Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 2

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L E S R O B I N S O N S DE LA GUYANE

— Oh ! Madame, que vous êtes bonne, et combien nous vous aimons, s'écrièrent-elles, en souriant au milieu de leurs larmes. — Je suis femme et je suis mère, répondit simplement Madame Robin. « Lômi, mon enfant, que veux-tu donc, demanda-t-elle au jeune Boni, qui s'avançait gauchement, mais avec une sorte de vénération, en portant un grand flacon plein d'une eau limpide. — Pitit Indienne, baïe mo flacon, pour tiré coup soleil à madame blanc là... — Mais elle n'a pas de coup de soleil. — Mô croyé si, Madame. Tout moun Peau-Rouge, croyé même. — Que dit-il, Madame? — Ce bon noir pense que votre mère est frappée d'insolation, et il me prie de lui appliquer le remède créole usité en pareil cas. — Nous vous en prions aussi, madame, dirent-elles en jetant à Lômi un regard de reconnaissance Ce remède est inoffensif, n'est-ce-pas ? — Bien inoffensif, et je le crains hélas! bien inefficace aussi! N'importe. Je ne veux pas vous priver de cette satisfaction. « Donne ton flacon, Lômi. Le Boni s'approcha et remit à la femme du proscrit un de ces vases de verre blanc à col évasé, servant en Europe à renfermer les conserves de fruits. Il était plein d'eau, et contenait en outre un certain nombre de grains de maïs avec une bague d'argent. L'ouverture était fermée par un simple linge attaché circulairement avec une ficelle. Le siège de la douleur ressentie par Mistress Arabella, semblait être au front, car la malade portait de temps à autre la main à sa tête, avec ce geste automatique des personnes atteintes de méningite. Madame Robin inclina doucement le flacon, puis le renversa complètement, le fond en haut, de façon que le large goulot couvert par le lambeau de toile, s'appliquât sur le front. Puis elle attendit patiemment en maintenant le contact. Les deux jeunes filles étonnées, virent alors s'opérer un phénomène singulier. L'eau contenue dans le flacon, se trouvait naturellement à la température ambiante, et pourtant, une vive effervescence se manifesta tout à coup. Les grains de maïs s'agitaient en tous sens, ramenés de la périphérie au centre par un tourbillonnement continu comme des pois dans une marmite en ébullition. Cette eau paraissait effectivement bouillir, car de grosses bulles s'y formaient spontanément, disparaissaient pour se reformer encore. Les Indiens avec les deux Bonis formaient un cercle, et contemplaient avec une évidente satisfaction cette singulière opération.


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