La Seine en Normandie

Page 1

La Seine en Normandie

Ouvrage collectif sous la direction de Céline Dégremont et Christian Lévêque GIP Seine-Aval



La Seine en Normandie


GIP Seine-Aval

Pôle régional des Savoirs 115, boulevard de l’Europe, 76100 Rouen www.seine-aval.fr Remerciements : Le GIP Seine-Aval remercie toutes les personnes qui ont participé de près ou de loin à la réalisation de cet ouvrage et en tout premier lieu les scientifiques du Programme de recherche Seine-Aval, dont les travaux ont alimenté une grande partie des connaissances diffusées ici. De nombreux schémas et photos qui illustrent ce livre nous ont été gracieusement fournis par la Maison de l’Estuaire, l’AREHN, la Cellule de suivi du littoral normand, ainsi que les équipes scientifiques du Programme de recherche. Qu’elles en soient remerciées. Merci à l’AREHN, qui a mis au service du Groupement ses compétences en matière de rédaction et d’édition. Textes : Céline Dégremont, Jérôme Chaïb, Christian Lévêque, Jean-Paul Thorez. Contributeurs : Hélène Budzinski, Julien Deloffre, Sandric Lesourd, Fabienne Petit. Infographies : AREHN, GIP Seine-Aval, Quai 24. Édition : Jean-Paul Thorez / AREHN. Mise en page et impression : Imprimerie Copie Plus, Rouen.

Dépôt légal : février 2012. ISBN : 978-2-7466-4238-6. © GIP Seine-Aval. Le GIP Seine-Aval ne saurait être tenu pour responsable d’événements pouvant résulter de l’utilisation et de l’interprétation des informations publiées dans ce livre.


La Seine en Normandie

Ouvrage collectif sous la direction de Céline Dégremont et Christian Lévêque


Plage naturelle à Orival.

J.-P. Thorez / AREHN

Sommaire

4

Introduction

9 10 12 14 18 20

Au débouché d’un important bassin Quelles sont les particularités de la Seine en Normandie ? Où commence et où finit l’estuaire de la Seine ? L’estuaire Y a-t-il une différence entre l’estuaire et l’embouchure de la Seine ?

21 22 23 24 26 30 32 34 36

Depuis quand la Seine existe-t-elle ? Quel était le régime hydrologique de la Seine jadis ? La Seine a-t-elle toujours coulé à l’emplacement actuel ? Pourquoi la Seine décrit-elle des méandres ? Les méandres fossiles Comment se sont déposées les alluvions de la Seine ? Faune et flore de la Seine préhistorique Il est parfois question des « terrasses » de la vallée de la Seine…

37 38 39 40 41 42

Quels climats règnent le long de la Seine ? La vallée de la Seine a-t-elle un climat différent de celui des plateaux environnants ? Où la Seine prend-elle sa source ? Pourquoi la Seine s’appelle-t-elle « la Seine » ? Quels sont les affluents normands de la Seine ?

43 44 46 48 49 50 52 53 54 56 58

D’où provient l’eau douce dans l’estuaire de la Seine ? Est-il vrai que la Seine est soumise aux marées ? L’échelle d’eau Comment la navigation en Seine utilise-t-elle la marée ? Le mascaret Qu’est-ce qui différencie le lit mineur du lit majeur d’un fleuve ? Pourquoi certaines parties de la vallée sont-elles inondées en hiver ou au printemps ? Que s’est-il passé lors de la crue de 1910 ? La vallée de la Seine peut-elle encore subir de graves inondations ? Le PPRI

59 60 64 66 68 69 70

Comment se forment les îles de la Seine ? La vase a-t-elle une utilité ? Pourquoi l’eau de la Seine est-elle trouble ? Le bouchon vaseux Pourquoi les berges de la Seine s’écroulent-elles par endroit ? Les filandres, ces ruisseaux que l’on voit se dessiner dans la vase

Il y a très longtemps, la Seine…

Le bassin de la Seine

Courants et marées

Vase, sable et autres sédiments


72 Le batillage 74 Il paraît que les plages du Calvados s’envasent…

La Seine vivante

75 76 81 82 85 86 88 90 92 94 96 98 100 102 106 107 108 110 112 114 116

Végétation et milieux de la vallée de la Seine Pourquoi y a-t-il des tourbières en vallée de Seine ? Comment la faune se répartit-elle dans l’estuaire ? Le bar, un poisson d’estuaire ? Quelles sont les chaînes alimentaires dans l’estuaire de la Seine ? Le benthos Y a-t-il des animaux et plantes exotiques dans l’estuaire de la Seine ? Les poissons du fleuve Que pêchait-on dans la Seine autrefois ? La fameuse friture d’éperlans appartient-elle au passé ? Y a-t-il du saumon dans la Seine ? A quoi sert la passe à poissons de Poses ? Les oiseaux de l’estuaire de la Seine Y a-t-il des oiseaux qu’on ne rencontre que dans la vallée de la Seine ? Y a-t-il des mammifères particuliers dans la vallée de la Seine ? Les grandes fonctions écologiques de l’estuaire de la Seine Pourquoi une partie de l’embouchure a-t-elle été classée réserve naturelle ? Mesures de protection de la vallée de la Seine Natura 2000 La vallée de la Seine est-elle un « corridor écologique » ?

117 118 120 122 124 126 128 129 130 132 134 138 140 141 142 143 144 146

Paysages, sites et monuments de la vallée de la Seine De quoi vivaient les gens au bord de la Seine ? Les industries Comment franchissait-on la Seine autrefois ? La navigation en Seine Peut-on pratiquer la navigation de loisir en Seine ? Le halage Les bateaux de la Seine Quelles marchandises sont transportées sur la Seine ? Deux grands ports Y a-t-il des pêcheurs professionnels sur la Seine ? Faut-il un permis pour pêcher dans la Seine ? Que pêche-t-on avec des balances ? Peut-on chasser au bord de la Seine ? La mare à gabion Quelles activités ont eu un impact sur la Seine ? La ballastière

Une vallée active

La vallée de la Seine aménagée

147 148 150 156 158 159 163 164 166 168 170 172 174 176 178

A quoi ressemblait l’estuaire il y a deux ou trois siècles ? Comment a-t-on amélioré les conditions de navigation sur la Seine ? Est-il vrai que des îles ont disparu ? Le tirant d’eau A quoi sert le dragage de la Seine ? De quoi sont composés les « produits de dragage » ? La chambre de dépôt A-t-on essayé de compenser les impacts de Port 2000 sur l’environnement ? Digues, perrés, palplanches A quoi servent les barrages sur la Seine ? Comment fonctionne une écluse ? A-t-on pratiqué le drainage dans les zones humides ? Le polder Quel avenir pour les rives de la Seine ?

179 180 182 184 188 190 192 194 196 198 200 202 204

Est-il vrai que la qualité de l’eau de la Seine s’améliore ? Pourquoi a-t-on assisté parfois à des mortalités de poissons ? D’où proviennent les nitrates et phosphates présents dans l’eau de la Seine ? Les pesticides représentent-ils un risque dans l’estuaire de la Seine ? Les HAP Il y aurait de l’aspirine dans la Seine… Les PCB Est-il vrai que les poissons de la Seine changent de sexe ? La bioaccumulation Pourquoi interdit-on parfois la pêche à pied en baie de Seine ? Peut-on se baigner dans la Seine ? D’où proviennent les déchets flottants ?

205 206 208 211 212 216 218

Le potentiel touristique de la vallée de la Seine Avec le changement climatique, le niveau de l’eau va-t-il monter dans l’estuaire de la Seine ? A qui appartient la Seine ? La DCE « Renaturer » la Seine ? Il est parfois question d’un « usage partagé de l’axe Seine »…

220

Glossaire

La pollution de l’eau

La Seine demain

226 Documentation Seine-Aval

5


J.-P. Thorez / AREHN

Préfaces

Bouée cardinale sud dans l’embouchure : elle signale un danger que l’on peut éviter en passant par le sud de la bouée. A l’horizon, à droite : la pointe de la Roque. 6


D

L

epuis près de huit ans, le Groupement d’intérêt public (GIP) Seine-Aval, créé à l’initiative de la Région Haute-Normandie avec ses partenaires (la Région Basse-Normandie, l’Agence de l’eau Seine-Normandie, les Grands Ports Maritimes de Rouen et du Havre, les Départements de la Seine-Maritime, de l’Eure et du Calvados, l’Union des industries chimiques de Normandie, l’Association syndicale de l’industrie et du commerce pour l’environnement et l’État), s’appuie sur le meilleur de la science pour mieux connaître notre fleuve. Son rôle d’interface entre les acteurs de l’aménagement de la Seine et la communauté scientifique fait du GIP Seine-Aval un témoin privilégié des évolutions de la Seine. Les connaissances acquises par le GIP sont aujourd’hui largement utilisées par de nombreux acteurs. Nous avons souhaité qu’elles puissent être également partagées avec un public plus large. Parce que la Seine est l’affaire de tous les Normands. C’est dans cet esprit que l’ouvrage La Seine en Normandie a vu le jour. Présentés sous forme de questions, les sujets simples comme les plus complexes y sont abordés, expliqués et richement illustrés. À travers ce livre, l’ensemble des membres du GIP Seine-Aval et la communauté scientifique vous invitent à mieux découvrir notre fleuve, la Seine, qui est à la fois notre lieu et notre lien. Chaleureusement à vous,

e GIP Seine-Aval a pour objectif de fournir à ses partenaires les informations scientifiques pertinentes afin qu’ils puissent mener à bien les opérations d’aménagement et de restauration de la Seine et de son estuaire. Ses recherches s’articulent autour de deux grands axes. Le premier, intitulé « Comment va l’estuaire ? », vise à dresser l’état des lieux et à suivre l’évolution du milieu en fonction de son usage et de diverses autres contraintes, par exemple le changement climatique. Le second – « Quel estuaire voulons-nous ? » – s’efforce de réunir les informations permettant, dans une démarche prospective, d’envisager les trajectoires possibles de l’estuaire en réponse à des projets techniques ou à une demande sociale. Grâce à ses programmes de recherches, aux nombreuses synthèses et fiches techniques qu’il produit, le GIP possède maintenant une base de connaissances exceptionnelle sur le fonctionnement hydrosédimentaire et écologique de l’estuaire de la Seine. A diverses reprises, nous avons entendu la demande d’associations et de citoyens qui souhaitaient que le GIP mette à leur disposition, de manière compréhensible par des non-spécialistes, les informations concernant l’estuaire. Nous y répondons aujourd’hui avec cet ouvrage, qui fait écho au Rhône en 100 questions publié par la Zone Atelier Bassin du Rhône. Ce transfert de connaissances vers le public, faut-il le rappeler, constitue une valorisation du travail scientifique. Il cherche à répondre aux préoccupations de la société en matière de cadre de vie et d’environnement. Nous souhaitons qu’il contribue à une meilleure réappropriation de la Seine par ses riverains.

Nicolas Mayer-Rossignol Christian Lévêque

Président du GIP Seine-Aval Conseiller régional délégué de Haute-Normandie

Président du Comité scientifique Seine-Aval 7


Les astĂŠrisques renvoient au glossaire. 8


Introduction

Un domaine magique.

J.-P. Thorez / AREHN

La Seine normande est, pour l’essentiel de son cours, un estuaire. Il s’agit d’un domaine magique aux contours flous, où se mélangent la mer et le continent. L’eau y est salée ici, saumâtre ou douce plus en amont. Les marées s’y font sentir. Les gros bateaux s’y aventurent…


L

Au débouché d’un important bassin

J. Chaïb / AREHN

e bassin versant de la Seine occupe 75 000 km2, soit 14 % du territoire de la France. Cet espace relativement limité héberge l’agglomération parisienne – l’une des plus grandes mégapoles européennes – et 26 % de la population française. Il contribue pour 40 % à la production industrielle et pour 30 % à la production agricole nationale. Le réseau hydrographique de la Seine, utilisé et aménagé depuis des siècles, n’a plus rien de naturel. Barrages, digues, écluses ont accompagné le développement de la navigation (50 % du trafic fluvial national) et contribué au contrôle des crues pour prévenir les inondations. La qualité de l’eau est, elle aussi, tributaire des activités humaines. Dans les parties amont du bassin, l’activité agricole est à l’origine d’une pollution par les engrais et pesticides. A l’aval des grandes agglomérations, les rejets des stations d’épuration et les eaux pluviales ruisselant sur les surfaces imperméabilisées (voirie, bâtiments…) restent des sources de polluants domestiques et urbains en dépit de la construction de stations d’épuration et de bassins de décantation. L’activité industrielle est, enfin, une autre source de contamination de l’eau par les hydrocarbures, métaux lourds, etc., sans oublier la pollution thermique. Même si la qualité des eaux n’est pas aussi bonne qu’on pourrait le souhaiter, de gros efforts sont réalisés pour la surveiller, réduire les apports en polluants, traiter les eaux usées. Malgré son artificialisation, la Seine reste le milieu de vie d’une flore et d’une faune diversifiées. Le retour récent du saumon dans la Seine témoigne d’une amélioration de l’état écologique du fleuve. De nombreux oiseaux migrateurs font escale sur le lac du Der, en Champagne, barrage réservoir créé pour écrêter les crues. L’artificialisation n’exclut pas la vie.

Le pont de Normandie : de plus en plus d’infrastructures empiètent sur l’espace estuarien. 10


ozzy2066_gr/flickr.com

Les efforts réalisés pour améliorer la qualité de l’eau sont d’autant plus motivés que les eaux superficielles fournissent une partie des eaux de consommation. Ainsi, l’approvisionnement de Paris en eau potable provient, à parts égales, d’eau prélevée dans la Seine et la Marne et dans des captages d’eau souterraine éloignés, pour certains, de 150 km de la capitale ! En ce qui concerne l’aval du bassin, l’estuaire de la Seine a été profondément modifié au fil des siècles. Le chenal a été creusé pour permettre la navigation, et notamment la remontée de navires de plus en plus importants jusqu’au port de Rouen. Le développement de l’activité des deux grands ports maritimes du Havre et de Rouen nécessite de plus en plus d’infrastructures, qui empiètent sur l’espace estuarien. La morphologie de l’estuaire a donc profondément changé sous l’effet de ces aménagements. Soulignons que si l’estuaire est le siège d’une intense activité économique, dont les impacts sur le fleuve sont indéniables, il est aussi le réceptacle des différentes pollutions qui proviennent de l’amont. Comme pour tous les cours d’eau, la nécessaire solidarité entre l’amont et l’aval implique que tout projet de restauration ou réhabilitation de l’estuaire ne puisse ignorer les différentes activités qui ont lieu en amont. L’estuaire n’est pas seulement un écosystème productif. C’est aussi un lieu de vie, riche en histoire. Les métiers du fleuve ont permis le développement économique. Des hommes ont modelé les paysages et bâti des lieux de mémoire. L’estuaire de la Seine fut, et demeure, un espace de détente et de loisirs. On aime se promener sur ses berges, on l’utilise pour des activités nautiques. Il a inspiré les impressionnistes. C’est cet équilibre entre les différentes fonctions de l’estuaire qu’il convient de maintenir.

Paris : une des plus grandes mégapoles d’Europe. 11


J.-P. Thorez / AREHN

Quelles sont les particularités de la Seine en Normandie ?

Méandres et activités industrialo-portuaires sont des particularités de la Seine. 12


O

J.-P. Thorez / AREHN

n a souvent retenu des leçons de géographie que, des cinq fleuves majeurs de France, la Seine était celui qui s’écoulait le plus nonchalamment, ce qui le rendait propice à la navigation. La formation de ses méandres était expliquée par la faible différence d’altitude qui existe entre l’amont et l’aval de son cours dans sa traversée du Bassin parisien. La réalité est plus complexe, mais il n’en demeure pas moins que c’est sa qualité de fleuve à méandres qui caractérise la Seine quand elle pénètre en Normandie. Les boucles qu’elle décrit ont profondément entamé le plateau crayeux au gré de leur divagation pendant les épisodes glaciaires qui ont affecté la Haute-Normandie durant les deux derniers millions d’années. Une autre des caractéristiques majeures de la partie normande de la Seine est d’être soumise à l’influence des marées jusqu’à l’amont de Rouen, donc loin à l’intérieur des terres. Et son eau commence à devenir salée à 80 km à l’aval de cette ville. Enfin, la Seine est devenue, avec le développement de la région parisienne, le support d’une activité industrialo-portuaire indispensable à l’économie du pays, avec des conséquences sur l’environnement naturel.

J. Chaïb / AREHN

Le Thuit, près des Andelys : les boucles ont entamé le plateau crayeux.

Le fleuve français qui s’écoule le plus nonchalamment (ici vers Connelles et Tournedos). 13


J. Chaïb / AREHN

Où commence et où finit l’estuaire de la Seine ?

La limite amont de l’estuaire : le barrage de Poses. 14


L

a Seine en Normandie n’est que la partie aval du cours d’un fleuve long de 777 kilomètres et se terminant par un estuaire (voir p. 18). L’estuaire de la Seine est délimité à l’aval par la Manche et à l’amont par le barrage de Poses (Eure), qui constitue un obstacle infranchissable pour les marées. Il est au débouché d’un bassin versant* de 79 000 km2 (14 % de la superficie nationale) où se concentrent 16 millions d’habitants (26 % de la population française). De ce fait, il est le réceptacle des pollutions issues de l’ensemble de son bassin versant, notamment la région parisienne. L’activité industrielle a également un impact sur la qualité des eaux. Mais d’importants programmes de traitement des eaux (dont la station d’épuration d’Achères) ont permis de limiter les apports en certains polluants.

Les caractéristiques géographiques actuelles de l’estuaire de la Seine sont issues d’une longue histoire géologique qui a débuté à la fin de l’ère tertiaire, il y a environ 3 millions d’années. La partie aval du cours du fleuve est maintenant une vallée à méandres encaissés creusés dans des terrains crayeux. Les rives concaves sont dominées par des falaises de craie, dont la base est couverte d’éboulis. Les rives convexes descendent en pente douce vers le fleuve et sont faites d’alluvions couvertes de cultures et de bois, et exploitées dans de vastes carrières. L’estuaire de la Seine comprend trois zones : • l’estuaire aval, de la baie de Seine à Honfleur (pk* 365) ; • l’estuaire moyen, de Honfleur jusqu’à Vieux-Port (pk 324) ; • l’estuaire amont, de Vieux-Port au barrage de Poses, à 160 km du Havre (pk 202). L’estuaire de la Seine est un estuaire « macrotidal » soumis à des marées de forte amplitude (8 mètres), dont l’influence se fait ressentir loin à l’intérieur des terres. La limite entre eau saumâtre et eau douce, variable, se situe aux environs de Vieux-Port. Dans sa dimension transversale, l’estuaire de la Seine inclut le lit majeur* du fleuve – comprenant notamment les zones humides –, les berges et, à l’aval, le littoral proche. Il est très aménagé et industrialisé. A partir de Rouen, la Seine est un chenal* unique et profond, endigué sur l’essentiel de sa longueur. La largeur du chenal est en moyenne de 120 mètres. Elle atteint 150 mètres dans certains méandres. Le fond du chenal n’est pas lisse, mais marqué de dépressions naturelles (fosses) et de hauts fonds qui font encore l’objet de dragages mécaniques pour faciliter l’accès aux navires de commerce. De berge à berge, la largeur de l’écoulement est en moyenne de 300 mètres, avec un minimum de 200 mètres pour certains rétrécissements comme à Heurteauville (pk 297) et un maximum de 500 mètres en aval. Administrativement, l’estuaire de la Seine dépend de la Région Haute-Normandie et de la Région Basse-Normandie. Il est à cheval sur trois départements : la Seine-Maritime, l’Eure et le Calvados.

A. Cuvilliez/FRE 3102 CNRS LOMC

L’estuaire aval : rampe du pont de Normandie, digue nord, vasières et, au loin, Port 2000 et la mer.

Suite p. 17 15


16


Suite de la p. 17

J.-P. Thorez / AREHN

Des villes et des industries se sont implantées à la confluence des affluents de l’estuaire : Rouen avec le Robec, Duclair avec l’Austreberthe, Caudebec-en-Caux avec la Sainte-Gertrude, etc. L’estuaire de la Seine irrigue deux grandes agglomérations – Le Havre (CODAH) et Rouen (CREA) – qui abritent également de grands ports maritimes. Rouen, ancienne capitale des ducs de Normandie, est construite sur les deux rives de la Seine. C’est un port fluvial et maritime depuis longtemps. Le port du Havre fut créé de toutes pièces par François 1er en 1517 à des fins militaires. Il devint rapidement un port commercial et connut un développement économique considérable au XIXe siècle avec les liaisons transatlantiques.

Références : Bulletin spécial Seine Aval, Estuaires nord-atlantiques : problèmes et perspectives, coordonné par J.-C. Dauvin, GIP Seine-Aval, 2006. Fascicule Seine-Aval 1.1, Seine-Aval : un estuaire et ses problèmes, coordonné par L. Guézennec, GIP Seine-Aval, 1999.

L’estuaire moyen : on voit le confluent de la Risle et de la Seine.

17


L

Qu’est-ce que…

e terme « estuaire » vient du latin aestus qui signifie « marée ». Un estuaire est l’embouchure d’un fleuve, souvent en forme d’entonnoir, située à l’interface entre la terre et la mer, entre les eaux continentales douces et les eaux marines salées. Sa limite amont est le point où l’influence de la marée ne se fait plus ressentir. Suivant la topographie, la marée peut remonter plus ou moins loin à l’intérieur des terres, souvent jusqu’à plusieurs dizaines de kilomètres. Les estuaires appelés « macrotidaux » sont soumis à des marées dont le marnage* est supérieur à 5 mètres en vive eau, comme c’est le cas pour l’estuaire de la Seine. Un estuaire comprend généralement trois zones : • un estuaire aval, appelé également estuaire marin ou bas estuaire, où la salinité est la plus importante ; • un estuaire moyen, sujet à d’importants mélanges entre eaux douces et eaux salées (gradient de salinité) et dans lequel va se former le bouchon vaseux ; • un estuaire amont, appelé estuaire fluvial ou haut estuaire, caractérisé par de l’eau douce mais dans lequel l’action de la marée se fait encore sentir. Les limites entre ces trois secteurs sont fluctuantes en fonction des variations du débit fluvial ou de l’importance des marées. Dans de nombreux cas, il est difficile de fixer des limites géographiques strictes aux estuaires. L’étendue des différents secteurs dépend à la fois du cadre géomorphologique, ainsi que du rapport entre le débit du fleuve et l’amplitude des marées. Les estuaires ont toujours été des territoires investis par l’Homme, car il y trouve des ressources pour de multiples activités : pêche, chasse, transport fluvial et maritime, développement portuaire, urbain, industriel ou routier, agriculture… Beaucoup de grands estuaires européens ont été fortement aménagés au cours des dernières décennies pour améliorer la navigation et, par l’expansion des ports, pour faire face à l’accroissement des échanges commerciaux. L’anthropisation* des estuaires s’est faite le plus souvent au détriment des habitats naturels estuariens et de la qualité de l’eau. De nombreux estuaires sont confrontés à des problèmes

C. Dégremont/GIP Seine-Aval

L’estuaire

Un estuaire anthropisé : roselières exploitées pour le chaume et, à l’horizon, industries et carrières. 18


C. Dégremont/GIP Seine-Aval

environnementaux : modifications de leur morphologie, déficit en oxygène dissous, contamination des eaux, déclin – voire disparition – d’espèces animales et végétales… L’évolution naturelle d’un estuaire tend à son comblement : la terre gagne de la surface par rapport à l’eau. Elle est liée aux phénomènes hydrodynamiques et sédimentaires. L’anthropisation* l’accélère.

Références : Bulletin spécial Seine-Aval, Estuaires nord-atlantiques : problèmes et perspectives, coordonné par J.-C. Dauvin, GIP Seine-Aval, 2006. Fascicule Seine-Aval 1.1, Seine-Aval : un estuaire et ses problèmes, coordonné par L. Guézennec, GIP Seine-Aval, 1999.

Dans un estuaire « macrotidal », le marnage* atteint plusieurs mètres.

19


20

O

Carte ancienne du pays de Caux : on y voit bien l’embouchure de la Seine.

DR

L’estuaire de la Seine à marée basse, à Poses : nous sommes à 150 km de la mer.

J. Chaïb / AREHN

Y a-t-il une différence entre l’estuaire et l’embouchure de la Seine ?

ui ! Mais il y a souvent une confusion entre les deux. Lorsque l’on parle de l’estuaire de la Seine, on se représente la plupart du temps la partie évasée du fleuve qui coule en aval de Tancarville ou, plus anciennement, du cap de Quillebeuf. Nous avons en tête le dessin de l’estuaire opposé à celui du delta, souvenir de l’école primaire. En réalité, cette partie ne correspond qu’à l’embouchure du fleuve, ou « estuaire aval », dénominations rarement employées. Cette confusion peut s’expliquer. Un estuaire est un lieu de rencontre entre des eaux douces fluviales et des eaux salées marines. On conçoit difficilement que ce mélange se fasse loin de la mer. Et pourtant c’est le cas jusqu’aux portes de Villequier, cité qui n’a a priori rien de maritime. L’estuaire est aussi typiquement un espace où sont brassés des sédiments fins qui forment les dépôts vaseux. On a du mal à admettre qu’avec le remblaiement flandrien (voir page 36) on retrouve la trace de ces dépôts jusqu’à Poses, à 150 km de la mer ! L’observation régulière, dans le passé, de phoques, de marsouins ou même de baleines dans la Seine confirme que les influences marines pénètrent loin vers l’amont. Malgré tout, on parlera encore longtemps des difficultés de navigation « dans l’estuaire », de la pêche qu’on pratiquait « dans l’estuaire », de la réserve naturelle « de l’estuaire » en se représentant l’embouchure de la Seine… comme dans les anciens livres de géographie !


Il y a très longtemps, la Seine…

Le Saint-Laurent actuel.

douaireg/flickr.com

Qui imaginerait que la Seine ait pu ressembler à l’Ardèche, au Saint-Laurent et même au Nil ? Ce fut pourtant le cas à différentes époques d’un lointain passé géologique.


L

Depuis quand la Seine existe-t-elle ?

a Seine est née à la fin de l’ère tertiaire, au pliocène, il y a environ trois millions d’années. Ceci en fait un fleuve très jeune comparativement au plus vieux fleuve de la planète qu’est le Saint-Laurent, au Canada, avec son 1,7 milliard d’années. Le fleuve qui coulait alors à cet endroit n’avait évidemment pas encore de nom, mais surtout il n’avait rien de commun avec celui que nous connaissons aujourd’hui. Au pliocène, la Seine coulait dans un contexte subtropical qui le ferait comparer à un fleuve soudanien actuel. Des palmiers dont on a retrouvé les restes en forêt de La Londe poussaient au sein de la large vallée que dessinait la Seine d’alors. Avec le refroidissement graduel du climat, d’autres végétations caractérisées par des espèces qui ne poussent plus aujourd’hui qu’en Amérique du Nord – le séquoia, le liquidambar… – ont remplacé la flore tropicale.

Fleuve soudanien. 22

wlcutler/flickr.com

photlook/Fotolia.com

Feuilles et fruits de liquidambar.


P

Quel était le régime hydrologique de la Seine jadis ?

endant les périodes interglaciaires, la Seine connaissait probablement un régime hydrologique assez semblable à celui que nous connaissons aujourd’hui. On peut imaginer qu’elle subissait des crues régulières et spectaculaires, comme celle de 1910 (voir page 54). Pendant les épisodes glaciaires, c’est très différent. La Seine est la plupart du temps figée par les glaces. A d’autres moments, son débit grossit considérablement avec l’apport des eaux de fonte des neiges, qui ruissellent dans des bassins versants dénudés. On estime que ce débit est alors quarante fois supérieur à l’actuel, soit environ 18 000 mètres cubes par seconde. Pour comparaison, lors de la crue de 1910, le chiffre était de « seulement » 2 700 m3/s. Le fleuve acquiert ainsi un fort pouvoir érosif, qui va contribuer à la modification morphologique de sa vallée, et au transport, puis au dépôt, de centaines de millions de tonnes d’alluvions à base de sables et graviers.

23

Shiny Things/flickr.com

On peut imaginer que la Seine subissait des crues régulières et spectaculaires, comme celle de 1910.

Archives J. Chaïb

Le débit grossissait avec la fonte des neiges (comme ici la rivière Lewis, aux USA).


N

La Seine a-t-elle toujours coulé à l’emplacement actuel ?

24

Blocs de grès extraits de carrières proches des Andelys.

J.-P. Thorez/Arehn

gburba/Fotolia.com

La Seine ressemble alors à un fleuve de l’Alaska.

on, à l’origine, la Seine prenait sa source au mont Gerbier de Jonc et ne formait donc, avec la partie amont du cours de la Loire, qu’un seul et unique fleuve. Le cours ancien de la Seine suivait en fait le trajet d’une des plus importantes et anciennes failles de France, reliant le Morvan et le centre de la Manche. L’individualisation de deux fleuves distincts ne s’est réalisée qu’à une époque géologique relativement récente du fait de mouvements tectoniques* qui ont soulevé le seuil de la vallée du Loing. On situe cet épisode il y a environ 70 000 ans. L’ancien cours de la Seine a pu être déterminé grâce à la découverte de fragments de roches qui ont été transportés par le fleuve jusqu’en Normandie. On trouve, par exemple, dans les sables des cristaux d’augite, minéral originaire du nord du Massif central. On extrait régulièrement des carrières d’alluvions de la basse vallée de la Seine des blocs de grès provenant de la région de Fontainebleau et transportés par la Seine… sur des radeaux de glace. Au pliocène, donc, suivant le trajet de la faille indiqué précédemment, la Seine coulait à partir de Villequier dans l’actuel pays de Caux, jusqu’à Fécamp. Son cours passait au sud de Rouen au niveau de l’actuelle forêt de La Londe. Sur une vaste pénéplaine* argileuse, située à faible altitude, la Seine s’étalait en de multiples bras. Elle a marqué son passage en laissant des dépôts de sables. Il s’agit de roches à très gros cristaux de quartz (« gros sel ») baptisées par les géologues « sables de Lozère », du


nom de la commune de l’Essonne, et formant ici et là des poches sur les plateaux actuels du Bassin parisien. Le cours de la Seine a subi de profondes modifications avec le changement climatique qui a marqué le passage de l’ère tertiaire à l’ère quaternaire. Il y a environ 1,8 million d’années, la planète entre dans sa première ère glaciaire et en subira quatre au total. Ces glaciations, entrecoupées de périodes interglaciaires plus chaudes, auront occupé 80 % de la période quaternaire. Il va sans dire que nous connaissons actuellement une de ces périodes au climat privilégié. Pendant les épisodes glaciaires, l’hémisphère nord est recouvert par des calottes glaciaires (inlandsis) épaisses de 3 000 mètres ! Les mers sont recouvertes par la banquise… lorsqu’elles ne sont pas

Le cours ancien de la Seine (en rouge) suivait le trajet d’une faille reliant le Morvan et le centre de la Manche.

Dernière glaciation (– 100 000 à – 12 000) : — en blanc : calottes glaciaires ; — en bleu : océans ; — en jaune : terres émergées ; — flèches bleues : cours d’eau ; — en noir : cartographie actuelle.

Dessins AREHN

Rhône-Alpes Tourisme/flickr.com

La « pré-Seine » prenait sa source au mont Gerbier de Jonc, se confondant avec la Loire !

asséchées, ce qui est le cas de la Manche. En effet, l’immobilisation de l’eau dans les calottes glaciaires fait descendre le niveau marin d’environ 120 mètres. La Seine est alors la composante principale du fleuve « Manche » qui coule au centre de la mer actuelle, pour se jeter en mer d’Iroise, au large du Finistère. L’état de la Normandie est alors difficilement imaginable. Au plus fort des glaciations, la glace recouvre les actuels Pays-Bas et atteint le sud de l’Angleterre. Il règne une température moyenne annuelle de – 5 °C. Le sol est gelé en permanence (permafrost). La Seine ressemble alors à un fleuve de l’Alaska, gelé pendant dix mois de l’année, et soumis à une brutale débâcle pendant deux courts mois estivaux. Il en résulte un remodelage permanent des méandres.

25


J. Chaïb / AREHN

Pourquoi la Seine décrit-elle des méandres ?

Encore aujourd’hui, le méandre est caractérisé par une importante dissymétrie. 26


L

des falaises « mortes » et des talus d’éboulis. Le fleuve actuel n’est plus en mesure de déblayer ceux-ci, ni de rajeunir les falaises. Sur la partie convexe, à l’intérieur des boucles, le relief est marqué par une élévation graduelle, du niveau de la Seine jusqu’aux plateaux environnants. Cela correspond à des dépôts d’alluvions successifs.

douaireg/flickr.com

a présence de méandres est en partie due à la faible dénivellation du fleuve sur environ 200 kilomètres. Mais il y a d’autres raisons… A la fin de l’ère tertiaire, la Seine forme par endroit de petites boucles resserrées qui s’enfoncent progressivement au fur et à mesure que la région se soulève. C’est un contrecoup du plissement alpin, qui est en train de se produire, associé au relèvement des marges du Bassin parisien. Ces petits méandres auraient abouti à la formation d’un canyon ressemblant fort aux gorges de l’Ardèche si les glaciations n’étaient pas venues bousculer ce processus. A chaque débâcle estivale, la Seine acquiert une puissance érosive exceptionnelle. Son débit augmente considérablement, la vitesse de son courant s’accélère, notamment dans la partie concave des méandres. Le fleuve charrie d’énormes blocs de glace et des roches arrachées en amont. Il rabote littéralement ses rives pour former des falaises abruptes, qui s’effondrent lorsqu’il gèle et dont les éboulis sont déblayés à la débâcle suivante. Le processus érosif recoupe dans leur partie la plus étroite les petits méandres de l’ère tertiaire. Glaciation après glaciation, ils s’élargissent et se déplacent. Chaque méandre est caractérisé par une importante dissymétrie. La partie concave, régulièrement entaillée, présente généralement

Dessins J. Chaïb/AREHN

Comme le Saint-Laurent aujourd’hui, la Seine charriait d’énormes blocs de glace.

La partie concave présente généralement des falaises « mortes » et des talus d’éboulis (à g.). Durant les glaciations, elle était rabotée lors des débâcles estivales (à dr.).

27


28

PetrS/flickr.com

A la fin de l’ère tertiaire, la Seine forme de petits méandres, comme actuellement l’Ardèche.


J.-P. Thorez / AREHN

Un méandre : la boucle de Jumièges.

29


U

Qu’est-ce que…

n méandre fossile est un ancien méandre de la Seine, abandonné par le fleuve, dont on peut voir la trace dans le paysage actuel. Après leur recoupement (voir p. 27), le soulèvement de la région – environ 150 mètres sur 1,8 million d’années – a isolé les anciens méandres du cours actif de la Seine. Celle-ci n’y a plus jamais circulé. L’ancien emplacement du méandre de Duclair-Saint-Paër, disparu il y a un million d’années, passait au niveau de la partie haute de la commune de Duclair. L’ancien méandre d’Igoville-Les Authieux, recoupé aussi, il y a un million d’années, est bien visible au niveau de la plaine d’Ymare, où il forme une dépression sur le plateau. Les deux bases de ce méandre ont déterminé le tracé de la route qui monte sur le plateau au niveau des Authieux et d’Igoville. L’autre élément de ce méandre fossile se situe au niveau de Freneuse et a permis le passage de l’autoroute A13 avec une moindre déclivité. Une configuration voisine se retrouve à Daubeuf-près-Vatteville, près des Andelys. Le coteau de l’ancien méandre est très perceptible. La présence d’un méandre abandonné dans la boucle de Brotonne explique aussi la subite descente et la remontée de la route en direction de Pont-Audemer, dans la forêt.

J.-P. Thorez / AREHN

Les méandres fossiles

Daubeuf-près-Vatteville (Eure) : le coteau (actuellement boisé) de l’ancien méandre est perceptible.

Le méandre fossile le plus spectaculaire est celui du marais Vernier. 30


Il y a également deux branches bien visibles à La Mailleraye-surSeine, endroit où le méandre a été recoupé, il y a 500 000 ans. Le méandre fossile le plus spectaculaire et le plus récent est celui du marais Vernier. Il est caractérisé par la présence d’un étang naturel – la Grand Mare – et de tourbières, occupées par les « courtils » (parcelles découpées en lanières). D’autres anciens méandres sont visibles en aval, au niveau de l’embouchure de la Seine, par les formes qu’ils ont imprimées dans les falaises. On parle, enfin, de vallée fossile à propos de la basse vallée de l’Austreberthe. Elle résulte de la capture de cet affluent par la Seine au niveau de Duclair avec l’élargissement de la boucle d’Anneville lors de la dernière glaciation. Auparavant, l’Austreberthe se jetait dans la Seine au niveau de Yainville. Le cours de la Seine se modifiera encore à l’avenir. En effet, une nouvelle glaciation pourrait débuter dans 40 000 ans environ. La reprise de l’érosion pourrait conduire alors à la création d’un recoupement (« raccourci ») par le fleuve entre Duclair et Yainville, ainsi qu’entre Orival et La Bouille. La boucle de Rouen ne serait plus alors qu’un méandre fossile !

Dessins J. Chaïb/AREHN

J. Chaïb / AREHN

Naissance du méandre fossile des Authieux, près de Rouen

L’autoroute A13 au sud de Tourville-la-Rivière : le tracé emprunte l’une des branches du méandre fossile des Authieux. 31

Il y a 2 millions d’années Le Robec se jette encore dans le Cailly (en haut, au niveau actuel de Rouen), et la Seine forme une boucle au niveau de la future localité des Authieux.

Il y a 1 million d’années La boucle est recoupée au niveau actuel d’Igoville. La Seine abandonne l’ancien cours, qui devient un méandre fossile.

Il y a 400 000 ans Le méandre de Rouen a progressé vers le nord et l’est. Le Robec et le Cailly sont séparés.

Il y a 20 000 ans Le méandre fossile d’Igoville est entamé au niveau actuel des Authieux.


J.-P. Thorez / AREHN

Comment se sont déposées les alluvions de la Seine ?

Argile et tourbe à Anneville. 32


L

J.-P. Thorez / AREHN

J.-P. Thorez / AREHN

a capacité de transport des alluvions par un torrent, une rivière ou un fleuve est proportionnelle à la vitesse du courant. Lorsque la vitesse du courant est rapide, les éléments les plus grossiers – blocs de roches – peuvent être entraînés. Quand le courant se ralentit, seuls les éléments les plus fins – sables, sablons, limons, argiles – peuvent être transportés. Entre ces deux extrêmes, on trouve tout une gamme de cailloux et graviers, plus ou moins arrondis par le transport. On dit qu’ils ont été roulés. Si la Seine, actuellement, charrie des matériaux fins et déplace quelques éléments plus grossiers, c’est pendant les glaciations que les dépôts alluvionnaires ont été les plus conséquents. Dans les terrasses d’alluvions, l’existence de blocs de roches de plusieurs tonnes — des grès originaires de la région de Fontainebleau — ne peut s’expliquer que par leur transport sur des radeaux de glace lors des débâcles. Sur la face concave des méandres, la Seine creuse et charrie alors d’énormes masses de déblais. Les rognons de silex, issus de la craie ou de la couverture argileuse des plateaux, les poches de sables tertiaires, les grès, alimentent les alluvions. Sur la face convexe des méandres, le courant est plus lent. Les rives en pente douce provoquent un frottement qui ralentit encore plus l’eau. Les obstacles, les reliefs dans le lit du fleuve sont également à l’origine de modifications des courants. Iles et îlots se forment, grossissent, disparaissent, se déplacent, induisant la formation de multiples bras où la circulation de l’eau est plus ou moins rapide. Dans ces circonstances se déposent des cailloutis, des graviers, des sables, des argiles, de la matière organique* (tourbe) en couches successives. Un peu comme les pages de l’histoire du fleuve.

Ce bloc de grès originaire de la région de Fontainebleau a été extrait des alluvions à Poses.

Sable et cailloux apparaissent dans une carrière creusée dans une terrasse d’alluvions. 33


L

Panorama

es découvertes paléontologiques* qui ont été réalisées dans les alluvions de la Seine à la faveur des extractions de granulats alluvionnaires ou d’argile permettent de recomposer les environnements successifs de la vallée. Ce qui réserve bien des surprises… Ainsi, les argiles pliocènes* de la forêt de La Londe (étangs de la Terre à pots) ont livré les restes d’une flore subtropicale à base de palmiers et, dans des étages géologiques plus récents, de copalme d’Amérique, de séquoias… Ces essences ont disparu avec les glaciations, leur repli vers le sud ayant été bloqué par les chaînes alpine et pyrénéenne et la Méditerranée. La faune vivant à proximité du fleuve de type soudanien qu’était alors la Seine était composée d’éléphants, de rhinocéros, de lions, de hyènes… Avec les glaciations, elle a régressé, mais elle a pu se réimplanter dans la région à chaque épisode interglaciaire, jusqu’à l’interglaciation Riss-Würm (voir page 36).

F. Chéhu/AREHN

K. Jähne/Fotolia.com

Faune et flore de la Seine préhistorique

Séquoias en Amérique du Nord.

Renne : une faune de steppe froide fréquente alors la région. 34


Pendant les glaciations, l’environnement de la Seine change radicalement. Une végétation de toundra se développe sur des plateaux balayés par des vents glacés. Sur les versants les mieux exposés, quelques conifères peuvent subsister. Une faune de steppe froide caractérise alors la région : mammouths, rhinocéros laineux, ours, grand lion des cavernes, marmotte, renne, aurochs, bison… Les nombreux restes de mammouths exhumés à Tourville-la-Rivière constituent un témoignage exceptionnel, mais hélas méconnu, des mammifères terrestres les plus gros ayant jamais existé. La faune qui fréquente les abords de la Seine après la dernière glaciation, il y a environ 12 000 ans, réserve encore des surprises : elle compte encore dans ses rangs le cheval sauvage, le castor, l’aurochs, la loutre, espèces qui finiront par s’éteindre au cours de l’histoire. Référence :

DR

bourgeoiscosta/flickr.com

Etude paléontologique du gisement pléistocène moyen de Tourville-la-Rivière (Seine-Maritime, France), J.-C. Descombes, 1983, vol. 20, n° 20-4, pp. 161-169.

Un document historique : exhumation d’un crâne de mammouth à Tourville-la-Rivière par le paléontologue Gérard Carpentier.

Pendant les glaciations, quelques conifères peuvent subsister (comme ici, sur les flancs du mont Ventoux). 35


L

Il est parfois question des « terrasses » de la vallée de la Seine…

es différents dépôts d’alluvions de la Seine se situent pour certains au-dessus du niveau actuel du fleuve, et présentent l’aspect de vastes terrasses se succédant un peu comme les marches d’un gigantesque escalier. La cause de cet étagement tient au soulèvement du sous-sol de la région. Les dépôts les plus anciens, les plus éloignés de la Seine, les plus élevés car situés à l’altitude des plateaux, correspondent à l’épisode de la première glaciation, dite « de Günz ». Les alluvions les plus récentes, proches de la Seine, baignées par l’eau de la nappe alluviale, ont été déposées lors de la dernière glaciation (Würm). Entre les deux, existe une moyenne terrasse (glaciation de Riss). Les alluvions actuelles sont d’origine mixte, à la fois fluviatile et marine. Elles correspondent à la remontée du niveau marin qui se produit depuis la dernière glaciation, il y a 12 000 ans. On parle de « remblaiement flandrien », du nom de l’étage géologique correspondant à la période en question. Les différences d’altitude entre les terrasses s’expliquent par l’existence d’épisodes interglaciaires pendant lesquels les dépôts se sont interrompus, alors que la région continuait de se soulever. Leur situation par rapport au fleuve actuel est liée au déplacement progressif des méandres au cours des différents épisodes glaciaires.

J.-P. Thorez / AREHN

Terrasses de la Seine à Muids (Eure) : le tracé de l’ancienne voie de chemin de fer, bien visible, suit les courbes de niveau.

Terrasses de la Seine à Muids (Eure) : les alluvions les plus récentes sont baignées par la nappe alluviale (visible au niveau de la carrière). 36


Le bassin de la Seine

Confluent de la Seine et de la Risle.

J.-P. Thorez / AREHN

La Seine et ses nombreux affluents forment une unité géographique.


S

Quels climats règnent le long de la Seine ?

ituée en Europe occidentale, la Seine est soumise à un régime climatique de type atlantique tempéré. Mais à l’échelle de son bassin versant*, les influences climatiques sont plus hétérogènes. Son cours amont subit des influences climatiques continentales et même presque montagnardes. Avec la traversée du centre du bassin parisien s’ajoutent aux influences continentales des « remontées » méditerranéennes et atlantiques caractérisées par une plus faible pluviométrie et une température moyenne plus élevée. C’est perceptible jusqu’en amont de Rouen. Seule la partie de la vallée de la Seine située à l’aval de Rouen est franchement ouverte aux influences maritimes, avec des nuances locales liées notamment aux reliefs des méandres et à l’exposition.

Latitude Lambert 2 étendu (hm)

25500

25000

Météo France

24500

5000

4500

5500

J.-P. Thorez / AREHN

Longitude Lambert 2 étendu (hm)

La baie de Seine à Sainte-Adresse : la partie aval de la vallée est franchement ouverte aux influences maritimes. 38

4

5

6

7

8

9

10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20

Température moyenne annuelle (1971-2000). Les valeurs les plus élevées se localisent le long de l’axe Seine.


O

La vallée de la Seine a-t-elle un climat différent de celui des plateaux environnants ?

ui, le climat de la vallée est différent de celui des plateaux environnants. Comme elle est en situation d’abri grâce à ses coteaux, sa pluviométrie y est moins élevée que sur les hauteurs avoisinantes, qui prennent de plein fouet les nuages arrivant de la Manche. La température y est plus élevée (jusqu’à 3°C de plus en moyenne annuelle) ce qui explique que la flore et la faune soient très spécifiques, avec des affinités méridionales. Certains sites sont particulièrement favorables aux cultures délicates que sont les arbres fruitiers à noyau ou la vigne. En revanche, les gelées peuvent être sévères, l’air froid ayant tendance à stagner dans les dépressions. Une autre particularité est liée à la présence de l’eau (fleuve, zones humides, étangs de carrières) : l’évaporation intense favorise la formation de nuées orageuses et de brouillards. Jadis, le climat des plateaux était réputé plus « sain » que celui de la vallée.

J.-P. Thorez / AREHN

Les Andelys : olivier, abricotier et autres fruitiers au pied des coteaux.

L’évaporation intense favorise la formation de brouillards (ici aux Andelys). 39


L

Où la Seine prend-elle sa source ?

a Seine prend sa source à 446 mètres d’altitude sur le plateau de Langres, dans la commune de Source-Seine (Côte-d’Or). Son bassin versant de 78 650 km2 héberge près de 30 % des habitants du pays. Son cours est de 777 kilomètres et arrose le Bassin parisien. Les principaux affluents de la Seine, hormis ceux qui coulent en Normandie, sont :

txanne/flickr.com

Sur la rive droite : L’Ource – 100 km La Barse – 50 km L’Aube – 248 km La Noxe – 34 km La Voulzie – 44 km L’Yerres – 93,5 km La Marne – 525 km L’Oise – 302 km

Sur le plateau de Langres, dans la commune de Source-Seine (Côte-d’Or). 40

Sur la rive gauche : L’Yonne – 293 km Le Loing – 166 km L’Essonne – 90 km L’Orge – 50 km La Bièvre – 35 km


L

Pourquoi la Seine s’appelle-t-elle « la Seine » ?

41

txanne/flickr.com

dalbera/flicker.com

L’Yonne à Sens. La Seine aurait dû s’appeler « l’Yonne ».

es origines du nom de la Seine sont controversées. Le mot dérive du latin Sequana, lui-même emprunté aux tribus gauloises autochtones. Ce nom, dû à Jules César, serait une transcription de Sicauna, proche d’Icauna ou Icaonna, qui désigne l’Yonne. Le débat a longtemps duré de savoir laquelle des deux rivières était la plus importante, pour donner son nom à l’ensemble du fleuve. En effet, l’Yonne possède un bassin versant et un débit supérieurs à ceux de la Seine. Donc, la Seine aurait dû s’appeler « l’Yonne » ! Il semblerait, comme souvent pour les noms de cours d’eau, que le nom de Sicauna ait des racines préceltiques, indo-européennes. Il pourrait désigner, dans une langue perdue, tout simplement « l’eau ». Comme beaucoup de sources, celle de la Seine a été divinisée. Un temple gallo-romain et de nombreuses trouvailles conservées au musée archéologique de Dijon attestent d’un culte votif rendu à Dea Sequana (« la déesse Seine »). Aujourd’hui, une statue de nymphe datant du XIXe siècle, placée dans une fausse grotte, marque l’emplacement de la source.

Une statue de nymphe marque l’emplacement de la source.


Quels sont les affluents normands de la Seine ?

La Rançon : un confluent très artificiel au niveau de Saint-Wandrille. 42

J. Chaïb / AREHN

Confluent de l’Eure et de la Seine à Pont-de-l’Arche.

Sur sa rive droite : L’Epte et son affluent le Rouloir, confluence à Giverny – 100 km Le Gambon, confluence aux Andelys – 7 km L’Andelle, confluence à Pîtres – 54 km Le Becquet, confluence à Belbeuf-Saint-Adrien – 1,5 km Le Robec et son affluent l’Aubette, confluence à Rouen – 10 km Le Cailly et son affluent la Clérette, confluence à Rouen – 29 km L’Austreberthe, confluence à Duclair – 18 km La Rançon et son affluent la Fontenelle, confluence à SaintWandrille – 4 km La Sainte-Gertrude, confluence à Caudebec-en-Caux – 4 km Le Saffimbec, affluent de l’Austreberthe – 3 km Le Commerce ou rivière de Bolbec, confluence à Notre-Dame-deGravenchon – 15,5 km Le Rogerval, confluence à Rogerville – 1,7 km La Lézarde et son affluent le Brèvedent, confluence à Harfleur – 15,5 km. Sur sa rive gauche : L’Eure et ses affluents l’Avre et l’Iton, confluence à Pont-de-l’Arche – 225 km L’Oison, confluence à Saint-Pierre-lès-Elbeuf – 16 km La Risle (et ses affluents la Charentonne, le Guiel, la Corbie et la Véronne), confluence à Saint-Samson-de-la-Roque – 140 km. Voir les cartes en p. 11 et en p. 3 de couverture.


Courants et marées

La Seine à Aizier.

J.-P. Thorez / AREHN

Le mascaret de l’estuaire de la Seine a longtemps fasciné les foules… avant de disparaître. Pourtant, même domestiqué, le fleuve reste soumis à d’impressionnants mouvements d’eau et des inondations catastrophiques.


L

C. Dégremont/GIP Seine-Aval

D’où provient l’eau douce dans l’estuaire de la Seine ?

Barrage de Poses : le débit moyen est de 435 m3 par seconde. 44

a Seine prend sa source sur le plateau de Langres, c’est bien connu. Mais son débit s’accroît progressivement vers l’aval. D’où proviennent ces eaux douces ? Des pluies ? Du ruissellement ? Des affluents ? Des nappes phréatiques ? Des rejets industriels et urbains ? L’eau douce provient d’abord de la pluie. La pluviométrie* du bassin de la Seine est caractérisée par un apport constant d’humidité par les vents d’ouest venant de l’Atlantique (climat océanique). Les pluies sont bien réparties sur l’année, sans saison sèche marquée. De mars à septembre, toutefois, il tombe moins d’eau que le soleil et la végétation n’en évaporent, ce qui fait que les sols s’assèchent et que le niveau des nappes souterraines tend à baisser. Les pluies sont plus abondantes sur la région côtière (800 à 1 100 mm/an en Normandie) ainsi que sur les reliefs sud-est du bassin (de 800 à 1 300 mm/an sur le Morvan). Le centre du bassin est moins arrosé (550 à 850 mm/an). La pluviométrie moyenne annuelle dans le bassin de la Seine est de 745 mm (entre 1970 et 2004) et peut être fortement contrastée : 620 mm/an dans la Beauce contre 1 100 mm/an dans le Morvan. Pour l’instant, il n’existe pas de tendance significative dans l’évolution de ces chiffres de précipitations. Au barrage de Poses, qui marque la limite amont de l’estuaire de la Seine, les valeurs du débit moyen oscillent, depuis 1941, autour de 435 m3/s. Les valeurs sont plus élevées (autour de 520 m3/s) si l’on considère seulement les dix dernières années. Sur la période étudiée, le débit moyen annuel le plus élevé a été observée en 2001 avec 903 m3/s. Le plus faible a été de 195 m3/s, en 1949. Les débits minimaux à Poses sont généralement observés d’août à octobre, et les débits maximaux entre janvier et mars. En 2007, les apports amont en eaux douces représentaient plus de 15 milliards de m3 par an. Les apports sont multiples, et la part de chacun varie dans le temps. Les affluents et les nappes souterraines sont prépondérants en période d’étiage. Les apports provenant de l’amont de l’estuaire – donc l’eau passant au niveau de Poses – vont constituer l’essentiel des apports en période normale et en période de crue.


Références :

Ducharne A., Théry S., Viennot P., Ledoux E., Gomez E., Michel Déqué M., 2003. Influence du changement climatique sur l’hydrologie de la Seine. VertigO, vol 4, No 3, 13 p. http://www.vertigo.uqam.ca/vol4no3/art3vol4no3/ angnes_ducharne.pdf Direction régionale de l’environnement HauteNormandie, 2004. Caractéristiques hydrologiques des principaux bassins versants régionaux. [en ligne] http://www.haute-normandie.ecologie.gouv.fr/ Annuaire/Carachydro.htm PIREN-Seine, 2009. Hydrogéologie du bassin de la Seine. Fascicule n°2. Météo France

Les apports à l’intérieur même de l’estuaire sont importants en période d’étiage, où ils représentent jusqu’à 30 % des débits mesurés au niveau du barrage de Poses (contre 12 % en période de crue). Ils sont le fait de petits affluents comme l’Andelle, la Risle et, surtout, l’Eure. Sur la dernière décennie, la part de ces affluents dans le débit total de l’estuaire de la Seine est proche de 10 %. Les affluents de plus faible débit, situés majoritairement en rive droite, offrent néanmoins de plus fortes pentes, ce qui favorise des écoulements de type torrentiel lors d’épisodes orageux. Les apports souterrains peuvent représenter jusqu’à 25 % du flux annuel de la Seine, notamment dans la zone comprise entre Elbeuf et le confluent de la Risle.

Fiche Seine-Aval, Contextes climatique, morphologique et hydro-sédimentaire : apports en eau douce à l’estuaire de la Seine, GIP Seine-Aval, 2008.

Précipitations en Haute-Normandie et dans les régions limitrophes. 45


Marée basse au niveau du pont de Normandie.

C. Dégremont/GIP Seine-Aval

Est-il vrai que la Seine est soumise aux marées ?

46

O

ui. Lorsque l’on se promène au bord de la Seine à l’aval du barrage de Poses, on observe facilement deux phénomènes qui témoignent de l’existence de marées : - le niveau des eaux monte et descend deux fois par jour ; - cette variation de niveau s’accompagne d’un changement dans le sens d’écoulement des eaux. Comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents, cette partie du cours de la Seine est un estuaire. Or, un estuaire se définit comme la partie aval d’un fleuve soumise à la marée. Les marées sont la manifestation sur la surface des océans des forces générées par la Lune et le Soleil sur la Terre. Ainsi, la surface des océans est soumise à une attraction dont la puissance oscille en fonction de la position relative de ces trois astres et qui génère une onde parcourant les océans. Lors de sa propagation, cette onde va être influencée par le fond des océans et, en fonction de leur nature, changer de forme. C’est pourquoi les marées ne sont pas partout identiques. Dans nos régions du nord de l’Europe, les marées sont de type semi-diurne, c’est-à-dire qu’elles effectuent un cycle entier en un peu plus de 12 heures. Il y a donc deux pleines mers et deux basses mers par jour. Au Havre, la marée est principalement caractérisée par sa « tenue du plein » ou étale de pleine mer (temps pendant lequel la mer est à son plus haut niveau) qui dure plus de deux heures, et un flot (marée montante) plus rapide que le jusant (marée descendante). En fonction de la position relative de la Terre, de la Lune et du Soleil, les marées vont être plus ou moins importantes. Quand les trois astres sont alignés, l’amplitude de marée est maximale (ce sont les vives eaux ou grandes marées, avec les forts coefficients de marée). Au contraire, quand la Lune, la Terre et le Soleil forment un angle droit, la marée est alors dans un cycle de mortes eaux où l’amplitude est la plus faible (faibles coefficients de marée). Cette oscillation du plan d’eau autour d’un niveau moyen génère d’importants courants dans l’estuaire. Lors du flot, les courants sont dirigés vers l’amont, alors que durant le jusant ils sont dirigés vers l’aval. Néanmoins, le niveau moyen décroit de l’amont vers l’aval pour permettre aux eaux fluviales de se jeter dans la mer.


J.-P. Thorez / AREHN

La morphologie des fonds de l’estuaire de la Seine joue sur la propagation vers l’amont. L’onde de marée voit son amplitude, ou marnage, diminuer. A l’embouchure de l’estuaire, le marnage est d’environ 8 m en vives eaux contre 3 m 50 en mortes eaux ; à Rouen, il n’est plus que de 3 m, et à Poses de 1 mètre seulement. D’autre part, la marée met 6 heures pour se propager de l’embouchure de la Seine jusqu’à Rouen. Ainsi, lorsque la marée est basse à Honfleur, elle est haute à Rouen et inversement. Au-delà du phénomène de marée, les niveaux d’eau en Seine peuvent également être influencés par les apports en eau douce : le niveau d’eau est plus élevé en période de crue, et inversement en étiage. Les conditions atmosphériques jouent aussi : un fort vent d’ouest et une faible pression atmosphériques peuvent générer une élévation du niveau des eaux.

Marée basse à Oissel, zone industrielle de la Poudrerie.

Références :

Fascicule Seine-Aval 2.3, Evolution morphologique d’un estuaire anthropisé de 1800 à nos jours, coordonné par V. Foussard, GIP Seine-Aval, 2010. Fascicule Seine-Aval 1.2, Courants, vagues et marées, coordonné par P. Le Hir, GIP Seine-Aval, 2001. Fascicule Seine-Aval 1.1, Seine-Aval : un estuaire et ses problèmes, coordonné par L. Guézennec, GIP Seine-Aval, 1999.

47


U

Qu’est-ce que…

ne échelle d’eau est une installation qui permet de mesurer la hauteur d’eau par rapport à une cote de référence exprimée en général par rapport à un nivellement (CMH*, NGF*…). Cette échelle permet donc de mesurer à la fois l’élévation d’un débit de crue, la baisse du niveau d’eau consécutive à un étiage, ou tout simplement l’évolution du niveau d’eau liée aux marées. Cette observation permet d’agir sur différents ouvrages de régulation – réservoirs, barrages – pour écrêter les crues ou, au contraire, soutenir un débit d’étiage. Plusieurs échelles d’eau sont réparties le long du cours de la Seine et permettent d’avoir éventuellement une action préventive. Lors de la crue de 1910, l’observation de l’échelle d’eau de Mantes permettait de connaître ce qui allait se passer à Rouen deux jours plus tard, un débit de crue se propageant comme une onde sur le fleuve.

Archives J. Chaïb

J. Chaïb / AREHN

L’échelle d’eau

Pour mesurer la hauteur de l’eau.

Echelle d’eau au barrage de Martot : on peut agir sur les ouvrages de régulation. 48


L

Comment la navigation en Seine utilise-t-elle la marée ?

J.-P. Thorez / AREHN

Tanker de 6 m 70 de tirant d’eau au niveau de Caudebec-en-Caux : les navires qui redescendent vers la mer attendent la « renverse de marée ».

a navigation sur la Seine a pu tirer parti de l’onde de marée (voir page 46) à partir du moment où les navires ont été capables de se propulser à la même vitesse. Lorsque ce n’était pas le cas, les bateaux mouillaient en de nombreux points du fleuve dans des zones suffisamment profondes pour ne pas s’échouer et attendre la marée suivante. Depuis les années 1970, les navires de fort tonnage peuvent adopter un transit sur deux marées, appelé « bi-marée », en faisant escale dans le secteur de Vatteville-la-Rue au moment de la basse mer. A partir de l’instant où l’estuaire aval se remplit suffisamment pour permettre leur navigation avec un tirant d’eau* suffisant dans le chenal, les navires peuvent « engainer* » et remonter jusqu’à Rouen en accompagnant l’onde de flot*, qui se propage à un peu plus de 20 km/h. Ils remontent ainsi à Rouen en six heures environ. Pendant la marée montante, peu de bateaux affrontent les courants contraires, sauf parfois quelques péniches lèges*, car les moteurs à plein régime peinent à lutter contre le flot. Les navires qui redescendent vers la mer attendent la « renverse de marée » et transitent de Rouen jusqu’à Vatteville au gré du jusant*, puis sur flot*. Ils doivent toutefois faire attention au moment où le navire passe à un endroit donné. Le transit est en effet calé de manière à rencontrer la basse mer dans la zone de plus grande profondeur (secteur de Caudebec-Vatteville).

49


L

Qu’est-ce que…

e mascaret, appelé également « la barre » ou « le flot » en vallée de Seine, est une vague se propageant vers l’amont de l’estuaire lors de fortes marées. Pendant des siècles, les riverains de l’estuaire se sont méfiés de lui, tandis qu’il constituait un spectacle attirant des foules de badauds. Lors des grandes marées de coefficients supérieurs à 100, la rencontre de la marée montante avec le courant descendant du fleuve fait naître une forte vague. Celle-ci remonte le fleuve à grande vitesse. Il semble que ce phénomène soit dû à la superposition d’ondes successives qui se propagent avec une rapidité croissante, les dernières rejoignant les premières. Dans l’estuaire de la Seine, la vague atteignait les 25 km/h, et une hauteur de deux mètres. Elle faisait courir de gros risques aux bateaux restés à quai, qui rompaient leurs amarres et se fracassaient sur le quai. Le point culminant du phénomène se situait à Caudebec-enCaux. Il attirait de nombreux spectateurs, dont certains se faisaient doucher par les débordements de la vague. Les accidents n’étaient pas rares. Au fur et à mesure de sa remontée, l’énergie du mascaret se dissipait par frottement et sa vitesse diminuait, jusqu’à disparition totale de la vague aux alentours de Duclair. L’estuaire de la Seine possédait des caractéristiques appropriées pour la formation d’une telle vague : fleuve peu profond, en forme d’entonnoir, avec un lit en pente douce, à fond relativement plat et soumis à des marées de grande amplitude. Les aménagements de l’estuaire ont entraîné la quasi disparition de ce mascaret. Les endiguements, l’approfondissement du chenal, le tracé plus linéaire ont favorisé la progression du flot, au détriment de la formation de la vague. C’est en 1963 que le mascaret fut observé pour la dernière fois dans sa phase la plus spectaculaire. Sa disparition fut presque totale en 1979. En effet, s’il existe toujours aujourd’hui, le mascaret s’est réduit à une « vaguelette » d’une vingtaine de centimètres de haut.

Archives J. Chaïb / AREHN

Le mascaret

Jusqu’en 1963, le point culminant du phénomène se situait à Caudebec-en-Caux. 50


Le mascaret au XIXe siècle « La barre formée d’un volume des eaux salées qui va forcer une couche des eaux douces à refluer sur elles-mêmes commence par un mouvement très faible dans son principe […] D’abord la barre s’annonce par un léger frémissement dans l’eau, sur les fonds d’où elle va prendre son point de départ. Un petit flot s’élève ensuite, il décrit une diagonale avec le rivage et remonte doucement contre le courant. Déjà l’obstacle que rencontre la barre semble l’irriter ; elle murmure et se couvre d’une légère écume […] On la voit, on la reconnaît de loin à la ligne blanche qu’elle trace au-dessus des eaux. Sa rapidité devient bientôt celle d’un torrent […] imposante et superbe, un mugissement tumultueux semblable à celui d’une cataracte signale sa marche […]. Elle arrive sur les bancs de Quillebeuf ; elle se déroule avec fracas au milieu d’eux après s’être annoncée comme un tonnerre qui gronde. Bientôt elle occupe tout le passage trop étroit pour le volume d’eau qui la suit […] elle frappe, détruit, inonde, dévore tout est soumis à sa fureur ; c’est un immense torrent qui franchit les digues et menace de tout engloutir. »

Extraits de la description du mascaret par S.B.J. Noël en 1802. Tableau statistique de la navigation de la Seine. In « La Seine au temps du mascaret », Le Chasse-marée, n°34.

Référence : Fascicule Seine-Aval 2.3, Evolution morphologique d’un estuaire anthropisé de 1800 à nos jours, coordonné par V. Foussard, GIP Seine-Aval, 2010.

51


L

Qu’est-ce qui différencie le lit mineur du lit majeur d’un fleuve ?

Le lit majeur est occupé par des prairies entrecoupées par des haies de saules blancs.

Boucle de Jumièges, avril 2001 : débordement de la nappe alluviale dans le lit majeur. 52

J.-P. Thorez / AREHN

e lit mineur d’un fleuve correspond à la section mouillée qui permet l’écoulement du débit moyen. Dans l’estuaire de la Seine, le lit mineur est soumis aux fluctuations biquotidiennes de la marée. Il connaît, en dehors des étiages et des crues, un niveau des plus basses eaux et un niveau des plus hautes eaux lors des marées de plus fort coefficient. Le lit majeur correspond aux espaces de fond de vallée qui peuvent être soumis au débordement du lit mineur. Aux crues peuvent se conjuguer de fortes marées. Les espaces inondés par débordement coïncident généralement avec les zones d’affleurement de la nappe alluviale*, qui, elle aussi, peut déborder. La végétation n’est pas la même dans le lit mineur et dans le lit majeur. Dans le cas de la Seine, le premier est caractérisé, à proximité des berges, par une végétation aquatique de haut fond – nénuphars et rubanier nageant – en amont de Poses, et par une végétation amphibie de scirpes, baldingères, salicaires, rorippes, phragmites… en aval. Cet ourlet de plantes herbacées est bordé par une ceinture de saules, puis une autre de frênes et d’érables sycomores. Au-delà, peuvent persister les vestiges de forêts alluviales et de mégaphorbiaies*, mais, le plus souvent, le lit majeur est occupé par des prairies entrecoupées par des haies de saules blancs bordant des fossés de drainage. Récemment, beaucoup de ces espaces ont été convertis en labours, exploités pour les granulats* de leur sous-sol ou occupés par des zones résidentielles, commerciales ou industrielles.


E

Pourquoi certaines parties de la vallée sont-elles inondées en hiver ou au printemps ?

n hiver et au printemps, certaines parties de la vallée de Seine sont inondées, parfois sur plusieurs centaines d’hectares. Cette inondation peut être liée au débordement de la Seine. L’eau stagne alors pendant plusieurs semaines dans les parties basses situées en arrière des digues, faute de trouver des exutoires* pour s’écouler. La plupart du temps, il s’agit d’une crue de nappe : la nappe alluviale* contenue dans les alluvions voit son niveau monter consécutivement à d’abondantes précipitations et elle déborde en surface. Ce phénomène est assez fréquent dans la boucle de Roumare, entre Hénouville et Saint-Martin-de-Boscherville. Tout rentre dans l’ordre lorsque la Seine voit son niveau baisser, ce qui lui permet de drainer la nappe. L’inondation subsiste parfois au niveau des anciens chenaux (« paléochenaux »), mettant en évidence leur tracé.

J.-P. Thorez / AREHN

Les Andelys, mai 2001 : crue de nappe historique dans le lit majeur.

Rive nord de l’embouchure de la Seine en novembre : l’inondation met en évidence le tracé des anciens chenaux. 53


L

Que s’est-il passé lors de la crue de 1910 ?

54

Repère de crue.

J. Chaïb / AREHN

Archives J. Chaïb

Petit-Andely, janvier 1910.

a crue de 1910 correspond à un débordement de la Seine d’une ampleur exceptionnelle. Elle a marqué durablement les consciences par les dégâts aux biens et aux personnes occasionnés dans un contexte inédit d’aménagement du lit majeur. La crue s’est déroulée essentiellement entre le 14 janvier et le 8 février 1910. Elle trouve son origine dans une succession quasi ininterrompue d’événements pluvieux, puis neigeux, à partir de novembre 1909. Les sols sont saturés d’eau, et la Seine peine à drainer les excédents. Le phénomène trouve également sa source dans l’ensemble de son bassin hydrographique, où de nombreuses forêts surexploitées ne jouent plus leur rôle dans l’infiltration de l’eau et le ralentissement des ruissellements. Et le cours aval de la Seine est le seul exutoire* des eaux collectées dans cet important bassin ! Les effets de la crue de 1910 se font d’abord ressentir à Paris et sa banlieue et en amont de Poses. En aval, des marées de vive-eau* se conjuguent aux apports de la Seine, de même qu’une dépression barométrique persistante qui provoque une élévation de la lame d’eau de 40 cm et l’engouffrement des eaux de la Manche dans l’estuaire sous la pression des vents d’ouest. Heureusement, le pic de la crue a été en décalage avec les plus fortes marées (voir schéma p. 55) !


La crue paralyse le trafic fluvial et l’activité des ports. Elle inonde des territoires immenses. La Seine s’élargit parfois sur 10 kilomètres. Elle est la cause d’innombrables sinistres, tant au niveau des habitations que des industries ou de l’agriculture. Aspect positif, elle suscite aussi une vague de solidarité à la hauteur de la catastrophe.

Le ruissellement se concentre sur le bassin versant

1

Dessin J. Chaïb/AREHN

1

Archives J. Chaïb

7

2 3

La crue se propage d’amont en aval

Portejoie, février 1910 : la Seine inonde des territoires immenses.

4

Paris

Paris

3

Janvier-février 1910 : genèse d’une crue historique De l’amont (en haut) à l’aval : 1 Les précipitations frappent le bassin versant amont. 2 Les eaux de ruissellement gagnent les rivières et se concentrent à leur confluence. 3 La crue inonde Paris. 4 Le débit de crue augmente encore. 5 La crue atteint la partie amont de l’estuaire. 6 La marée se conjugue à la crue dans l’estuaire. A - Débit de crue. B - Coefficient de marée. C - Surcote (dépression barométrique). D - Surcote (entrée d’eau marine poussée par les vents d’ouest). E - Évolution de la crue. 7 Les précipitations diminuent.

Propagation de l’onde de crue

Mantes

0

1

2

3

4

Mantes

5

6

7

Rouen

8

9

10 11

12 jours

4

Poses

5 La marée se conjugue à la crue dans l’estuaire

Rouen

Pic de crue à Poses E D C B A Janvier 27 28 29 30 31

55

Février 1

2

3

4

5

6

1

2

3

4

5

7

temps


A

Barrage de Pannecière, dans le Morvan : un des ouvrages destinés à écrêter les crues de la Seine.

surfphy/flickr.com

La vallée de la Seine peut-elle encore subir de graves inondations ?

56

ujourd’hui, le risque d’inondation par débordement dans l’estuaire de la Seine concerne près de 13 000 hectares. Ce chiffre se rapporte à l’emprise des plus hautes eaux connues jusqu’à présent. Sur ce territoire, 85 % des terrains présentent des enjeux faibles : terres agricoles, friches, bois… Les secteurs concentrant les enjeux les plus importants pour les biens, les personnes ou l’économie représentent 450 hectares répartis tout au long de l’estuaire. Dans l’estuaire de la Seine, entre Poses et la mer, les inondations sont relativement fréquentes. Les archives dénombrent une soixantaine de crues majeures depuis le VIe siècle. Une inondation désastreuse est mentionnée dans les chroniques en février 584. Celles des années 1650, 1658, 1740, 1810, 1850 et 1876 ont également marqué les esprits. La crue de 1910 reste la référence actuellement utilisée pour la gestion du risque inondation en Seine. Plus récemment, des débordements plus ou moins importants de la Seine sont à noter en 1919, 1945, 1955, 1970, 1995, 1999, 2001. Les pouvoirs publics, en particulier les collectivités locales, ont engagé de nombreuses actions pour lutter contre les éventuelles inondations. Celles-ci peuvent avoir différentes causes : ruissellement lié à de très forts orages sur les affluents de la Seine ; débordement de cours d’eau en crue ; submersion marine liée à de violentes tempêtes ; remontée de la nappe souterraine. Ces causes sont sous la dépendance de facteurs hydrologiques*, astronomiques ou météorologiques qui peuvent se combiner. Ainsi, un fort débit de la Seine provenant de l’amont et de ses affluents, et un niveau de recharge* élevé des nappes souterraines seront autant de conditions favorables au déclenchement d’inondations par débordement ou remontée de nappe. Elles seront alors souvent de longue durée et étendues comme en 1910, 1955 ou 2001. Les facteurs météorologiques les plus influents sur la variation des hauteurs d’eaux dans l’estuaire sont les précipitations, le vent et la pression atmosphérique. Un fort vent d’ouest, qui pousse les masses d’eau vers l’intérieur de l’estuaire, et une faible pression atmosphérique, seront ainsi responsables de surcotes* pouvant dépasser le mètre. Les inondations de février 1990 et décembre


1999 illustrent ce phénomène. Le débit de la Seine était faible, comparativement à la crue de 1910, mais le coefficient de marée était fort, la pression atmosphérique faible, et il y avait un fort vent de secteur sud-ouest. La comparaison de l’étendue des inondations de 1955 et 1958 (voir carte) permet d’appréhender que les inondations dépendent également de la géographie des lieux. La partie aval de l’estuaire est plus sensible à la marée et aux conditions météorologiques : en 1958, les inondations se sont déclenchées lors d’une période de forte vive-eau* (coefficient de marée de 116) et de faibles pressions atmosphériques synchronisées avec un fort débit de la Seine (1 988 m3/s). La partie amont de l’estuaire est plus sensible au débit du fleuve : en 1955, les inondations se sont déclenchées avec un fort débit de la Seine (2 250 m3/s) synchronisé avec une période de vive-eau moyenne (coefficient de marée de 92). A partir de 1949, quatre grands lacs réservoirs d’une capacité de rétention totale de 800 millions de mètres cubes ont été réalisés. Ils sont destinés à écrêter les crues et à soutenir les étiages. Malgré cela, d’autres crues se sont produites durant la seconde moitié du XXe siècle, notamment en 1955 et en 1999. Parce que le risque zéro n’existe pas, ont été instaurés depuis 1998 des plans de prévention du risque inondation (PPRI, voir p. 58). Sur la base de la crue de 1910, ils délimitent les territoires sur lesquels aucune construction ne peut être entreprise sans précautions particulières. Néanmoins, de grandes portions des territoires où ces recommandations s’appliquent ont été urbanisées.

Emprise des plus hautes eaux connues dans l'estuaire de la Seine

e

anço

e

er th L'

Au

st

re b

erc mm

n

Co

ailly

Le C

Le R

obe

c

Duclair

Rouen La Sein e

La

L'A

ub

Vieux-Port

ett

e

Ris

le

La Bouille

Oissel Poses

Emprises des inondations

1958

0

2,5

5

Km 10

GIP Seine-Aval, 2010 - Source des données : DDEA76 & CETE-NC, 1997

Références : Fascicule Seine-Aval 2.6, Le risque inondation – conditions de déclenchement et perspectives coordonné par H. El Abida, GIP Seine-Aval, 2010. Fiche thématique Seine-Aval, Contextes climatique, morphologique et hydrosédimentaire : inondations par débordement dans l’estuaire de la Seine, GIP Seine-Aval, 2010.

57

re

1955

L'Eu

Elbeuf

Plus hautes eaux connues

© BD-TOPO IGN Reproduction Interdite licence N°2009/CIN034-29

La R

e int Sa ude La ertr G

Le

Tancarville

Caudebec-en-Caux


U

Qu’est-ce que…

n PPRI est un plan de prévention du risque inondation. Il consiste, sur un territoire donné, à cartographier les secteurs susceptibles d’être inondés. Concernant ceux-ci, une réglementation d’urbanisme spécifique va être prescrite, adaptée à l’occupation des sols et à l’intensité du phénomène. Le PPRI a vocation à protéger les biens et les personnes. Ainsi, ses prescriptions peuvent aller de la recommandation simple à l’interdiction. Les zones d’interdiction peuvent comprendre non seulement les zones les plus « à risque » en matière d’inondation, mais aussi des secteurs ayant l’avantage de pouvoir servir de zones d’expansion de crue. Ce sont donc des espaces préservés. Le principe des PPRI n’est pas d’écarter tout projet en zone inondable, mais de refuser ceux incompatibles avec le niveau de risque, ceux qui ne permettraient pas de garantir la sécurité des usagers et des biens, et/ou ceux qui aggraveraient la situation en cas d’inondation dans la zone elle-même ou aux alentours. Plus généralement, les politiques de prévention des risques d’inondation sont articulées autour de plusieurs axes : les mesures de prévision, de prévention, de protection et de compensation ; la gestion de crise ; l’information de la population. La prévision des inondations dans l’estuaire de la Seine est, depuis 2006, sous la responsabilité de la DDTM*, au travers du Service de prévision des crues Seine Aval et fleuves côtiers normands.

Le PPRI

Référence : Fascicule Seine-Aval 2.6, Le risque inondation – Conditions de déclenchement et perspectives, coordonné par H. El Abida, GIP Seine-Aval, 2010.

PPRI de la vallée de la Seine : zonage lié au risque inondation pour une commune. 58


Vase, sable et autres sédiments

J. Chaïb / AREHN

Erosion ici, dépôt là… Les particules plus ou moins grosses transportées par la Seine finissent par dessiner les formes de la vallée. Et elles constituent la base de la richesse biologique du fleuve.


Comment se forment les îles de la Seine ?

Ile du Roule, près de Gaillon. L’étang de carrière (à droite) dessine une presqu’île. 60


I

l suffit de variations locales de vitesse du courant, de différences de relief au fond du lit ou d’obstacles rocheux pour qu’une île commence à se former. Des sédiments grossiers se déposent d’abord, puis des matériaux plus fins. L’île, d’abord invisible, finit par émerger. A l’aplomb des falaises de Saint-Adrien (Belbeuf), un tel phénomène peut être observé depuis plusieurs années. Lorsque l’île a été suffisamment exhaussée par l’apport de sédiments, une végétation de scirpes – plantes tolérant la submersion – s’installe. Leurs rhizomes puissants contribuent à fixer les sédiments et à consolider l’île. A l’atterrissement* de l’île fait suite l’installation de différentes ceintures végétales. Enfin, des arbres de ripisylve font leur apparition, renforçant les rives de l’île. L’existence des îles n’est pas forcément pérenne. Les grandes crues ont montré que des arbres pouvaient être emportés et que leurs matériaux constitutifs pouvaient être démantelés au moins partiellement. Mais l’île peut ensuite se reconstituer au même endroit !

Un îlot se forme au bout de l’île aux Moines, en face de Martot.

Le Goulet : on voit la sédimentation à l’entrée du bras. 61

J.-P. Thorez / AREHN

L’île Osier, à Orival.


J.-P. Thorez / AREHN

Au premier plan : ĂŽle de Connelles. Au second plan : ĂŽle de Pampou et village de Tournedos-sur-Seine.

62


J.-P. Thorez / AREHN J. Chaïb / AREHN

J.-P. Thorez / AREHN

Jonction des îles Durand et Legarée à Bédanne.

Île Léry, face à Saint-Adrien.

Extrémité de l’île de Lormais (Heudebouville). 63


O

La vase a-t-elle une utilité ?

P. Lesueur/UMR CNRS 6143 M2C

La vasière Nord.

ui, car la vase forme des vasières. Ces vasières remplissent différentes fonctions, toutes très utiles. Elles ont d’abord une fonction d’épuration, de transformation et de stockage, visà-vis des contaminants chimiques et sels nutritifs transportés par l’eau. Des polluants tels que les PCB* et des métaux toxiques comme le cadmium ou le mercure se fixent sur les grains de vase et sont progressivement enfouis sous des formes insolubles. La matière organique et certains contaminants y sont dégradés. Le processus de dénitrification y transforme les nitrates en d’autres composés azotés. Les vasières ont également une fonction écologique. Elles abritent une riche faune d’invertébrés benthiques* consommés par les poissons et les oiseaux, constituant ce qu’on appelle des zones de nourricerie*. Situées entre la plaine alluviale humide et le chenal de la Seine, elles assurent les échanges transversaux entre ces deux zones. Le terme vasière recouvre des milieux différents. Il y a les vasières subtidales*, qui ne se découvrent jamais à marée basse, et les vasières intertidales*, qui se découvrent à marée basse. Ces dernières sont caractéristiques des grands estuaires. Elles peuvent être baignées par de l’eau saumâtre (en aval de Vieux-Port) ou de l’eau douce (de Vieux-Port au barrage de Poses). Les vasières s’étendent de part et d’autre du chenal de navigation. Ce sont des zones de stockage des particules fines et des substances qui leur sont associées. Bien sûr, elles sont instables, avec des phases de dépôt et des phase de remise en suspension du sédiment liées à des processus naturels (débits, courants, houles, clapots…) ou aux activités humaines (navigation, dragages, aménagements). La vase s’accumule le plus souvent sur les berges internes des méandres, mais aussi près des berges non endiguées (cas de Jumièges).

64


O. Sirost/EA 3832 CETAPS

La vasière d’Oissel Elle se situe au pk* 229,5, donc en amont de Rouen, dans une zone d’élargissement du chenal principal de la Seine où l’influence de la marée est encore très présente. Large de 75 mètres et longue de 250 mètres, elle couvre environ 9 500 m2. La sédimentation sur cette vasière est essentiellement contrôlée par le débit fluvial. Il existe en effet des phases de recouvrement continu par la masse d’eau en période de crue, s’accompagnant de dépôts de plusieurs centimètres, et des phases d’émersion en période d’étiage* conduisant à l’érosion et au tassement de la vasière. La vasière Nord Egalement appelée Grande vasière, la vasière Nord est située sur la rive droite de l’estuaire à l’aval du pont de Normandie. Sa surface a fortement diminué, passant de 761 hectares en 1978 à 289 hectares en 2005. C’est un espace écologique fondamental, espace de repos, de nutrition et de reproduction pour de nombreuses espèces marines, comme la sole, le bar ou la crevette, et d’oiseaux comme l’avocette élégante ou le canard pilet. Les dépôts s’y produisent préférentiellement en période de vives-eaux* pour un débit de la Seine faible à moyen, lorsque le bouchon vaseux est situé à proximité de la zone. L’érosion s’y produit principalement lors des tempêtes.

La vasière d’Oissel.

J.-P. Thorez / AREHN

Références : Synthèse des travaux scientifiques du Programme Seine-Aval 2001-2004, GIP SeineAval. Fascicule Seine-Aval 2.1, Le programme Seine-Aval 3 : contexte, bilan et enjeux, coordonné par J.-C. Dauvin, GIP Seine-Aval, 2009. Fascicule Seine-Aval 1.3, Sables, chenaux et vasières, coordonné par P. Lesueur, GIP Seine-Aval, 1999. Fascicule Seine-Aval 2.4, Le benthos dans l’estuaire de la Seine, coordonné par J-C. Dauvin, GIP Seine-Aval, 2010.

Les vasières – ici à l’aval du pont de Normandie – ont une fonction écologique. 65


J.-P. Thorez / AREHN

Pourquoi l’eau de la Seine est-elle trouble ?

La Seine – ici au niveau de La Bouille – transporte des particules en suspension. 66


L

’eau de la Seine est trouble parce qu’elle transporte des matériaux en suspension, qui ont été arrachés aux sols par l’érosion dans le bassin versant. C’est le cas pour tous les fleuves de l’Europe du Nord-Ouest, qui charrient de faibles quantités de matériel grossier ou particulaire. Le matériel grossier est constitué par des graviers et des sables, de calibre supérieur à 50 micromètres, qui sont entraînés par l’eau sur le fond du lit du fleuve. Les particules fines (< 50 µm), tels que les vases, les silts* ou les argiles, sont transportées en suspension dans l’eau. Ce sont les « matières en suspension » (MES). A Poses, le flux solide annuel entrant dans l’estuaire est estimé entre 600 000 et 700 000 tonnes, dont 75 % en période de crue. Ce flux amont représente 80 % des MES* présentes dans l’estuaire. Les 20 % restants proviennent du ruissellement du bassin versant, des dépôts atmosphériques, du large ou encore des activités humaines (industries, STEP*…). Les apports par les affluents latéraux de la rive droite de l’estuaire sont de 55 000 tonnes par an, soit 8 % du flux annuel au barrage de Poses. Les concentrations en MES varient entre 5 et 220 mg par litre à Poses, avec une moyenne de l’ordre de 30 mg/l.

Les apports journaliers en MES sont fonction du régime hydrologique*. Ils sont compris entre quelques centaines de tonnes en période d’étiage* et 20 à 30 000 tonnes en période de crue. Les apports en MES sont très variables selon les années. Ils étaient, par exemple, de 1 760 000 tonnes en 1966, et seulement de 154 000 tonnes en 2006, qui fut une année très sèche. Ces variations seraient à mettre en rapport avec les précipitations, qui entraînent l’érosion des sols et des apports de matériaux par ruissellement. Les sédiments fins constituent un support privilégié pour la matière organique et les contaminants, chimiques ou microbiens. Dans un estuaire, ils se concentrent dans une zone appelée « bouchon vaseux » (voir p. 68). Le bouchon vaseux joue un rôle dans l’épuration des eaux de l’estuaire. Certains contaminants vont « s’accrocher » sur les matières en suspension (phénomène d’adsorption, à ne pas confondre avec l’absorption). D’autres vont s’agglutiner en des sortes de flocons (floculation). Les contaminants sont ainsi mis hors circuit. Par ailleurs, le bouchon vaseux est une zone de forte activité microbiologique. Les bactéries présentes vont participer à la dégradation de certains composés. Par exemple, en situation hydrologique sèche, 40 % du flux d’azote est dégradé lors de son passage dans le bouchon vaseux. Le rôle de filtre du bouchon vaseux est important dans la régulation des apports en sels nutritifs à la baie de Seine, causes d’eutrophisation. L’étude du fond du chenal de la Seine montre qu’il y a peu de sable. Celui-ci – comme les graviers qui l’accompagnent – est de provenance locale (érosion des berges, débris de coquilles, sédiments stockés depuis l’holocène). Les sables marins, transportés par la marée, vont avoir tendance à se déposer à l’aval de l’estuaire, participant notablement à l’édification du prisme d’embouchure* de la Seine. Références : Fascicule Seine-Aval 1.1, Seine-Aval : un estuaire et ses problèmes, coordonné par L. Guézennec, GIP Seine-Aval, 1999. Fascicule Seine-Aval 1.3, Sables, chenaux, vasières, coordonné par P. Lesueur, GIP SeineAval, 1999. Fiche thématique Seine-Aval, Contextes climatique, morphologique et hydro-sédimentaire - Dynamique des matériaux fins dans l’estuaire de la Seine, GIP Seine-Aval, 2008.

67


Qu’est-ce que…

Les concentrations de matière en suspension au sein du bouchon vaseux sont de 100 à 500 fois plus importantes que celles mesurées dans le fleuve ou en baie de Seine. La charge solide moyenne de la Seine est normalement de 0,0020 gramme par litre en période d’étiage. En période de crue, cette valeur dépasse 0,1 g/l. Dans l’estuaire, au niveau du bouchon vaseux, la charge en sédiments fins atteint 0,5 à 10 g/l. Plus vers le large, les teneurs diminuent rapidement et passent à 0,005-0,010 g/l dans la baie de Seine orientale. Dans l’estuaire de la Seine, le bouchon vaseux se situe entre Tancarville et Honfleur. Il se déplace en fonction du débit du fleuve et de la marée. Il peut, en période de forte crue, être expulsé vers la Baie de Seine et, en période d’étiage, remonter vers l’amont jusqu’aux environs de Caudebec. La concentration en MES* tend à diminuer depuis cinquante ans. Les aménagements successifs de l’estuaire ont conduit à un déplacement du bouchon vaseux vers l’aval.

Le bouchon vaseux

C

J. Chaïb / AREHN

e que les spécialistes appellent « bouchon vaseux » est la zone de turbidité maximale que l’on rencontre dans l’estuaire moyen, où se mélangent les masses d’eau fluviales et marines. Quelle est l’origine de ce bouchon vaseux et quel est son rôle dans le fonctionnement de l’estuaire ? Les eaux de la Seine transportent annuellement de faibles quantités de particules organiques et vaseuses. Dans l’estuaire moyen, l’interaction entre les courants de marée de surface et les frottements induits par les courants de marée sur le fond provoque le piégeage naturel de ces sédiments fins. Le stock sédimentaire ainsi piégé est appelé « bouchon vaseux » ou « maximum de turbidité ».

Le bouchon vaseux à Tancarville. 68


L

Pourquoi les berges de la Seine s’écroulent-elles par endroit ?

J. Chaïb / AREHN

es berges de la Seine sont sensibles à l’érosion, même si nous ne sommes plus pendant les glaciations, périodes où ce type de phénomènes était très intense. A marée haute, lors des crues, l’eau vient lécher les minuscules falaises d’alluvions qui sont sur les plages. Malgré leurs racines spectaculaires, les arbres qui s’y développent finissent par tomber lorsque la berge est trop affouillée. Les saules, même couchés, peuvent toutefois se développer à nouveau, et le recul de la berge reste par conséquent limité. Ce sont les plages en pente douce pourvues d’une végétation alliant arbres, arbustes et plantes herbacées qui résistent le mieux à l’érosion. Et la sape est plus prononcée sur les rives concaves que sur les rives convexes (voir page 46). Les chemins de halage, à la différence des rives naturelles en pente douce, présentent un talus sensible à l’érosion. Il en est de même pour les perrés* en béton, en gabions* ou en roches fixées par du bitume. Les travaux de renaturation des berges, en recréant le profil originel et la végétation, constituent une solution pour les protéger de l’érosion. A condition toutefois qu’il y ait suffisamment de place en bordure de Seine et que l’intérêt des riverains soit pris en compte.

Bardouville : la berge a reculé.

Même couché, le saule peut se développer. 69


Important réseau de filandres en rive nord de l’embouchure de la Seine.

D

J. Chaïb / AREHN

Les filandres, ces ruisseaux que l’on voit se dessiner dans la vase…

ans l’estuaire de la Seine, on observe des chenaux sinueux. Noyés lorsque la mer est haute, ils drainent à marée basse les eaux accumulées dans différentes zones. Ces filandres entaillent les zones intertidales* vaseuses perpendiculairement à l’axe du fleuve. Les plus grandes traversent l’ensemble des écosystèmes* estuariens. Si les filandres sont visibles sur l’ensemble de la zone soumise à la marée, de Poses à la mer, elles sont plus développées dans la partie aval. On en dénombre actuellement 54 sur la rive nord et deux sur la rive sud entre l’embouchure et le pont de Tancarville. Leur surface représente 47 hectares, soit une moyenne de 8 400 m2 par filandre. Les plus grandes (8 hectares en moyenne) sont la Grande Crique, la filandre artificielle et la crique Tignol. La profondeur des filandres s’accroît généralement vers leur embouchure. En vive-eau*, la crique Tignol atteint 5 mètres de profondeur. La largeur peut dépasser les 140 mètres, comme pour la filandre Guifette en juin 2001. Leur tracé peut être rectiligne ou comporter des ramifications complexes.


C. Dégremont/GIP Seine-Aval

Les filandres participent à la dynamique sédimentaire estuarienne (cycle des sédiments fins). Durant la période d’étiage, elles stockent les sédiments fins, alors qu’en période de crue elles se vident et ont tendance à s’éroder. Plus les filandres se situent en amont, moins l’eau qui y coule est salée. D’autre part, la salinité de l’eau diminue pour chaque filandre en allant de l’embouchure vers le fond s’il y a des apports d’eaux continentales. La salinité dépend également de facteurs comme les débits ou la météo. Les filandres sont importantes dans un contexte de diminution des surfaces de vasières. Elles assurent la connexion hydraulique entre l’axe fluvial et les zones humides de la plaine alluviale. Elles constituent des milieux dont les fonctions sont vitales dans le cycle de vie des poissons : nourricerie* et abri pour les jeunes, zones de de repos pour les adultes. Avec la participation de S. Lesourd, UMR CNRS LOG 8187.

J.-P. Thorez / AREHN

A marée basse, les filandres évacuent l’eau provenant de différentes zones de l’estuaire.

Références : Fascicule Seine-Aval 2.5, Poissons, habitats et ressources halieutiques – Cas de l’estuaire de la Seine, coordonné par J. Morin, GIP Seine-Aval, 2010. Projet SA4 2009 DEFHFIS coordonné par S. Lesourd.

Filandres dans l’embouchure. 71


L

Qu’est-ce que…

e batillage est le battement des vagues contre les rives provoqué par le passage d’un navire. Les ondes de batillage peuvent provoquer l’érosion des berges sous l’influence de trois phénomènes différents : • le courant de retour, • les ondes de batillage de surface (vagues divergentes et transversales), • le jet propulsif des bateaux. L’impact du batillage est observé sur le fond du chenal, sur les talus des rivières et sur les berges au voisinage de la surface de l’eau. Ce phénomène d’érosion des rives est principalement dû à la hauteur de la vague générée par les navires. L’impact sur les berges augmente de façon exponentielle avec la hauteur des vagues. Celle-ci dépend de facteurs liés au navire : forme de la coque, vitesse, distance à la rive, clair sous quille*, sens de déplacement… L’érosion des berges est également conditionnée par les caractéristiques du cours d’eau à l’endroit considéré : méandre ou zone rectiligne, largeur, aménagement, qualité et profil de la berge, profondeur de l’eau, nature du fond… Le batillage peut être à l’origine d’un renforcement de l’érosion naturelle, dont la cause principale reste l’action des courants. Les conséquences de l’érosion sur le milieu aquatique sont nombreuses : destruction d’habitats, augmentation de la turbidité* de l’eau et de la sédimentation*, libération d’éléments nutritifs (phosphore et azote)… L’intégrité des terres et la valeur des propriétés riveraines peuvent aussi être affectées négativement par l’érosion. Enfin, l’ampleur du phénomène de batillage conditionne les projets de restauration des berges. On en tient compte pour déterminer le profil et la hauteur de celles-ci, les conditions de leur stabilité une fois « revégétalisées », ou la mise en place d’aménagements récréatifs, ou encore la recréation d’habitats biologiques.

C. Dégremont/GIP Seine-Aval

Le batillage

Jet propulsif : une des causes du batillage. La hauteur des vagues dépend de la forme de la coque, de la vitesse du navire, de sa distance à la rive…

J. Chaïb / AREHN

Avec la participation de Julien Deloffre, UMR CNRS M2C 6143. Références : Projet SA4 2007 IBIS, coordonné par R. Lafite et J. Deloffre. www.marinfo.gc.ca

72


J. Chaïb / AREHN

L’érosion a des conséquences sur le milieu aquatique.

73


Les usagers des plages ne sont pas conscients de l’envasement.

L. Gélard/AREHN

Il paraît que les plages du Calvados s’envasent…

74

C

’est une réalité. Au cours des deux derniers siècles, la couverture sédimentaire de l’embouchure de la Seine a fortement évolué. Alors qu’elle a été à dominante sableuse entre 1913 et 1967, elle est devenue vaseuse à la fin du XXe siècle. Cette tendance est liée non seulement à l’évolution naturelle de l’estuaire vers le comblement, mais aussi aux aménagements industrialo-portuaires. Ceux-ci ont modifié la circulation de l’eau, appelée par les scientifiques « hydrodynamisme ». Le piégeage de sédiments plus fins a été d’abord favorisé. Cette sédimentation, comme le « bouchon vaseux » (voir p. 68), s’est ensuite déplacée vers l’embouchure. C’est justement sur la rive sud de celle-ci que se situent les plages du Calvados, réputées pour leur sable fin. Or, depuis plusieurs années, il semble que ces plages soient plus fréquemment l’objet d’envasements. Qu’il s’agisse de dépôts massifs ou de fins placages vaseux, on les observe généralement en bas de plage, en hiver, et souvent après des périodes de marées à forts coefficients. Certains travaux montrent le lien entre le changement climatique et les crues, et donc les apports en sédiments, notamment des vases. Ainsi, si la tendance à l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des crues se confirme à l’avenir, un accroissement de l’envasement résiduel sera très vraisemblablement observé sur l’ensemble de la baie de Seine orientale. Une enquête sociologique auprès des usagers des plages a montré que les plagistes ne sont pas conscients de cet envasement. Seuls quelques usagers plus âgés, ou plus assidus, semblent l’être. On se soucie davantage de la qualité de l’eau de baignade que de la vase.

Références : Rapport Scientifique Seine-Aval 2, 2004, P. Lesueur, D. Boust, Etat et origine de l’envasement du littoral du Calvados. Rapport Scientifique Seine-Aval 3, 2005, O. Sirost, Usages sociaux du littoral et variations paysagères : le cas de l’envasement des plages du Calvados. Bilan de l’envasement en Baie de Seine sud-orientale depuis deux cents ans, S. Garnaud, T. Garlan, M@ppemonde 80, 2005.


La Seine vivante

Aizier.

J.-P. Thorez / AREHN

Intensément navigué et aménagé, le fleuve reste malgré tout un refuge exceptionnel pour la faune et la flore. Du fait de la diversité des milieux naturels qu’on y rencontre, il constitue, avec sa vallée, un des hauts lieux de la biodiversité en Normandie.


Panorama

Végétation et milieux de la vallée de la Seine

L

a longueur de l’estuaire de la Seine (160 km) offre à la nature des possibilités nombreuses et variées de s’exprimer. Il en est de même dans le sens de la largeur, depuis les coteaux jusqu’au fleuve. Cette diversité d’écosystèmes répond aux besoins de certains animaux qui ont besoin de plusieurs milieux de vie. L’hirondelle de rivage, par exemple, niche dans des microfalaises des rives et chasse au-dessus de l’eau. Le brochet, qui vit la plupart du temps en pleine eau, vient se reproduire dans les prairies riveraines inondées. Cet assemblage d’écosystèmes dans une même zone est appelé par les écologues « écocomplexe ».

Maison de l’Estuaire

Slikke et schorre Les mots néerlandais slikke et schorre signifient respectivement « boue » et « pré salé ». En français, ils désignent les deux milieux estuariens salés les plus représentatifs de l’embouchure de la Seine. Précisons d’emblée que la slikke est en forte régression suite à la série d’aménagements industrialo-portuaires dont ce site a été l’objet. La slikke, recouverte à chaque marée, même en morte-eau*, correspond à son niveau inférieur à une banquette de vase nue au sein de laquelle l’eau s’écoule par des filandres (voir p. 70). Sur sa partie supérieure – la haute slikke –, s’installent des communautés végétales tolérant une forte salinité, parmi lesquelles on notera la présence des salicornes (Salicornia europaea, S. fruticosa…), de la soude (Salsola soda, S. kali), de l’obione (Halimione portulacoides). Ces plantes présentent des téguments cireux et une forte crassulescence* qui leur permettent de ne pas se dessécher sous l’effet du sel.

Deux milieux typiquement estuariens : le schorre (en haut) et la slikke (en bas).

La slikke est également un lieu de vie intense pour la faune benthique* – vers et mollusques – dont se nourrissent, à marée basse, une avifaune* diversifiée – spatule blanche, aigrettes, huîtrier pie, 76


Grèves submersibles Ces écosystèmes sont caractérisés par des plantes supportant des immersions temporaires fréquentes, comme les scirpes ou les phragmites. Ils existent dans la zone soumise aux marées. Des oiseaux – notamment des échassiers de la catégorie des limicoles* – y cherchent leur nourriture lorsque l’eau se retire. D’autres oiseaux très spécifiques nichent dans les roselières. Les grèves submersibles peuvent aussi jouer le rôle de frayères* pour certains poissons.

Habitats de pleine eau On rencontre dans l’eau, en amont du barrage de Poses, dans les bras secondaires ou près des rives, le nénuphar jaune (Nuphar lutea) bien connu, ou le rubanier nageant (Sparganium emersum), une grande herbe, ou encore la rarissime sagittaire à feuilles en flèche (Sagittaria sagittifolia). Dans les écosystèmes aquatiques se développent des invertébrés qui nourrissent les maillons supérieurs de la chaîne alimentaire, comme les poissons ou les oiseaux.

Etang de carrière près de Val-de-Reuil.

Mégaphorbiaies Ce sont des formations de hautes herbes propres aux zones humides qui se distinguent par l’abondance des fleurs colorées, parfois parfumées, pollinisées* par les insectes. Le lit majeur de la Seine abrite encore quelques mégaphorbiaies proches de leur caractère originel, où l’on rencontrera le pigamon jaune (Thalictrum flavum) et la valériane officinale (Valeriana repens). Plus couramment, on trouvera dans ce type de milieu la reine des prés (Filipendula ulmaria), la grande consoude (Symphytum officinale), le gaillet des marais (Galium palustre), le myosotis faux-scorpion (Myosotis scorpioides), ou encore les très rares et protégées gesse des marais

J. Chaïb / AREHN

Nénuphars (feuilles arrondies, fleurs jaunes) et rubaniers (feuilles allongées).

Tourbières Voir page 81.

J.-P. Thorez / AREHN

Bras morts, étangs de carrières ou ballastières On trouve dans ces eaux stagnantes une flore à base de potamots et myriophylles, plantes flottantes et/ou immergées. Les poissons et oiseaux y sont nombreux. Ils s’y mettent à l’abri des courants et s’y nourrissent..

Maison de l’Estuaire

avocette, chevaliers, barges… –, et, à marée haute, de nombreuses espèces de poissons (le flet, par exemple). Le schorre, parcouru par des filandres (voir p. 70), est l’écosystème estuarien qui succède à la slikke dans l’évolution naturelle de ces milieux. Contrairement à la slikke, il n’est recouvert par les eaux qu’aux plus hautes marées. Il est entièrement occupé par une végétation adaptée au sel. On parle d’ailleurs de « prés salés ». Parmi les plantes les plus représentatives : Aster tripolium, l’angélique des confiseurs, le lilas de mer. Le schorre abrite des plantes patrimoniales comme le liparis de Loesel – une orchidée – et de rares amphibiens, comme le crapaud calamite et le pélodyte ponctué. De nombreux oiseaux d’eau fréquentent aussi cette formation herbacée, notamment les mares qui y sont creusées pour la chasse au gabion*. La soude tolère une forte salinité.

77


espèces – Scirpus lacustris et S. tabernaemontani – ont pratiquement disparu des berges de Seine. Çà et là, dans les eaux stagnantes, peuvent être observées les massettes (Typha latifolia et Typha angustifolia) et la grande glycérie (Glyceria maxima). Enfin, la baldingère faux-roseau est visible un peu partout. Les roselières se sont fortement étendues dans l’embouchure depuis les années 1970, suite à l’exhaussement des terrains consécutif à divers aménagements. Elles y sont exploitées pour le chaume. Le roseau a aussi fortement colonisé le pourtour de la Grand-Mare, dans le marais Vernier, du fait de son atterrissement*. La roselière est le milieu de reproduction d’oiseaux très spécialisés tels que le butor étoilé, la gorgebleue à miroir, la panure à moustaches et de nombreuses fauvettes aquatiques.

J. Chaïb / AREHN

Maison de l’Estuaire

(Lathyrus palustris) et renoncule grande douve (Ranunculus lingua), spécifiques à la vallée de Seine. Au niveau le plus bas, en lisière des bois alluviaux, s’épanouissent l’iris faux-acore, la salicaire, voire le séneçon des marais (protégé). On peut trouver dans ces zones de véritables « gazons flottants » composés de roripes (Rorippa amphibia, R. sylvestris, R. austriaca) et de véroniques (Veronica anagallis-aquatica et V. beccabunga). Aux niveaux les moins humides, la mégaphorbiaie est souvent envahie par des plantes nitrophiles* comme les orties, le liseron, le gaillet gratteron…

La très rare gesse des marais.

Mégaphorbiaie dans l’estuaire : une abondance de fleurs colorées.

J.-P. Thorez / AREHN

Roselières Les roselières sont formées essentiellement de roseaux ou plantes analogues, à l’aspect de hautes herbes, classées parmi les monocotylédones*, notamment dans les familles des graminées et des cypéracées. Ces plantes ont en commun de posséder des fleurs discrètes, n’attirant pas les insectes et pollinisées* par le vent. Dans les lieux régulièrement submergés par la marée se développent des touffes de scirpes : Scirpus maritimus, S. pungens, S. triqueter (rare et protégé). Ailleurs, les roselières sont essentiellement constituées de roseau à balai (Phragmites australis). Deux autres

La baldingère faux-roseau est visible un peu partout (ici, à Amfreville-sous-les-Monts). 78


Bois alluviaux Les bois alluviaux accompagnent les cours d’eau de plus ou moins loin : ils poussent dans des sols d’alluvions, humides ou secs. On y rencontre, dans les zones soumises à la marée, de petits ou de grands saules, des frênes et des ormes. Ailleurs, ils prennent des visages variés en fonction de l’humidité du sol : bois frais à érable sycomore, bois mésophile* à tilleuls ou bois sec à chêne sessile.

J.-P. Thorez / AREHN

Prairies humides Les prairies humides sont, à l’origine, des écosystèmes semi-naturels issus de la déforestation des bois alluviaux et du drainage. Elles sont associées à un paysage de bocage de fond de vallée encore bien visible dans les boucles de Roumare et de Brotonne. Traditionnellement exploitées par fauchage pour le foin, donc recevant peu d’engrais, ces prairies peuvent abriter une flore et une faune très riches, avec des espèces patrimoniales. Parmi les plantes remarquables, citons le silaüs des prés (Silaum silaus) et le colchique (Colchicum autumnale), ainsi que, sur la rive nord de l’estuaire, des concentrations exceptionnelles d’orchidées comme Epipactis palustris et Orchis laxiflora. Du côté des oiseaux, les prairies humides de l’embouchure de la Seine constituent le bastion régional d’un oiseau menacé de disparition à l’échelle mondiale : le râle des genêts. Dans les prairies pâturées par le bétail se multiplient les joncs (Juncus inflexus, J. effusus). Les arbres traités en têtards* pour l’exploitation de bois de chauffage accueillent des insectes et des oiseaux cavernicoles* (chevêche d’Athéna, rougequeue à front blanc…).

Forêt alluviale à base de saules blancs et érables sycomores, du côté de VieuxPort. L’« ourlet » de baldingères et autres plantes herbacées amphibies est bien visible, de même que la grève submersible.

Maison de l’Estuaire

Sous l’étage des arbres, on observe un « manteau » de petits saules et d’arbustes (sureau noir, fusain d’Europe, viorne obier). A l’étage inférieur peuvent proliférer les orties et ronces, qui apprécient les sols enrichis en matière organique par les crues. Moins ordinaires : le cirse des marais, le chardon à feuilles d’acanthe, la balsamine du Cap… Un « ourlet » de plantes herbacées amphibies borde les boisements : baldingère faux-roseau, oenanthe safranée (près de l’embouchure), rorippe amphibie… Les bois alluviaux sont aujourd’hui relictuels dans l’estuaire de la Seine. Ils ne subsistent qu’à l’état de vestiges sur les rives. En revanche, ils ont recolonisé la plupart des îles. Ce sont des milieux

Prairie humide : une concentration exceptionnelle d’orchidées Orchis laxiflora.

79


importants pour de nombreux invertébrés – dont les xylophages* – et pour les oiseaux (héron cendré, grand cormoran, loriot, pic noir, bouscarle de Cetti…). La forêt alluviale est le stade de végétation le plus évolué des habitats riverains de la Seine. Mais elle est loin d’être figée : le batillage et les courants de crue finissent par déchausser les arbres les mieux enracinés. De nouvelles branches se développent à partir des troncs couchés. Dans de rares secteurs, la forêt alluviale recule du fait de l’érosion. En revanche, près de Honfleur, des boisements se sont développés sur d’anciennes chambres de dépôts de matériaux de dragage.

entrepris au néolithique. Il s’agissait à l’époque de mettre en culture ou en pâture – selon l’escarpement – les terrains les mieux exposés. Le substrat crayeux convenait à merveille aux céréales primitives, à la vigne, aux plantes tinctoriales… Maintenant abandonnées, les pelouses calcicoles abritent une diversité exceptionnelle de fleurs et d’invertébrés. Mais beaucoup d’entre elles se sont peu à peu « refermées » (boisées) selon un processus naturel difficile à enrayer par le pâturage ou le débroussaillage.

Bois calcicoles Les bois calcicoles sont l’aboutissement du retour naturel de la forêt sur les pelouses calcicoles abandonnées. Ce processus commence par l’envahissement par le brachypode – une graminée –, l’aubépine et le cornouiller sanguin. Ensuite s’installent les érables, les frênes, les hêtres…

La porcelle des moutons est spécifique des pelouses sèches. J.-P. Thorez / AREHN

Falaises Du fait de la présence de corniches et de cavités, les falaises permettent la nidification de certains oiseaux : le pigeon biset, le choucas ou le faucon crécerelle pour les plus communs, le faucon pèlerin parmi les plus rares. Les plus profondes cavités, généralement situées à la base, sont des zones d’hibernation essentielles pour les chauves-souris.

Bas Kers / flickr.com

Pelouses sèches sur alluvions Les pelouses sur alluvions résultent du défrichement ancien des forêts alluviales. Les terrasses (voir page 36) les plus anciennes sont sèches et décalcifiées. Y poussent des plantes spécifiques comme la porcelle des moutons (Arnoseris minima).

Pelouses calcicoles Sur le versant abrupt des rives concaves, les pelouses calcicoles résultent d’un défrichement ancien des vallons et talus d’éboulis

Falaises, pelouses et bois calcicoles en coteau près des Andelys. 80


J. Chaïb / AREHN

Tourbières d’Heurteauville.

Rossolis, plantes carnivores des tourbières. 81

J. Chaïb / AREHN

L

Pourquoi y a-t-il des tourbières en vallée de Seine ?

es tourbières se trouvent « normalement » en montagne, aux environs du cercle polaire arctique, en Irlande ou en Ecosse. Et pourtant, il en existe deux dans l’estuaire de la Seine : celle d’Heurteauville et celle du marais Vernier, qui est aussi la plus grande de France. Avec le remblaiement flandrien (voir p. 36), l’ancien chenal de la Seine (dans le cas du marais Vernier) et un bras (dans celui d’Heurteauville) se sont retrouvés isolés du cours du fleuve. Ces dépressions humides ont été alors soumises à un lent comblement par des matières végétales, notamment issues de carex, appelés aussi laîches. Les basses températures qui régnaient alors – notamment du fait de l’exposition nord ou est – et la faible oxygénation des eaux stagnantes ont ralenti les processus de décomposition. Une tourbe noire s’est accumulée jusqu’à affleurer la surface de l’eau. Le lessivage par les pluies rendant le milieu acide, ce sont alors les sphaignes qui s’installent. Ces mousses donnent par leur accumulation la tourbe blonde. Ce milieu permet l’installation de plantes spécifiques et rares telles que le flûteau fausse-renoncule (Baldellia ranunculoides), le mouron délicat (Anagallis tenella), les rossolis (Drosera rotundifolia, R. intermedia), Rhynchospora alba, Lobelia urens, Thelypteris palustris (une fougère)… Avec le temps, la tourbière se transforme en lande où poussent des bruyères comme Erica tetralix et des arbustes comme Salix argentea et Myrica gale, le piment royal, aux feuilles puissamment odoriférantes. Ensuite, la tourbière va se boiser naturellement. On y rencontrera la plus grande des fougères françaises, l’osmonde royale (Osmunda regalis). La tourbière du marais Vernier a subi des tentatives d’asséchement pour la mise en culture. Sa flore s’est appauvrie, avec l’apparition de la molinie, une graminée, de la fougère aigle et des bouleaux. Le pâturage par des animaux rustiques pourrait inverser le processus. En effet, beaucoup des graines qui sont conservées dans la tourbe, pourraient germer de nouveau.


D

Comment la faune se répartit-elle dans l’estuaire ?

Natalia Sukhikh, Zoological Institute of RAS

Eurytemora affinis : ce crustacé microscopique caractérise la partie salée de l’estuaire.

ans l’estuaire de la Seine, les variations de salinité, du niveau de l’eau et de la température font que peu d’espèces sont adaptées à ce milieu extrêmement changeant. La diversité biologique n’est donc pas très importante. En revanche, les espèces capables de subir ces variations vont trouver dans l’estuaire une abondante source de nourriture et vont être caractérisées par de fortes densités. De l’amont vers l’aval, la faune qualifiée de dulçaquicole (vivant dans les eaux douces) va être remplacée progressivement par une faune typiquement estuarienne et marine. La zone oligohaline (salinité faible, comprise entre 0,5 et 5 ‰) est marquée par une biodiversité faible. La richesse en espèces croît régulièrement de la zone mésohaline (salinité moyenne, comprise entre 5 et 18 ‰) à la zone polyhaline (salinité élevée, supérieure à 18 ‰). On observe également une augmentation quand on passe dans la zone fluviale (salinité nulle), en eau douce. La plupart des peuplements de poissons se répartissent longitudinalement dans l’estuaire de la Seine selon le gradient de salinité. Les espèces marines sont logiquement de moins en moins nombreuses quand on va vers l’amont. Celles qui sont typiquement estuariennes ou qui vivent alternativement en eau douce et en eau de mer (espèces amphihalines) se répartissent régulièrement. Le nombre d’espèces de poissons d’eau douce est maximal entre Rouen et Poses (17 à 23 espèces selon les secteurs étudiés). En aval de Rouen, la richesse spécifique est moindre, comprise entre 12 et 16 espèces d’eau douce selon les secteurs étudiés. Les peuplements benthiques* s’organisent également dans l’espace estuarien en fonction des conditions de vie qui leur sont offertes : salinité, concentrations en matières en suspension, courants et marée, concentration en oxygène dissous… La communauté benthique la plus diversifiée va ainsi se retrouver en amont de Rouen, là où les courants de marée sont les plus faibles. On peut alors trouver jusqu’à 124 taxons*, le benthos* étant alors majoritairement représenté par des insectes et des mollusques, dans une moindre mesure des annélides*. A Rouen et en aval de cette ville, la diversité diminue, le milieu étant moins favorable. En effet, le fleuve y est réduit à un chenal, les habitats sont peu diversifiés, il y a des courants très forts, auxquels s’ajoutent les effets du batillage (voir p. 72). Entre La Bouille et Vieux-Port, seulement 26 taxons* ont été répertoriés sur 82


ou secondaire. L’estuaire de la Seine se caractérise par une faible richesse en espèces. Cette diversité diminue de l’amont vers l’aval. A l’amont, le zooplancton est du zooplancton d’eau douce, où les rotifères* dominent et peuvent atteindre des densités élevées au printemps. A l’aval, l’estuaire salé est globalement dominé par le copépode* Eurytemora affinis qui peut atteindre des densités supérieures à 1 million d’individus par mètre cube d’eau. La répartition

Maison de l’Estuaire

les fonds, répartis majoritairement entre oligochètes* et insectes, et avec de très faibles abondances. Dans la zone d’embouchure, les espèces vont se répartir selon qu’elles vivent en zone intertidale* ou subtidale*, et sur des substrats meubles (vase, sable) ou durs (galets). Le zooplancton* occupe comme le benthos une position clé dans les chaînes alimentaires en tant que consommateur primaire et/

Le pélodyte est un des rares amphibiens qui fréquentent les zones humides plus ou moins salées des estuaires. 83


et l’abondance des différentes espèces constituant le zooplancton dans la zone du gradient de salinité vont être intimement liées à la salinité mais aussi à la température. Ainsi, les espèces estuariennes sont peu nombreuses mais présentes en abondance. Cette forte productivité est à mettre en relation avec la situation d’interface de l’écosystème dans lequel elles évoluent. L’estuaire va ainsi pouvoir jouer un rôle de nourricerie important pour d’autres organismes qui vont y venir pour réaliser une partie de leur développement (cas des poissons plats juvéniles) ou se nourrir (crustacés, poissons adultes, oiseaux…). Parmi ces espèces, certaines ne feront que transiter dans l’estuaire au cours de leurs migrations. On distingue deux types de migrations chez les poissons. Dans le cas de la migration anadrome, la reproduction et la ponte se font en eau douce et le reste du cycle de vie en mer. Cela concerne le saumon, l’alose, l’esturgeon, la lamproie… L’anguille est un exemple de migrateur catadrome, se reproduisant en mer et vivant le reste du temps en eau douce. Parmi les oiseaux qui viennent dans

l’estuaire, certains le font à l’occasion de leur migration, d’autres pour hiverner, d’autres y nichent, et d’autres encore s’y réfugient occasionnellement lors de vagues de froid.

Distribution longitudinale de la richesse spécifique de l’ichtyofaune entre Poses et le pont de Normandie (2002-2005).

Naturgucker.de/flickr.com

Références : Fascicule Seine-Aval 1.7, Patrimoine biologique et chaînes alimentaires, coordonné par J.-C. Dauvin, GIP Seine-Aval, 2002. Fascicule Seine-Aval 2. 5, Poissons, habitats et ressources halieutiques – cas de l’estuaire de la Seine, coordonné par J. Morin, GIP Seine-Aval, 2010. Fascicule Seine-Aval 2. 4, Le benthos de l’estuaire de la Seine, coordonné par J.-C. Dauvin, GIP Seine-Aval, 2010. Fiche thématique Seine-Aval, Etat des ressources biologiques : dynamique du zooplancton dans l’estuaire de la Seine, GIP Seine-Aval, 2009.

La dreissène est abondante dans l’estuaire fluvial, en eau douce. 84


L

antonio scarpi / Fotolia.com

Le bar, un poisson d’estuaire ?

85

e bar est un poisson eurytherme et euryhalin. En clair, il supporte de grandes variations de température et de salinité. En effet, il peut vivre à des températures allant de 2 °C à 32 °C et à des taux de salinité de 0,5 ‰ à plus de 40 ‰. Il se rencontre donc aussi bien en eau saumâtre qu’au niveau de l’embouchure de l’estuaire, dans les zones côtières ou en pleine mer. On l’a également observé en eau douce à l’amont de Rouen. Le bar a une préférence pour les eaux agitées, riches en oxygène. Le bar présente une croissance lente, une maturité sexuelle tardive (à l’âge d’environ 6 ans) et une grande longévité (plus d’une vingtaine d’années). Ces paramètres biologiques varient cependant en fonction du milieu, et notamment de la température. Par exemple, un bar de 5 ans mesure en moyenne 54 cm en Méditerranée, alors que sur les côtes bretonnes, sa taille moyenne au même âge n’est que de 40 cm. Mais le bar vit plus longtemps en eau froide ! La croissance des femelles est plus rapide que celle des mâles. Les juvéniles de bars séjournent pendant un ou deux ans dans les estuaires avant de rejoindre les eaux côtières, plus profondes. Dans l’estuaire de la Seine, ces juvéniles sont abondants dans les fosses Nord et Sud, avec une forte concentration d’individus de moins d’un an en secteur intertidal. Dans ces zones de nourricerie, les jeunes bars trouvent une nourriture adaptée. Ils consomment presque exclusivement des petits crustacés, et plus particulièrement des crevettes grises. Par ailleurs, il faut que les températures soient suffisamment basses pour qu’ils survivent. Les juvéniles rencontrés en estuaire de Seine assurent, au moins en partie, le renouvellement du stock d’adultes qui se déplacent entre la Manche et la Mer du Nord. Le bar est un poisson à valeur commerciale très élevée. En France, plus de 5 000 tonnes sont capturées chaque année par la pêche professionnelle. Les prélèvements réalisés par la pêche récréative seraient du même ordre de grandeur.

Référence : Fascicule Seine-Aval 2.5, Poissons, habitats et ressources halieutiques : cas de l’estuaire de la Seine, coordonné par J. Morin, GIP Seine-Aval, 2010.


P

Quelles sont les chaînes alimentaires dans l’estuaire de la Seine ?

Eaglestein/flickr.com

Le bécasseau maubèche, au bec relativement court, se nourrit de proies situées en surface, comme les bivalves.

lutôt que de chaînes alimentaires, les scientifiques préfèrent parler de « chaînes trophiques », mais la signification reste la même. Il s’agit de l’ensemble des relations existant entre des organismes en fonction de la façon dont ceux-ci se nourrissent. Chacun mange des organismes de niveau inférieur afin d’acquérir de l’énergie. La chaîne alimentaire comprend différents maillons appelés « niveaux trophiques » : les organismes producteurs, ou producteurs primaires (phytobenthos* et phytoplancton*), sont mangés par les consommateurs primaires (herbivores, zooplancton* notamment), eux-mêmes dévorés par les consommateurs secondaires (carnivores). Il y a enfin les détritivores* (nécrophages*) et les décomposeurs (bactéries) qui se nourrissent des débris animaux et végétaux, recyclant ainsi les composés organiques*. Cette dernière phase réduit les matières organiques en composés minéraux (nutriments), qui, libérés dans l’eau ou le sol, seront de nouveau absorbés par les producteurs primaires. Un même organisme peut occuper plusieurs niveaux trophiques suivant sa position dans l’écosystème à un moment donné. De même, une espèce peut être un maillon commun à plusieurs chaînes alimentaires. Les chaînes alimentaires d’un milieu sont donc liées et constituent ce qu’on appelle le « réseau trophique » du milieu. On est loin de tout savoir sur les producteurs primaires de l’estuaire de la Seine. En revanche, certaines chaînes alimentaires ont été bien étudiées, notamment au niveau des poissons. Le régime alimentaire de ces derniers varie beaucoup selon les espèces. Le bar va préférer les crustacés (90 % de son régime), la sole, les annélides et les crustacés (65 % et 23 % respectivement), la plie, les bivalves et les annélides

Chaîne alimentaire simplifiée de l’estuaire de la Seine. 86


Régime alimentaire de la sole commune (A), de la petite sole jaune (B) et de la plie (C).

(62 % et 19 %). Le flet, le tacaud ou le merlan consommeront plutôt des poissons et des crustacés. Des comportements différents apparaissent également au sein de chaque espèce suivant la taille des poissons. Par exemple, une plie de moins de 13 cm de long va préférer les polychètes (sortes de vers marins), alors qu’une plie plus grande consommera plutôt des mollusques. Interviennent également dans les choix alimentaires le fait de vivre près du fond, dans le sédiment ou dans la colonne d’eau, ainsi que la localisation des proies au gré des marées. Des variations saisonnières dans les régimes alimentaires ont également été mises en évidence. La crevette grise, par exemple, proie importante pour le bar, voit ses effectifs diminuer fortement en hiver et par voie de conséquence dans l’estomac des bars, qui se reportent alors vers des annélides (vers). Si un type de proie n’est pas présent en quantité suffisante pour couvrir les besoins d’un groupe de prédateurs, ceuxci chercheront des proies de substitution. Les oiseaux sont assez bien étudiés également. L’estuaire de la Seine est situé sur une grande voie de migration côtière. Il accueille donc de nombreuses espèces qui, au même titre que les poissons, font partie de la chaîne alimentaire, principalement en tant que consommateurs secondaires. C’est dans la partie nord de l’estuaire, là où sont localisées les plus importantes étendues de vasières, prairies humides et roselières, que se rencontrent les plus fortes concentrations d’oiseaux. Chaque espèce recherche certaines catégories d’invertébrés plutôt que telle autre, sur la zone intertidale*, en fonction de la forme, de la longueur et de la robustesse de son bec. Ainsi le courlis cendré, un échassier, grâce à son long bec courbé, va facilement se nourrir de polychètes (comme les néréides) qui vivent en profondeur dans le sédiment. Les bécasseaux maubèche, d’autres échassiers, mais au bec plus court, vont se nourrir de proies situées plus en surface, comme les bivalves (dont Macoma balthica). La taille joue aussi : un oiseau peut délaisser sa proie favorite pour une autre si elle est plus grosse et lui donne davantage d’énergie ! Références : Fascicule Seine-Aval 1.7, Patrimoine biologique et chaînes alimentaires, coordonné par J-C. Dauvin, GIP Seine-Aval, 2002. Fascicule Seine-Aval 2.4, Le benthos de l’estuaire de la Seine, coordonné par J-C. Dauvin, GIP Seine-Aval, 2010.

87


Qu’est-ce que…

caractéristiques de l’habitat : nature des fonds, courants, salinité, oxygénation. La variation de la salinité fait que l’on rencontre de moins en moins d’espèces quand on va de l’amont vers l’aval de l’estuaire. Cette diminution est à mettre également en rapport avec l’augmentation de la turbidité et la diminution de la concentration en oxygène dissous vers l’aval. La diversité des habitats physiques – fonds sableux ou vaseux, zones d’eaux calmes ou courantes – est un facteur de diversification des communautés benthiques. Elle explique en partie la richesse en espèces de l’estuaire de la Seine. Les communautés benthiques des zones intertidales de l’estuaire aval ont fait l’objet de nombreuses recherches en liaison avec les travaux d’aménagement. On distingue trois grands types : - les communautés des vases estuariennes, caractérisées par le mollusque Macoma baltica et localisées dans la vasière Nord ; - les communautés des sables, sur la rive sud de l’estuaire, avec l’amphipode Bathyporea pilosa et le polychète Nephtys cirrosa ;

Le benthos

B

CSLN

enthos est un mot grec qui signifie « profondeur ». Pour les biologistes, le benthos est l’ensemble des organismes aquatiques, végétaux ou animaux, vivant la plus grande partie de leur cycle en relation avec le fond, parfois même enfouis dans les sédiments. La moule, la crevette grise, les algues sont des exemples de ces organismes. Les spécialistes identifient plusieurs catégories d’organismes benthiques, en fonction de leur taille, de leur mode de vie et des milieux qu’ils colonisent. On distingue notamment : - Le macrophytobenthos, composé d’algues de grande taille (ulves, fucus, laminaires) et de phanérogames (zostères, par exemple). - Le microphytobenthos, constitué par les algues benthiques microscopiques telles que les diatomées, les chlorophycées, qui vivent fixées sur des substrats rocheux, ou encore sur des macroalgues. - Le méiobenthos, qui désigne les animaux benthiques, le plus souvent mobiles, de taille comprise entre 40 µm et 1 mm, colonisant l’eau entre les grains de sable et autres particules constituant les sédiments. Cette faune est composée de nombreux groupes d’animaux : crustacés, protozoaires, cnidaires… Elle regroupe le méiobenthos permanent (animaux qui restent petits toute leur vie) et les juvéniles de macrobenthos. - Le macrobenthos, animaux benthiques de taille supérieure à 1 mm, libres ou fixés, qui vivent à la surface des sédiments ou sur les fonds rocheux. - Le suprabenthos, correspondant aux organismes qui vivent juste au-dessus du fond. Près de 1 500 espèces benthiques ont été recensées dans l’estuaire de la Seine, dont beaucoup sont assez rares. La composition des communautés benthiques colonisant un même espace dépend des

La crevette grise fait partie du suprabenthos. 88


F. Gevaert

- les communautés de substrat dur, au sud de l’estuaire, sur le littoral du Calvados et le platier de Villerville. On y trouve en particulier la moule bleue et les balanes. La faune benthique joue plusieurs rôles dans le fonctionnement écologique de l’estuaire. Tout d’abord, le macrobenthos est une source importante de nourriture pour les poissons et les oiseaux. Le benthos intervient par ailleurs dans la décomposition et la minéralisation de la matière organique, via les microorganismes. Lorsque les organismes filtreurs tels que les mollusques bivalves sont en grand nombre, ils contribuent à améliorer la transparence des eaux en filtrant les particules (biosédimentation). Le benthos étant peu mobile, il est considéré comme un bon intégrateur des variations de l’environnement sous l’effet des facteurs naturels ou humains. Les variations à long terme de la composition des communautés benthiques peuvent ainsi renseigner sur les changements intervenus dans l’écosystème estuarien. Enfin, le benthos peut être assimilé à une « espèce ingénieur » : en fabricant son habitat, une telle espèce contribue à structurer le substrat de fond, ce qui peut changer localement les courants.

Hans Hillevaert

Ulves.

Référence : Fascicule Seine-Aval 2.4, Le benthos dans l’estuaire de la Seine, coordonné par J-C. Dauvin, GIP Seine-Aval, 2010.

Macoma balthica caractérise les communautés benthiques des vases estuariennes. 89


O

Y a-t-il des animaux et plantes exotiques dans l’estuaire de la Seine ?

90

A.-L. Janson / UMR CNRS 8187 LOG

J. Chaïb / AREHN

Renouée du Japon.

ui, et ils sont nombreux ! Les estuaires sont, en effet, des lieux très fréquentés par des navires provenant de divers continents. Chaque jour, des milliers d’espèces animales ou végétales voyagent dans les ballasts de ces bateaux ou dans des containers. En effet, les navires peu chargés, qui ont besoin de lest pour assurer leur stabilité, prélèvent de l’eau dans les ports. Ils la rejettent dans un autre port, quand ils chargent la cargaison. Cette eau de lest contient des organismes vivants. Beaucoup de ces organismes mourront rapidement, mais certains subsistent quelque temps dans le nouveau milieu. Quelques espèces vont y trouver des conditions écologiques favorables à leur installation. Elles vont se naturaliser, c’est-à-dire donner des populations se reproduisant sur place. Les introductions sont parfois volontaires. C’est le cas de l’huître Crassostrea gigas, originaire du Pacifique, introduite à la fin des années 1960 dans le bassin de Marennes-Oléron et qui a, depuis, colonisé les côtes françaises. L’huître dite « portugaise », Crassostrea angulata, a, elle aussi, été introduite, il y a quelques siècles… Il y a des espèces animales qui voyagent avec les naissains* d’huîtres.

Couteau américain.


J.-P. Thorez / AREHN

Références : Fascicule Seine-Aval 2.4, Le benthos de l’estuaire de la Seine, coordonné par J-C. Dauvin, GIP Seine-Aval, 2010. Projet SA4 2009 VIP, coordonné par T. Ruellet.

Séneçon du Cap : on le rencontre surtout le long des autoroutes et des voies ferrées.

Corbicula fluminalis. 91

US Geological Survey A.-L. Janson / UMR CNRS 8187 LOG

5,25 espèces introduites ou invasives qui ont été retrouvées à chaque plongée. Elles représentent en moyenne 10,25 % de la biodiversité* observée. Les transferts d’espèces d’un continent à un Moule zébrée. autre ne sont pas récents, mais l’accroissement des transports maritimes au cours des dernières décennies augmente la probabilité de voir de nouvelles espèces s’installer dans l’estuaire. Les milieux terrestres, amphibies et les eaux douces ont également leurs espèces exotiques. Elles colonisent de préférence les espaces banalisés, les substrats perturbés et enrichis en azote… Beaucoup proviennent d’Amérique du Nord, d’où elles ont souvent été importées avec les marchandises. Les études sur les adventices de l’estuaire dans la première moitié du XXe siècle le montrent. Quelques exemples parmi les plantes poussant près de la Seine ou dans la Seine : l’élodée du canada (Elodea canadensis), introduite au milieu du XIXe siècle, la jussie à grandes fleurs (Ludwigia grandiflora), le buddleia (Buddleja davidii), la renouée du Japon (Fallopia japonica), le séneçon du Cap (Senecio inaequidens), la vigne vierge (Ampelopsis quinquefolia)… Du côté des animaux, citons l’écrevisse de Louisiane, la perche soleil, le silure glane, le rat musqué, le ragondin, qui ont envahi la Seine normande.

D’autres sont rejetées, volontairement ou non, par des propriétaires d’aquariums. Parmi les espèces exotiques naturalisées dans l’estuaire, il y a de nombreux mollusques : - Dans le secteur amont, Corbicula fluminalis (jusqu’à 600 individus pour 0,25 m2 !) et Corbicula fluminea, qui viennent de l’est de l’Asie. - Dreissena polymorpha, la moule zébrée d’eau douce, qui est originaire du pourtour de la mer Noire. Son succès écologique s’explique notamment par sa fécondité élevée, une durée de vie atteignant cinq ans, ou encore son adaptation aisée à différentes conditions de milieu. - En domaine marin, Ensis directus, le couteau américain, colonise les petits fonds de la baie de Seine avec des densités approchant les 100 individus par mètre carré. Un programme de recherche, actuellement en cours, vise à caractériser les espèces introduites dans les bassins portuaires et à proximité des ports de l’estuaire de la Seine. Lors de 27 plongées sur le territoire de l’estuaire de la Seine (18 sites), ce sont en moyenne


L

Panorama

’estuaire de la Seine est plutôt riche en espèces de poissons. Les conditions hydrologiques variées – notamment la salinité – font que l’on ne rencontre pas tout à fait les mêmes poissons dans les parties amont et aval de l’estuaire. Entre Poses et l’embouchure de la Risle, 56 poissons différents sont dénombrés, dont une trentaine d’espèces d’eau douce (soit 80 % des espèces présentes dans l’ensemble du bassin de la Seine), 10 espèces amphihalines*, 11 espèces marines, et 5 espèces dites « résidentes ». Le bar commun est un poisson marin qui fait exception dans l’estuaire puisqu’il remonte au delà de la limite de salure des eaux. On l’a même observé en amont de Rouen. Le sprat et le hareng fréquentent également l’estuaire. Les poissons amphihalins passent une partie de leur vie en eau douce, et l’autre en eau salée. L’espèce la plus fréquente dans cette catégorie est l’anguille. Le flet, le mulet porc et l’éperlan sont également bien représentés. D’autres espèces, comme le saumon, l’alose feinte ou la truite de mer, sont actuellement moins abondantes qu’autrefois. Les poissons « résidents », qui accomplissent l’ensemble de leur cycle biologique à l’intérieur de l’estuaire, sont peu nombreux. Les plus fréquemment observés sont l’épinoche et un gobiidé. Ce nombre peu élevé d’espèces est à mettre en relation avec les difficiles conditions de vie dans ce milieu qu’est l’estuaire. Le gradient de salinité, la turbidité et les courants de marée sont des facteurs qui pénalisent la ponte et le développement larvaire. Les poissons d’eau douce sont dans cette zone les mieux représentés : brèmes, sandre, perche commune, gardon, vandoise, rotengle, chevesne, goujon, carpe… Le nombre d’espèces de poissons présentes dans l’estuaire de la Seine résulte de deux phénomènes antagonistes : - l’appauvrissement du cortège de migrateurs amphihalins (alose feinte, grande alose, lamproie marine et lamproie fluviatile, saumon..) suite aux aménagements et à la pollution ; - l’enrichissement du peuplement résultant de l’introduction de nouvelles espèces : perche soleil, sandre, ombre commun…

J.-P. Thorez / AREHN

Les poissons du fleuve

Pêche scientifique organisée par l’Agence de l’eau Seine-Normandie près de Rouen. 92


L’estuaire de la Seine est un écosystème clé pour de nombreuses espèces. Lieu de passage obligé pour les poissons migrateurs, il offre aussi des conditions favorables à l’alimentation et à la croissance des jeunes poissons et remplit ainsi un rôle de nourricerie* et de zone refuge.

J.-P. Thorez / AREHN

Référence : Fascicule Seine-Aval 2.5, Poissons, habitats et ressources halieutiques : cas de l’estuaire de la Seine, coordonné par J. Morin, GIP Seine-Aval, 2010.

Carpe commune. 93


O

Que pêchait-on dans la Seine autrefois ?

Archives J. Chaïb

n raconte que, jadis, les ouvriers agricoles de la vallée de Seine se plaignaient qu’on leur serve trop souvent du saumon à table ! Quand bien même l’anecdote serait un peu exagérée, il est un fait que le saumon était abondant en Seine. Les pêcheurs artisanaux du seul quartier* de Rouen capturaient dans leurs filets cinq tonnes de saumons par an, jusqu’au début du XXe siècle. L’alose de la Seine, autre poisson migrateur, figurait régulièrement au menu des cérémonies, avant la Seconde Guerre mondiale. Aussi curieux que cela puisse sembler aujourd’hui, l’esturgeon d’Europe (Accipenser sturio) fréquentait l’estuaire. Une des plus grosses prises jamais effectuées – un spécimen de 212 kilos, en 1890 – est à mettre à l’actif des frères Billard, ancêtres du dernier pêcheur artisanal de la Seine, Armand Billard. Les anguilles étaient jadis abondantes en Seine. Leur raréfaction actuelle tient surtout à la pêche, aux parasites et au braconnage des civelles* lorsqu’elles arrivent de la mer des Sargasses, leur lieu de naissance. Le brochet faisait aussi partie des poissons nobles qu’on pêchait assez régulièrement jadis. Les poissons blancs – carpes, brèmes, goujons… –, quant à eux, constituaient surtout l’ordinaire des populations les plus défavorisées.

Les techniques de pêche différaient selon l’endroit.

On pêchait aussi à l’épervier. 94


Les techniques de pêche différaient selon l’endroit. Ainsi, la pêche saisonnière à l’éperlan – un grand classique de la pêche en Seine – se pratiquait avec des filets que l’on tendait sur son passage, notamment en amont de Rouen. Ces « pièges » ont été construits à l’amont de Poses jusque dans la première moitié du XXe siècle. Les nasses tressées étaient souvent immergées dans les bras. A partir des barques, des pontons et des rives, on pêchait aussi à l’épervier, filet que l’on lançait et ramenait ensuite.

Dans l’embouchure de la Seine, la pêche faisait appel à des bateaux à voiles destinés à aller en mer. Il s’agissait surtout de pêche aux poissons plats, notamment la sole, pour lesquels les vasières constituent d’importantes nourriceries*.

Archives J. Chaïb

Bateau à voile : il s’agissait surtout de pêche aux poissons plats.

95


On semble avoir perdu la mémoire de cette ressource.

cathyse97 / flickr.com

La fameuse friture d’éperlans appartient-elle au passé ?

96

L

’éperlan est un poisson emblématique de l’estuaire de la Seine, comme en témoigne l’histoire suivante. Les armoiries de la ville de Caudebec-en-Caux en Normandie sont « d’azur aux trois saumons d’argent posés en face l’un sur l’autre ». Caudebec fut autrefois un port de pêche prospère qui avait pris pour emblème trois éperlans. Mais en 1696, une ordonnance de Louis XIV prescrivit que les poissons de Caudebec seraient à l’avenir reconnus comme saumons et non comme éperlans. Un arrêt de la Chancellerie, en date du 26 janvier 1828, a expressément confirmé ce privilège. Il est vrai que l’éperlan est un petit cousin du saumon, mais quand même… L’éperlan était abondant autrefois. On le consommait en friture. « Le plus que j’ai pris, moi, à dériver sous les ponts d’Elbeuf en 42, six cents kilos d’une marée, ça vous dit rien ! », se rappelle un pêcheur professionnel de l’époque(1). La montaison de l’éperlan, c’est-à-dire sa migration de reproduction vers l’amont, était détectée par les professionnels. Ils guettaient le « reverdissement » de la nature, les changements des vents et de la lune, et le revif, période où la marée est de plus en plus forte. Un dicton signalait aux pêcheurs d’Elbeuf le moment du départ : « A la Saint-Aubin, l’éperlan est en chemin ». De fait, dans la première moitié du XIXe siècle, l’éperlan avait un réel intérêt économique. Sa population s’est maintenue jusqu’en 1950, puis elle a fortement décliné jusque dans les années 1965-1970. L’éperlan était alors considéré comme pratiquement disparu. Dans les années 1990, les pêcheurs crevettiers signalent sa réapparition. Celleci serait liée à une amélioration de la qualité des eaux, et notamment du taux d’oxygène, après de longues périodes où l’anoxie* régnait à l’aval de Rouen. Des populations d’éperlans se reproduisent maintenant aux environs de Duclair. A cet endroit, la turbidité* de l’eau est faible, ce qui favorise le frai, car les œufs doivent être fixés sur un substrat grossier. La longévité maximale d’un éperlan est de 4 à 5 ans pour une taille maximale d’environ 30 cm. Depuis 2003, la population d’éperlans a subi un boom démographique, mais il est difficile de prédire son évolution future. L’espèce est sensible à la température, et le réchauffement climatique pourrait lui être défavorable.


En dépit du retour de l’éperlan, la pêche professionnelle ne lui a pas porté beaucoup d’intérêt. On semble avoir perdu la mémoire de cette ressource.

Algirdas

Archives J. Chaïb

(1) Rapporté par Morel B. (1984), Pêche et navigation de la Basse-Seine (18501950), tome 2, La pêche.

On consommait l’éperlan en friture.

L’éperlan se reproduit du côté de Duclair.

Référence : Fascicule Seine-Aval 2.5, Poissons, habitats et ressources halieutiques : cas de l’estuaire de la Seine, coordonné par J. Morin, GIP Seine-Aval, 2010.

97


E

Jeunes saumons pêchés dans l’Andelle en octobre 2009.

C. Goujon / Siba

Y a-t-il du saumon dans la Seine ?

98

n 2009, 40 saumons atlantiques ont été vus dans la chambre d’observation du barrage de Poses (voir p. 100). Il y en avait eu 48 en 2008, entre le 1er janvier et le 30 juin. Au total, l’espèce a été filmée 55 fois en montée et 15 fois en descente, ce qui ferait un total de 40 individus en montaison*. 80 % des individus observés mesurent entre 60 et 80 cm. Il y a donc bien du saumon en Seine. Mieux : l’Onema(1) a constaté la reproduction du saumon dans l’Andelle, affluent de la Seine, en 2009. Un indice d’une amélioration de la qualité des milieux fréquentés par le poisson ! Le saumon est une espèce emblématique. Autrefois, il était abondant et constituait une ressource substantielle pour les pêcheurs de la Seine. L’un d’eux raconte(2) : « Le saumon, on l’travaillait au filet dérivant de nuit. J’ai vu à cette époque-là (en 1920) des petits saumons de 5, 6 livres, en prendre 12, 15 dans la journée. Le plus gros que j’ai pris, il faisait 23 livres, c’était un monument, un beau morceau. Le plus beau que mon père a pris, il faisait 42 livres, il était aussi long que la table. » Le déclin du saumon dans la Seine a été relaté abondamment. Il a progressivement disparu au début du XXe siècle comme les autres migrateurs (esturgeon, grande alose, lamproie marine). L’espèce est encore actuellement menacée d’extinction. Un contexte international favorable contribue certainement à expliquer que le saumon puisse de nouveau être observé dans l’estuaire de la Seine. Les faibles concentrations en oxygène dissous restent toutefois un obstacle pour la remontée de ce poisson dans l’estuaire en été. Le saumon est également une espèce phare, symbole de la restauration des milieux aquatiques. Ainsi, on a parlé du retour du saumon dans la Tamise, et il est l’emblème de la restauration du Rhin. Le saumon atlantique (Salmo salar) est un poisson dont le cycle biologique peut s’étaler sur 3 à 7 ans. La reproduction a lieu de novembre à janvier dans les cours d’eau. Les jeunes saumons, appelés smolts, subissent une transformation qui va leur permettre de vivre en milieu marin. Ils migrent ensuite vers la mer. Grâce à leur mémoire olfactive, ils sauront retrouver leur cours d’eau natal, où ils se reproduiront à leur tour. Ce phénomène, appelé « homing », a pour conséquence l’existence d’une population propre à chaque


type hydrographique. Ainsi, c’est la population censée venir en Seine qu’on y trouve et pas celle « programmée » pour aller dans le Rhin ou la Tamise. (1) Office national de l’eau et des milieux aquatiques.

J.-P. Thorez / AREHN

(2) Rapporté par Morel B. (1984), Pêche et navigation de la Basse-Seine (18501950), tome 2, La pêche.

Références : Fascicule Seine-Aval 2.5, Poissons, habitats et ressources halieutiques : cas de l’estuaire de la Seine, coordonné par J. Morin, GIP Seine-Aval, 2010. Comité de pilotage du projet de système de vidéo-comptage à la chambre d’observation de Poses, Syndicat mixte de la base de plein air et de loisirs de Léry-Poses, 2009.

Saumon atlantique capturé en Haute-Normandie.

99


A

Chambre d’observation de la passe à poissons du barrage de Poses.

Syndicat mixte de la base de loisirs de Léry-Poses

A quoi sert la passe à poissons de Poses ?

100

Poses (Eure), en amont de Rouen, se situe un important barrage en travers de la Seine. Or, les barrages sont des obstacles quasi infranchissables pour les poissons migrateurs. Même lorsqu’il y a une écluse – c’est le cas à Poses –, le passage n’est pas aisé. Depuis 1984, la loi sur la pêche oblige tous les propriétaires de barrages installés sur les cours d’eau à poissons migrateurs à aménager leurs ouvrages pour permettre aux poissons de circuler librement. Ainsi, en 1991, à la demande du Conseil supérieur de la pêche, une passe à poissons fut construite au barrage de Poses. C’était une mesure d’accompagnement de la construction de la centrale hydroélectrique au niveau du barrage. Le principe de la passe est simple : il s’agit d’attirer les poissons arrivant à l’aval immédiat du barrage et de les inciter à passer par une voie d’eau artificielle contournant celui-ci. Une échelle à poissons constituée de 22 bassins successifs divise le dénivelé en petites chutes de 15 à 25 cm. La passe à poissons fait 86 mètres de long. Les poissons migrateurs, qui nagent à contre-courant, peuvent ainsi passer facilement du bas du barrage au sommet, soit un dénivelé moyen de 5 mètres. Le débit dans la passe est de 1 m3 par seconde. La passe à poissons est équipée d’une chambre d’observation avec un système de vidéo-comptage qui permet de comptabiliser les espèces passant par cette voie. C’est une salle ayant trois baies vitrées qui donnent sous l’eau, dans la passe. Un suivi scientifique des migrations de poissons est ainsi effectué par ce biais. La caméra filme en permanence, et lorsqu’un poisson passe devant le système, une photographie est réalisée et stockée en vue d’une exploitation ultérieure. Les poissons très nombreux ou trop petits pour être détectés, ou encore n’ayant que peu d’intérêt scientifique, ne sont pas recensés. C’est le cas des ablettes, des gardons et des anguillettes. Il est prévu une deuxième passe pour 2013, ce qui devrait permettre de les comptabiliser tout en facilitant leur migration. A titre d’exemple, page suivante, quelques comptages effectués sur 6 mois en 2008 et 2009 du 1er janvier au 31 juin.


Exemples de comptages sur 6 mois.

Salmonidés Saumon atlantique Truite de mer (+ de 60 cm) Truite (moins de 60 cm) Autres migrateurs Lamproie marine Lamproie fluviatile Alose Anguille adulte de dévalaison Mulet Sédentaires Barbeau fluviatile Brochet Carassin

Résultats provisoires au 30 juin 2008

Résultats provisoires au 30 juin 2009

48 12 110

40 26 50

950 - 36 125 9 1 940

368 2 0

63 - 1 1

64 0 6

J.-P. Thorez / AREHN

NB : les chiffres négatifs représentent le passage de poissons dans le sens inverse, d’amont en aval.

Références : Fascicule Seine-Aval 2.6, Le risque inondation : conditions de déclenchement et perspectives, coordonné par H. El Abida, GIP Seine-Aval, 2010. Site internet de la mairie de Poses: http://www.poses.fr Comité de pilotage du projet de système de vidéo-comptage à la chambre d’observation de Poses, Syndicat mixte de la base de plein air et de loisirs de Léry-Poses, 2009.

L’échelle à poissons.

101


Panorama

Le vanneau huppé, la barge à queue noire et le courlis cendré – des échassiers – nidifient dans les prairies humides. Les effectifs de couples nicheurs ont régressé entre 1980 et 2002, mais remontent depuis 2003. Pour améliorer les capacités d’accueil, il est préconisé de préserver les prairies humides et de les maintenir humides jusqu’au début de l’été.

Les oiseaux de l’estuaire de la Seine

Les oiseaux d’eau Depuis 2000, les effectifs annuels de l’ensemble des oiseaux d’eau dénombrés à l’embouchure de l’estuaire, et fréquentant essentiellement les milieux marins et littoraux, montrent une nette tendance à la baisse. Ils sont passés de 40 000 en 2000 à moins de 25 000 en 2007. La chute est très sensible pour les limicoles*, plus lente pour les plongeons, grèbes, hérons et canards. D’autres groupes d’oiseaux, comme les sternes ou les laridés*, sont sujets à des variations interannuelles. Cette situation peut s’expliquer par la diminution des vasières intertidales* et le phénomène de

R

econnue pour son intérêt ornithologique national et international, l’embouchure de l’estuaire de la Seine accueille de nombreux oiseaux. Son intérêt est majeur pour les espèces migratrices, ainsi que pour la nidification de certaines espèces aquatiques et en période d’hivernage, notamment pour quelques limicoles* et anatidés*. C’est également une zone de refuge lorsque des vagues de froid s’abattent sur le Nord-Est de l’Europe, et une zone de nourrissage pour les oiseaux qui exploitent les invertébrés, notamment dans les vasières. Plus de 270 espèces d’oiseaux ont été observées de 1995 à 2004, dont 164 régulièrement, 101 espèces nicheuses et 92 espèces hivernantes. Parmi les espèces fréquentant le site, 59 sont inscrites à l’annexe 1 de la Directive oiseaux, c’est-à-dire la liste des espèces à protéger prioritairement selon l’Union européenne. Il va apparaître nettement dans ce qui suit que la fonction d’accueil des oiseaux nécessite une gestion adaptée des milieux concernés dans l’estuaire de la Seine (mares, roselières…).

Les oiseaux nicheurs Chaque communauté d’oiseaux va se reproduire de préférence dans un type de milieux déterminé. Ainsi le butor étoilé et les passereaux paludicoles* (rousserolle effarvatte, panure à moustaches, phragmite des joncs…) nichent dans les roselières et leurs abords. Les limicoles* (barge à queue noire, vanneau huppé, avocette, échasse…) vont, quant à eux, préférer les prairies et les pourtours de mares. Enfin, certains passereaux (bruant proyer, bergeronnette printanière, tarier des prés…) et le râle des genêts vont se reproduire dans les prairies fauchées. L’estuaire accueille par ailleurs des cigognes blanches et des faucons pèlerins. 102


« continentalisation » de l’estuaire, la diminution des ressources alimentaires associées à la réduction des vasières, la disparition de certains habitats à l’embouchure. Le cas de l’avocette élégante (voir p. 105) est symptomatique, car fortement lié à la régression des vasières. A l’inverse, l’oie cendrée connaît une augmentation de ses effectifs depuis les années 1990. Cette espèce fréquentant les zones d’herbus* et le schorre*, dont les surfaces augmentent, sa présence traduit un atterrissement* de certains secteurs et la « continentalisation » de l’estuaire.

prairies subhalophiles* au nord de cette zone. La durée d’immersion (pour les limicoles*), la hauteur d’eau et la surface inondée (pour les anatidés de surface*) sont des facteurs capitaux : une immersion longue des prairies subhalophiles* en fin d’hiver et au printemps associée à une baisse progressive du niveau d’eau par ressuyage naturel des terrains favorisera l’accueil des limicoles et des anatidés. On le voit nettement avec la barge à queue noire, un limicole qui stationne à l’occasion de sa migration prénuptiale. Les roselières ont également une importance internationale. La rousserolle effarvate – sorte de fauvette aquatique – est très abondante dans les phragmitaies*. Le rare phragmite des joncs transite par les marais du Hode.

Les oiseaux migrateurs L’estuaire de la Seine, en raison de sa situation géographique et de la diversité des milieux écologiques, est un lieu d’accueil important pour de nombreux oiseaux en migration prénuptiale* ou postnuptiale*. Sa capacité dépend des mares et des plans d’eau situés dans la réserve naturelle, et des mares situées dans les

Références : voir p. 105.

103


Le butor étoilé Le butor étoilé est un cousin des hérons présent dans l’estuaire de la Seine en période de nidification, d’hivernage et de migrations. Il niche dans les roselières humides et fréquente les mares et les fossés pour s’alimenter. L’estuaire de la Seine est un site majeur pour cette espèce protégée par la directive Oiseaux. Entre 1983 et 1995, la population de butors étoilés dans l’embouchure et les boucles de la Seine a oscillé entre 1 et 4 individus soit 1 % de la population nationale. A partir de 1995, elle a augmenté, atteignant en 2001 et 2003 un maximum proche de 30 mâles chanteurs (10 % de la population nationale). Depuis 2004, la population s’est stabilisée entre 14 et 25 mâles chanteurs, ce qui semble indiquer que le site a certainement atteint les limites de sa capacité d’accueil. Cette situation favorable est peut-être la récompense de la mise en place de mesures favorables à l’oiseau – gestion des coupes de roseaux et des niveaux d’eau dans les mares –, mais également la conséquence de l’augmentation des surfaces de roselières et des surfaces en eau, ainsi que de la baisse de fréquentation de la route de l’Estuaire.

Maison de l’Estuaire

Le râle des genêts Le râle des genêts est une espèce rare, classée sur la liste des espèces à protéger de la directive européenne Oiseaux. L’essentiel de ses populations se situe en Europe de l’Est. Il ne reste en Europe de l’Ouest que des noyaux de plus en plus isolés représentant moins de 5 % de la population européenne. La France n’abrite plus aujourd’hui qu’environ 500 couples, contre 2 000 au début des années 1980. Dans l’estuaire de la Seine, les effectifs ont également diminué depuis cette date. On y compte moins de 20 mâles chanteurs. Cet oiseau fréquente de préférence les prairies de fauche, les jachères et les pâtures. Le fauchage de l’herbe semble être une pratique favorable à l’espèce. Des mesures ont été prises afin que la récolte de l’herbe soit retardée pour permettre aux nicheurs tardifs de trouver un habitat satisfaisant.

Butor étoilé : l’estuaire de la Seine a accueilli jusqu’à 10 % des effectifs nationaux.

Râle des genêts : une espèce menacée. 104

petitpere / flickr.com

Quelques oiseaux emblématiques


Florian Andronache / Fotolia.com

L’avocette élégante L’avocette élégante est un élégant échassier limicole* au bec retroussé qui se nourrit d’invertébrés qu’elle trouve dans les vasières. Son histoire dans l’estuaire de la Seine est riche d’enseignements. A partir du milieu des années 1970, elle s’installe pour nicher dans l’estuaire de la Seine. En une décennie, sa population atteint le chiffre d’une centaine de couples. Depuis, la situation ne cesse de se dégrader. L’espèce n’est plus qu’une nicheuse irrégulière, avec quelques couples. En hiver, on assiste également à une forte régression de l’avocette. Si avant les années 1990 l’estuaire de la Seine a pu accueillir plus de 1 000 hivernants, ce chiffre est maintenant ramené à quelques centaines. La diminution des surfaces de vasière et de reposoirs sablo-graveleux que connaît l’estuaire est une cause probable de la chute des effectifs d’avocettes.

L’avocette se nourrit dans les vasières. Références : Fiche thématique Seine-Aval, Etat des ressources biologiques : les oiseaux migrateurs dans l’estuaire de la Seine, GIP Seine-Aval et Maison de l’estuaire, 2010. Fiche thématique Seine-Aval, Etat des ressources biologiques : les oiseaux d’eau à l’embouchure de l’estuaire de la Seine, GIP Seine-Aval et Maison de l’estuaire, 2010. Fiche thématique Seine-Aval, Etat des ressources biologiques : les oiseaux nicheurs de l’embouchure de l’estuaire de la Seine , GIP Seine-Aval et Maison de l’estuaire, 2010. Observatoire de l’avifaune de l’estuaire et des marais de la basse Seine : données de suivi de l’avifaune, Maison de l’Estuaire et groupe ornithologique normand. Rapport Seine-Aval – Expertise collective CLIMAT- Les effets du changement climatique sur l’avifaune dans le cadre d’une expertise collective sur l’estuaire de la Seine – GONm - Sylvain Pinçon, Gérard Debout & Franck Morel, 2009. Les dossiers de la Maison de l’Estuaire, Les oiseaux de la zone de protection spéciale Estuaire et marais de la basse Seine, Maison de l’Estuaire et Parc naturel régional des Boucles de la Seine normande, 2009. Site internet : http://haute-normandie.lpo.fr/les-oiseaux-de-haute-normandie/index. html

105


Y a-t-il des oiseaux qu’on ne rencontre que dans la vallée de la Seine ?

N

• Terrasses d’alluvions sèches : œdicnème criard (R). • Falaises : faucon pèlerin (R). • Carrières de sable, microfalaises du bord de la Seine : hirondelle de rivage. • Arbres têtards* : chevêche d’Athéna, rougequeue à front blanc. • Bosquets : rossignol philomèle.

on, car les oiseaux sont très mobiles ! Certains, cependant, sont plus ou moins spécifiques de la vallée, où ils rencontrent leurs milieux de prédilection. Un peu partout : cygne tuberculé, cigogne blanche (R), spatule blanche (R), grand cormoran, mouettes rieuse, goéland argenté. • Vasières : avocette (RR), huîtrier pie, barge à queue noire (R). • Sur l’eau : canard souchet, tadorne de Belon (R), canard pilet (R), grèbe huppé, foulque macroule, sterne pierregarin. • Roselières : butor étoilé (R), blongios nain (RR), aigrette garzette, grande aigrette (R), bouscarle de Cetti, gorgebleue à miroir (R), panure à moustaches (R), busard des roseaux (R). • Prairies humides : vanneau huppé, courlis cendré, râle des genêts (R). gynti_46 / flickr.com

C. Moffat / Fotolia.com

R : rare. RR : très rare.

Rossignol philomèle : comme il aime se cacher, on le repère surtout grâce à son chant magnifique. Référence : Inventaire des oiseaux de Haute-Normandie, Ligue pour la protection des oiseaux HauteNormandie, 2005.

Œdicnème criard. 106


Loutre ? Non : ragondin, espèce d’origine américaine.

107

L

speleoneil2 / flickr.com

Spoutnik53 / flickr.com

Y a-t-il des mammifères particuliers dans la vallée de la Seine ?

a vallée de Seine était un territoire favorable aux petits carnivores. Mais le putois a régressé, le vison d’Europe et la loutre ont disparu, ce qui indique une dégradation des habitats et une augmentation des pressions de l’aménagement. Les chauves-souris trouvent dans les grottes de Caumont un site privilégié pour hiberner sans crainte de dérangement. Les spéléologues ont fait évoluer fortement la déontologie de leur pratique en matière de protection des habitats cavernicoles. En 2011, année internationale de la chauve-souris, la ministre chargée de l’Ecologie a signé une convention d’engagements avec la Fédération française de spéléologie en faveur de la protection du patrimoine souterrain : grottes, carrières, mines, fortifications, mais aussi faune et flore. Chez les rongeurs, si le castor s’est éteint il y a bien longtemps dans la vallée, le rat musqué et le ragondin, introduits malencontreusement d’Amérique, se sont implantés. On connaît bien les dégâts qu’ils commettent en creusant leurs galeries dans les berges. Enfin, du côté des grands herbivores, le cerf est un élément marquant de la faune des forêts de Roumare et Brotonne, voisines de la Seine.

Anciennes carrières de Caumont : les chauves-souris peuvent y hiberner en toute tranquillité.


Panorama

Les grandes fonctions écologiques de l’estuaire de la Seine

Une production pour l’essentiel naturelle (ici, la récolte des roseaux pour le chaume).

plus calmes, ainsi que les connexions entre la Seine et les zones humides adjacentes. - La nourricerie : la fonction d’alimentation associée à celle de refuge fait de l’estuaire une zone particulièrement favorable à la croissance et à la survie des jeunes stades de vie d’un grand nombre d‘espèces telles que la sole ou le bar. - La voie de migration : l’anguille, la lamproie, le saumon et quelques autres poissons migrent entre le milieu marin et les eaux continentales pour accomplir leur cycle de vie. Les estuaires constituent donc une zone de passage obligatoire. - La reproduction : pour certaines espèces comme l’éperlan ou l’alose feinte, l’estuaire offre des habitats favorables à l’établissement de frayères*. Cette fonction semble toutefois dégradée, voire absente, pour de nombreux poissons d’eau douce. En effet, bien qu’ils soient présents, parfois en abondance, dans certains bras ou à la confluence de rivières, leurs pontes ont peu de chances 108

C. Fisson/GIP Seine-Aval

O

n n’imagine pas que l’on puisse comparer un estuaire à un champ de maïs ou de canne à sucre, et pourtant c’est une réalité : les estuaires font partie des écosystèmes les plus productifs de la planète ! Ce qu’ils produisent, ce ne sont pas des quintaux de céréales ou des tonnes de sucre, mais des poissons, des coquillages, des oiseaux, des roseaux, de l’herbe, de la viande bovine… Une production qui est pour l’essentiel naturelle. Cette productivité provient de la richesse biologique des estuaires. Celleci est liée à leur capacité d’assurer des fonctions essentielles à la réalisation du cycle biologique des espèces qui les fréquentent. En définitive, une des raisons pour lesquelles les estuaires sont si productifs, c’est qu’ils offrent une grande diversité de milieux. Quelles sont les fonctions assurées par l’estuaire de la Seine ? En ce qui concerne les poissons, par exemple : - L’alimentation : la richesse trophique* du milieu estuarien, autrement dit l’abondance de la nourriture, attire des poissons à tous les stades de leur vie, de manière occasionnelle ou saisonnière. - Le refuge : les eaux estuariennes offrent des habitats où il y a moins de prédateurs* de poissons, et où ces derniers sont moins faciles à chasser du fait de la turbidité* ou de la faible profondeur de l’eau. Les faibles températures hivernales de l’eau réduisent le métabolisme des poissons, par conséquent, ils dépensent moins d’énergie au moment où il y a moins de nourriture disponible. La fonction de refuge est déterminante pour les espèces d’eau calme, pour lesquelles la vitesse de courant constitue un facteur limitant. C’est le cas de l’ablette, de la brème, de la carpe ou encore du brochet. On voit bien le rôle essentiel que peuvent jouer les fossés et autres « annexes hydrauliques » de l’estuaire aux eaux


geirf / flickr.com

C. Dégremont/GIP Seine-Aval

L’estuaire assure, entre autres, une fonction d’alimentation pour les oiseaux.

L’estuaire nourrit les jeunes soles.

de survivre. Elles sont entraînées soit par le marnage*, qui vide presque entièrement les bras à chaque marée, soit par les forts courants. Certaines espèces de poissons vont bénéficier de toutes ces fonctions et effectuer l’ensemble de leur cycle écologique en estuaire : ce sont les espèces « résidentes », comme l’épinoche. Pour certains oiseaux, les zones estuariennes sont également d’importance majeure, notamment pour : - la nidification : les milieux variés répondent aux exigences de diverses espèces. Ainsi, le râle des genêts fréquente plutôt les prairies de fauche, tandis que la barge à queue noire et le vanneau huppé vont nicher dans les prairies humides. Le butor étoilé va préférer les roselières… ; - l’alimentation en période de reproduction pour ces mêmes espèces. Elle peut être assurée dans les milieux de nidification, mais aussi dans d’autres à proximité. Le butor étoilé va ainsi quitter sa roselière pour aller pêcher sur les mares et les fossés voisins. Le tadorne de Belon, lui, utilise aussi de façon complémentaire

les vasières intertidales* pour s’alimenter et certains espaces du schorre (voir p. 76) ou les talus et remblais sableux pour nicher ; - le repos et les activités sociales et de confort (toilette) en période de migration/et ou d’hivernage, cas de la sarcelle d’hiver ou du phragmite aquatique ; - l’alimentation en période de migration et/ou d’hivernage pour ces mêmes espèces. Signalons enfin une fonction qui ne concerne pas directement la vie animale ou végétale : la fonction d’épuration de l’eau. Un estuaire peut être assimilé à une immense station d’épuration à l’échelle du fleuve tout entier. Il retient et/ou dégrade beaucoup de substances plus ou moins polluantes, d’origine naturelle ou humaine. Références : Rapport LITEAU BEEST, Cartographier les fonctionnalités pour spatialiser le potentiel écologique, N. Bacq, S. Moussard, J. Lobry, 2011. Fascicule Seine-Aval 2.5, Poissons, habitats et ressources halieutiques, coordonné par J. Morin, GIP Seine-Aval, 2010. Fiche thématique Etat des ressources biologiques : les oiseaux nicheurs de l’embouchure de l’estuaire de la Seine, GIP Seine-Aval, 2010.

109


E

Pourquoi une partie de l’embouchure a-t-elle été classée réserve naturelle ?

Les « coupeurs de roseaux » ont su trouver des compromis entre leur activité et la protection des oiseaux.

Crapaud calamite : un des amphibiens spécifiques du milieu estuarien. 110

Maison de l’Estuaire

n 1997, suite à une injonction européenne, près de 3 700 hectares de l’embouchure de la Seine ont été classés en réserve naturelle nationale sous l’appellation de « réserve naturelle de l’estuaire de la Seine ». En 2004, la surface a été portée à 8 528 hectares. L’association La Maison de l’Estuaire en est le gestionnaire. De nombreuses observations et études menées de longue date par les associations ornithologiques ont mis en évidence l’intérêt exceptionnel de l’embouchure de la Seine pour les oiseaux. Pas moins de 250 espèces y ont été recensées – sans compter les « accidentelles » –, soit 60 % des espèces européennes. La zone présente un intérêt international pour 6 espèces, national pour 13 autres. Mais il n’y a pas que les oiseaux. On rencontre dans la réserve une flore unique et des amphibiens très particuliers, spécifiques des milieux estuariens tempérés. Elle héberge l’essentiel des frayères fréquentées par les poissons de toute la baie de Seine… Il est facile de démontrer que l’embouchure de la Seine n’a rien d’un « marigot puant » ou d’un « nid à moustiques » ! En fait, elle ressemble beaucoup à la Camargue, autre zone naturelle majeure du pays. Un colloque, réuni en 1984 sous l’égide du préfet, avait permis de dessiner des perspectives de protection. Une réserve conventionnelle voit le jour en 1985. Celle-ci se voit confortée par une zone de protection


Acteurs parmi d’autres de l’estuaire de la Seine, les « coupeurs de roseaux » (pour le chaume) ont su trouver des compromis entre leur activité économique et la protection des oiseaux. D’autres arbitrages délicats doivent être faits entre les réalités de la nature et l’application, par exemple, des dates d’ouverture et de fermeture de la chasse au gibier d’eau, la régulation des niveaux d’eau, le chargement des pâtures en bétail, le contrôle des intrants* agricoles…

fabdebaz / flickr.com

spéciale (ZPS) qui sera étendue à l’ensemble des zones de marais de la basse Seine. Depuis son classement en réserve, l’embouchure de la Seine a fait l’objet de nombreuses actions de restauration et de gestion. Elle cristallise néanmoins encore de nombreux conflits d’usage. Comment trouver un équilibre entre la restauration et la gestion des écosystèmes, les besoins d’extension de la zone d’activité industrialo-portuaire, la chasse au gibier d’eau et l’agriculture ?

La zone présente un intérêt international pour 6 espèces d’oiseaux, dont la spatule blanche. 111


Panorama

Mesures de protection de la vallée de la Seine

L

Lois de 1913 et 1930 sur la protection du patrimoine monumental et paysager : plusieurs châteaux et églises sont inscrits ou classés et bénéficient d’un périmètre de protection. Tout aménagement doit obtenir l’accord du préfet après examen par une commission départementale des sites. La boucle de la Seine dite « de ChâteauGaillard » a été classée en 2006. Le château lui-même avait été classé monument historique par liste en 1862, puis par décret en 1926. Quelques autres sites de la vallée de la Seine sont simplement « inscrits » pour leur valeur paysagère, sans être véritablement « classés ». Depuis plusieurs années, une discussion est apparue quant au classement des boucles situées en aval de Rouen, et en particulier celle de Roumare.

Château-Gaillard : le Conservatoire des sites naturels de Haute-Normandie intervient – comme ici, par le pâturage – dans la gestion de sites majeurs de la vallée de Seine.

Bœuf Highland dans le marais Vernier.

J.-P. Thorez / AREHN

a vallée de Seine bénéficie d’un véritable arsenal de mesures de protection de son patrimoine naturel, culturel et paysager. De l’aveu de certains acteurs du territoire, il mériterait d’être mieux appliqué. La protection est le plus souvent assortie d’une gestion visant à préserver ou restaurer les milieux naturels. Une des techniques employées, dans les zones humides comme sur les coteaux crayeux, est le pâturage extensif par des herbivores appartenant à des races rustiques : bœuf Highland, cheval Camargue, brebis Solognote…

112


J.-P. Thorez / AREHN

Zone humide reconstituée à Yville-sur-Seine.

Tancarville) et de la Côte de la Fontaine (pelouses et bois calcicoles à Hénouville). Réserves de chasse : par exemple celle de la Grand-Mare, dans le marais Vernier, ou la réserve de chasse maritime du Banc herbeux. Conservatoire des sites naturels de Haute-Normandie : association créée en 1992, affiliée à Espaces naturels de France. Son rôle est d’intervenir, essentiellement par l’achat de terrains ou des conventions de gestion, sur la restauration et la gestion de sites majeurs de la vallée de Seine. Sur un grand nombre de coteaux crayeux, de Giverny à Hénouville, le processus de « fermeture » du milieu par le boisement naturel a été inversé grâce à son action. Initiatives diverses : des opérations de restauration – d’anciennes carrières de granulats, par exemple – ont été entreprises par certains professionnels, avec l’appui de partenaires. C’est le cas de la reconstitution d’une zone humide à Yville-sur-Seine par le Grand Port Maritime de Rouen.

Arrêté de biotope : mesure de protection prévue par la loi sur la Protection de la nature de 1976 pour des milieux peu étendus hébergeant certaines espèces protégées. Exemple : la minuscule pelouse calcicole de la Vénerie, à Orival, classée à l’initiative de l’Office national des forêts. Massifs forestiers domaniaux : le plus célèbre de la vallée est la forêt de Brotonne. Espaces naturels sensibles : dispositif mis en place par les conseils généraux. Les sites choisis bénéficient d’une valorisation et d’une gestion écologiques. Exemple : tourbière de la Harelle. Réserve naturelle nationale de l’estuaire de la Seine : voir p. 110. Réserve naturelle nationale des Mannevilles, dans le marais Vernier, gérée par le Parc naturel régional des Boucles de la Seine normande. Réserves naturelles régionales : réserves de Bouquelon (tourbières dans le marais Vernier), du Vallon du Vivier (milieux tourbeux à 113


Qu’est-ce que…

Cette mosaïque d’habitats emblématiques accueille des espèces patrimoniales classées à l’annexe II de la directive « Habitats ». Citons la violette de Rouen (Viola hispida) et la lunetière de Neustrie (Biscutella neustriaca), plantes micro-endémiques* des éboulis crayeux, ou le pique-prune, coléoptère présent dans les vieux arbres du bocage. La vallée de Seine constitue aussi une limite dans l’aire de répartition d’espèces comme le lézard vert ou l’amélanchier (Amelanchier ovalis) – un arbuste. Le classement Natura 2000 est également lié à l’importance que revêt la Seine en termes d’accueil pour les oiseaux. Des zones de protection spéciale (ZPS), issues des anciennes zones d’intérêt communautaire pour les oiseaux (Zico), ont été mises en place pour protéger les principales aires d’accueil pour les oiseaux hivernants, de passage, ou nicheurs. Ces zones sont intégrées aujourd’hui à Natura 2000. Des espèces phares, en voie de raréfaction à l’échelle planétaire comme le râle des genêts (voir p. 104), ou simplement en déclin en France comme l’œdicnème criard (voir p. 106), trouvent encore en vallée de Seine quelques habitats préférentiels.

Natura 2000

N

J. Chaïb / AREHN

J.-P. Thorez / AREHN

atura 2000 est un réseau européen de sites écologiques qui a pour objectifs de maintenir la diversité biologique et de valoriser le patrimoine naturel de nos territoires. La démarche Natura 2000 consiste à conserver, par le biais des zones spéciales de conservation (ZSC), l’échantillonnage le plus complet d’espaces naturels représentatifs du continent européen. Sa base réglementaire est constituée par les deux textes importants que sont les directives « Oiseaux » (1979) et « Habitats faune flore » (1992). Les sites désignés au titre de ces deux directives forment le réseau Natura 2000. En Normandie, des milieux comme les falaises de la côte d’Albâtre ont été pris en compte. Il a semblé évident de faire de même avec la vallée de la Seine. C’est le cas des grandes zones humides que l’on trouve dans l’embouchure de la Seine – rive nord, rive sud, marais Vernier –, mais aussi des falaises, des coteaux crayeux, des terrasses alluviales…

Anémone pulsatille : une des plantes emblématiques des coteaux crayeux du réseau Natura 2000.

La lunetière de Neustrie et la violette de Rouen (ci-contre) sont des plantes micro-endémiques de la vallée de la Seine. 114


115

J. Cha誰b / AREHN


J.-P. Thorez / AREHN

Les agglomérations peuvent constituer des barrières physiques pour les animaux et les plantes au niveau des rives du fleuve.

Un grand corridor écologique. 116

J.-P. Thorez / AREHN

C

La vallée de la Seine est-elle un « corridor écologique » ?

e qu’on appelle « corridor écologique » est un milieu reliant entre eux des habitats vitaux pour certaines espèces animales ou végétales. Il permet à celles-ci de se déplacer à loisir pour s’alimenter ou se reproduire, ce qui est essentiel. Il y a toutes sortes de corridors : de petits, comme les bords de chemins, les fossés, les haies, les ruisseaux, etc., et de grands, comme certains massifs forestiers ou des vallées. L’ensemble des corridors et des « cœurs de nature » – terrestres et aquatiques – constitue la « trame verte et bleue » dont la protection et la reconstitution figuraient parmi les principaux objectifs du Grenelle Environnement. La vallée de la Seine, à l’évidence, est un grand corridor écologique, avec son cours d’eau, ses forêts alluviales, ses coteaux crayeux courant sur des centaines de kilomètres. Du fait de son ouverture sur la mer, la Seine a longtemps permis la circulation de poissons migrateurs, et même de phoques et de petits cétacés jusqu’au niveau de Rouen. Les barrages, l’endiguement et la pollution ont fortement limité les déplacements de ces espèces. Ils ont même provoqué la disparition de certaines d’entre elles. Aujourd’hui, la restauration de la qualité du fleuve, surtout en ce qui concerne l’oxygénation, alliée à divers travaux destinés au franchissement des barrages, commence à porter ses fruits. La passe à poissons de Poses (voir p. 100) permet maintenant aux saumons, truites de mer et autres migrateurs d’atteindre les affluents de la Seine, plus propices au frai. En revanche, les berges ne jouent plus leur rôle de corridor écologique. Les agglomérations peuvent constituer des barrières physiques pour les animaux et les plantes au niveau des rives du fleuve. La reconstitution d’une « trame verte et bleue » est un enjeu fort. Même discontinus, les haies bocagères et les espaces naturels qui subsistent près du fleuve constituent les éléments d’une trame écologique essentielle.


Une vallée active

Grand-Couronne et Val-de-la-Haye : agriculture et activités portuaires et industrielles cohabitent… de part et d’autre de la Seine.

J.-P. Thorez / AREHN

De l’extraction des granulats à l’industrie pétrochimique, en passant par le tourisme, la pêche et la chasse, toute l’activité de la vallée s’organise par rapport au fleuve. Lieux de travail et de loisirs coexistent. Les usines alternent avec les champs, les abbayes, les ports et les ponts…


Panorama

J.-P. Thorez / AREHN

Paysages, sites et monuments de la vallée de la Seine La préhistoire La grotte ornée de Gouy, au sud de Rouen, date du paléolithique supérieur (- 18 000 ans). Elle renferme une gravure de cheval, ainsi que des signes incompréhensibles, que l’on trouve aussi dans la grotte du Renard, à Orival. Ces vestiges attestent la présence de chasseurs nomades en vallée de Seine à certaines périodes moins froides. Des restes fossiles de mammouths uniques au monde ont été trouvés à Tourville-la-Rivière, également près de Rouen.

Petit patrimoine bâti Il existe dans la vallée de la Seine des chapelles votives fondées par les marins, des postes de douane, de l’habitat troglodytique, des

J. Chaïb / AREHN

J.-P. Thorez / AREHN

Les abbayes Dans la vallée de la Seine comme ailleurs, les abbayes sont indissociables des activités commerciales des communautés monastiques. On peut rattacher à cet héritage la Route des fruits de la presqu’île de Jumièges et la variété de pomme Bénédictin, très appréciée localement. La production des prunes – une spécialité de la vallée de la Seine avec celle des cerises – se fonde sur la science de la sélection et du greffage des moines. Elle est également reliée à l’existence, dans la vallée, d’un prunier sauvage appelé myrobolan qui est à l’origine de certaines variétés et des porte-greffes.

Château-Gaillard. 118

Moulin de Hauville.


J.-P. Thorez / AREHN

Abbaye romane Saint-Georges à Saint-Martin-de-Boscherville.

Petit-Andely vu de Château-Gaillard.

J. Chaïb / AREHN

restes de moulins et de ponts, d’anciens phares… Tout cela constitue un témoignage de la vie foisonnante de la vallée de la Seine. Sur le thème de la marine de Seine, trois musées existent, à Poses, Rouen et Caudebec-en-Caux.

Les panoramas La vallée de Seine offre des panoramas exceptionnels. A l’origine, c’étaient des lieux stratégiques défensifs occupés par des oppidums – Orival et Duclair –, ou des forteresses comme celles de ChâteauGaillard, de la côte Sainte-Catherine, à Rouen, ou encore de Tancarville. Les sommets de falaises et les coteaux sont ensuite devenus des belvédères ouverts sur des paysages extraordinaires que des châteaux prestigieux, comme celui d’Etelan, ou de plus modestes manoirs se sont empressés d’occuper. Partout, des villas et des maisons de charme se sont installées au bord de l’eau attestant une qualité de vie incomparable sur les bords du fleuve.

Petit patrimoine : l’ancien four à chaux de Port-Jumièges (commune d’Heurteauville), construit en 1875. 119


L

J.-P. Thorez / AREHN

De quoi vivaient les gens au bord de la Seine ?

es activités industrielles que nous connaissons actuellement ne se sont installées au bord de la Seine qu’au début du XXe siècle. Auparavant, les activités étaient fondées sur l’exploitation des ressources naturelles locales. Le scirpe lacustre ou jonc des chaisiers (Scirpus lacustris) servait au rempaillage des chaises. Les rameaux du saule des vanniers (Salix viminalis) constituait la matière première des paniers et des nasses de pêche. Le roseau était coupé pour couvrir les maisons de chaume. Le bois des saules têtards* était utilisé pour la fabrication d’objets usuels et le chauffage. Un grand nombre de plantes de marais – la reine-des-prés, la valériane, la consoude… – entraient dans la pharmacopée populaire. La pêche artisanale, qu’elle soit destinée à l’alimentation familiale ou à la commercialisation, tirait parti des ressources aquatiques. La chasse, elle, était orientée vers les oiseaux d’eau, notamment les colverts et les limicoles, ce qu’on appelle la « sauvagine ». La navigation sous toutes ses formes, abordée à travers d’autres questions, constitue également une activité importante pour les riverains du fleuve. En regardant les images anciennes, on est frappé

Prairies, saules têtards, vieux vergers et tourbières à Heurteauville : un aperçu des activités traditionnelles de la vallée de la Seine.

Vieux vergers de cerisiers et pruniers sur prairie à Saint-Pierre-d’Autils. 120


par le nombre d’embarcations naviguant sur la Seine, ou amarrées. C’est la plus ancienne voie de circulation. On l’emprunte pour se déplacer ou transporter des marchandises, on la traverse, dans un va-et-vient incessant. L’énergie hydraulique de la Seine était captée par des moulins construits sur des ponts, comme à Pont-de-l’Arche ou Vernon. Leur roue à aubes tournait au fil de l’eau. D’autres moulins, plus nombreux, étaient construits dans les lieux bien ventés, souvent surélevés comme à Tosny ou Hauville… Les activités agricoles étaient également importantes et très diversifiées. Elles incluaient aussi bien l’élevage et la production de fourrages, que les cultures maraîchères ou fruitières – favorisées par le climat de la vallée –, ou encore la viticulture jusque dans les premières années du XXe siècle. Ajoutons à cet inventaire des activités plus anecdotiques comme l’extraction de la tourbe, pour le chauffage, et de la craie pour la construction ou l’amendement des champs.

Archives J. Chaïb

J.-P. Thorez / AREHN

Marais Vernier, début du XXe siècle : le roseau était coupé pour couvrir les maisons de chaume.

Saint-Pierre-d’Autils : dans les vergers à l’abandon on voit grimper d’antiques ceps de vigne. A droite : le même endroit un siècle plus tôt, avec ses vignes. 121


Panorama

Les industries

J. Chaïb / AREHN

Le Trait : usine de fabrication de tuyaux flexibles pour le secteur pétrolier.

utilisant la force motrice du cours d’eau, on assiste à l’essor de l’industrie textile. Ceci augmente le trafic, à l’importation (matières premières) comme à l’exportation (produits finis). La vallée du Commerce, surnommée la « vallée d’or », emploie 20 000 personnes dans les nombreux ateliers situés le long du cours d’eau. Il y a également de nombreuses industries textiles – ou en rapport avec le textile – dans la vallée du Cailly, ainsi que des usines de produits chimiques et une fabrique de verre. Dans le bassin industriel de Rouen, de nombreuses activités se développent. Au début du XIXe siècle, on compte 237 établissements. La ville d’Elbeuf emploie 10 000 personnes dans les établissements industriels en 1837. Au début du XXe siècle, on assiste à une reconversion industrielle dans la basse vallée de la Seine. Il s’agit de compenser la perte du potentiel industriel des régions de l’Est et du Nord affectées par la Première Guerre mondiale : création d’un complexe métallurgique, essor de l’industrie chimique, nouveau chantier naval, implantation de l’industrie aéronautique... En même temps, la France se met à consommer du pétrole, qu’il faut importer et raffiner. L’estuaire de la Seine va voir s’installer les raffineries à proximité des lieux d’importation. Dans les années 1930, avec les trois raffineries de

Raffinerie à Petit-Couronne.

T

rès tôt considéré comme la porte d’entrée de la capitale pour les marchandises, l’estuaire de la Seine est progressivement devenu un espace industriel. Le fleuve était une voie de transport idéale et… un exutoire tout trouvé pour les rejets des tanneries, teintureries, etc. Les affluents fournissaient la puissance hydraulique. Dès le XVe siècle, le commerce fluvial (vers Paris) et maritime se développe. Les ports du Havre et de Rouen accueillent les navires provenant de l’étranger, dont la cargaison est transbordée dans des embarcations qui remontent la Seine jusqu’à Paris. Au Havre, s’installent des chantiers de construction navale, des armateurs, ainsi que des navires pour le long cours, la grande pêche, la petite pêche, etc. La tradition de l’artisanat textile date du VIIe siècle dans l’estuaire. Dès 1787, avec la construction des nouvelles filatures mécaniques 122


Archives J. Chaïb

Ancienne centrale thermique de Yainville dans les années 1950.

Gonfreville-l’Orcher, Port-Jérôme (Notre-Dame-de-Gravenchon) et Petit-Couronne, l’estuaire est le premier centre français de raffinage. Après la Seconde Guerre mondiale, c’est l’effort de reconstruction qui va stimuler l’industrie. De nombreuses carrières sont creusées dans les boucles de la Seine (Anneville-Ambourville, Jumièges…) pour exploiter les sables et graviers. L’industrie liée au pétrole assure la prospérité de la région, mais les chocs pétroliers des années 1970 vont freiner l’activité. En raison de son manque d’accessibilité pour les gros navires, Rouen perd sa qualification de port pétrolier. Il va s’orienter vers l’exportation de produits agro-alimentaires et devenir le premier port céréalier d’Europe. L’activité du port du Havre, elle, va voir son trafic de conteneurs augmenter, le plaçant aujourd’hui en tête des ports français dans ce domaine. La décentralisation de l’industrie automobile dans les années 1960-1970 va permettre également l’implantation d’un tissu industriel de production et d’équipement automobiles.

Elbeuf, ville industrielle, au début du XXe siècle. Références : Fiche thématique Seine-Aval, Usages et aménités : développement Industrialo-portuaire de l’estuaire de la Seine, GIP Seine-Aval, 2010. Le paysage industriel de la Basse-Seine, IPCHN, 2008.

123

Archives AREHN

Aujourd’hui, l’industrie manufacturière est le premier secteur pourvoyeur d’emploi dans les communes riveraines de l’estuaire de la Seine avec plus de 55 000 salariés dans plus de 2 100 établissements. Les secteurs de l’automobile, de la chimie, de la réparation et de l’installation de machines, de la fabrication de produits métalliques, et de la cokéfaction et du raffinage, représentent 50 % des effectifs salariés.


DR

Comment franchissait-on la Seine autrefois ?

Ancien pont Mathilde, à Rouen, sous Henri II.

Passage d’eau de Saint-Adrien, en amont de Rouen, au début du XXe siècle.

Archives J. Chaïb

L

124

e moyen le plus évident de franchir un cours d’eau semble être… un pont. Sauf sur la Seine ! Depuis le Moyen Âge jusqu’au XIXe siècle, seuls trois ponts ont traversé la Seine : le pont Mathilde, à Rouen, le pont de l’Arche et le pont de Vernon. Ils ont connu diverses vicissitudes et ont dû être reconstruits. Le pont Mathilde, après sa destruction complète, a été remplacé par un pont « provisoire » de bateaux. Bien que régulièrement emporté par les débâcles, il a perduré pendant trois siècles avant d’être remplacé par le pont de Pierre, devenu l’actuel pont Boieldieu. Les franchissements routiers sont maintenant au nombre de six à Rouen. Plusieurs autres existent en amont, mais il aura fallu attendre 1960 et le pont suspendu de Tancarville pour franchir la Seine à pied sec en aval. La construction du pont de Brotonne en 1977, puis celle du pont de Normandie en 1995 et celle du pont Flaubert, à Rouen, en 2008 ont constitué autant d’exploits techniques. Il fallait offrir un tirant d’air suffisant aux navires océaniques.


été remplacés par des bacs à vapeur, en 1868 à Caudebec-en-Caux, 1872 à Duclair, 1895 à La Mailleraye-sur-Seine… Celui de Quillebeuf, mis en service en 1873, a été remplacé transitoirement par un bac électrique, le Ampère. Après la Seconde Guerre mondiale, la plupart des bacs passent au moteur diesel. Les plateaux « à couple » avec une vedette ont disparu dans les années 1980 sur les passages les moins fréquentés. Aujourd’hui, huit points de passages sont desservis par des bacs financés par le Département de Seine-Maritime. Leur accès est désormais gratuit pour les usagers, d’où qu’ils soient, alors que cet avantage était réservé auparavant aux conducteurs de véhicules immatriculés dans le département. D’autres modes de franchissement, plus aléatoires, ont été pratiqués dans l’histoire. En été, lorsque le niveau de la Seine était bas, ou lorsque les basses-mers le permettaient, on pouvait traverser à gué en certains points bien répertoriés : à Port-Mort, au Trait ou dans l’embouchure. Lors d’hivers très froids, lorsque la surface de la Seine formait une étendue gelée compacte, les gens traversaient la Seine à pied. Cela s’est produit pour la dernière fois en 1933.

Archives J. Chaïb

Au néolithique, le franchissement de la Seine se pratiquait avec des pirogues monoxyles (un seul tronc), dont on a retrouvé des restes à Rouen. Jusqu’au XXe siècle, il a continué à être pratiqué avec des barques par des passeurs professionnels en de nombreux points du fleuve. Ces barques ont été remplacées par des vedettes après la Seconde Guerre mondiale. Certaines ont continué de fonctionner jusque dans les années 1970, le dernier passage d’eau pour piétons et cyclistes ayant été celui d’Hautot-sur-Seine. Les personnes qui empruntaient ces passages devaient rémunérer le passeur. De larges bachots permettaient de transporter les troupeaux d’une rive à l’autre ou de les débarquer sur les îles. En certains points de passage, il existait des bacs pour transporter des voyageurs en nombre et des voitures. Un bac à chaîne a été mis en place à Rouen comme solution de remplacement après l’effondrement du pont Mathilde, jusqu’à la construction du pont de bateaux. Si les bacs à chaîne ont perduré en amont de Rouen, la plupart des bacs en aval étaient des bacs à rames. Ils exigeaient de la part des passeurs une excellente connaissance des courants. Ils ont ensuite

Bac à La Bouille, autrefois.

Passage à gué à Criquebeuf-sur-Seine.

125


Histoire

De l’époque gauloise – peut-être même avant – date le mythe de Gargantua. Ce demi-dieu protecteur des navigateurs, des commerçants et des voyageurs est associé à des amers* que l’on peut encore voir dans la vallée de la Seine : Chaise de Gargantua, à Duclair, Mont-Gargan, à Rouen, Pierre Gante, à Tancarville... Jusqu’à une époque récente, la navigation en Seine était périlleuse. La liste des dangers auxquels on s’exposait est longue : changements de direction du vent dus aux méandres, bancs changeants où l’on pouvait s’échouer, nappes de brouillards apparaissant subitement, épaves charriées par le courant… La remontée de l’embouchure jusqu’à Rouen pouvait prendre jusqu’à trois semaines. Toutefois, cette durée était également liée à la pratique du cabotage entre

La navigation en Seine

L

Archives J. Chaïb

a navigation en Seine a été fondée, dès la préhistoire, par le débouché océanique qu’elle offrait aux territoires situés à l’est. C’est d’ailleurs en remontant le Danube, de son delta à sa source, et en parvenant dans le bassin de la Seine après avoir traversé la Forêt-Noire et le massif vosgien, que les colons néolithiques sont parvenus en Normandie. A l’âge du bronze, la sidérurgie de cet alliage ô combien précieux à l’époque se développe dans la basse vallée de la Seine. L’étain est importé par bateau d’Ecosse et le cuivre du bassin méditerranéen.

Quillebeuf-sur-Seine autrefois : la navigation en Seine était périlleuse. 126

Site de la Pierre Gante, à Tancarville : un amer* déjà utilisé par les Gaulois.


les villages du bord de la Seine, qui étaient tous des ports. On y chargeait ou débarquait des fruits, du foin, des grains… Cette pratique a perduré jusque dans la première moitié du XXe siècle, avec notamment les bateaux omnibus. Compte tenu des difficultés évoquées plus haut, les ports d’Honfleur et d’Harfleur, situés dans l’embouchure, ont été des concurrents sérieux de Rouen au Moyen Âge. Toutefois, la situation de Rouen par rapport à la capitale, son chantier naval dédié aux navires de guerre du royaume, sa puissance ecclésiastique ont finalement eu

raison d’Harfleur. De plus, ce port s’ensablait. Le Havre est resté longtemps un port militaire avant de devenir un port commercial. En effet, avant l’ouverture de la ligne de chemin de fer Paris-Le Havre, en 1847, il n’y avait aucune possibilité d’acheminer les marchandises vers l’intérieur. Rouen, au contraire, était placé à un point de jonction idéal entre les trafics maritime et fluvial. Au XIXe siècle, les deux ports prennent leur essor et leur autonomie. Rouen continue d’être le port maritime le plus enclavé dans les terres grâce aux améliorations apportées aux conditions de navigation.

J. Chaïb / AREHN

Archives J. Chaïb

Le quatre-mâts Quevilly remorqué par une Abeille à l’aval immédiat de Rouen.

Phare de la Roque (XIXe siècle), dans l’embouchure de la Seine : il est équipé d’un feu fixe blanc.

Arrivée au Havre du bateau de Rouen, le Félix-Faure, au début du XXe siècle. 127


P

Peut-on pratiquer la navigation de loisir en Seine ?

128

J. Chaïb / AREHN

J.-P. Thorez / AREHN

our des raisons de sécurité, compte tenu du trafic maritime, il est maintenant interdit de naviguer sous voile sur la Seine. Mais des dérogations existent pour les clubs nautiques. Pour les embarcations à moteur, il faut se conformer au règlement de navigation (voir un annuaire des marées type Almanach du marin breton) qui stipule en premier lieu de posséder un permis de naviguer, de ne pas entraver la navigation commerciale en se mettant au mouillage sur une ancre dans le chenal, par exemple, de respecter les règles de navigation, de posséder une VHF et un gilet de sauvetage… La navigation en Seine est gérée par Voies navigables de France (VNF) à l’amont du pont Jeanne-d’Arc, à Rouen. A l’aval, cette tâche revient à la capitainerie du Grand Port Maritime de Rouen. Elle est soumise aussi au paiement d’un forfait annuel et de droits d’éclusage et d’amarrage dans les quelques ports existants.

Il faut se conformer au règlement de navigation.


Ces traversées permettaient de guider les bateaux afin qu’ils empruntent le chenal le plus profond et avec le moins d’obstacles. Pour passer le pont de Pontde-l’Arche, la difficulté était tellement importante qu’il était nécessaire d’employer 40 à 60 chevaux, ainsi que 200 à 300 L’ancien chemin de halage (ligne claire) hommes. Dans les secteurs les suit fidèlement la rive du fleuve. moins pénibles, la traction d’un navire commercial nécessitait 6 à 8 chevaux. Au milieu du XIXe siècle, 450 hommes travaillaient au halage des bateaux sur les 3 km du passage de Poses. Une véritable activité économique s’était développée autour de cette pratique. Le coût du halage pour les capitaines des bateaux, la réalisation d’aménagements destinés à gommer les passages difficiles de l’estuaire, et l’apparition de la vapeur et des remorqueurs ont eu pour conséquence la disparition de cette activité en Seine en 1860.

Le halage

L

e halage est une pratique de traction des bateaux à partir de la berge, sur des chemins, à l’aide de chevaux et/ou d’hommes. Assurant majoritairement le transport de marchandises, il était occasionnellement utilisé lors du transport de voyageurs. Il fut pratiqué dès le XVe siècle en Seine pour franchir certains obstacles localisés dans l’estuaire. Au XIXe siècle, les chemins de halage étaient en très mauvais état, notamment entre Rouen et La Mailleraye-sur-Seine. Ils étaient insuffisamment entretenus et étaient immergés régulièrement lors des pleines mers et des crues. Non protégés contre l’érosion, ils étaient également instables, voire détruits en certains points. Entre Poses et Rouen, les chemins permettant le halage étaient aussi en mauvais état car fréquemment inondés. Les « chevaux de rivière », utilisés pour tracter, devaient parfois marcher dans plus d’un mètre d’eau ! Lors des basses eaux, les « haleurs », accompagnés de leurs chevaux, devaient par ailleurs effectuer de fréquents changements de rive.

Le chemin de halage passait d’une rive à l’autre.

Archives J. Chaïb

Halage à l’aide de chevaux à Rouen.

Référence : Fascicule Seine-Aval 2.3, Evolution morphologique d’un estuaire anthropisé de 1800 à nos jours, coordonné par V. Foussard, GIP Seine-Aval, 2010.

129

J.-P. Thorez / AREHN

Qu’est-ce que…


Histoire

safran du gouvernail était adapté aux remous du fleuve et à la faible vitesse de l’embarcation. Ils pouvaient transporter des charges de 400 à 500 tonnes. Ces navires étaient parfois accompagnés de bateaux plus petits qualifiés de lèges*, pouvant les soulager pour éviter les échouages sur des hauts fonds. Les mariniers ont représenté ces navires sur les murs de la chapelle Saint-Nicolas de l’église de Poses sous forme de graffitis ex-voto. Les besognes ont été remplacées petit à petit par des bateaux Picard* motorisés de 40 mètres de long et de 7 m 70 m de large pouvant transporter 560 tonnes de marchandises. Ces derniers ont disparu au cours du XXe siècle pour laisser place à l’automoteur (péniche* ou chaland* de Seine) encore utilisé actuellement.

Les bateaux de la Seine

A

J.-P. Thorez / AREHN

u XIXe siècle, des bateaux de dimensions variées naviguaient sur l’estuaire de la Seine. Il y avait des petites barques, typiques de la Seine, les bachots* ou coches d’eau*, mais surtout les galoubies*, de 8 à 10 mètres de long et 1 m 50 de large, avec un tirant d’eau maximum de 0 m 35. Si ces derniers ne permettaient pas de transporter des charges conséquentes, ils pouvaient naviguer quelles que fussent les conditions de débit et de marée. Utilisée dès le Moyen Âge, la gribane* était le bateau utilisé pour le bornage, c’est-à-dire pour la navigation de petit port en petit port. Voilier traditionnel de l’estuaire, à fond plat et à faible tirant d’eau (0 m 90), elle pouvait accoster près des berges. Elle était utilisée pour le transport de marchandises. Longue de 20 à 22 mètres et large de 6 à 8 mètres, elle pouvait charger jusqu’à 90 tonnes. Quand le vent manquait, les gribanes étaient halées grâce à un filin amarré en haut du mât, ou propulsées au moyen de longs avirons. Les bateaux à vapeur* ont révolutionné la navigation. A fond plat et munis de roues à aubes, ils assuraient le transport de voyageurs entre Paris et Le Havre. A partir de 1836, il y eut même un service régulier quotidien Paris-Rouen-Le Havre. Ces navires mesuraient plus de 50 mètres de long et pouvaient accueillir jusqu’à 600 voyageurs pour les plus imposants. Ils étaient également utilisés pour le transport des marchandises. Parmi les bateaux de commerce naviguant sur la Seine en domaine fluvial, il y avait les bateaux normands*, en bois, également appelés besognes*, du XVIIIe siècle jusqu’au milieu du XXe siècle. Selon l’ingénieur Lescaille (1822), « ce genre de bateaux à fond plat et au faible tirant d’eau, tiré de la rive par des chevaux grâce à son mât de halage, pouvait transporter de lourdes cargaisons ». Les plus importants atteignaient 56 mètres de longueur, pour 8 mètres à 8 m 50 de large, avec un gouvernail de 9,40 mètres de longueur. L’imposant 130


J.-P. Thorez / AREHN

Aujourd’hui, le port du Havre peut accueillir des navires de 14 m 50 de tirant d’eau. Entre Le Havre et Rouen, les navires de plus de 10 mètres de tirant d’eau peuvent se déplacer dans la majorité des conditions de marée. En amont de Rouen, seuls les bateaux de type péniche n’excédant pas 4 mètres de tirant d’eau peuvent circuler. On distingue les bateaux de type Freycinet (longueur : 38,5 m, largeur : 5,05 m ; tirant d’eau : 2,50 m au maximum), les grands automoteurs (longueur maximale : 90 m, largeur maximale : 11,30 m, tirant d’eau* : 3 m maximum) et les convois poussés dont la taille dépend du nombre de barges poussées, du sas des écluses et de la puissance nécessaire pour les pousser tout en affrontant les courants.

Musée de la batellerie de Poses : la péniche Midway II.

Archives J. Chaïb / AREHN

Péniches amarrées le long du chemin de halage juste à l’amont des écluses d’Amfreville-sous-les-Monts.

Gribane à Caudebec-en-Caux vers 1912. Les bateaux normands en bois ont navigué sur la Seine jusqu’au milieu du XXe siècle. Références : M. de Lescaille, 1822. « Mémoire sur un canal de dérivation de trois mille huit cent quatrevingt-sept mètres de longueur à construire dans la plaine de Poses ». Texte repris dans le Bulletin de la société d’agriculture, sciences et arts de l’Eure, t. 1, Evreux, Ancelle fils, 1 p. 331-366. Fascicule Seine-Aval 2.3, Evolution morphologique d’un estuaire anthropisé de 1800 à nos jours, coordonné par V. Foussard, GIP Seine-Aval, 2010.

131


J.-P. Thorez / AREHN

Quelles marchandises sont transportées sur la Seine ?

Port céréalier de Rouen : le premier d’Europe. 132


L

A Grand-Couronne, les portiques signalent qu’il existe un trafic de conteneurs. Ces « boîtes » circulent autant à l’importation qu’à l’exportation. Le port de Rouen est également importateur de bois et de pâte à papier, souvent d’origine scandinave. Il exporte de la ferraille, généralement issue du recyclage, vers des pays étrangers qui exploitent encore des complexes sidérurgiques. Pour donner une idée de la diversité des vrac solides transférés dans le port de Rouen, on peut encore citer l’existence d’un terminal sucrier destiné à écouler la production des sucreries normandes et picardes, ou encore l’importation du cacao. Toutes les marchandises qui transitent dans la basse vallée de Seine n’ont pas pour destination finale le port de Rouen. Le fleuve est le lieu d’un trafic important d’automoteurs, de pousseurs, de caboteurs fluviaux qui desservent la région parisienne et même au-delà. On espère même un développement du trafic hors Normandie grâce au futur canal Seine Nord Europe… Les convois fluviaux transportent, entre autres, les produits d’extraction de carrières, des conteneurs, des automobiles fabriqués à Sandouville ou à Cléon, des produits pétroliers, des céréales, du ciment, du charbon, du papier, des déchets pondéreux…

J.-P. Thorez / AREHN

C. Dégremont / GIP Seine-Aval

J.-P. Thorez / AREHN

e port de Rouen, géré par l’établissement public Grand Port Maritime de Rouen, est un port d’importation de marchandises en vrac. Mais la majeure partie de son trafic repose sur l’exportation des céréales collectées dans l’ensemble du Bassin parisien (environ 9 millions de tonnes chaque année). C’est le premier port céréalier d’Europe, et aussi le premier port français pour le trafic des farines et des engrais. S’il exporte énormément de blé tendre, il importe aussi du blé dur qui sera transformé en farines, semoules, couscous, à leur tour réexportés. Le port héberge par ailleurs une malterie. Si la transformation des phosphates est aujourd’hui en déclin, l’industrie chimique des engrais reste active dans la production de l’ammonitrate. Le trafic des produits pétroliers se place au second rang à Rouen. Le pétrole brut qui arrive par oléoduc repart en partie à l’exportation sous forme d’essence en direction de l’Amérique du Nord. En retour, les Américains nous envoient leur gazole excédentaire, que nous, Français, consommons davantage. Parmi les matières premières importées, le charbon constitue encore un tonnage important. Il est essentiellement destiné, aujourd’hui, à alimenter la centrale thermique de Porcheville, près de Mantes-laJolie.

Trafic de conteneurs au Havre.

Chimiquier danois devant Port-Jérôme. 133


Panorama

Deux grands ports

L

J.-P. Thorez / AREHN

a basse vallée de la Seine a la particularité exceptionnelle d’héberger deux grands ports maritimes.

Darse des Docks à Petit-Couronne : le territoire du Grand Port Maritime de Rouen s’étend de l’agglomération rouennaise jusqu’à Honfleur. 134

Le Grand Port Maritime de Rouen Le territoire du Grand Port Maritime de Rouen (ex-Port autonome de Rouen) s’étend de l’agglomération rouennaise jusqu’à Honfleur. Il englobe les entités de Saint-Wandrille, Port-Jérôme, Radicatel et Honfleur. Le port de Rouen, situé en fond d’estuaire, est un port de mer idéalement situé par rapport à la capitale depuis l’Antiquité. Des quais de l’époque gallo-romaine ont été découverts lors de la reconstruction du magasin Les Nouvelles Galeries à Rouen. Au Moyen Âge, Rouen représente, du fait de sa situation au sein du duché de Normandie, le principal pôle d’échange avec l’Angleterre. Il le restera longtemps. Dès la Renaissance, l’activité du port s’ouvre sur le monde, notamment avec le commerce de la laine et des textiles dérivés. Il prend un ascendant irréversible sur les autres ports de la Seine, notamment Harfleur, qui l’a longtemps concurrencé. D’abord fondée sur les échanges commerciaux, l’activité du port de Rouen se tourne ensuite vers l’industrie. Au XVIIIe siècle, sont construits dans le quartier Saint-Sever à Rouen de vastes docksentrepôts qui seront utilisés jusqu’à leur destruction lors de la Seconde Guerre mondiale. Le XIXe siècle est marqué par l’essor des trafics liés à l’empire colonial : vin d’Algérie, bois d’Afrique de l’Ouest… La Révolution industrielle se traduit par l’importation de nouvelles matières premières : charbon et pétrole. Point de débarquement stratégique pour les hommes et le matériel, Rouen connaît une expansion considérable lors du premier conflit mondial. Il est le premier port français jusque dans les années 1930. Sa migration vers l’aval, entreprise quelques années plus tôt avec l’installation des Ateliers et chantiers de Normandie (construction navale), de hauts-fourneaux, de l’usine d’engrais Saint-Gobain, de la raffinerie Jupiter (1929)…, se poursuit après-guerre avec la reconstruction complète du port bombardé. Les chantiers navals du Trait sont parmi les plus importants de France jusqu’à la création des Chantiers de l’Atlantique de Saint-Nazaire. La raffinerie qui deviendra plus tard ExxonMobil s’installe à Port-Jérôme. La petite localité de Saint-Wandrille se spécialise dans la construction métallique pour les plates-formes de forage pétrolier en mer…


(21,4 millions de tonnes par an, en moyenne, entre 1979 et 2007, contre 4,8 millions de tonnes en 1920. L’ouverture du « nouveau chenal », en 1961, permet de garantir un tirant d’eau* de 8 mètres en morteeau* et de 10 mètres en vive-eau*. Avec le prolongement de la digue basse nord en 1979, 2 mètres de tirant d’eau sont encore gagnés. Des nouveaux travaux sont prévus afin de garantir un tirant d’eau de 11,7 m à la montée et de 11,3 m à la descente. Le port de Rouen au temps de la marine à voile.

J. Chaïb / AREHN

Vraquier à l’amarre dans le port de Rouen.

135

Archives J. Chaïb

A partir des années 1970, le port de Rouen mise sur l’accroissement du trafic céréalier. En effet, la politique agricole commune encourage alors la production agricole et les exportations. Cela contribue fortement à l’essor du port de Rouen, qui reste au premier rang des ports européens exportateurs de céréales pendant plus de quarante ans. Plus récemment, le port trouve un nouveau débouché avec l’ouverture d’une usine de fabrication d’agrocarburant issu de la transformation du colza. Le port de Rouen, situé à l’intérieur des terres, dépend pour son accès de la morphologie du lit de la Seine. La fréquentation du fleuve, en nombre de navires, n’a pas tellement évolué depuis le début du XXe siècle. C’est le gabarit de ces navires qui a nettement augmenté, permettant ainsi la croissance du trafic de marchandises


Le Grand Port Maritime du Havre Le Grand Port Maritime du Havre (ex-Port autonome du Havre) englobe dans son territoire les bassins historiques construits au cœur de la ville, la totalité de la plaine alluviale de l’embouchure située sur la rive droite. La circonscription portuaire s’étend sur 27 kilomètres d’ouest en est, des digues jusqu’à Tancarville. Le port du Havre a été créé en 1517 par une ordonnance de François 1er en raison de sa situation stratégique et idéale sur le plan de la navigation, à l’embouchure de la Seine. D’abord port militaire

C. Dégremont/GIP Seine-Aval

et de pêche (notamment pour la morue), il s’est ensuite spécialisé dans le négoce. A partir du XVIIIe siècle, il devient pleinement le port du Nouveau Monde, avec l’importation du café, des épices, du coton, du sucre de canne. Plus tard, il s’ouvre également à l’importation et à la transformation des produits pétroliers avec la raffinerie Total de Gonfreville-l’Orcher, le dépôt de la CIM, la construction du terminal d’Antifer. N’oublions pas la prestigieuse activité de transports de passagers des compagnies transatlantiques avec des paquebots tels que le Normandie et le France. Le Havre est un port de mer

Un porte-conteneurs quitte le port du Havre. 136


susceptible d’accueillir des navires de gros tonnage et à fort tirant d’eau (de 14 m 50 à 21 m). Après la Seconde Guerre mondiale, le trafic maritime avoisinait les 10 millions de tonnes. Pendant les « trente glorieuses », il a atteint exceptionnellement les 80 millions de tonnes. Cela a incité à mettre en œuvre un grand programme, qui incluait l’ouverture du grand canal du Havre. La construction de digues au nord de l’embouchure a entraîné l’atterrissement* de zones situées en arrière. Le port y a gagné des surfaces considérables pour son exploitation. On y a construit des bassins portuaires, ainsi que le grand canal du Havre, dans les années 1970, autour desquels des industries se sont implantées. Plus récemment, les travaux de Port 2000 ont permis d’augmenter la capacité d’accueil des grands porte-conteneurs.

C’est, en effet, en misant sur le trafic des conteneurs – nouvelle logistique d’échanges planétaires depuis les années 1990 – que le port du Havre a gagné des parts de marché. Aujourd’hui, Le Havre est le 5e port nord-européen et le 2e port français avec un trafic de marchandises de près de 80 millions de tonnes par an. Il est le 1er port français pour le trafic de conteneurs. Les ports du Havre et de Rouen ont acquis leur autonomie respectivement en 1925 et 1966.

J. Chaïb / AREHN

C. Dégremont / GIP Seine-Aval

Références : Fascicule Seine-Aval 2.3, Evolution morphologique d’un estuaire anthropisé de 1800 à nos jours, coordonné par V. Foussard, GIP Seine-Aval, 2010. Site du Grand port maritime du Havre : www.havre-port.fr

Le Havre a misé sur le trafic des conteneurs.

Le Havre et son port : on aperçoit une partie des 108 réservoirs de produits pétroliers de la CIM et, plus loin, Port 2000. 137


C. Dégremont/GIP Seine-Aval

Y a-t-il des pêcheurs professionnels sur la Seine ?

Une flotille de pêcheurs d’estuaire est basée à Honfleur. 138


N

Jusqu’en 2008, une petite flottille de pêcheurs d’estuaire détenteurs de la licence CIPE (Comité interprofessionnel des pêches en estuaire), basée à Honfleur, pratiquait encore la pêche des espèces amphihalines entre les ponts de Tancarville et de Normandie. Depuis cette date, la pêche est interdite sur la Seine à cause des teneurs en PCB. Les anguilles et les sardines sont interdites de pêche en baie de Seine. La pêche aux tourteaux et aux étrilles, qui était également interdite, a été de nouveau autorisée fin 2011.

on, en ce qui concerne la pêche fluviale. Le dernier pêcheur dans cette catégorie a pris sa retraite en 1980. A la fin du XIXe siècle, la pêche en Seine était une activité à plein temps pour 150 inscrits maritimes dans le quartier de Rouen. En 1968, il n’en restait que trois. Depuis 1975, la pêche professionnelle est interdite en amont de la limite administrative de la mer. Les pêcheurs de l’estuaire aval, quant à eux, ont dû s’adapter à la cohabitation avec les navires marchands. La pêche est parfois difficilement compatible avec la nécessité de maintenir le chenal ouvert à la navigation ! Dans le règlement figurant sur l’annuaire des marées pour le port de Rouen, on note par exemple : « Article 21 – Pêche dans le fleuve – Dans le fleuve à l’approche des navires et bateaux, les pêcheurs doivent lever leurs filets ou les manœuvrer de façon à laisser le passage libre sur la moitié au moins de la largeur sur un bord ou sur l’autre, si la route suivie par les navires et bateaux passe au milieu du fleuve. Si le chenal ne passe pas vers le milieu, ce passage doit être laissé libre du côté de la route. » Les pêcheurs se sont ainsi trouvés contraints, dans l’exercice de leur activité, par une circulation incessante de bateaux commerciaux au tonnage de plus en plus élevé. Difficile de tendre des filets ! L’usage du guideau, engin typique de l’estuaire, a aujourd’hui disparu et il ne subsiste plus qu’une dizaine de pêcheurs professionnels qui exploitent les ressources aquatiques entre le pont de Normandie et le pont de Tancarville. D’autres raisons expliquent le déclin de la pêche dans l’estuaire. Il y a eu tout simplement de moins en moins de poisson ! En effet, les aménagements réalisés dans un fleuve de plus en plus endigué ont entraîné la perte d’une partie des milieux aquatiques qui servaient de nourricerie ou de refuge aux poissons juvéniles. D’autre part, la dégradation de la qualité des eaux a entraîné des stress biologiques, et parfois la mort des poissons. Compte-tenu de la détérioration de leur qualité, et du fait que ceux contenant un grand nombre d’arêtes sont maintenant peu appréciés, les poissons de l’estuaire ont été supplantés dans les assiettes par les espèces marines telles que la morue. La pêcherie professionnelle s’est donc réorientée vers le milieu maritime au détriment de la pêche estuarienne.

S. Duhamel / CSLN

Référence : Fascicule Seine-Aval 2.5, Poissons, habitats et ressources halieutiques : cas de l’estuaire de la Seine, coordonné par J. Morin, GIP Seine-Aval, 2010.

Le guideau est un engin de pêche typique de l’estuaire de la Seine. 139


L

Faut-il un permis pour pêcher dans la Seine ?

140

Ifremer

mypicture30 / Fotolia.com

Carpe : la pêche en Seine est souvent sportive.

a Seine est, jusqu’à son embouchure, soumise aux mêmes règles que tous les cours d’eau de seconde catégorie piscicole (par opposition à ceux de première catégorie, accueillant des salmonidés). Il faut par conséquent un permis de pêche pour y capturer du poisson, s’acquitter de tous les droits et taxes relatifs à la capture de certaines espèces, respecter les dates d’ouverture et de fermeture par espèce, se conformer aux conditions de capture – quotas éventuels, taille minimale – de certaines espèces, particulièrement les salmonidés. Il existe plusieurs associations de pêche agréées dans la vallée de la Seine. La pêche en Seine est souvent sportive, notamment quand on a au bout de la ligne une carpe ou un silure glane. Beaucoup de poissons du fleuve sont réputés inconsommables, et il faut admettre que leur séjour prolongé dans une eau plus ou moins polluée ne met pas en appétit. Depuis janvier 2008, la consommation et la vente de l’anguille sont interdites pour cause de contamination par les PCB*. Cette règle a été élargie en septembre 2008 à l’ensemble des espèces de Seine.

La consommation de l’anguille est interdite.


O

Que pêche-t-on avec des balances ?

J.-P. Thorez / AREHN

n voit souvent, entre le pont de Tancarville et le pont de Normandie, des personnes qui plongent des balances dans les eaux troubles de l’estuaire. Il s’agit de pêcheurs à la crevette blanche, encore appelée « bouquetin ». En général, le pêcheur se poste sur un quai ou un wharf*. Rappelons qu’une balance est un filet (à maille réglementée) fixé sur un cercle métallique, lesté pour résister au courant, et accroché à une longue corde. On amorce avec du poisson ou des croquettes pour chats ou chiens.

Le pêcheur se poste sur un wharf.

Crevettes blanches prises dans la balance. 141


L

Archives J. Chaïb

C. Dégremont/GIP Seine-Aval

Peut-on chasser au bord de la Seine ?

a chasse peut être pratiquée en bord de Seine, y compris dans l’embouchure. Il suffit pour cela de posséder un permis de chasser, de s’être acquitté du paiement d’un droit de chasse, de respecter les règles de sécurité vis-à-vis des autres usagers du fleuve, ainsi que les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse au gibier d’eau.

Envol de colverts : la chasse peut être pratiquée en bord de Seine.

Chasse au gibier d’eau au marais Vernier il y a un siècle. 142


L

Qu’est-ce que

es mares à gabion sont des mares artificielles servant pour la chasse. Le gabion lui-même est un abri dans lequel le chasseur se dissimule pour attendre ses cibles. Souvent de faible profondeur, les mares sont creusées typiquement dans la partie aval des estuaires, fréquentée par de nombreux canards, oies et limicoles* migrateurs. Un certain nombre de ces oiseaux sont classés « espèces chassables », donc espèces gibier. Les mares sont généralement alimentées par des systèmes de chenaux remplis par la marée montante et régulés par des vannes.

J.-P. Thorez / AREHN

La mare à gabion

Mare à gabion dans l’embouchure de la Seine.

Maison de l’Estuaire

Ces mares à gabion, au nombre de 202 dans la réserve naturelle de l’estuaire de la Seine, résultent du développement important de la pratique de la chasse au gibier d’eau dans la seconde moitié du XXe siècle. Il existait préalablement une chasse « à la passée » ou à « la hutte », qui consistait à se poster, souvent au crépuscule, pour tirer des oiseaux venant se poser sur les plans d’eau. Cette chasse était également pratiquée à partir d’une barque ou, d’une façon plus cocasse, d’un grand tonneau à cidre. Plus confortable, le gabion moderne provient de la réutilisation d’une grande citerne enterrée près de la mare. Il est accessible par un « trou d’homme » et pourvu d’une ouverture permettant de tirer des oiseaux attirés par des leurres dénommés « appelants ».

Appelants sur une mare à gabion. 143


L

Le creusement des carrières de granulats – ici près des Andelys – a bouleversé la géographie de la vallée.

J.-P. Thorez / AREHN

Quelles activités ont eu un impact sur la Seine ?

144

e premier impact qu’a eu à subir la Seine est la régularisation de son chenal. Cela s’est traduit par la disparition de nombreux habitats, et donc un appauvrissement sur le plan écologique. Mais ce qui a sans doute été le plus lourd de conséquences est la pollution massive de la Seine. Lors de son dernier passage à Rouen, en 1934, le commandant Charcot décrivait encore un fleuve exceptionnel pour sa faune aquatique. Dans les années 1960-1970, la Seine était considérée comme « cliniquement morte », avec des millions de poissons morts, dérivant à la surface le ventre en l’air. Le principal symptôme détecté était une grave anoxie* liée à une consommation excessive de l’oxygène dissous par voie chimique ou biologique. Au passage des villes, la Seine était le réceptacle des rejets issus du confort moderne. A l’aval du barrage de Poses, les péniches étaient recouvertes par la mousse des détergents ménagers. Les rejets domestiques étaient concentrés dans le « tout-à-l’égout ». Celui-ci était directement relié au fleuve. Parfois, il faisait étape dans des stations d’épuration, comme celle d’Achères, à l’aval immédiat de Paris. Mais ces installations ont rapidement vu leur capacité de traitement dépassée. Les industries installées sur les rives de la Seine rejetaient tout simplement leurs déchets – liquides ou solides – dans le fleuve : acide, soude, sels métalliques toxiques, eaux de lavage… Ensuite seulement seront améliorés les procédés de fabrication ou instaurées des obligations de confinement et de traitement préalable avant rejet. Les usines d’engrais phosphatés rejetaient directement en Seine les tristement célèbres phosphogypses issus de l’action de l’acide sulfurique sur le fluorophosphate de calcium (minerai). Puis, dans les années 1970, des barges sont allées les claper* au large de l’embouchure… quand l’état de la mer le permettait. Suite aux protestations des pêcheurs de la baie, le premier dépôt à terre a été finalement réalisé en 1984 en forêt du Rouvray. De gros efforts ont alors été entrepris sous l’impulsion de l’Agence de l’eau Seine-Normandie et du SPPPI* pour réduire, dans un premier temps, celles des pollutions qui vont affecter le taux d’oxygène dissous. Enfin, le creusement de carrières de granulats dans la plupart des boucles de la Seine à partir des années 1960 a profondément bouleversé la géographie, les paysages, les milieux naturels, la qualité de


J.-P. Thorez / AREHN

vie des habitants, et même le climat. Avec cette activité d’extraction, il s’agissait d’alimenter en matériaux le secteur du BTP*, en HauteNormandie comme en région parisienne. Les besoins explosaient littéralement avec la construction des autoroutes, des centrales électronucléaires, des logements, etc. Les procédures d’exploitation et de réaménagement se sont heureusement améliorées. Les carrières en fin d’exploitation sont transformées en bases de loisirs comme à Poses ou au Mesnil-sous-Jumièges, ou bien elles sont dédiées à la biodiversité comme la réserve ornithologique de la Grande Noë, à Val-de-Reuil, ou des sites comme ceux de Courcelles-sur-Seine, Bouafles, Anneville-Ambourville…

Le premier impact qu’a eu à subir la Seine est la régularisation de son chenal.

J. Chaïb / AREHN

J.-P. Thorez / AREHN

Stockage à terre de phosphogypses à Anneville-Ambourville (en haut), et de titanogypses au Hode, près du Havre (en bas).

145


Qu’est-ce que…

La ballastière

U

Archives J. Chaïb

J.-P. Thorez / AREHN

ne ballastière est littéralement une carrière à ballast, ce mot désignant lui-même les cailloux que l’on tasse sous les voies ferrées. On désigne parfois sous ce nom ancien les carrières de granulats*, qui ne fournissent plus de ballast pour les voies ferrées, mais du sable ou des graviers servant à la fabrication du béton, des enrobés et autres matériaux utilisés dans le BTP*.

Ballastières au début du XXe siècle.

Carrière de granulats à Anneville-Ambourville. 146


La vallée de la Seine aménagée

Chimiquier dans le chenal au niveau d’Heurteauville. En rive droite, on voit une balise latérale bâbord. En rive gauche : le chemin de halage et un marégraphe.

L. Gélard / AREHN

Le chenal : une vraie autoroute fluviale, invisible mais parcourue en toute sécurité par des milliers de navires… Il nous rappelle que le fleuve Seine, à l’aval de Rouen, est un accès portuaire.


L’embouchure de la Seine en 1677 : la navigation y était périlleuse. 148

Archives AREHN

A quoi ressemblait l’estuaire il y a deux ou trois siècles ?


Références : Fascicule Seine-Aval 2.3, Evolution morphologique d’un estuaire anthropisé de 1800 à nos jours, coordonné par V. Foussard, GIP Seine-Aval, 2010. Fascicule Seine-Aval 1.3, Sables, chenaux et vasières – Dynamique des sédiments et évolution morphologique, coordonné par P. Lesueur, GIP Seine-Aval, 1999.

La basse vallée de la Seine vers 1750.

Magin J. et Magin N. (1750)

Archives AREHN

D

A cette époque, les berges – encore naturelles – étaient basses. Les inondations étaient fréquentes lors des fortes marées et/ou des crues. Les abords du fleuve, constitués de zones humides et de marais, étaient peu accessibles. La surface en eau de l’estuaire de la Seine a fortement diminué passant de 340 km2 en 1750 à 136 km2 en 2005, soit une réduction de 60 %.

epuis deux siècles, les aménagements liés au développement économique de l’estuaire ont provoqué de grands changements dans sa morphologie et son fonctionnement hydrologique*. Au XVIIIe siècle, dans sa partie estuarienne, la Seine était un fleuve large et peu profond. La pente était très faible : 1 m pour 10 km. Le lit était divisé en de multiples bras plus ou moins stables et comprenait de nombreuses îles. L’embouchure était encombrée de bancs de sable mobiles. De Poses à Rouen, le lit mineur* de la Seine était naturellement fixe et parsemé de nombreuses îles. Des pertuis, ou étranglements, existaient, tels que celui de Poses, long de trois kilomètres. Au début du XIXe siècle, l’embouchure de la Seine débutait à Caudebec-en-Caux. Le lit s’élargissait alors, passant de 1 km de large au niveau de Caudebec à 10 km au droit d’Honfleur.

149


Ecluses et entrée du canal de Tancarville : commencé en 1880, le creusement du canal fut achevé en 1886. Cet ouvrage permet de contourner la zone instable de l’embouchure (au second plan). 150

J.-P. Thorez / AREHN

Comment a-t-on amélioré les conditions de navigation sur la Seine ?


J.-P. Thorez / AREHN

L

’aménagement du fleuve pour la navigation s’est fait en plusieurs phases. Au XVIe siècle, il était difficile aux navires de haute mer de remonter la Seine du fait de leur important tirant d’eau. Ils devaient systématiquement opérer plusieurs arrêts avant d’atteindre la capitale. Ils s’arrêtaient une première fois au Havre pour transborder leurs marchandises sur de plus petits navires. Un second transbordement était nécessaire à Rouen sur des navires de tirant d’eau inférieur à 2,50 m. Au début du XIXe siècle, les navires remontant du Havre jusqu’à Rouen étaient en général des bateaux à voile de 2 à 3 m de tirant d’eau, ou des bateaux à vapeur n’excédant pas 2,25 m de tirant d’eau. Ils transportaient en moyenne 100 à 120 tonnes de marchandises (300 tonnes au maximum) et mettaient environ huit jours pour remonter à Rouen, un voyage pouvant parfois durer trente jours, avec des échouages à chaque marée, en conditions défavorables. A la descente, ces navires avaient besoin de deux à trois jours en moyenne. Les bancs de sable se déplaçaient sous l’action des courants. Ainsi, un navire pouvait facilement s’échouer là où un autre était passé la veille. Entre 1842 et 1847, on a dénombré 184 navires échoués au niveau du haut fond de Villequier. Les vents avaient également une grande influence sur la réussite de la remontée des navires jusqu’à Rouen. Lorsque la force du vent était faible, les navires ne pouvaient atteindre Quillebeuf-surSeine en une marée et se trouvaient forcés de s’échouer. Lorsque le mascaret (voir p. 50) arrivait, ils risquaient fort de chavirer. Ainsi, il n’était pas rare que les équipages abandonnent le navire avant l’arrivée du mascaret pour le rejoindre un ou deux kilomètres en amont s’il avait résisté. En amont de Duclair, le chenal* était en général stable, mais il y avait régulièrement des perturbations locales du régime hydrologique*, des courants. Cette instabilité locale était due à la présence de hauts fonds, d’îles, de bras secondaires… Outre ces obstacles naturels, les ponts constituaient des entraves à la navigation. Celui de Pont-del’Arche n’offrait aux navires qu’un passage très étroit.

Variations du chenal de navigation à l’embouchure de la Seine entre 1880 et 1900.

Dès le XVIIIe siècle, l’autorité royale est alertée par les édiles locaux qui craignent que les navires ne puissent plus remonter à Rouen du fait de l’ensablement et, par suite, ne puissent plus alimenter Paris. En 1830, les premiers travaux destinés à créer des barrages et des écluses sont entrepris, mais ne résolvent pas pour autant les problèmes de navigation en aval de Rouen. François Arago, Alphonse de Lamartine et Victor Hugo, alors députés, s’en émeuvent en 1848. Leur intervention conduit à mener des études qui présideront aux premiers aménagements avec l’avènement de la IIIe République. Il était temps, car, vers le milieu du XIXe siècle, le port de Rouen était en déclin. Les navires devenaient de plus en plus imposants, exigeant des profondeurs plus importantes pour remonter le fleuve. Le transport ferroviaire était par ailleurs en pleine croissance. Pour maintenir l’activité du port, il était donc nécessaire d’améliorer les accès maritimes afin qu’il continuât d’assurer son rôle de plaque tournante pour le commerce intérieur ou international.

151


1848 à 1867 : premiers endiguements Les premiers endiguements eurent lieu entre Villequier et Quillebeufsur-Seine afin de fixer le lit mineur, très mobile dans cette zone. Le chenal s’est alors stabilisé, et s’est également approfondi du fait de la concentration des écoulements. Ces résultats ont incité les ingénieurs à poursuivre les endiguements en amont et en aval, de La Mailleraye-sur-Seine à la Risle. Malgré ces travaux d’endiguement, certains hauts fonds persistaient, entravant la navigation. C’est pourquoi des bancs de sable – par exemple le banc tourbeux des Meules – ont été réduits par dragage. Au terme de cette première phase de travaux, 145 km de digues et quais avaient été construits.

J. Chaïb / AREHN

1867 à 1895 : réduction des hauts fonds Une grande campagne de dragage a été menée entre 1888 et 1895, visant à réduire les hauts fonds les plus importants entre Rouen et Tancarville. D’autre part, afin de contourner la zone instable de l’embouchure, on proposa la construction d’un canal maritime Suite p. 154

Digue basse Nord.

Phare de Quillebeuf-sur-Seine : construit en 1824, il indique une courbure de la Seine. Ce feu est automatisé depuis 1908. 152


L. GĂŠlard / AREHN

Le chenal de navigation au niveau d’Heurteauville.

153


1961 à 2008 : extension du port du Havre Sous l’action du flot, des brèches profondes se creusaient dans la digue basse Nord. Une réfection était donc nécessaire. Elle fut accompagnée du prolongement de cette digue, de 1971 à 1975, puis en 1979 et en 1986. Les pêcheurs craignaient de ne plus avoir accès aux fosses situées de part et d’autres du chenal de navigation : des brèches ont été réalisées en 1979, l’une de 100 mètres dans la digue du Ratier et l’autre de 1 000 mètres dans la digue basse Nord. Pour la protection des fondations du pont de Normandie (édifié entre 1989 et 1995), une nouvelle digue fut construite juste en aval en 1989. Dans l’estuaire amont, et plus ponctuellement dans l’estuaire moyen, d’autres digues ont également été construites. Dans le cadre du développement du port du Havre, le grand canal du Havre a été creusé dans les années 1960. Deux programmes d’approfondissement du chenal entre Rouen et Le Havre se sont succédé entre 1983 et 1992, puis entre 1998 et 2000, pour assurer aux navires une profondeur de 10 m 30. Enfin, Port 2000 fut mis en chantier à l’embouchure en 2003. La première phase de travaux a pris fin en 2007.

longeant la Seine. Le canal de Tancarville, commencé en 1880, fut achevé en 1886. Long de 25 km, il permettait de relier la partie aménagée de la Seine au port du Havre afin d’acheminer plus facilement les voyageurs et les marchandises. Parallèlement, le Port du Havre a construit une digue et une série d’épis* le long de la côte pour réduire l’accumulation de sédiments au niveau de l’entrée du port. Au terme de cette deuxième phase, 29 km de nouvelles digues avaient vu le jour.

1895 à 1922 : aménagement de l’embouchure L’aménagement de l’embouchure est lancé. Une grande digue insubmersible accompagnée d’épis*, la digue Nord, est construite en rive droite. Elle sera complètement achevée en 1924. En rive gauche, une digue convexe est également mise en place, ainsi qu’une digue haute au niveau du marais Vernier. Entre 1899 et 1903, la majorité des hauts fonds situés entre Tancarville et Rouen ont été réduits par dragage. Certaines digues ont également été raccordées, des « trous de Seine » (anses d’érosion profonde) ont été endigués, et la largeur du lit a été réduite en certains endroits. Au terme de cette phase, 40 km de digues et de quais viennent s’ajouter aux précédents. 1923 à 1960 : chenalisation Entre Poses et Rouen, le barrage de Martot a été supprimé entre 1938 et 1943. Des îles ont été arasées ou raccordées, certains bras ont été comblés. Cela donne un couloir rectiligne d’une centaine de mètres de large, positionné en rive droite de l’ancien lit. Entre 1913 et 1959, le chenal a été par ailleurs fortement approfondi entre Rouen et Tancarville. Pendant ce temps, à l’embouchure, les travaux se sont poursuivis. La digue Sud convexe a été partiellement détruite, et une nouvelle digue a été mise en place dès 1950. Celle-ci a été prolongée en aval par la digue du Ratier, terminée en 1959. En parallèle, la digue basse Nord a été prolongée. Ces aménagements ont permis l’ouverture et le balisage du nouveau chenal. Au terme de cette phase, 90 km de digues et de quais ont été construits.

Port 2000, avec, à droite, le terminal Porte Océane. Au second plan : les réservoirs de produits pétroliers de la CIM, puis, à droite, le bassin René-Coty, le terminal de l’Atlantique, la centrale thermique EDF, et, en allant vers la gauche, le centre minéralier et le port pétrolier.

154

J.-P. Thorez / AREHN

Références : Fascicule Seine-Aval 2.3, Evolution morphologique d’un estuaire anthropisé de 1800 à nos jours, coordonné par V. Foussard, GIP Seine-Aval, 2010.


155

J.-P. Thorez / AREHN


O

Est-il vrai que des îles ont disparu ?

Archives J. Chaïb

Ile Grout, à Dieppedalle, vers 1900.

ui. L’estuaire de la Seine, avant son aménagement, comportait de nombreuses îles. En 1750, dans le secteur compris entre Poses (pk* 202) et Oissel (pk 230), il y avait 52 îles représentant approximativement 260 hectares. En 2005, il n’en restait plus que 3, pour une surface de 4,7 hectares. Cette forte réduction est due aux travaux d’amélioration de la navigation : les îles ont été supprimées soit par dragage, soit par rattachement à la berge. Dans la zone comprise entre Oissel et Rouen, le nombre d’îles a nettement diminué, mais la superficie totale des îles est restée relativement constante, passant d’environ 170 hectares en 1750 à 160 hectares en 2005. Les îles ont essentiellement été fusionnées par comblement de bras morts ou de bras secondaires afin de n’avoir qu’un chenal unique dépourvu d’annexes hydrauliques*. La même évolution s’est produite entre Rouen et l’embouchure, zone qui comptait une vingtaine d’îles en 1750 et… plus du tout au début des années 1930. Ces îles ont également disparu à cause des travaux d’aménagement, ou indirectement, du fait de l’érosion par les courants créés par les endiguements. Au cours de l’histoire, il est probable que de petites îles ont été rattachées aux rives pour faciliter leur exploitation agricole ou agrandir des parcelles. Les îles étaient aussi des sujets de revendication de la part des paroisses qui se trouvaient sur chaque rive. Ainsi, celle d’Heurteauville, qui fut peut-être une île isolée par un bras occupant la place de l’actuel marais de la Harelle, a longtemps été revendiquée par les moines de l’abbaye de Jumièges. Il en fut de même pour l’île de Belcinac, qui se trouvait au sommet de la boucle de Brotonne avant d’y être rattachée au XVIIe siècle. A la fin du XIXe siècle, certaines îles, comme l’île Rolet, furent rattachées par une de leur pointe à la rive gauche pour être transformées en terre-pleins*. Ceux-ci accueillaient les marchandises des navires entrant dans des bassins aménagés dans les anciens chenaux de la Seine. Jusqu’au début du XXe siècle, entre Rouen et Moulineaux, se succédaient de nombreuses îles en face de Croisset, Dieppedalle et du Val-de-la-Haye. Le chenal principal de la Seine servait à la navigation commerciale, alors que le chenal secondaire était emprunté par les bateaux omnibus qui reliaient Rouen à La Bouille 156


ou au Havre. Les îles, pourtant habitées, qui constituaient une gêne pour la navigation furent arasées par dragage ou rattachées à la rive droite, comme celle du Val-de-la-Haye. Lorsque le service du FélixFaure – qui transportait des passagers entre Rouen et Le Havre – cessa, en 1927, on entreprit de remblayer le chenal pour agrandir la commune. En 2003, une île artificielle a été créée au pk 363, en aval du pont de Normandie, dans le cadre des mesures environnementales liées

à l’extension du port du Havre (Port 2000). Cette île aux Oiseaux est actuellement la seule île existant entre Rouen et la mer (voir p. 166).

Référence : Fascicule Seine-Aval 2.3, Evolution morphologique d’un estuaire anthropisé de 1800 à nos jours, coordonné par V. Foussard, GIP Seine-Aval, 2010.

Nombre et superficie des îles de la Seine selon les secteurs.

157


Qu’est-ce que…

ou de pontons. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, le cabotage en Seine faisait appel à des gribanes, bateaux très évasés à fond plat. Avec l’augmentation régulière du tonnage des navires remontant à Rouen, depuis le début du XIXe siècle, il a fallu creuser le chenal de navigation. Celui-ci autorise actuellement un tirant d’eau de 10 m 70 à la montée vers Rouen et de 10 m 30 à la descente. Pour accueillir une nouvelle génération de navires vraquiers, plus gros (catégorie Handymax), il est prévu d’araser de 0 m 40 les points hauts du lit du fleuve. L’opération consistera en l’extraction d’environ 6 millions de tonnes de sédiments, dont 3,5 millions de tonnes devraient être recyclées par l’industrie des granulats. On parle de « tirant d’air » en ce qui concerne les superstructures des navires pour leur passage sous les ponts. C’est important notamment pour les grands voiliers de l’Armada de Rouen, dont les mâts sont très hauts.

Le tirant d’eau

L

J. Chaïb / AREHN

e tirant d’eau d’un navire correspond à la hauteur de ses infrastructures situées sous la ligne de flottaison, à pleine charge. Dans un estuaire comme celui de la Seine, ce tirant d’eau doit être compatible avec la profondeur du chenal de navigation, en tenant compte du niveau de la marée et d’un éventuel étiage*. Jadis, à marée haute, la profondeur de la Seine était d’environ quatre mètres. On pouvait, par endroit, la traverser à gué à marée basse ! Les embarcations qui naviguaient sur la Seine avaient un très faible tirant d’eau pour échapper à l’échouage sur les bancs mobiles du fleuve, et pour pouvoir accoster sur les grèves en l’absence de quais

Navire mixte (fret et conteneurs) Riga dans le chenal de la Seine : son tirant d’eau maximum est de 5 m 72. La ligne de flottaison en charge est matérialisée par un changement de couleur de la coque.

La drague Ronceray (4 m 50 de tirant d’eau) longe le cargo hongkongais Fortune East (6 m 70 de tirant d’eau) dans le port de Rouen. Les lignes de flottaison sont bien visibles. 158


L

A quoi sert le dragage de la Seine ?

Archives J. Chaïb

L’ancienne drague Ville de Rouen.

es services des ports réalisent des dragages d’entretien réguliers de leurs bassins portuaires et de certaines parties du chenal de navigation afin de maintenir des profondeurs suffisantes pour accueillir les navires. C’est rendu nécessaire par la dynamique sédimentaire de l’estuaire de la Seine, qui comprend des phénomènes d’érosion et de dépôt de sédiments. La quantité de matériaux extraite est fonction de l’hydrodynamisme* de la Seine, de l’importance des apports sédimentaires et des profondeurs nécessaires pour la navigation. Au cours des années 1980, les volumes de sédiments dragués annuellement ont été de 3 à 4 millions de mètres cubes au niveau de l’embouchure, de 400 000 à 600 000 m3 entre Rouen et La Bouille, et de 100 000 à 200 000 m3 en amont de Rouen. Depuis 1991, les quantités draguées ont diminué, excepté à l’embouchure (4,4 millions de mètres cubes en 2008). Les sédiments dragués sont soit directement utilisés, soit déposés à terre pour une utilisation ultérieure possible, ou alors clapés* en mer. Selon leur « qualité », ces matériaux servent depuis longtemps à construire ou à renforcer des digues, des terre-pleins*, des quais. Ils ont comblé des bras morts ou secondaires du fleuve. Le stockage à terre a pour finalité la revente de ces matériaux (pour les travaux publics par exemple) ou une utilisation portuaire. Ce stockage s’effectue essentiellement en « chambres de dépôts ». Elles ont été créées en fonction des besoins. Il y en a 17 localisées le long de l’estuaire de la Seine, de dimensions très variables (2 à 50 hectares), mais elles ne sont pas toutes actives. Seuls 7 sites sont aujourd’hui utilisés ou susceptibles d’être utilisés. Ce sont des enceintes fermées par des digues qui permettent de déposer entre 80 000 et 1,6 million de mètres cubes de sédiments. Des alternatives au stockage en chambres de dépôts ont vu le jour ces dernières années, telles que le remblaiement et le réaménagement d’anciennes carrières, comme à Yville-sur-Seine. Les « sites en sommeil » sont des chambres disponibles mais non utilisées actuellement. Certains sites ont été « restitués » pour créer des aménagements paysagers ou y faire de l’agriculture (dans certaines conditions). Le clapage* en mer consiste à aller déverser les sédiments dragués dans des zones sélectionnées à cet effet. Suite p. 162 159


Sites de dépôt de matériaux de dragage.

160


Principaux hauts-fonds dragués au cours des XIXe et XXe siècles

Caudebec Villequier 6- Banc des Meules (pK 305 à 307.5)

Tancarville

Duclair La Mailleraye Quillebeuf 4- Hauts-fonds de Bardouville (pK 267 à 272) Rouen Bardouville

7- Banc des Flacques (pK 321 à 322.5) Vieux-Port

5- Haut-Fond d'Yville (pK 285 à 288)

GIP Seine-Aval, 2009 Source des données : Reymondier, 1990 ; PAR, 1893-2005

La Bouille

Km 5

5

2- Seuil de Grand-Couronne (pK 252 à 254) Oissel

3- Seuil des Moulineaux (pK 255 à 259)

10

7

6

5

4

3

21

1824 1893 1954 2005

0 -5 -10

Rouen

La Bouille

La Fontaine Duclair

Yville

Jumièges

Le Trait

La Mailleraye

Caudebec

Villequier

Aizier

Quillebeuf

Tancarville

La Roque

Honfleur

-15 Le Havre

Cote bathymétrique (m) Référence : 0 CMH

0

© IGN-BD ALTI 500m

1- Seuil de Biessard (pK 250 à 252)

Les courbes représentent le relief du fond du chenal. On voit l’arasement de hauts fonds et l’approfondissement de certaines parties du chenal au fil des années. 161


Le Grand Port Maritime du Havre utilise un site localisé à Octeville, au large des côtes. Depuis la mise en service de Port 2000, le volume déposé est estimé à 3 millions de mètres cubes par an. Le Port de Rouen dispose quant à lui de trois sites de clapage. Le Kannik, site principal, reçoit essentiellement les sédiments issus de la zone de l’« engainement » – le début du chenal à l’entrée de l’estuaire – lors de l’entretien du chenal, soit environ 3,5 millions de mètres cubes chaque année. Les sites « zone intermédiaire » et « zone temporaire amont » ne sont utilisés que ponctuellement pour de faibles volumes.

Des contrôles de la qualité chimique des sédiments dragués sont régulièrement réalisés. En cas de dépassement des normes, les sédiments doivent être soit « dépollués », soit isolés à terre.

kinsarvik / flickr.com

Références : Fiche thématique Seine-Aval, Usages et aménités : dragages dans l’estuaire de la Seine, GIP Seine-Aval, 2009. Fascicule Seine-Aval 2.3, Evolution morphologique d’un estuaire anthropisé de 1800 à nos jours, coordonné par V. Foussard, GIP Seine-Aval, 2010.

La drague Ronceray dans le port de Rouen. 162


De quoi sont composés les « produits de dragage » ?

L

163

GPMR

Un mélange de graviers, sable, sablons et limons plus ou moins argileux, avec des morceaux de coquilles.

J. Chaïb / AREHN

es « produits de dragage » correspondent à des dépôts de sédiments plus ou moins anciens. Ils sont composés essentiellement – par ordre de granulométrie* décroissante – de graviers, de sable, de sablons, de tourbes et de limons plus ou moins argileux. On y trouve des fossiles, notamment des morceaux de coquilles, parfois pris dans des gangues de tuf qui attestent la pureté de l’eau de la Seine… autrefois. Avec l’industrialisation et l’urbanisation, la Seine est devenue le réceptacle de toutes sortes de polluants. Certains, à forte rémanence, posent le plus grave problème. Les PCB et les métaux lourds – en particulier le plomb, le mercure et le cadmium – ont contaminé les sédiments. Les sédiments de dragage font l’objet de suivis réguliers de leur qualité chimique. Cela permet de gérer leur devenir en fonction du niveau de contamination rencontré. Ces suivis montrent que la contamination en métaux tend à diminuer depuis les années 1980 du fait de l’amélioration de la qualité des eaux de la Seine.

Sable et graviers (« graves » sableuses).


Qu’est-ce que…

La chambre de dépôt

L

J.-P. Thorez / AREHN

es chambres de dépôts sont des lieux de stockage des produits de dragage de la Seine. Les sédiments dragués dans le chenal de navigation sont stockés dans le puits de la drague et transportés jusqu’aux sites de dépôt où ils sont refoulés par voie hydraulique (pompage) vers des casiers de dépôt (espaces préalablement délimités par des talus et remplis ensuite). Cela donne des monticules souvent hauts de plusieurs mètres. A Bardouville, ancien site de dépôt de sédiments sableux, l’érosion liée aux courants a créé des microfalaises dans lesquelles s’est établie une des colonies d’hirondelles de rivage les plus importantes de la basse Seine. Le Grand Port Maritime de Rouen, dans le cadre de sa politique de développement durable et en application de ses engagements pris dans le cadre de la charte 2001-2011 du Parc naturel régional des Boucles de la Seine normande, a défini une stratégie de gestion des sédiments dragués économe, rationnelle et respectueuse de l’environnement. Cette stratégie vise à : • mettre en place des filières de valorisation (réutilisation) des sédiments de dragage en particulier dans le BTP*. A cette fin, le port utilise 5 sites de dépôt en bord de Seine pour le transit des matériaux à valoriser ; • remblayer d’anciennes ballastières avec des sédiments de dragage afin de recréer des milieux d’intérêt écologique. Ce mode de gestion a fait l’objet d’une expérimentation à Yville-sur-Seine de 1999 à 2008. L’opération est considérée comme un succès et est appelée à se généraliser. Avec le nouveau projet d’arasement des points hauts du chenal de navigation, 6 millions de tonnes de sédiments devraient être produits, dont 2,5 seront clapés* en mer. Le reste sera pour partie recyclé dans le secteur du BTP* ou stocké dans des ballastières désaffectées.

PB/GPMR

Ancienne chambre de dépôt à Sahurs.

Yville-sur-Seine : une ancienne carrière a été comblée avec des produits de dragage, puis « renaturée » (voir aussi p. 113). 164


J. Chaïb / AREHN

A Bardouville, des hirondelles de rivage nichent dans les microfalaises d’un ancien dépôt de produits de dragage.

165


L

A-t-on essayé de compenser les impacts de Port 2000 sur l’environnement ?

J.-P. Thorez / AREHN

’objectif de Port 2000, projet d’aménagement du port du Havre, était de développer et favoriser l’accès au port pour des navires plus grands. Il fallait assurer une profondeur d’au moins 14 m 50 – voire même 17 mètres dans certains endroits – dans toutes conditions de marée. Pour cela, 46 millions de mètres cubes de sédiments ont été dragués, dont plus de la moitié ont servi à la construction des digues et terre-pleins* nécessaires au projet. Des digues extérieures (5 790 m) protègent le port de la houle et des courants, et une digue à l’intérieur du port (3 200 m) délimite les terre-pleins. Un nouveau chenal relie Port 2000 à l’ancien chenal du port du Havre. Afin de réduire ou compenser l’impact écologique d’un tel aménagement, un comité d’experts scientifiques a été chargé de faire des propositions de mesures d’accompagnement de Port 2000. Différents scenarii ont été simulés, puis des recommandations ont été faites, notamment pour sauvegarder au mieux les vasières de l’estuaire. Une nouvelle brèche a été pratiquée dans la digue Nord en

Le « reposoir sur dune » pour les oiseaux.

L’île aux Oiseaux, créée en 2005. 166


amont du pont de Normandie, et un chenal a été creusé pour la relier à la fosse Nord. La brèche présente à l’aval a été rehaussée afin de forcer le flot à emprunter le nouveau méandre créé, d’une surface d’environ 15 hectares. Un nouvel épi*, ainsi qu’un rehaussement de la digue basse Nord, devaient permettre de maintenir le banc de sable appelé banc de la Passe. Enfin, la digue basse Nord a été allongée de 750 mètres. L’ensemble de ces aménagements avaient pour but de retrouver des surfaces nues de vasières adossées à la digue basse nord, en compensation de leur disparition sur la vasière Nord, et de rendre au chenal Nord le caractère de méandre actif. Par ailleurs, un îlot artificiel de 5 hectares à marée basse, servant de reposoir pour les oiseaux, appelé île aux Oiseaux a été créé en 2005. A l’est de Port 2000, un autre reposoir a été réalisé sur des dunes. L’homme propose, mais la nature dispose ! Au lieu de se creuser comme prévu, le méandre artificiel a plutôt tendance à se combler. Il a ainsi perdu plus de la moitié de son volume initial. La surface du banc de la Passe a bien augmenté, mais cette sédimentation ne s’accompagne pas de l’envasement aux endroits attendus. Il y a bien un envasement, mais en aval de l’épi. Tous ces aménagements ont provoqué des modifications de la bathymétrie*, des courants et de la granulométrie* des sédiments. De nombreux suivis ont été mis en place pour observer les évolutions dans tous les domaines – suivis ornithologiques*, halieutiques*, benthiques*… –, ainsi qu’un Observatoire des pêches de la baie de Seine.

Principales mesures d’accompagnement de Port 2000. Références : Fascicule Seine-Aval 2.1, Le programme Seine-Aval 3 : contexte, bilan et enjeux, coordonné par J.-C. Dauvin, GIP Seine-Aval, 2009. Fascicule Seine-Aval 2.3, Evolution morphologique d’un estuaire anthropisé de 1800 à nos jours, coordonné par V. Foussard, GIP Seine-Aval, 2010. Fascicule Seine-Aval 2.4, Le benthos de l’estuaire de la Seine, coordonné par J.-C. Dauvin, GIP Seine-Aval, 2010.

167


Qu’est-ce que…

Digues, perrés, palplanches

D

sur les bords de Seine. Sauf aux endroits où des quais verticaux ont été construits, l’accostage se fait à distance des perrés – qui sont en pente oblique – grâce à des wharfs, sortes d’appontements métalliques. L’approfondissement progressif du chenal conduit à souvent compléter le dispositif de soutènement par la pose de palplanches métalliques. A l’arrière du soutènement ainsi constitué, on remblaie avec, là encore, des matériaux crayeux issus des grandes carrières de Tancarville ou de Sandouville. Aujourd’hui, du fait de ces aménagements, seules quelques grèves naturelles subsistent. Face à l’entretien coûteux des perrés et à leur caractère inesthétique et peu naturel, se pose maintenant la question de la renaturation des berges.

J.-P. Thorez / AREHN

ans l’aménagement de la Seine pour la navigation, l’idée directrice est de créer un chenal suffisamment profond et stable en rétrécissant le lit mineur du fleuve et en draguant celui-ci. Aux points d’accostage, on construit des quais. Presque partout ailleurs on construit des perrés, sortes de digues qui sont des ouvrages de soutènement constitués de grosses pierres. Certains de ces perrés seront plus tard bétonnés, gabionnés*, bitumés. On extrait les pierres des grandes carrières proches de la Seine : Caumont, Vernon, Biessard… On remblaie à l’arrière des digues avec du toutvenant exploité sur divers fronts de taille en bordure de Seine. Ainsi s’édifient en même temps un « rempart » contre les débordements de la Seine et un chemin de halage consolidé. Celui-ci jouera plus tard le rôle de chemin d’accès ou de promenade piétonne ou cycliste

Perré ancien à Barneville-sur-Seine.

Digue à Saint-Paul. 168


J.-P. Thorez / AREHN

Wharfs et perré près de Berville-sur-Mer.

169


U

A quoi servent les barrages sur la Seine ?

Archives J. Chaïb / AREHN

Ancien barrage de Martot.

ne série de barrages entre Paris et Rouen devait permettre de conserver tout au long du parcours un tirant d’eau de 2 mètres. Ce projet a été autorisé par une loi de 1837. Il comprenait la construction de douze barrages, tous associés à une écluse. Dans l’estuaire de la Seine, seuls deux barrages ont été construits. Le barrage de Martot (pK* 260) fut terminé en 1864. Il comprend deux parties séparées par une île. Il avait le fâcheux effet, en retenant l’eau, de provoquer régulièrement la submersion des nombreuses îles et des rives situées à l’amont. Sa détérioration engendra sa destruction partielle en 1928. La partie du barrage située en rive droite fut supprimée entre 1938 et 1943. Cette élimination a provoqué une forte baisse du niveau d’eau du fleuve et de la nappe. Cela n’a pas été sans poser des problèmes à la navigation et aux agriculteurs, qui avaient adapté la culture de leur terre aux immersions fréquentes. La construction du barrage de Poses s’est étalée de 1862 à 1886. Au cours des travaux, l’ingénieur en chef Krantz, qui cherchait à améliorer encore le tirant d’eau, a modifié les plans initiaux pour y inclure une seconde écluse. En 1991, le barrage a été équipé d’une petite centrale hydroélectrique ainsi que d’une passe à poissons (voir page 100) pour permettre aux poissons migrateurs de franchir l’obstacle plus facilement. Le barrage de Poses permet de maintenir un niveau d’eau de 8 mètres pour garantir la navigation en amont. En période de crue, il ne joue aucun rôle de retenue d’eau et, inversement, en période d’étiage, il ne peut servir non plus à « décharger » de l’eau.

170

Chantier des écluses de Poses– Amfreville-sous-les-Monts, à la fin du XIXe siècle. Références : Fascicule Seine-Aval 2.3, Evolution morphologique d’un estuaire anthropisé de 1800 à nos jours, coordonné par V. Foussard, GIP Seine-Aval, 2010. Fascicule Seine-Aval 2.6, Le risque inondation – conditions de déclenchement et perspectives, coordonné par H. El Abida, GIP Seine-Aval, 2010.


J. Chaïb / AREHN

Barrage et écluses de Poses–Amfreville-sous-les-Monts.

171


J. Chaïb / AREHN

Comment fonctionne une écluse ?

Ecluses de Poses–Amfreville-sous-les-Monts : entrée d’un automoteur de rivière de 70 mètres de long par la porte amont (en position ouverte, à gauche). 172


Un barrage « à hausses mobiles » – ou plus anciennement « à aiguilles », comme à Martot (voir photo p. 170) – est associé à chaque système d’écluses pour réguler le niveau du plan d’eau en amont. Les écluses elles-mêmes sont composées de plusieurs sas permettant le passage alterné de bateaux à la montée ou à la descente. Ceux-ci se présentent dans le sas ouvert dont le niveau d’eau est celui de la Seine, soit en amont, soit en aval de l’écluse. La porte du sas se referme ensuite derrière eux. De l’amont vers l’aval, une « vantelle » s’ouvre au bas de la porte aval du sas et permet à l’eau de baisser jusqu’à atteindre celui de la portion aval du fleuve. Le bateau descendu en même temps peut alors sortir par l’autre porte. De l’aval vers l’amont, c’est la vantelle de la porte amont qui s’ouvre et qui remplit le sas et élève le niveau de l’eau. L’éclusée dure de quinze à vingt minutes.

Les phases de la descente (les deux gros traits noirs verticaux figurent les portes de l’écluse).

Les phases de la montée.

J. Chaïb / AREHN

J. Chaïb / AREHN

U

ne écluse sert à faire franchir à des navires un changement de niveau sur un cours d’eau. Celles qui existent sur la Seine permettent aux automoteurs* et caboteurs* fluviaux, aux convois poussés d’une longueur maximale de 180 mètres, de passer des seuils géologiques qui se traduiraient naturellement par la présence de chutes ou de rapides. Afin de rendre le fleuve navigable sans portage des embarcations – ce qui se faisait jadis –, trois systèmes d’écluses ont été mis en place au XIXe siècle : l’un à PosesAmfreville-sous-les-Monts, les autres à Port-Mort-Notre-Dame-dela-Garenne et à Saint-Aubin-Jouxte-Boulleng (ancien nom de SaintAubin-lès-Elbeuf). Les deux premières écluses ont été modernisées depuis. Celles de Saint-Aubin-lès-Elbeuf ont été supprimées en 1928. Le seuil correspondant, assez peu élevé, a été arasé par dragage.

173


J. Chaïb / AREHN

A-t-on pratiqué le drainage dans les zones humides ?

Vannes abandonnées à Saint-Maurice-d’Etelan. 174


L

J.-P. Thorez / AREHN

J. Chaïb / AREHN

J. Chaïb / AREHN

?

a volonté d’« assainir » les terres humides, de gagner des espaces cultivables tout en tentant de juguler les épidémies – la malaria était encore présente en vallée de Seine à la fin du XVIIIe siècle – remonte loin dans l’histoire. Mais c’était loin d’être simple sur le plan technique. Le XVIIe siècle constitue une étape importante dans ce processus. A cette époque, la production agricole était très rentable. La cession de prairies communales à des propriétaires privés a permis à ces derniers d’investir dans des clôtures naturelles (haies) et un réseau de fossés de drainage. Dans la zone de l’estuaire, les fossés se vidaient à marée basse et on les fermait à marée haute grâce à des vannes situées à leur exutoire*. Plus tard, les terres devenant moins rentables, ces vannages n’ont plus été actionnés, ni entretenus. Les fossés, eux, étaient curés sporadiquement pour éviter un retour à l’état originel. A partir des années 1970, s’est développé le drainage par drains enterrés, qui a permis une conversion des prairies bocagères à la culture du maïs, au détriment de la biodiversité et des paysages.

Fossé de drainage.

Prairies humides avec réseau de fossés de drainage et de haies près de Saint-Nicolas-de-Bliquetuit. 175


Qu’est-ce que…

Le polder

P

«

J.-P. Thorez / AREHN

J. Chaïb / AREHN

older » est un mot d’origine néerlandaise qui désigne une terre conquise sur la mer grâce à un endiguement. Une grande partie des Pays-Bas résulte d’un gigantesque travail de poldérisation au cours de l’histoire. Bien que le terme soit rarement utilisé, cette technique a été mise en œuvre dans l’aménagement de la vallée de la Seine. Son principe avait déjà été expérimenté dans le marais Vernier avec la construction de la « digue des Hollandais », dans un but de protection contre les incursions marines et les tempêtes, et d’assèchement des terres tourbeuses. Après l’engagement de l’ingénieur hollandais Humpfroy Bradley en 1609, puis une phase d’étude, les travaux durèrent trois ans pour s’achever en 1620. Reconstruite en 1622 et en 1662, suite à des tempêtes, cette digue ne permit jamais d’assécher les marais et de lutter contre les fièvres. Depuis la fin du XIXe siècle, d’importantes surfaces de polders ont été conquises dans l’embouchure, dans la partie nord du marais Vernier et dans la boucle de Norville-Petiville.

Polders et digue dans la boucle de Norville. 176

Polders dans la partie nord du marais Vernier. Au premier plan, la pointe de la Roque.


177


A

Quel avenir pour les rives de la Seine ?

J. Chaïb /AREHN

partir de l’Entre-deux-guerres, le béton armé est apparu comme la meilleure technique pour maintenir les berges de la Seine. A l’usage, il s’est avéré que ce matériau n’offrait pas toutes les garanties de pérennité espérées. Sous l’effet des courants et du batillage (voir p. 146), et du fait des inévitables mouvements des remblais apportés, les perrés (voir p. 168) ont commencé par se fissurer et ont fini par se démanteler. D’autres techniques ont été expérimentées, comme le gabionnage, avec des roches emprisonnées dans du grillage, mais celui-ci finissait par se corroder. L’assemblage de blocs de grès avec un revêtement bitumineux est sans doute ce qui résiste le mieux. Mais il y a toujours des plantes qui réussissent à prendre racine – des buddleias, par exemple –, élargissant les fissures et dégradant les ouvrages. Finalement, la gestion de berges artificialisées finit par coûter cher, sans parler des effets des herbicides parfois utilisés. On ne s’étonnera donc pas que les projets de retour à des berges plus naturelles, faisant appel à des arbres et des plantes capables de fixer le substrat, se soient multipliés ces dernières années à l’initiative, notamment, des collectivités locales.

Plage et plantation.

Destruction de perré pour un retour à des berges plus naturelles. 178


La pollution de l’eau

Bord de Seine, Pîtres, mai 2001.

J.-P. Thorez / AREHN

Les choses vont plutôt mieux, car la Seine a retrouvé une bonne partie de son oxygène originel. Mais certains composés polluants sont toujours là, bien qu’on ait arrêté depuis longtemps de les utiliser.


Est-il vrai que la qualité de l’eau de la Seine s’améliore ?

Station d’épuration en bord de Seine à Saint-Aubin-lès-Elbeuf.

J.-P. Thorez / AREHN

180

Nucelle : un des gastéropodes marins affectés par la contamination chimique.

glenfinlas / flickr.com

L

a qualité de l’eau de la Seine s’est très largement améliorée depuis plusieurs années pour un certain nombre de paramètres. C’est, par exemple, le cas de la contamination métallique, qui a été maximale dans les années 1950 à 1970. Aujourd’hui, les teneurs en métaux toxiques sont globalement stabilisées et proches du « bruit de fond » dans la partie orientale de la baie de Seine. Cette diminution s’explique notamment par la baisse continue des rejets industriels sous la pression réglementaire. Les teneurs en cadmium et mercure des sédiments de l’estuaire fluvial, de même que celles en argent des moules à l’embouchure, restent néanmoins supérieures à ce qu’on rencontrerait dans les conditions naturelles et à ce qui s’observe sur le reste de la façade Manche-Atlantique. En ce qui concerne les « anciens » pesticides (atrazine, lindane, aldrine…), les concentrations sont en diminution du fait des restrictions d’usage ou de leur interdiction. Les pics qui étaient observés dans les analyses d’eau – correspondant aux périodes d’utilisation – sont par conséquent moins intenses. Certains de ces pesticides ont été remplacés par des molécules de nouvelle génération, actives à de plus faibles doses, ce qui rend leur détection plus ardue. Les progrès réalisés au niveau des stations d’épuration et des industries font qu’on retrouve de moins en moins de phosphore dans l’eau de la Seine, et celle-ci souffre moins de déficits en oxygène. Certains paramètres sont restés stables ou ont augmenté. C’est le cas pour les PCB*, qui, malgré l’interdiction d’usage intervenue en 1987, peuvent toujours poser des problèmes de toxicité chronique pour la faune aquatique. Le cas des HAP* est également à souligner, substances classées cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques. Les teneurs retrouvées sont élevées. Les nitrates*, dont l’origine agricole est prépondérante, sont


- problèmes sanitaires et économiques : interdiction de pêche des poissons de l’estuaire en lien avec les PCB, interdiction de consommation des bulots de plus de 70 mm en lien avec le cadmium, interdictions temporaires de pêche pour des coquillages lors des épisodes de toxicité liés à Dinophysis*… ; - problèmes réglementaires : « report d’objectif » – autrement dit retard – pour l’atteinte, sinon du « bon état » de l’eau, du moins du « bon potentiel » demandé par la directive cadre sur l’eau, difficultés dans les procédures réglementaires de projets d’aménagement ou de gestion des sédiments de dragage ; - problèmes sociétaux, comme l’image négative de la Seine.

glenfinlas / flickr.com

DR

en augmentation continue depuis une trentaine d’années, du fait des changements intervenus dans les systèmes de culture. Il reste enfin beaucoup d’incertitudes en ce qui concerne les contaminants dits émergents (nouveaux pesticides, substances pharmaceutiques ou cosmétiques…). Leur détection, leurs effets, leur évolution sont encore mal connus. La présence de ces multiples contaminants dans l’estuaire de la Seine n’est pas neutre. Elle pose des problèmes de tous ordres : - problèmes environnementaux : génotoxicité* de sédiments, apparition d’organes mâles chez des gastéropodes marins femelles, perturbation endocrinienne chez des poissons… ;

Ecluses de Poses en 1967 : elles sont envahies par la mousse de détergents. C’était avant l’obligation de biodégradabilité pour les lessives…

NB : Ce que les scientifiques appellent le « bruit de fond géochimique » est la teneur naturelle de l’environnement en tel ou tel contaminant.

181


D

Pourquoi a-t-on assisté parfois à des mortalités de poissons ?

182

J.-P. Thorez / AREHN

C. Fisson / GIP Seine-Aval

Mortalité de poissons.

ans les années 1970 à 1980, la pluviométrie* était faible, et le traitement des eaux usées dans les stations d’épuration était encore très limité. Cette situation a eu pour conséquence des mortalités importantes d’espèces aquatiques, dont les poissons, par manque d’oxygène. Cela mérite quelques explications. L’oxygène est un paramètre indispensable à la vie de nombreux organismes. Or, la teneur de l’eau en oxygène diminue lorsque la température (ou la salinité) augmente. A 5 °C, la solubilité de l’oxygène dans l’eau est de l’ordre de 12 mg par litre, alors qu’à 15 °C, elle n’est plus que de 10 mg par litre. Les végétaux aquatiques, en utilisant la lumière et des sels minéraux, fabriquent de la matière organique et produisent de l’oxygène. C’est la photosynthèse. A l’inverse, d’autres processus biologiques sont consommateurs d’oxygène. C’est le cas de la dégradation de la matière organique par les bactéries. Or, de grandes quantités de matière organique sont rejetées dans les eaux, par le biais des rejets urbains ou industriels, via les stations d’épuration.

Campagne de mesures de la cellule antipollution du Service navigation de la Seine (aujourd’hui la DDTM) : le taux d’oxygène dissous dans l’eau de la basse Seine est mesuré régulièrement depuis 1956.


A partir des années 1990, les traitements s’améliorant dans les stations d’épuration, et les débits moyens ayant augmenté dans la Seine, les épisodes de désoxygénation sont devenus beaucoup plus rares. L’analyse des mesures d’oxygène montre la remarquable régression de la zone déficitaire en oxygène dans l’estuaire de la Seine depuis les années 1960. Une zone de déficit chronique en oxygène apparaît toujours en été et automne, plus importante en situation de faible débit et de forte température.

Référence : Fiche thématique Seine-Aval, Qualité de l’eau et contaminations : niveaux d’oxygénation dans l’estuaire de la Seine, GIP Seine-Aval, 2008.

183


J.-P. Thorez / AREHN

D’où proviennent les nitrates et phosphates présents dans l’eau de la Seine ?

Les apports du bassin versant sont principalement agricoles. 184


N

J. Chaïb / AREHN

itrates et phosphates font partie des sels nutritifs indispensables aux plantes. Ils ont toujours été naturellement présents dans les écosystèmes aquatiques, à faibles doses. Aujourd’hui, ceux retrouvés dans les cours d’eau proviennent surtout des activités humaines : activités agricoles, avec des nitrates résultant du lessivage des sols engraissés et de l’azote ammoniacal issu des effluents d’élevage, mais aussi rejets industriels et rejets urbains. La silice, autre composé nutritif, provient essentiellement de l’altération des roches. Sa concentration dans l’eau n’est que faiblement influencée par l’activité humaine. Ces apports en nutriments* sont responsables des développements algaux qui, s’ils s’accroissent de manière trop importante, provoquent ce qu’on appelle le phénomène d’eutrophisation, préjudiciable à l’équilibre des communautés aquatiques. L’eutrophisation se manifeste par un fort développement du phytoplancton dans l’eau. Celui-ci prive le milieu de lumière. De plus, en se décomposant, il consomme de l’oxygène et participe ainsi à la désoxygénation. C’est, on le comprendra aisément, très défavorable à de nombreux êtres vivants, notamment les poissons. Pendant les années 1950 à 1980, le risque d’eutrophisation est très important pour trois raisons principales : - la généralisation de l’agriculture intensive libère dans le milieu beaucoup de nitrates* et phosphates ; - l’augmentation de la population entraîne une augmentation des quantités de composés azotés et de phosphates dans les rejets urbains ; - le traitement des eaux est encore peu efficace. Depuis les années 1990, les flux de nutriments, notamment phosphatés, sont en diminution. C’est à mettre en relation avec la meilleure maîtrise des rejets urbains, la réduction des rejets industriels, la diminution de l’utilisation des lessives phosphatées, et les efforts réalisés dans le traitement des effluents. Les flux diffus d’azote, issus principalement du lessivage des sols agricoles, se maintiennent, quant à eux, à un niveau élevé. Globalement, le risque d’eutrophisation a fortement diminué. Nitrates, phosphates et autres composés nutritifs sont plus ou moins dégradés lors de leur transit dans l’estuaire de la Seine, au niveau

Station d’épuration Emeraude, près de Rouen. 185


Des actions pour réduire les quantités de ces composés rejetées dans les milieux sont encore nécessaires. On peut diminuer les quantités d’intrants* agricoles, mettre en place de nouvelles techniques d’assainissement pour les rejets urbains, renforcer les normes de rejets. Cependant, pour les estuaires et les milieux côtiers, ces efforts ne sont souvent pas suffisants pour limiter l’eutrophisation. En effet, ils concentrent les apports de tout un bassin versant. Et, dans le cas de la Seine, ces apports sont principalement agricoles.

du « bouchon vaseux » (voir page 68). L’intensité du phénomène dépend du débit de la Seine : ainsi, 40 % du flux d’azote sont dégradés par le bouchon vaseux en situation hydrologique sèche, contre 12 % en situation humide. Les flux de phosphore sont, quant à eux, très faiblement réduits quelle que soit l’hydrologie. La rétention est inférieure à 10 %. Le bouchon vaseux joue malgré tout un rôle important dans la régulation des apports en sels nutritifs à la baie de Seine et la réduction des risques d’eutrophisation.

186


charlotsculpteur/flick.com

Références : Fiche thématique Seine-Aval, Qualité de l’eau et contaminations : Apports en nutriments et potentiel d’eutrophisation, GIP Seine-Aval, 2008. Fiche thématique Seine-Aval, Qualité de l’eau et contaminations : Dynamique des nutriments dans l’estuaire de la Seine, GIP Seine-Aval, 2009.

« Marée verte » en Bretagne : un exemple d’eutrophisation.

187


E

Les pesticides représentent-ils un risque dans l’estuaire de la Seine ?

J.-P. Thorez / AREHN

Les résidus de pesticides proviennent en partie des activités agricoles riveraines ou de proximité, via le ruissellement.

xutoire d’un bassin versant qui regroupe 30 % de l’activité agricole française, l’estuaire de la Seine voit s’accumuler de nombreux pesticides dans ses sédiments et dans les organismes vivants. Les pesticides sont des substances chimiques destinées à lutter contre des organismes nuisibles, animaux ou végétaux. Il en existe plusieurs familles, dont les herbicides, les insecticides, les fongicides… Ils sont donc, par définition, nocifs et peuvent exercer une toxicité pour l’environnement et pour l’Homme. Ainsi, les insecticides ont tendance à se bioaccumuler et à se retrouver dans les tissus adipeux des organismes tout au long de la chaîne alimentaire. Ils sont en outre très stables dans l’environnement. On ne s’étonnera donc pas de les retrouver un peu partout, éventuellement longtemps après l’arrêt de leur utilisation.

188

Le diuron – un herbicide – a connu depuis 2002 des restrictions dans son utilisation.


l’endosulfan, du lindane et du DDT. La contamination est plus élevée dans la partie fluviale de l’estuaire de la Seine et dans ses affluents que dans la partie aval. Les niveaux de contamination en pesticides dans des moules prélevées à l’embouchure de l’estuaire de la Seine montrent une tendance à la baisse sur la dernière décennie, notamment pour le lindane, interdit en agriculture depuis 1998, dont le taux a été divisé par 10. Dans l’eau, des pics de concentration peuvent être observés durant les périodes d’utilisation du pesticide recherché, généralement au printemps. C’est le cas du diuron, pour lequel l’intensité et la durée de ces pics a tendance à décroître très fortement. C’est le signe de l’efficacité des mesures de restriction d’usages ou d’interdiction.

danimages/Fotolia.com

90,6 % des pesticides sont destinés à des usages agricoles, 8,1 % aux particuliers et 1, 3 % aux collectivités et sociétés exploitant les réseaux de transport. Les concentrations résiduelles retrouvées dans l’environnement proviennent principalement du déstockage par les sols agricoles et de la circulation dans les sols, les eaux et l’atmosphère. Dans l’estuaire de la Seine, les résidus de pesticides ont deux provenances : l’amont, constitué par le Bassin parisien, les activités riveraines ou de proximité, via le ruissellement et les affluents. La contamination du milieu par les pesticides est généralement assez faible, et pas toujours détectable avec les méthodes d’analyse actuelles. Dans les sédiments, on retrouve de l’aldrine, de

90,6 % des pesticides sont destinés à des usages agricoles. Référence : Fiche thématique Seine-Aval, Qualité de l’eau et contaminations, Contamination par les pesticides dans l’estuaire de la Seine, GIP Seine-Aval, 2008.

La contamination des moules en lindane – un insecticide qui n’est plus utilisé en agriculture depuis 1998 – est en baisse. 189


Qu’est-ce que…

Les HAP

L

vertébrés (poissons, mammifères) du fait de la dégradation des HAP par le système enzymatique. La toxicité des HAP est reconnue. Ces substances sont classées cancérigènes, mutagènes* et reprotoxiques*. Dans l’estuaire de la Seine, des recherches plus précises ont été menées sur les sédiments, mais aussi sur les mollusques et les crustacés. Les résultats semblent indiquer que les HAP jouent un rôle prépondérant dans la génotoxicité (capacité à provoquer des dommages à l’ADN*) de certains sédiments de l’estuaire. Cette génotoxicité peut ainsi provoquer des mutations pouvant conduire à des tumeurs chez les poissons, par exemple. Des perturbations du développement et de la fonction neuromusculaire ont, en outre, été observées chez Eurytemora affinis, un crustacé du plancton. Le caractère génotoxique et mutagène des HAP semble donc bien s’exprimer en estuaire de Seine.

es HAP sont les hydrocarbures aromatiques polycycliques. Ils constituent une famille de composés chimiques organiques (composés du carbone), par opposition aux composés chimiques minéraux. Ce sont des constituants naturels du pétrole et du charbon. Ils sont également émis lors des feux de forêts et des éruptions volcaniques. Certains sont synthétisés par des plantes, des bactéries et des algues. Toutefois, les HAP présents dans notre environnement sont principalement d’origine anthropique* : ils apparaissent lors de la combustion incomplète d’hydrocarbures, de charbon ou de matières organiques – par exemple le bois –, l’incinération d’ordures ménagères, la production de goudron et d’asphalte, ou le raffinage du pétrole. Les HAP les plus connus sont, entre autres, l’anthracène, le benzo(a)pyrène, le fluoranthène ou encore le naphtalène. Les HAP sont transportés majoritairement par l’atmosphère avant de retomber sur les sols. Les apports à l’estuaire de la Seine proviennent majoritairement de l’amont. Mais localement aussi les ruissellements urbains transportent jusque dans le fleuve les HAP issus des retombées atmosphériques correspondant aux émissions des chauffages domestiques et du trafic automobile de proximité. Grâce aux efforts réalisés depuis une vingtaine d’années, les rejets industriels aqueux sont désormais très fortement réduits et ne participent à la contamination de l’estuaire que de façon minoritaire. Les HAP sont peu solubles dans l’eau, et ils ne se dégradent que très lentement. Ils ont tendance à être adsorbés(1) sur les matières en suspension et à s’accumuler aussi bien dans les sédiments que dans les organismes vivants. Ce risque de bioaccumulation (voir p. 198), important chez les invertébrés aquatiques (phytoplancton*, zooplancton*, bivalves*, gastéropodes*), est moindre chez les

(1) Attention à ne pas confondre avec « absorbé ». Il s’agit-là d’une fixation en surface.

Références : Fiche thématique Qualité de l’eau et contaminations – Contamination par les HAP dans l’estuaire de la Seine, GIP Seine-Aval, 2008. Fascicule Seine-Aval 2.2, La génotoxicité – Quel risque pour les espèces aquatiques ?, coordonné par J. Cachot, GIP Seine-Aval, 2009.

190


J.-P. Thorez / AREHN

Raffinerie dans la basse Seine : des HAP peuvent ĂŞtre produits lors des combustions.

191


L

Il y aurait de l’aspirine dans la Seine…

’estuaire de la Seine est le réceptacle de bon nombre de substances provenant des activités humaines. Parmi celles-ci, il y en a qui ne sont étudiées que depuis quinze à vingt ans, et dont les concentrations et les effets ne sont pas toujours bien connus. On les dit « émergentes ». Ce sont essentiellement des produits pharmaceutiques et de soin personnel. En réalité, ces contaminants ne sont pas nouveaux dans l’environnement. Ce qui est nouveau, c’est que de plus en plus de données sont publiées à leur sujet, grâce notamment à l’amélioration des moyens d’analyse. Les composés pharmaceutiques (antibiotiques, antidépresseurs, bêtabloquants, hormones, antiparasitaires…) sont préoccupants pour l’environnement. Leur activité biologique est forte (ils ont été créés pour cela !), leur consommation est très importante, et enfin certains sont reconnus comme toxiques. Composés

Classe thérapeutique

Paracétamol

Analgésique

Angleterre (2000) (a)

Allemagne (1995-1997) (b)

Australie (c)

France (d)

2 000

295

2294

Aspirine

AINS

(1)

770

> 500

20

880

Ibuprofène

AINS(1)

105-180

14

166

Erythromycine

Antibiotique

27

11

Kétoprofène

AINS

0,7

4

Diclofénac

(1)

AINS

26

75

4

Pénicilline V

Antibiotique

22

140

9

(1)

39

Consommations de différents produits (tonnes par an). (a) Webb, 2001 — (b) Hirsch et al., 1999 ; Ternes et al., 1998 ; Ternes, 2001 — (c) Khan et Ongerth, 2004 — (d) Janex et al., 2002 (1) Anti-inflammatoires non stéroïdiens.

J. Chaïb / AREHN

Station d’épuration des Andelys (en bas à dr.) : les STEP n’ont pas été conçues pour traiter les substances chimiques synthétiques.

La contamination des écosystèmes va se faire via les rejets de stations d’épuration, les excréments d’animaux, les effluents d’élevage… Depuis fin novembre 2009, la France a mis une priorité forte sur le problème de la contamination des ressources aquatiques par les substances pharmaceutiques. Un plan national médicament (PNRM) a été lancé. Le jeu en vaut la chandelle, car la France est le 4e consommateur mondial de médicaments. Plus de 3 000 médicaments 192


humains et 300 médicaments vétérinaires sont actuellement disponibles sur le marché français. Après consommation, les résidus de médicaments, lorsqu’ils ne sont pas dégradés entièrement dans l’organisme, sont excrétés dans les selles et les urines. Ils peuvent alors se retrouver dans les écosystèmes naturels. Les composés pharmaceutiques non utilisés vont se retrouver dans les décharges. De là, ils pourront gagner l‘environnement aquatique s’ils sont lessivés par les eaux de pluie. Les composés excrétés sous leur forme initiale ou dégradée (métabolites) passent pour l’essentiel dans les stations d’épuration (STEP). Mais les traitements effectués par les STEP n’ont pas été conçus pour traiter ces substances chimiques synthétiques. L’effluent traité, qui est envoyé dans le milieu naturel (souvent les cours d’eau), renferme encore des substances toxiques. Dans l’estuaire de la Seine, des travaux sur ces substances émergentes ont déjà été réalisés et se poursuivent encore. Si l’apport amont de substances pharmaceutiques est majoritaire, les sources proches de l’estuaire (STEP, affluents) jouent également un rôle important. Les quantités apportées en hiver semblent très largement supérieures à celles apportées en été. On peut avancer deux explications : les STEP fonctionnent de manière plus intensive en hiver, ce qui augmente leurs rejets, et les milieux aquatiques ont de plus faibles capacités épuratrices en conditions hivernales. Les substances que l’on retrouve le plus dans les rejets des stations d’épuration sont le kétoprofène (antidépresseur), le naproxène (anti-inflammatoire), l’aspirine et la caféine (hypolipémiant), à des concentrations très largement supérieures aux microgrammes* par litre. On ne s’étonnera pas de voir dans la liste les substances ne nécessitant pas de prescription (caféine, aspirine, paracétamol), de même que les plus persistantes (carbamazépine, kétoprofène).

Usine de fabrication

Usage humain

Usage vétérinaire

BOUES LISIER

Déchetterie

Station d'épuration

Eaux de surface

Ruissellement

Sol

Eaux souterraines

Avec la participation de H. Budzinski, UMR CNRS 5805 EPOC LPTC.

Eaux de boisson

Références : Projet SA4 2009 MEDSEINE, coordonné par H. Budzinski. Projet SA3 Nouvelles classes de contaminants de l’estuaire de la Seine : alkylphénols, hormones stéroïdiennes, antibiotiques, analgésiques et hypolémiants, H. Budzinski, 2007.

Voies d’introduction des substances pharmaceutiques dans le milieu aquatique. 193


Qu’est-ce que…

leur très faible capacité à être dégradés – on les dit persistants –, on retrouve encore les PCB dans l’environnement. Comme ils sont solubles dans les graisses, ils se bioaccumulent dans les organismes vivants et tout au long de la chaîne alimentaire. Ceci pose des problèmes de toxicité chronique. Les PCB sont classés comme perturbateurs endocriniens* et cancérigènes probables. Ils ont des effets gastro-intestinaux, hépatiques, immunologiques, neurotoxiques, ou encore sur la fonction respiratoire. Le flux annuel de PCB mesuré au barrage de Poses – donc provenant du bassin versant situé à l’amont – est estimé à 144 kilos par an. S’y ajoutent les apports du secteur aval, diffus car issus de dépôts atmosphériques repris par le ruissellement, et les rejets sauvages ou accidentels. La remobilisation des sédiments anciennement contaminés, lors de tempêtes, de crues, de travaux d’aménagements

Les PCB

L

C. Fisson / GIP Seine-Aval

es PCB ou polychlorobiphényles sont des composés chimiques non naturels. Ils sont synthétisés industriellement et forment une famille de 209 composés différents. Ils ont été synthétisés pour la première fois en 1881, en Allemagne, puis leur production s’est développée. Ils ont été massivement utilisés des années 1930 aux années 1980, la production mondiale cumulée sur ces années avoisinant 1,2 million de tonnes. Leur succès provient de leurs propriétés physico-chimiques particulières : ininflammabilité, stabilité thermique et chimique, constante diélectrique élevée. Ils ont ainsi été fréquemment utilisés comme isolants électriques dans les transformateurs ou les condensateurs, comme fluides caloporteurs dans les environnements à risque d’incendie, ou encore comme additifs dans les peintures, les huiles, les plastiques, etc. Ils ont été retirés du marché dans la plupart des pays à partir des années 1980 (1987 pour la France) et, aujourd’hui, ils ne sont plus produits. Compte tenu des quantités fabriquées autrefois et de

Le niveau de contamination en PCB des poissons de l’estuaire est hétérogène. 194


GIP Seine-Aval,2009

-2

00

0

>2

00

00

0

-1

-2

5

0

-1

-5

25

50

10

Louviers on

L'It

Source des données : AESN & DDE76, Banque Qualité des Eaux ; AESN, Banque RNB ; GPMR, Banque Qualité des Sédiments ; GPMH, Banque REPOM

Teneur en PCB dans les sédiments de surface de l’estuaire de la Seine et de ses affluents. 195

© IGN-BD ALTI 500m

La Touques

Kms 0 5 10 20 Projection : Lambert II étendu

10

5

<5

ou d’entretien, peut remettre en suspension et réintroduire dans la les plus faibles (quelques dizaines de microgrammes par kilogramme de poids frais), ce qui pourrait s’expliquer par sa moindre exposition chaîne alimentaire une partie des PCB qu’ils renferment et engendrer à la contamination du fait de sa présence intermittente dans un nouvel apport à l’estuaire. l’estuaire. La contamination moyenne des sédiments fins de surface prélevés dans l’estuaire et ses affluents révèle une contamination diffuse et généralisée de l’ordre de la centaine de microgrammes par kilo de poids sec. Des zones plus contaminées sont à relever au niveau du Références : barrage de Poses, dans la vasière d’Oissel et dans les bassins du port 25 questions sur la contamination en PCB de l’estuaire de la Seine, Préfecture de Région du Havre. Ces teneurs plus élevées s’expliquent par l’histoire des sites, Haute-Normandie, DREAL Haute-Normandie et GIP Seine-Aval, 2010. Fiche thématique Seine-Aval, Qualité de l’eau et contaminations : contamination par les notamment la concentration d’activités humaines et industrielles. Les polychlorobiphényles (PCB) dans l’estuaire de la Seine, GIP Seine-Aval, 2008. suivis semblent mettre en évidence une baisse de la contamination de l’amont Teneur en 7PCBi (µg/kg poids sec), vers l’aval, entre Poses et Honfleur. moyenne 2003-2007 Le niveau de contamination en PCB des poissons de l’estuaire est hétérogène. L’anguille, poisson gras, accumule de nombreuses substances chimiques. Elle présente les teneurs les plus élevées en Bolbec ailly PCB, en prenant en compte la série des Le C Caudebec-en-Caux Barentin 7 congénères (variantes) « indicateurs » : Le Havre C Lillebonne on relève des concentrations de anal de Duclair Tancarv Le Trait ille plusieurs milliers de microgrammes par kilogramme de poids frais. La brème Rouen est également fortement contaminée, Vieux-Port avec des teneurs comprises entre 100 Honfleur et 2 000 µg/kg de poids frais. Le bar, La Seine l’éperlan, le gardon, le sandre et la sole e La 38804 ell Ri présentent des teneurs de quelques nd A ' sle L L'Eure centaines de microgrammes par 328 kilogramme de poids frais. Le saumon, Poses Elbeuf poisson migrateur, présente les teneurs L'Oison


P

Gardon : à Poses, 20 % des mâles sont intersexués.

Viridiflavus / Wikimedia Commons

Est-il vrai que les poissons de la Seine changent de sexe ?

196

as tout à fait ! On parle plutôt de poissons intersexués. Des recherches menées dans l’estuaire de la Seine depuis la fin des années 1990 ont permis de mettre en évidence que divers poissons – gardons, chevaines, brèmes, éperlans, goujons ou encore flets – présentaient cette anomalie. L’intersexualisation des poissons n’est qu’un des effets les plus manifestes – et les plus médiatisés – de certains contaminants. De nombreux composés utilisés par l’industrie, l’agriculture ou la population humaine, et que l’on retrouve dans l’eau, sont suspectés d’interagir avec le système endocrinien des hommes et des animaux sauvages. Les effets produits vont des cancers à des altérations du système nerveux et des fonctions reproductrices. Ces composés sont dénommés « perturbateurs endocriniens ». Selon un rapport européen, 533 substances chimiques présentent un potentiel de perturbations endocriniennes. Les substances considérées comme des perturbateurs endocriniens sont les hormones, naturelles ou synthétiques (notamment la pilule contraceptive), mais aussi des détergents, des pesticides, des produits d’entretien, ou encore des plastiques. Le système endocrinien étant très sensible, même si les hormones sont présentes dans l’eau à des concentrations extrêmement faibles, elles peuvent avoir des conséquences importantes sur la santé des écosystèmes. L’analyse de gonades (testicules) de flets prélevés à l’embouchure de la Seine révèle que 4 % des flets mâles sont intersexués. Ils présentent des cellules sexuelles femelles au sein de leurs gonades mâles. Leur organe reproducteur engendre non seulement des spermatozoïdes mais aussi des ovocytes. Ces ovocytes dégénèrent et sont finalement détruits. Il n’y a donc aucune interfécondation comme on en rencontre chez les animaux hermaphrodites tels que les escargots. Une autre étude menée sur les gardons de l’estuaire de la Seine montre que 20 % des mâles échantillonnés à Poses sont intersexués. Le phénomène varie selon les endroits : ainsi, à Poses et Elbeuf, les gonades des individus mâles présentent globalement un retard de développement par rapport au site de référence (Venables, en amont des Andelys, dans l’Eure). La reproduction des gardons intersexués est fortement altérée. En effet, la production de gamètes et leur


succès reproducteur seraient réduits d’un facteur allant jusqu’à 75 %. Il est difficile d’estimer les conséquences à long terme de ces perturbations. Cependant, l’étude du sex-ratio (proportion de mâles et de femelles) des populations échantillonnées met en évidence un déficit de mâles en Seine pour plusieurs espèces de poissons.

Références : Fascicule Seine-Aval 2.7, Effets de la contamination chimique – Des organismes en danger ?, coordonné par E. Poisson, GIP Seine-Aval, 2011. Fascicule Seine-Aval 2.5, Poissons, habitats et ressources halieutiques – Cas de l’estuaire de la Seine, coordonné par J. Morin, GIP Seine-Aval, 2010.

Sous le microscope : gonades (glandes sexuelles) de flets intersexués à différentes périodes du cycle de reproduction. En mai (A), les tissus mâles et femelles apparaissent normaux. En septembre (B), les ovocytes (ovules non matures) deviennent des kystes, tandis que les cellules mâles se développent normalement. En janvier suivant (C), le sperme est formé, il ne reste que quelques ovocytes isolés.

197


Qu’est-ce que…

La bioaccumulation

L

a bioaccumulation désigne la capacité des organismes aquatiques à concentrer et à accumuler des substances chimiques à des concentrations bien supérieures à celles du milieu. Ce processus doit être pris en compte dans toutes les études portant sur les contaminants*, notamment leurs effets. On parle plutôt de bioconcentration quand il s’agit de l’accumulation des substances à partir de l’eau, et de biomagnification quand il y a accumulation le long de la chaîne trophique*.

Les PCB (voir p. 194) constituent le parfait exemple de contaminants qui se bioaccumulent le long de la chaîne alimentaire. Ce sont des composés persistants* qui ont une forte tendance à s’accumuler dans les tissus lipidiques (graisses) des organismes vivants. Des études portant sur la chaîne trophique* du flet montrent que le taux de PCB 153 (un des nombreux PCB) passait de 15 nanogrammes par gramme de poids sec dans le phytoplancton* à 400 ng/g de poids sec dans les flets. Dans les crevettes, mollusques, petits poissons et autres proies composant la chaîne alimentaire, les niveaux de contamination par le PCB sont intermédiaires.

Ifremer

Références : Fascicule Seine-Aval 1.13, Les contaminants organiques, coordonné par A. Abarnou, GIP Seine-Aval, 2000. Fascicule Seine-Aval 1.14, Des organismes sous stress, coordonné par T. Burgeot, GIP Seine-Aval, 1999.

Flet.

198


S. Alizier/UMR CNRS 8187 LOG

Acronida brachiata ou ophiure fouisseuse.

Niveau de contamination en PCB et HAP dans les chaînes trophiques du bar et du flet. Les concentrations en CB 153 et CB 77 (deux PCB), en phénanthrène (P), en benzo(a)pyrène (BaP) – des HAP – sont données en nanogrammes par gramme. Eurytemora affinis : copépode typique du plancton des estuaires. Potamoschistus microps : gobie commun. Crangon crangon : crevette grise. Owenia fusiformis : sorte de ver polychète marin. Acrocnida brachiata : ophiure fouisseuse. Abra alba : petit mollusque bivalve marin. 199


Pourquoi interdit-on parfois la pêche à pied en baie de Seine ?

L

es mesures d’interdiction de la pêche à pied sont prises quand les coquillages risquent de se montrer toxiques pour les consommateurs. Certaines algues microscopiques émettent des toxines potentiellement dangereuses pour la faune aquatique et pour les consommateurs, via la consommation de poissons ou de fruits de mer contaminés. Cela concerne les moules, les coquilles Saint-Jacques et les huîtres. Ces coquillages se contaminent en filtrant de grandes quantités d’eau, ce qui leur est nécessaire pour vivre et s’alimenter. Une surveillance continue est réalisée par l’Ifremer* et son réseau de surveillance du phytoplancton et des phycotoxines* (Rephy). Quand les résultats d’analyses dépassent des normes pour les toxines en question, des arrêtés préfectoraux sont pris afin d’interdire le ramassage des coquillages contaminés et leur vente. La surveillance concerne trois groupes d’algues : Alexandrium, Dinophysis, Pseudo-nitzschia. On connaît de mieux en mieux les conditions de leur prolifération. Les apports en nutriments (nitrates, phosphates, silice) sont nécessaires au développement des algues et de la vie phytoplanctonique. Le phytoplancton produit une quantité d’oxygène importante grâce à la photosynthèse. Il représente le premier maillon de la chaîne alimentaire de l’écosystème marin et estuarien. Néanmoins, quand l’apport en nutriments est trop important, le développement algal peut s’accélérer et produire ce que l’on appelle des blooms (« floraisons ») algaux. En baie de Seine, une tendance à l’accroissement des blooms algaux est observée au niveau d’Antifer, notamment à partir de la fin des années 1990. Ces phénomènes apparaissent le plus souvent en fin d’été. La majorité de ces blooms ne sont pas pour autant constitués d’algues développant des toxines. Extrait de la presse régionale haut-normande : la toxicité liée aux Dinophysis est observée tous les ans en baie de Seine. 200


En ce qui concerne les coquillages de la baie de Seine, les épisodes de toxicité liés aux Alexandrium et aux Pseudo-nitzschia sont rares. En revanche, la toxicité liée aux Dynophysis est observée tous les ans, généralement entre août et octobre. En 2006, les gisements situés à l’embouchure de la Seine ont cumulé 74 jours de fermeture administrative.

Référence : Fiche thématique Seine-Aval, Etat des ressources biologiques : blooms phytoplanctoniques et phycotoxicité en Baie de Seine, GIP Seine-Aval, 2008.

201


Peut-on se baigner dans la Seine ?

Baignade à Vernon vers 1900.

Archives J. Chaïb

E

202

n 1988, Jacques Chirac, alors maire de Paris, fait la promesse que les Parisiens pourront se baigner dans la Seine à l’issue de son mandat en 1994. Qu’en est-il, deux décennies plus tard ? Il faut bien constater qu’il est encore le plus souvent interdit – ou tout au moins peu recommandable – de se baigner dans la Seine. Les raisons sont sanitaires – contaminations microbiologiques et chimiques –, mais aussi liées à la sécurité – forts courants, navigation… Et pourtant, il était autrefois courant de se baigner dans la Seine. Flaubert pratiquait régulièrement cet exercice à Croisset. Jusque dans les années 1950, de nombreux établissements de bain et plages étaient fréquentés par les baigneurs, surtout en amont de Rouen. Au début du XXe siècle, alors que les piscines modernes n’existaient pas encore, des aménagements délimitaient et sécurisaient les plans d’eau dans lesquels on se baignait. A Rouen, avant que la piscine Gambetta ne soit construite, en 1933, les Bains du Galet et les Bains Villers accueillaient les baigneurs. De nos jours, ce n’est plus le cas, et on comprendra aisément pourquoi. Un contrôle sanitaire est mis en œuvre par l’Agence régionale de santé (ARS). C’est la directive 2006/7/CE du 15 février 2006 qui oriente la gestion de la qualité des eaux de baignade. Seules deux sortes de bactéries, considérées comme des indicateurs de contamination fécale, sont recherchées : Escherichia coli et les entérocoques intestinaux (Enterococcus). Les valeurs seuils, définies par une norme, résultent d’études épidémiologiques qui ont permis d’estimer le risque de gastro-entérites lié à l’activité de baignade dans des eaux douces (Kay, 2001) et des eaux marines (Wierdenmann, 2003). Pour autant, aucune étude spécifique aux milieux estuariens n’a été conduite. Le classement et l’état qualitatif des eaux de baignade sont définis par les termes suivants : qualité insuffisante, qualité suffisante, bonne qualité et excellente qualité.


Les abondances d’E. coli et entérocoques intestinaux sont les plus élevées au niveau de l’agglomération rouennaise et, dans une moindre mesure, dans la partie amont de l’estuaire notamment en période de haut débit. Elles sont plus faibles dans la zone de l’embouchure. Pour E. coli, ces résultats peuvent s’expliquer par le fait que ces bactéries perdent leur « cultivabilité » – la capacité à donner des colonies sur un milieu nutritif solide – lorsque la salinité augmente. La basse Seine est principalement soumise à trois sources de contamination. L’amont (en deçà du barrage de Poses), qui correspond aux apports provenant de la région parisienne. Certains affluents tels que le Robec, la Risle, le Commerce et l’Eure sont également responsables d’apports en flores indicatrices et bactéries pathogènes. Le bassin aval est, enfin, soumis aux rejets de 20 STEP* regroupant 758 000 équivalents habitant et traitant les eaux urbaines, voire les réservoirs collectant les eaux pluviales. La plus importante est celle de l’agglomération rouennaise (Emeraude) avec 550 000 EH (pk 247). Il existe d’autres sources de contamination plus ponctuelles. Ainsi, le ruissellement pluvial sur les sols peut entraîner une contamination lorsqu’il s’agit de pâturages avec du bétail ou qu’il y a eu un épandage. Une pluviométrie importante peut également provoquer le débordement de réservoirs et de STEP lorsque celles-ci sont raccordées aux eaux pluviales.

Lorsque la qualité de l’eau est classée « insuffisante », la population doit en être informée, avec un avis interdisant ou déconseillant la baignade. Les sources de la pollution doivent être identifiées afin de prendre les mesures adéquates pour l’éviter, la réduire ou l’éliminer. La pollution peut être qualifiée de pollution à court terme lorsque celle-ci résulte d’une contamination microbiologique ayant des causes clairement identifiables et n’affectant pas la qualité des eaux de baignade pendant plus de 72 heures. Si l’eau est classée de qualité insuffisante pendant 5 années consécutives, il est déclaré une interdiction permanente de baignade ou une recommandation déconseillant de façon permanente la baignade.

Indicateurs de contaminations fécales retenus pour évaluer la qualité microbiologique des eaux de baignade Excellente Qualité

Bonne Qualité

Qualité suffisante

Entérocoques intestinaux (UFC/ 100 ml)

100(1)

200(1)

185(2)

Escherichia coli (UFC/ 100 ml)

250(1)

500(1)

500(2)

Paramètre

(1) Évaluation au 95 percentile, c’est-à-dire valeur maximale non dépassée par 95 % des mesures. (2) Évaluation au 90 percentile, c’est-à-dire valeur maximale non dépassée par 90 %. UFC : unités formant colonie.

Avec la participation de F. Petit, UMR CNRS 6143 M2C.

Archives J. Chaïb

Dans l’estuaire de la Seine, une surveillance régulière de la qualité microbiologique des eaux est assurée. Sur la base des dénombrements des flores indicatrices de contamination fécale réalisés entre 2000 et 2005, et en appliquant la directive européenne concernant les eaux de baignade des eaux côtières et de transition, la qualité des eaux de l’ensemble de l’estuaire de la Seine devrait être classée en catégorie « insuffisante »… s’il y avait des zones de baignade réglementées… Une analyse plus précise des résultats permet d’identifier des secteurs de l’estuaire où le « danger » microbiologique est plus important, c’est-à-dire où l’abondance des bactéries indicatrices de contamination fécale est plus grande.

Plage en bord de Seine dans les années 1950. Références : Directive 2006/7/ce du parlement européen et du conseil du 15 février 2006. Fascicule Seine-Aval série 2 de microbiologie, coordonné par F. Petit.

203


L

D’où proviennent les déchets flottants ?

J.-P. Thorez / AREHN

Hénouville, janvier 2000 : c’était avant le nettoyage.

es « déchets flottants » sont ceux que l’on retrouve au bord de la Seine, échoués sur les berges ou pris dans la végétation. Ils constituent une réelle pollution. Arrivés là avec le courant, éventuellement lors de crues, ils se composent notamment d’emballages, symboles de notre société de consommation : bidons de produits ménagers en plastique, bouteilles d’eau ou de lait, cubitainers, cannettes… On les appelle « macrodéchets » en référence à leur taille relativement grande. Ils ont été – et sont toujours – jetés dans le fleuve en amont, souvent au niveau des villes. Ils peuvent aussi, de manière insolite, provenir de la mer et remonter dans l’estuaire avec les marées. Les navires de passage, enfin, ne sont pas innocents, comme le prouvent les mentions en langues étrangères qui figurent sur certains déchets. Quelle que soit leur origine, ces macrodéchets ont comme source l’incivisme. Il aurait été pourtant simple de les jeter dans la (bonne) poubelle ! Au début des années 2000, sous l’impulsion du Parc naturel régional des Boucles de la Seine normande et de quelques associations, les grèves souillées ont été nettoyées des milliers de tonnes de déchets qui s’y étaient accumulés depuis des décennies. Aujourd’hui, des interventions de ramassage et de collecte des déchets flottants – avec maintien de la végétation en place – sont réalisées chaque année sur 18 sites situés entre Rouen et l’embouchure. Cette opération, menée par le Département de Seine-Maritime et cofinancée par l’Union européenne, la Région Haute-Normandie, les Départements de la Seine-Maritime et de l’Eure, et le Grand Port Maritime de Rouen, est réalisée par une entreprise d’insertion et d’accompagnement socioprofessionnel. Des « pièges à déchets » ont été installés par endroit sur les rives, de même que des panneaux pédagogiques à l’intention des promeneurs, comme à Hénouville. Le nettoyage a eu comme effet quasi immédiat la réinstallation de la végétation sur les grèves, et le retour de la biodiversité.

204


La Seine demain

Tourville-la-Rivière : nature, agriculture, transports routiers et fluviaux, commerce, loisirs, extraction…

J.-P. Thorez / AREHN

Quel est l’avenir de la Seine et de sa vallée ? Sans doute une mixité des usages, sans négliger le potentiel en matière de tourisme et de nature.


Panorama

Le potentiel touristique de la vallée de la Seine

L

J. Chaïb / AREHN

C. Dégremont / GIP Seine-Aval

e tourisme au bord de la Seine s’est développé à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. Les bourgeoisies rouennaise et parisienne ont construit des villas. Giverny, Vernon, Les Andelys, Saint-Pierre-du-Vauvray, Portejoie, Poses, Saint-Adrien, Croisset, Dieppedalle, Le Val-de-la-Haye, La Bouille, Duclair, Caudebec, Villequier, Honfleur, etc. ont acquis la réputation d’étapes « de charme » sur le plan des sites, de la promenade, de la gastronomie, bref, de la douceur de vivre. La vallée de la Seine offre depuis longtemps, en effet, un patrimoine exceptionnel de monuments, paysages, sites naturels. Elle se prête à de nombreuses activités, comme les régates. Malheureusement, la dégradation du fleuve et de ses abords, et la disparition du mascaret,

On pratique dans la vallée de nombreuses disciplines sportives.

L’Armada 2008 à Rouen. 206


ont détourné, pendant un temps, le public. Les Voiles de la liberté, en 1989, les quatre Armada qui ont suivi, puis le Festival Normandie Impressionniste ont su réconcilier le public avec la Seine. Aujourd’hui, on pratique dans la vallée de nombreuses disciplines sportives et de loisirs telles que la randonnée pédestre, le jogging, le cyclotourisme, le VTT, le trial, l’escalade, le parapente, la voile, l’aviron, la planche à voile, le parcours acrobatique forestier… La flore, la faune, la cuisine, le jardinage donnent lieu à de multiples ateliers, sorties, stages, manifestations diverses… Grand et petit patrimoine sont remis en valeur. Des tables panoramiques avec une dimension didactique sont installées. Les croisières sur la Seine

drainent à nouveau un large public. Des paquebots prestigieux remontent jusqu’à Rouen. Le succès des promenades en vedette lors du Festival Normandie Impressionniste, en 2010, fait que cette offre est désormais renouvelée chaque été. La création d’itinéraires cyclables en bord de Seine, sur les anciens chemins de halage, progresse. Les bonnes tables se multiplient. Des guinguettes ouvrent à nouveau leurs volets. Gîtes ruraux et chambres d’hôtes viennent compléter l’offre traditionnelle. Bref, tout cela exprime l’aspiration à une reconquête du potentiel touristique du fleuve.

J.-P. Thorez / AREHN

Les Andelys, une étape « de charme ».

207


J.-P. Thorez / AREHN

Avec le changement climatique, le niveau de l’eau va-t-il monter dans l’estuaire de la Seine ?

L’avant-port du Havre : on observe une montée des eaux de 1,8 mm par an. 208


C

J.-P. Thorez / AREHN

e phénomène se produit déjà ! Au Havre, depuis 1938, on observe une montée des eaux de 1,8 mm par an, avec une marge d’incertitude de 0,4 mm en plus ou en moins. Depuis 1993, le processus s’est amplifié avec une élévation moyenne du niveau de la mer de 2,7 ± 1,5 mm par an. L’augmentation globale des températures atmosphériques entraîne un réchauffement des eaux provoquant une dilatation des océans. Ce même réchauffement fait fondre les glaciers. Ces phénomènes ont pour conséquence l’élévation du niveau global des eaux. Celle-ci pourrait être de l’ordre de 18 à 59 cm d’ici 2100. Le climat résulte d’un ensemble complexe d’interactions entre l’atmosphère, les eaux de surface, la lithosphère*, la biosphère et les rayonnements solaires. L’atmosphère est notamment composée de gaz « à effet de serre » qui participent au maintien d’une température clémente à la surface du globe. A l’échelle des temps géologiques, cette température moyenne n’est pas stable. Depuis un à deux millions d’années, des périodes glaciaires et tempérées se sont succédé. Le phénomène que nous connaissons actuellement est plus rapide et semble avoir d’autres causes. En effet, bien que naturellement présents dans l’atmosphère, les gaz à effet de serre sont également produits par les activités humaines (combustion, agriculture, déforestation…). L’augmentation de ces rejets est aujourd’hui l’hypothèse privilégiée pour expliquer le réchauffement global observé depuis le XXe siècle. L’augmentation de la température se répartit inégalement à la surface de la Terre. En France, entre 1901 et 2000, elle a été en moyenne comprise entre 0,7 et 1,1 °C. Sur le secteur de l’estuaire de la Seine, la fourchette est de 0,7 à 0,9 °C. Les projections climatiques pour la région indiquent une augmentation des températures atmosphériques moyennes annuelles de l’ordre de 1,5 à 3 °C d’ici 2050, et de 2 à 4 °C d’ici 2100. Quelles pourraient être les conséquences du réchauffement du climat sur le niveau de la Seine ? Actuellement, le niveau des plus hautes eaux se situe à 8 m 50 CMH* au-dessus du niveau 0 des cartes marines du Havre. Ajoutons-y l’estimation maximum pour l’élévation du niveau des eaux, soit environ 60 cm, et 40 cm de plus

Centrale thermique du Havre : les gaz à effet de serre sont également produits par les activités humaines. 209


pour tenir compte des phénomènes de surcote*. On obtient ainsi une cartographie (voir ci-dessous) des zones de l’estuaire de la Seine qui pourraient se retrouver « sous les eaux » d’ici 2100. Attention, cette illustration n’est qu’une représentation simple de l’interprétation de l’évolution de certains facteurs climatiques. Elle ne représente pas avec certitude l’avenir de l’estuaire. Beaucoup de paramètres ne sont pas pris en compte, tels que les évolutions

des précipitations, du débit de la Seine et du niveau des nappes phréatiques, ou les événements extrêmes, les aménagements ou encore l’adaptation... Référence : Fiche thématique Seine-Aval, Contextes climatique, morphologique et hydrosédimentaire : effets prévisibles du changement climatique dans l’estuaire de la Seine, GIP Seine-Aval, 2010.

210


A

A qui appartient la Seine ?

211

Office de tourisme Seine-Eure

J.-P. Thorez / AREHN

Anneville-Ambourville : on voit le chemin de halage et les propriétés riveraines.

l’aval de Rouen, on pénètre dans le domaine d’intervention du Grand Port Maritime de Rouen. Celui-ci est propriétaire d’environ 1 400 hectares de terrains affectés aux activités portuaires, industrielles et commerciales. Il gère également des espaces naturels comprenant la Réserve naturelle (pour 1 000 ha), des terrains à vocation agricole et des zones d’accompagnement environnemental. Les chemins de berges étaient autrefois réservés aux bateliers qui halaient leur péniche. Aujourd’hui, ils servent à assurer la conservation du domaine public fluvial, la sécurité de la navigation et l’accès des usagers de cette voie d’eau. Les berges sont grevées de servitudes de halage ou de marchepied dans l’intérêt de l’utilisation de la Seine. Mais, dans la mesure où le permet l’exploitation de la navigation, ces chemins de halage et de marchepied sont également réservés aux pêcheurs et aux piétons à condition d’y circuler à pied.

Le chemin de halage à Poses.


Qu’est-ce que…

La DCE

L

«

J.-P. Thorez / AREHN

’eau n’est pas un bien marchand comme les autres mais un patrimoine qu’il faut protéger, défendre et traiter comme tel. » C’est sur ce premier principe que se fonde la directive cadre sur l’eau, plus simplement appelée DCE. Depuis les années 1970, la politique publique de l’eau s’inscrit dans un cadre européen. La législation communautaire s’est d’abord intéressée aux usages de l’eau (eau potable, baignade, pisciculture, conchyliculture), puis à la réduction des pollutions (eaux usées, nitrates d’origine agricole). La DCE a été adoptée le 23 octobre 2000. Elle définit un cadre pour la gestion, la préservation et la restauration des eaux continentales, des eaux côtières, des eaux de transition (telles que les estuaires) et des eaux souterraines. La directive cadre donne la priorité à la protection de l’environnement et à une utilisation durable de l’eau. Elle demande de veiller à la nondégradation de la qualité des eaux, par le biais de plans de gestion. Ceux-ci ont démarré en 2010. L’objectif est d’atteindre d’ici 2015 un bon état général des eaux et une non-dégradation de l’existant. Des dérogations, comme des reports d’échéance au-delà de 2015, ou des objectifs moins stricts, restent possibles, mais ils devront être justifiés et soumis à consultation du public. Qu’est-ce que le « bon état » au sens de la DCE ? Pour parvenir à évaluer les eaux et les milieux aquatiques d’un bassin, une typologie a été mise en place : les masses d’eau. Une masse d’eau est une portion d’un cours d’eau, d’un lac, d’une nappe aquifère*, d’une zone côtière… relativement homogène du point de vue de la géologie, de la morphologie, du régime hydrologique, de la topographie et de la salinité. Suite p. 215

L’estuaire de la Seine (ici à Vieux-Port) : une masse d’eau « fortement modifiée ». 212


213

Agence de l’eau Seine-Normandie


214

Agence de l’eau Seine-Normandie


Suite de la p. 212 Pour les masses d’eaux naturelles de surface (rivières, lacs, étangs, eaux littorales et estuariennes), le bon état est défini sur la base d’objectifs de bon état écologique et de bon état chimique. Le bon état des masses d’eau souterraines est, quant à lui, fixé à la fois par un objectif de bon état quantitatif et un objectif de bon état chimique. Dans tous les cas, l’état global se fixe sur le paramètre le plus déclassant. Le bon état écologique est qualifié au travers d’indicateurs de qualité biologique (présence ou absence de certaines espèces, diversité faunistique et floristique, nombre d’individus de telle ou telle espèce…). On prend également en compte des paramètres physicochimiques et hydromorphologiques, car la vie en dépend. Le bon état chimique correspond au respect des concentrations maximales de substances prioritaires fixées par certaines directives européennes. 41 molécules sont actuellement suivies, mais cette liste est évolutive. Le bon état quantitatif pour les eaux souterraines correspond au niveau d’eau et à l’équilibre entre les prélèvements effectués par l’Homme, l’alimentation des eaux de surface et la recharge naturelle des eaux souterraines. En outre, la DCE identifie des masses d’eau « fortement modifiées », sur lesquelles influent de nombreuses activités humaines à tel point qu’il serait impossible d’atteindre le bon état écologique sans induire d’incidences importantes sur ces activités. L’estuaire de la Seine en est un exemple. Ces masses d’eau ont des objectifs différents des masses d’eau naturelles, en raison de leurs spécificités : elles doivent atteindre un bon potentiel écologique et un bon état chimique.

mesures nécessaires pour réduire les impacts des activités sur le milieu marin afin de réaliser ou de maintenir un bon état écologique de ce milieu au plus tard en 2020. Cette directive environnementale développe une approche écosystémique du milieu marin, en lien avec la directive Habitats Faune Flore, la directive Oiseaux et la directive cadre sur l’eau. Elle vise à maintenir ou rétablir un bon fonctionnement des écosystèmes marins : diversité biologique conservée et interactions correctes entre les espèces et leurs habitats, océans dynamiques et productifs. Elle doit également permettre l’exercice des usages en mer pour les générations futures dans une perspective de développement durable. Un plan d’action doit être mis en œuvre. Il comporte une évaluation initiale de l’état écologique des eaux marines et de l’impact environnemental des activités humaines sur ces eaux, ainsi que la définition du bon état écologique pour ces mêmes eaux reposant sur 11 descripteurs qualitatifs. Des objectifs environnementaux sont définis – avec les indicateurs associés – en vue de parvenir à un bon état écologique du milieu marin. Un programme de surveillance permettra d’évaluer en permanence l’état des eaux marines et de mettre à jour les objectifs. Enfin, un programme de mesures est élaboré afin de réaliser ou de maintenir un bon état écologique des eaux marines.

Références : La directive cadre sur l’eau (DCE), France Nature Environnement, juin 2008. Présentation Agence de l’Eau Seine-Normandie, F. Bruchon, avril 2006. Site internet du ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement : http://www.developpement-durable.gouv.fr/-La-Directive-cadreeuropeenne-sur-.html http://www.developpement-durable.gouv.fr/L-objectif-une-mer-propre-une-mer

Une « petite » nouvelle : la DCSMM La directive cadre Stratégie pour le milieu marin (DCSMM), adoptée par le Parlement européen et le Conseil le 17 juin 2008, établit un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin. Les États membres doivent prendre toutes les

215


C. Dégremont / GIP Seine-Aval

« Renaturer » la Seine ?

Berges de la Seine : milieux artificialisés, plantes exotiques… 216


convenablement, elles pourraient s’intégrer à la Trame verte et bleue (voir p. 116). Les zones humides : la restauration de l’« inondabilité » de certaines de ces zones humides est à envisager à la fois sous l’angle de la biodiversité et sous celui de l’expansion des crues. Les terres agricoles : la remise en herbe de certaines parcelles cultivées et la replantation de haies bocagères, soutenues par la création d’une filière bovine labellisée, iraient dans le sens de la restauration de la qualité de l’eau, des paysages et de la biodiversité.

J.-P. Thorez / AREHN

C. Dégremont / GIP Seine-Aval

A

l’initiative notamment des collectivités locales, plusieurs opérations de restauration des espaces naturels de la vallée de Seine sont en cours sur les coteaux, dans les marais et prairies humides, ainsi que sur le fleuve lui-même. Les expériences menées ces vingt dernières années ont montré la faisabilité de l’entreprise. Les berges : leur renaturation passe par l’enlèvement des déchets (voir p. 204), et, localement, par la plantation de végétaux adaptés. Les îles, les carrières « orphelines » : leur potentiel de biodiversité fait qu’elles méritent mieux que leur abandon actuel. Aménagées

Etang de carrière à Bouafles. 217


Il est parfois question d’un « usage partagé de l’axe Seine »…

A

J.-P. Thorez / AREHN

l’heure du développement durable, pourquoi ne pas tenter de concilier activités économiques et qualité de vie ? Nombre d’activités sont créatrices d’emplois et non « délocalisables ». L’avenir de l’« axe Seine » peut se construire autour d’activités industrielles intégrées, notamment dédiées à l’économie verte, ou d’activités de services, ou encore du tourisme. Cela ne sera possible que dans une vallée qui aura su conserver et renforcer son attractivité.

Production fruitière et légumière au Mesnil-sous-Jumièges : concilier activités économiques et qualité de vie. 218


O. Sirost / EA 3832 CETAPS

J.-P. Thorez / AREHN

Conserver l’attractivité de la vallée

219


Glossaire

A ADN : acide désoxyribonucléique. Dans le noyau de la cellule, l’ADN est la molécule-mémoire responsable de la transmission des caractères héréditaires d’une cellule aux cellules filles. Amer : repère bien visible depuis la mer ou le fleuve. Amphihalin : se dit d’une espèce migratrice dont le cycle de vie alterne entre le milieu marin salé et l’eau douce. Amphipodes : groupe de crustacés généralement marins et de petite taille. Anatidés : oiseaux aquatiques au corps massif, aux pattes courtes et palmées et au bec généralement aplati tels que les canards, les oies, les cygnes… Les anatidés « de surface » se nourrissent en surface et les anatidés plongeurs en profondeur. Annélides : groupe de vers (aquatiques ou terrestres), également appelés vers annelés, dont le corps est divisé en segments. Anoxie : absence d’oxygène. Anthropisation : action de l’homme sur les milieux naturels. Aquifère : couche géologique perméable et poreuse contenant de façon temporaire ou permanente de l’eau mobilisable (nappe d’eau). Atterrissement : accumulation de matériaux (galets, graviers, sables…) déposés par les cours d’eau formant des bancs pouvant se végétaliser. Automoteur : ce qu’on appelle vulgairement une péniche. Avifaune : désigne l’ensemble des oiseaux d’une région donnée.

B C. Dégremont/GIP Seine-Aval

Atterrissement dans l’embouchure de la Seine.

Bâche : dépression pleine d’eau sur une plage de sable. Bassin versant : aire géographique à l’intérieur de laquelle les eaux pluviales s’écoulent vers le même exutoire, en général un cours d’eau. Il est délimité par des lignes de partage des eaux. Bathymétrie : équivalent sous-marin de la topographie, c’est-à-dire description du relief immergé grâce aux mesures de profondeurs. Benthique : en rapport avec le benthos.

220


Benthos : ensemble des organismes vivant en relation étroite avec les fonds subaquatiques. Biodiversité : ensemble constitué par la diversité génétique, la diversité des espèces et la diversité écologique, ainsi que leurs interactions. Bivalves : mollusques aquatiques munis d’une coquille à deux valves tels que les moules, huîtres, coquilles Saint-Jacques… Bouchon vaseux : zone de turbidité maximale dans les estuaires, avec une forte concentration de matière en suspension, comprise entre des eaux douces à l’amont et les eaux salées marines. BTP : secteur d’activité du bâtiment et des travaux publics.

Contaminant : composé chimique présent dans l’environnement en concentration anormale. Crassulescence : état charnu des organes d’une plante.

D DDTM : Direction départementale des territoires et de la mer. Détritivore : qui mange des débris animaux, végétaux ou fongiques. Dévalaison : action, pour un poisson migrateur, de descendre un cours d’eau pour retourner dans un lieu nécessaire à son développement. Dinophysis : genre d’algues microscopiques dont la plupart sont toxiques.

C

E

Caboteur : navire côtier. Calcicole : qualifie les végétations qui se rencontrent sur les sols riches en calcium. Cavernicole : se dit des espèces vivant dans les grottes et les cavernes. Chargement : nombre de têtes de bétail par unité de surface. Chenal : voie d’accès dans laquelle un navire dispose de la plus grande profondeur d’eau sous quille pour progresser en toute sécurité. Civelle : larve d’anguille en migration depuis le large où elle est née vers le fleuve. Clair sous quille : distance entre la quille d’un bateau et le fond. Clapage : déversement en mer des produits de dragage en un lieu réservé à cet effet. CMH : Carte Marine du Havre ; le 0 correspond au niveau des plus basses mers au Havre ; les profondeurs en Seine sont exprimées en fonction de ce niveau référence. Cnidaires : embranchement d’invertébrés caractérisés par la présence de cellules urticantes, tels que les méduses ou les anémones de mer. Coffre : caisson flottant servant à l’amarrage des navires.

Ecosystème : organisation biologique composée de tous les organismes présents dans une aire donnée et présentant des interactions entre eux. Engainer : pour un navire, s’engager dans un chenal. Epi : ouvrage de protection appuyé sur une berge et disposé perpendiculairement à celle-ci Equivalent habitant (EH) : unité de mesure permettant d’évaluer la capacité d’une station d’épuration en se basant sur la production de charge polluante émise par personne et par jour. Etale : intervalle de temps entre deux marées pendant lequel le niveau de la mer reste sensiblement stationnaire. Etiage : situation de basses eaux ou de faible débit, pour une nappe ou un cours d’eau. Evapotranspiration potentielle (ETP) : quantité maximale d’eau susceptible d’être évaporée (évaporation du sol et transpiration de la végétation) par un couvert végétal sous un climat donné et sur une période considérée. Exutoire : conduit servant à évacuer des eaux courantes.

221


F

H

Flot : marée montante. Frayère : lieu où les poissons frayent, c’est-à-dire pondent leurs œufs.

Halieutique : qui concerne la pêche. Halophile : se dit d’une plante capable de pousser sur des sols salés. HAP : hydrocarbures aromatiques polycycliques. Herbu : marais s’installant dans une aire submersible par pleine mer de vives-eaux, peuplé de végétation halophile*. Hydrodynamique, hydrodynamisme : s’applique à la dynamique des masses d’eaux. Ensemble des événements impliqués dans le déplacement des masses d’eau (courants, houle, marées, turbulences). Hydrologie : science qui étudie les propriétés physiques, mécaniques et chimiques des eaux continentales et marines. Hypoxie : déficit en oxygène.

G Gabion : ouvrage anti-érosif constitué de pierres et de grillage ; abri pour la chasse. Gastéropodes : mollusques rampants souvent pourvus d’une coquille en spirale. Exemple : les escargots. Génotoxicité : capacité de certains agents chimiques, biologiques ou physiques de causer des dommages à l’ADN. Géomorphologie : étude des formes et du relief des paysages, continentaux ou sous-marins. Gradient : à propos d’un paramètre, tendance progressive à la diminution (ou à l’augmentation) à partir d’un point maximal (ou minimal). Granulats : terme technique désignant les sables et graviers utilisés dans le BTP*. Granulométrie : à propos des roches meubles et des sols, classification des grains qui les composent selon la taille.

I Ifremer : Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer. Interglaciaire : concerne les périodes séparant les glaciations. Intertidal : dans un régime à marées, zone comprise entre la plus haute mer et la plus basse mer de vive-eau (zone de balancement des marées). Intrants : différents produits consommés par l’agriculture (engrais, pesticides, carburant…).

J Jusant : marée descendante.

L

Maison de l’Estuaire

Laridés : famille d’oiseaux souvent côtiers et vivant en colonies importantes. Exemples : goélands, mouettes, sternes… Lège : se dit d’une embarcation ou d’un navire partiellement ou totalement vide. Limicoles : oiseaux qui vivent et se nourrissent sur la vase. Lit majeur : espace occupé par un cours d’eau lors des périodes de grandes crues.

Un limicole : le chevalier aboyeur. 222


N

Lit mineur : espace délimité par les berges dans lequel s’effectue l’écoulement d’un cours d’eau la quasi-totalité du temps. Lithosphère : partie superficielle et rigide de l’enveloppe terrestre, constituée de roches. Elle est divisée en plaques tectoniques.

Nanogramme (ng) : milliardième de gramme ou 10 – 9 g. Naissain : larves nageuses d’invertébrés, faisant souvent l’objet de cultures marines (cas des huîtres et des moules). Nappe alluviale : masse d’eau en général peu profonde se trouvant dans des terrains alluvionnaires, et souvent en relation avec un cours d’eau. Nécrophage : qui se nourrit des cadavres d’autres espèces. Nitrates : composés chimiques naturels ou artificiels azotés renfermant l’ion NO3 Les nitrates entrent dans la composition d’engrais. Nitrophile : se dit d’une espèce qui prospère dans des stations riches en sels minéraux, nitrates* notamment. Nourricerie : site de séjour des poissons juvéniles, souvent en zone côtière et estuarienne. Nutriments : composés chimiques utilisés par les organismes pour « nourrir » leurs cellules.

M Malterie : lieu de production du malt. Marnage : hauteur d’eau entre le niveau de la basse mer et celui de la pleine mer. Matière organique : matière d’origine animale ou végétale. Mégaphorbiaie : prairie dense de roseaux et de hautes plantes herbacées, souvent fleurie, en zone alluviale. MES : matières en suspension. Mésophile : à propos d’un type de végétation, d’exigence moyenne en humidité. Micro-endémique : espèce qu’on ne trouve que dans une zone très limitée. Microgramme (µg) : millionième de gramme ou 10-6 g. Migration postnuptiale, prénuptiale : migration qui a lieu après (ou avant) la reproduction des oiseaux migrateurs. Minéralisation : dégradation d’une matière organique* en composés minéraux simples. Monocotylédones : classe de plantes à fleurs comprenant notamment les graminées (ou poacées). Montaison : contraire de dévalaison* ; action pour un poisson migrateur de remonter un cours d’eau pour gagner un lieu nécessaire à son développement. Morte-eau : marée d’amplitude la plus faible se produisant deux fois par mois (premier et dernier quartiers de lune). Mutagène : se dit d’un agent physique, chimique ou biologique capable d’induire des dommages à l’ADN pouvant aller jusqu’aux mutations génétiques.

O Oligochètes : sous-classe des annélides*. Ce sont des vers dont le corps est segmenté et dont les segments contiennent peu de soies Organique : voir Matière organique. Ornithologie : étude des oiseaux.

P Paléontologie : étude des restes fossiles des êtres vivants du passé. Paludicole : qui habite les marais. PCB : polychlorobiphényles. Pénéplaine : large espace avec de faibles dénivellations qui résulte d’une longue érosion. Perré : revêtement en pierre, maçonné ou non, qui protège contre les vagues ou le courant une berge ou les abords d’un ouvrage (par exemple, un pont). Persistant : se dit d’un contaminant résistant à la dégradation naturelle. 223


Perturbateurs endocriniens : groupe de substances qui interfèrent avec les fonctions du système hormonal (reproduction, croissance…). Phanérogames : embranchement du monde végétal regroupant les plantes à fleurs et à graines. Phycotoxines : toxines produites par des algues. Phytobenthos : benthos* végétal. Phytoplancton : algues vivants en suspension dans l’eau. PK : point kilométrique ; repère placé le long d’un fleuve ; pour la Seine, c’est la distance mesurée à partir du pont Marie, à Paris. Platier : partie d’un littoral rocheux qui se découvre à marée basse. Pliocène : 2nde époque de la période géologique du Néogène ; s’étend entre – 5 millions d’années et – 2 millions d’années. Pluviométrie : mesure de la pluviosité ; hauteur d’eau tombée sur une période donnée. Pollinisation : transport des grains de pollen vers l’organe de reproduction femelle qui intervient lors de la reproduction des plantes à fleur. Polychète : classe d’annélides (vers) à soies nombreuses. Prédateur : se dit d’un animal capturant et tuant des proies pour se nourrir. Prisme d’embouchure : zone d’une embouchure où se concentrent des sédiments comblant une ancienne vallée. Protozoaires : grand groupe d’organismes eucaryotes unicellulaires, constitués d’une seule cellule avec un noyau et une membrane.

Reprotoxique : qualifie un agent nocif à la reproduction. Rotifères : groupe d’animaux microscopiques possédant deux couronnes de cils autour de leur bouche pouvant leur servir pour leur déplacement.

S Schorre : nom flamand des prés salés ou des marais maritimes, utilisé dans le langage morphologique des environnements littoraux tempérés. Sédimentation : dépôt de sédiments. Silt : sorte de limon composé de particules d’un diamètre équivalent sphérique compris entre 2 et 50 µm. SPPPI : secrétariat permanent pour la prévention des pollutions industrielles. STEP : station d’épuration. Subhalophile : se dit d’une flore qui se développe sur des sols plus ou moins salés. Subtidal : situé au-dessous de la zone de balancement des marées et ne découvrant jamais à marée basse. Surcote : dépassement du niveau de la marée haute lié essentiellement à des conditions météorologiques inhabituelles.

Q Quartier : subdivision administrative dans le domaine maritime. J.-P. Thorez / AREHN

R Recharge : remontée du niveau d’une nappe souterraine suite à des apports. Régime hydraulique, hydrologique : ensemble des variations de l’état et des caractéristiques d’un cours d’eau qui se répètent régulièrement, notamment sur un rythme saisonnier.

Lit mineur et lit majeur de la Seine vus du coteau d’Amfreville-sous-les-Monts.

224


T

U

Taxon : unité dans la classification du vivant. Une espèce est un taxon. Tectonique : en rapport avec les structures géologiques d’échelle kilométrique et plus. Terre-plein : terrain artificiel conquis sur la mer par remblaiement, souvent utilisé pour des installations portuaires. Têtard : se dit des arbres dont la forme en «grosse tête » résulte d’un mode d’exploitation (coupe) spécifique. Tirant d’eau : distance maximale verticale entre la ligne de flottaison et le point le plus bas de la coque, en général, la quille. Trophique : relatif à la nutrition d’un tissu vivant, d’un organe ou d’un organisme Tuf : roche calcaire très poreuse et friable à aspect concrétionné associée à des sources (= travertin). Turbidité : trouble de l’eau lié à la présence de particules fines en suspension.

UFC : Unité Formant Colonie ; s’emploie à propos des microbes dans l’eau de baignade ; 1 UFC correspond à 1 colonie.

V Vive-eau : marée d’amplitude maximum correspondant aux périodes de pleine et nouvelle lune.

W Wharf : appontement avançant dans la mer perpendiculairement au rivage.

X Xylophage : animal se nourrissant de bois.

Z

J.-P. Thorez / AREHN

Zooplancton : plancton animal.

Terre-plein à Grand-Couronne. 225


Documentation Seine-Aval

Les fascicules Seine-Aval A télécharger sur www.seine-aval.fr/fascicules

Série 1 1.1 Seine-Aval : un estuaire et ses problèmes, coordonné par L. Guézennec, 1999 1.2 Courants, vagues et marées : les mouvements de l’eau, coordonné par P. Le Hir, 2001 1.3 Sables, chenaux et vasières : dynamique des sédiments et évolution morphologique, coordonné par P. Lesueur, 1999 1.4 Matériaux fins : le cheminement des particules en suspension, coordonné par J-P. Dupont, 2001 1.5 L’oxygène : un témoin du fonctionnement microbiologique, coordonné par G. Billen et M. Poulin, 1999 1.6 Contaminations bactérienne et virale, coordonné par P. Servais, 1999 1.7 Patrimoine biologique et chaînes alimentaires, coordonné par J-C. Dauvin, 2002 1.8 La contamination métallique, coordonné par J-F. Chiffoleau, 2001 1.9 Fer et Manganèse : réactivités et recyclages, coordonné par D. Boust, 1999 1.10 Le cadmium: comportement d’un contaminant métallique en estuaire, coordonné par J-L. Gonzales, 1999 1.11 La dynamique du Mercure, coordonné par D. Cossa, 1999 1.12 Les contaminants organiques qui laissent des traces : sources, transport et devenir, coordonné par J. Tronczynski, 1999 1.13 Les contaminants organiques : quels risques pour le monde vivant?, coordonné par A. Abarnou, 2000 1.14 Des organismes sous stress, coordonné par T. Burgeot, 1999 1.15 Zones humides de la basse vallée de la Seine, coordonné par D. Alard, 2002 1.16 Les modèles : outils de connaissance et de gestion, coordonné par B. Thouvenin, 1999 226


Série 2 2.1 Le Programme Seine-Aval 3 : contexte, bilan et enjeux, coordonné par J-C. Dauvin, 2008 2.2 La Génotoxicité : quel risque pour les espèces aquatiques ?, coordonné par J. Cachot, 2009 2.3 Evolution morphologique d’un estuaire anthropisé de 1800 à nos jours, coordonné par V. Foussard, 2009 2.4 Le Benthos de l’estuaire de la Seine, coordonné par J-C. Dauvin, 2010 2.5 Poissons, habitats et ressources halieutiques : Cas de l’estuaire de la Seine, coordonné par J. Morin, 2010 2.6 Le risque inondation : conditions de déclenchement et perspectives, coordonné par H. El Abida, 2010 2.7 Effets de la contamination chimique – Des organismes en danger ?, coordonné par E. Poisson, 2011

Apports en nutriments et potentiel d’eutrophisation, 2008 Contamination métallique dans l’estuaire de la Seine, 2008 Contamination par les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP) dans l’estuaire de la Seine, 2008 Contamination par les PolyChloroBiphényles (PCB) dans l’estuaire de la Seine, 2008 Contamination par les pesticides dans l’estuaire de la Seine, 2008 Utilisation des mollusques pour le suivi de la contamination chimique dans l’estuaire et la baie de Seine, 2011

AXE III – Ressources biologiques Blooms phytoplanctoniques et phycotoxicité en baie de Seine, 2008 Dynamique du zooplancton dans l’estuaire de la Seine, 2009 Peuplements d’invertébrés benthiques dans l’estuaire de la Seine, 2008 Hediste diversicolor, 2011 Oiseaux d’eau à l’embouchure de l’estuaire de la Seine, 2010 Oiseaux nicheurs de l’embouchure de l’estuaire de la Seine, 2010 Oiseaux migrateurs dans l’estuaire de la Seine, 2010 Effets de la contamination chimique sur les poissons de l’estuaire de la Seine, 2011 AXE IV – Usages et aménités Aménagement de l’estuaire de la Seine, 2009 Conditions de navigation dans l’estuaire de la Seine, 2009 Dragage dans l’estuaire de la Seine, 2009 Evolution démographiques des communes riveraines de l’estuaire de la Seine, 2010 Développement industrialo-portuaire de l’estuaire de la Seine, 2010 Mesures d’inventaire et de protection du patrimoine naturel du bassin de l’estuaire de la Seine, 2008 Perception de la qualité de l’eau et du risque chimique associé, 2009 Perception des actions environnementales menées sur l’estuaire de la Seine, 2008

Les fiches thématiques Seine-Aval A télécharger sur www.seine-aval.fr/fiches L’estuaire de la Seine, 2011

AXE I - Contexte climatique, morphologique et hydrosédimentaire Effets prévisibles du changement climatique dans l’estuaire de la Seine, 2010 Apports en eaux douces à l’estuaire de la Seine, 2008 Dynamique des matériaux fins dans l’estuaire de la Seine, 2008 Evolution morphologique de l’estuaire de la Seine, 2011 Couverture sédimentaire à l’embouchure de la Seine, 2011 Inondations par débordement de la Seine, 2010 AXE II – Qualité de l’eau et contaminations Niveaux d’oxygénation dans l’estuaire de la Seine, 2008 Dynamique des nutriments dans l’estuaire de la Seine, 2009

227


Achevé d’imprimer en février 2012. 228


La Haute-Normandie et la Seine


Où commence l’estuaire de la Seine ? La vase a-t-elle une quelconque

Le Groupement d’intérêt public (GIP) Seine-Aval est le centre régional

utilité ? Qu’est-ce qu’une filandre ? La qualité de l’eau de la Seine

d’excellence qui coordonne et finance, depuis 2003, les études et les

s’améliore-t-elle ? Y a-t-il des oiseaux qu’on ne rencontre que dans la

travaux de recherche sur l’estuaire de la Seine. Les thématiques de

vallée de la Seine ? A quoi ressemblait l’estuaire il y a deux siècles ?

recherche abordées sont très diverses : fonctionnement de l’estuaire,

Comment fonctionne une écluse ? Les questions que l’on peut se

qualité de l’eau et des sédiments, état de santé de la flore et de la

poser à propos de la Seine sont innombrables et variées. Le propos

faune, relations hommes-estuaire… Elles portent sur un territoire qui

du présent ouvrage est de répondre à une bonne centaine d’entre

s’étend du barrage de Poses à la baie de Seine.

elles. Triplement original, il traite de tous les sujets – de la nature à la

Le GIP Seine-Aval est aujourd’hui administré et financé par onze

navigation –, donne la parole à des scientifiques et laisse une large

acteurs : la Région Haute-Normandie, l’Agence de l’eau Seine

place à l’image. La Seine en Normandie s’adresse à tous : acteurs du

Normandie, le Grand Port Maritime de Rouen, la Région Basse-

territoire, bien sûr, mais aussi habitants, visiteurs, éducateurs et, plus

Normandie, le Département du Calvados, le Département de Seine-

généralement, amoureux et curieux de la Seine.

Maritime, le Grand Port Maritime du Havre, l’Etat, l’Union des industries chimiques de Normandie (UIC Normandie), le Département de l’Eure et l’Association syndicale de l’industrie et du commerce pour l’environnement normand (ASICEN). Outre qu’il structure la recherche autour de son programme scientifique, le Groupement centralise, valorise et transfère la connaissance acquise vers les décideurs, les aménageurs, la communauté scientifique et le grand public.

Isbn : 978-2-7466-4238-6


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.