Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 2

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L E S R O B I N S O N S DE LA GUYANE

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s'enflamme. L'homme détache les poignets de l'Indien toujours inerte, et autour desquels la corde goudronnée a tracé deux sillons livides. Il rapproche les pouces et les serre violemment après avoir glissé entre eux la mèche incandescente. La chair pétille. Une écœurante odeur de grillé se répand dans l'atmosphère. La poitrine du Peau-Rouge se soulève légèrement. Un soupir douloureux s'échappe de sa gorge. Il semble reprendre lentement ses sens sous le contact du feu qui mord et calcine ses chairs. — Petit bonhomme vit encore, reprend avec un gros rire le bourreau qui semble ravi de l'infamie qu'il vient de commettre. — A la bonne heure. Accroche-le solidement sous les bras — Voilà. C'est paré. Surtout, ne le laisse pas tomber à l'eau. Veillez aux pagayes, vous autres. — Oh!... Hisse Le malheureux Indien, dont la peau fume encore, est enlevé comme un ballot de linge par l'homme, qui semble doué d'une vigueur athlétique, et qui, ce tour de force accompli, le dépose près de lui sur le roc nu. — Allons, vous autres, à votre tour. Et de l'ordre. Quatre hommes s'apprêtent à franchir une de ces murailles rocheuses, qui coupent fréquemment les cours d'eau de la Guyane et qui sont connus sous le nom de « rapides ». Il y a près de quatre mètres de contre-bas. L'un d'eux, celui entre les mains duquel se trouve l'amarre ayant servi à hisser l'Indien, a escaladé le premier la barre. Il se tient sur un îlot granitique de trois mètres de diamètre. A droite et à gauche, les eaux de la rivière se précipitent en cascades écumantes. La pirogue amarrée au bas de celte roche, oscille au milieu du remous. Les vivres prennent le même chemin que le prisonnier. Barils de « couac », caisses de biscuits, tonneaux de petit-salé et de bacaliau, l'approvisionnement est abondant, sans oublier les armes, les munitions et les outils. C'est ensuite le tour des hommes. Puis les amarres de la pirogue sont doublées. Les quatre canotiers réunissent leurs efforts, l'embarcation, soulevée par leurs bras comme par un palan, s'élève lentement, et vient poser sa quille sur la petite plate-forme, encombrée de fusils de chasse, de pics, de pioches, de haches, et de ballots de toute sorte. L'Indien, allongé sur le roc nu, chauffé par le soleil, reste toujours immobile. On le croirait évanoui, n'était le léger mouvement de sa poitrine, n'était aussi le regard de haine farouche que darde son œil noir un peu bridé aux tempes, sur


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