Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 2

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L E S R O B I N S O N S DE LA GUYANE

ma troupe soit peu nombreuse. Quel malheur de n'avoir pas la moindre trompette ! « B a h ! ça ne fait rien. Je les ferai souffler chacun dans un flacon de genièvre, ils aimeront mieux ça. — Dis-donc, fit Bonnet, si on les saluait de quelques coups de fusil? — C'est une idée. Mais attendons une minute encore. Attention, et préparonsnous. « Laisse aller! » Les pagayes furent rentrées dans la pirogue qui rasait le rivage. — Feu !... cria la voix de l'aventurier. Et huit détonations éclatèrent à la grande joie des Indiens, qui, ravis de tant d'honneur, se mirent à cabrioler comme des clowns, pendant que le tambour mêlait ses plan 1 plan ! p l a n ! sonores aux notes aiguës de la flûte. Benoît descendit le premier, suivi à distance respectueusement par ses trois compagnons qui rechargèrent lestement leurs fusils. Comme le bâton est l'insigne du commandement dans toute l'Amérique équatoriale, le chef tenait à la main gauche une longue gaffe à pointe de fer, munie d'un croc. Il avait son fusil en bandoulière, portait le sabre de la main droite, et n'avait pas, en somme, une trop mauvaise tournure. Il fit quelques pas, et s'arrêta, à la vue d'un Indien immobile, à vingt mètres d'un grand carbet. Cet Indien, la tête ceinte d'un diadème en plumes jaunes de cassique, le col entouré d'un superbe collier en plumes de poule blanche, mélangé de plumes rouges et bleues, enlevées au poitrail du toucan, et aux ailes de l'ara, portait également un bâton. C'était le chef. Il fit deux ou trois pas encore, et s'arrêta aussi. Une complication d'étiquette allait surgir, et amener une question de préséance. Voici pourquoi. Quand un Indien visite un de ses congénères, sa sonnerie particulière indique son rang. S'il est supérieur à celui chez lequel il descend, ce dernier, répond par sa fanfare, sort de son carbet, vient à sa rencontre et ne s'arrête que le plus près possible du canot. Il salue, prononce quelques mots de bienvenue, et attend d'être présenté par le nouvel arrivant aux personnes de son escorte. Cela fait, il l'amène à son carbet, ses femmes tendent les hamacs, on apporte des cigarettes avec du cachiri, et la fête commence. Si les deux chefs sont du même rang, le visité s'arrête à mi-chemin du carbet au lieu de débarquement. Le visiteur s'avance jusqu'à lui, la présentation a lieu, et la cérémonie se termine comme ci-dessus. Si le visiteur est un chef


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