Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 2

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L E S R O B I N S O N S DE LA GUYANE

« Mais alors la piste s'embrouilla, ou plutôt se multiplia. Les traces des pre miers indiens se mêlaient à de nombreuses empreintes également laissées par des Peau-Rouges, mais la nature du terrain ne me permit pas tout d'abord de reconnaître exactement les différences qu'elles pouvaient offrir. « J'avisai une petite crique et j ' e u s le bonheur de retrouver les pas de ceux que j'avais rencontrés tout d'abord. Il n'y avait pas à s'y tromper. Ils étaient dix, y compris les femmes. Je ne sais pourquoi mon cœur se serra. Ces empreintes me rappelaient à s'y méprendre celles de Jacques, l'Aramichau que nous avons sauvé. « La vue de cette jeune femme en pleurs, l'acte de brutalité du vieillard qui paraissait être le chef, l'absence de Jacques, un secret pressentiment m'avertit qu'un drame lugubre avait dû se passer depuis peu et non loin de nous. « Ce premier point établi, et ces traces relevées, j'inspectai minutieusement le sol et pus reconnaître aisément la provenance des autres. Elles appartenaient évidemment à des Emérillons, car presque toutes offraient cette courbure caractéristique du gros orteil infléchi en dedans. Cinq ou six Indiens de cette seconde troupe étaient privés du petit orteil du pied gauche, j ' e n conclus que c'étaient des Thïos, d'après ce que m'a raconté Casimir relativement à leurs coutumes. — Ces derniers étaient-ils nombreux? — Vingt à vingt-cinq, sans compter les blancs. — Ceci est plus sérieux encore, dit le proscrit songeur. Mais, continue ton récit. Il ne saurait être ni trop long ni trop détaillé, et je vois avec plaisir que tu as agi avec ton intelligence habituelle, sans omettre aucune particularité quelque peu importante qu'elle ait pu paraître tout d'abord. Le jeune chasseur, fier de cet éloge, reprit : — Chose étrange, toutes ces traces se réunissaient au même point, avec cette différence que celles des Aramichaux s'en éloignaient, et que celles des Thïos et des Emérillons y aboutissaient. Je ne pus, malgré les plus patientes investigations découvrir d'où partaient les premières, ni où se perdaient les autres, car il semblait que la montagne se fut tout à coup entr’ouverte et refermée pour me cacher le mot de l'énigme. « Mes recherches n'avaient pourtant pas été inutiles. J'avais, à plusieurs reprises déjà, remarqué sur les plaques blanchâtres du quartz, quelques érosions ardoisées, à reflets métalliques, paraissant résulter d'un froissement de fer contre la roche. « Ce ne pouvait être ni une pointe de flèche, ni une lame de sabre. C'était


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