Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 2

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L E S R O B I N S O N S DE LA GUYANE

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Il hésita un moment avant de continuer. — Vais-je donc trouver ici un autre cadavre? Serais-je un inconscient violateur de sépulture ? murmura-t-il en hésitant. Il allait remonter et sortir de la fosse, quand son pied nu enfonça brusquement et rencontra un corps dur, dont le contact érailla douloureusement son épiderme. Il se baissa et reconnut avec surprise le couvercle d'un pagara, entouré d'une liane, et que la pression avait effondré. Il tira fortement à lui le câble végétal et éprouva une sérieuse résistance. Enfin, après d'énergiques efforts, il parvint à arracher le panier de jonc qu'il eut toutes les peines à soulever audessus de sa tête, tant il était pesant. Il le déposa hors de l'excavation, sortit un second pagara semblable au premier, puis un troisième, puis un quatrième. Henri s'approcha, lui tendit la main, et l'aida à se hisser. Les pagar s furent ouverts. Ils étaient pleins d'or ! Chacun d'eux renfermait une quantité de métal en pépites que les Robinsons évaluèrent à plus de cent-cinquante kilogrammes, soit environ quatre cent-cinquante mille francs. On connaît le souverain mépris que tous professaient pour les richesses. Nul ne sera étonné si aucun cri, si aucune manifestation de joie n'accueillit la découverte de cette fortune. Les Indiens, ignorant la valeur de l'or, s'approchaient curieusement, et témoignaient tout l'étonnement que leur causait la vue des pépites, dont quelques-unes atteignaient un volume considérable. Robin regardait ce trésor d'un œil indifférent. — Pauvre ami, dit-il, comme si Casimir pouvait l'entendre, pauvre cher mort ! Après avoir été ma providence aux jours de l'adversité, après avoir sacrifié ta vie pour moi, faut-il que même après ta mort, tu nous donnes l'opulence ! — Père, s'écria brusquement Henri, je crois être l'interprète de la pensée de ma mère, de mes frères et de Nicolas, notre frère aussi, en te disant : « Que nous importe la richesse ! Quel besoin avons-nous de cet or que nous méprisons I La forêt avec ses ressources n'est-elle pas à nous ? N'avons-nous pas nos bras pour travailler, nos champs pour vivre? Que nous importe aussi la vie civilisée avec ses luttes mesquines, ses appétits désordonnés, ses besoins que nous ignorons et ses haines encore inassouvies ! Nous sommes les Français de l'Equateur,

les

libres colons de cette Guyane que nous aimons, bien qu'elle ait été la terre de l'exil. Elle nous fournira notre pain et nous ferons une terre. de rédemption de celle qui fut la terre de malédiction.


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