Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 2

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L E S R O B I N S O N S DE LA GUYANE

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torier l'intérieur du carbet en apparence habité. Cette silhouette ne pouvait être celle d'un homme. On eût dit un quadrupède énorme auquel les lueurs fugitives donnaient de temps à autre des dimensions fantastiques. — Hein ! Hein ! murmura en a parté Lômi ; qué c'était, çà bête-là? Mataaô s'approcha en rampant du noir, plissa le museau, et se tint prêt à s'élancer. Homme ou bête, l'être animé fit encore deux pas, et Lômi vit non sans étonnement qu'il était surmonté d'un long et large panache, animé de singuliers mouvements latéraux. Le Boni se mit alors à rire de son large rire muet. Il prit doucement son fusil, l'arma en appuyant le doigt sur la détente afin d'éviter le craquement du ressort, et épaula lentement. Les essences résineuses contenues dans les bois en combustion donnèrent tout-à-coup à la flamme une grande intensité, et le noir reconnut un énorme tamanoir qui semblait en extase. Les mouvements du panache avaient une signification. Le plantigrade joyeux et intrigué imprimait à son immense queue ces inflexions capricieuses qui sont chez les animaux de sa race l'indice de la jubilation. — Qué çà voulé, toi, tamandou? dit le Boni. Li pas gain fourni, côté carbet là. Si tô pas z'allé côté forêt, mo qué envoyé balle à tô cotelette. Lômi tenait le tamanoir en joue. Il allait faire feu, quand il aperçut distinctement une forme humaine debout près d'un tronc, à deux mètres derrière l'animal. Cette apparition n'eut que la durée d'un éclair. Elle disparut aussitôt. Au même moment, des « coin-coin, coin-coin » désespérés retentissaient dans la direction du fleuve, situé à trente mètres à peine. C'était l'appel de la bernache. Deux coups de feu retentirent. Le Boni n'hésita plus, il déchargea son fusil sur le tamanoir, qui sursauta sur place, se dressa de toute sa hauteur sur les pieds de derrière et s'enfonça dans les ténèbres. Le brave Mataaô bondit en avant, et s'arrêta aussitôt, rappelé par un léger sifflement. Les Robinsons, éveillés en sursaut par les détonations, s'armèrent sans bruit, sans prononcer une parole, et se mirent en défense avec un admirable sang-froid. Le cri habituel au singe-hurleur, quand il est effrayé, se fit entendre à une faible distance. — C'est Henri, dit à voix basse Robin à sa femme. Rassure-toi, mon enfant, tout va bien.


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