est finie, je vous connais plus… Les entraînements, c’était pas un peu lourd ? C’est sûr qu’il y avait tout l’aspect sportif qui était important, mais au final, pour moi c’était un peu différent, parce que j’avais l’expérience de Turin, où ça s’était mal passé à tous les niveaux. Au niveau des résultats déjà, mais surtout au niveau de l’expérience où c’était nul à chier. On était même pas au village Olympique, c’était comme faire une coupe du monde pourrie. Vous n’étiez pas avec le reste de l’équipe de France ? Le truc c’est qu’on avait un village Olympique spécial pour le snowboard. Y’avait peut-être le biathlon avec nous, mais eux ils ont tous des maisons persos. Le biathlon ils sont super sérieux. On était tous les deux avec Gary (Zebrowski), alors on avait un peu moins vécu le côté marrant des J.O. Alors que là, au Canada c’était vraiment l’inverse. Le village était au bord du port, c’était magique, y’avait toute la ville qui vivait pour les jeux. Et c’était toute cette aventure humaine qui a duré deux ans pour aller jusqu’au jeux qui était folle. Après, pour ce qui est de la compète en elle même, y’en a pas un de nous qui a vraiment brillé. C’était pas facile, on avait le niveau pour faire mieux, mais bon, ce qui était vraiment intéressant c’était l’expérience, pas la compète. Après les J.O., Shawn White disait qu’à force de se concentrer uniquement sur le pipe, il n’avait plus le niveau pour faire autre chose à haut niveau. Vous avez eu le même problème ? Les deux  Ah ouais carrément !

Cet hiver quand j’ai recommencé à filmer, j’en ai chié ! Je ne savais plus rider la pow… C’est le problème dans le snow, enfin, dans ma vision du snow, c’est que tout le monde se spécialise et qu’il y a très peu de riders qui sont capables de tout faire. Et moi ça me dérange vraiment. C’est marrant parce que c’est vraiment le contraire qui se passe dans le skate, où maintenant, les plus jeunes savent vraiment tout faire alors qu’avant c’était super compartimenté. Voilà, ça c’est mortel. Mais en snow, t’as les mecs qui ne font que du pipe et du coup le niveau est devenu tellement hallucinant que pour suivre il ne faut faire que ça. En Slope Style c’est pareil c’est devenu tellement débile… Et pour filmer, les calendriers de contests sont tellement chargés que tu ne peux pas filmer et faire les contests en même temps… T’es oubligé de choisir ta discipline. D’ailleurs, on ne voit jamais d’images de vous en street. C’est quoi votre point de vue là-dessus ? Moi ça m’attire un peu, mais c’est encore autre chose. C’est quelque chose que j’aimerais faire si j’avais le temps. Genre vous êtes trop busy… Non mais c’est vrai, on ne peut pas tout faire. J’ai essayé de faire un peu de tout, mais au bout d’un moment ça paye pas, faut te concentrer sur une chose pour réussir. Trop s’eparpiller, c’est génial tu vois des trucs différents, mais après c’est dur d’être performant. C’est clair qu’après les jeux, quand on s’est retrouvés à devoir sauter sur des kikers de park… laisse tomber ! ça se perd quoi. T’as peur sur des conneries, sur des tables de quinze mètres en 7-2… C’est pas normal, t’as plus le feeling. C’est un peu con oui. Moi je sais que j’ai de moins en moins envie de faire des compètes. Ça va peut être

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revenir, mais là je ne trouve plus aucun intérêt à en faire. Ça me limite trop, j’ai besoin d’apprendre d’autres choses, de réapprendre à faire du snowboard. Le niveau est tel en compétition aujourd’hui que ça demande un paquet de sacrifices, c’est de la pression en permanence. Filmer c’est de la pression aussi, mais elle est différente. Si tu ne t’investis pas à fond pour réussir en compète, ça ne marche pas. Et au final tu montres la même chose que tes concurrents, alors qu’en vidéo tu peux vraiment t’exprimer, te différencier, montrer ce que tu aimes, ton style. Le film c’est plus personnel. Ah, voilà. Vous me faites plaisir là ! L’an dernier en début de saison on a fait les championnats du monde et quelques contests, et… j’ai pêté les plombs. Ils te font courrir la compète dans des conditions horribles, avec 200 km/h de vent, et là tu te dis « mais qu’est ce que je fous là ? C’est plus mon sport, c’est pas pour ça que j’ai commencé le snowboard et donc… je vais arrêter quoi… ». Et franchement, j’ai failli arrêter. Heureusement, je suis parti aux U.S. pour faire les X-Games, c’était encore un contest mais je ne sais pas pourquoi, je me suis fais plaisir, j’ai ridé pour moi. Puis j’ai commencé à filmer, et là c’était reparti… J’ai eu trois mois et demi incroyables. Et toi alors ? Tu as la dernière part dans la Pirate ? Non, pas du tout. C’est pas que j’en ai pas envie, mais j’ai pas eu assez de temps à dédier à ça et c’est dommage parce que j’aimerais bien qu’on me voit dans des bons spots, avec de bonnes conditions. Là j’ai réussi à faire une part, mais c’est à Riksgransen, en fin de saison, c’est pas super beau à regarder… C’est bizarre d’ailleurs parce que quand on voit la part qu’ils ont fait chez Fluofun avec les images que les Pirates n’ont pas gardées, c’est que de la poudre, en forêt, au Japon… ça aurait été parfait dans ta part.

J’ai pas encore vu cette part. Tout le footage au Japon ils ont dû se dire que ça n’allait pas avec le reste de mes images. Ils ont fait une part Japon avec quelques riders et du coup ils ont dû sélectionner. Mais après c’est le jeux, quand on filme, il y a des trucs qui ne passent pas, on ne comprend pas toujours, mais c’est comme ça pour tout le monde. Et puis le problème avec les Pirates, c’est qu’ils ont trop de riders, donc trop d’images et à la fin c’est eux qui font la sélection sans demander au rider. Ce qui est normal après tout, c’est leur film mais c’est vrai qu’on prend le risque qu’il y ait des images qui passent à la trappe. C’est bidon, même pour eux. Parce que du coup les riders ne sont pas contents. Ils mettent de l’énergie et du temps à filmer, ils sollicitent leurs sponsors parce qu’ils ont envie de filmer, les sponsors mettent entre quinze et vingt mille euros pour filmer une part. Pirate je crois que c’est ça, dans les vingt mille euros non ? Oui, c’est cher… Et derrière tu filmes toute la saison pour te retrouver avec quatre tricks… Forcément, tes sponsors se demandent ce que tu as branlé. Et t’as beau leur expliquer qu’ils n’ont mis qu’un tier de tes tricks, ça change rien. Ça met les riders en porte-à-faux (avec leurs sponsors). Ça ne vous donne pas envie de faire votre propre truc, à la Travis Rice ? Il y a déjà trop de projets, on ne va pas en rajouter. Peut-être quand on aura fait nos preuves, quand on aura la légitimité de le faire, mais pour l’instant je pense qu’on n’est pas assez légitime pour prétendre à ça. Je suis assez d’accord, mais je pense surtout qu’il y a beaucoup trop de projets vidéos en ce moment. J’ai toujours aimé les vidéos, depuis que je suis gamin, mais là il y a tellement de trucs disponibles que je n’arrive plus à suivre et au final ça m’intéresse de moins en moins. Avant c’était simple, on attendait quatre ou cinq

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Mathieu Crépel, Fs10 slob. Alpine Meadows, CA – Séquence Mike Yoshida



Arthur Longo, Bs5 mute. Japon – Photo Carlos Blanchard



films et on était contents avec ça. Et puis aujourd’hui avant de se lancer dans un projet je pense qu’il faut vraiment une bonne idée, parce que pour réussir à être au-dessus des autres il faut vraiment être innovants ou alors… Ou alors il faut un énorme budget… Qu’est-ce qui vous fait rêver dans le snowboard aujourd’hui ? Béééh… y’en a un paquet de trucs qui font rêver… La poudre déjà, moi ça me fait rêver. Moi, encore une fois, c’est la variété. Une vidéo de rails ça m’écoeure,une vidéo de lignes ça me saoule… J’ai besoin de voir et de faire des trucs différents. Un peu de tout. C’est ça qui rend notre sport fun aussi, c’est qu’il y a plein de choses à faire. Arthur, comment tu fais pour te jeter en double backflip sur une grosse table, devant la foule (MC Invitationnal il y a trois ans), alors que tu n’en as jamais fait ? Qu’est ce qui te fait faire des trucs pareil ? C’est l’émulation ? L’envie de briller ? (Les riders mettaient des noms de tricks dans un chapeau puis ils tiraient au sort le trick qu’ils devaient faire…) (les deux se marrent) Mathieu va me tailler… Ha ha, non, je vais juste dire que t’étais à trois grammes et donc t’as peut-être pas réalisé ce que tu faisais… Non, j’étais jeune…

(Intervention de Matthieu Giraud, l’agent de Mathieu qui assiste à l’interview depuis deux minutes) : En fait c’est Arthur lui même qui a mis ce trick dans le chapeau, parce que comme ça il était obligé de le faire. Je me suis dis que c’était le seul moyen d’essayer… Puis ça permettait aussi de bien faire chier tout le monde… Et donc c’était la finale, il restait Thomas Hardstadt, Mathieu et moi. Ils sont passés avant moi et ils n’ont pas fait le double, et comme on était tous plus ou moins à égalité, c’était le seul moyen pour moi de gagner le contest. Donc j’étais vraiment dos au mur, j’avais pas le choix. Il y avait l’Arrog’ qui mettait la pression au micro, et c’est vrai qu’on avait fait une bonne soirée la veille, et je sais pas, j’étais bien quoi… ha ha, encore un peu bourré, jeune, excité… Et c’est vrai qu’il y avait un beau public, c’était sympa. Sur le moment ça ne m’apparaissait pas sorcier, c’est pour ça que je l’ai fait. Faut dire que c’était il y a trois ans. Aujourd’hui ça paraît con de faire un double backflip, mais il y a trois ans personne ne faisait ça. Bon bein on va s’arrêter sur le double backflip, c’est un bon trick de fin. Maintenant t’épates pas grand monde avec ça… Je l’ai fait au bon moment… Et j’en ai jamais refait. Moi j’en ai jamais fait…

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Mathieu CrÊpel, petite descente. Alaska – Photo Tero Repo


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Wish you were here


Texte et photos  par Jérôme Tanon (sauf indiqué)

«T’es prêt ?» crie une voix au-dessus de moi, quelque part derrière un pillow. Son écho se perd dans les sapins gigantesques, dressés comme des flèches et sur lesquels est posé un ciel sombre et lourd. Tout autour de moi, des tas de neiges grands comme des camions. Il n’y a pas le moindre mouvement dans la forêt à part celui des flocons qui tombent de-ci, de là dans le silence. Olivier Pictet est à côté de moi, sa caméra Red à 40.000 dollars est hors service et il tient une GoPro à bout de bras. Quelque part en haut de la face, JF Fortin, Nils Arvidsson et Victor Delerue sont en train de batailler dans ce dédale de neige. Plus bas dans les arbres, je distingue un authentique redneck canadien en train de faire cuire des saucisses sur les braises d’un arbre de vingt mètres qu’il a abattu pour faire du feu. À côté de lui, plusieurs motoneiges sont enfoncées dans la neige, et un deuxième redneck se fait une descente sur son no-board, pieds libres et ficelle dans la main pour tenir son nose. Un “OW YEAAAHHH” lointain et graveleux remonte dans notre direction. Il n’y a personne d’autre

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JF Fortin, Indy drop


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à plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde. Mais comment on a atterri dans cet endroit ? Nous étions partis trois semaines en Colombie-Britannique avec tout le team Ripcurl pour un gros shooting. Une équipe de vingt personnes cohabitait au camp de base situé à Redmountain, une petite station bien agréable, surtout quand il neige chaque nuit vingt centimètres. Riders, filmeurs, photographes, team-managers, et l’équipe de « Time-Slice » qui s’occupait d’installer 40 appareils photo en cercle pour faire des images à la Matrix. On faisait donc des petits groupes qui partaient à la journée shooter dans des spots alentour. Il faisait -25°C au début du trip, et les journées dans le backcountry n’étaient pas toujours des parties de plaisir. Doigts, nez et appareils photos furent gravement gelés. Un jour où la météo est trop mauvaise, nous shapons un gros gap to wall de face à Nelson, une ancienne ville de chercheurs d’or aux allures de western. Le spot n’est pas banal, et personne ne sait comment gérer le premier essai. C’est là qu’un local hero arrive et se balance à fond la caisse sans même regarder la distance, s’éclate comme une crêpe tout en haut du mur et finit par s’écraser en bas. La définition même du crash-test. Le gars est K.O mais la session peut commencer ! Nils se jette en ollie, puis stalefish de toute beauté, avant que Delerue plaque une sorte de 360 front après une bonne trentaine d’essais. Nils et Victor ont commencé à apprivoiser les pillows canadiens, bien plus difficile à rider qu’on ne le croit en regardant les vidéos. Il faut des jambes d’acier, un instinct de guerrier apache et un cerveau équipé du bouton On/Off. Pendant les deux premières semaines, on n’a pas vu le soleil plus de deux ou trois fois. La neige était poudreuse, profonde, et sans cesse renouvelée par les précipitations. Un jour, le team manager canadien propose qu’un

petit crew parte pour une mission de motoneiges à quatre heures de route en direction des territoires encore plus perdus de ce pays immense. Là-bas, un gars prénommé Shandy qui serait le frère de Shin Campos et qui serait devenu guide d’expéditions dans le backcountry serait dispo pour nous emmener. Nos oreilles frétillent déjà. Les Campos sont des légendes du snowboard, la plupart d’entre nous n’ont jamais fait de sled, ça sonne donc comme une vraie aventure ; et ça le sera. Il y a eu la longue route et puis il y a eu ce Lodge improbable au milieu de ce village encore plus improbable. Un village qui porte encore un nom du temps des Indiens d’Amérique : Nakusp. Le Canada profond, le vrai. Sur les rives d’un lac étroit qui serpente entre les vallées pendant 300 Km, ce bled paumé nous accueille comme les uniques touristes que nous sommes. Shandy vient à notre rencontre avec son pick-up, ses chiens, sa barbe épaisse et un fort accent local. Il nous présente son pote Shaun qui a aussi son pick-up, sa barbe plus épaisse encore et son accent deux fois plus fou. Il s’occupera de la sécurité pour tout ce qui est avalanche, blessés et rapatriement avec la luge qu’il tire derrière sa sled. Il n’y a aucune station ici, que des chemins de motoneige qu’il faut frayer dans la forêt parfois à la main, et une infinité de zones à explorer. Un territoire immense supposément gavé de pillows et de spots à kickers qu’ils ont simplement nommé « Shandyland ». On commence demain. Apprivoisant tant bien que mal les motoneiges, nous partons à l’aube sur un chemin bien tracé qui nous conduit à un gros gap que nous shapons et ridons dans la foulée. JF pose un fs7, Victor un bs5 et Nils un gros Cab9. Nous avons même le temps de faire un second petit kicker

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Victor Delerue, Fs3


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Nils Arvidson, gap to wallride


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dans la foulée. Le lendemain nous sommes contraint de rester à Nakuspville-fantôme car les deux rednecks ont besoin d’une journée entière pour créer une trace de motoneige praticable et qui nous permettra les jours suivants d’accéder à la zone mythique de pillows géants qu’ils ont découvert récemment et sobrement baptisée « Spine of God ». Ce n’est pas sans avoir croisé une famille d’élans qui ont couru pendant cinq minute à côté du pick-up que nous parvenons au fin fond d’un chemin de bûcherons. Nous garons les bagnoles et montons sur les sleds. On a le sentiment à moitié vrai d’être arrivés au bout du Monde, mais de continuer encore à s’enfoncer dans cette jungle en arpentant la « piste » de motoneige taillée la veille. Il y a des trous et des bosses dans tous les sens et nous progressons lentement. Qu’un de nous s’écarte de la piste de seulement un mètre et il est assuré d’enfourner et de devoir pelleter trente minutes pour sortir la moto du trou. Lorsque enfin arrivés en haut nous distinguons les faces de pillows se dessiner derrière les branches, on réalise qu’ils ne nous ont pas mentis. Putain de merde, mais qu’est-ce que c’est que ça ? Il faut déjà une heure de marche pour monter au sommet de la zone, la neige au niveau des aisselles. Vu d’en haut, l’endroit change complètement d’aspect et semble suicidaire. JF nous montre que non, en balançant un indy de quinze mètres de haut

d’un pillow à un autre atterrissant comme si un obus était tombé du ciel. Le show peut commencer. Tant bien que mal Nils et Victor se balancent aussi dans la profonde. L’endroit est incroyable, mais il est déjà tard et la lumière tombe vite. Il faut toujours être en bas avant la nuit, toujours. Le lendemain nous y retournons, couverts de sacspoubelles car il pleut en bas, mais il neige en haut, comme chaque jour de l’hiver. Pendant qu’Olivier et moi tentons de documenter la session qui a lieu dans ce magnifique décors plongé dans la brume, Shandy et Shaun, entre deux descentes de no-board, décident de foutre le feu à un arbre qui finit par tomber, afin de faire chauffer leur déjeuner. Scène apparemment banale dans cette forêt qui fait la taille d’un continent. « T’es prêt ? » répète plus fort la voix qui me sort de ma rêverie. « Oui oui, je suis prêt, vas-y ». Victor sort de derrière un pillow en cab5 et plaque quelque part en dessous. Banging ! Puis le silence revient. Olivier et moi nous regardons, à la fois émerveillés et perplexes, et percevons très clairement dans les yeux de l’autre la même idée : la folie. C’est de la folie tout ça. Faire quinze heures d’avion, dix de voiture et deux de motoneige pour rider ce pillow, alors qu’en Europe il n’y a qu’à prendre un télésiège et sortir de la piste ; c’est vraiment un autre monde. Mais un monde sauvage, mythique et merveilleux, fait de légendes et d’histoires comme celle-ci.

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Barbecue sauvage


Victor Delerue – Photo Rémi Petit



Yusaku Horii, Bs slash


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Soupape de dĂŠcompression


Texte par Fredd – Photos par Endo Tsutomu

Loin de moi l’idée de plomber l’ambiance, mais il va être difficile ici de ne pas évoquer ce qu’on désigne aujourd’hui comme « la catastrophe de Fukushima ». Je ne vais pas vous copier/coller tout l’article wikipedia, mais permettez-moi tout de même un rapide rappel des faits : Le 11 mars dernier, au large des côtes japonaises, un séisme de magnitude 9 a déclenché un Tsunami qui a totalement dévasté les côtes, provoqué la mort de plus de 20 000 personnes et entraîné l’explosion et la fusion de trois réacteurs nucléaires de l’une des vingt-cinq plus grosses centrales au monde. C’est l’équivalent de ce qui s’est passé à Tchernobyl et c’est la pire catastrophe « naturelle » qu’ait connu le Japon. Le 28 mars, soit un peu plus de deux semaines plus tard, alors que les réacteurs étaient toujours en fusion, quelques-uns des meilleurs snowboarders japonais étaient regroupés au pied du temple Teirin, situé à Hakuba, à seulement 250 Km de Fukushima. Ils s’étaient donné rendez-vous pour y faire ripaille, chanter joyeusement avec une serpillière sur la tête pendant que les copains dansent le flamenco et pour faire des wallrides sur les immenses murs du temple. Les chiens aussi étaient de la partie, ils n’avaient pas leurs snowboards, mais ils n’avaient pas non plus l’air de se laisser abattre par le tragique de la situation… Une réaction qui peut sembler curieuse au premier abord, mais face à une situation aussi insupportable que la menace nucléaire qui leur pesait sur la tête, on peut comprendre que les gars aient eu besoin de décompresser un peu. Et on peut comprendre également qu’ils n’avaient plus grand chose à faire de l’état leurs semelles et de leurs carres. Quand

on re-pense par exemple aux humiliations que certains soldats américains faisaient subir aux prisonniers afghans histoire de décompresser, on se dit que les snowboardeurs japonais ont plutôt bien réagi à cette situation de stress extrême. On peut donc se risquer à finir ce texte par une énorme balourdise et dire que malgré les risques de radioactivité, et contrairement au Whisky japonais, un des meilleurs au monde, qui a du souci à se faire, le snowboard japonais a lui, de beaux jours devant lui.

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Mitsuhiro Sugimoto, Bs Air


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Marco Smolla, Fs3 nosebone. Stryn, Norvège – Photo Lorenz Holder


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Victor Daviet, Fs7 tailgrab. Ceillac – Photo Matthieu Georges


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Marko Grilc, Alley Oop Andrecht. Nouvelle-Zélande – Photo Cyril Müller


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Nicolas Müller, Bs 180 method. Stranda, Norvège – Photo Cyril Müller


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BenoĂŽt Thomas-Javid, McTwist


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Objectif lune


Un texte incompréhensible et des photos de Rémi Petit

La rétrospective Beaucoup de photographes freelance vous le diront : la diplomatie est un fardeau. Quand ils m’ont demandé chez Opium si je pouvais pondre six pages pour le mag, je suis resté très diplomate : « oui avec plaisir, holalala en plus j’ai deux semaines devant moi, fastoche ! À toute ! »… Ce qui voulait dire « six pages en deux semaines ? C’est une blague ? ». Ils ont tout de suite compris et ont été très diplomates aussi : «Super, à dans deux semaines alors ! ». D’habitude, c’est dur de faire le vide dans sa tête, mais là non. Dans ma tête, c’était le vide sidéral. En cas de panne d’inspiration, comme tout être humain occidentalisé du X X I e siècle, je suis donc parti surfer le net. Un puit sans fond avec une dangereuse tendance à l’éphémère, qui me rappelle étrangement le vide sidéral qui envahit mes hémisphères cérébraux… Les événements qui façonnent le futur sont sans cesse repoussés vers la deuxième page de nos moteurs de recherche, vous avez remarqué ? Ils finissent noyés par le super-flux dans le cyber-espace. Je décide qu’il est de mon devoir de les maintenir en surface, et pour cela, une petite partie de cyber-pêche s’impose. Éteignez vos ordinateurs et bouclez-là, bienvenue sur la face cachée de la lune, comme dans l’album des Pink Floyd, ou plutôt, bienvenue dans une rétrospective du snowboard dans les Alpes du Sud. Une version condensée, pas objective du tout, et avec une (toute petite) touche de chauvinisme, et également une vision spéculatrice du snowboard de demain.

Rétro et spéculation Ces deux dernières années ont vu une évolution des tricks de snowboard faramineuse. Avec un taux de croissance de +1 tour/an, la spéculation semble aller bon train, à croire que le freestyle est soumis à la loi du marché. Les riders vont finir côtés en bourse. Ils auront chaque année un nombre de tricks à réaliser plus élevé et plus technique que la saison précédente (il faut bien maintenir la croissance ma bonne-dame), basée sur une étude de faisabilité, et la décimale va faire son apparition dans les degrés de rotation, au détriment du style. Le triple Cork sera rebaptisé AAA, et un double cork et demi ne s’appellera plus une tatane mais un AA+. La notation sera sévère, objectif non atteint = effondrement de l’action. Mais la croissance risque de ralentir car ça va devenir difficile d’augmenter le nombre de tours en l’air, la marche d’approche, et le nombre d’hélicoptères... Quelque chose d’énorme se prépare dans le cyber-espace, vous voyez, car ce frein

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JJ Roux, Andrecht handplant


à la progression, ça n’est ni la peur, ni la loi du marché, c’est la gravité ! Cette évolution tend vers quelque chose d’irréaliste au point qu’il faut déconnecter son cerveau et fermer les yeux pour le voir : le snowboard sur la lune. Personne ne se doute encore que les Alpes du Sud, berceau de la gnôle et du KL (mélange anti-gravité explosif), ont vu naître ce projet un peu fou. Le Backside air of the moon (page no897 de mon moteur de recherche). Tout a commencé avec Ingemar Backman, un cyber-poisson de plus en plus dur à remonter (quoi c’était pas l’année dernière ?). Ce mec est monté jusque sur le haut de la Terre. Quand les autres se sont arrêtés, lui a continué… pour foncer tête baissée sur un kicker qui montait droit au ciel, visionnaire le type ! Quand il a vu qu’il se mettait à redescendre, il s’est quand même dit qu’il s’était trompé dans ses calculs. Étant donné qu’il manquait quand même 383 999,993 km pour atteindre l’astre lunaire, ça n’allait pas passer inaperçu. Il a gardé le silence concernant sa réelle motivation pour se contenter de sa demiseconde d’apesanteur à 0,007 km d’altitude (je crois qu’on aurait tous fait pareil). Il n’est pas des Alpes du Sud ? Ha merde… Comme quoi, il y a vraiment beaucoup de conneries sur Internet. Aller plus loin = monter en haut. Deuxième étape alors, the Art of Flight (page no3 du moteur de recherche). Un gros cyber-poisson celui-là, mais facile à attraper. Je ne suis pas sûr que quelqu’un du film soit passé dans les Alpes du Sud, mais le film, lui, je suis sûr qu’il y est passé vu qu’on l’a maté hier à La Tourronde. L’art de voler… ça annonce pas la couleur ça, hein ? Et un ralenti de 3 min 46 avec un hélico, un rider, et la Lune en énorme derrière non plus ? Ouvrez les yeux, au train où vont les choses, l’année prochaine, ils auront le budget pour une fusée… Putain ça va être géant ! Par contre je

ne sais pas sur quoi ils vont vider leurs fusils à pompe une fois là-haut vu qu’il n’y a pas d’arbres. Jeremy Jones sera de la partie, c’est sûr. Marco Siffredi (RIP) a ridé le toit du monde, Luc Alphand a skié sous terre (si si je l’ai lu dans VSD – mea culpa), alors à moins que mister Jones vise le Kilimandjaro, je ne vois pas. Il a dit qu’il arrêtait l’hélico, mais rien concernant la fusée… « Further » (plus loin) ne laisse donc pas de place au doute. Je ne m’attarde pas plus sur la progression du niveau, de l’amplitude et tout ça, parce que de toute façon ça passera à la trappe. C’est tellement facile en apesanteur de faire un quintuple cork sur 550 mètres, que les petits double corks d’ici-bas, bof… Par contre chapeau aux adeptes du mini-shred, ces gars vont se gaver sur la lune. Vu que le but sera de rester au sol sous peine de partir à la dérive dans le cyber-espace… Il va prendre une sacrée branlée le Travis ! Chauv’in side (chauve de l’intérieur de la tête_Prévert). Bon plus j’avance, plus je me rends compte que, en matière de snowboard, mon chauvinisme d’Alpin du Sud en prend une claque. Depuis que Chasta est parti faire du Kite sur le mont Shasta, la rétrospective s’annonce un peu maigrichonne. Bien sûr il y a Tony Ramoin, médaillé olympique de boarder cross, mais malheureusement pour nous il est de l’autre côté du col de Vars, frontière entre les Alpes du Sud et le Sud des Alpes, alors ne nous égarons pas. Il y a aussi le cas Harakiri (page no2)… belle équipe, bons coachs, entraînements intensifs, tout pour réussir quoi. Ils ont même intégré des pyrénéens et des savoyards, belle initiative ! Mais en termes de budget, à côté des grosses prod américaines, je pense que la fusée c’est pas pour demain. C’est con parce qu’en termes de paysages lunaires, leur QG est vachement bien équipé (le col de Vars ndlr). C’est sûr, potentiellement, ils sont près pour la Lune !

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Bruno, sur la Lune

Bruno Rivoire, Fs5 inverted


Sten Smola – Photo Ben Stähli


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Dans les pas du loup


Texte par Sten Smola

Certain que le loup rôdait dans les mélèzes près de nous, mon pouls s’affolait tandis que nous avancions péniblement, de la neige jusqu’aux genoux, au cœur de cette vallée de Goms (aussi appelée « vallée de Conches »). Nous nous enfoncions toujours plus profondément parmi les montagnes silencieuses, plus ou moins convaincus que nous trouverions bientôt la face parfaite ; nos sens faussés par un silence empli de mystères. À la recherche de pentes vierges en plein cœur des Alpes, quelque part dans le Haut Valais, entre les frontières italo-suisses, nous avions finalement trouvé ce que nous recherchions. Pour explorer ces nouveaux espaces, nous avions choisi une méthode certes exigeante, mais écologique et durable : à pied ou en transport public uniquement. Majestueusement dressée devant nous, une immense pyramide verticale de neige et de roche offrait à notre regard un des plus beau relief des Alpes. Toutefois, il manquait encore cette impulsion d’excitation que nous étions venu chercher. Depuis que nous avions quitté le chalet à l’aube, le vent glacial soufflait sur nos visages et semblait vouloir nous retenir par les chevilles. Même Ben, qui n’a jamais froid, avait mis sa veste la plus chaude. C’était la première

fois que nous le voyions emmitouflé de la sorte. Le nez de Raffi se transformait progressivement en glaçon. Ce n’était encore que le début. Soudainement de sombres nuages sont apparus et le sommet de la crête a disparu derrière un lourd voile gris. La vue tantôt magnifique, venait de disparaître dans le brouillard, emportée en une fraction de seconde par les nuages. J’avais imaginé un scénario différent quand j’avais appelé

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Sten Smola aka chamois – Photo Patrik Ngu

Photo Patrik Ngu


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Photo Nicolas Fojtu

Sten Smola – Photo Patrik Ngu


Ben l’autre jour, lui ordonnant d’annuler tous ses rendez-vous de la semaine. Après les lourdes chutes de neige, les prévisions météo laissaient espérer que le soleil serait de la partie pour toute la semaine à venir. Nous méritions ce soleil ; une telle fenêtre d’opportunité était rare. Les tempêtes imprévisibles avaient constitué une telle couche de neige que nous ne pouvions décrocher notre regard du haut de cette montagne. Goms est enclin aux grosses chutes de neige, mais celles de cette année avaient largement dépassé celles des années précédentes. Le paysage transformé par cet assaut neigeux avait ravivé une vieille histoire que m’avait racontée ma grand mère : En 1827, l’avalanche localement connue sous le nom de « Bieliger » avait balayé tout un village, tuant plus de cinquante personnes. Aujourd’hui, seul un énorme barrage nous rappelle à leur souvenir. Les gens qui vivent ici ont appris à vivre avec la crainte d’une autre catastrophe naturelle majeure. Chaque hiver, les gens du coin se retrouvent piégés pendant des jours par la neige, comme s’ils étaient enfermés dans un vide spatio-temporel. La patience est une vertu sans laquelle vous ne pourrez pas aller très loin et à laquelle vous ne pouvez pas échapper. « Goms est l’endroit où le temps s’arrête soudainement, encore et encore. » C’est ce qu’Erwin, un Gommer préhistorique a dit. Il avait raison. Le temps semblait effectivement s’être arrêté, mais contrairement aux habitants de la vallée, nous étions en train de perdre patience. Nous avions commencé à grimper au-delà de la limite de la forêt, mais le brouillard ne se dispersait pas. Je commençais à douter. Avec une si mauvaise visibilité, nous pouvions faire un trait sur la descente en snowboard. Mes émotions étaient un mélange de colère et de frustration. Quel moment incroyablement douloureux quand vos rêves, soudain, se vaporisent. Cependant, toutes ces années dans les montagnes m’avaient appris une chose, les sommets ne s’enfuient jamais.

Avec suffisamment de patience, n’importe quelle pente est accessible dans les meilleures conditions. Mais cette expérience ne m’avait jusqu’ici menée nulle part. C’était tout de suite que je voulais dessiner ma ligne dans la neige. Un jour de plus avec ce vent allait ruiner la qualité de la surface de la neige et comme nous étions déjà en avril, aujourd’hui était notre dernière chance de la saison. J’avais cette descente en tête depuis trop longtemps, je ne pouvais pas attendre une année de plus. Cela devait se faire aujourd’hui. Alors que j’étais loin dans mes pensées, regardant la trace de mes pas dans la neige, je ne réalisais pas ce qui se passait autour de moi. « Regardez là-haut ! » avait crié Ben. Comme si Zeus m’avait entendu, le ciel était en train de s’éclaircir et au moment où nous avions atteint le sommet, le vent avait cessé de souffler. Ce dernier point était d’autant plus inhabituel que le vent souffle toujours plus fort au sommet. Cependant, le moment tant attendu n’était pas encore arrivé. Nous avons mangé un peu de charcuterie sèche et nous nous sommes préparés. Quand tout le monde fut en position, j’ai crié dans le talkie-walkie : « Dropping in ». Quelques secondes plus tard, j’étais au pied de la face avec un pouls au maximum et chaque partie de mon corps gonflée d’adrénaline. Une étrange sensation a alors commencé à m’envahir. Une sensation qu’on n’atteint qu’à travers la symbiose de la vitesse et de l'espace. Une fois que vous passez une certaine vitesse, vous savez qu’il n’y aura pas de moyen de faire marche arrière. On se sent alors en parfaite harmonie avec la montagne et l’univers. Un moment de pur bonheur. Quand Ben et Raffi m’ont rejoint au bas de la montagne, nous n'avons même pas eu besoin de parler. Nous étions là, silencieux, ivres de joie, encerclés par des sommets rivalisant avec ceux de l’Himalaya ou de l’Alaska. Nous observions encore une fois ce relief, essayant d’imaginer ce que ce paysage sauvage avait traversé pour en arriver à ce résultat. Les glaciations

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nécessaires pour former une zone comme celle-ci vont au-delà de l’imagination humaine. Que nous ayons découvert par hasard un tel bijou au milieu des Alpes est une chance inouïe. Je me suis souvenu avoir aperçu ce paysage du train MatterhornGotthard : ces crêtes lisses, ces forêts immenses qui surplombent le Rhône. Je ne pouvais pas alors m’imaginer tout ce que cet endroit avait à offrir. Cette vallée, ces villages idylliques, en harmonie avec leur environnement, avec leurs maisons traditionnellement construites en bois. La pression mondiale pour la modernisation à outrance semble avoir été complètement ignorée ici. Seul un vieux téléski bouffé par la rouille témoigne d’un lointain passé touristique. Le silence qui règne ici reflète l’âme de la vallée de Goms, il n'est pas surprenant que le loup ait choisi cet environnement, au milieu des montagnes Suisses, pour son retour au cœur de l’Europe. En découvrant cet endroit, il m’est tout de suite apparu comme une évidence que je devais revenir suivre les traces du loup dans ces forêts inconnues et les pentes de cette région. Au cours des quatre derniers hivers, mes amis et moi avions essayé d’en découvrir les trésors cachés. Après les deux premières explorations et sachant que la seule façon de se déplacer était à pied, nous avions vite compris que des courtes missions ne suffiraient jamais pour profiter pleinement de cette interminable vallée. La frontière entre le succès et la défaite est infime. Même quand vous aviez tout prévu, tout pouvait encore tourner au vinaigre. Les pentes

populaires ne bénéficient des conditions idéales que quelques rares fois dans l’hiver, ainsi fallait-il parfois attendre une année entière. Il n’y a pas d’hélicoptère pour vous déposer de l’autre côté de la vallée, là où le brouillard a déjà disparu et où le vent n’a pas encore soufflé toute la neige. Cela nous aurait épargné bien des frustrations, mais en regardant en arrière je ne changerais rien à notre approche. Gravir les montagnes avec ses propres jambes exige beaucoup de patience et d’efforts, mais cela vous enseigne à observer la relation entre l’humain et la nature d’une manière très concrète. Cela vous apporte une notion de distance et d’endurance, qui ont été perdues depuis longtemps dans notre société technologique. Ce jour-là nous avions encore fait l’expérience d’un éventail sans fin d’émotions. Nous étions constamment dans l’émerveillement face à ces paysages hivernaux, que nous connaissions pourtant par coeur. « Nous sommes tellement petits et insignifiants » soupira Raffi. Avec ce sentiment d’humilité et réalisant que nous avions réalisé un rêve de longue date, nous sommes rentrés dans la vallée. Dieu merci, nous n’avions pas eu à attendre une autre année – même si nous avions dû avancer à tâtons pendant un moment, chaque goutte de sueur en valait la peine. J’avais complètement oublié que quelques heures plus tôt je voulais m’enfoncer dans la neige pour y noyer ma frustration. Désormais, mes pensées étaient pour la bière fraîche qui nous attendait au terme de notre escapade : « Es Blonds bitte ! »

Si vous n’êtes pas encore allé vous acheter un banshee bungee pour aller faire du street après la lecture de cet article, allez donc faire un tour sur le site de Sten : www.spatial-experience.com

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Sten Smola – Photo Ben Stähli


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Texte et photos par Matthieu Georges

La fine équipe de bras cassés du crew HOMIES, composée de Nico Droz, Fred Couderc, Morgan Lefaucheur et Aymeric Tonin avait décidé d’aller shooter un rail à Chaux de Fonds, un de ces nombreux, petits et typiques,villages Suisses où quasiment toute la population porte le même nom de famille. Comme le dit si bien Joël Collado de Météo France, il faisait un temps maussade en ce début de mois de janvier. La pluie de la nuit précédente avait mis une bonne claque à la neige, et on a donc galéré un bon moment à faire une prise d’élan et une récep. Malgré la difficulté de la chose, Fred a rentré Fakie 270 to Bs lipslide, sans trop batailler, mais il l’a refait une dizaine de fois parce qu’il n’était jamais pleinement satisfait du résultat ! Il avait tellement bien défoncé le spot que ça a coupé les jambes de tout le monde et personne d’autre n’a ridé le rail ce jour-là. Une semaine plus tard, Florent Marot a fait un beau backside 50-50 to wallride sur le grillage. Bravo les gars, je crois qu’on peut officiellement déclarer le spot fermé ! Jusqu’à la prochaine fois…

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La croisière s’amuse


David Carrier Porcheron



Texte et photos par Matthieu Georges

Quand on choisit d’embrasser une carrière de snowboarder professionnel (pas sûr que votre conseillère d’orientation vous le propose spontanément), on sait généralement qu’on peut dire adieu à son cocon familial, son petit nid douillet et à sa station locale. Pour répondre aux exigences de ses sponsors, pour suivre le circuit des compétitions où les boissons énergisantes coulent à flot ou pour filmer sa part vidéo en ridant la meilleure poudreuse sur les plus beaux spots du monde, il faut en effet faire quelques sacrifices. Et personne n’est épargné, pas même Jan Petter Solberg. Pendant toutes ces années chez Burton passées à filmer pour les légendaires films Absinthe, il s’est donc beaucoup éloigné de chez lui. Voyager sans cesse c’est très bien, ça forme la jeunesse mais il fait bon, parfois, rentrer au pays. En l’occurrence pour J.P., en Norvège, berceau du Back Metal et des serials killers d’extrême droite. A-ha aussi, c’est norvégien, mais ils n’ont jamais fait trop de dégâts, ou alors ils ont su rester discrets. Avec la création de Yes, J.P. et ses trois associés, DCP, Romain DeMarchi et Tadashi Fuse sont devenus leur propre patron et les quatre zamis n’en font donc qu’a leur tête. Nous voilà donc partis pour le dernier trip de la saison, mi-mai, sur un ancien baleinier en compagnie de notre capitaine Helge, alcoolique et adepte de partouzes à quatre (mais il aimerait essayer à cinq), et notre chef cuistot, Ben, également alcoolique, mais tout aussi

sympathique. Un snowboard trip en bateau, vous reconnaîtrez que ce n’est pas banal. On a souvent vu de belles photos de couchers de soleil sur des parks norvégiens en fin de saison. C’est quasiment devenu un « marronnier » de la presse snowboard. Mais on ne se doute pas forcément que ce pays possède également, au beau milieu des fjords, une importante chaîne de montagne, aux allures d’Alaska, dont le plus haut sommet culmine à 1833 mètres. Partout, d’immenses pics qui descendent directement dans la Mer Arctique et dont il est donc possible de s’approcher en bateau pour avoir un premier aperçu des spots et plus particulièrement des windlips, grâce aux cartes maritimes et aux jumelles longue portée. Helge connaissait tous les recoins des Alpes Lyngen et nous naviguions la nuit pour accéder aux faces nords tôt le matin.

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Romain de Marchi, switch Bs 180


Il nous suffisait de jeter l’ancre quand nous apercevions une face exploitable et de rejoindre le bord à l’aide d’un petit zodiac. Tout le monde était équipé de split boards et nous avons passé pas mal de temps à crapahuter. Bon, autant être tout à fait franc, on est arrivé quinze jours trop tard, et on a loupé la dernière poudreuse. On a donc un peu galéré pour trouver des spots avec des réceptions potables, mais on s’est quand même bien marré. La vie sur un bateau n’a rien à voir avec la vie sur la terre ferme. On vomit beaucoup plus souvent par exemple. Mais ça nous a permis

de jouer aux marins, de chaque jour pêcher notre repas, de plonger dans de l’eau à quatre degrés avant de retourner cuire dans le Jaccuzzi ou même de chopper la crève quand l’un de nous décidait de plonger tout habillé, en pleine nuit, parce qu’il venait de découvrir une boisson locale curieusement nommée « Fisherman’s Friend »… Quand nous sommes rentrés chez nous, après le trip, on a tous continué de tanguer pendant trois jours. Ce trip en bateau n’avait en effet rien de banal, et je peux affirmer sans me tromper, que chacun d’entre nous le gardera gravé dans ses meilleurs souvenirs.

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JP Solberg, Fs5 nosegrab


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GĂŠrome Mathieu et Dimitri Biau, double Bs 180 Chamrousse, Intercrew saison 8


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Huit ans d’Intercrew


Texte par Bruno Rivoire – Photos par Rémi Petit (sauf indiqué)

Je crois qu’on peut se permettre de dire sans trop en faire, que l’Intercrew fait partie des meilleurs événements jamais organisés en France, huit fois de suite… Ce qui, vous en conviendrez, est énorme. L’édition 2011 était encore une fois une vraie partie de franche rigolade et de très bon snowboard, mais surtout, c’était la dernière. Parce que toutes les bonnes choses ont une fin, parce qu’il faut parfois savoir s’arrêter à temps, la bande du 05 a décidé de jeter l’éponge cette année. « Bye Bye, rendez-vous à jamais » disait M’sieur Eddy dans sa « dernière séance », il y avait ensuite des violons et on avait presque envie de pleurer. C’est un bon ce Eddy Mitchell, par contre il n’est jamais allé à l’Intercrew et c’est peut-être pour ça que ça a fini par foirer cette histoire. Allez savoir ? En tout cas, il est grand temps de laisser la parole à celui qui est le mieux placé pour parler de l’Intercrew, Bruno Rivoire, du 05. Quand on a commencé à organiser l’Intercrew en 2003, nous avions de grands projets. Notre référence à l’époque c’était la Quik Cup et son slopestyle. Presque dix ans plus tard, Terje n’est jamais venu à notre contest, il manque un paquet de zéros sur le prize money et contrairement à BourgSaint-Maurice, il n’y a toujours pas de

Mc Do à St Etienne en Dévoluy. Alors, avons-nous vraiment merdé sur toute la ligne ? Au tout début donc, du temps de Super Dévoluy (Super D. pour les intimes), on y croyait. Notre « invitational » se traduisait par un kit de bienvenue complet : gâteau de mamie, buffet, open bar et autres spécialités

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Fluo Fun crew Chamrousse, Intercrew saison 6

Darius Heristchian et Ben TJ, natation synchronisĂŠe Chamrousse, Intercrew saison 6


Thomas Delfino, tailgrab to fakie Chamrousse, Intercrew saison 7


Thomas Parfait, tailgrab Super DÊvoluy, Intercrew saison 3 – Photo Matthieu Georges


David Livet et Thomas Gérin Chamrousse, Intercrew saion 8

locales. Attention, il n’est pas question ici de bâton du diable ou de djumbé, tout ça c’est une rumeur, ça n’a jamais existé dans le 05. À l’époque donc, les crews s’appelaient Bouchkail, Atmo, Serre Che brigade, Amikal, Audience, Armada ou encore Denjos. Mais soyons clairs, chaque année c’était un battle entre JJ Roux et Lucas Benachio pour savoir si le trophée irait aux 2 Alpes ou à Gap. Tout allait bien dans le meilleur des mondes, jusqu’à ce que nous vienne l’envie d’aller voir de l’autre côté de la montagne. Nous voilà donc débarquant à Chamrousse (toujours sans bâton du diable) et notre première impression c’est que c’est quand même vachement plat, on se croirait dans les Pyrénées (ça c’est fait) ! Deuxième impression, c’est plat, mais c’est beau ! La direction de la station nous dit banco, on y croit, on va la faire notre Quik Cup ! L’idée de base, c’était de shaper des modules originaux et souvent inédits pour multiplier les options et les lignes afin que tout le monde puisse rider en même temps. Je ne vais pas vous faire un descriptif détaillé de tous les tas de neiges, qui ont

fondu depuis, mais très honnêtement, à chaque fois le spot était cool, vraiment très cool et autres superlatifs. Tellement cool que le staff ridait le slopestyle pendant trois jours, imposant une organisation comment dire ? Conceptuelle… En huit ans, l’Intercrew est devenu le gros rassemblement, la grosse session de l’année. On a vu passer un bon paquet de riders, venu de toute l’Europe pour expérimenter « the french snowboard riot » et rencontrer une grosse partie de la scène Française, pros, amateurs et potes de potes. Tout le monde semble avoir adhéré au concept, à savoir : « ride ce que tu veux, quand tu veux, avec qui tu veux et nous, on s’occupe du reste ». Tout le budget nous servait à inviter toujours plus de monde. Tout allait bien dans le meilleur des mondes. Mais à force de distribuer de la boisson qui donne des ailes, les gars ont fini par décrocher le faux plafond de la salle des fêtes de Chamrousse et ça n’a pas été du goût de tout le monde… La grande bouffonnerie commençait à nous rattraper. On nous avait menti, la Quik Cup n’était pas une session entre potes, Chamrousse

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Lucas Bennachio et Sully Monod Chamrousse, Intercrew saison 6


Grat’dos Chamrousse, Intercrew saion 8

ne recevra jamais l’épreuve olympique de slopestyle, et shaper des spots quand t’as pas le temps de les rider ça n’a vraiment pas de sens. Nous étions cernés, il était temps de passer à autre chose. Sur ces huit éditions, on a quand même rencontré un paquet de bon gars et d’autres un peu moins bons. Mais surtout, on s’est bien marré, et ça, comme dirait le brigadier Schmidt, ça vaut toutes les Marie-Louise de la terre. Bien à vous, Kevin Mouflon

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Jimmy aimerait dire merci aux gars qui lui filent encore un peu de matos : Brotherwood (les swallows) et Sooruz. – Texte par Fredd

J’ai récemment découvert avec effroi que certains snowboarders (peut-être même vous, là) ne savaient pas, ou plus, qui était Jimmy Peresson. C’est le genre de choses qui me dépassent totalement. Autant je veux bien comprendre que les jeunes se fichent de leurs aînés, autant là, franchement… Merde quoi, il y a des choses qui se respectent ! Et Jimmy en est l’exemple parfait, puisqu’il ne respecte rien, et je ne crois pas trop m’avancer en disant qu’il se fiche complètement qu’on l’oublie ou pas. Mais ce n’est pas une raison. Pour faire court, et ne pas trop sombrer dans le romantisme : Jimmy, c’est le meilleur, ceux qui le connaissent savent de quoi je parle, mais je m’explique un peu quand même : Alors que le snowboard en France n’en était qu’à ses balbutiements, en 1663 environ, (avant J.C.), et qu’on se débarrassait tout juste des infâmes « freestylers » de la première heure, (ceux qui n’avaient jamais vu un skateboard de leur vie et que je n’ai même pas la force de nommer ici), à cette époque donc, il y avait quelques petits groupes de snowboarders qui s’occupaient de remettre les pendules à l’heure. Il y avait les gars d’Avoriaz, un petit groupe en Tarentaise et quelques autres éparpillés ça et là, mais il y avait surtout « les Chamoniards » : les Babs, Tony Roos, Thomas Ligonnet, (là je suis obligé de citer le fameux J.P. aussi, mais c’est une autre histoire…), et… tin tin tin… Jimmy

Peresson. Quand ils déboulaient sur une coupe de France, c’était la panique à bord, ils étaient à des années lumières de ce que les juges pouvaient même imaginer. Jimmy en particulier, c’était la classe à l’état pur. Du concentré de punk rock sur un snowboard. Le cauchemar de tous les juges fédéraux, de tous les directeurs des remontées mécaniques et de tous les fils à papa-maman… des « freestylers » de la première heure aussi. Ce qui est chouette aujourd’hui, maintenant qu’il est plus ou moins rangé des mobylettes, papa et chauffeur de camion de chantier, c’est qu’il n’a pas changé d’un poil (enfin si, question poils, il s’est débarrassé de ses dreadlocks du début, ce qui est une très bonne chose). Quand je l’ai eu au téléphone aujourd’hui, il était à bloc parce qu’il va enfin y avoir un bowl en béton à Cham et qu’il ne pouvait rien lui arriver de mieux. Quand j’ai commencé à lui parler du texte pour cette page, il m’a dit : « tu t’en fous, t’as qu’à mettre ‹ Skate or Die › ça ira bien… ». Comme il n’est pas aussi méchant qu’il en a l’air, il a quand même déterré pour vous, une de ses photos préférées, cet invert dans le pipe de St Gervais en 2002. Si cet hiver vous voyez passer un gars au-dessus de vous en bs air sur son swallow, n’ayez pas peur, c’est juste Jimmy et il ne vous veut aucun mal. Mais venez pas le faire chier non plus !

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Jimmy Peresson, Handplant, Saint-Gervais-les-Bains (Big up pour Bouleux et St Ger !) – Photo David Machet


Local Hero, gap to crèpe. Nelson-BC – Photo Rémi Petit

Pour comprendre comment et pourquoi ce gars s’est retrouvé à jouer à Spiderman sur ce mur Canadien, retournez quelques pages en arrière, dans l’article « Bienvenue à Shandyland », et tout sera soudainement très clair. Faut arrêter de lire les articles dans le désordre, c’est le bordel après… Bon, c’est pas tout ça, mais faut qu’on y aille là, on se dit à l’année prochaine, peut-être même avec un Bruno Rivoire aux commandes, ça va chier !

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I N F O V Z @ V O N Z I P P E R . F R

WAT C H

T HE

V I D EO

ER I C

JAC K S O N

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S K Y L A B


DANNY KASS


REPRÉSENTE TON CREW. FAIS-TOI REMARQUER. VIS COMME UN PRO.

NIKE.COM/CHOSEN




« La bagnole, la télé, le tiercé C’est l’opium du peuple de France Lui supprimer, c’est le tuer C’est une drogue à accoutumance » (Renaud/Hexagone)


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