Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 2

Page 97

L E S R O B I N S O N S DE LA GUYANE

291

se fit entendre à quelques pas dans les hautes herbes bordant la clairière. On eut dit un

indéfinissible bruit

d'os r o m p u s , suivi de

piétinements

saccadés. Puis, une grosse masse, informe, surgit des lianes, roula, bondit en avant, sembla se dédoubler, et disparut, pas assez vite cependant pour que l'infaillible flèche du Peau-Rouge ne s'y fut enfoncée de plus d'un pied. Ackombaka riait silencieusement. — Qu'est-ce que tout cela signifie, lui demanda en langue indienne l'ancien surveillant. — Le

maïpouri a tué le serpent, mais j ' a i tué le maïpouri. Nous le

mangerons. — Gomment sais-tu qu'il a tué le serpent ? — Viens. Tu verras que Ackombaka ne se trompe jamais. Ils firent quelques pas et, suivant les prévisions de l'Indien, ils trouvèrent, étendu sur les roches, un boa monstrueux, long de dix mètres, aussi gros que ce « maigriot » de Bonnet. Quelques gouttes de sang coulaient des narines de l'ophidien. De sa gueule ouverte sortait molle et pendante sa langue fourchue. Il ne remuait plus, et sa mort semblait avoir été instantanée. C'est en vain que Benoît chercha la moindre trace de blessure ; le tapir ne l'avait ni mordu ni piétiné. Il constata pourtant un fait assez anormal, c'est que cet énorme corps cylindrique était un peu aplati, et qu'il n'avait aucune consistance. Il était mou comme un linge roulé, et se coudait à angle droit. On eut dit que ses vertèbres avaient été rompues une à une. L'argousin interrogea du regard l'Indien. Celui-ci sourit d'un air protecteur, et donna dans son langage guttural la curieuse explication qui va suivre. — Ackombaka ne s'était pas trompé. La couleuvre a attaqué le maïpouri afin de dévorer son petit. Comme elle est très grosse, elle a cru pouvoir l'étouffer, ainsi qu'elle fait du tigre qui ne peut s'arracher de ses anneaux. Mais le maïpouri est fort et rusé. « Quand il se sentit entouré par le serpent, il retint sa respiration et se fit le plus petit qu'il pût. L'autre serra encore. Alors, le maïpouri, qui est le plus grand et le plus vigoureux parmi les animaux de nos forêts, gonfla tout à coup sa poitrine et son ventre. Il se fit gros... gros... Le serpent ne put dérouler ses anneaux ses os craquèrent, en produisant le bruit que tu en as entendu. Il est mort à l'instant. Le maïpouri s'est débarrassé de lui, puis, il s'est enfui. « Nous le mangerons bientôt, termina-t-il joyeux, car la flèche d'Ackombaka ne manque jamais son but.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.