Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 2

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L E S R O B I N S O N S DE LA GUYANE

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plateau, nous chercherons une brèche... c'est bien le diable, après, tout si les gardiens du trésor entretiennent de tous les côtés une armée permanente de serpents. Ses compagnons, partageant ses espérances, fouillaient sans relâche de leurs pagayes les flots tranquilles. Après deux jours d'énervante et monotone navigation, ils aperçurent une légère colonne de fumée s'élevant d'une des rives de la crique. Quelques hamacs de coton blanc se balancaient aux branches, et une douzaine d'Indiens émergèrent brusquement du lit de la crique, au milieu de laquelle ils prenaient leurs ébats. Il était trop tard pour reculer. Les aventuriers résolurent de payer d'audace. L'attitude des Peaux-Rouges n'était d'ailleurs rien moins qu'agressive, et Benoît, qu'un séjour de quatre années avec les Galibis de la côte avait familiarisé avec le langage et les habitudes des Indiens, ne désespérait pas de tirer parti de la rencontre. On apprêta pourtant les armes afin d'être prêt à toute éventualité, puis, la pirogue avança lentement. Les quatre hommes étaient à peine à cent mètres du campement qu'une bruyante fanfare éclata soudain sous la feuillée. C'était un solo de notes peu variées, mais poussées par un souffle puissant dans l'inévitable flûte de bambou, sans laquelle ne marche jamais le chef d'un clan. Tinguy et Mathieu, les moins résolus de l'équipage, frissonnèrent de la tête aux pieds. Cette mélopée de sauvage allait-elle faire surgir encore un formidable escadron d'ophidiens ? Benoît se mit à rire. — Allons, dit-il, tout marche à souhait, nous sommes signalés, et nous allons être reçus en amis. Surtout, laissez-moi faire, et témoignez-moi un respect exagéré. Il faut que j e sois regardé comme un grand chef. — Mais, qu'est-ce que ça veut dire ? demanda Mathieu, dont la face, en dépit des affirmations de son complice, se marbrait de plaques verdâtres. — Cela veut dire, mon camarade, que chaque

chef possède un

flûtiste

attaché à sa personne, et qu'il annonce sa présence par une fanfare qui lui est spéciale. « Mon Dieu, c'est tout simple. Dans les pays civilisés, il y a la marche des régiments, des divisions et des corps d'armée. C'est ici à peu près la même chose. « Diable! La sonnerie est longue. C'est un grand chef. Moi aussi, bien que


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