Abrégé de l'histoire générale des voyages. Tome 12

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D E S

V O Y A G E S

CHAPITRE r

a

e

P °y § ù

des Mathématiciens Efpagnols

aux

211

VI. Français

montagnes

de

Quito. Retour de M. de la Condamine par la rivière des

FAISONS fuccéder

Amazones.

à ce tableau des conquêtes

d e l'ambition & d e l ' a v a r i c e , qui ont coûté tant d e fang & d e crimes ,

un tableau bien

diffé­

r e n t , celui des conquêtes d e la Philofophie. Il eft moins brillant aux yeux d e l'imagination, mais il offre un g r a n d objet aux y e u x d e la raifon

t

l e progrès des connaiffances h u m a i n e s , & p e u t & r e a u r a - 1 - o n q u e l q u e plailîr à voir q u e fans a u t t e efpoir, fans autre récompenfe que le defic déclairer les h o m m e s & d e leur faire du b i e n , des Sages ont fupporté autant d e travaux &

de

fatigues, ont m o n t r é un courage auffi patient & auffi o b f l i n é , q taient

u e

c e s

Conquérans fameux qui afftona

tous les obftacles p o u r avoir d e l'or

&

pour commander. Le Voyage

de M.

d e la C o n d a m i n e à

q u a t e u r , entrepris par les o r d r e s & aux

Oij

l'E­ frai?

Fcrou.


Pérou.

212 HISTOIRE GÉNÉRALE du Roi Louis XV , & fous les aufpices d«* notre Académie des Sciences , eft un des plus célèbres de ce fiée!e , non -feulement par l'im-* portance de fon objet, qui était la folution d'un problême agité depuis long - temps parmi les Philofophes anciens & modernes , mais encore par le caractère (ïngulier de l'Académicien Voya­ geur , qui porta dans cette entreprife une activité étonnante , une curiofité avide & infatiable, une intrépidité à l'épreuve de tous les périls, enfin cette efpèce d'héroïlme qui n'eft pas celui de l'i­ magination que le préjugé peut exalter un mo­ ment , mais qui tient à cette force dame , de roures les qualités humaines la plus rare & la plus difficile. Avant d'entrer dans le détail de ce Voyage j îl convient de dire un mot de la queftion phyiique qui en était l'objet. Jufqu'au régne des Sciences , fur-tout avant qu'on eût entrepris de longs Voyages fur l'O­ céan , l'opinion d'un fameux Philofophe , qui croyait la terre abfolument plate , fut la feule reçue parmi les hommes. Ce ne fur que par degrés, qu'ils fouirent de cette erreur. 11 y beaucoup d'apparence que les premiers pa vers la vérité, fe firent, en obfervanr que fur mer & fur terre > on ne pouvait s'éloigner d'une montagne ou d'une tousr (ans les perdre bientôt de vue. On remarqua; a

s


I

DES VOYAGES. 213 fans doute auflï que la hauteur des étoiles po- « laires variait, fui vaut l'éloignemenr où l'on était des pôles-, ce qui n'arriverait'point (I la furface de la terre était plate. Enfuite divers Philo* fophes prétendirent démontrer la fphéricité de la Superficie des eaux. Mais leur raifon la plus fimple ,. pour attribuer cette figure à la terre ,. fut pro­ bablement fon ombre, qui parait ronde dans les. éclipfes de Lune. Enfin „ fur quelque fondement que l'opinion de la rondeur de la terre fe foit établie, il parait certain que, depuis Ariftote jufqu'au dernier fiécle, elle n'a pas fourlert le moin* dre doute. On avait été beaucoup plus long-temps fans aucune notion de l'étendue de la terre dans fa, circonférence & dans, fon diamètte. Cette diffi­ culté avait paru d'abord insurmontable -, comment traverfer tant.de mers, de montagnes & de pré­ cipices impénétrables? Mais, quoique cesobftacles Client juger l'opération impoffible dans fa totalité, ils n avaient point empêché qu'elle n'eut été tentée» En fuppofant la terre fphérique , on peut entre­ prendre de la mefurer par les obfervations des affres fitués au vertical d'un lieu & éloignés du vertical d'un autte. Eratofthène prit cette voie v & la forme de fon opération paraitta fort extraor­ dinaire.. H lavait que Syene ,Ville d'Egypte, vers x

O iij

Pérou»


214 Pérou.

HISTOIRE

GÉNÉRALE

les confins de l'Ethiopie, était parfaitement fous le Tropique, & que par conféquent au temps du folftice d'été, le Soleil parlait par fon Zénith. Pour s'en allurer mieux , on y avait creufé perpen­ diculairement un puits fort profond , o ù , le jour du folftice à midi, les rayons folaires pénétraient dans toute fon étendue. On favait d'ailleurs qu'à 150 ftades autour de Syene, les ftyles élevés à plomb fur une furface horizontale ne faifaient point d'ombre. Eratofthène fuppofe qu'Alexandrie & Syene étaient fous le même Méridien , & que la diftance entre ces deux Villes était de 5 0 0 ftades. Le jour du Solftice, il obferva, dans Alexandrie , la diftance du Soleil au point ver­ tical , par l'ombre d'un flyle élevé à plomb du fond d'un hémifphère concave; & , trouvant que cette dernière diftance était la cinquantième partie de la circonférence d'un grand cercle, il en con­ clut que la diftance entre ces deux Villes était la cinquantième partie de la circonférence de la terre. Enfuite cette diftance , fupputée de 5 0 9 0 ftades, lui donne 2 5 0 , 0 0 0 ftades pour toute la circonfé­ rence , qui, partagée également en $ 6 0 degrés, fit 694 ftades, & prefque demie, au degré. Mais, à la place de ce nombre, ¡1 prit enfuite le nombre rond , apparemment parce qu'il ne crut pas pou. yoir répondre de quatre ou cinq ftades dans un


DES

VOYAGES.

g e g r é ; E n multipliant les 70®

ftades

215 par } 6 a

d e g r é s , il eut la circonférence totale d e 2 5 2,000 ftades. D'autres Anciens prirent différentes voies p o u r trouver les mêmes mefures -, mais elles porrent fur des fuppofitions, q u i les rendent peu c o m p a r a b l e s , p o u r l'exactitude & la jufteiïe, s c e l l e s q u i font e n ufage a u j o u r d ' h u i . C e n'eft pas m ê m e t o u t d ' u n - c o u p q u e les M o d e r n e s font parvenus au p o i n t de lumière

&

de

précifion , d o n r ils

peuvent fe glorifier. P e n d a n t plus d e deux liécles, il s'eft trouvé tant d e différence dans leurs cal* e u l s , qu'il n'eft pas aifé d'expliquer , c o m m e n t ils pouvaient s'éloigner tant l'un d e l'autre , e n partant du m ê m e point. C e t t e i n c e r t i t u d e , & l'im­ portance d o n t il était pour la Géographie & là N a v i g a t i o n , q u e l l e fût enfin l e v é e , furent d e u x puilTans motifs q u i firent fouhaiter à Louis X I V q u e l'Académie R o y a l e fervice

des Sciences r e n d î t c e

à l'Univers. M . Picard fut chargé d e m e ­

surer les degrés rerreftres. Il mefura géométrique*m e n t les diftances entre P a r i s , Malvoilim,Sourdor» Si Amiens -, Se ayant d é t e r m i n é , par des o b f e r v a rions A f t r o n o m i c j

UeSj

] diftance d ' u n e même étoile a

au Zénith des d e u x points e x t r ê m e s , il trou v a , dans, le d e g r é t e r r e f t r e , - j

7o<

j o toifes Parifiennes. Il fut

lé premier q u i a p p b q u a les lunettes aux inftrumenp. .dont il fe fervic pour ces opérations.

O ij

Pérou.


216 On ïxtou.

H I S T O I R E

G É N É R A I S

avait cru jufqu'alors q u e le G l o b e

relire était parfaitement

J

teï .

fphérique , fans, autre,

exception q u e les inégalités des m o n t a g n e s , q u i n e font d'aucune confidération dans une fi g r a n d e é t e n d u e . Perfonne n e fût

n'avait d o u t é q u e

u n e boule

la T e r r e

parfaitement a r r o n d i e ,

&,

c o m m e on fuppofait q u e la mefure t r o u v é e par M . Picard convenait à c h a q u e d e g r é , on

ne.

doutait pas q u e les 360 d e g r é s , dans lefquels o n divife la circonférence d e la fphère, n e fuileni, égaux entre e u x , & qu'ils n'euilent tous la l o n ­ g u e u r qu'il avait déterminée d e 5.706.0 toifes. Mais on n e fut pas l o n g - t e m p s à reconnaître, q u e cette fuppofition

t a

é i t gratuite.

D e u x raifous. fort différentes, & d o n t on tira, des conféquences o p p o f é e s , firent également r é ­ v o q u e r en d o u t e la fphéricité d e la T e r r e : l'une ç'eft la diverfité reconnue dans la l o n g u e u r du, p e n d u l e à f é c o n d e s , à différentes latitudes -, l'aur. t r e , la mefure d e tous les degrés, du méridien, q u i ttaverfe la France. C e t t e mefure

fut

faite,

par M M . Caflini p e r e & fils, M M . d e la H i r e , M u r a l d i , C o u p l e t , C h a z e l l e s , & leurs Collègues,, .i'hiftoire en eft. curieufe. L e célèbre H u y g e n s publia, au commencement, d e l'année 1 6 7 3 5

u

n

Traité dans, lequel il pre>

pendait q u e le p e n d u l e a fécondes ppuvoit ferSpir d e mefure c e r t a i n e , invariable & u n i y e r f e l l e

a


D E S

V O Y A G E S .

217

ipfans toutes les parties du monde, parce qu'en î (uppofant la Terre une fphère parfaite, le pen­ dule d'une longueur égale devait avoir par-tout \es mêmes vibrations. Dès l'an 1665, M. Picard avait fait la même proportion dans, fon livre de

la mefure de la Terre. D'un autre côté,

M. Richer fe trouvant, en 1671,

à l'Iflc de

Cayenne, qui n'eft qu'à 4 degrés 5^ minutes du Sud, remarqua au mois d'Août de cette an­ née que le pendule de l'horloge qu'il avait ap­ porté de Paris, fans aucun changemenï de lon­ gueur, metrair plus de temps à faire fes ofcillations, ou qu'il ne faifait point à Cayenne les, mêmes ofcillations dans le même temps , qu'à Paris. L'horloge retardait, chaque jour, de deux minutes vingt-huit fécondes. Pendant dix mois, M. Richer ne celïa point de renouveller

h

même expérience avec une exttême attention. Enfin il trouva que, pour batrre les mêmes fé­ condes , ce

même pendule devait être plus

court d'une ligne - j . Une découverte fi finguliere excita beaucoup de mouvemens parmi les Mathématiciens. Les lumières & l'exactitude re­ connues de M. Richer ne permettaient pas de douter du fait-, quelques - uns l'attribuèrent à l'alongement de la verge du balancier, caufé par la chaleur du climat : mais cet effet n'était pas

nouveau, &

i'Pft était

fur, que

la dirlereiice ne

Pérou.


Pérou.

218 HISTOIRE GÉNÉRALE pouvait aller à la proportion que M . Richer avait obfervéé. Il fallut chercher d'autres raifons , & conclure néceflairement que la diftérence ne pouvait venir qu'un d'une moindre pefanteur à Cayenne. On conçut alors que tous les corps pefaient moins vêts l'Equateur que vers les Pôles; car, dans les principes d e la Sta­ tique , la durée des vibrations dépend de la longueur & de la pefanteur du corps qui les fait. La découverte de M . Richer fut confirmée par nue expérience toute femblable de M. Halley» dans l'Ifle de Sainte - Hélène ; par celles de MM. Varin , des Haies & Glos, aux Ides de Corée , de la Guadeloupe & de la Martinique-; de M. Couplet à Lisbonne & au Para ; du F. Feuillée à Porto-Bello & à la Martinique , Se par quantité d'autres , dont le réfultat ne pou­ vait être attribué à la feule différence des climats. Comme il ne pouvait relier aucun doute que les corps ne pefaflent plus vers les pôles que fous l'Equa­ teur, M M . Huygens & Newton commencèrent par nier que la terre fût parfaitement fphériquej enfuite ils expliquèrent ce phénomène, par la force centrifuge des corps mus en rond. Tout corps , difaient-ils, dont le mouvement eft cir­ culaire , fait un effort continuel pour fuir St s'éloigner du centre autour duquel il fe meur^


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219

Ce principe , en faveur duquel la raifon s'accorde avec l'expérience , fe découvre vifiblement dans une fronde : à mefure qu'on la tourne, la pierre qu'elle porte , fait d'autant plus d'effort pour Sortir & s'éloigner du centre, autour duquel on la fait tourner, que la vîteffe du mouvement eft plus grande ) &, dès qu'on la lâche , elle continue de fe mouvoir , fans être pouffée par une nou­ velle force. Les loix naturelles du mouvement confirment cette force centrifuge : c'eft le nom qu'on lui a donné, parce qu'elle tend à éloigner un corps du centre de fon mouvement. De-là , les mêmes Philofophes ont conclu que la terre eft applatie, & leur raifonnement peut être réduit en peu de mots. La terre fe meut & tourne chaque jour fur fon axe. Par ce mouvement, chaque particule de fon globe fait effort pour s'éloigner de l'axe, & cet efforr eft proportions à la vîteffe ou à la grandeur du cercle que chacun décrit. Or ce cercle & la vîteffe étant plus grand; vers l'Equateur que vers les Pôles , il faut que l'effort foit plus gtand près de l'Equateur , poui s'éloigner de l'axe. D'un autre côté , tout corps par fa gravité primitive , qui fe nomme force centripète , tend vers le centre de la terre , ou, pour mieux d u e , perpendiculairement à l'hori­ zon. On trouve donc deux forces dans un mêm< .çorps ) l'un qui le pouffe & l'entraîne vers il t

Pérou»


Pérou.

220 HISTOIRE GÉNÉRALE centre de la terre -, l'autre qui naît du mouvement de la terre , & qui imprime à tous les corps l'effort qu'ils font pour s'éloigner de l'axe, ou du centre autour duquel ils fe meuvent ; & comme ces deux forces font toujouts plus con­ traires l'une à l'autte , à mefure que les corps font plus proches de l'Equateur , il arrive qu'avec une égale quantité de matière , )cs pendules , comme tous les autres corps , ont plus de pe­ fanteur à Patis , qu'à l'Ifle de Cayenne. On a pouffe le raifonnement jufqu'à calculer la quantité de force centrifuge que chaque degré terreftre doit avoir, fuivant le plus ou le moins 4e latitude , & la diminution que la même force doit caufer dans la graviré des corps, à chacun de ces degrés. Huygens & Newton allèrent jufqu'à marquer , quoiqu'avec quelque différence , le rapport entte l'axe de la terre & le diamètre de l'Equateur. Huygens le concluait de la feule force centrifuge , comparée à la gravité. Newton y joignait fa théorie fur la gravitation univerfelle. Ils étaient perfuadés que d'exactes expériences fur la pefanteur j pouvaient vérifier feules, nonfeulement la figure de la terre, mais encore lav grandeur de chaque degré , dans toutes les latitudes. Un nouveau phénomène , découvert dsns lo même te mps , leur parut confirmer cette théo*


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221

*îe. On reconnut, dans le difque de Jupiter, cer- ; taines taches , à l'aide defquelles les Aftronomes cbferverent qu'il faifait en fîx heures une ré­ volution fur fon axe. Comme elle était plus ra­ pide que celle qu'on attribuait à la terre , elle devait imprimer à toutes les patties de cette planète , une force centrifuge correfpondante à fa "Vélocité , & par conféquent plus grande que celle de la terre. Cerre force , par l'analogie d'un (Corps à l'aurre , devait prefqu'applatir le globe Ide Jupiter vers fes pôles. En effet , avec d'excellens micromètres , qui fervirenr à mefurer fes diamètres, on trouva que l'axe de révolution de .cette planète, était plus court que fon diamètre. Tous ces raifonnemens , fondés fur la feule différence de pefanteur dans le pendule, paru­ rent ingénieux aux Mathématiciens Français ; mais ils voulaient des expériences & des faits décififs. Ils reconnailïaient que la mefure de M. Picard ne pouvait être une régie fixe pour tous les degrés; car, devant être inégaux , fi la rerre n'était pas fphetique , cette mefure , quoiqu'exac"te pour la pairie qui avait été mefurée , ne pouvair êtte ap­ pliquée à ceux dont on ne connailTatt pas la me­ fure. C'eft ce qui fit naître la propolîtion de me­ furer la ligne méridienne qui traverfe la France, & c e projet fut entrepris, en 1 6 8 3 , par l'ordre exprès de Louis-le-Grand , fous la proteftion d'uq

Pérou.


222 H I S T O I R E PCIGU.

GENERALE

' Miniltre que toute l'Europe honore du même' furnom. M. Caiïini fut chargé de l'exécution. Ou choifit j pour premier point de cette mefure » l'Obfervatoire de Paris. Malgré quantité d'obita-des, elle fut continuée depuis Dunkerque jufqu'à Callioure •, & le Méridien de toute la France fut divifé en deux arcs , l'un de Dunkerque à Paris , & l'autre de Paris à Callioure. Tout l'ouvrage fut terminé en 1 7 1 8 . Les mêmes mefures , ob>» ferve M. de Maupertuis , furent répétées pat MM. Calîini j en différens temps , en différens lieux , avec différens inftrumens, & par diffé­ rentes méthodes. Le Gouvernement y prodigua toute la dépenfe & toute la protection imagi-J nables, pendant l'efpace de trente-iîx ans; & le réfultat de fix opérations , faites en 1 7 0 1 , 171 3 , 1718 , 175+ & 1735 » toujours que la terre était alongée vers les pôles. Ainfi , deux chofes réfuiraient de ces opérations, l'une que la terre n'était pas entièrement fphérique, en quoi les Français convenaient avec Huygens & Newton, l'autre qu'elle était un fphéroïde long, ou étendu vers les deux pôles, ce qui ne s'accordait pas avec l'opinion de ces deux Mathématiciens, qui la croyaient un fphéroïde large, ou applati vers les pôles. f u c

Cependant les mefures de MM. Caffini femblaient valoir une démonftration. Ils avaient trouvé, les degrés feptentrionaux de la France moindres


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223

«que les méridionaux , d'où ils concluaient avec raifon , que la terre étant plus coutbe vers les parties feptentrionales que vers les parties méridionales , elle devait avoir la figure d'un fphéroïde alongé -, la plupart des Savans ne doutaient point de la juftefïe de ces mefures. On prit parti en Efpagne , pour" l'opinion de MM. Caffini -, & , comme ils ne parlaient point du phénomène des pendules , deux de nos plus favans Académiciens entreprirent de l'ajufter avec la figure alongée de la terre. Les partifans de l'opinion oppofée, ne niaient pas que la mefure du Méridien de France n'eût été faite avec beau­ coup de précifion •, mais ils prétendaient q u e , dans les deux arcs qui la partageaient, la diffé­ rence de quelques degrés , par rapport aux au­ tres , était fi peu confidérable , & par conféquent fi peu fenfible, qu'il était aifé de la confondte avec l'erreur à laquelle toute obfetvation eft fujette. D'ailleurs quelqu'exaclitude que M. Caffini pere eût apportée à la fienne , il ne laiflait pas d y avoir un excédent de trente-fept toifes entre fa mefure vers Collioure , & celle de M. Picard, & une de cent trente fept entre fa mefure vers Dunkerque , & celle de fon fils. Dans cette difpute , j la terre de­ meurait indécife pour les perfonnes neutres, & tout le monde néanmoins fencait l néceffité d'une l a

n g u r e

e

a

Pérou,


224 HISTOIRE GÉNÉRALE décifion. Les navigateurs 7 étaient l e s plus inte?? Pérou* reffés, puifque les diftances des lieux différant dans les deux fyftêmes, cette incertitude les expofait à diverfes fortes d'erreurs. Les Géographes tombaient dans un extrême embarras pour leurs cartes : s'ils choififlaient mal entre deux opinions Conteflées * l'erreur ne pouvait être de moins dé d e u x degrés dans une diftance de cenr degrés. Les Aftronomes avaient befoin auffi d'une décifion fixe; de-là dépendait pour eux la connaiffance de 'la véritable parallaxe de la Lune, q u i fert à mefurer fes diftances, à déterminer fa po/ition & fes mouvemens •, & c'elr là-defïus qu'ils fondent l'efpérance de rrouver un jour la lon­ gitude fur mer. La queftion n'était pas moins importante pour les Phyficiens , puifqu'ils regar­ dent la gravité des corps comme l'agent univerfel qui fert au gouvernement de toute la Nature. Enfin d e - l à dépend encore la perfection du niveau , pour amener les eaux de loin , pour ouvrir des canaux , pour donner pafiage aux mers, pour faite changer de cours aux rivières i fans compter mille autres connaiflanccs, qui peu­ v e n t réfulter de la véritable détermination de h, figure dé la terre, par l'enchaînemenr que toutes les Sciences ont éntrelles. Tel était l'état d'une difficulté , qui occupait,' depuis quarante ans, l'Académie des Sciences * lorfque


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225

lorfque le Roi fie communiquer à cette Aca- ; demie , par M. le Comte de Maurepas, Miniftre & Secrétaire d'Etat de la Marine , la réfolution où il était de ne rien épargner , pour faire dé­ cider cette fameufe queftion. On ne trouva point de voie plus sûre'que d'envoyer, aux frais de Sa MaJefté , deux Compagnies d'Académiciens , l'une au Nord , pour mefurer un degré du Mé­ ridien près du Pôle ; l'autre en Amérique, pour en mefurer un autre près de l'Equateur. C'était en effet le feul moyen de lever tous les doutes fur la figure de la terre-, car tï elle était applatie, les degrés devaient aller en augmentant, depuis l'Equateur jufqu'au Pôle -, au contraire , fi elle était alongée , & fi , dans la comparaifon des degrés les plus proches , la différence était fi petite , qu'elle pût être confondue avec les er­ reurs prefqu'inévitables dans les obfervarions , on était fur qu'en compatant les degrés les plus éloignés , elle ne pourrait échapper aux Obfervateuts. Enfin fi la terre était parfaitement fphérique , les degtés, à quelque diftance qu'ils fuffent entr'eux , devaient êtte égaux, fans autre différence que celle qui peut réfulter des obfervations. Le Roi nomma , p

o u r

. écuter au Nord une ex

imtreprife fi digne de lui, MM. de Maupertuis, Clairaut , Camus & le Monnier, Académiciens

Tome XH

P.

?

Pérou,


226

H I S T O I R E

G É N É R A L E

& M . l'Abbé O u t h i e r , C o r r e f p o n d a n t d e l'Aca­ Pérou.

d é m i e , M . d e S o m m e r e u x pour Secrétaire , Se M . H e r b e l o t pour DelTmateur. L e R o i d e Suède y joignit M . Cellius, Ton Aftronome. Leur V o y a g e & leurs O b f e r v a t i o n s , q u i ont été publiés par M . d e M a u p e r t u i s , feront rappelles avec h o n n e u r , dans nos Relations du N o r d . Vers l'Equateur , Sa Majeilé chargea d e fes o r d r e s , M M . G o d i n , Bouguer & d e la C o n d a m i n e , A c a d é m i c i e n s , auxquels M . d e Juflîeu, D o c t e u r en M é d e c i n e , fut alïocié p o u r les O b s e r v a t i o n s Botaniques. O n leur d o n n a p o u r aides, dans les opérations g é o m é t r i q u e s , M . V e r g u i n , I n g é n i e u r d e la M a r i n e , M . G o d i n des O d o n a i s & M . Couplet ; M . de Morainville pour nateur , M. M.

Seniergues

H u g o pour

Deilï-

pour C h i r u r g i e n

H o r l o g e r . L e pays d e

Quito

& s

dans l'Amérique méridionale , parut le plus p r o ­ p r e à des obfervations , d o n t la plupart d e v a i e n t fe faire fous l'Equateur. L ' a g r é m e n t du R o i d'Efp a g n e fut d e m a n d é , p o u r un travail

d o n t les

t e r r e s d e fou D o m a i n e allaient recevoir un n o u ­ veau luftre ; Se non-feulement ce M o n a r q u e e n t r a v o l o n t i e r s dans des vues fi giorieufes à fon Sang ; mais il fouhaita l ' h o n n e u r , en

d'en

partager i m m é d i a t e m e n t

nommant

Efpagnols , D o n G e o r g e

deux

Mathématiciens

Juan , D o n

d ' U l l o a j p o u r accompagner

les

Antoine

Académiciens

Français , & pour affilier à leurs O b f e r v a t i o n s .


DES

V O Y A G E S .

227

Ils Te trouvèrent tous enfemble à Panama d'où cette illuftre Compagnie mit à la voile le 4 z de février 1 7 3 6 , 8c palfa pour la première fois l'a ligne, du 7 au 8 de mars. Elle aborda , le i o , à la côte de la province de Quito, dans la rade de Marna : ici fe fit la première féparation des Sa vans aflociés. Les deux Officiers Ef-

Pérou.

pagnols & M. Godin renrrcrent à bord & firent Mathéma­ voile pour Guayaquil. M. Bouguer & M. de la ticiens Condamine réitèrent fenls à Manta. Nous les y Efpagnols, -retrouverons, quand nous aurons fuivi les deux Efpagnols dans leur roure, qui offre des détails intérelTans jufqu'à Quito , où étoit le rendez-

vous général. Ils s'embarquèrent fur le fleuve de Guayaquil le 3 de mai 1 7 3 6 , & arrivèrent le 11 à Caracol , après bien des retardemens caufés par les courans qu'ils avaient peine à furmoMer. Pour continuer le chemin par terre, on leur tenait des mules prêtes . fur lefquelles ils fe mirent en route le 14. Quatre lieues quils firent d'abord , par des favanes , des bois de planes & de cacaotiers, les rendirent fur les plages de la rivière d'Oiibar. Jls la. travfrferent neuf fo ^ g dans fes divers dé­ tours , 8c toujours avec quelque péril, au Tra­ vers des rochers dont elle elt femée, qui n'em­ pêchent point qu'elle ne foit tout-à-la-fois, large, profonde & rapide. Le foir ils s'arrêtèrent ls

u e

P ij


I

Pérou.

228 HISTOIRE GÉNÉRALE au Port des Mofquites, dans une maifô'n fituéé fur la rive. Tout le chemin, depuis Caracol jusqu'aux plages d'Ojibar, eft fi marécageux j qu'ils avaient marché continuellement par des ravines & des bourbiers, où leurs mules s'en­ fonçaient jufqu'au poitrail : mais il devient plus ferme lotfqu'on a paffé les plages. On juge par le nom du l i e u , où les Mathématiciens panèrent la nuit, à quoi ils étaient condamnés pendant leur fommeil. Ils y furent fi cruellement piqués des mofquites , que quelques-uns prirent le parti de fe jetter dans la rivière, & de s'y te­ nir jufqu'au jour; mais leursvifages, feule partie du corps qu'ils ne pouvaient plonger dans l'eau , furent bienrôt fi maltraités, qu'il fallut abandon­ ner .cette refTource, & laitier du moins parrager le tourment à routes les autres parties du corps. Le 1 5 5 ils traverferent une montagne cou­ verte d'arbres épais, après laquelle ils arrivèrent à de nouvelles plages de la rivière d'Ojibar, qu'ils parlèrent encore quatre fois à gué, avec autant de danger que le jour précédent. Ils firent halte, à cinq heures du foir, dans un lieu nommé Caluma. On n'y trouve aucun endroit pour fe loger, & , pendant toute la jour­ née, il ne s'était offert aucune naaifon; mais les voituriers Américains entrèrent dans la monta­ gne , coupèrent des pieux & des ^branches &


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formèrent, en peu de temps, des cabanes, qui mirent tout le monde à couvert. Le chemin de ce jour avait été très-incommode , entre des arbres fi voifins les uns des autres, qu'avec la; plus grande attention , un voyageur fe meurtrir les jambes contre les troncs & la tête contre les branches. Quelquefois les mules & les cava­ liers s'embarraflent dans les béj'uques , efpèce de liane ou d'ofier qui traverfe d'un arbre à l'autre. Ils tombent & ne peuvent fe débarraffer fans fecours. Le 16", à 6 heures du matin, le thermomètre marquait 1016*. Aufîï commence-1-on à refpîrer un air plus frais. On fe remit en chemin à 8 heures-, & l'on palïa vers midi, dans un lieu, nommé marna Rumi. C'eft la plus belle cafcade que l'imagination puille fe repréfenter. L'eau y

1

tombe d'environ 50 toifes de haut, d'un rocher .... taille à pie*, & bordé d'arbres extrêmement touftus. La nappe de fa chute forme, par fa blancheur & f f e , ^ fpeébcle auquel M. d'UIIca n'avait rien vu d'égal. Elle fe raffemble fur un fond de roche, d'où elfe fort pour conti­ nuer fon cours dans un lit un peu incliné, fur lequel pafle le grand chemin. Cette belle caf­ cade eft nommée Paccha par les Américains & Chorréra par les Efpagnols. Les Mathématiciens-, continuant de m a r c h e r , panèrent deux fois la P iij a

c

tt

u

n

Pérou-.


Pérou,

230 HISTOIRE GÉNÉRALE rivicre fur des ponts auiîï dangereux que les gués, & vers deux heures après midi, ils arri­ vèrent à Tarrigagua. Une grande maifon de bois conftruite exprès pour les loger, fervic à les délafler d'une journée très-fatigante. Le chemin ne leur avait offert, d'un côté, que d'horribles précipices; & , de l'autre, il était fi étroir, que les Cavaliers & les montures n'ayant pas çeffé de heurter , tantôt contre les arbres & tantôt contre le roc, ils étaient fort meuttris à leur arrivée. On nous explique en quoi coníifte le danger des ponts. Comme ils font de bois & forr longs j ils branlent d'une manière eftrayanre fuis le poids de ceux qui les padent. D'ailleurs ils onr à peine trois pieds de lmge, fans aucune forte de para­ pets ou de garde - fous fur les bords. Une mule c i vient à broncher, tombe infailliblement dans la rivière, & ne manque pas d'y périr avec fa cjharge. Le partage étant guéable en été, on fa­ brique ces ponts chaque hiver, mais avec Ci peu de folidité, qu'ils demandent d'être renou­ velles tous les ans. Lorfqu'une perfonne de mar­ que fait cette route, le Corregidor de Guaranda eft obligé de Etire conitiuire , par des Améri­ cains, les manions de bois qui fervent au repos de chaque journée. Elles demeurent fur pied, pour fervir aux autres Voyageurs, juiqu'à ce


D E S V O Y A G E S . 231 qu'elles tombent faute de réparation. Alors un Voyageur ordinaire efl; réduit, pour tout loge­ ment, aux cabanes que fes vokuriers ou fes guides lui bâtilTent à la bâte.

!

Le 1 7 , à 6 heures du marin , le Thermo­ mètre marquait 1 0 1 4 1 ; & ce degré parut unpeu frais aux Mathématiciens, qui étaient ac­ coutumés à des climats plus chauds. Mais la même heure fait éprouver, à Tarrigagua, deux températures fort oppofées. S'il y a deux Voya­ geurs , dont l'uu vienne des montagnes, & l'autre de Guayaquil, le premier trouve le cli­ mat fi chaud, qu'il ne peut foufîrir qu'un habit léger; & l'autre, au contraire, trouve le froid fi fenfible, qu'il fe couvre de fes plus gros ha­ bits. L'un trouve la rivière fi chaude, qu'il efl: impatient de s'y baigner, & l'autre la trouve il froide qu'il évite d'y tremper la main. Une dif­ férence fi remarquable ne vient, des deux côtés, que de celle de l'air d'où l'on fort. En fortant de Tarrigagua,le 2 8 , à 9 heures du matin, les Mathématiciens commencèrent à mon­ ter la fameufe montagne de Saint-Anroine ; & , vers une heure après midi, ils arrivèrent dans un lieu que les Américains nomment Guamar , & les Efpagnols Cru^ de canna, c'eft-à-dire, Ctoix de rofeaux. La fatigue du chemin les força de s'y arrêter, Cruz de canna efl un petit P iv

1

Pérou.


232 HISTOIRE GÉNÉRALE efpace de plaine, un peu en pente, qui fait le milieu de la montagne. On nous reprélente le Pérou, chemin, depuis Tarrigagua, comme un des plus dangereux de l'Amérique. » Qu'on fe figure » 33dit M. d'Ulloa , des montées prefqu'à plomb, v & des delcentes fi rudes que les mules ont so beaucoup de peine à s'y foutenir. En quel-. »ques endroits, le pafTage a fi peu de largeur, » qu'il contient difficilement une monture. En s, d'autres, il eft bordé d'affreux précipices, qui » font craindre à chaque pas de s'y abîmer. Ces » chemins, qui ne méritent pas le nom de fen»>tiers, font remplis dans toute leur longueur, P 3 & d'un pas à l'autre, de trous de près d'un s, pied de profondeur , quelquefois plus pro» fonds , où les mules ne peuvent éviter de ?» mettre les pieds de devant & derrière. Quel«quefois leur ventre traîne à terre, & prefque «toujours il en approche jufqu'aux pieds du » cavalier. Les trous forment une efpèce d'efcaiplier, fans quoi la. difficulté du chemin ferait w invincible. Mais fi. malheureufement la .monture » met le pied entre deux trous, ou ne les place »pas bien dedans, elle s'abbat, & le cavalier w court plus ou moins de rifquç, fui van c le côté », par lequel il tombe.» Pourquoi ne pas mar-i cher à pied dat^s un chemin • de cette étrange* riatute? On répond qu'il n'eft pas aifé de fç


D E S

V O Y A G E S .

233

tenir ferme, fur les éminences qui font entre les trous , & que fi l'on vient à glifîer, on s'en­ fonce nécefTairement dans le trou même, c'eftà-dire , dans la boue jufqu'aux genoux-, caf ces trous en fonr remplis, & fouvent jufqu'au comble. On les nomme caraellons dans le pays-, ilsf font comme autant de trébuchets pour les mu­ les. Cependant les partages, qui n'ont point de trous, font encore plus dangereux. « C e s penres » étant fort efcarpées, & la nature du terrain, 30 qui eft de craie continuellement détrempée r> par la pluie, les rendant extrêmement glif» fautes, il ferait importable aux bêtes de charge »d'y marcher, fi les voitutiers Indiens n'allaient «devant , pour préparer le chemin. Ils portent » de petit hoïaux , avec lefquels ils ouvrent «une efpèce de petites rigoles à la diftance s> d'un pas l'un de l'autre, pour donner aux «mules le moyen d'affermir leurs pieds. Ce tra» vail fe renouvelle chaque fors qu'il, parte d'au» très mules, parce que, dans l'efpace d'une nuit ; ,la pluie ruine l'ouvrage du jour précédent; T> Encore le. confolerair _ de recevoir de fré»quentes m e u r t t i i î & d'être crotté ou «mouillé, fi l'on n'avait fous les yeux de? pré­ c i p i c e s & des abîmes dont la vue fait fré-' a mir, D> Enfin M. d'Ulka nous aûure, fons exa-

3

o n

ures}

Pérou.


Pérou.,

234 HISTOIRE GÉNÉRALE gération, que le plus brave n'y peut marcher qu'avec un friiTon de crainte, fur - tout s'il conferve allez de liberté d'efprit pour longer à la faibleffe de l'animal qui le porte. La manière dont on defcend de ces lieux tetribles ne caufe pas moins d'épouvante. Il ne faut point oublier que , dans les endroits oii la pente eft fi roide, les pluies font couler la terre & détruifent les camellons. D'un côté, on a fous les yeux des coteaux efcarpés, & de l'autre des abîmes, dont la vue feule glace les veines. Comme le chemin fuit la direction des montagnes, il faut nécelfairement qu'il fe con­ forme à leuts irrégularités. De fotte qu'au lieu d'aller droit , on ne parcourt pas cent toifes fans être obligé de faire deux ou trois détours. C'eft patticulierement dans ces finuofités, que les camellons font bientôt détruits. La Nature apprend aux mules à s'y préparer. Dès qu'elles font aux lieux où commence la defcentç, elles s'arrêtent, & joignent leurs pieds de devant l'un contre l'autre, en les avançant un peu fur une ligne égale , comme pour fe cram­ ponner : elles joignent de même les pieds de derrière, les avançant un peu auffi, comme li leur deffein était de s'accroupir. Dans cette pof. rure , elles commencent à faire quelques pas, pour éprouver le chemin, Eufuite, fans changer


D E S

V O Y A G E S .

235

de fituation, elles fe laiflent glifTer avec une vîtefTe étonnante. L'attention du cavalier doit être de fe tenir ferme fur fa felle, parce que le moindre mouvement, qui ferait perdre l'équi­ libre à fa monture, ne manquerait point de les précipiter tous deux. D'ailleurs pour peu qu'elle s'écartât du fentier , elle tomberait infaillible­ ment dans quelque abîme. M. d'Ulloa ne fe laffe point d'admirer l'adrefte de ces animaux; On s'imaginerait, dit-il, qu'ils ont reconnu 8c mefuré les pafïàges. Sans uti inftincT: fi puilTant, il ferait impoilible aux hommes de palier pat des routes où les brutes, leur fervent de guides. a Mais , quoique l'habitude les ait formées à » c e dangereux manège, elles ne 'aillent point *> de marquer une efpece de crainte ou de faiaofifleraenr. En arrivanr à l'entrée des defcentes, "elles s'arrêtent, fans qu'on ait befoin de tirer »la bride. Rien n'eft capable de lés faire avali­ sa cet fans avoir pris leurs précautions. D'abord won les voit trembler. Elles examinent le cheq»min , auffi loin que leur vue peu s'étendre. » Elles s ébrouent , comme pour avertir le caovaliet du péril , & s'il n'a pas déjà paflé * par ce même l i j prellèntimens ne lui «caufent pas peu d'effroi. Alors les Américains éprennent le devant, f portent le long du' opaifage,'grimpent aux racines d'arbres qu'ils e u

c e s

e

Pérou.


Pérou.

236 HISTOIRE GÉNÉRALE «voient découvertes, ils animent les mules par? «leurs cris, & ces animaux que le bruit femble aa.encourager , rendent le fervice qu'on attend » d'eux. « Dans d'autres endroits de la defcente» il n'y a point de précipices à craindre, mais le chemin y eft Ci rellerré, fi profond, fes côtés fi hauts & fi perpendiculaires, que le péril n'y eft pas moins grand, quoique d'une autre ma­ nière. La mule n'y trouvant point de place pour arranger fes pieds, a beaucoup plus de peins à fe foutenir. Si elle tombe néanmoins, ce ne peut être fans fouler le cavalier, & dans un fenrier fi étroit qu'en n'a pas la moindre liberté de s'y mouvoir -, il eft allez ordinaire de fe calî'er le bras ou la jambe, ou de perdre même le vie. . A l'entrée de l'hiver, & au commencement de l'été, ces voyages font plus incommodes & plus dangereux que dans toute autre faifon. La pluie forme alors d'épouvantables torrens, qui font difparaitre les chemins, ou qui I ruinent jufqu'à rendre le paftage absolument impoflible^ i moins qu'on ne fe fafle précéder d'un grand nombre d'Américains pour les réparer, & ces réparations même faites à la hâte, ou fufhTantes pour les naturels du pays,, laiflent encore de grands fujets d'effroi pour un Européen. En gé­ néral, le peu de foin qu'on donne à l'entretiene s


DES VOYAGES 237 fles chemins du Pérou en augmente beaucoup l'incommodité naturelle, car ce n'eft pas feule­ ment celui de Guayaquil à Quito, dont les Voyageuts fe plaignent, il n'y en a pas un feul de bon , dans toutes les parties des montagnes. Lorfqu'un arbre tombe de vieilIelTe , ou déra­ ciné par un orage , il ne faut pas croire que s'il bouche le chemin, on fe mette en peine de l'en écarter. Il y en a de fi gros que leur tronc n'a pas moins d'une aune & demie de diamètre. Ceux de cette groffeur demandant beaucoup d'appareil pour les remuer , les Américains fe contentent d'en diminuer une partie à coups de hache. Enfuite, déchargeant les mules, ils les forcent de fauter pardeffus le refte du tronc. L'arbre refte aiitïi dans la fituation où ils le trou­ vent •, & d'autres Américains qui viennent après les premiers, continuent de faire fauter les mules, jufqu'à ce qu'il foit pourri par le remps. Le 1 8 , à Cruz de canna, le degré du Ther­ momètre était de 1 0 1 0 . Les.Mathématiciens fe remirent en marche par un chemin femblable à celui du jour précédent jufqu'à Pucara, où l'on cefle de fuivre l rivière. Tour ce qu'on découvre au-delà de Pucara,' iorfqu'on a paflé les hauteurs de cetre Cordelière, eft un terrain fans montagnes & fans arbres, d'environ deux lieue» d'étendue, mêlé de plaines a

Pérou,


Pérou.

238 HISTOIRE GÉNÉRALE rafes & de fort petites collines. Les unes & les autres font couvertes de froment, d'orge, dé maïs & d'autres grains, dont la différente ver­ dure forme un fpectacle fott agréable pour ceux qui viennent de traverfer les montagnes. Cet objet parut fort nouveau à des Voyageurs ac­ coutumés, depuis près d'un a n , aux verdures des pays chauds & humides, qui font fort dif­ férentes de celles-ci. Ils trouvèrent, à ces belles campagnes, une parfaite reffemblance avec celles de l'Europe. 1

Après s'être repofés jufqu'au 2 1 , dans la maifon du Corregidor de Guaranda, ils reprirent leur route vers Quito, & le jour de leur départ, comme les deux jouts précédens, le Thermo­ mètre marqua 1 0 0 4 ^ . Le 2 2 , ils commencèrent à traverfer la bruyère, ou le défert de Chimborazo, laiílanr toujours à gauche la montagne de ce nom, & partant par des collines fablonneufes qui depuis le cap de Nége paraiffent continuel­ lement s'élargir. Les terres de ce Cap, qui vont, par un long efpace, en penchant des deux côtés vers la mer, environnent la montagne, & femblent en former les faces. Vers cinq heures du foit, les Mathématiciens arrivèrent dans un lieu , nommé rumi mâchai, celt-à-dire cave de pierre : ce nom vient d'un fort gros rocher, qui forme dans fa concavité une retraite alTez corns


D E S

V O Y A G E S .

239

triode, où les Voyageurs palîent la nuit. Cette journée avait été fatigante. On ne trouve fur la route ni précipices , ni partage dangereux ; mais le froid & le vent s'y font vivement fentir. Lorfqu'on a pa ffé le grand Arénal & furmonté les plus grandes difficultés de cet ennuyeux défert j on découvre les relies d'un ancien Pa­ lais des Incas , fitué entte deux montagnes & dont le temps n'a refpecté qu'une partie des murs. Le 2 $ , à 5 heures & un quart du matin , le Thermomètre marquait 1 0 0 0 , terme de la congélation dans cet inftrument. Auffi la campagne parut-elle toute blanche de frimats, & le rocher de Rumimachaï était tout couvert de gelée. A 9 heures du matin , les Mathématiciens recom­ mencèrent à côtoyer 'le Chimborazo à l'Eft &> vers deux heures, ils arrivèrent à Mocha, petit hameau fort ' pauvre , où ils parlèrent la nuit. Le terrain, qui efl entreCaracol & Guaranda, eft de deux fortes: le premier jufqu'àTarrigagua efl uni ; & , depuis Tarrigagua jufqu'à Guaranda , on ne fait que monter & defcendre. Les mon­ tagnes , jufquà deux lieues au-delà du Pucara, font couvertes de grands arbres de différentes efpèces , dont le branchage, feuilles, & la grolîeur du tronc caufent de l'étonnement aux l e s

Pérou,


240

H I S T O I R E

GÉNÉRALE

L V o y a g e u r s . T o u t e cette C o r d e l i è r e eft: auffi garnie» Pérou.

d e bois dans fa partie O c c i d e n t a l e , qu'elle e n eft d é p o u r v u e dans la partie o p p o i é e . C'eft

du

fein d e ces m o n t a g n e s , q u e fort la rivière qui , gtoffie par u n e infinité d e ruiffeaux , occupe u n fi vafte lit depuis Caracol jufqu'à T o u t e l'étendue d e

Guayaquil.

ces m o n t a g n e s , qui n e

laiftent pas d'avoir b e a u c o u p d e terrain u n i , dans leur partie f u p é r i e u r e , a b o n d e e n d i v e r f e s efpcces d'animaux & d'oifeaux , d o n t la plupart différent p e u d e ceux d e T i e r r a - F i r m e . O n peut y j o i n d r e les paons f a u v a g e s , les faifans, u n e efpèce

pir-

ticuiiere d e p o u l e s , & q u e l q u e s a u t r e s , d o n t l'a­ b o n d a n c e eft fi g r a n d e q u e s'ils fe

perchaient

m o i n s h a u t , & s'ils n e fe cachaient pas fous les feuillages des arbres , les V o y a g e u r s befoin faire

q u e d'un

fufil

*

de

n'auraient

munitions

pour

c o n t i n u e l l e m e n t la m e i l l e u r e c h è r e . Il s'y

t r o u v e auffi b e a u c o u p d e f e r p e n s , & des linges d ' u n e finguliere g r a n d e u r , qu'on diftingue , dans l e p a y s , par le n o m d e marimondas.

Don d'UI-

loa n e craint pas d'affûter q u e lorfqu'ils fe dreffént fur leurs pieds', ils ont plus d'une aune & d e m i e d e hauteur. L e u r poil eft noir. Ils font extrê­ mement

laids , mais ils

s'apprivoifent

facile­

ment. Les cannes ne font nulle part auffi belles q u e 'dans la r o u t e d e Guayaquil à Q u i t o . L e u r lon­ gueur


D E S

V O Y A G E S .

241

'gueur ordinaire eft entre fix & huit toifes -, & , ; quoique leur groffeur varie , les plus épaifleS n'ont qu'environ fix pouces de pied-de-roi, ce qui Fait à-peu-près Un quart d'aune de Caftille. La partie ferme & maffive de chaque tuyau a fix lignes d'épaifleu'r. On comprend qu'étant ouverres, elles forment une planche d'un pied & demi de large ; & l'on ne s'étonnera point qu'elles fervent à la conftruclion des édifices du Pays» Pour cet ufage & quantité d'autres, on ne les coupe qué dans leur parfaite grandeur. La plu­ part des tuyaux font remplis d'eau , avec cette différence que, pendant la pleine Lune, ils font tout-à - fait pleins, & qu'à mefure que la Lune décroît, cette eau diminué, jufqu'à difparaitre entièrement dans la conjondion. L'expérience n'en lailïa aucun doute à Don d'Ulloa. Il obferve suffi qu'en diminuant , l'eau fè trouble , & qu'au contraire, dans fâ plus grande abondance, elle eft auffi claire que lecryftal; les Péruviens ajou­ tent d autres particularités : tous les tuyaux , difent-ils, né fe templiilent pas à-la-fois-, entre deux pleins , il ] un qui refte vide. Ce qü il y a de certain fur le témoignage du Mathématicien, c'eft q fi l' n ouvre un tuyau v i d e , on en trouvé de fuite deux autres pleins; On attribue à leur eau la.vertu de difiiper lé9 apofthemfes qui peuvent naître d'une chiite. Àuffi Tome XIL Q v

e n

A

t o u

u e

o u r s

0

péróo.


242 Pérou.

Lu Conda-

ni ine.

HISTOIRE

GÉNÉRALE

tous les Voyageurs, qui defcendent des montagnes» ne manquent pas d'en boire, pour fe fortifier contre les coups & les meurtrilTures qu'on ne peut gueres éviter dans cette route. On laifie lécher les cannes , après les avoir coupées. Elles font alors alfez forres pour fervir de chevrons & de folives. On en fait auffi des planches & des mâts pour les balzes. On en double les foutes des vaifleaux qui chargeur du cacao, pour em­ pêcher que la grande chaleur de ce fruit ne confumele bois. Enfin ces cannes fervent à mille forres d'ouvrages. Cependant M. Bouguer & M. de la Condamine étaient reliés feuls à Manra. Ces deux Aca­ démiciens fe propofaicnt d'y obferver l'Équinoxe par une nouvelle méthode de M. Bouguer ; de reconnaître le point où pafïait l'Equateur, de fixer, par l'obfervation de l'éclipfe de Lune du z6 Mai, la longitude entièrement inconnue de cette Côte , la plus Occidentale de l'Amérique Méridionale , & d'examiner le Pays où leurs opérations de la mefure de l'Equateur devaient les conduire. D'autres motifs fe joignirent à ces premières vues : ils voulaient chercher , fur les plages de la Côte, un terrain commode à n;eïurer , & propre à fervir de bafe à leurs dé­ terminations géométriques. « Nous ne devions s» point négliger, dit M. de la Condamine, l'ocr t


D E S

V O Y A G E S

«cafion d'obferver les réfractions

243

Aftronomiques

» d é la Z o n e - T o r r i d e , en profitant

d e la

vue

» d e l'horizon d e la m e r , q u e nous allions b i e n t ô t » p e r d r e d e vue dans un Pays d e

montagnes:

M enfin il était à propos d e faire l'expérience d u 35 pendule à fécondes , au niveau d e la mer

&

» fous l'Equateur m ê m e . L'exécution d e tant d e » projets n e

prit qu'un

mois. »

Tandis

que

M . Bouguer s'occupait des réfractions, M . d e la C o n d a m i n e d é t e r m i n a le point d e la C ô t e , o ù elle eft coupée par l ' E q u a t e u r : c'eft une p o i n t e , appellée Palmas le plus faillant ;

,

o ù il g r a v a , fur le une

inferintion

rocher

pour

l'utilité

des gens d e m e r . La perfécution des maringoins eft infupportable dans ce lieu -, & le Ciel y eft p r e f q u e toujours c o u v e r t d e nuages. En

débat'

q u a n t à Manta , on avait averti la C o m p a g n i e d e fe tenir en garde contre les ferpens , qui y font c o m m u n s & d a n g e r e u x . Des la

première

n u i t , M . d e la C o n d a m i n e en vit un iufpendu à l'un des montans de la cafe

de

rofeaux , fous

laquelle il avait fon hamac , mais ils n'attaquent point un h o m m e s'il évite d e les t o u c h e r . Les deux' Académiciens vifiterent C h a r a p o t o , P u e r t o - V é j o , & parcoururent la C o t e , depuis le Cap S a n - L o r e n z o , jufqu'au C a p Pallado 6c R i o - J a m a . Pendant leur féjour à P u e r t o - V é j o , M . d e la C o n d a m i n e g u é r i t , avec du quinquina Q ij

Pérou.


244

HISTOIRE

GÉNÉRALE

qu'il avait apporté de France, une Créole qufc íérou.

la fièvre tourmentait depuis un an , & qui n'avait jamais entendu patler d'un fébrifuge qui croît dans fa Patrie. La famé de M . Bouguer, qui commençait à fe déranger , l'ayant obligé, le 15 Avril , de prendre fa route vers le Sud , pour aller rejoindre M. Godin , & les Officiers Efpagnols à Guayaquil, M. de la Condamine fe vit feul , & c'eft dans fon propre récit , qu'on va représenter la route qu'il prit pour Quito. « L e s inflrumens, dit-il, furent pattagés entre » M . Bouguer & moi. Je lui remis mon petit «quart de cercle d'un pied de rayon, & je me *> chargeai du grand. Nous avions commencé en-, r> femble la Carte du Pays : je la continuai feul, » & n'ayant pu trouver de guide pour pénétrer » à Quito en droite ligne, au travers des bois, n>où l'ancien chemin était effacé, je côtoyai les * terres en pirogue , l'efpace de plus de 50 7>lieues vers le Nord. J e déterminai, par obferœvation à terre, la latitude du Cap San-Fran•Kcifco, celle de Tacamos, & des autres points »les plus remarquables. Je remontai enfuite une «riviere très-rapide, à laquelle une mine d'é» rweraudes , aujourd'hui perdue, a donné le « n o m qu'elle conferve. Je levai le plan de fon je cours , & la carre de mes routes, depuis


DES

V O Y A G E S .

245

iolte'Iîeu de mon débarquement jufqu'à Quito. «Tout ce terrain eft couvert de bois épais, » o ù il faut fe foire jour avec la hache. Je mar» chais, la boulîole & le thermomètre à la main, w plus fouvent à pied qu'à cheval. Il pleuvait »régulieremenr tous Les jours après midi. Je » traînais après moi divers inftrumcns & le grand » quart de cercle, que deux Américains avaient »bien de la peine à porter. Je recueillis & def» » finai dans ces vaftes forêts, un grand nombre »>de plantes & de graines (ingulieres que je S5 remis enfuite à M. de Julîieu. Je parlai huit » jours entiers dans ces défeits, abandonné de «mes guides. La poudre 8c mes autres provi35 fions me manquèrent» Les bananes & quelques » fruits fauvages faifaient ma rellburce. La fiè» vre me prit : je m'en guéris par une dicte qui » m'était confeillée par la raifon, 8c ordonnés »par la néceffité. y

«Je fortis enfin de cette felirude, en fuivant *>une crête de montagnes, où le chemin, ou» vert trois ans après par Don Pedro Maldonado, 32 Gouverneur de la Province, n'étair pas encore «tracé. Le {entier où je marchais, était bordé *>de précipices, creufés par des torrens de neige » fondue, qui tombent à grand bruit du haut » d e cette fameufe montagne connue fous le »nom de Cordelière des Andes, que je c o m Q iij

r

Pérou»


246

H I S T O I R E

G É N É R A L E

« mençais à m o n t e r . J e trouvai à m i - c ô t e , a p r c S Pérou.

« q u a t r e jours d e m a i c h e au milieu

des boi'J,

« u n Village Américain, n o m m é Ni^uas,

où j e

o>m'arrêrai. J'y entrai par un ravin étroir q u e les « e a u x ont cavé d e 18 pieds de profondeur. Ses « b o r d s coupés à p i c , femblaienr fe j o i n d r e par « l e h a u r , & lailfàient à peine le palTàge

d'une

« m u l e : o n m'alTura q u e c'était là le g r a n d c h e » m i n , & il eft vrai qu'alors il n'y en avait pas « d ' a u t r e . J e paflai plufîcurs torrens fur ces ponts « f o r m é s d'un réfeau d e l i a n e s , femblable à nos «filets d e P ê c h e u r s , tendu d'un b o r d à l'autre *>& c o u r b é par fon p r o p r e poids. J e les vis alors « p o u r la première fois, & je ne m'y étais pas « e n c o r e familiarifé. J e rencontrai fur u n e r o u t e « d e u x auttes h a m e a u x , dans l'un defquels

l'ar-

« g e n t m'ayant m a n q u é , je laïfTâi m o n quart d e «cercle

& ma malle en gage chez le C u r é ,

« p o u r avoir des mulets & des Américains

juf-

» qu'à N o n o , autre Village, où je trouvai un R e « l i g i e u x Francifcain, qui m? fit d o n n e r à crédit « t o u t ce q u e j e lui demandai. « P l u s je m o n t a i , plus les bois s'éclairci riaient: « b i e n t ô t je ne vis plus q u e des fables, & plus » haut

des rochers

nus & c a l c i n é s , qui

bor-

» daient la c r o u p e Seprentrionale du volcan d e »Pichincha.

Parvenu

au haur de

la c ô t e ,

je

« fus faifi d'un .étonnement mêlé d'admiration à


D E S

V O Y A G E S .

247

»raipeâ: d'un long vallon de cinq à fix lieues de

:

a» large, entrecoupé de ruilleaux qui fe réunifiaient Péiou. s> pour former une rivière. Tant que ma vue » pouvait s'étendre , Je voyais des campagnes «cultivées, diverfifiés de plaines & de prairies, j> des coteaux de verdure, des Villages, des hawraeaux entourés de haies vives & de jardina»ges : la Ville de Quito terminait cette riante *> perfpeclive. Je me crus tranfporté dans nos oplus belles Provinces de France. A mefure que » ] e defcendais, je changeais infenfiblement de «climat, en paiThnt, par degrés, d'un froid extatrême à la température de nos beaux jours du 9>mois de mai. Bientôt j'apperçus tous ces objets » de plus près & plus diltinéremenr. Chaque » inftant ajoutait à ma furprife : je vis, pour la » première fois, des fleurs, des bourons & des =°fruits, en pleine campagne fur tous les arbres. w

J e vis femer , labourer & recueillir dans un

3»même jour & dans un même lieu.-»-* Il entra dans Quito , le 4 de juin. M. Bou-i guer était le feul à qui fa mauvaile famé

n'a­

vait pas encore permis de s'y rendre. Mais le 1 o du même mois, treize mois après leur départ de France, ils s'y trouvèrent tous raflemblés. En

17385

" employa les premiers jours de

Septembre à faire un voyage au-delà de la Cdr-r dcliere Orientale, à Tagualo, diftrid peu Con&U* Q_ iar


Pérou.

248 HISTOIRE GÉNÉRALE dont il leva la Carte. Le Marquis de Màcnzai Seigneur de tout ce canton, avait fait conftruira fur le fommet de la montagne de Gnougnououtcou un logement pout lui, & un abri pour fes inftrumens-, mais, par un contre-temps qui n'était que trop ordinaire, le brouillard rendit fes peines & tous ces préparatifs inutiles. Mais, en revenanr, il fe détourna un peu du chemin pour voir le lac de Quilotoa , fitué fur le haut d'une montagne , dont on lui avait raconté des chofes merveilleufes. Ce lac eft renfermé dans une enceinte de ген chers efearpés, qui ne lui parut pas avoir beau­ coup plus de deux cens toifes de diamètre, quoi­ qu'on lui fuppofe une lieue de tour. Il n'eut ni le temps, ni la commodité de le fonder. Il s'ea fallait alors environ vingt toifes que l'eau n'attei­ gnît les bords. On lui. aflura qu'elle était mon­ tée depuis un an de cette hauteur-, qu'elle avait près des botds, plus de quarante toifes de pro­ fondeur, 8c qu'il était long-temps refté dans fon milieu, une Ifle & une bergerie, que les eaux en s'élevant p e u - à - p e u , avaient enfin tout-à- fait couvertes. M, de la Condamine ne garantit point la vérité de cçs faits-, & , quoiqu'ils n'aient rien d'impollible, il avoue qu'il avait regardé comme une fable ce qu'on lui avait dit fur la foi des traditions Pétuviennes, que peu après la forma*.


D E S V O Y A G E S . 249 tion du lac, il était forti du milieu de fes eaux ; des tourbillons de flamme, & qu'elles avaient P é r o u . bouilli plus d'un mois. Mais, depuis fon retour en France, il a fu de M. Maënza qui était à Paris en 1 7 5 1 , & qui avait douté auffi de tous les faits précédens, qu'au mois de décembre 1 7 4 0 , il s'éleva, pendant une nuit, de la furface du même lac , une flamme qui confuma tous les arbuftes de fes bords & fit périr les troupeaux qui fe trouvèrent aux environs. Depuis ce temps, tout a confervé fa fituation ordinaire. La cou­ leur de l'eau eft vetdâtre, on lui attribue un mauvais goût -, & , quoique les troupeaux voifins en boivent, on ne voit fur fes bords, ni même dans le voifinage , aucune forte d'oifeaux & d'animaux aquatiques. Celles qui coulent du côté de la montagne font falées : les raches, les moutons, les chevaux & les mulets en paraifTent fort avides. Du côté oppofé, les fources donnent une eau fans goût, qui palTe pour une des meilleures du pays. Il y a beaucoup d'ap­ parence que le baffin de ce lac eft l'entonnoir de la mine d'un volcan, qui, après avoir joué dans les fiécles paiTés, fe renflame encore quel­ quefois. Le baffin a pu fe remplir d'eau, par quelque communication fouterraine avec des montagues plus élevées. LJn des points que M.

Bouguer & M. de


Pérou.

250 HISTOIRE GÉNÉRALE la Condamine reconnurent enfemble , était une petite montagne , nommée Rabouco , voifine des villages de Penipé & de Guanando , où l'on recueille de fort belle cochenille , fut une /efpèce particulière de ces arbuftes à feuilles épineufes , a p p e l l e s Opuntia par les Boraniftes , & vulgaire­ ment Rakertes. La bafe de la montagne de Nabouco, eft de marbre dans les ravines des environs ; M. de la Condamine en découvrit de très beaux & richement veinés de p l u s i e u r s couleurs. Il y vit auflï des rochers d'une pierre blanche , auflï tranfparente que l'albâtre , & plus dure que le marbre. Elle fe cafle par éclats , & rend beau­ coup d'étincelles. On allure qu'un f e u violent la liquéfie. L'Académicien Soupçonnant qu'elle pou­ vait être utilement employée à la porcelaine, en recueillit des fragmens , qui faifaient partie de l'envoi qu'il fit en 1 7 4 ° ' P I cabinet du Jardin du Roi. Il trouva auffi , en defcendant plus bas , une carrière d'ardoife , pierres dont on ne fait aucun ufage dans le pays, & qui ' y eft pas même connue. Sur la fin du mois d'Août 1 7 3 9 , M. de la Condamine n'ayant pu fe défendre d'alîîfter a une courfe de raureaux qui fe fallait àCuença, il fut témoin d'un trille fpeétacle. M. Seniergues, Chirurgien de la Compagnie Françaife , honoré pat confécpient de la protection de deux Soum , r

e

n


DES V O Y A G E S . 251 Verains , fut afïaffiné en plein jour , à l'occafion d'une querelle parriculiere. Ce meurtre fut fuivi d'un foulévement général contre les Mathéma­ ticiens , fans en excepter les deux Officiers Efpagnols , & la pluparr virent leur vie menacée. M. de la Condamine, que Seniergues avait nommé, en mourant , fon exécuteur teftamentaire , fe ttouva forcé d'intenter & de foutenir, pour l'hon­ neur du mort , un procès criminel, qui dura près de rrois ans. Les coupables en furent quittes pour quelques années d'un banniflèment qu'ils n'obferverent point , & pour une amende qui ne fut pas payée -, ils furent même abfous après le départ des Académiciens -, mais le plus criminel ne biffant pas de craindre la Juftice , quelquefois févere , quoique toujours lente , du Confeil d'Efpagne, prit le parti de fe faire Prêtre. Les embarras de cet événement, qui donnè­ rent un nouveau luftre au caractère noble & g é ­ néreux de M. de la Condamine , ne furent pas adoucis par les divertiffemens qu'on lui procurair quelquefois. Les Américains de la rerre de Tarqui, où il f uvair à la fin de Décembre, font dans l'habitude de célébrer tous les ans une fête qui n'a rien de barbare ni de fauvage , & qu'ils ont imitée de leurs conquérans Efpagnols , comme ceux - ci 1 ont autrefois empruntée des Mores. Ce font des courfes de chevaux , qui e

tr0

Pc lou.


252 Pçrou.

HISTOIRE

GÉNÉRALE

forment des ballets figurés. Les Américains louent des parures deftinées à cet ufage , & femblables à des habits de théâtres ; ils fe fournifienr de lances & de harnois éclatans pour leurs chevaux, qu'ils manient avec peu d'adrelle & peu de grâce. Leurs femmes leur fervent d'écuyers dans cette occafion , & c'eft le jour de l'année, où la mifere de leur condition fe fait le moins fentir. Les maris dépenfent , en un jour , plus qu'ils ne gagnent dans l'eipace d'un an ; car le maître ne contribue guères au Spectacle qu'en l'honorant de fon alTiftance. x

Cette efpèce de carroufel eut pour intermède, des fcènes pantomimes de quelques jeunes Métis, qui ont le talent de contrefaire parfaitement tout ce qu'ils voient , & même ce qu'ils ne comprennent point. Les Académiciens en firent alors une fort agréable expérience. « Je les avais » vus plusieurs fois, raconte M. de la Condamine, «nous regarder attentivement, tandis que nous » prenions des hauteurs du Soleil pour régler »nos pendules. Ce devait être pour eux un » myltere impénétrable , qu'un Obfetvateur à ge»noux , au pied d'un quart-de-cetcle , la tête mrenverfée , dans une attitude gênante » tenant «d'une main, un verre enfumé, maniant de » l'autre les vis du pied de l'inftrumenr, portant * alternativement fou oeil à la lunette & à- J a


D E S

V O Y A G E S .

253

• divifion , pour examiner le fil à plomb, cou- • toraiit, de temps en temps , regarder la minute Pérou. » & la féconde à une pendule, écrivant quel»ques chiffres fur un papier, & reprenanr fa «première fituarion : aucun de nos mouvemens * n'avait échappé aux regards curieux de nos » fpectateurs. Au moment que nous nous y atten» dipns le moins, parurent fur l'arène de grands «quarts de cercle de bois & de papier peint , »aflez heureufement imités ; & nous vîmes ces «bouffons nous contrefaire rous avec tant de » vérité , que chacun de nous, & moi le pre-] «9 mier , ne put s'empêcher de fe reconnaître; »5 Tout cela fut exécuté d'une manière fi co-. ?> mique , que, n'ayant rien vu de plus plâifant, » pendant les dix ans du voyage , il me prie , » une forte envie de rire , qui me fit oublier, » pour quelques momens, mes affaires les plus » férieufes. » Après l'année 1 7 3 5 , M. de la Condamine avait envoyé à l'Académie différentes raretés > dont il donne une curieufe lifte. On voit, au Cabinet du Jardin du Roi , les premiets envois faits de nos l f l & de Porto-Bello en 1 7 3 5 , & un autre de Quito en 1 7 3 7 . La caille embar­ quée à Lima, en 1 7 3 7 » pour Panama , contenait, autre un vafe d argent du temps des Incas, plu-, jîeuts petites idoles d'argent, des anciens Pérue s


254 Pérou.-

HISTOIRE

GÉNÉRALE

viens > un grand nombre de vafes antiques d'af» gille , de plulieurs couleurs, ornés d'animaux quelques-uns avec un tel artifice , que l'eau for­ mait un fifflement lorfqu'on la verfait -, un beau morceau de mine de cryfiai , plusieurs pétrifi­ cations & coquilles foffiles du Chili, une belle plante marine, adhérente à u n caillou lilTe, dixhuit coquilles rares, un aimant de Guancaelica, une dent molaire , pétrifiée en agate, du poids de deux livres, plulieurs baumes fecs & liquides, un Dictionnaire & une Grammaire de la Langue des Incas. La cailïe, perdue à Carthagène, con­ tenait quelques vafes d'argille , iemblables aux précédens, plulieurs autres vafes, des calebafies de différentes formes, ornés de deiîins faits à la main avec un chatbon brûlant, & quelques-unes montées en argent avec leurs pieds, des incrus­ tations pierreufes du ruifleau de Tanlagoa , entr'autres fur une planche qui y avait été plongée trois ans, & où les caractères que M. de la Condamine y avait tracés, parafaient en relief; plulieurs marcaffites taillées, de la piètre appellée miroir de l'Inca , un grand nombre de fragmens de cryftal noirâtre , nommé dans le pays pierre de Gallinao , deux pièces de bois pétrifié ; plulieurs pierres de différentes formes, qui ont fervi de haches aux anciens Américains, divers mortiers & vafes d'une efpèce d'albâtre, f


D E S

255

V O Y A G E S .

iin petit crocodile d e la rivière d e G u y a q u i l , la ; Pérou.

tête & la peau empaillées d'une belle c o u l e u v r e , n o m m é e coral, d o n t les anneaux font couleur d e feu , & noir , &c. A i n i î , l'attention & les foins d e l'Académicien s'étendaient à tout. Il m a r q u a l'époque du fâcheux accident qui le priva d e l'ouïe. C e fut e n

1-741,

au retour d'une courfe qu'il fit d e r r i è r e les m o n ­ tagnes , à

rOueft

d e Q u i t o , en allant reconnaître

l e nouveau chemin q u e D o n

Pedro

Maldonado

venait d'ouvrir d e Quito à la rivière des E m e ­ raudes. U n e

fluxion

violente dans la tête , fruit

des alternatives d e froid & d e c h a u d , auxquelles il s'expofait

en obfervant jour & n u i t , & fou-

vent fur un terrain froid & h u m i d e , lui caufa cette cruelle infirmité , qui

d u r a le refte

de

fa v i e . U n voyage remarquable, q u e M. d e la C o n d a m i n e fit au c o m m e n c e m e n t d e J u i n , avec M . B o u g u e r

3

fut celui du volcan d e P i c h i n c h a , le Véfuve d e Quito , au p i e d d u q u e l cette Ville eft fituée. Ils en étaient voiiins depuis iept ans , fans l'avoir vu d'aiüTl près qu'il était naturel d e le d é l i r e r ,

&

le beau temps les y invitait. Mais on connaît q u ' u n fujet d e cette n a t u r e , d e m a n d e la narration d u Voyageur même, j La partie fupérieure du en trois f o m m e t s ,

Pichincha fe

divife

éloignés l'un de l'autre

de


256 Pérou.

HISTOIRE

GÉNÉRALE

douze ou quinze cens toifes, & prefqu'égalemenf hautes. Le plus oriental , qu'oh a décrit dans un autre article > eft un rocher efcatpé , fur lequel les deux Académiciens avaient campé en 1 7 3 7 . Le fommet occidental , par otï les flammes fe firent jour en 1 5 3 8 , 1 5 7 7 & 1660, eft celui qu'ils n'avaient encore vu que de loin , & que M. de la Condàrnine fe propofait de reconnaître plus particulièrement; « J e fis chercher , dit-il, à Quito & âUx enavirons , tous les gehs qui prétendaient avoir »vU de près cette bouche du volcan , fur-tout » ceux qui fe vantaient d'y être defcendus , » & j'engageai celui qui me patut le mieux « infhuit à nous accompagner. Deux jours avant » notre départ , nous envoyâmes monter Une » tente à l'endroit le plus commode , & le plus •»à portée de l'objet de notre curiofîté. Des «mules devaient porter notre bagage, un quart 'a»dé cercle & nos provifions. Le jour marqué, « les muletiers né parurent point. Il en fallut allet «chercher d'auttes. L'impatience fit prendre les «devants à M. Bouguer, qui arriva fur les trois «heures après-midi, à la tente. A forcé d'argent « & d'ordres deS Alcades, je trouvai deux mu«letiers , dont l'un s'enfuit le moment d'après. « J e ne Liflai point de pattir avec l'autre, q « j e gardais à vue. Il n y avait qu'environ trois lieue* u e


D E S V O Y A G E S . 257 w lieues à faire. Je connaiiTais le chemin, jufqu'à s» l'endroit d'où l'on devait voir la tente déjà » pofée , & j'étais accompagné d'un jeune garçon, o>qui avait aidé à la drefler. Je fortis de Quito, » fur les deux heures après midi , avec le jeune » homme 8c un valet du pays ,tous deux montés, » le muletier Américain, & deux mules chargées » d e mes inftrumeiis, de mon lit 8c de nos vivres, m Pour plus de hîreté , je ne refufai point un » Métis, qui, de fon propre mouvement, s'offrit » à me guider. Il me fir faire halte dans une ferme, » où je congédiai mon Américain venu de force, » après en avoir engagé un autre à me fui vie de * bon gré. On verra fi j'avais poufîé trop loin les » précautions. » A mi-côte , nous rencontrâmes un cheval à la =o pâture. Mon Américain lui jettaunlaqs, & fauta » deflus. Quoique les chevaux , à Quito, ne foient y* pas au premier qui s'en failit , comme dans les » plaines de Buenos-Aites, je ne m'oppofai point » à I heureux hafard qui mettait mon muletier en soétat d'avancer plus vite. Il paraifîait plein de abonne volonté , lui & fes camarades. » Nous arrivâmes , un peu avant le coucher du en Soleil, au plus h d l partie de la 111011wtagne , oh Ion peut atteindre à cheval. Il érait » tombé , les nuits précédentes, une fi grande » quantité de neige , qu'on u voyait plus aucune Tome XIL R a u :

e

a

e

Pérou.


Pérou.

258 HISTOIRE GÉNÉRALE os trace de chemin. Mes guides me parurent in4 a» certains. Cependant il ne nous reliait qu'un » ravin à palier, mais profond de quatre-vingt wtoifes & plus. Nous voyions la tente au-delà. »Je mis pied à terre , avec celui qui avait aidé »à la pofer , pour m'affurer fi les mules pou» vaient defcendre avec leur charge. Q u a n d j'eus » reconnu que la defcenre était praticable , j'ap•«pellai d'en-bas, on ne me répondit point. Je re» montai, & je trouvai mon v^let feul, avec les » mulets. L'Américain & le Métis, qui s'étaient » ofterrs de bonne grâce , avaient dilparu. Je ne »crus pas devoir palier outre fans guides , fur»tout avec des mules fort mal équipées. Celui » qui avait moiré la tente , ne comaillait pas le s» gué de la ravine, ni le chemin pour remonter s>à l'autre bord. N o u s étions loin de toute ha«bitation : u n e cabane que M. Godin avait » commandée depuis un an, pour y faire quelques «expériences, n'était.qu'à un quart de lieue de » nous. Mais j'avais reconnu, en partant , qu'elle » n'était pas ei core couverte , & qu'elle ne pouM v a i r me fervir d'abri. Je n'eus d'autte parti à reprendre que de revenir fur mes pas, pour re» gagner la ferme où j'avais pris le Péruvien qui «m'avait quitté A chaque inftant, il e fallait » defcendre de cheval , pour raccommoder les v charges qui tournaient fans celle. L'une n'étais m


D E S

V O Y A G E S .

259 q u e l'autre fe d é r a n g e a i t :

s»pss p l u t ô t rajuftée

« m o n valet & le j e u n e Métis n'étaient s> plus habiles M u l e t i e r s q u e m o i . Il

Pérou,

guetes

était

déjà

« h u i t h e u r e s , & depuis la fuite d e mes g u i d e s , s? nous

n'avions

pas

» Il nous en

reliait

» les devants

,

fait au

pour

l'efpace

d'une

lieue.

m o i n s autant. J e pris aller

chercher

du

Se-

.» cours. »11 faifait un fort b e a u clair d e L u n e , & Je «reconnaifïais le terrain : mais à p e i n e

étais-

» j e à m o i t i é chemin d e la ferme , q u e j e

me

3>vis t o u t - d ' u n - c o u p e n v e l o p p é d'un brouillard «fi é p a i s , q u e je m e perdis absolument. J e m e « t r o u v a i s e n g a g é dans un bois taillis, b o r d é d ' u n » folié profond , & j'errais dans ce l a b y r i n t h e j •>fans en r e t r o u v e r l'ilTue. J'étais defcendu d e m a » m u l e , pour tâcher d e voir o ù je pofais le p i e d . " M e s f o u l i e r s & mes botines furent b i e n t ô t aulTi » pénétrés d'eau , q u ' u n e l o n g u e cape Efpagnole

t

s> à un drap d u P a y s , d o n t le poids était acca33 blant. J e gliflais & je tombais à c h a q u e pas. M o n w impatience était égale à ma I a l ï i t u d e . J e jugeais «que

le jour n e pouvait être é l o i g n é , lorfque

» ma m o n t r e

m ' a p p i qu'il n'était q u e m i n u i t ,

»&

avait

qu'il n y

r

t

q

u

e

t r o

is

heures que

ma

«Situation durait ; il en reliait hx jufqu'au j o u r . »Une

clarté, q u i n e d u r a q u ' u n m o m e n t ,

me

m rendit I'efpérance : je m e tirai d u bois & j'en-; R

ij


260

HISTOIRE GÉNÉRALE le fommet d'une croupe avancée de lé 33 montagne , fur lequel eft une croix qui fc 33 voit de toutes les parties de Quito. Je jugeai 33 que de-là il me ferair facile de m orienter-, & »j'y dirigeai ma route. Malgré le brouillard qui 33 redoublait , j'étais guidé par la pente du ter33rain. Le fol était couvert de ces hautes herbes s» dont j'ai parlé plufieurs fois : elles m'atteignaient 3> prefqu'à la ceinture , & mouillaient la feule » partie de mes habits qui eut échappé à la pluie, as Je me trouvais à-peu-près à cette hauteur 33 où il celle de neiger & où il commence à 33 pleuvoir •, ce qui tombait, fans être ni pluie 33 ni neige , était aulTt pénétrant que l'une & aulTï »3 froid que l'autre. Enfin j'arrivai à la croix, dont 33je connailfais les environs. Je cherchai inutile3» ment une grotte voifine , où j'aurais pu trouver 33 un afyle : le brouillard & les ténèbres avaient 33 augmenté , depuis le coucher de la Lune. Je 3>craignis de me perdre encore, & je m'arrêrai 33 au milieu d'un tas d'herbes foulées qui femssblaient avoir fervi de gîte à quelque bête 33 féroce. Je m'accroupis enveloppé dans mon 33 manteau , le bras palîé dans la bride de ma. 33 mule -, pour la lailïer paître plus librement, je » lui ôtai fon mord, & je fis de fes [rênes une ssefpècede licou , que j'alongeai avec mon mou» choir. C'eft airifî que je palfai là nuit, tout 1« M t r e v i s

Pciou.

t


D E S

261

V O Y A G E S .

» é o r p s m o u i l l é , & les pieds dans la neige fon» due ; enyain je les agitai p o u r leur procurer «quelque

chaleur par le m o u v e m e n t - , vers les

« q u a t r e heures du m a t i n , je ne les fentis

ab-

» f o l u m e n t p l u s t j e crus les avoir gelés , & je fuis « e n c o r e perfuadé q u e je n'aurais pas échappé à » c e danger , difficile à prévoir fur un v o l c a n , « il je

n e m'étais avifé- d'un expédient qui m e

« r é u i î î t -, je les réehauflai par

u n bain naturel

« q u e jé laide à d e v i n e r . » L e froid augmenta vers la p o i n t e du jour : « à la p r e m i è r e lueur du crépufcule, je crus ma -

« m u l e pétrifiée , elle était i m m o b i l e . U n capa«raçon

d e n e i g e , frangé

« l a felle

d e verglas , couvrait

& le ha m o i s . M o n chapeau &

mon

« m a n t e a u étaient enduits du m ê m e v e r n i s , & « roides d e glace. J e m e mis en m o u v e m e n r , « m a i s je n e pouvais qu'aller & r e v e n i r

fur mes

« p a s , en attendant

q u e - le

le g r a n d

jour ,

« b r o u i l l a r d retardair. Enfin, fur les fept h e u r e s , « j e defeendis à la ferme , « L'Econome

hériilé

de

frimats.

était abfent. Sa femme effrayée

à

« m a v u e , prit* la fuite : je ne pus a t t e i n d r e q u e « d e u x vieilles A m é r i c a i n e s , q u i n'avaient pas e u « l a force.de courir allez vite pour m ' é c h a p p e r . « J e leur faifais allumer du feu , lorfque je vis « e n t r e r un d e mes g e n s , aufTi fec que j'éta¡3 « m o u i l l é . Son camarade & l u i , v o y a n t c r o î t r e R iij

Pérou,


262 Pcroa.

HISTOIRE

GÉNÉRALE

«le brouillard , lorfque je les eus quittés 3 «avaient fait halte & s'étaient mis à couvert «avec mes provisions , fous des cuirs partes à » l'huile qui fervaient de couvertures à mes mules. «Ils avaient foupéà difcrétion de mes vivres fous « c e pavillon, & dormi tranquillement fur mon «marelas. Au p o i n t du j o u r , un grand nombre » d'Américains dp Quito , qui vont tous les » matins prendre de la neige pour la porter à la «Ville , avaient parte fort près d'eux , fans w> qu'aucun eût voulu les aider à recharger. Le «maître valet de la ferme fe rrouva de meilleure «volonté : une petite gratification le fit partir «avecle mien, & , peu après, je les vis revenir » avec les mules & le bagage. 3

« J e defcendis aurti-tôt à Quito, où je ré» parai la mauvaife nuit précédente. Le len» demain 14 , à fept heures du matin , je me «remis en chemin avec de nouveaux guides, » qui ne le favaient pas mieux que les premiers : a» ils me firent faire le rour de la montagne. Après « d e nouvelles aventures J'arrivai enfin à la tente » où M. Bouguer était depuis deux jours. Faute «des provifions que je portais , il avait été « obligé de vivre frugalement : du refte il n'était » pas plus avancé que m o i , fi ce n'cft qu'il avait «pa(lé de meilleures nuits. J'appris de lui qu'il » s'était lajTé la veille, & cç jour même à chercher,» a


D E S BFavëC fon

263

V O Y A G E S .

g u i d e , un chemin qui p û t le c o n Pérou.

»> d u i r e à la b o u c h e du volcan , du côté où elle *> parait acceffible. N o u s

employâmes

le

jour

» f u i v a n t à la m ê m e r e c h e r c h e , avec preiqu'aulTÏ. a» peu

de

fuccès. Autant

les pluies avaient été

wexcefïives cette année à Q u i t o , autant la n e i g e jj était t o m b é e a b o n d a m m e n t fur les m o n t a g n e s . » L c haut d e P i c h i n c h a , q u i , dans la belle faifon, » e f t fouvent

prefque fans neige , en était

en-

«otierement c o n v e r c p l u s d e cent toifes au-defïous » d e fa c i m e , à l'exception des pointes d e rochers s» qui d é b o r d a i e n t en quelques e n d r o i t s . T o u s les « j o u r s nous faihons à pied des marches d e fis » à fept h e u r e s , tournant autour d e cette malle» » fans pouvoir a t t e i n d r e au fommet. Le ' t e r r a i n , . »du

côté de l ' O r i e n t , était coupé d e ravins

«formés

dans

« e a u x : nous

les ne

fables

par

pouvions

A

la chute

des

franchir

que

les

» diihcilemenr , en nous aidant des pieds & d e s » mains. A gnions

l'entrée

de

la nuir ,

nous

rega­

n o t r e tente , bien fatigués & fort m a l

»iii{truits. » L e 1 6 , j ' e ' c a l a d a i , avec b e a u c o u p d e peine » « u n des rochers faillans , d o n t le talus m e p a r u t oitrès-toide. A u - d e l à , 55 d'une neige ,

le terrain était c o u v e r t

où j'enfonçais jufqu'au

genou»

95 Je ne laiiîai pas d'y m o n t e r e n v i r o n dix t o i » f e s . Enfuite

je trouvai

l

e

rocher nud -, puis R

iv


264

HISTOIRE

33 alternativement Fdrou.

GÉNÉRALE

d'autre neige ,

&

d'autres

s> pointes l'aillantes. Un épais brouillard , qui »s'exhalaît de la bouche du volcan , & qui fe » répandait aux environs , m'empêcha de rien 33di(linguer. Je revins , à la voix de M. Bouaaguer qui était refté en bas , & dont je ne •«voulais pas trop m'écarrer. Nous abrégeâmes wbeaucoup le chemin au retour, en marchant •»à mi-côté, fur le bord inférieur de la neige, » & un peu au-delïus de l'origine de ces cavées x> profondes , qu'il nous avait fallu monter & «defcendre l'une après l'autre, en allant d'abord » à la découverte. a Nous remarquâmes, fur cette neige, la pille 33de certains animaux qu'on nomme lions à Quito,

33quoiqu'ils relTembient fort peu aux vrais lions, » & qu'ils foient beaucoup plus petits. En revesonant, je reconnus un endroit où la pente était 33 beaucoup plus douce & facilitait l'accès du fom33 met de la montagne. Je tentai de m'en appro33 cher. Les pierres ponces que je rencontrais 33 fous mes pas, & dont le nombre croiflait à sa mefure que j'avançais du même côté, femblaient *. m'aflurer que j'approchais de la bouche du 33volcan; mais la brume qui s'épaiffiflair, me fit ,3 reprendre le chemin de la tente. En defeen»3dant, j'eflayai de gliflèr fur la n e i g e , vers fon «bord inférieur, dans les endroits où elle était


D E S V O Y A G E S . 265 » unie & la pente peu rapide. L'expérience nie Pérou. s n r é u f ï ï t , d'un élan, j'avançais quelquefois dix à 33douze toiles, fans perdre l'équilibre : mais lorf33 qu'après cet exercice, je me retrouvai fur le n Cable, je m'apperçus au premier pas que m e s ssfouliers étaient fans femelles. « L e lendemain 17 ,au matin, M. Bouguer ptosspofa de prendre du côté de l'Oueft, où était s» la grande brèche du volcan. C'était par - là 33 qu'il avait fait fa première tentative, la veille » de mon arrivée : mais la neige , qui étair tom33bée la nuit précédente, rendait les approches a, plus difficiles que jamais , & s'étendait fort 33 loin au-deiTous de notre rente. Enhardi par as mes expériences de la veille, je dis à M. Bousaguer que je favais un chemin enrore plus 33court. C'était de monter droit pardeffus la ;»neige, à l'enceinte de la bouche du volcan, 33 & j'offris de lui fervir de guide. J e me mis .33en marche un long bâton à la main, avec le3> quel je fondais la profondeur de là neige : je s»la rrouvar, en quelques endroits,, plus haute 33que mon bâton, mais aflez dure néanmoins 30 pour me porter. J'enfonçai tantôt plus, tantôt » moins, prefque jamais au-defTus du genou. 33C'eft ainfi que j'ébauchai, dans la partie de la 33montagne que la neige couvrait, les marches ,»3fott inégales d'un efcaiier d'environ cent toifes


FQOU.

266 HISTOIRE GÉNÉRALE 33 de haut. En approchant de la cime, j'apperçus* «entre deux rochers l'ouverture de la grande «bouche, dont les bords intérieurs me parurent «coupés à pic , & je reconnus que la neige qui 03 les couvrair, du côté où je m'étais avancé la «veille, était minée en deflous. Je m'approchai « avec précaution, d'un rocher nu , qui dominait 33 tous ceux de l'enceinte. Je le tournai par-dehors « o ù il fe rerminair en plan incliné, d'un accès «allez difficile : pour peu que j'enfle glilïé, je «roulais fur la neige, cinq à (ïx cens toiles, «jufqu'à des rochers où j'aurais été fort mal «reçu. M. Bouguer me fuivair de près, & m'a« vertit du danger qu'il parrageait avec moi. « N o u s étions feuls-, ceux qui nous avaient d'a33 bord fuivis étaient retournés fur leurs pas & «fur les nôttes. Enfin nous arteignîmes le haut « du rocher , d'où nous vîmes à notre aife la 33 bouche du volcan. « C'eft une ouverture qui s'arrondit en demi•» cercle, du côté de l'Orient. J'eftimai fon dia«mètre de 8 à poo toifes. Elle eft bordée de «roches efearpées, donr la partie extérieure eft «couverte de neige-, l'intérieure eft noirâtre Se «calcinée. Ce vafte gouffre eft féparé en deux, «comme par une muraille de même matière, aoqui s'étend de l'Eft à l'Oueft. Je ne jugeas » pas la profondeur de la cavité, du côté où nou? -


DES

V O Y A G E S .

267

i» étions, de plus de cent toifes-, mais je ne pou- ; Pérou. «vais pas en appercevoir le centre, qui vraifem«blablement était beaucoup plus profond. Tout 33 ce que je voyais ne me parut êtte que les déos bris écoulés de la cime de la montagne. Un «amas confus de rochers énormes, brifés & en«taîîés irrégulièrement les uns fur les autres «préfentait à mes yeux une vive image du »caos des Poètes; La neige n'était pas fondue 33 par-tout : elle fubfiftait en quelques endroits; 33mais les matières calcinées qui s'y mêlaient, & 33 peut-être les exhalaifons du volcan, lui don— 33 naieut une couleur jaunâtre : du refte nous ne 33 vîmes aucune fumée. Un pan de l'enceinte , » entièrement éboulé du côté de l'Oueft, em33pêche qu'elle ne foit tout-à-fait circulaire, & igc'eft le feul côté par lequel il fembl'e poffible » d e pénétrer au-dedans. J'avais porté une bouf»fole,àdefTein de prendre quelques relevemens, 33 & je m'y préparais malgré un vent glacial qui » nous gelait les pieds & les mains, & nous cou33 pair le vifage, Iorfque M. Bouguer me pro« pofa de nous en retourner. Le confeil fut donné 33lî à propos, q u j p rélifler à la force « d e la perfuafion. j v j prîmes le chemin de 33 la tente ? & ° u s defcendimes en un quart «d'heure, ce que nous avions mis plus d'une «heure à monter. L'après-midi, & les jours s

e

e

n e

ous

n

U S

re


268

HISTOIRE

GÉNÉRALE

«fuivans , nous mefuràmes une bafe cî'e cent P6

ou.

y> trente toifes & nous relevâmes divers points «avec la boufiole, pour faire un plan du vol­ t e a n 8c des environs. «Il fit le lendemain un brouillard qui dura a»tout le jour. L'horizon étant fort net le 19 «au matin, j'apperçus & je fis remarquer à » M . Bouguer, un tourbillon de fumée, qui s'é» levait de la montagne de Cotopaxi , fur la» »5 quelle nous avions campé plulieurs fois en 173 8. «Notre guide 8c nos gens prétendirent que ce « n'était qu'un nuage, & parvinrent même à ma « le perfuader-, cependant nous apprîmes à Quito, « que cette montagne qui avait jette des flammes « plus de deux fiécles auparavant, s'était nouvelélément enflammée le 1 5 au foir, & que la «fonte d'une partie de fes neiges avait caufé de «grands ravages.» « N o u s pafsâmes encore deux jours à Pichincha, m Se nous y fîmes une dernière tentative, avec c»un nouveau guide , pour tourner la montagne m par l'Ouelt, & pour entrer dans fon intérieur; «mais le brouillard, & un ravin impraticable, «ne'nous permirent pas déborder même la petite « b o u c h e , qui fume encore , dit-on , & qui ré«pand du-moins line odeur de foulfre.» ' Les deux Académiciens étant revenus à Quito 1« 2 2 , n'y entendirent parler que de l'éruption


DES

V O Y A G E S .

269

'tic Cotopaxi , & des fuites funeftes de l'inon- ™ Pciou. dation caufée par la fonte future des neiges. M. de la Condamine fait obferver ici que, de­ puis fon retour en France , le même volcan s'eft embraie plufieurs autres fois avec des effets encore plus terribles, & quoique MM. Don Juan & d'Ulloa aient traité cette matière, il raconte , fur la foi d'un rémoin oculaire , divers faits d'une fingularité furprenante , qui ne fe trouvent pas dans leur Relation hiftorique. En 1742 , dit-il , on avait entendu très-diftinctement, à Quito , le btuit du volcan de Cotopaxi, & plufieurs fois en plein jour , fans y faire une extrême attention 5 c'eft ce qu'il peut confirmer par fon témoignage , auquel fa furdité donne un nouveau poids -, cependant on n'y entendit point la grande explofion, le foir du 30 Novembre 1 7 4 4 . Ce qu'il y a de plus fingulier , c'eft que ce même bruit, qui ne fut pas fenfible à Quito, c'eft-àdire à douze lieues du volcan vers le N o r d , fut entendu ttès-diftinctement , à la même heure & du même c ô é , dans des lieux beaucoup plus éloignés, tels que la Ville d'Ibara, Pafto, Popayan & même à la Plara, à plus de'cent lieues mefurées par l'air. On affure auffi qu'il fut en­ tendu , vers le Sud , jufqu'à Guayaquil, & a u delà de Piurà , c'eft-à-dire à plus de cent vingt lieues, de i } au degré. A l vérité, le vent t

J

1

a


270

HISTOIRE

GÉNÉRALE

; qui foufflait alors du Nord-Eft , y aidait urî Pérou.

peu. ' Les eaux, en fe précipitant du foin m et de la montagne, firent plulieurs bonds dans la plaine j avant que de s'y répandre uniformément, ce qui fauva la vie à plulieurs perfonnes, pardeffus lefquelles le torrent pafïa Tans les toucher. Le terrain, cavé en quelques endroits par la chiite des eaux, s'eft exhaulTé en d'autres, par le limon qu'elles ont dépofé en fe retirant. On peut ju­ ger quels changemens la furface de la terre a dû recevoir par des événemens de cette nature,' dans un pays où prefque toutes les montagnes font des volcans, ou l'ont été. Il n'eft pas rare d'y voir des ravines fe former à vue d'oeil, & d'autres qui fe font creufé , en peu d'années un lit profond, dans un terrain, qu'on fe fou-; vient d'avoir vu tout-à fait uni. Il eft même vraifemblable que toute la fuperficie de la Province de Quito jufqu'à une allez grande profondeur, eft formée de nouvelles terres éboulées, & du débris des volcans : c'eft peut-être par cette raifon que dans les plus profondes crevafles y on ne trouve aucune coquille foffile. En 1 7 3 8 , le fommet fure géométrique , était moins, plus haut que le manente. La flamme du

de Cotopaxi, par mede cinq cens toifes au pied de la neige per­ volcan s'élevait autant


DES V O Y A G E S » 271 su-deflus de la cime de la montagne, que fon « fommet excédait la hauteur du pied de la neige. Cette mefure comparative a été confirmée par M de Macnza, qui érant alors à quatre lieues de diftance, & fpeûateur rranquille du phéno­ mène, put en juger avec plus de fang froid que ceux dont la vie était expofée au danger de l'inondation. Quand on rabbatrait un tiers , il refterait encore plus de 300 toifes ou 1 8 0 0 pieds pour la hauteur de la flamme. Cependant la furface fupérieure du cône tronqué, dont la pointe a été emportée par les anciennes explofions , avait, en 1758 , fept ou huit cens toifes de dia­ mètre. Cette vafte bouche du volcan s'eft vifiblement étendue, par les irruptions poftérieures de 1745 & 1744') lans parler des nouvelles bou­ ches qui fe font ouvertes en forme de foupiraux, dans les flancs de la montagne. Il parait donc très-probable à M. de la Condamine, qu'avant que cet immenfe foyer fe foit fi fort accru & multiplié, dans le remps par exemple de la pre-miere mine, qui fit fauter un quart de la hauteur de Cotopaxi, l fl réunie en un feul Jet, dut être dardée avec plus d'impétuolîté, & par conféquent pût s'élever encore plus haut qu$ dans le dernier embrafement. Quelle doit avoif été la force, qui fut alors capable de lancer, à plus de trois lieues, de gros quartiers de rocher^ a

amme

f

Pérou.


Pérou.

272 HISTOIRE GÉNÉRALE témoins cxiftans d'un fait qui femble palTer les bornesde la vraiflemblance, patce que nous connoifîons peu la Nature ! L'Académicien vit un de ces éclats de rocher plus gros qu'une chaumière d'Américain, au milieu de la plaine, fur le bord du grand chemin, proche de Malahalo, & le jugea de douze ou quinze toifes cubes, fans pouvoir douter qu'il ne fût foni de ce gouffre comme les autres, parce que les ttaînées de ro­ ches de même efpèee forment, en tout fens, des rayons qui partent de ce centre commun. Dans l'incendie de 1 7 4 4 , les cendres fureur por­ tées jufqu'à la mer à plus de quatre-vingt lieues. Ce fait n'eftplus étonnant, s'il cft vrai, comme or\ l'a publié, que les cendres du mont Ethna volent quelquefois jufqu'à' Conftantinople. Mais, ce qui eft plus nouveau, celles de Cotopaxi , dans la même occalîon, couvrirent les terres jufqu'à ne plus laifler voir la moindre trace de verdure dans les campagnes à douze & quinze lieues de diftance, du côté de Riobamba ; & ce voile, qui dura un mois, & plus en quelques endroits, fit périr un prodigieux nombre de beftiaux. Quatre lieues à l'Oueff de la bouche du volcan, la cendre avait trois ou quatre pouces d'épaifleur, Cette pluie de cendre avait été précédée immé­ diatement d'une pluie de tetre fine, d'odeur dé­ sagréable ; Se de couleur blanche, rouge & verte, qui


D E S V O Y A G E S . 273 <juî avait été devancée elle-même par une autre de même graviez Celle-ci fut accompagnée, en divers endroits , d'une nuée immenfe de gros hannetons n de l'efpèce qu'on nomme ravets dans nos Ifles : la terre en fut couverte en un mitant. Se ils difparurent tous avant le jour.

rérou.

11 nous refte à rendre compte du travail . . qui était l'objet particulier du Voyage des Mefuïe Mathématiciens Français & Efpagnols. Pour d'un degré du M é r i ­ commencer leur grande entreprife j il fallait me- ' dien. furer réellement un terrain , qui pût leur fervir de bafe , afin de pouvoir conclure toutes les autres diftances, par des opérations géométriques. Le feul choix de ce terrain leur coûta des peines infinies. Après bien des courfes Se du travail , expofés fans cetTe au vent, à la pluie ou aux ardeurs du Soleil , ils fe déterminerenr pour un terrain uni, fitué dans un vallon beaucoup plus bas que le fol de Quito , à quatre lieues au Nord-Eft de cette Ville. Ce fut la plaine d'Yaruqui, qui tire fon nom d'un village au-deflons duquel elle eft fituée. Elle a près de 6 3 0 0 toiles de long. U eût été difficile d'en trouver une plus longue dans un p y de montagnes, à moins que de s'éloigner trop du terrain traverfé par la Méridienne. Cette p l n. bornée à l'Orient par la haute Cordelière de Guamani & de Panbamarca, comme elle 1 eft à TQueft par celle de a

S

a u i e

Tome

XII.

e

S


274

HISTOIRE

GÉNÉRALE

Pichincha. Les rayons du Soleil y étant réfléchis par le fol , qui eft fort fablonneux , & par les

peton.

deux Cordelières voifines, elle eft fujette à de fréquens orages ; & comme elle eft tout - à - fait ou verre au Nord & au Sud , il s'y forme de lî grands & fi fréquens Tourbillons, que cet efpace fe trouve quelquefois rempli de colonnes de fable élevées par le tournoiement rapide des ra­ fales de venr qui fe heurrenr. Les paiïans en font quelquefois étouffés, & , pendant leurs opérations, nos illuftres Voyageurs en eurent un trifte exemple dans un de leurs Américains. .

Ils avaient à mefure r un terrain incliné de

115 roifes , fur une longueur de 6271 , & à .niveller du foir au matin , pour réduire cette pente à la ligne horizontale. Ce travail feul les occupa plus de quinze jours. Ils le commençaient avec le jour. Ils ne l'inrerrompaieut qu'à l'ap­ proche de la nuir, à moins qu'un orage fubit ne les forçât de le fufpendre pendant fa durée : ils fe faifaient fuivre par une petite tente de cam­ pagne, qui leur fervait de retraite au befoin. Les Académiciens s'étant partagés en deux bandes, pour avoir une double mefure de la bafe, cha­ cun des deux Officiers s'était joint à une des deux quadrilles -, l'un mefurait la plaine, du Sud au Nord en defcendant, l'autre en remontant du fens oppofé.


D E S V O Y A G E S . 275 Avant que de fe déterminer pour cette plaine, ils avaient eu delTein de mefurer la bafe dans le terrain de Cayambo , qui n'eft pas moins uni, à douze lieues au Nord-Eft de Quito. Us s'y étaient tranfportés d'abord pour l'examiner ; mais ils l'avaient trouvé trop coupé de ravins. Ce fut-là qu'ils eurent le chagrin de perdre M. Couplet, le 17 de Septembre, d'une fièvre maligne, qui ne le retint au lit que deux jours. Il était parti de Quito avec une légère indifpofition , que la vigueur de fon tempérament lui avait fait méprifer. Cette mort, prefque fubite , d'un homme à la fleur de fon âge , jetta la Compagnie dans une profonde confternation. La mefure de la bafe , au mois d'Octobre , Fut fuivie de l'obfervation de plulieurs angles , tant horizontaux que verticaux , fur les 'mon­ tagnes voifines ; mais une partie de ce travail devint inutile , parce que dans la fuite on donna une meilleure difpofition aux premiers triangles. De retour à Quito , l'obfervation du folftice avec un inftrument de douze pieds , & la vérificaiion de cet inftrument, occupèrent nos Mathémati-j ciens le refte de l'année 1 7 3 6 , & le commen­ cement de la fuivante. M. Virguin fut chargé , dans cette vue , daller reconnaître le terrain au Sud de Quito , & d'en lever l plan , pendam que M. Bouguer s'offrit à rendre le même fer. e

s

i

Pérou.


Pérou*

276 HISTOIRE GÉNÉRALE vice du côté du Nord, précaution néceffaire, pouf choiiir les points les plus avantageux , & former une fuite plus régulière de triangles. Dans l'in­ tervalle , M. de la Condamine & Don George Juan firent le voyage de Lima. Ils revinrent à Quito vers le milieu de Juin 1 7 3 7 . MM. Bouguer & Verguin avaient rapporté la carre des terrains qu'ils avaient examinés -, & , fur la réfolution qu'on prit de continuer les triangles du côté du Sud , les Mathématiciens le partagèrent en deux Compagnies. Don George Juan & M. Godin pafierent à la montagne de Pambamarca , & les trois autres monterenr au fommet de celle de Pichincha. De part & d'autre, on eut beaucoup à foufFrir de la rigoureufe température de ces lieux , de la grêle & de la neige , & fur-tout de la violence des vents. Dans la Zone torride & fous l'Equateur, des Européens devaient s'atten­ dre à des excès de chaleur , & le plus fou vent ils étaient traniis de froid. Ils avaient eu la précaution de fe munir encore d'une tente de campagne pour chaque Compagnie -, mais M. Bouguer , M. de la Con­ damine & Don Antoine d'Ulloa , n'en purent faire ufage fur le Pichincha , parce qu'elle était d'un trop grand volume. Il fallut conftruire une cabane, proportionnée au terrain , c'eft-à-dire fi perite, qu'à peine était-elle capable, de les.


D E S V O Y A G E S . 277 contenir. On n'en- fera point furpris, en appre- S nant qu'ils étaient au fommer d'un rocher pointu Pérou'qui s'élève d'environ deux cens roifes au-deiïus du terrain de la montagne , où il ne croît plus que des bruyères. Ce fommer eft partagé eu diverfes pointes, dont ils avaient choifi la plus haute. Toutes fes faces étaient couvertes de neige & de glace ; ainfi, leur cabane fe trouva bientôt chargée de l'une & de l'autre. « Les s> mules , dit Don Antoine , peuvent à peine «monter jufqu'au pied de cette formidable « roche •, mais de-!à jufqu'au fommet, les hommes » font forcés d aller à pied , en montant, ou » plutôt gravilTant pendant quatre heures entières. « U n e agitation fi violente, jointe à la trop grande « fubtilité de l'air, nous ôtait les forces & la ref«piration. J'avais déjà franchi plus de la moitié «du chemin , lorfqu'accablé de fatigue, & pem< « dant la refpiration , je tombai fans connaiiTance^ «Cet accident m'obligea, lorfque je me trouvai « u n peu mieux , de defcendre- au pied de la « roche où nous avions laide nos inftrumens & «nos domeftiques , & de remonter le jour fur* avant , à quoi j n'aurais pas mieux réufli, fans « l e fecours de quelques. Américains qui » me foutenaient dans les endroits les plus «difficiles.» La vie étrange * laquelle nos Savans furen»;

e

t

S iij


278

HISTOIRE

; réduits , p e n d a n t Pérou.

mefurer

G É N É R A L E

le temps qu'ils employèrent à

la M é r i d i e n n e , mérite d'être racontée

fucceflï veinent dans les termes d e D o n A n t o i n e d'Ulloa & d e M . d e la C o n d a m i n e . O n peur o b l e r v e r la différence des cara&eres dans celle des Relations , & l'on verra dans celle d e M . d e la C o n d a m i n e , un fonds d e gaieté q u i ne s'altère jamais , & qui n'était pas le d o n le m o i n s p r é ­ cieux qu'il eût reçu d e la N a t u r e . « J e n'offre,dit M . d ' U l l o a , q u ' u n récit a b r é g é » de ce q u e nous eûmes à fouffrir fur le Pichincha ; » car toutes les autres m o n t a g n e s & roches étant ojprefqu'également

fujettes aux injures du froid

35 & des v e n t s , il fera aifé d e juger du c o u r a g e 3> & d e la confiance d o n t il fallut nous a r m e r , 33 pour foutenir un travail qui nous expofair à des 33 incommodités infupportables ,

& fouvent

»3 d a n g e r d e pétir. T o u t e la différence » dans le plus ou

au

coniifhir

le moins d'éloignqment

des

33 vivres , & dans le d e g r é d'intempérie , q u i d e ­ es venair plus ou m o i n s fenlîble , fuivanr la h a u 33teur des lieux & la qualité du t e m p s . N o u s »3nous tenions o r d i n a i r e m e n t

dans

la c a b a n e ,

33 n o n - f e u l e m e n t à cauie de la r i g u e u r du froid 33 & d e la violence des vents , mais encore parce 33 q u e nous nous étions le plus fouvent e n v e l o p p é s 3 3 d ' u n n u a g e li é p a i s , qu'il ne nous permettait « p a s d e voir diftinétement à la diffance d e fepr


DES

V O Y A G E S .

279

*>ou huit pas. Quelquefois ces ténèbres c é d a i e n t , » & le Ciel devenait plus c l a i r , lorfque les nuages wafraiffés

par leur

propre poids ,

dépendaient

=oau col d e la m o n t a g n e , & l ' e n v i r o n n a i e n t fou» vent d e fort

près , quelquefois

d allez loin..

a>Alors ils paraiflaient c o m m e u n e vafte m e r , a u . •a» milieu-de laquelle n o t r e rocher s'élevait c o m m e » une l u e . N o u s entendions le bruit des orages q u i » crevaient » lieux

fur la Ville d e Q u i t o , o u (ut

voifins. N o u s

voyions partir

la

les

foudre

» & les éclairs a u - d e u o u s d e nous -, & , p e n d a n t »que

des torrens d e pluie i n o n d a i e n t tout le

» pays d'alentour , nous jouifTions d'une paiiîble 3>férénité. Alors

le vent n e

fe

faifait

prefque

3»point fentir : le Ciel était c l a i r , & le Soleil 3 5 d o n t les rayons n'était plus i n t e r c e p t é s , t e m o> pérah la froideur d e l'air. Mais aufli nous é p r o u » v i o n s le c o n t r a i r e , lorfque les nuages étaient « é l e v é s : leur épaifleur nous rendait la refpira•» tion difficile -, la neige & la grêle tombaient à »

flocons;,

la violence des

» appréhender, à chaque :» voir

enlevés avec

vents

nous

faifait

moment ,

de

nous

notre habitation

&

jettes

s» dans q u e l q u e a b î m e , ou d e nous trouver bientôt wenfévelis fous les glaces & les neiges q u i , &?3c< 33 cumulant fut le t o i , pouvaient crouler c

avec

:» lui fur nos têtes. La force des. vents était relie » q u e la YÎtefle avec laquelle ils faifciems courts

S,

ÏV

Pérou.


280

HISTOIRE

GÉNÉRALE

« l e s nues éblouilTait les y e u x . L e c r a q u e m e n t des Pérou.

a>rochers qui fe d é t a c h a i e n t , & qui » en t o m b a n t la pointe o ù ?>mentait e n c o r e n o s

nous

craintes;

ébranlaient étions, aug-

Il était d'autant

« plus effrayant, q u e jamais on n'entendait d ' a u t r e « b r u i t dans ce déferr -, auffi n'y a v a i t - i l point s> d e

fommeil

qui

pût

y

réfifter

p e n d a n t les

était plus

tranquille ,

«nuits. » L o r f q u e le temps » Se q u e

les nuages s'étant portés fur d'autres

« m o n t a g n e s , où nqus avions des (îgnaux pofés, «nous

en dérobaient la v u e , nous fortions d e

oo n o t r e cabane , p o u r nous échauffer un peu par « quelque exercice. T a n t ô t nous descendions un as petit efpace & nous le remontions auffi. - tôt : «tantôt

n o t r e amufement était d e faire r o u l e r

« d e gros quartiers d e roche du haut en b a s , & « n o u s éprouvions , avec

é t o n n e m e n t que

nos

« f o r c e s réunies égalaient à peine celle du v e n t « p o u r les r e m u e r . Au reffe, nous n o t i o n s n o u s « é c a r t e r b e a u c o u p d e la pointe d e n o t r e r o c h e r , « d a n s la crainte d e n'y pouvoir revenir allez « p r o m p t e m e n t lorfque les nuages c o m m e n ç a i e n t « à s'en

e m p a r e r , c o m m e il arrivait fouvent

&

« toujouts fort vite. « L a p o r t e d e n o t r e cabane était fermée

de

« c u i t s d e b œ u f , Se nous avions gtand foin d e « b o u c h e r les moindres t r o u s , p o u r

empêcher


D E S «le

vent

d'y

V O Y A G E S . pénétrer : quoiqu'elle

281 fût

bien Pérou,

« c o u v e r t e d e p a i l l e , il ne taillait pas d e s'y i n « t r a d u i r e par le toit. Obligés d e nous r e n f e r » mer dans cette c h a u m i è r e , o ù la l u m i è r e ne péné» traie pas bien les j o u r s , par leur entière obfcurité, » f e diftinguaient à peine des n u i t s : nous tenions » toujours quelques chandelles allumées, tant p o u r « nous reconnaître

les uns les a u t r e s , que pour

» pouvoir lire ou travailler dans un fi petit ef3> pace. La chaleur des l u m i è r e s , & celle d e n o s « h a l e i n e s , ne nous difpenfait pas d'avoir chacun «notre

brafier , pour t e m p é r e r

«froid.

C e t t e précaution

«lorfqu'il

avait neigé le

la rigueur d u

nous aurait fufK,

fi,

plus a b o n d a m m e n t

,

« n o u s n'euffions été obligés d e f o r t i r , munis d e « p e l l e s , pour décharger n o t r e toit d e la n e i g e « q u i s'y entafiait. C e n'èft pas q u e nous n'euf*> fions des valets & des Américains, qui auraient » pu nous

r e n d r e ce fervice -, m a i s , n'étant pas

» aife d e les faire fortir d e leur canonnière , efpèce « d e petite t e n t e , où le froid les retenait b l o t t i s , « p o u r le chauffer continuellement au f e u , qu'ils « n e manquaient pas d'y e n t r e t e n i r , il fallait p a t « t a g e r avec eux une corvée qui les chagrinait. « O n p e u t juger q u e l devait être l'état d e nos « c o r p s dans c e t t e lîtuation. N o s

pieds étaient

« enflés , & fi fenfibles, qu'ils ne pouvaient ni » fupporter la chaleur du f , eu

ni prefqu'agir fans


282

H I S T O I R E

G É N É R A L E

» une vive douleur. N o s mains étaient chargées Pérou.

« d ' e n g e l u r e s , & nos lèvres fi gerfées , qu'elles «faignaient du feul m o u v e m e n t q u e nous leur » faifions faire p o u r parler , ou p o u r m a n g e r . Si «l'envie «aulïï

d e r i r e nous prenait p e u ,

il eft v r a i

q u e nous n e pouvions leur d o n n e r l ' e x -

«renfïon

néceilàire

» qu'elles fe

pour

cette

fonction , fans

fendillent e n c o r e plus , & qu'elles

« n o u s caufaftenr un furcroît d e d o u l e u r qui d u « rait un jour ou d e u x . N o t r e n o u r r i t u r e la plus « o r d i n a i r e était un peu d e r i z , avec l e q u e l n o u s » lailîons cuire un morceau d e viande , o u quel« q u e volaille , q u i nous venait d e Q u i t o . Au» « l i e u d'eau , p o u r c e t t e préparation , nous n o u s « fervions d e n e i g e , ou d'une pièce d e g l a c e , q u e » nous jettions dans la marmite ; car nous n'avions « a u c u n e forte d'eau qui n e fut gelée. Pour b o i r e , . » nous faifions f o n d r e d e la neige. P e n d a n t q u e « nous érions à m a n g e r , il fallait tenir « fur

l'afîîette

le charbon , fans q u o i les alimens étaient

» gelés

aufïï - tôt.

D'abord

nous avions

« d e s liqueurs fortes , dans l'idée qu'elles p o u r « raient un peu nous réchauffer ; mais elles d e v e ­ nu iraient fi f a i b l e s , qu'en

les b u v a n t , nous

ne

« l e u r trouvions pas plus d e force qu'à l'eau c o m « m u n e , & craignant d'ailleurs q u e leur fréquent « u f a g e n e fût nuilible à n o t r e f a m é , nous prîmes, « l e parti d'en b o i r e fort p e u . Elles furent

ein-


D E S

V O Y A G E S .

283

» ployées à traiter nos Américains , pour les en-

:

» courager au rravail. Ils étaient cinq. O u t r e leur «falaire journalier , q u i était q u a t r e fois plus fort « q u e celui qu'ils gagnaient o r d i n a i r e m e n r , nous «leur

abandonnions

la plupart des vivtes q u i

« n o u s venaient d e Quito ; mais cette a u g m e n t a ­ tion

de paie & d e n o u r r i t u r e , n'était pas ca-

» pable d e les retenir l o n g - t e m p s près de nous. «Lorfqu'ils

avaient

commencé

à fentir

» gueur d u climar , ils n e penfaient

la r i -

plus

qu'à

s> déferter. « I l nous arriva , dès les premiers j o u r s , u n e «aventure

d e cette

efpèce , qui aurait eu des

» fuites fâeheufes , fi nous n'euffiôns

éré avertis

« d e leur évafion. C o m m e ils ne pouvaient être « b a r a q u é s dans un lieu d'aufli peu d ' é t e n d u e q u e « la pointe d e n o t r e r o c h e r , & qu'ils n'y avaient « d ' a u t r e abri pendant le j o u r , qu'une c a n o n n i è r e , » ils d é p e n d a i e n t le foir , à quelque diftance au« d é l i o n s , dans u n e ferre d e caverne , où le froid «était beaucoup moins v i f ,

fans c o m p t e r qu'ils

« a v a i e n t l liberté d'y faite grand feu. Avanr q u e a

« d e fe r e t i r e r , ils fermaienr en d e h o r s la p o r t e « d e n o t r e c a b a n e , qui était fi balle , q u ' o n n e « p o u v a i t y p a l i e r , qu'en fe courbant. La n e i g e , « qui tombait «point

pendant

d e la b o u c h e r

la

nuit , n e

manquant

prefqu'entierement , ils

» venaient , tous les matins , nous délivrer

de

Pétou.


284 «cette Péroií.

H I S T O I R E

G É N É R A L E

efpèce d e prifon-, car nos N è g r e s ordt--

« n a i r e s , qui paffaient la nuit dans la c a n o n n i è r e , « étaient alors fi tranfis d e froid , qu'ils fe feraient « p l u t ô t lailïé ruer , q u e « AméricaiiTS venaient

d'en fortir.

Les cinq

donc régulièrement

dé-

» b o u c h e r n o t r e p o r t e , à neuf ou dix heures du « m a t i n ; mais le q u a t r i è m e ou c i n q u i è m e jour d e «notre

a r r i v é e , il était m i d i , qu'ils n'avaient

« p o i n t e n c o r e paru. N o t r e inquiétude c o m m e n « ç a i t à d e v e n i r fort vive , lorfqu'un des cinq j « p l u s fidèle que les a u t r e s , vint nous informer » d e la fuite d e fes c o m p a g n o n s , & nous ent'rou« v r i t alfez la p o r t e , pour nous d o n n e r le pouvoir » d e la r e n d r e e n t i è r e m e n t libre. N o u s le dépêcha-, aimes au C o r r é g j d o r d e Q u i t o , qui nous e n v o y a » fur-ie-cliamp , d'autres Américains , après leur « a v o i r o r d o n n é , fous d e rigoureules p e i n e s , d e « n o u s fervir plus

fidèlement

-, mais cette menace

« n e fut pas capable d e les retenir. Ils déferterent « b i e n t ô t , c o m m m e les p r e m i e r s . L e C o r r é g i d o r « n e vit pas d'autre m o y e n , pour arrêter c e u x « q u i leur fuccéderent , q u e d ' e n v o y e r avec e u x « u n A l c a d e , & de les faire relever d e q u a t r e e u « quatre jours. « N o u s pallâmes v i n g t - t r o i s jours entiers fur » n o t r e r o c h e , c'eft-à-dire , jufqu'au « r e m b r e , fans avoir pu

finir

les

6 de Sepobservations

« d e s angles 3 parce qu'au m o m e n t o u nous c o r n -


D E S

V O Y A G E S .

285

» mènerions à jouir d'un peu d e clarté fur la h a u t e u r * » où nous é t i o n s , les a u t r e s , fur le fommet p quelles étaient

les

fi'gnaux

qui

def-

formaient les

» t r i a n g l e s , p o u r la mefure g é o m é t r i q u e d e n o t r e » M é r i d i e n , étaient enveloppées de nuages & d e » neiges. Dans les m o m e n s o ù s> raillaient diftinétement » étions campés ,

ces

objets

, le fommet

panous

fe trouvait plongé dans

les

D>brouillards. Enfin nous nous vîmes obligés d e » placer à l'avenir les fignaux dans un lieu plus » b a s , o ù la température devait être aullî m o i n s » rigoureufe. N o u s c o m m e n ç â m e s par rranfporter » celui d e Pichincba fur u n e c r o u p e inférieure sa d e la m ê m e montagne", & nous t e r m i n â m e s , au 3Î c o m m e n c e m e n t d e D é c e m b r e 1 7 3 7 , l'obfervas>tion qui le regardait

particulièrement.

» D a n s toutes les autres d a t i o n s , n o t r e C o m » pagine logea fous u n e tente d e c a m p a g n e , q u i , » malgré fa petitelïe , était un peu plus c o m m o d e » que la p r e m i è r e c a b a n e , excepté qu'il fallait «encore

plus d e

précautions pour en ôter la

» n e i g e , d o n t le poids l'aurait bientôt déchirée. ?> N o u s la faifïons d ' a b o r d dreller à l ' a b r i , q u a n d 30 cette fituatiou était poffible; mais enfuite il fut .y> décide q u e

n s tentes mêmes 0

ferviraient

de

» (îgnaux , pour éviter les inconvéniens auxquels « c e u x d e bois étaient fujets. Les vents foufflaieni « a v e c tant d e v i o l e n c e , q u e fouvent la notre

Pérou.


I

286

H I S T O I R E

G É N É R A L E

» était abbatup. N o u s nous a p p l a u d î m e s , dans le d é Pcrou.

» fert d'Afuay , d'en avoir fait apporter d e réferve. « T r o i s des nôtres furent fucceffivement r e n v e r « f é e s , & les chevrons ayant été brifés, c o m m e « l e s p i q u e t s , n o u s n ' e û m e s pas d'autre r e d o u t é e « q u e d e quitter ce pofte, & d e nous retirer à » l ' a b r i d ' u n e ravine. Les d e u x C o m p a g n i e s , fe « trouvant alors dans le m ê m e d é f e r r , eurent égale» ment à fouftVir. Elles furent abandonnées toures « d e u x par leurs Américains, qui ne p u r e n t réfifter » au froid, ni au t r a v a i l , & par conféquent obligées » d e faire e l l e s - m ê m e s les c o r v é e s , jufqu'à l'ar» rivée d'un a u t r e fecours. « N o t r e v i e , fur les fommets glacés d e P a m « b a m a r c a & d e Pichincha, fut c o m m e le n o v i «ciat

d e celle q u e

nous

menâmes depuis

le

» c o m m e n c e m e n t d'Août i 7 3 7 > jufqu'à la fin d e « J u i l l e t 1 7 3 9 . P e n d a n t ces d e u x a n s , ma c o n l w p a g n i e habita fur t r e n t e - c i n q «rens,

&

fommets

diffi-

l'autre fur r r e n t e - d e u x , fans a u t r e

» f o u l a g e m e n t q u e celui d e l ' h a b i t u d e ; car nos « c o r p s s'endurcirent enfin, ou fe familiariferent » avec ces c l i m a t s , c e m m e avec la » des alimens. N o u s

groffieretc

nous fîmes auffi

à cette

« p r o f o n d e f o l i t u d e , suffi - bien qu'à la diverfité » d e t e m p é r a t u r e q u e nous éprouvions en «fant

paf-

d'une m o n t a g n e à l'autre. Autant que le

» froid était vif fur les h a u t e u r s , autant la cha-


D E S

V O Y A G E S .

287

3>leur nous femblait exceffive

dans les vallons :

» qu'il

l'habitude

fallait

traverfer.

Enfin

nous

ai rendit infenfibles au péril où nous nous e x « pofions en g r i m p a n t dans des lieux fort efcar» pés.

C e p e n d a n r il y eur des occafions,

05nous aurions p e r d u t o u t e p a t i e n c e , & renoncé « à l'entreprife, fi l'honneur n'avait foutenu n o t r e 3>courage. $ > Toute

la fuite des triangles étant

terminée

au Sud d e Q u i t o , au mois d ' A o û t 1 7 3 9 , il fallut înelurer

une

féconde

bafe',

jultefle des opérations & des plus

il

fallut

vaquer

roique , à cette

à

même

pour vérifier

la

calculs -, &

de

l'obfervation

aftrono-

extrémité d e la

méri­

d i e n n e . Mais les inftrumens n e s'étant.pas t r o u ­ vés aufïï parfaits q u e l'exigeait u n e Obfervation fi d é l i c a t e , on fut obligé d e r e t o u r n e r à Quito pour en conftruire d'autres. C e travail dura jufq u ' a u mois

d'Août de

l'année Suivante 1 7 4 0 .

A l o r s nos infatigables Mathématiciens

fe

ren­

d i r e n t à C u e n ç a , o ù leurs obfervations les r e ­ tinrent jufqu'à i

a

n i l

d e S e p t e m b r e , parce q u e

r a t h m o f p h è r e d e c e pays eft peu favorable aux Aftronomes. Si l

e s

n u a g e s , donr ils étaient e n ­

vironnés fur les m o n t a g n e s , les avaient chés d e voir les

fignaux,

empê­

ceux q u i fe raflem-

Jblent au-dcffus d e cette Ville forment un p a -

pcrou.


288

H I S T O I R E

G É N É R A L E

v i l l o n , qui ne leur permettait pas d'appercevoîr* Pérou.

les E t o i l e s ,

lorfqu'elles paffaient

par le M é r i ­

d i e n . Mais une e x t r e m e patience leur ayant fait Surmonter

tous les obfiacles, ils Se

difpofaient

à retourner: à Quito pour les obfervations aftron o m i q u e s qu'il fallait faire à l'autre b o u t d e la M é r i d i e n n e , vers le N o r d , & qui devaient t e r ­ m i n e r l ' o u v r a g e , lorfque D o n G e o r g e J u a n , & _ D o n Antoine pour

d'Ulloa furent

veiller à la défenfe

Elcadres d ' A n g l e t e r r e .

appelles à

Lima,

des côtes c o n t r e

Les obfervations

les

furent

achevées , dans leur a b f e n c e , par les Académi­ ciens Français , d o n t le récir va fuccéder à ce* lui des Mathématiciens }

Efpagnols.

« N o u s partîmes d e Q u i t o , dit M . d e la C o n -

« d a m i n e , pour travailler férieufement à la m e «fure

des

triangles

de

la M é r i d i e n n e .

Nous

. « m o n t â m e s d'abord fur le P i c h i n c h a , M . Tj CUI

» g u e r & m o i , & nous allâmes nous établir près . « d u lignai, q u e j'y avais placé depuis près d'uti . » a n , 0 7 1 toifes au-delfus

d e Quito. L e fol d e

a> c e t t e Ville efl déjà élevé fur le niveau d e la » m e r d e 14Ó0 toifes, c'eft-à-dire, «Canigou

& le pic

» montagnes

plus q u e le

d u M i d i , les plus

des Pirénées. La

hauteur

hautes abfolue

« d e n o t r e p o l i e éiaie d o n c d e 2 4 3 c toifes ou « d ' u n e bonne lieue, c'efl-à-diie

pour

donner

«une

idée?


D E S

V O Y A G E S .

289

(Aune idée fenfible d e cette prodigieufe éleva« t i o n , q u e fi la p e n t e du terrain était

=

diftri-

« b u é e en marches d'un d e m i - p i e d c h a c u n e , il «y

aurait

«la

mer jufqu'au

» Antoine

19160

marches

à monter

fommet de

d'Ulloa ,

depuis

Pichincha.

en m o n t a n t

avec

<*> t o m b a en faibleffe, & fut obligé d e

Don

nous _> fe faire

« p o r t e r dans une g r o t t e voifine, où. il pafla la » nuit. » N o t r e habitation était u n e h u t t e , d o n t

le

» faire, foutenu par d e u x f o u r c h o n s , avait un p e u « p l u s d e fix pieds d e

h a u t e u r . Quelques p e r -

« c h e s , inclinées à d r o i t e & à g a u c h e , & d o n t « u n e des extrémités portait à t e r r e , tandis q u e » l'autre était a p p u y é e fur le c o m b l e , compofaient « l a charpente du toit & fervait en m ê m e - t e m p s « d e murailles. Le tout était couvert d'une efpèce « d e j e n c d é l i é , q u i croît fur la plupart des m o n « t a g n e s du pays. T e l fur n o t r e premier O b f e r «vatoire,

& n o t r e p r e m i è r e habitation fur le

« P i c h i n c h a . C o m m e je prévoyais les difficultés 03 d e la conftrudtion, t o u t e fimple qu'elle devait « ê t r e , j e m'y étais pris d e l o n g u e main : mais 53 je ne m attendais pas q u e cinq mois après avoir « p a y é les matériaux & la main d ' œ u v r e , j e n e m trouverais e n c o r e rien d e c o m m e n c é , & q u e « j e me verrais obligé d e c o n t r a i n d r e judiciaire-

Tomc XII

I

Pérou,


290

H I S T O I R E

G É N É R A L E

m m e n t les gens avec qui j'avais fait le marché-,: Pérou.

ai N o t r e

b a r a q u e occupait

toute la largeur

de

sil'efpace q u ' o n avait pu lui m é n a g e r , en appla31 niflant u n e crête fablonneufe 3> à m o n

qui fe terminait

lignai : le terrain était lî e f e a r p é ,

de

» part & d ' a u t r e , qu'à peine avait-on pu confer33 ver u n étroit fentier d'un feul c ô t é , pour paf» fer d e r r i è r e notre cafe. Sans e n t r e r dans le d é sitail des i n c o m m o d i t é s q u e n o u s

éprouvâmes

si dans ce p o r t e , je m e contenterai d e faire les si r e m a r q u e s fuivantes. N o t r e t o i t , prefque » tes les nuits , était

enféveli

tou-

fous les n e i g e s .

» N o u s y reflentîmes un froid e x t r ê m e , nous le si jugions m ê m e plus g r a n d par fes effets, qu'il sine n o u s était i n d i q u é par un t h e r m o m è t r e d e » M . d e R é a u m u r , q u e j'avais p o r t é , & q u e j e sone manquais pas d e confulter tous les j o u r s , ' ai matin & foir. Je ne »du

le vis j a m a i s , au lever

S o l e i l , defeendre tout-à-fait

jufqua

cinq

» degrés au-de(Ious du t e r m e d e la glace : il eft si vrai qu'il était à l'abri d e la neige & du v e n t 3 i & adoffé à n o t r e cabane ; q u e c e l l e - c i était »i continuellement

échauffée par la préfence

de

o i q u a t r e , quelquefois cinq ou fix perfonnes, & si q u e nous avions des brafiers allumés. R a r e m e n t si cette partie du fommet

d e Pichincha ,

pl

u S

s?Orientale que la b o u c h e du volcan, eft t o u t -


DES

V O Y A G E S .

é» à-fait dépouillée aoeft-elle

d e n e i g e . Auffi

à-peu-près

celle où

291 fa

la

hauteur

neige

ne

« f o n d jamais dans les autres m o n t a g n e s plus éle« v é e s , ce qui r e n d leurs fommets inacceiîibles. « P e t f o n n e , q u e je fâche, n'avait vu avant n o u s » le m e r c u r e , dans le b a r o m è t r e , au-delTous d e wfeize p o u c e s , c ' e i l - à - d i r e , d o u z e pouces plus » bas qu'au niveau d e la m e r -, en forte q u e l'aie « q u e n o u s refpitions était d i l a t é , près d e moi-; a» rié plus q u e n'eft celui d e France , quand Èi b a r o m è t r e y m o n t e à 19

le

pouces. C e p e n d a n t

¿«je ne relfentis, en m o n particulier, aucune dif» .«ficulté d e refpiration. Quant aux affections feor« b u t i q u e s , dont

M . Bouguer fait m e n t i o n ,

&

iiwqui défignent a p p a r e m m e n t la difpohtion pro-i» chaîne à faigner des g e n c i v e s , d o n t je fus alors ' » i n c o m m o d é , j e ne crois pas d e v o i r

l'attribuer

» au froid d e Pichincha , n'ayant rien éprouvé ;»de

pareil

en

d'autres

pofles

auffi

élevés ,

» & le m ê m e accident m'ayant tépris cinq ans ci après au C o t c h e f q u i , dont le climat efl rem-* a>péré.

,•

*

» J'avais p o r t é une p e n d u l e , & fait faire les « p i l i e r s qui Soutenaient la cafe , fur-tout

celui

« d u fonds aflez f o l i d e , p

cette

y

0 u r

fijfpendre

« h o r l o g e . N o u s parvînmes à l r é g l e r , & par c e a

« moyen à faite l'expérience du p e n d u l e fimple »

T ij

Pérou*


292

GÉNÉRALE

H I S T O I R E

» à la plus g r a n d e hauteur où Jamais elle eut é t é Pérou.

« faite. N o u s pafsâmes en ce lieu trois femaines

}

« fans p o u v o i r achever d'y p r e n d r e nos a n g l e s , » parce q u ' u n fignal, q u ' o n avait voulu porrer « t r o p loin du côté du S u d , n e put ê t r e a p p e r ç u , « & qu'il arriva q u e l q u e s accidens à d'autres. 33La montagne de

sopart d e celles

P i c h i n c h a , c o m m e la

d o n t l'accès eft fort

plu-

difficile,

« p a l î e , dans le p a y s , p o u r être riche e n mines «d'or $ &

d e plus , fuivant u n e tradition

fort

sa accréditée , les A m é r i c a i n s , fujets d'Atahualpa, « R o i d e Q u i t o , au t e m p s d e la c o n q u ê t e , y e n » fouirent u n e g r a n d e partie des t r é f o r s , qu'ils •«apportaient

d e toutes parts , pour la

rançon

« d e leur m a î t r e , lotfqu'ils a p p r i r e n t fa fin t r a « g i q u e . Pendant q u e n o u s étions campés

dans

« c e lieu, d e u x particuliers d e Q u i r o , d e la con» naiffance d e D o n A n t o i n e d ' U l l o a , qui parta­ g e a i t n o t r e t r a v a i l , e u r e n t la curiofité, p e u t » ê t r e ' a u n o m d e t o u t e la V i l l e , d e favoir ce « q u e nous faifions û long-temps dans la m o y e n n e « r é g i o n d e l'air. Leurs mules les conduisirent au « p i e d d u r o c h e r , o ù nous avions élu n o t r e do« «micile-, mais il leur

reftait

« cens toifes d e hauteur

à franchir

deux

perpendiculaire , q u e

a» l'on n e pouvait m o n t e r q u ' e n s'aidant des pieds » & des m a i n s , & m ê m e en quelques e n d r o i t s .


D E S

V O Y A G E S ,

293

qu'avec d a n g e r . U n e partie d u chemin était un « f a b l e m o u v a n t , q u i s'éboulait fous les p i e d s , '*»& o ù l'on reculait fouvenc au-lieu d'avancer» [wHeureufement pouf e u x , il n e faifait ni pluie a» n i brouillard. C e p e n d a n t nous les vîmes p l u » fieurs fois abandonner la p a r t i e . Enfin à l'envi ,»l'un d e l ' a u t r e , aidés par nos P é r u v i e n s , ils !» firent d e nouveaux efforts & parvinrent à n o t r e » p o r t e , après avoir

mis plus d e d e u x heures

« à l'efcalader. N o u s les r e ç û m e s agréablement ; « n o u s leur fîmes parr d e routes nos richeffes. s» Ils n o u s t r o u v è r e n t mieux pourvus d e

neige

'» q u e d'eau. O n fit grand feu pour les faire b o i r e » à la glace. Ils parlèrent avec nous u n e partie « d e la j o u r n é e , & r e p r i r e n t au foir le c h e m i n « d e Q u i t o , o ù nous avons depuis confervé la ;» réputation d ' h o m m e s fort extraordinaires. » T a n d i s q u e nous

obfervions

à Pichincha ,

» M . G o d i n & D o n J e o r g e Juan étaient à huit « l i e u e s d e n o u s , fur u n e m o n t a g n e moins h a u t e , es n o m m é e Pamba- marca. N o u s pouvions nous a» voir diftin&ernent, avec d e longues l u n e t t e s , » & m ê m e avec celles d e nos quarts d e c e r c l e ; « mais il fallait deux jours au moins à un exprès *>pour

p o r t e r u n e lettre d'un pofte à l'autre.

;» M . Godin effaya vainemenr d e f a i r e , au Pamba« m a r c a , l'expérience d u f ; on

il

n

e

put e n t e n d r a

m le bruit d'un « n o n de neuf livres d e balle»

T iij

Pérou»


294

H I S T O I R E

G É N É R A L E

: » qu'il avait fait placer fur u n e petite montagne' Tcrou.

» voifine d e Quito d o n t il était éloigné d e dix-; « m e u f mille toifes. » L a fanté d e M . Bouguer était altérée. Il avait sîbefoin d e repos. N o u s defcendîmes le i î x de, »1Septembre à Q u i t o ,

où M . G o d i n fe r e n d i t

oi auffi. N o u s y obfervâmes tous enfemble I'éclipfe » d u 8 d u m ê m e mois. Avant q u e d e r e t o u r n e r ai à n o t r e

p r e m i è r e tâche d u Piehincha , j'allai

si faire u n e courfe à q u e l q u e s lieues au S u d - E U aide Q u i t o , pour c h e r c h e r un e n d r o i t p r o p r e à ai placer u n fignal, q u i devait ê t r e apperçu d e '»i fort loin. J e réuffis à le r e n d r e vifible, en le »i faifant

blanchir d e chaux. L e lieu fe n o m m e

si Changailli, & ce fignal eft le feul, hors ceux » q u i o n t t e r m i n é n o s b a f e s , q u i ait été placé sren rafe c a m p a g n e . ai L e i i de S e p t e m b r e , en revenant d e r e c o n » naitre le terrain fur le volcan n o m m é Sirxhou* »lagoa,

je fus f u r p r i s ,

e n pleine

campagne,

si d'un violent o r a g e , mêlé d e t o n n e r r e & d'é» c l a i r s , accompagné d'une g r ê l e , la plus groflè ai q u e j'aie v u e d e ma v i e . O n Juge bien q u e oi j e n'eus pas la c o m m o d i t é si diamètre -, j e n'étais

occupé

d'en mefurer

le

q u ' à trouver le

3> moyen d e garantir ma tête i u n g r a n d chapeau si à l'Efpagnole n'eut pas fufri, fans un m o u c h o i r vque

je mjs deflbus p o u r a m o r t i r

rimpreuion


D E S

295

V O Y A G E S .

« d e s coups q u e je recevais. Les grains aoplufieurs approchaient » noix,

m e caufaient

de

la

dont

groffeur

d e la d o u l e u r

d'une

à

travers

» des gants forr épais, j'avais le vent en face , j> & la vîteffe d e ma mule augmentait la force « du choc. J e fus o b l i g é , plusieurs fois, d e t o u r » n e r b r i d e . L'inftind

d e cet animal le portait

« à préfenter le dos au v e n t , & à fuivre fa d i « r e c t i o n , c o m m e un vaifleau fuit vent arrière « en cédant à l'orage. «Nous

r e m o n t â m e s , quelques jours

après,

« fur le P i c h i n c h a , M . Bouguer & m o i , non à « n o t r e premier pofte, mais à un autre b e a u c o u p « m o i n s é l e v é , d'où l'on voyait Q u i t o , q u e nous « l i â m e s à nos triangles. L e mauvais temps « rendit inutile n o t r e troifieme

y

tentative, pour

« o b f e r v e r l ' E q u i n o x e par la m é t h o d e d e M . Bou« guer. R e b u t é s des incommodités d e n o t r e ancien, « lignai de Pichincha , nous en plaçâmes un autre » dans u n

endroit

plus c o m m o d e , z 1 o toifes

^ p l u s bas que le p r e m i e r . C e fut là q u e n o u s « reçûmes, l

e

13

d e S e p t e m b r e , la

première

» nouvelle des ordres d u R o i , par lefquels nous « é t i o n s difpenfés j e la mefure d e

l'Equateur,

» qui jufqu'alors avait fait partie d e n o t r e p r o « j e t , ainfi q u e c e l l

e

j

» L e c h a n g e m e n t du

u

Méridien. fi l gna

d e Pichincha nous

p obligeait à r e p r e n d r e de. n o u v e a u x angles. Le*. T

iv.

Pérou,


296

H I S T O I R E

G É N É R A LE

» difficultés q u e nc-jk rencontrâmes à placer fui? Pérou,

»la

m o n t a g n e d e C o t a - c a t c h é , vêts le N o r d ,

» u n fignal q u i d e v i n t

inutile , d u r è r e n t

pref-

v q u e tout l e mois d ' O c t o b r e . Il e n naquit d'au» t r è s , q u e le cours d u temps multiplia. O n n e » p e u t les c o n c e v o i r ,

fans connaître la

nature

» du Pays d e Q u i t o . L e t e r r a i n , p e u p l é & c u l » tivé dans

fon étendue ,

eft un vallon

fitué

30 entre d e u x chaînes parallèles d e haute m o n t a 93 g n c s , q u i font partie d e la C o r d e l i è r e . L e u r s » cimes fe perdent

dans les n u e s , &

prefque

« toutes font couvertes d e malles é n o r m e s d'une a» n e i g e auiîl ancienne q u e le m o n d e .

D e plu-

asfieu rs d e ces f o m m e r s , e n partie é c r o u l é s , o n 33 voit

fortir

e n c o r e des tourbillons

de

fumée

» & d e flamme , d u fein m ê m e d e la n e i g e . 93 T e l s font les fommets tronqués d e G o t o p a x i , 3»de T o n g u r a g a ,

Se du Sangai.

La

plupart

» des autres o n t é t é des volcans a u t r e f o i s , ou 9> vraisemblablement

le d e v i e n d r o n t .

L'hiftoite

s> n e nous a confervé l'époque de leurs éruptions-, » q u e depuis la d é c o u v e r t e d e l'Amérique -, mais s, les pierres p o n c e s , les matières calcinées q u i »les

parlement,

&

les traces

vifibles

d e la

» flamme, font d e s témoignages authentiques d e 93 leur

embrafement.

Quant à leur

prodigieufe

» élévarion, ce n'elt pas fans raifon qu'un A u t e u r P> Efpagnol avance q u e les m o n t a g n e s d'Amérique


DES

V O Y A G E S .

297

* f o n t , à l'égard d e celles de l ' E u r o p e , ce q u e •» font les clochers d e nos V i l l e s , comparés aux » maifons ordinaires. n La hauteur « fuuées

les

moyenne

d u v a l l o n , où

Villes d e Q u i t o , C u e n ç a ,

font Rio-^

« b a m b a , L a t a c u n g a , la Ville d ' i b a r r a , & q u a n » tité d e Bourgades & d e V i l l a g e s , eft d e r 5 «à

16 cens toifes au-delTus d e la m e r : c'eft-

» à-dire

qu'elle excède

celle des

« m o n t a g n e s d e s Pyrénées ; & ce

plus hautes fol fett

de

» bafe à das m o n t a g n e s u n e fois aufli élevées. » L e C a y a m b u r o , fitué fous l'Equateur m ê m e , «l'Antifona , qui n'en eft éloigné q u e d e

cinq

« l i e u e s vers le S u d , ont plus d e 5 0 0 0 toifes , « à c o m p t e r du niveau d e la m e r , & le C h i m « b o r a z o , haut d e 3 1 1 0 t o i f e s , furpalïë d e plus « d ' u n tiers le Pic d e Ténéciffe, la plus h a u t e «montagne de

l'ancien

hémifphère.

La

feule

« p a r t i e du C h i m b o r a z o , toujours couverte « neige

t

a S o o toifes d e hauteur

de

perpendicu-

« laire. L e Pichincha & le C o r a ç o n , fur le fom-, »» met defquels nous avons p o r t é des B a r o m è t r e s , « n ' o n t que

2

+

}

0

&

» abfolue , & c'efl. |

2 4 7 0 toifes a

pl

u s

de

hauteur

g r a n d e où l'on

ait

«jamais monté. La neige p e r m a n e n t e a r e n d u «jufqu'ici

les plus hauts fommets

inacceffibles.

« Depuis ce t e r m e , qui f t celui où la n e i g e n e e

» f o n d p l u s , m ê m e dans la Z o n e - T o r r i d e , o n n e

Pérou.


298

HISTOIRE

GÉNÉRALE

« v o i t g u e r e s , en defcendant jufqu'à 1 0 0 ou 1 5 S Pérou.

« toifes , q u e des rochers n u d s , ou d e s fables « arides. Plus b a s , on c o m m e n c e à voir q u e l q u e s « m o u f l e s , qui tapillent

les rochers , diverfes

« efpèces d e bruyères , q u i , bien q u e vertes & « m o u i l l é e s » font un feu c l a i r , & n o u s o n t été; « f o u v e n t d'un grand fecours ; d e s mottes a r r o n « dies de t e r r e fpongieufe , où font plaquées d e •» petites plantes radiées & étoilées , d o n t l e s « p é t a l e s font femblables aux feuilles d e l'if, & sa quelques autres plantes. Dans tout cet efpace , « l a n e i g e n'eft q u e paffagere ; mais

elle

s'y

« c o n i e r v e quelquefois d e s femaines & d e s m o i s S3 entiers. Plus bas e n c o r e , 8c dans u n e a u t r e fc> Z o n e d'environ j o o toiles d e h a u t e u r , le terrain; 33 eft c o m m u n é m e n t couvert d'une forte d e gramert » d é l i é , q u i s'élève jufqu'à un pied & d e m i ou « d e u x p i e d s , & q u i fe n o m m e uchuc en l a n g u e « Péruvienne. C e t t e efpèce d e foin ou d e p a i l l e , » i c o m m e o n la n o m m e dans le P a y s , eft l e c a « r a c t e r e p r o p r e q u i diftingue les m o n t a g n e s q u e « l e s Efpagnols n o m m e n t Paramos. Enfin'defeen« d a n r e n c o r e plus b a s , jufqu'à la hauteur d ' e n « v i r o n d e u x mille toifes au -deffus du niveau d e 93 la m e r , j'ai vu neiger q u e l q u e f o i s , & d ' a u t t e « fois pleuvoir. '«nature

O n fent

d u fol , f

a

bien q u e la diverfe

différente expofïtion

t

] s e

« v e n t s , la faifon , & plulieurs circonftançes p h y -


DES VOYAGES;

299

9 fiques, doivent faire varier plus ou moins " s> les limites q u ' o n vient d'afligner à ces diftérens P é r o u . a> étages. « S i l'on continue d e d e f c e n d r e , après le t e r m e v> qu'on vient d ' i n d i q u e r , il fe t r o u v e des arbuftes : i> &

plus bas j on ne r e n c o n t r e plus q u e

des

33 b o i s , dans les terrains non défrichés, tels q u e les s» d e u x côtés extérieurs d e la d o u b l e chaîne d e m o n « tagnes , e n t r e lefquelles ferpente le vallon q u i }-> fait la partie habitée & cultivée d e la Province & de Q u i t o . Au-dehors , d e part & d'autre d e la » C o r d e l i è r e , tout eft couverr d e vaftes f o r ê t s , » qui s'étendent vers l'Oueft jufqu'à la m e r d u « S u d , à quarante lieues> d e diftance , Se v e r s a> l'Eft , dans tout l'intérieur 53 fept

à huit

d'un

continent d e

cens lieues , le l o n g d e la

ri-

« v i e r e des A m a z o n e s , jufqu'à la G u y a n e & au *Bréfil. tt

La

hauteur d u fol d e Q u i t o , eft celle où la

* température

d e l'air eft la plus agréable. L e

» t h e r m o m è t r e y m a r q u e c o m m u n é m e n t 14. à 1 5 33 degrés au-defïus du t e r m e d e la glace , c o n n u 33 à Paris , d

a n s

33 & ne varie q

u e

j

beaux jours d u P r i n r e m p s ,

e

s

f

o r t

ai» cendant , on eft f 03 monter

le t h e r m

p e u . En m o n t a n t ou d é l ­ ur

de

o m e t r e

}

faire defcendre &

ou

r e m o n r e r fuc-

wcelTivement la t e m p é r a t u r e d e tous les divers climats

t

depuis cinq degrés a u - d e f l o u s d e la


300

H I S T O I R E

« c o n g é l a t i o n , ou Pérou..

G É N É R A L E

plus , jufqu'à v i n g t - h u i t OUk

« v i n g t - n e u f a u - d e i ï u s . Quant au baromètre , fa « h a u t e u r m o y e n n e à Quito , eft d e vingt p o u c e s » une l i g n e ,

&

fes plus g r a n d e s variations n e

» vont point à u n e ligne & d e m i e : elles f o n t » ordinairement

d'une ligne ^ par jour , & fe

« font allez régulièrement à des heures réglées. m Les d e u x chaînes d e m o n t a g n e s , q u i b o r d e n t « l e vallon

d e Quito , s'étendent

à-peu-près

» N o r d au Sud : cette Situation était

du

favorable

« p o u r la mefure d e la M é r i d i e n n e : elle offrait » a l t e r n a t i v e m e n t , fur l'une & l'autre c h a î n e , d e s » points d ' a p p u i , pour terminer les triangles. L a » plus g r a n d e difficulté confiftait à choilît les lieux » c o m m o d e s , pour y

placer dés fîgnaux.

Les

« p o i n t e s les plus é l e v é e s , étaient e n f e v e l i e s , l e s » unes fous la n e i g e , les autres fouvent plongées » dans des nuages qui en dérobaient la v u e . Plus «bas,

les fignaux ,

vus d e

loin , fe

« t a i e n t fut le terrain , 8c devenaient «ciles

proje-

ttes-diffi-

à reconnaître d e loin. D ' a i l l e u t s , n o n -

» feulement il n'y avait point d e chemin tracé , » qui conduisît d'un lignai à l'autre , mais il falv> lait fouvent traverfer , par d« longs d é t o u r s , « d e s ravines formées par les torrens d e pluie & «de

neige fondue ,

creufées

quelquefois

de

« f o i x a n t e ou q u a t r e - v i n g t toifes d e profondeur. » On

conçoit les

difficultés & la lenteur d e


D E S

V O Y A G E S .

301

» marche , q u a n d il fallait tranfporter d'une

fta-

w tion à l'autre , des quarts d e cercle d e d e u x eo ou trois pieds d e rayon , avec tout ce qui était «néceffaire

pour s'établir dans des

lieux

d'un

№ accès difficile , & quelquefois y féjnurner d e s » mois entiers. Souvent les guides

Américains

» prenaient la fuite en c h e m i n , ou fur le f o m m s t » d e la m o n t a g n e où l'on était campé , & plu» Meurs }ours le parlaient , avant qu'ils pulTent » être remplacés. L'autorité des G o u v e r n e u r s Ef» pagnols , celle des

Curés &

des

Caciques,

» enfin un falaire d o u b l e , r r i p l e , quadruple , n e » fuffifaient

pas pour faire t r o u v e r des guides ,

» des muletiers & des p o r t e f a i x , ni m ê m e pour w retenir -ceux q u i s'étaient offerts v o l o n t a i r e m e n t . 33 U n des obftacles les plus rebutans , était la « c h u t e fréquente & l'enlèvement desfignaux qui » terminaient

les triangles. En France , les c l o -

=°chers, les moulins , les tours , les châteaux , «° les arbres ifolés , & placés dans un lieu r e wmarquable , offrent aux Obfervateurs u n e i n «finité d e points , d o n t ils o n t le c h o i x ; m a i s , « d a n s un p a y f, différent d e l'Europe , & fans s

« a u c u n point précis , on était obligé d e ctéer »en

quelque f o r t e , , des objets d i f t i n c t s , p o u r

« former les t r i a n g l . D ' a b o r d on pofa des p y r a es

« m i d e s , d e trois ou quatre longues tiges d'un» « efpècc

d ' t l o e s , d o n t [q

D o

j.

s

était fort léger ,

Pérou.


302

H I S T O I R E

G É N É R A L E

» & c e p e n d a n t d ' u n e allez g r a n d e réfiftance. O i t Pérou.

y> faifait

gatnir d e paille o u d e natte la partie

« fupérieure d e ces p y r a m i d e s , quelquefois d ' u n e » toile d e coton fott c l a i r e , qui fe fabrique dans « le pays , & d'autres fois d'une couche d e chaux. » Au - delïous d e cette efpèce d e pavillon , o u «Iaiffait allez d'efpace p o u r placer & manier u n » quart d e cercle -, m a i s , après plufieurs j o u r s , & s» quelquefois plufieurs femaines d e pluie & d e » b r o u i l l a r d , l o r f q u e l'horizon s'éclaircilT a i t , & q u e « l e s fommets des m o n t a g n e s fe m o n t r a n t à d é 3 3 c o u v e r t , femblaient inciter à p r e n d r e les angles « fouvent

à l'inftant m ê m e o ù l'on était prêt d e

?» recueillir

le fruit

d'une

longue

attente , o n

« avait le déplailïr d e voir difparaître les

fignaux,

« t a n t ô t enlevés par les o u r a g a n s , & tantôt volés. « D e s pâtres Américains s'emparaient des perches $ 33 des cordes , des piquets , d o n t le

tranfport

« a v a i t coûté b e a u c o u p d e temps & d e peine, il « f e palfait quelquefois huit & quinze j o u r s , avant « q u e le d o m m a g e pût être réparé. Enfuire il fal« l a i t a t t e n d r e des femaines entières dans la n e i g e » & dans les frimats, un autre m o m e n t favorable « pour les opérations. L e feul lignai d e Pamba« m a r c a fut réparé jufqu'à fept fois. «Vers

le

commencement

« M . G o d i n imagina le

d e cette année 3

p r e m i e r un expédient

» iimple & c o m m o d e , p o u r rendre•tout-à-Ia.-foij


D E S r

wles

fignaux

V O Y A G E S .

303

faciles à conilruire , & très-aifés à

« diftinguer dans l ' é l o i g n e m e n t , ce fut d e p r e n « dre

pour

fignaux ,

les

» d'autres femblables

tentes

même ,

à celles o ù l'on

ou

campait.

» C h a q u e Académicien avait une g r a n d e t e n t e , •3) Se les Mathématiciens Efpagnols avaient »3 les

leurs : on

i) nieres.

MM.

avait

Virguin

» cédaient , & faifaient

d'ailleurs

trois

auflï

canon-

èV des O d o n n a i s p r é placer celles-ci alterna-

33 t i v e m e n t , f u r les deux chaînes d e la C o r d e l i è r e , »3 aux points défignés, c o n f o r m é m e n t au projet: 33 des triangles. Ils laifiaient un Américain p o u r 33 les g a r d e r . O n était d a n s i a faifondes pluies. C e 33 t e m p s avait été e m p l o y é l'année p r é c é d e n t e , à « r e c o n n a î t r e le terrain de la M é r i d i e n n e , & fui» vant le confeil des gens m ê m e s du pays , o n » ne pouvait penfer alors à m o n t e r fur les mon-, » tagnes-, mais o n avait a p p t i s , par l ' e x p é r i e n c e , *> q u e , dans la Province d e Quito , les beaux » jours étaient feulement

plus

rares pendant la

« faifon qu'on y n o m m e l'hiver , depuis N o v e m « b r e jufqu'en Mai , & q u e , dans le relie d e l'an33 née , q u i p o r t e le n o m d ' é t é , il ne laillait pas « d e pleuvoir quelquefois plufieurs jours d e fuite. « Lorfqu on s en f

uc

a

p p ç u , toutes les faifons e r

3> furent é g a l e s , & la diverfité d e s temps n'inter» rompit plus le cours des opérations.33 O n avait

été r e t e n u tout l

e

mois d e Janvier.

Pérou.


304

HISTOIRE

G É N É R A L E

& la moitié d e Février , aux p r e m i e r s Fciou.

fignau*

d e s environs d e la b a f e , & à ceux d e PambaM a r c a , d e Tanlagoa & d u Changailli. Le

Co-

ropaxi & le C o r a ç o n d e v i n r e n t enfuite le c h a m p des opérations. M ê m e s embarras 5c mêmes fouffrances. L e

9

d'Août , M M . Bouguer

&

de

la ' C o n d a m i n e , toujours accompagnés d e D o n Antoine

d'Ulloa

3

acheverenr d e p r e n d r e leurs

angles au C o r a ç o n , après avoir paffé 28 jours fur cette m o n t a g n e . Dans lereffe d u m o i s , ils finirent ceux du P a p a o u r c o u , du P o u c a - O u a ï c o u

& du

M i l i n . L e 16 j les d e u x Académiciens Français étant partis feuls d e

la ferme d'ilitiou , après

avoir fait p r e n d r e le devant à tout leur bagage j u g è r e n t q u e le p o r t e u r d e la t e n t e , fous laquelle ils devaient camper , n e pouvait arriver , avant la nuit , au fignal. Us cherchèrent vainement u n e g r o t t e . La nuit les furprit en plein c h a m p , au p i e d d e la m o n t a g n e , & dans u n e lande trèsfroide , où la néceffité les conttaignit d ' a t t e n d r e l e jour. Leurs felles leur fervirent d e c h e v e t , le m a n t e a u d e M . B o u g u e r , d e matelas & d e c o u ­ v e r t u r e . U n e cappe d e taffetas ufé , d o n t M . d e la C o n d a m i n e s'était heuteufement p o u r v u , d e ­ vint un pavillon , foutenu fur leurs couteaux d e chafle , 8c leur fournit un abri c o n t r e le v e t g l a s , qui tomba

t o u t e la nuit. Au j o u r , ils fe t r o u -

y e r e n t enveloppés d'un brouillard fi épais, qu'ils

fe perdirent


DES

V O Y A G E S .

305

le perdirent en cherchant leurs mules. M . Bouguer « n e put m ê m e rejoindre la fienne. A p e i n e , à dix h e u r e s & d e m i e , le temps était-il allez é c l a i r é , pour

voir

à fe conduire. Dans la dation

du

C o n t o u r - Palti j fur le C h i m b o r a z o _, ils e u r e n t à r e d o u t e r les éboulemens des g r a d e s mafïes

de

n e i g e , incorporées & durcies avec le fable, qu'ils avaient piïfes d'abord pour des bancs de rochers. Elles fe dérachaient du (ommet d e la m o n t a g n e , Se fe précipitaient dans ces profondes crevalt'es, entre

lefquelles

leur

tente

étaient fouvent réveillés par

était

placée.

Ils

ce bruit , q u e les

échos redoublaient , & qui femblait encore s'ac­ croître dans le filence d e la nuit. Au C h o u j a i , o ù ils panèrent quarante j o u r s , M. d e l a C o n d . i m i n e , l o g é dans la tente m ê m e qui fervait d e fignal • avait , pendant la n u i t , le terrible fpe&acle du Volcan d e Sangaï. T o u t un côté de la m o n t a g n e paraiflait en feu , c o m m e la bouche même volcan ; ¡1 en découlait un t o r r e n t

du

d e foufre &

d e bitume enflammé , qui s'eft. creufé un lit au milieu d e la neige , d o n t le foyer aident du Commet,eft fans ceff'e couronné. Le torrent p o r t e fes flots dans la civière d U p a n o , où il fait mou­ rir le poidon à une grande didance. Le bruit du Volcan fe fait e n t e n d r e à Guayaqml , qui en efl éloigné de plus de quarante lieues ., en droite ligne.

Tome Xîl\

V

Pérou.


306

HISTOIRE

GÉNÉRALE

Sur u n e des pointes d e l'Affuay, q u ' o n nomme! Sinaçahouan , & qui n'eft inférieure au Pichincha,' q u e d e 9 0 t o i f e s , le temps fe trouva clair & ferain le 27 A v r i l , à l'arrivée d e M. d e la C o n d a m i n e . I l y découvrait un ttès-bel h o r i z o n , précifément e n t r e d e u x chaînes d e la C o r d e l i è r e q u i fuyaient à p e r t e d e vue au N o r d & au Sud. L e

Coto-

p a x i s ' y faifait diftinguer à 50 lieues d e diftance. Les montagnes intermédiaires, & fur-tout

les

vallons voifîns, s'offraient à vol d'oifeau c o m m e fur u n e C a r t e t o p o g r a p h i q u e . Infenfiblement la plaine fe couvrit d'une vapeur légère. O n n ' a p p e r ç u t plus les objets qu'à travers un voile tranf-: p a r e n t , q u i n e laiffait pataitre diftinclement q u e les plus hauts fominets des m o n t a g n e s . Bientôt M. d e la C o n d a m i n e , feul a l o r s , fut e n v e l o p p é d e n u a g e s , & fes inftrumens lui d e v i n r e n t i n u ­ tiles. Il pafla t o u t le j o u r & la nuit Suivante fous u n e t e n t e fans m u r s . L e 2 8 , M. B o u g u e r l'ayant r e ­ joint avec D o n d ' U l l o a , la tente fut placée q u e l q u e s toifes plus b a s , pour la m e t t r e un peu à l'abri d ' u n v e n t très-froid, qui fouille toujours fur ce P a r a m o ; Précaution inutile : la nuit du

29 au j o , v e r s

les d e u x h e u r e s du matin , il s'éleva un

orage,

mêlé d e n e i g e , d e grêle & d e t o n n e r r e . Les trois Alfociés furent réveillés par un bruit affreux. La plupart des piquets étaient arrachés.

Les q u a r ­

tiers d e r o c h e s , q u i avaient fervi à les alTurer^'


D E S

V O Y A G E S .

307

toulaient les uns fur les autres. Les murailles d e la tenté , déchirées & roides d e verglas , ainiî q u e les

attaches

r o m p u e s & agitées d'un vent

furieux , battaient c o n t r e les mâts & la t r a v e r f e , Se menaçaient

les trois Mathématiciens

d e les

couvrir d e leurs débris. Ils fe levèrent avec p r é ­ cipitation. N u l fecouts d e la part d e leur cortège d ' A m é r i c a i n s , q u i était d e m e u r é dans u n e g r o t t e aflez éloignée. Enfin , a la lueur des éclairs, ils réuHirent à prévenir le mal l e plus p r e i ï a n t , q u i était la c h u t e d e la t e n t e , où le vent & la n e i g e pénétraient d e toutes patts. L e lendemain , ils en rirent drefler une a u t r e , plus bas & plus à l ' a b r i ; mais les n u i s Avivantes n'en furenr pas plus tran­ quilles. T r o i s tentes montées fucceffivement, avec la peine q u ' o n peut s'imaginer , fur de

un

terrain

fable & d e r o c h e , eurent routes le m ê m e

fort. Les A m é r i c a i n s , las d e racler & d e fecouer la n e i g e , d o n t elles fe couvraient

continuelle­

m e n t , p r i r e n t tous la fuite , les uns après les a u t r e s . Les chevaux & les. m u l e s , qu'on aller , fuivant leur

pâture , (

l'ufage c

du Pays , pour chercher

retirèrent par

inftincr. dans le

fond des ravines. TJn cheval fut dans un t o r r e n t , où ]

e

trouvé

noyé

vent l'avait fans

doute

précipité. M . Godin 8c D

o

n

J e o r g e Juan , qui

o b f e r v a i e n t , d'un a u t t e c o t é , f t a g n e , ne fouibirent

biffait

gueres

ur

l même mon­ a

moins , V

quoique ij

Pérou.


308

HISTOIRE

GÉNÉRALE

campés dans un lieu plus bas. C e p e n d a n t on achevâf 'Pérou.

le 7 d e Mai , d e p r e n d r e rous les a n g l e s , dans cette pénible ftation , & l'on fe rendir l e m ê m e j o u r à C a g n a r , gros Bourg peuplé d'Efpagnols, à cinq lieues au Sud d e l'Affuay. En voyant d e loin les n u a g e s , les tonnerres & les éclairs qui avaient d u r é plufieurs jours , & la n e i g e qui était t o m b é e fans relâche fur la cime d e la m o n t a g n e , les habitans du c a n t o n a v a i e n t jugé que tous les M a t h é ­ maticiens y avaient péri. C e n'était pas la p r e ­ m i è r e fois qu'on en avait fair courir le b r u i r , & •dans cette occafion, on fit p o u r eux des prières publiques à Cagnar. Mais fouvenons-nous q u e l'objet d e cet article n'eft pas d e les fuivre dans toutes leurs flations. &

qu'il fuffit d'avoir repréfenté u n e partie des

obftacles qu'ils e u r e n t prefque fans ceffe à com­ b a t t r e . O n a déjà dit q u e cement d'Août

1 7 3 7 , jufqu'à

1 7 : 9 , la c o m p a g n i e la

Condamine

depuis le c o m m e n ­

habita

la fin d e Juillet

d e M M . Bouguer fur

& de

trente - cinq

rentes montagnes , & celle d e M . G o d i n

diffé­ fur

trente-deux. Dès l'année i7?5> avant le départ des Acadé» m i c i e n s , M . d e la C o n d a m i n e avait propofé d e fixer les d e u x termes de la bafe

fondamentale

d e s opérations qu'ils allaient faire au P é r o u , p

a t

d e u x nionumens d u r a b l e s , tels q u e d e u x colora-


D E S

V O Y A G E S .

309

fies, obéiifques, o u p y r a m i d e s , d o n t l'ufage ferait expliqué par u n e infcription. L e projer fut a p ­ prouvé d e l'Académie des Sciences. Celle d e s Belles-Lettres rédigea l'infcription.. O n e u t pour but d e n'y rien inférer qui pût déplaire à la nation E f p a g n o l e , ou bleffer les droits légitimes d u S o u v e r a i n , dans les Etats & fous la p r o t e c ­ tion d u q u e l o n avait choifi le champ du travail. N o u s la d o n n o n s ici telle q u ' e l l e fut gravée (a),

d'abord

c'eft-à-dire avec quelques changemens

'(a)'

Aufpiciis PH1LIPPIV, Hifpaniar. & Indiar. Regis Catholici» Promovente

regia Scientiar. Academia Parii» Faventibus.

Emin.Herc. de Fleury, SacraRom. Feci. Cardinali, Supremo (Europa plaudente )Galliar. Adminiflro, Celf. Joann. Fred. Phclipeaux , Com de Maurepas , JtegiFr. à rebus maritimis, &cc. Omnigeme eruditionis Scenate ; t u d . Godin , p Condami

e t

. Bouguer.

Car. Maria de

la,

ne<

Ejufdem Acadcmise focii, LUD. X V , Regis Chriftianifllmi, j f l & munificenti!* u

u

In Peruviani aiiflS , Ad metiendosin/EciuinoaialipiagaterreftrcsgraduSj

V iij

Fcroui,


310

H I S T O I R E

G É N É R A L E

relatifs à des circonftances q u ' o n n'avait pu p r é ­ Pérou.

voir. Les Académiciens p a r t i r e n r , ils exécutèrent g l o r i e u l e m e n t leur e n t r e p r i f e , & M . d e la C o n d a m i n e p r i t , avec le coufentement d e (es Aflo"? c i é s , la commiffion d'élever le m o n u m e n t , dans la plaine d ' Y a r u q u i , o ù l'on a vu q u e la

bafe

avait été m e i u r é e . Son p r e m i e r f o i n , lorfqu'il vit cette

mefure

a c h e v é e , fut d e conftater inviolablement les d e u x t e r m e s . Dans cette v u e , il fit tranfporter à char.

Quo vera tclluris figura ccrtiùs innotefceret : ( /Jßßcntibus & A.uonio

, ex mandato

Maj.

de Ulloa navis belticce

Cith. Giorgio Juan j. Vice -

PrafeBis.)

Solo ad perticarli libellamquc exploratq , In hàc Yaniquecniì planine , Diftantiam horizontalem intra hujus & alterius obelifci axes 62.72. hexapcdarum Parif. pedum 4 ; poll. 7. Ex qua elicietur bafis 1,Triangoli latus, opeiis fun*

Aa m en Inl'nca qua: excurrit

.

A borea Occidenrem Verfusgrad-19', 2 J i Ab auftro Oiicntem Statuere.

Ann. Chrifti. Meta

M.

DCC.

"Auftrafis, Borealis,

X X X V I . M,

Novembre


D E S

V O Y A G E S .

311

q u e extrémité u n e m e u l e d e moulin. Il fit creufer le fol, & e n t e r r e r les meules-, d e forte q u e les deux j a l o n s , qui t e r m i n a i e n t la diftance m e furée, occupaient les centres vides d e ces pierres^ O n n'eut pas b e f o i n , dit-il, d e méditer b e a u c o u p fur la matière & la forme q u i convenaient

le

m i e u x à un m o n u m e n t fimpîe & d u r a b l e , p r o p r e à conftater, fans é q u i v o q u e , les d e u x termes d e la bafe. Quant à la f o r m e , la plus avantageufe était la p y r a m i d e ; & la plus fimple d e toutes les p y r a m i d e s , était u n t é t r a è d r e . M a i s , c o m m e il

convenait

d'orienter

rédifice

par

rapport

aux régions d u m o n d e , il fe d é t e r m i n a , c e t t e raifon, à d o n n e r q u a t r e faces aux

pat

pyra­

m i d e s , fans c o m p t e r celle d e leur bafe. C e q u i rendait

d'ailleurs

L'infcription, préfenté

la

conflruétion

plus

facile.

pofée fur u n e face i n c l i n é e , eut

un afpeét

défagréable -, elle

eut

été

m o i n s aifée à l i r e , & tr©p expofée aux injures d e l'air : il fallait d o n c u n focle ou p i e d d'eftal, allez haut p o u r p o r t e r Pinfcription. Quant à la m a t i è r e , il n'y avait point à choifir -, la t e r r e n'aurait

point e u aflez d e folidité. C o m m e

carrière

des

pierres d e taille

la plus

la

voifine

était au d e l à d e Quito à 6 o u 7 lieues d e dif­ t a n c e , on n eut pas d'autres parti à p r e n d r e q u e d e t i r e r , des ravines les p l u p S

r o c

h e s , des pierres

d u r e s , & des quartiers d e r o c h e p o u r le maffif

V iv.

Pérou,


312

H I S T O I R E

GÉNÉRALE

intérieur d e l ' o u v r a g e , fauf à le revêtir extérieur» jperou.

r e m e n t d e briques. Enfin le t e m p s , le l i e u , les circonftances , demandaient fufient

que les pyramides

à-peu-près telles qu'elles font ici r e p r é -

fentées. M . d e la C o n d a m i n e fit marché

pour

les

pierres. Elles ne pouvaient être tranfportées qu'à d o s de m u l e t ,

feule voiture q u e le p.iys p e r ­

mette-, & cette feule opération demandait plu­ sieurs mois d e travail. Il donna les o r d r e s néceffires

pour

faire mouler

&

fur le lieu m ê m e . Q u o i q u e

cuire les briques les

bâtimens o r d i ­

naires , d.;ns l'Amérique E f p a g n o î e ,

ne

foient

con pofés que degrolTes malles d é t e r r e p é t r i e , & féchée au Soleil , on ne laifle pas d'y faire auffi des briques

à la manière d e l'Europe : le

changement fut d'en faire

feul

le moule d'une plus

g r a n d e p r o p o r t i o n , afin q u e , ne pouvant fervir à route autre f a b r i q u e , on ne fur pas tenté d e d é g r a d e r ce m o n u m e n t

pour les p r e n d r e .

La

chaux fut apportée d e C a y a m b é , à dix lieues d e Q u i t o , vers l ' O r i e n t , c o m m e la meilleure

du

pays. L'aveu d u S o u v e r a i n , ou d e ceux qui le r e p r é f e n t e n t , étant néceflaire pour ériger un m o n u ­ m e n t public dans une t e r r e étrangère , M. d e la C o n d a m i n e jugea qu'il était temps d e r é g l e r , a v e c fes Adociés , les termes d e

l'infcriptiou,


D E S

313

V O Y A G E S

p o u r la c o m m u n i q u e r à l'Audience R o y a l e

de

Quito , qui r e n d fes Arrêts au n o m d e Sa M a Jefté C a t h o l i q u e , c o m m e toutes les C o u r s Sou­ veraines d'Efpagne. Il la mit au n e t , d e concert avec M . B o u g u e r , & obtint d e l'Audience R o y a l e la permiilïon d e la placer. Les fondemens

des pyramides étaient pofés :

M . d e la C o n d a m i n e

preffa

vivement le

d e l'édifice. Il eut à vaincre de n o . i v e a u x t a c l e s , " d e la part d u t e r r a i n , qui

refte obf-

étant inégal

& fablonneux, le força de recourir aux piloris-, d e celle des ouvriers P é r u v i e n s , également mal­ adroits

& parelleux -, &

d'eau , pour le d'en

éteindre la

mortier , faire

qui

amener

le

fur - tout le chaux

mit , dans

par un

d o u c e , jufqu'au liège

&

manque

détremper la

néceffité

lit creufé en

pente

du travail. C e s embarras

r e g a r d a i e n t la conftruction, & fur-tout celle d e la p y r a m i d e b o r é a l e , mais ils augmentèrent beau­ c o u p , lorfqu'il fallut trouver des pierres propres a ix inferiptions, les tailler, les tirer de quatre cens pieds d e tranfporter

p r o f o n d e u r , les graver , &

au lieu

de leur

deftination.

les

Celles

qu'il avait déjà r e c o n n u e s , & fur lefquelles

on

c o m p t a i t , avaient été enlevées ou briiées par les crues d'eau. Il parcourut dans un grand

cfpace,

les lits d e tous les torrens & de tous les r a v i n s , p o u r trouver d e q u o i former d e u x tables, d e la

Pérou,


314

HISTOIRE

GÉNÉRALE

.

g r a n d e u r q u i convenait ï fes vues. Lorfqu'elles Pérou.

furent t r o u v é e s , il fit f a i r e , à Q u i t o , les inftrumens néceiïaires ; & q u o i q u e muni des ordres d u Préfident , du C o r r é g i d o r , & des A l c a d e s , il eut beaucoup d e peine à raflembler les tailleurs d e p i e r r e . A mefure qu'ils déferraient

avec fes

o u t i l s , il en renvoyait d'autres à leur place. U n travail , pour lequel ils éraient payés à la j o u r n é e

t

ne laiflait pas d e leur paraître infupportable par fa lenteur. Aufîï les pics les mieux acérés s'émouff a i e n t - i l s , ou fe brifaient au p r e m i e r c o u p . Il fallait continuellement les r a p p o r t e r à Q u i t o

,

p o u r les réparer. M . d e la C o n d a m i n e avait u n h o m m e gagé , d o n t ces voyages éraient l'unique fonction. Les pierres ayant été dégroffies, il fut queftion

de les polir. O n . n'imagina p o i n t

d'autre

m o y e n , q u e d e frotter , l'une fur l'autre , les faces deftinées à recevoir l'infcriprion. Elle venait d ' ê t r e a r r ê t é e , e n t r e les trois Académiciens. Il reftait à faire graver les lettres ; opération q u i avait déià paru fort difficile à Q u i t o , pour u n e a u t r e Infcripuon , qui contenait le réfultat

de

t o u t e s les obférvations & la l o n g u e u r du p e n d u l e . L e s deux pierres avaient été taillées, fculptées , p o l i e s , dans le fond m ê m e d e la ravine où elles avaient été trouvées ; l'Infcription y fut gravée a u f l l , à la réferve d e ce q u i regardait les d e u x


D E S

V O Y A G E S .

315

Officiers E f p a g n o l s , qui fut laiffé en blanc. E n - ; fuite les pierres furent

enlevées avec un engin ,

fixé dans la p l a i n e , au b o r d d'une cavée d e

60

toiles de profon.leur. Mais les cables érant

de

cuir , c o m m e

les cordes du Pays , u n e

pluie

a b o n d a n t e , qui retarda le t r a v a i l , alongea telle­ ment

les torons , qu'ils fe r o m p i r e n t ; & l'une

des p i e r r e s , r e t o m b a n t au fond de la ravine fut b r f é e en

3

y

mille pièces. Ainfi les peines d e

fix mois fureur p e r d u e s en un initanr. H e u r e u l e m e n t M . de Morainville trouva u n e autre p i e r r e . Se le d o m m a g e fut réparé. Enfin les p y r a m i d e s é r a i e n t a c h e v é e s , & M . d e la C o n d a m i n e attendait q u e les pierres q u i p o r ­ taient

l'infcription , fufient en place , p o u r e n

faire drefier un P r o c è s - v e r b a l ,

auquel il v o u ­

lait j o i n d r e le defiein des p y r a m i d e s , avec u n e copie figurée d e l'infcription , & préfenter le t o u t a l'Audience R o y a l e , lorfque l'énoncé d e cette Infcription excita un affez l o n g procès e n t r e

les

d e u x Officiers Efpagnols & les Académiciens d e Paris. Les premiers fe plaignaienr q u ' o n n e fît pas d'eux une mention c o n v e n a b l e , & p r é t e n d a i e n t d e plus q u e cette Infcription bleffait les droits & l'honneur

de

I

a

Couronne

procès dura d e u x ans. M. ¿ par le

gagner

pleinement

E

d'Efpagne.

Le

J Condamine

finit

A

à l'Audience.

Mais

comme il était difficile q u e des Français eufient

Pcrou«


316

H I S T O I R E

G É N É R A L E

plus d e crédic en Efpagne q u e des Efpignols, oui Pérou.

apprit bientôt qu'on avait expédié d e M a d r i d des ordres pour la démolition des pyramides. Il eft vrai q u e ces ordres furent révoqués peu d e temps après. M a i s , avant q u e la révocation fût a r r i v é e , ils étaient exécutés-, & u n e vaine jaloufie nationale détruiilt ce b e a u m o n u m e n t

d'une

11 belle entreprife -, ces p y r a m i d e s , ouvrage d e tant d e foins , & qu'il ferait difficile d e rétablir avec la m ê m e jufteûe dans les dimenfions & dans les rapports. D e s rnefures prifes dans la Z o n e T o r r i d e d a n s la Laponie

8:

S u é d o i f e , il eft réfulté q u e la

différence e n t r e le d e g t é du Pérou & celui d e laj L a p o n i e , eft d e 8 0 0 toifes. O r il n e f t ni vraif e m b l a b l e , ni m ê m e poffible, qu'une différence fi conlidérable puilïe ê t r e attribuée à une e r r e u r d'obfervation, A i n i i , ce qu'on cherchait parait d é ­ m o n t r é , en partant d e ce principe , qui n'eft pas; c o n t e f t é , q u e fi les degrés vont en s'alongeanc vers les p ô l e s , la t e r r e eft un fphéroïde a p p l a t i . Pour terminer cet Article , nous allons m a i n ­ Retour de La Condaminc par

tenant fuivre n o t r e Philofophe V o y a g e u r fur la rivière

d e s Amazones , p

a r

laquelle il prit fa

la rivière route pour r e t o u r n e r en Europe. C e fleuve, l e , des Ama­ plus grand d e tous les fleuves du m o n d e , puis­ zones.

qu'on

lui d o n n e .50 lieues d e largeur à

f

0{J

e m b o u c h u r e , avait été r e c o n n u , dès l'an 1500J


DES

V O Y A G E S ;

317

$ a r Vincent Pjnfon -, & dans le fécond V o y a g e d e ! Pizarre au P é r o u , quarante ans a p r è s , Orellana , un d e fes Officiers, q u i montait un Btigantin, chargé d e chercher des vivres fur la C ô t e , ofa s'aban­ d o n n e r , l'efpace d e 5 0 0 l i e u e s , au cours d e l'A­ m a z o n e & lui d o n n a m ê m e fon n o m , puifque plufieurs Auteurs l'ont appellée depuis

l'Orel-

ïana : il en fortit par le C a p de N o r d . N o u s avons d o n n é u n e idée générale d u cours de l'A­ m a z o n e au fécond C h a p i t r e de ce L i v r e , dans la defcription

d e l'Audience d e Quito ; Pays

baigné en g r a n d e partie par ce fleuve

r

q u e les

habitans d e l'Amérique Méridionale appellent le Maragnon. D e p u i s Orellana , q u i périt dans u n fécond V o y a g e , on fit plufieurs tentatives

pour

r e n t r e r dans l'Amazone , par u n e des rivières q u i s'y jettent , & en connaître la navigation , q u e la quantité d'Ifles, la rapidité des c o u r a n s , l e | f r é q u e n s détours d u fleuve, & les rochers qui l e relferrent en plufieurs e n d r o i r s , rendent dif­ ficile & dangereufe. Les Portugais , rivaux des Efpagnols dans lesentreprifes d e ce g e n r e , & d o n t les pofï'effions dans le Bréfil font voifines d e l'em­ bouchure d e l'Amazone dans la m e r du N o r d , la r e m o n t è r e n t , en 16 3 y f }

o u s

J conduite d e T e x e y r a a

& dans une flotille d e canots, depuis Para, Forterelle portugaife, jufqu'au lieu où elle commence à être na­ vigable à peu d e diftance d e Q u i . L Relation d e c o

a

rerou.


318

H I S T O I R E

G É N É R A L E

ce V o y a g e nous a été tranfnajle par le P . d'Acugna $ Гсюи.

Jéfuite E f p a g n o l , qui accompagna les P o r t u g a i s , lorfqu'ils r e t o u r n è r e n t par la m ê m e r o u t e qu'ils avaient fui v i e , c ' e f t - à - d i r e , en defcendant l ' A ­ m a z o n e qu'ils avaient r e m o n t é e . C e t t e R e l a t i o n fut traduite , dans le fiécle d e r n i e r , par le R o ­ mancier car

G o m b e r v i l l e , Auteur d e P o l e x a n d r e ;

alors n o s Littérateurs Français

cultivaient

la langue Efpagnole , c o m m e on érudie

aujour­

d'hui l'Italien & l'Anglais. N o u s c r o y o n s d e v o i r r a p p o r t e r quelques endroits d e cette Relation q u i paraitront un peu romanefques mais d o n t le fonds n'eft pas moins vrai, oc L ' A m a z o n e ( d i t - il ) tra*j « v e r f e plus d e R o y a u m e s que le G a n g e , l'Eufrate »&

le

N i l . Elle n o u r r i t infiniment

» peuples, &

plus

p o r t e fes eaux douces bien

de plus

o? loin dans la m e r -, elle reçoit beaucoup plus d e « r i v i è r e s . Si les b o r d s du Gange font couverts » d'un fable d o r é , ceux d e l'Amazone font chargés » d'un flible d'or p u r , & fes eaux , créufant fes « r i v e s d e jour en j o u r ,

découvrent par d e g r é s

« les mines d'or & d'argent qi< la t e t r e qu'elles e

« b a i g n e n t cache dans fon fein. Enfin les Pays « q u ' e l l e traverfe font un paradis t e r r e f t r e , » fi leurs habitans aidaient un peu

&,

la N a t u r e

» tous les b o r d s d'un fi g r a n d fleuve feraient d e « v a f t e s jardins remplis fans ceffe d e fleurs & d e •o fruits. Les d é b o r d e m e n s d e fes eaux fertilifenc


DES

V O Y A G E S .

319

33 pour plus d'une année toutes les terres qu'elle 3ï h u m e c t e . Elles n'ont pas befoin d'autre a m é l i o -

Pérou.

» ration. D'ailleurs toutes les richefles d e la N a t u r e » fe trouvent dans les régions voifmes ; u n e p r o 30 digieufe

abondance d e poiiïons dans les r i -

o>vieres/, mille animaux diftérens fur les m o n 03 tagnes , u n n o m b r e infini d e t o u t e forte d ' o i » féaux , les arbres toujours chargés d e fruits, les » champs couverts d e m o i f l o n s , & les entrailles » d e la t e r r e pleines d e pierres précieules & d e s » p l u s riches métaux. 3» . L e P . d'Acugna nous d o n n e le n o m d e plus d e c e n t - c i n q u a n t e N a t i o n s qui habitent fur les b o r d s d e l ' A m a z o n e , dans u n e étendue d e 1 8 0 0 lieues en l o n g u e u r

& dans u n e circonférence

d e 4 0 0 0 , en y c o m p r e n a n t les rivières' qui fe p e r d e n r dans ce fleuve. T o u s ces Peuples là font idolâtres & o n t à - p e u - p r è s les mêmes m œ u r s , c ' e i t - à - d i r e , celles d e s Sauvages. La nation d e s T o p m a m b o u x mérite q u ' o n en fafle une m e n t i o n particulière , p défendre

a r

les étions qu'elle a fait p o u r

fon i n d é p e n d a n c e conrre la tyrannie

des Européens. Vingt

lieues

C a y a r y , qui

au-deffous

vient

d e la rivière, d e du Sud fe j o i n d r e à l ' A ­ Topinam­

mazone , eft u n e Ifle c j

f j

e

0

l a r g e , qui doit? en avoir l , p

circuit.

O n la n o m m e IJl

e

x a n

te ¿

J S

des

c

lieues

de

,

Je

m

c e l

s

Topinamboux,

boux,


320

H I S T Q I R E

G É N É R A L E

Apres la conquête du Bréfil, ce> P e u p l e s , habitan'i Pérou.

d e la Province de F e r n a m b o u e , aimant mieux r e n o n c e r à toutes leurs policffions q u e de fe foum e t t r e aux P o r t u g a i s , le bannirent volontairement d e leur Patrie. Ils abandonnerer.r environ quatrev i n g t - q u a t r e gros Bourgs où ils étaient é t a b l i s , fans y laitier une créature vivante. L e p r e m i e r chemin qu'ils prirent fut à la gauche des C o r ­ delières : ils traverferent toutes les eaux qui en defeendeot. Eniuite la néceffité les forçant

de

fe d i v i l e r , u n e partie pénétra jufqu'au Pérou

3

& s'arrêta dans un établillement Efpagnol voilin des fources du Cayary. M a i s , après q u e l q u e féj o u r , il arriva qu'un Llpagnol fit fouetter un T o pinambou pour avoir rué u n e vache. C e t t e in«j j u r e caufa tant d'indignation

à tous les autres j

q u e , s'étant jettes dans leurs c a n o t s , ils defeen-, d i r e n t la r i v i è r e , jufqu'à la grande Ifle

qu'ils

occupent aujourd'hui. Ils parleur la langue générale du Bréfil, q u i s'étend dans toutes les Provinces de cette con­ t r é e , jufqu'à P . d'Acugna ,

celle de Para,

H racontèrent au s

q u e leurs Ancêtres , n'ayanr

pu

t r o u v e r , en fortant du Bréfil, d e quoi fe nourritdans les déferts qu'ils eurent à t r a v e r f e r , furent contraints, pendant une marche de plus d e neuf cens l i e u e s , d e fe féparer plufiesrs f o i s , & q u e ces dirférens corps p e u p l è r e n t diverfes

parties

des


DES des

VOYAGES.

montagnes

du

Pérou.

Ceux

321

qui

étaient

def-

cendus jufqu'à la rivière des A m a z o n e s , eurent à

combattre

les Infulaires

d o n t ils prirent la

p l a c e , & les vainquirent tant d e fois, qu'après en avoir détruit

une p a r t i e , ils forcèrent

les

autres d'aller chercher une retraite dans des terres éloignées. Les T o p i n a m b o u x d e l'Amazone font u n e N a ­ tion fi d i s t i n g u é e , q u e le P . d'Acugna ne

fait

pas difficulté d e la c o m p a r e r aux premiers Peu­ ples d e

l'Europe ,

&

quoiqu'on

s'apperçoive

qu'ils c o m m e n c e n t à dégénérer de, leurs pères , par les alliances qu'ils c o n t r a t t e n r avec les A m é ­ ricains du P a y s , ils s'en reffentent encore par la nobleiïe du c œ u r , & par leur adreffe à fe fervir d e l'arc & des flèches : ils font d'ailleurs fort fpirituels. C o m m e

les P o r t u g a i s , d o n t la plupart

favaient la langue du Bréfil, n'avaient pas befoiii d'interprètes

pour convetfer

avec eux , ils

en

tirèrent des informations fort cutieufes-, entr'autres chofes les T o p i n a m b o u x

confirmèrent aux

Portugais qu'il exiftait d e vraies A m a z o n e s , donc le fleuve a tiré fon ancien n o m . « J e n e m'arrête point ( d i t d'Acugna) aux p e r » q u i t t i o n s férieufes cme la C o u r Souveraine d e « Q u i t o en a faites. Pl fieurs

natifs

u

« mêmes , ont attefte q u '

U n e

¿

e s

des

lieux

p vinces voir 0

t> fines du fleuve , était peuplée d e femmes b e l -

Tome

XII*

X

Pérou»


322

H I S T O I R E

GÉNÉRALE

» liqucufes, q u i vivent & fe g o u v e r n e n t feules î

rérou.

» fans h o m m e s ; qu'un certain temps d e l'année , » elles en reçoivent p o u t d e v e n i r e n c e i n t e s , & « q u e le relie d u temps , elles vivent dans leurs »> bourgs , où elles n e fongent qu'à cultiver la •a t e r r e , & à fe p r o c u r e r

t

par le travail d e leurs

» bras s rout ce qui efl néceilaire à l'entretien d e » la vie. J e n e m'arrêterai pas non plus à d'autres » informations , q u i ont été ptifes dans le n o u « v e a u R o y a u m e de G r e n a d e , au Siège R o y a l d e 95 P o r t o où l'on reçut le t é m o i g n a g e d e q u e l q u e s » Américains , particulièrement celui d'une A m i os ricaine , q u i avait été dans le pays d e ces vail» lames femmes , & qui ne dit rien q u e d e con3> forme à t o u t ce q u ' o n favait déjà par les r e » lations précédentes. Mais je ne puis taire ce q u e » j'ai e n t e n d u d e mes oreilles , & q u e je voulus 9j vérifier auffi-tôt q u e je m e fus e m b a r q u é fur l e » fleuve. O n m e d i t , dans toutes les habitations » où je palïai , qu'il y avait dans le pays , des •> femmes telles q u e je les dépeignais j & chacun »> en particulier , m'en donnait des marques fi » confiantes & fi uniformes q u e , fi la choie n'eft • point , il faut q u e le plus grand des menfbnges » palle dans tout le N o u v e a u • M o n d e , pour la s» plus contrante d e toutes les vérités hilloriques. s» C e p e n d a n t

nous e û m e s d e plus grandes

lu-

» mieies fur la Province q u e ces femmes h a b i t e n t }


D E S

V O Y A G E S .

à» fur les chemins qui y c o n d u i f e n t ,

323 furlesAmé-

« ricains qui c o m m u n i q u e n t avec elles , & fur « ceux qui leur fervent à peupler dans le d e r » nier, v i l l a g e , qui eft la frontière entr'elles & les » Topinambous. « T r e n t e - i î x lieues au-delïous d e ce d e r n i e r « v i l l a g e , en dcfcendant le fleuve, on r e n c o n t r e , » du côté d u N o r d , u n e rivière qui vient d e la » Province » connue

m ê m e des Amazones , par

& q u i eft

les Américains du p a y s , fous le

» n o m d e Cunuris. Elle p r e n d ce nom d e celui « d ' u n P e u p l e , voifin d e

fon e m b o u c h u r e . Au-

« d e i l u s , c'eft à-dire , en r e m o n t a n t cette r i v i è r e , « o n t r o u v e d'autres Américains, n o m m é s Apotos^ » qui parlent la L a n g u e générale d u Brélil. Plus » haut , font les T a g a t i s : ceux qui les fuivent -, «font

les Guacares , l'heureux P e u p l e qui jouit

•» de la faveur des Amazones. Elles ont leurs h a » bitations fur des montagnes d ' u n e hauteur p r o » digieufe , e n t r e lefquelles on en diftingue u n e « n o m m é e Yacamiaba , qui s'élève e x t r a o r d i n a i « rement au-deffus de toutes les autres,, & fi » battue des vents , qu'elle en eft

rtérile.

Ces

» femmes s y"'Maintiennent fans le recours

des

au h o m m e s . Lorfque

l

e i i r s

voifms viennent

les

.> viliter au temps qu'elles ont réglé , elles les r e «çoivent

l'arc &

la flèche

en main , dans la

• crainte d e q u e l q u e furpriie -

t

m a

i s elles ne les

X-ij

Pérou,


324

HISTOIRE

GÉNÉRALE

» ont pas plutôt r e c o n n u s , qu'elles f e r e n d e n t e n Pérou.

« f o u l e à leurs c a n o t s , où chacune faifir le p r e » mier hamac . q u ' e l l e y t r o u v e , & l e va fufpen» d r e dans fa marron , pour y recevoir celui à » qui l e hamac appartient. Après quelques jours » d e familiarité , Ces nouveaux hôtes r e t o u r n e n t « chez eux. T o u s les ans , ils n e m a n q u e n t point » d e faire ce voyage dans la m ê m e faifon. Les » filles àui

en nailfent, font nourries par leurs

a. m è r e s , inlhuites au travail & au m a n i e m e n t » d e s armes. O n i g n o r e ce qu'elles font

des

» m â l e s , mais j'ai fu d'un A m é r i c a i n , qui s'était m trouvé à cette e n t r e v u e , q u e , l'année fuivante, »> elles

donnaient

aux pères les enfans

mâles

» qu'elles ont mis au m o n d e . C e p e n d a n t la p l u » part croient qu'elles tuent les mâles au m o m e n t •» d e leur naifTance , & c'eft ce q u e je n e puis w» décider fur le témoignage d'un feul Américain, s» Q u o i qu'il en foit , elles o n t , dans leur pays , «3 des ttéfors capables d'enrichir le m o n d e e n t i e r , 33 & l'embouchure d e la r i v i è r e , qui defcend d e » leur P r o v i n c e , eft à deux degrés & d e m i d e s» hauteur m é r i d i o n a l e . » La Ville d e P a r a , q u e l e P . d'Acugna n o m m e la g r a n d e forterefle des P o r t u g a i s , eft à trente lieues d e C o m m u t a . Il y avait alors un Gou­ verneur

& trois Compagnies d ' I n f a n t e r i e , avec

f o u s les

Officiers qui en d é p e n d e n t ; mais l e


D E S

V O Y A G E S .

325

judicieux V o y a g e u r obferve q u e les uns & les autres

relevaient d u G o u v e r n e u r - générai

Eciou>

du

M a r a g n a n , qui érait à plus d e 1 3 0 lieues d u Para , vers le Bréfil , ce q u i n e

pouvait caufec

q u e d e fâcheux délais pour la conduire du G o u ­ v e r n e m e n t , œ Si nos g e n s , d i t - i l , étaient allez: » heureux pour s'établir fur l ' A m a z o n e , il faudrait» néceflairement q u e le G o u v e r n e u r du Para fûtj » a b f o l u , puifqu'il aurait e n t r e les mains la cle£ y> du P a y s . » Il termine fon o u v r a g e par e x p l i ­ q u e r les vues de la C o u r

d'Efpagne

dans ces

V o y a g e s entrepris fur l'Amazone. D ' a b o r d il eft clair q u e cette rivière traverfant toute l ' A m é r i q u e méridionale , depuis les A n d e s , jufqu'au Brélîl , j o i g n a i e n t , d ' u n e extrémité à l'autre , les Poffeffions

Efpagnoles & P o r t u g a i f e s , réunies f»us.

P h i l i p p e II -, mais il s'oftrait encore d'autres motifs. Ees Français , les Anglais & les Hollandais a v a i e n t c o m m e n c é , depuis l o n g - t e m p s , à faire descourfesin.commodes dans l

e s

m

e

r

s

voifïnes des EtablirTe-

inens E f p a g n o l s , & jufqu'à celle du Sud , d ' o ù ils étaient revenus comblés d e gloire & d e r i chefles. Il n'avait pas été facile d e faire celïer ce d a n g e r , fous le régne d e C h a r l e s - Q u i n t , parce q u e toutes les côtes d e l'Amérique n'étaient pas e n c o r e allez c o n n u e s , p d e changer

non

plus que

la

o u r

p e r m e t t r e à ce P r i n c e

route ordinaire d e fes galions

y

le lieu dans lequel ils s'aîïemblaicna

X iij


Pérou.

326

H I S T O I R E

G É N É R A L E

pour

r e t o u r n e r en Efpagne. Philippe II ne vie

pas d'autre remède à des maux p r e f q u ' i n é v i t a b l e s , q u e d'impofer aux Capitaines d e fes flottes , la loi d e ne fe pas féparer dans leur navigation -, mais un o r d r e feul n e fuffifait pas pour les g a ­ rantir. Il était prefqu'impoffible q u e , pendant u n v o y a g e d e mille lieues , plufieurs vailïeaux fuflent toujours fi ferrés , qu'il ne s'en écartât pas u n , &

tel Corfaire fuivair les galions depuis la H a ­

vane

jufqu'à San - L u c a r , p o u r enlever fa p r o i e .

Auffi Philippe I I I jugea-t-il cet expédient

trop

incertain. Il voulur qu'on trouvât le m o y e n

de

d é r o b e r la r o u t e de'fes galions ; 8c, d e toutes les o u v e r t u r e s q u i lui furent p r o p o f é e s , il n'en trouva point

de

plus p r o p r e à d o n n e r le change aux

armateurs , q u e d'ouvrir la navigation fur la ri­ v i è r e des A m a z o n e s , depuis fon e m b o u c h u r e , jufqu'à fa fource. En effet, les plus grands vaifleaux pouvant d e m e u r e r à l'ancre fous la fortereffe d u P a r a , o n y aurait pu faire venir toutes les r i cheffes du P é t o u , d e la N o u v e l l e - G r e n a d e , d e T i e r r a F i r m e , & m ê m e du Chili. Quito aurait pu fervir d ' e n t t e p ô t , 8c Para d e r e n d e z - v o u s , pour la

flotte

du Bréfil , qui fe joignant aux galions

p o u r le r e t o u r en E u r o p e , aurait effrayé les corfaires par la force 8c par le n o m b r e . C e

projet

n'était pas fans vraifemblance. L ' e x e m p l e d'Orellana prouvait q u e la r i v i e t e était

navigable en

def-


D E S

V O Y A G E S .

327

Cendant. La difficulté n e confiftait qu'à trouver la véritable e m b o u c h u r e , pour r e m o n t e r

Pérou.

jufqu'à

Q u i t o . Mais , q u o i q u e la découverre femblât p e r ­ fectionnée par le r e t o u r d e T e x e i r a , Se par les Obfervations

du P . d'Acugna , rous les projets

d e l'Efpagne s'évanouirent, auffî-tôtque les P o r ^ tugais e u r e n t élevé le D u c d e Bragance fur le Trône.

Ils

l'Amazone

venaient

d'apprendre

à

remonter

depuis fon e m b o u c h u r e , jufqu'à

fa

f o u r c e , & l e R o i d'Efpagne c r a i g n i t , avec raifon , qu'étant d e v e n u s fes e n n e m i s , ils n e lui t o m baffent

fur les bras _, jufques dans le Pérou , le

plus riche d e fes Domaines , lorfqu'ils auraient challé les Hollandais du Brélil. C o m m e il y avait lieu d e craindre auffi q u e la Relation du Pero d'Acugna n e leur fervît d e r o u t i e r , Philippe I V prit le parti d'en faire fupprimer tous les e x e m ­ plaires , qui fonr devenus très-rares. D e p u i s ce t e m p s - l à ,

les entreprifes

des Ef-

pagnols fe font bornées fur l'Amazone , à r é d u i r e les

Peuples voilins d e cette g r a n d e partie

du

fleuve , qui eft renfermée dans le G o u v e r n e m e n t d e Maynas. H

d i

s

0

leurs armes , q " u

a u

naires. L e t a t d e l

v e

z e

e u r

nt l

leurs fuccès , moins

à

infatigable des M i l l i o n ­

e

d o m a i n e & d e leurs pof-

feffions, était tel qu'on Ta repréfenté dans la d e s ­ cription

de

l'Audience

d e Q u i t o , lorfque

Voyage

& la C a r t e d e M . d e la C o n d a m i n e

X iv

le №


328

H I S T O I R E

GÉNÉRALE

t ont jette un nouveau jour fur le pays & fur № Pérou.

cours d e l'Amazone. Il fe t r o u v a i t , vers la fin d e Mars 1 7 4 5 , à T a r q u i , près

d e C u e n ç a , au

Pérou. « N o u s

» étions convenus , d i t - i l , M. G o d i n , M . Bouguer » & m o i , pour multiplier les occafions d ' o b f e r v e r , m de

revenir en E u r o p e

par d e s routes dirfé-

» rentes. J ' e n choifis u n e p r e f q u ' i g n o r é e , & q u i » n e pouvait m'expofer à l'envie-, c'était celle d e « l a rivière des A m a z o n e s , qui traverfe d ' O c c i » d e n t en

O r i e n t , tout le continent d e l ' A m e -

» r i q u e Méridionale. J e m e propofais d e r e n d r e « c e V o y a g e u t i l e , en levant u n e carre d e ce s» fleuve , & recueillant des Obfervations en rour a> g e n r e , fur' u n e région fi peu c o n n u e . » M . d e la C o n d a m i n e obferve q u e la C a r t e t r è s - d é f e c tueufe d u cours d e ce fleuve , par Sanfon , drefléo fur la relation p u r e m e n t hiftorique du P . d ' A c u g n a , a depuis été copiée par

tous

les G é o g r a p h e s ,

faute d e n o u v e a u x M é m o i r e s , & que nous n ' e n a v o n s pas eu d e meilleure jufqu'en 17.17, Alors parut pour la p r e m i è r e fois en F r a n c e , u n e c o p i e d e celle qui avait été drefïée dès l'année 1690 par

,

le P. Fritz , & qui fut gravée à Quito en

1 7 0 7 , mais plufieurs

obltacles

permis à ce Millionnaire

n'ayant

jamais

d e la r e n d r e exacte

3

f u r - t o u t ver? la partie inférieure d u fleuve , elle g'tft accompagnée q u ç d e quelques notes

t

faus


D E S

V O Y A G E S .

329

prefqu'aucun détail hiftorique -, d e forte q u e

jus­

qu'à celle d e M . d e la C o n d a m i n e , on n e c o n nailTait le pays

d e s Amazones , q u e par la r e ­

lation d u P . d'Acugna , d o n t o n vient de lire l'extrait. Comme

nous

avons

déjà

donné ,

d'après

M . d'Ulloa , d'exactes r e m a r q u e s fur le n o m , la fource & le cours général du M a r a g n o n , il n e nous

refte

qu'à fuivre l'Académicien ,

depuis

T a r q u i jufqu'à Jaën , & depuis Jae'n jufqu'à fon entrée dans la m e r d u N o r d ,

& d e l à jufqu'en

Europe. Il partit d e T a r q u i , à cinq lieues au Sud d e C u e n c a , le u

d e M a i 1 7 4 3 . Dans fon V o y a g e

d e L i m a , en 1 7 3 7 , il avait fuivi le chemin o r ­ dinaire d e C u e n ç a à Loxa. C e t t e f o i s , il en prit un détourné , qui palTe par Z a r u m a , p o u r le feul avantage d e pouvoir placer ce lieu fur fa C a r t e . I l courut q u e l q u e rifque en palTant à gué la g t a n d e r i v i e r e dejos Jubones

fort grolle a l o r s , & tou­

3

jours e x t r ê m e m e n t r a p i d e . D u n e m o n t a g n e o ù l'Académicien palla fur fa r o u t e , on voit le p o r t d e T u m b e z . C'eft p r o ­ p r e m e n t de ce point qu'il commençait à s'éloigner d e la m e r du Sud , p n e n t . Z a r u m a , fuué p latitude

o u r

a r

c r a v e r

3

f e r tout le c o n t i ­

degrés 4 0 minutes d e

auftrale , d o n n e f

on

n o m à u n e petite

Province , à l'Occident d e celle d e Loxa, l e s

Pérou.


330

HISTOIRE

G É N É R A L E

mines d e ce canton , autrefois c é l è b r e s , font a u ­ Pttou.

j o u r d ' h u i prefqu'abandonnées. La hauteur du b a ­ romètre

à Z a r u m a , fe

trouva d e

2 4 pouces

2 lignes. O n fait q u e cette hauteut rie varie pas dans la Z o n e t o r r i d e , c o m m e dans nos climats. Les Académiciens

avaient

éprouvé , à Quito ,

p e n d a n t des années e n t i è r e s , q u e fa plus g r a n d e différence

n e pafle

gueres u n e ligne & d e m i e .

M . G o d i n remarqua le p r e m i e r

3

q u e fes varia­

tions, qui font à-peu-près d'une ligne en 2 4 h e u r e s , -

o n t des alternatives allez régulières , ce qui étant u n e fois connu , fait juger d e la hauteur m o y e n n e d u m e r c u r e par u n e feule expérience. T o u t e s celles qu'on avait faites fur les côtes d e la m e r du Sud , & celles que M . d e la C o n d a m i n e avait répétées dans fon v o y a g e d e Lima , lui avaient appris q u e cette hauteur m o y e n n e , au niveau d e la m e r > était d e z8 p o u c e s , d'où il crut pouvoir c o n c l u r e q u e le terrain d e Zaruma efl: élevé d ' e n v i r o n 7 0 0 toifes , ce qui n'efl. pas la moitié d e l'élé­ vation d e celui d e Q u i t o . O n r e n c o n t r e fur cette route , plûfieurs d e ces ponts d e cordes d'écorce d'arbres & d e l i a n e s , d o n t nous avons d o n n é différentes

defcriptions.

L o x a efl moins élevé q u e Quito d'environ 5 5 0 t o i f e s , & la chaleur y efl. fenfiblement plus g r a n d e ; mais , q u o i q u e les montagnes' du voifinage

ne

forent q u e des c o l l i n e s , en compataifou d e celles;


D E S

V O Y A G E S .

331

d e Quito , elles ne laiiient pas d e fervir d e partage aux eaux d e la Province -, & le m ê m e coteau , appelle Caxanwna,

où croît le meilleur q u i n q u i n a ,

à deux lieues au Sud d e Loxa ; d o n n e à des

haïifance

rivières qui prennent un cours oppofé ,

les unes à l'Occident , pour fe r e n d r e dans la m e r du S u d , les autres à l ' O r i e n t , qui groffifïent le M a r a g n o n . , L'Académicien paiïa le troifieme jour d e Juin fur u n e de ces m o n t a g n e s , p o u r y recueillir

du

plan d e l'arbre d e quinquina , mais avec le Se­ c o u r s d e deux Américains, qu'il avait pris p o u r g u i d e s , il n'en put

raffembler , dans t o u t e fa

j o u r n é e , q u e S à 9 jeunes p l a n t e s , qui p u r e n t être tranfportées en E u r o p e . 11 les fit m e t t r e avec d e la t e r r e prife au m ê m e lieu , dans u n e caille qu'il fit porrer avec précaution , fur les épaules d'un h o m m e , jufqu'à fon e m b a r q u e m e n t . D e Loxa à J a c n ,

on

travetfe

les

derniers

coteaux d e la C o r d e l i è r e . Dans t o u t e cette r o u t e , o n marche , prefque fans c e l l e , par des bois , o ù il pleut chaque année , pendant onze m o i s , & quelquefois l'année entière. Il n'elt pas poffible d'y rien fécher. L e s paniers couverts d e peau d e b œ u f , 'qui font l

e s

coffres du P a y s , fe p o u r -

rifTent, & rendent une o d e u r infupportable. M . d e •la C o n d a m i n e pafla par d e u x Villes qui n'en o n t p l u s que

le n o m , Loyola & Valladolid ; l'une

Pérou.


332

HISTOIRE

GÉNÉRALE

& l'autre opulentes & peuplées d'Efpagnols il f Fcrou.

a moins d'un iiécle , mais aujourd'hui réduites k deux petits hameaux d'Américains o u d e M é t i s , & transférées d e leur p r e m i è r e iituation. Ja'cn m ê m e qui conferve encore le titre d e V i l l e , & qui devrait ê t r e la rélidence du G o u v e r n e u r , n'eft plus au­ j o u r d ' h u i qu'un Village fale Se h u m i d e , q u o i q u e fur u n e hauteur , Se r e n o m m é f e u l e m e n t , par u n infecte d é g o û t a n t , n o m m é garrapata , d o n t on y effc dévoré. La m ê m e décadence eft arrivée à la plupart d e s Villes du Pérou éloignées d e la m e r , Se fort détournées d u grand chemin d e Carthagène

à Lima. C e t t e r o u t e offre quantité

d e rivières q u ' o n paffe les unes à g u é , , les autres fur des p o n t s , Se d'autres fur des radeaux , conftruits dans le lieu m ê m e , d ' u n bois fort l é g e r

5

d o n t la N a t u r e a p o u r v u toutes les forêrs. Les rivières réunies en forment u n e g r a n d e & très-ra­ p i d e , n o m m é e Chinchipé, plus large q u e la Seine à P a r i s . O n l a d e f c e n d en radeau, pendant cinq lieues, jufqu'à T o m é p e n d a , Village Américain dans u n e iîtuation a g r é a b l e , à la jonction des trois rivières. L e M a r a g n o n , q u i efl celle d u milieu , reçoit d u côté d u Sud la rivière d e Chachapoyas , Se celle de C h i n c h i p é du côté d e f O u e f t , à cinq degrés t r e n t e minutes d e latitude auftrale. D e ­ puis ce p o i n t , le M a r a g n o n , m a l g r é fes d é t o u r s , va toujours en fe rapprochant

peu-à-peu

de.


D E S

V O Y A G E S .

333

la L i g n e Ecjuinoxiale jufqu'à fon e m b o u c h u r e . A u - d é f i o n s du m ê m e p o i n t , ie fleuve fe rétrécit & s'ouvre un paflage enrre d e u x m o n t a g n e s , o ù la violence de fon courant , les rochers qui le barrent , & plufieurs fauts, le r e n d e n t i m p r a t i ­ cable. C e qu'on appelle le P o t r d e Jaëri , c'elf - àd i r e , le lieu ou l'on s'embarque , eft à q u a t r e journées d e

Jaè'n fur la p e t h e rivière de C h u -

c h u n g a , par laquelle on defeend dans le

Ma-

r a g n o n a u - d c l ï o u s des cataractes. Un

exprès q u e M . d e la C o n d a m i n e

avait

dépêché d e T o m é p e n d a , avec des ordres du G o u ­ v e r n e u r d e Jacn à fon Lieurenant d e S a n - J a g o , p o u r faire tenir prêt u n

canot au P o r t , avait

franchi tous ces obftacles fut un radeau compofé d e d e u x ou trois pièces d e bois. D e Jacn

au

P o r t , on traverfe le M a r a g n o n , & l'on fe t r o u v e plufieurs fois fur fes b o r d s . Dans cet intervalle il reçoit du côté du N o r d , plufieurs t o r r e n s , q u i , pendant les g r a n d e s pluies charient un fable mêlé d e paillettes , & d e grains d ' o r ,

& les d e u x

cotes du

cacao , q u i

n'eît

pas

fleuve

fonr

moins

tive , mais dont font pas plus d e

couverts

bon

que

de

celui

les Américains C a s

ramaiîent q u e l o r f q ' U

qu'on

du Pays n e

q u e d e l'or , qu'ils 0 o

i

e s

p r e

fl

e

cul­ ne

d e payer leur

tribut. L e q u a t r i è m e j o u r , après être parti d e Jaè'n g

Pérou.


334

H I S T O I R E

G É N É R A L E

M . d e la C o n d a m i n e traverfa vingt - & - u n e fots? Pérou.

à g u é le t o r r e n t d e C h u c h u n g a , & la v i n g t d e u x i è m e fois eu bateau. Les m u l e s , en a p p r o ­ chant du gîte , fe

¡etreient à la n a g e

toutes

c h a r g é e s , & l'Académicien eut le chagrin d e voie fes papiers , fes livres & íes inftrumens mouillés. C'était le q u a t r i è m e accidenr d e cette efpèce, qu'il avair elTuyé depuis qu'il voyageait dans les m o n ­ tagnes : « M e s n a u f r a g e s , d i t - i l , n e cefTerent «qu'à mon

embarquement.»

L e P o r t d e Jac'n, qui fe n o m m e C h u c h u n g a , eft un

hameau

de

d i x familles Américaines ,

g o u v e r n é e s par un C a c i q u e . M . d e la C o n d a m i n e avait été obligé d e fe défaire d e d e u x jeunes Métis qui autaient pu lui fervir d ' I n t e r p r è t e s . La n é cefïïté lui fit t t o u v e r le m o y e n d'y fuppléer.

II

favait à - p e u - p r è s autant d e mots d e la l a n g u e d e s Incas , q u e parlaienr ces Américains , q u e ceux-ci

en favaient

d e langue Efpagnole.

Ne

trouvant à Chuchunga que de très-petits canots, & celui qu'il attendait d e S a n - J a g o n e pouvant arriver d e q u i n z e j o u r s , il engagea le Cacique à faire c o n l l r u i r e u n e balze allez g r a n d e , pour l e p o r r e r avec fon bagage. C e travail lui d o n n a l e t e m p s d e faire fécher fes papiers & fes livres. Il fait u n e p e i n t u r e c h a r m a n t e des huit jours qu'il pafTa dans le hameau d e C h u c h u n g a :

tt

J e n'avais,

» d i t - i l , ni voleurs , ni curieux à craindre. J ' é -


D E S

V O Y A G E S .

s>tais au milieu des Sauvages.

Je

335

m e délaffais

« p a r m i eux d'avoir vécu avec des h o m m e s , & , » li j'ofe le d i r e , je n'en regrettais pas le corn­ ai merce. Après plusieurs années paffées dans u n e 31 agitation continuelle , je jouilTais pour la p r e 31 miere fois d ' u n e

douce

tranquillité. Le

feu-

31 venir de mes fatigues, d e mes peines & d e mes si périls paflés, m e paraiiïait un fonge. Le h qui régnait dans cette f o l i t u d e ,

filence

m e la rendait

»> plus aimable. Il m e femblait q u e j ' y tefpirais ao plus l i b r e m e n t . La chaleur du climat était t e m 3i pérée par la fraîcheur des eaux d'une rivière à 9 peine fortie d e fa fource , & par l'épailTeur d u • bois qui en ombrageait les b o r d s . U n n o m b r e » prodigieux d e plantes fingulieres & d e » inconnues , m'offrait un fpeûacle

fleurs

nouveau &

» varié. Dans les intervalles d e m o n t r a v a i l , j e " p a r t a g e a i s les plaifirs innecens d e mes A m é r i " c a i n s - , je me baignais avec eux , j'admirais leur n'mduftrie à la chafle & à la pêche. Ils

m'of-

»» traient l'élite d e leur poiflon & de leur gibier, si T o u s étaient à mes o r d r e s : le Cacique , q u i n le c o m m a n d a i t , était le plus preffé d e m e fervir. ai J'étais éclairé avec des bois d e fenteur & des 31 racines odoriférantes. L e fable fur

lequel j e

» marchais était mêlé d'or. O n vint m e d i r e q u e s» m o n radeau était p r ê t , & j'oubliai toutes ces » délices. »

Pcrou.


336

HISTOIRE

G É N É R A L E

L e 4 d e J u i l l e t , après m i d i , il s'embarqua dan* Pérou.

un petit canot d e deux r a m e u r s , précédé d e la b a l z e , fous l'efcorte d e trois Péruviens du h a ­ meau qui étaient dans l'eau jufqu'à la ceinture p o u r la c o n d u i r e d e la m a i n , ou la retenir c o n t r e la violence des c o u r a n s , e n t r e les rochers & dans îes petits fauts. Le jour f u i v a n t ,

il

déboucha

dans le M a r a g n o n , à quatre lieues vers le N o r d d u lieu d e l ' e m b a r q u e m e n t , c'eft-là

proprement

qu'il eft navigable. L e r a d e a u , qui avait été p r o ­ p o r t i o n n é au lit d e la petite r i v i è r e , demandait d'être agrandi & fortifié. O n s'apperçut le matin q u e le fleuve était hauflé d e dix pieds. L'Aca­ démicien retenu par l'avis d e fes g u i d e s , eut le t e m p s d e fe livrer à fes obfervations. Il mefura g é o m é t r i q u e m e n t la largeur du M a r a g n o n , qui fe t r o u v a d e cent t r e n r e - cinq t o i f e s , q u o i q u e déjà d i m i n u é e d e quinze à vingt. Plufieurs q u e ce

fleuve

reçoit

au-deflus

rivières

d e Jacn

font

plus larges : ce qui devait faire juger qu'il était d ' u n e g r a n d e profondeur. En effet, un

cordeau

d e z 8 brades ne rencontra le fond qu'au tiers d e fa largeur. Il fut impoffible

d e fonder

au

milieu du lir, où la vîtefle d'un canot abandonné au c o u r a n t , était d'une toife & un quart par féconde. L e baromètre plus haut qu'au Port d e plus d e quatre lignes, fit voir à que

le niveau d e l'eau avait

l'Académicien

baillé d'environ

cinquante.


D E S

V O Y A G E S .

337 Cinquante toifes, depuis C h u c h u n g a , d'où il n'avait Pérou,

mis que huit h e u t e s à defcendre. Le 8 , continuant fa r o u t e , il paffa le d é t r o i t d e C u m b i n a m a , d a n g e r e u x par les pierres d o n t il eft r e m p l i . Sa largeur

n'eft

que

vingt toifes. Celui d'Efcurrebragas,

d'environ qu'on

ren­

contra le l e n d e m a i n , eft d'une autre efpèce. L e fleuve arrêté par u n e côte d e r o c h e fort efcarp é e , qu'il h e u r t e p e r p e n d i c u l a i r e m e n t ,

fe

dé­

t o u r n e t o u t - d ' u n - c o u p en faifant un angle d r o i t avec fa p r e m i è r e direction , & par

la

vîtelfe

qu'il tire d e fbn r é t r é c i l l e m e n t , il a creufé d a n s le roc une anfe

profonde où les eaux d e fon

b o r d , écartées par la rapidité d e celles du m i ­ l i e u , font retenues c o m m e dans u n e prifon. Le. radeau

fur lequel

a l o r s , pouffé

M.

de

la C o n d a m i n e

dans cette caverne

était

par le fil d u

c o u r a n t , n'y fie q u e t o u r n o y e r pendant plus d ' u n e h e u r e . A la v é r i t é , les eaux en. circulant le r a m e ­ naient vers le milieu d u lit d u

fleuve,

où la

r e n c o n t r e du grand courant fotmait des vagues capables d e fubmerger la balze , fi fa g r a n d e u r &

fa folidité

ne l'euffent bien défendue. M a i s

la violence du courant

la repouffait

dans le fond

& l'Académicien

de l ' f a n

e }

toujours n'en »

ferait jamais f o r t i , fans l'adrefle d e quatre A m é ­ ricains, qu'il avait eu la précaution d e g a r d e r avec un petit canot. Ces q u a t t e h o m m e s , ayant

Sbme

XUy

Y


338

HISTOIRE

GÉNÉRALE

fuivi la r i v e t e r r e à t e r r e , & fait le t o u r Pérou.

Tarife, gravirent fur le r o c h e r d ' o ù ils lui j e t t e r e n t , n o n fans p e i n e , des lianes qui font les cordes d u p a y s , avec lefquelles ils r e m o r q u è r e n t le radeau jufqu'au fil du couranr. L e m ê m e j o u r , o n parla un troifieme détroit n o m m é o ù le lit d u

fleuve,

Quaralayo,

reflerré par les r o c h e r s ,

n'a pas t r e n t e toiles d e large ; mais ce palTage n'eft périlleux q u e dans les g r a n d e s crues d ' e a u . C e fut le foir d u m ê m e j o u r , q u e l ' A c a d é m i ­ cien r e n c o n t r a le g r a n d c a n o t , q u ' o n lui e n v o y a i t de San-Jago ,

& q u i aurait eu befoin e n c o r e

d e fîx j o u r s , p o u r r e m o n t e r jufqu'au lieu d ' o ù l e radeau était defcendu en dix h e u r e s . M . d e la C o n d a m i n e arriva le dix à S a n - J a g o 'de las Montanas

3

hameau fitué aujourd'hui à

l ' e m b o u c h u r e d e la rivière d u m ê m e n o m , & formé des débris d ' u n e Ville q u i avait d o n n é l e lien à la rivière. Ses b o r d s font habités par u n e N a t i o n n o m m é e les Xibaros, autrefois C h r é t i e n s , & révoltés depuis un fiécle c o n t r e les Efpagnols, p o u r fe fouftraire au travail d e s mines d'or d u pays. Ils vivent i n d é p e n d a n s , dans des bois i n a c ceffibles,

d ' o ù ils e m p ê c h e n t

la navigation d e

la rivière , par laquelle on pourrait defcendre en moins d e huit j o u r s , d e s e n v i r o n s d e L o x a 8c d e C u e n ç a . La crainte d e l e u r barbarie a fait changer d e u x fois d e d e m e u r e a u x habitans d e


D E S

339

V O Y A G E S .

S a n - J a g o , & leur avait fait p r e n d r e , depuis 4 0 a n s , le parti d e defcendre jufqu'à l ' e m b o u c h u r e d e la rivière dans le M a r a g n o n . Au-dcflous d e S a n - J a g o , on t r o u v e B o r j a , Ville à

peu-près

femblable aux p r é c é d e n t e s , q u o i q u e Capitale du G o u v e r n e m e n t d e Maynas qui c o m p r e n d routes les millions

Efpagnoles

Elle n'eit féparée

des b o r d s d u

fieuve.

d e S a n - J a g o q u e par le fa­

m e u x P o n g o . C'eft un chemin q u e le M a r a g n o n , tournant à l'Eft, après un cours d e plus d e d e u x cens lieues

au N o r d , s'ouvre

au milieu

des

m o n t a g n e s d e la C o r d e l i è r e , en le creufant u n lit entre d e u x

murailles

parallèles

de

rochers

coupés à pic. Il n'y a gueres plus d'un que

quelques Soldats Elpagnols

de

fiécle

S-m-Jago

d é c o u v r i r e n t ce palïage & le hafarderent

à le

franchir. D e u x Millionnaires Jéluites d e la P r o ­ vince d e Q u i t o les fuivirent

d e près , &

fon­

d è r e n t , en 1 6 3 9 , la million d e M a y n a s , oui s'é­ t e n d fort loin en defcendant le fleuve. En arri­ vant à S a n - J a g o , l'Académicien le flattait d'être à Borja le m ê m e j o u r , & n'avait befoin en effet que d u n e heure p

O U r

s

y r e n d r e ; m a i s , malgré

fes exprès réitères & des recommandations a u x ­ quelles on n'avait jamais beaucoup d'égard , le bois du grand radeau fur lequel il devait palier le P o n g o , n'était pas e n c o r e coupé. Il le contenta d e faire fortifier le fier» p a r u n e nouvelle e u Y ij

Pérou.


340

HISTOIRE

G É N É R A L E

ceinte , d o n t il le fit encadrer , pour recevoir Pcrou.

le

premier

efforr

des chocs q u i font

tables dans les d é t o u r s , faute d e

inévi­

gouvernail,

d o n t les Américains n e font point ufage les

radeaux.

Ils

n'ont

1

auffi , pour

pour

gouverner

leurs canots, q u e la m ê m e pagaye q u i leur fert d'aviron. A S a n - J a g o , M . d e la C o n d a m i n e vaincre la rélîfbnce

ne p u t

d e fes m a r i n i e r s , qui

ne

trouvaient pas la rivière allez bafle e n c o r e , p o u r rifquer

le paflage. T o u t

ce

qu'il put

obtenir

d ' e u x fut d e la t r a v e r f e r , & d'aller a t t e n d r e le m o m e n t favorable dans une petite anfe

voifine

d e l'entrée du P o n g o , où le courant efl: d ' u n e fi furieufe violence les

que,

fans aucun faur r é e l ,

eaux femblent fe p r é c i p i t e r , & leur

choc

c o n t r e les rochers caufe un effroyable bruit. L e s q u a t r e Américains du p o r t d e J a e n , moins c u ­ rieux

q u e le V o y a g e u r Français d e voir de près

le P o n g o , avaient déjà.pris le devant par t e r r e , par un c h e m i n d e pied , ou plutôt par un efcalicr taillé dans le r o c , pour aller l'attendre à Borja. Il d e m e u r a ,

c o m m e la nuit

précédenre,

f l e u

avec un N è g r e fur fon radeau-, mais une avant u r e fort extraordinaire lui fit r e g a r d e r u n b o n h e u r d e n'avoir pas voulu

comme

l'abandonner.

L e fleuve d o n t la hauteur diminua d e 25 pieds e n 36 h e u r e s , continuait d e d é c r o î t r e . A u m i -


D E S

V O Y A G E S .

l i e u d e la n u i t ,

341

l'éclat d ' u n e t r è s - g r o f f e

branche

d'un arbre c a c h é , f o u s l ' e a u , s'était e n g a g é

entre

l e s p i è c e s d u r a d e a u , o ù e l l e pénétrait d e plus, en

plus à m e f u r e

de

l'eau -, l ' A c a d é m i c i e n

meurer

acroché

qu'il baillait

&

avec

fe vit

fufpendu

le

niveau

menacé de en l'ait

de­

avec

r a d e a u , & le m o i n d r e a c c i d e n t q u i l u i

le

pouvait,

a r r i v e r était d e p e r d r e fes p a p i e r s , fruit d'un tra­ vail d e

huit

ans. Enfin il t r o u v a l e m o y e n

fe d é g a g e r , & d e r e m e t t r e f o n radeau, à

de

flor.

Il avait profité d e fon féjour f o r c é à S a n j a g o , , pour

mefurer

géométriquement

deux

r i v i è r e s , & pour

largeur

des.

prendre les angles

qui

l u i d e v a i e n t fervir à drefler

la

u n e carte p a r t i c u ­

lière du P o n g o . Le i z de Juillet, à m i d i , r e m i s fur l e

fleuve,

il fut b i e n t ô t

entraîné

l e c o u r a n t dans u n e g a l e r i e é t r o i t e & taillée

en

talus

h e u r e , il f

e

dans l e

roc.

En

s'étant par.

profonde

moins

d'une

t r o u v a tranfporté à B o r j a , o u

l'on

c o m p t e trois l i e u e s d e S a n - J a g o . C e p e n d a n t train d e d'eau , &

bois q j U

qui , p

c h a r g e , préfentait

n

tirait pas

e

i

a r

v

o

l

u

m

e

0

pi

s

de l'eau, ne p o u v i a

c

l ) S

de

l'ait

une

g r a n d e qu'au cou-?

p r e n d r e t o u t e la

tefiè d u c o u r a n t , & c e t t e v û e f l e m ê m e confidérable nent à mefure q

le

demi-pied

o r d i n a i r e d e fa.

à la réfiftance

furface fept o u h u i t f ; rant

e

un

U e

i

e

li

c

vî-

diminue du

fleuve

s'élargit v e r s Borja. D a n s l'efpace l e plus é t r o i t , .

Y iij

Pérou,


342

H I S T O I R E

G É N É R A L E

M . d e la C o n d a m i n e j u g e a qu'il faiïàit d e u x t o i ­ Pérou.

f e s par

fécondes ,

par

vîteffes e x a c t e m e n t Le

canal

commence

du une

comparaifon

petite

f o r t e q u e d e z^o

creufé

natutellement i

demi-lieue

d e f i b u s d e la j o n c t i o n d e s

rétréciflant,

d e u x r i v i è r e s , il p a r ­ vingt-cinq.

n'avait d o n n é d e l a r g e u r au

q u e v i n g t - c i n q vares E f p a g n o l e s , qu'environ

au-de(fous

t o i f e s , qu'il p e u t a v o i r au-

v i e n t à n'en a v o i r pas plus d e qu'alors o n

d'autres

mefurées.

Pongo ,

d e S a n - J a g o , & c o n t i n u e d'aller e n de

à

qui

Juf-

Pongo

ne

font

d i x d e n o s t o i f e s , & , fuivant

l'opi­

n i o n c o m m u n e , o n pouvait p a l i e r , e n un quart d'heure,

d e S a n - J a g o à Borja. M a i s u n e

obfer-

v a t i o n a t t e n t i v e fit c o n n a î t r e à M . d e la C o n d a ­ m i n e q u e , d a n s la plus é t r o i t e partie d u p a f t a g e , i l était à t r o i s l o n g u e u r s d e fou radeau d e c h a ­ que

bord.

Il c o m p t a

57

m i n u t e s à fa m o n t r e »

d e p u i s l ' e n t r é e d u P o n g o jufqu'à B o r j a , & ,

mal­

gré

deux

l'opinion r e ç u e ,

lieues de vingt

à peine

au d e g r é

trouva-t-il

(moins de 6000

toi­

f e s ) d e San J a g o à B o r j a , au l i e u d e trois q u ' o n eft dans l'ufagc d'y c o m p t e r . D e u x o u t r o i s c h o c s d e s plus r u d e s qu'il n e p u t é v i t e r d a n s l e s t o u r s , l'auraient e f f r a y é , s'il n'eût Il j u g e a qu'un c a n o t fans r e l ï o u r c e . O n

lui

s'y

briferait

été

prévenu.

mille

m o n t r a le l i e u

dé­

fois

&

périt

u n G o u v e r n e u r d e M a y n a s : m a i s l e s p i è c e s d'un


D E S radeau la

n'étant

flexibilité

l'effet

V O Y A G E S . point

enchevêtrées,

343 ni c l o u é e s , i

des lianes qui les a f l e m b l e n t , produit

d'un

reflort

qui

amortirait l e

coup.

Le

plus grand

danger

eft d'être e m p o r t é d a n s

un

tournant d'eau h o r s d u c o u r a n t . Il n'y avait pas u n an q u ' u n M i f f t o n n a i r e q u i e u t c e m a l h e u r , avait

paflé

deux

Jours

entiers

fans

& ferait m o r t d e f a i m , fi la c r u e f u b i t e d u n e l'eût r e m i s d a n s fil d e l'eau. O n n e e n canot que

dans les eaux

canot peut gouverner

y

provifions

bafles,

fleuve

defcend

lorfque

le

fans ê t r e t r o p maîtrjfé d u

couranr. L ' A c a d é m i c i e n fe crut d a n s u n n o u v e a u m o n d e à Borja. a> t o u t «douce

«Il

s'y

trouvait,

commerce humain , au m i l i e u

dit-il, fur

éloigné

une

mer

d'un l a b y r i n t h e d e l a c s ,

» rivières & d e c a n a u x , qui pénètrent d e

de

d'eâu de

toutes

» parts u n e i m m e n f e f o r ê t , q u ' e u x feuls r e n d e n t » » a c c e u i b l e . Il r e n c o n t r a i t d e n o u v e l l e s

plantes,

» d e n o u v e a u x animaux & d e n o u v e a u x h o m m e s . o> Ses y e u x , a c c o u t u m é s d e p u i s f e p t ans à v o i r d e s »? m o n t a g n e s f vaient

fe

e

perdre dans

lafTer d e faire

a> fans autre o b f t a c l e q

u e

les nues , ne le tour d e

pou­

l'horizon

les c o l l i n e s d u P o n g o

t

qui

« a l l a i e n t b i e n t ô t ciifparaittre à fa v u e . A c e t t e f o u l e » d'objets v a r i é s , q u i diverfifient l e s c a m p a g n e s » cultivées des environs d e Q i u

t o

}

fijccédait

ici

» l'afpeCt l e p l u s u n i f o r m e . D e q u e l q u e c ô t é qu'il

Y

iv

Pérou.


344

GÉNÉRALE

H I S T O I R E

» fe t o u r n â t , il n ' a p p e r c e v a i t q u e d e l'eau & d e Pérou.

« la v e r d u r e .

O n f o u l e la t e t r e a u x p i e d s fans la

3 3 v o i r , e l l e eft fi c o u v e t t e d ' h e r b e s t o u f f u e s ,

de

33 plantes d e l i a n e s & d e b r o f f a i l l e s , qu'il faudrait a» un l o n g travail p o u r e n d é c o u v r i r l'efpace d'un 33 p i e d .

A u - d e i ï o u s d e B o r j a , & quarre à

cinq

33 c e n s l i e u e s plus l o i n , e n d e f c e n d a n t l e

fleuve,

33 u n e p i e r r e , u n fîmple c a i l l o u eft auffi rare q u ' u n » d i a m a n t . Les S a u v a g e s d e c e t t e r é g i o n n'en

ont

« p a s m ê m e l ' i d é e . C'eft u n f p e c l a c l e d i v e r t i t l a n t 33 q u e

l'admiration

» lorfqu'ils

en

de

ceux

rencontrent

» fois. Ils s ' e m p r e f f è n t «chargent comme

de

q u i v o n t à Borja , pour

la

première

l e s ramalïer.. l i s

s'en

d'une marchandife précieufe,

93 & n e c o m m e n c e n t à les m é p r i f e r q u e lorfqu'ils « les v o i e n t fi c o m m u n s . »> M . d e la C o n d a m i n e était a t t e n d u à B o t j a par l e P. M a g n i n , Millionnaire Jéfuite. Après avoir obfervé

la l a t i t u d e d e

quatte degrés

c e l i e u , qu'il t r o u v a

vingt-huit

minutes

de

d u Sud , il

p a t t i t l e 1 4 d e J u i l l e t , a v e c c e P e r e , p o u r la L a guna. L e

15 ,

chure

Mocona,

du

ils laifïerenr

au

Nord

qui defcend

l'embou­

du volcan

de

S a n g a y , d o n t l e s c e n d r e s traverfant l e s P r o v i n c e s d e Macas & delà

de

de Quito, volent

Guayaquil.

Plus

c ô t é , ils r e n c o n t r è r e n t

loin

quelquefois &

du

les t r o i s b o u c h e s

au-

même de

la

r i v i è r e d e Paftaca , fi d é b o r d é e alors , qu'ils

ne


D E P A R T ; MÇNTALEb GÜYA.NE

J

D E S •purent

V O Y A G E S .

mefurer

cipale

la

vraie

largeur

345

d e fa

b o u c h e -, m a i s ils l ' e f t i m e r e n t d e

prin­ quatre

c e n s t o i f e s , & p r e f q u e auffi l a r g e q u e l e M a ­ ragnon. Le

1 9 , ils a r r i v è r e n t à la L a g u n a , o ù M . d e

la C o n d a m i n e par

était

D o n Pedro

a t t e n d u d e p u i s iix i e m a i n e s

Maldonado ,

Gouverneur

la P r o v i n c e d ' E f m e r a l d a s , q u i s'était comme

lui

de

déterminé

à p r e n d r e la r o u t e d e la r i v i è r e

d e s A m a z o n e s p o u r repafler

en Europe , mais,

ayant fuivi l e f é c o n d d e s trois c h e m i n s q u i c o n duifent d e Quito à Jaën

i l était arçivé l e p r e ­

m i e r au r e n d e z - v o u s . L a L a g u n a eft u n e g r )lTe bourgade

d e plus d e m i l l e

habitans

raiîemblés

d e d i v e r f e s N a t i o n s . C'eft la p r i n c i p a l e d e t o u t e s l e s M i l l i o n s d e M a y n a s . E l l e eft iituée d a n s u n terrain fec & é l e v é ,

fituation

rare dans c e P a y s ,

& fur l e b o r d d'un g r a n d lac , c i n q l i e u e s a u deftus d e l ' e m b o u c h u r e

d u Guallaga , q u i a fa

f o u r c e , c o m m e le M a r a g n o n , dans les m o n t a g n e s à l'Eft

de

Lima.

Il partit d e l nado , dans

a

Laguna le 2} , a v e c M . M a l d o ­

deux

canots d e 42, à 4 4 p i e d s

de

l o n g , fur trois f e u l e m e n t d e l a r g e , & f o r m é s c h a ­ c u n d'un fenl tronc d'arbre. L e s r a m e u r s y

font

placés d e p u i s la p r o u e j f q u e v e r s l e m i l i e u . L e u

V o y a g e r eft à la p o u p e , a v e c f o n é q u i p a g e , à l'abri d e la p l u i e , f o u s un t o i t l o n g , d ' u n tiflu

Pérou.


346

H I S T O I R E

G É N É R A L E

! d e feuilles d e palmiers entrelacés, q u e l e s A m é ­ Pérou.

ricains c o m p o f e n t a v e c allez d ' a n . C'eft u n e efp c c e d e b e r c e a u i n t e r r o m p u & c o u p é au m i l i e u de

l'efpace , p o u r d o n n e r d u j o u r au c a n o t , &

p o u r e n faire l ' e n t r é e . U n t o i t v o l a n t , d e m ê m e m a t i è r e , & q u i g l i f l e fur l e toit fixe , fert à c o u ­ v r i r c e t t e o u v e r t u r e , & rient lieu tout-à-la-fois > d e p o r t e & d e fenêtre. L a r é f o l u t i o n Voyageurs

d e s deux;

afTociés , était d e m a r c h e r

nuit

&

j o u r , p o u r a t t e i n d r e , s'il était p o f f i b l e , l e s b r i gantins e u grands c a n o t s , q u e les Millionnaires P o r t u g a i s d é p ê c h e n t t o u s l e s ans au P a r a , p o u r e n f a i r e v e n i r leurs p r o v i f i o n s . L e s A m é r i c a i n s r a ­ maient

l e jour , & d e u x f e u l e m e n t faifaient

la

g a r d e p e n d a n t la nuit , l'un à la p r o u e , l'autre à

la p o u p e , p o u r

contenir

le canot

dans l e

fil d u c o u r a n t . L e 15 , il laiflà au N o r d qu'il

la r i v i è r e d u T i g r e ,

j u g e plus g r a n d e q u e l e

fleuve

d'Afie d u

m ê m e n o m , & l e m ê m e j o u r il s'arrêta, d u m ê m e côté , dans u n e n o u v e l l e Million d e S a u v a g e s , r é c e m m e n t fortis d e s b o i s , & n o m m é s Y a m é o s . L e u r ' L a n g u e efl: d ' u n e difficulté i n e x p r i m a b l e , &

leur

manière

d e p r o n o n c e r efl: e n c o r e

e x t r a o r d i n a i r e . Ils p a r l e n t e n

l e i n e , & n e f o n t former p r e f q u ' a u c u n e Une

partie d e

leurs

mots

plus

retirant l e u r h a ­ voyelle.

ne pourraient

être

écrits , m ê m e i m p a r f a i t e m e n t , fans y e m p l o y e r


DES moins

de

V O Y A G E S .

n e u f o u dix

347

fyllabes , & c e s m o t s ,

p r o n o n c é s par e u x , f e m b l e n t n'en a v o i r q u e t r o i s o u q u a t r e . Poettarrarorincouroac Langue

le nombre d e

lignifie d a n s l e u r

trois. Ils n e f a v e n t p a s

compter au-delà d e c e nombre. C e s Peuples font d'ailleurs fort adroits à faire d e l o n g u e s f a r b a c a n e s , qui

font l e u r s a r m e s o r d i n a i r e s d e chalfe , a u x ­

quelles

ils ajuftent d e petites flèches d e b o i s d e

p a l m i e r , g a r n i e s , au l i e u d e p l u m e s , d'un p e t i t bourlet vide

d e c o t o n , qui remplie

exactement

d u t u y a u . Ils l e s l a n c e n t d u

feul

le

fouffle,

à t r e n t e & q u a r a n t e pas , & r a r e m e n t ils m a n ­ q u e n t leur

c o u p . U n i n f t r u m e n r li l i m p l e f u p -

p l é e a v a n t a g e u f e m e n t , dans t o u t e c e t t e c o n t r é e ; au défaut d e s armes à feu. La pointe d e ces p e ­ tites

flèches

eft t r e m p é e d a n s u n p o i f o n fi actif,'

q u e lotfqu'il

eft r é c e n t , il t u e e n m o i n s

m i n u t e , l'animal à q u i la

flèche

d'une

a tiré d u f a n g ,

& fans d a n g e r p o u r c e u x q u i e n m a n g e n t la c h a i r , parce

qu'il n'agit p o i n t , s'il n'eft m ê l é d i r e c t e ­

ment

avec l

f

e

a n

g m ê m e . Souvent en mangeant

du gibier tué d e ces

flèches,

l ' A c a d é m i c i e n ren-;

c o n t r a i t la p o i n t e d u trait fous la d e n t . L e c o n t r e poifon

pour

les h o m m e s

eft le fel , & p l

U s

c e m

qui e n font bleflés ,

e n t l e f u c r e pris i n t é ­

rieurement. L e î.6 , MM. d e la C o n d a m i n e & M a l d o n a d o rencontrèrent,

du c ô t é du Sud ,

l'embouchure

Peroni,


348/

H I S T O I R E

G É N É R A L E

d e r U c a y a l e , u n e d e s plus g r a n d e s r i v i è r e s q u î Pérou.

groffiflenr

le

Maragnon.

M. de

la C o n d a m i n e

d o u r e m ê m e l a q u e l l e d e s d e u x eft l e t r o n c p r i n ­ cipal , n o n - f e u l e m e n t

p a r c e qu'à l e u r

rencontre

m u t u e l l e , l ' U c a y a l e fe d é t o u r n e m o i n s , eft

plus

l a r g e q u e le f l e u v e d o n t il p r e n d l e n o m , m a i s encore

parce qu'il tire fes f o u r c e s d e plus l o i n ,

& qu'il r e ç o i t l u i - m ê m e plufieurs g r a n d e s r i v i è r e s . L a queftion n e peut être

entièrement décidée ,

q u e lorfqu'il fera m i e u x c o n n u . M a i s les M i l l i o n s établies fur fes

bords , furent abandonnées

en

1 6 9 5 , après l e f o u l é v e m e n t d e s C u n i v o s & d e s P i r o s , q u i m a l l a c r e r e n t leurs M i l l i o n n a i r e s . A u delfous croît

de

l ' U c a y a l e , la l a r g e u r d u

fenfibleraent

,

& le n o m b r e

Maragnon

d e fes

Mes

augmente. Le

17

,

les d e u x

la M i l l i o n d e

Voyageurs abordèrent

à

Saint-Joachim , c o m p o f é e de p l u ­

fieurs N a t i o n s , fur-tout d e c e l l e d e s O m a g u a s > autrefois bords

du

puiflante , q u i p e u p l a i t l e s

Ifles & l e s

f l e u v e , d a n s l'efpace d ' e n v i r o n

deux

c e n s l i e u e s au-defïous d e l ' e m b o u c h u r e d u N a p o . O n les c r o i t d e f c e n d u s du n o u v e a u R o y a u m e d e Grenade ,

par

prennent leur des

Efpagnols

conquête. même,

quelqu'une fource , pour

des

rivières

fuir la

dans l e s p r e m i e r s

qui

y

domination

temps

de

la

U n e a u t t e N a : i o n , q u i fe n o m m e

de

& q u i h a b i t e v e r s la f o u r c e d ' u n e

de ces


D E S

V O Y A G E S .

349

r i v i è r e s , l'ufage d e s v ê t e m e n s établi c h e z les f e u l s O .naguas parmi t o u s les p e i p l e s q u i p e u p l e n t les b o r d s d e l ' A m a z o n e , q u e l q u e s v e r t i g e s d e la c é ­ rémonie du baptême , & q u e l q u e s traditions défi­ g u r é e s , confirment

la c o n j e c t u r e

d e leur tranf-

m i g r a t i o n . Ils a v a i e n t été c o n v e r t i s t o u s à la F o i c h r é t i e n n e v e r s la fin d u d e r n i e r liécle , & l ' o n c o m p t a i t alors marqués mais ,

dans leur

pays > t r e n t e

villages

d e l e u r n o m , fur la carte d u P. Fritz -,

effrayés

brigands

du

par les

Para , q u i

incuriîons

de

quelques

venaient

les

enlever ,

p o u r les faire e f c l a v e s , ils fe font difperfés d a n s l e s b o i s & dans les M i l l i o n s E f p a g n o l e s & P o r tugaifes. Leur n o m d ' O m a g u a s , c o m m e celui d e C a m b e r a s , q u e les P o r t u g a i s d u Para leur

don­

n e n t e n L a n g u e Rrafilienne , lignifie rête plate. Et» effet, ils o n t le b i z a r r e u f a g e d e prefler e n t r e d e u x p l a n c h e s le crâne d e s enfans qui v i e n n e n t d e n a î t r e , 8c d e leur' applatir l e f r o n r , p o u r l e u r p r o c u r e r cette étrange ient-ils ,

à j

figure, pi i„

a

e

a u c u n rapport Bréfil q u ' o n

q u i les fait r e f f e m b l e r , die

à celle p

a r

i

Lune.

Leur

L a n g u e n'a

d u P é r o u , ni à c e l l e d u

, l ' u n e a u - d e i T u s , l'autre

e

deflous de leur p y a

S

au-

, l e l o n g d e la r i v i è r e d e s

A m a z o n e s . C e s P e u p l e s font un g r a n d u f a g e d e d e u x fortes d e

p l a n t e s , l'une q u e l e s Efpagnels

n o m m e n t F l o r i p o n d i o , d o n t la fleur a la d'une

cloche renverfée , &

qui

a

été

figure décrite

Pérou,


350

H I S T O I R E

G É N É R A L E

! ci-deffus ; l'autre q u i fe n o m m e e n l a n g u e d u pays» Pérou.

Curupa , toutes deux purgatives. Elles leur p r o ­ curent u n e i v r e l ï e de vingt-quatre h e u r e s , pendant l a q u e l l e o n p r é t e n d qu'ils o n t d ' é t r a n g e s v i f i o n s . La

curupa fe prend

en poudre , c o m m e

p r e n o n s l e t a b a c , m a i s a v e c plus d ' a p p a r e i l . Omaguas miné

nous Les

fe f e r v e n t d'un t u y a u d e r o f e a u , t e r ­

e n f o u r c h e , & d e la figure d'un y g r e c j

d o n t ils i n f è r e n t c h a q u e

branche dans u n e d e s

narines. C e t t e opération , fuivie d'une v i o l e n t e , l e u r fait faire d i v e r f e s

afpiration

grimaces. L e s

P o r t u g a i s d u Para o n t a p p r i s d ' e u x à faire d i v e r s uftenfiles d ' u n e réfine fort

élaftique ,

fur l e s b o t d s d u M a r a g n o n , & forte d e

commune

qui reçoir t o u t e

f o r m e s d a n s fa f r a î c h e u r , entr a u t r e s ,

c e l l e d e p o m p e s o u d e f e r i n g u e s , q u i n'ont pas b e f o i n d e pifton. L e u r f o r m e eft c e l l e d ' u n e p o i r e creufe , l'on

p e r c é e d'un p e t i t trou à la p o i n t e ,

a d a p t e u n e c a n n u l e . O n les r e m p l i t d'eau 3

& , p r e l f é e s , l o r f q u ' e l l e s fonr p l e i n e s , e l l e s f o n t l'effet

des feringues ordinaires. C e

meuble

eft

fort e n h o n n e u r c h e z l e s O m a g u a s . D a n s t o u t e s l e u r s a f f e m b l é e s , l e m a î t r e d e la m a i f o n n e m a n q u e p o i n t d'en p r é f e n t e r u n à c h a c u n d e s allîftans , 8c f o n

u f a g e p r é c è d e t o u j o u r s , l e s repas d e cé-'

rémonie. E n partant d e réglèrent

Saint- J o a c h i m , les V o y a g e u t s

leur marche pour arriver à l ' e m b o u -


D E S

V O Y A G E S .

351

t n u r e d u N a p o , la n u i t d u t r o i s d ' A o û t , d a n s l e d e f i e i n d'y

obferver une

émerfion du

Pérou.

premier

S a t e i l i t e d e J u p i r e r . M . d e la C o n d a m i n e n ' a v a i t , d e p u i s f o n d é p a r t , a u c u n p o i n t d é t e r m i n é e n Ion» grtude ,

p o u r c o r r i g e r fes d i f t a n c e s e f t i m é e s

de

l'Elt à l ' O u e d . D ' a i l l e u r s l e s V o y a g e s d ' O r e l l a n a , d e T e x e i r a & du P. d'Acugna , qui ont rendu l e N a p o c é l è b r e , & la p r é t e n t i o n d e s P o r t u g a i s fur le domaine des bords de l'Amazone, depuis fon embouchure

jufqu'au N a p o , r e n d a i e n t c e p o i n t

i m p o r t a n t à fixer. L ' o b f e r v a t ï o n fe

fit

heureufe-

i n e n t , malgré les obftacles , a v e c u n e lunette d e 18

p i e d s , q u i n'avait pas c o û t é p e u d e

transporter micien

d a n s u n e fi l o n g u e

ayant d'abord

dienne

peine

à

route. L'Acadé-;

obfervé

la h a u t e u r m é r i ­

d u S o l e i l , d a n s u n e Ifle v i s - à - v i s d e la

g r a n d e e m b o u c h u r e d u N a p o , t r o u v a trois d e g r é s v i n g t - q u a t r e m i n u t e s d e l a t i t u d e auftrale. Il j u g e a la largeur t o t a l e d u M a r a g n o n , d e 9 0 0 t o i f e s a u deflbus de

l'Ifle ,

n'en ayanr p u m e f u r e r q u ' u n

bras

géométriquement ,

¿00

toifes a u - d e l l u s d e s

&

Napo

de

Ifles q u i p a r t a g e n t

celle

du

fes

b o u c h e s . L ' é m e r f i o n d u p r e m i e r S a t e l l i t e fut o b f e r v é e a v e c l e m ê m e f u c c è s , & la l o n g i t u d e d e c e poinr d é t e r m i n é e . Le

lendemain , premier

« m i t fur le

fleuve

jour d ' A o û t ,

, jufqu'à p

e

v

a

s

;

0

u

on fe

f n 0

prit

terre à dix ou d o u z e lieues d e l'embouchure du

t


352

H I S T O I R E

G É N É R A L E

N a p o . C'eft la d e r n i è r e d e s M i l l i o n s E f p a g n o l e s Pérou.

fur l e M a r a g n o n . Elles s'étendaient à plus d e 2 0 0 l i e u e s au-delà ; niais , e n 1 7 1 0 , l e s P o r t u g a i s fe f o n t m i s e n poffeffion d e la plus g r a n d e partie de cette

contrée.

Les Narions

(auvages ,

voilînes

d e s b o r d s d u N a p o , n'ayant jamais été fubjuguées par l e s E f p a g n o K , q u e l q u e s - u n e s ont maiTacré, e n d i v e r s t e m p s , l e s Gouverneurs & l e s M i l l i o n ­ naires q u i a v a i e n t t e n t é d e l e s r é d u i r e . L e n o m d e P é v a s eft tout-à-la-fois c e l u i d ' u n e b o u r g a d e & d ' u n e N a t i o n , q u i fait partie d e fes babitans. M a i s o n y a r a f l e m b l é diftérens P e u p l e s , d o n t c h a c u n p a r l e u n e l a n g u e d i f f é r e n t e , c e q u i eft a l l e z o r ­ d i n a i r e d a n s t o u t e s c e s C o l o n i e s , ou quelquefois la m ê m e l a n g u e n'eft e n t e n d u e q u e d e d e u x

ou

t r o i s f a m i l l e s , refte m i f é r a b l e d'un P e u p l e d é t r u i t &

dévote

par u n a u t r e . Il n'y a p o i n t a u j o u r ­

d'hui d ' a n t h r o p o p h a g e s fur l e s b o r d s d u M a r a g n o n ) m a i s il e n refte e n c o r e d a n s l e s t e r r e s , fur-tout vers

le N o r d ,

allure

qu'en

encore

& M . de

remontant

la

Condamine nous

l'Yupara ,

on

trouve

d e s A m é r i c a i n s qui m a n g e n t leurs p r i -

fonniers. E n t r e l e s b i z a r r e s ufages de

ces Nations

dans

leurs f e f t i n s , l e u t s d a n f e s , leurs i n f t r u m e n s , leurs a r m e s , l e u r s uftenfiles d e c h a l l e & d e p ê c h e , leurs o r n e m e n s r i d i c u l e s d'os d ' a n i m a u x & d e p o i l î o n s , paflés dans leurs narines & leurs lèvres, l e u r s

joues


D E S

V O Y A G E S ,

353

j o u e s c r i b l é e s d e t r o u s , q u i f e r v e n t d'étui à d e s p l u m e s d'oifeaux d e t o u t e s Couleuts , o n eft p a r ­ t i c u l i è r e m e n t furpris d a n s q u e l q u e s - u n s , d e la nionftrueufe extenfion d u l o b e d e l'extrémité i n ­ f é r i e u r e d e l e u r s o r e i l l e s , fans q u e l'épaiiTeur e n paraiflè

diminuée.

On

voit

d e ces bouts d'o­

r e i l l e s , l o n g s d e q u a t r e à cinq p o u c e s , p e r c é s d ' u n trou d e dix-fept à dix-huit lignes d e diamètte,& c e f p e c l a c i e eft c o m m u n . T o u t l'art confifte à i n ­ férer d'abord d a n s l e r r o u , u n p e t i t c y l i n d r e d e b o i s , a u q u e l o n e n fubftitue u n plus g r o s , à m e fure q u e l ' o u v e r t u r e

s'agrandit , jufqu'à c e q u e

l e b o u t d e l ' o r e i l l e p e n d e fur l'épaule. La g r a n d e parure d e c e s A m é r i c a i n s , efl d e remplir l e t r o u d'un g r o s b o u q u e t , o u d ' u n e touffe d'herbes & de

fleurs , q u i l e u r fert d e p e n d a n t

d'oteille.

O n c o m p t e fix o u fept j o u r n é e s d e P é v a s , d e r n i e t e d e s M i l l i o n s E f p a g n o l e s , jufqu'à S a i n t - P a u ^ première des Millions Portugaifes. Dans cet i n ­ tervalle , les bords

du

fleuve

habitation. Là c o m m e n c e n t ciennement du feul

fleuve

n'offrent

aucune

d e g r a n d e s Ifles a n ­

h a b i t é e s par l e s O m a g u a s , & l e l i t

s'y élargie fi c o n s i d é r a b l e m e n t , q u ' u n

d e f e s bras a q u e l q u e f o i s h u i t à n e u f c e n s

toifes. Cette grande étendue donnant

beaucoup

d e prife au v e n t , il y e x c i t e d e vraies t e m p ê t e s , q u i o n t fou v e n t f u b m e r g é d e s c a n o t s . L e s d e u x V o y a g e u r s e n efluyerent u n e contre laquelle ils

Tome XII

Z

Pérou.


354

H I S T O I R E

G É N É R A L E

n e t r o u v è r e n t d'abri q u e d a n s l ' e m b o u c h u r e d ' i l * Pérou.

petit

ruiffeau. C'eft

l e feul

port

en

pareil Cas»

Auffi s ' é i o i g n e - t - o n r a r e m e n t d e s b o r d s d u Il Un

eft d a n g e r e u x

auili

de

s'en t r o p

fleuve»

approcher.!

d e s plus g r a n d s périls d e c e t t e n a v i g a t i o n ,

eft la r e n c o n t r e d e s t r o n c s d'arbres d é r a c i n é s , q u i demeurenr engravés

d a n s l e fable o u l e l i m o n

3

p r o c h e d u r i v a g e , & c a c h é s f o u s l'eau. E n f u i vaut d e rrop près l e s b o r d s , o n eft menacéaulTï de

chute

la

f u b i t e d e q u e l q u ' a r b r e , o u par ca-;

d u c h é , o u parce q u e l e terrain q u i le s'abîme

tout

d'un

c o u p , après

foutenait,

a v o i r été l o n g ­

t e m p s m i n é par les e a u x . Q u a n t à c e u x q u i f o n t e n t r a î n é s au couranr , c o m m e o n l e s a p p e r ç o i t d e l o i n , i l eft aifé d e s'en garantir. Q u o i q u ' i l n'y ait à p r é f e n t , fur l e s b o r d s dm M a r a g n o n , aucune Nation e n n e m i e des Européens, i l fe r r o u v e e n c o r e d e s l i e u x , o ù il ferait d a n ­ gereux

de

pafTer la

nuit à t e r r e .

Le

fils

d'un

Gouverneur Efpagnol , c o n n u à Quito de M .

de

la C o n d a m i n e ,

la

ayant e n t r e p r i s d e d e f c e n d r e

r i v i è r e , fut furpris & mafïacré par d e s f a u v a g e s de

l'intérieur

des t e r r e s , qui

le

rencontrèrent,

fur la r i v e , o ù ils n e v i e n n e n t qu'à la d é r o b é e . Le deux

Millionnaire V o y a g e u r s un

de

Saint-Paul

nouveau

canot

fournit équipé

au* de

q u a t o r z e r a m e u r s , a v e c u n patron p o u r les c o m ­ mander , &

un

guide

P o r t u g a i s dans un autre,


DES ^etit

V O Y A G E S .

355

canot. A u - l i e u d e maifons

& d'Eglifes d e

r o l e a u x , On c o m m e n c e à v o i r ,

d a n s c e t t e Mif-

fioti

, des Chapelles

çonnerie

de

terre

& d e s prefbyreres d e m a ­ &

de brique , &

des m u ­

railles p r o p r e m e n t b l a n c h i e s . Il parut e n c o r e p l u s f u r p r e n a n t à M . d e la G o n d a m i n e , d e r e m a r * q u e r , au m i l i e u d e c e s défères , d e s c h ê n a i e s d e t o i l e d e B r e t a g n e à t o u t e s l e s f e m m e s , d e s coffres a v e c d e s ferrures

&

d e s c l e f s d e fer d a n s l e u r

m é n a g e , & d'y t r o u v e r d e s a i g u i l l e s , d e s p e t i t s miroirs, des couteaux, des cifeaux,des Se d i v e r s

peignes,

autres perits m e u b l e s d ' E u r o p e , q u e

l e s A m é r i c a i n s fe p r o c u r e n t t o u s l e s ans au P a r a , d a n s l e s v o y a g e s qu'ils y f o n t p o u r y p o r t e r l e c a c a o , qu'ils r e c u e i l l e n t fans c u l t u r e , fur l e b o r d du

fleuve.

C e c o m m e r c e l e u r d o n n e u n air d ' a i -

f a n c e , q u i fait d i f f i n g u e r au p r e m i e r c o u p - d ' œ i l les

Millions Portugaifes des Millions

CaffilLines

d u haut M a r a g n o n , dans l e f q u e l l e s t o u t fe r e l i e n t d e 1 impolTibilité o ù 1 e l o i g n e m è n t l e s m e t d e fe f o u r n i r d e s c o m m o d i t é s d e la v i e . E l l e s t i r e n t tout d e Q u i t o , o u à peine e n v o i e n t - e l l e s

une

fois

l'année , parce q u ' e l l e s e n font plus féparées p a r la C o r d e l i è r e , qu'elles n e

l e feraient par u n e

mer d e mille lieues. L e s canots gais , font modes

d e s A m é r i c a i n s fournis a u x P o r t u ­

beaucoup

plus

grands

& plus

com­

q u e ceux des Américains Efpagnols. L e Z

ij

Péjpu.


356

H I S T O I R E

G É N É R A L E

t r o n c d'arbre , q u i fait t o u t Pérou,

le

corps des d e r ­

n i e r s , n e fait d a n s les autres q u e la c a r e n e . II eif, f e n d u p r e m i è r e m e n t , & creufé

a v e c l e fer. O n

l ' o u v r e e n f u i t e pat l e m o y e n d u feu , p o u r a u g ­ m e n t e r fa l a r g e u r ; m a i s c o m m e l e c r e u x d i m i n u e d'autant , o n

l u i d o n n e p l u s d e h a u t e u r par l e s

b c r d a g e s qu'on

y a j o u t e , & q u ' o n l i e par d e s

c o u r b e s au c o r p s d u b â t i m e n t . L e g o u v e r n a i l placé

d e m a n i è r e q u e fon jeu n'embarraffe

la c a b a n e q u i e l t m é n a g é e

elt

point

à la p o u p e . O n l e s

h o n o r e du n o m d e brigantins. Quelques-uns ont f o i x a n t e p i e d s d e l o n g , fur f e p t d e l a r g e & t r o i s Se d e m i d e p r o f o n d e u r , & p o r t e n t jufqu'à q u a ­ r a n t e r a m e u r s . La plupart o n t d e u x m â t s , & v o n t à

la v o i l e , c e q u i e l t

d'une grande

commodité

p o u r r e m o n t e r l e f l e u v e à la f a v e u r d u v e n t d ' E u S qui y régne depuis le mois d'Octobre , jufques vers le mois d e Mai. Entre Saint-Paul & C o a r i , on rencontre plufieurs

belles

dans celle pour ne

rivières ,

qui

des A m a z o n e s ,

viennent

p o u v o i r être r e m o n t é e s

bouchure, que

fe

perdre

toutes allez de

grandes leur

par u n e n a v i g a t i o n d e

em­

plufieurs

m o i s . D i v e t s A m é r i c a i n s r a p p o r t e n t qu'ils o n t v u fur c e l l e d e C o a r i , dans l e h a u t d e s t e r r e s , u n pays découvert, des mouches à m i e l , & tité $ux,

d e bêtes

à corne ;

& dont on peut

objets

nouveaux

conclure que les

quan­ pour fources


D E S

V O Y A G E S .

357

tfe c e t t e r i v i è r e arrofent d e s p a y s fort différens d u l e u r , voilîns

fans d o u t e d e s C o l o n i e s

Éfpa-

g n o l e s d u haut P é r o u , o ù l ' o n fait q u e l e s b e f t i a u x f e font fort m u l t i p l i é e s . L ' A m a z o n e ,

dans

c e t i n t e r v a l l e , r e ç o i t auffi , d u c ô t é d u N o r d ' d'autres g r a n d e s r i v i è r e s . 'C'eft d a n s c e s q u a r t i e r s qu'était fîtué u n V i l l a g e

Américain , o ù T e x e i r a

remontant le fleuve e n 1 6 3 7 , reçut e n t r o c , d e s anciens h a b i t a n s , q u e l q u e s bijoux d'un or qui fut effayé à Q u i t o & j u g é d e 2 3 carats. Il e n d o n n a l e n o m d e Village d'or à c e l i e u , & d a n s r e t o u r , l e 2.6 d ' A o û t i6$p, Se e n p t i t poffeiTion tugal,

for»

il y planta u n e b o r n e

p o u r la C o u r o n n e d e P o r ­

par u n a c t e q u i fe c o n f e r v e dans l e s a r ­

c h i v e s d u P a r a , o ù M . d e la C o n d a m i n e l'a v u ; C e t a c t e , figné d e t o u s l e s Officiers d u d é t a c h e ­ m e n t , p o r t e q u e c e fut f u t u n e terra h a u t e , v i s à - v i s d e s b o u ê h e s d e la r i v i è r e d ' o r . L e P . d ' A e u g n a & l e P . Fritz c o n f i r m e n t la réalité d e s r i chefïes d u pays & d u c o m m e r c e d e l'or q u i s'y faifait

entre

les Américains , f u r - t o u t

avec

la

nation d e s Manaves o u Manaous qui venaient à la rive S e p t e n t r i o n a l e d e l ' A m a z o n e , Se t o u s c e s l i e u x font placés f dant

le

fleuve,

Village d'or,

Ur

le l

j a c

attelles

a c

a

r

t

d u P . Fritz. C e p e n ­

e

, fo m i n e , la b o r n e & l e p

a

r

J

a

dépofition

d e tant

d e t é m o i n s , t o u t a d i f p a r u , & f u t les l i e u x m ê ­ m e s , on en a p e r d u jufqu'à l a m é m o i r e . Z iij

Pérou.


358

HISTOIRE

GÉNÉRALE

D a n s le cours d e fa n a v i g a t i o n , il n'avait Pcrou.

celle d e demander aux Américains des N a r i o n s , s'ils a v a i e n t ces

femmes

quelque

belliqueufes

dont

pai

diverfeî

connarfîànce le

fleuve

de

a tiré

f o n n o m parmi l e s E u r o p é e n s , & s'il était v r a i , c o m m e le P . d ' A c u g n a le r a p p o r t e a v e c c o n f i a n c e qu'elles v é c u r e n t

éloignées

des

hommes ,

l e f q u e l s il n e leur a t t r i b u e d e c o m m e r c e f o i s l'année.

L'Académicien

t r a d i t i o n efl u n i v e r f e l l e m e n t

obferve

avec

qu'une

que

cette

répandue chez tou­

tes les N a t i o n s qui habitent les bords d e l'Ama­ z o n e , d a n s l'intérieur d e s terres & fur les c ô r e s d e l'Océan

jufqu'à C a y e n r . e , d a n s u n e é t e n d u e

d o u z e à quinze cens

lieues

d e pays-, q u e

de plu­

sieurs d e c e s N a t i o n s n'ont p o i n t e u d e c o m m u ­ n i c a t i o n l e s u n e s a v e c l e s autres-, q u e t o u t e s s'ac­ cordent à indiquer le m ê m e c a n t o n , pour le lieu d e la r e t r a i t e d e s A m n z o n e s ; q u e l e s

différens

n o m s , par l e f q u e l s ils l e s d é f i g n e n t d a n s l e s dif­ férentes l a n g u e s ,

femmes

fignifient

excellentes;

qu'il

femmes fans

mari,

était q u e f l i o n

d'Ama­

z o n e s d a n s c e s c o n t r é e s , avant q u e les E f p a g n o i s y e u î l è n t p é n é t r é , c e qu'il p r o u v e par la c r a i n t e q u ' u n C a c i q u e infpira d'elles e n 1 5 4 0 , lana , l e p r e m i e r fleuve.

Européen qui

U c i t e les a n c i e n s

à

Orel-

ait d e f c e n d u

Hiflotiens

&

ce

Voya­

g e u r s d e d i v e r f e s N a t i o n s , a n t é t i e u r s au P . d ' A ­ c u g n a , q u i difait, c o m m e o n l'a v u , e n 1641,

que


D E S

V O Y A G E S .

î e s preuves en faveur d e l'exiftence

359 des A m a - C

zones fur le b o r d d e cette riviete étaient telles q u e ce ferait m a n q u e r a la foi h u m a i n e q u e d e les rejetter. Il r a p p o r t e des t é m o i g n a g e s plus ré­ cens , auxquels il joint ceux q u e lui & D o n P e ­ d r o M s l d o n a d o fon c o m p a g n o n d e v o y a g e , o n t recueillis dans le cours d e leur navigation. Il ajoute q u e fi jamais il a p u exifter une fociétê d e femmes i n d é p e n d a n t e s , & fans un c o m m e r c e habituel avec les h o m m e s , cela eft fur-tout fible

pof-

p a r m i îes N a t i o n s fauvages d e l'Amérique >

o ù les maris réduilent leurs femmes à la c o n d i ­ tion d'efclaves & de bêtes d e fomme. Enfin

il

parait perfuadé, par la variété des t é m o i g n a g e s n o n concertés qu'il y a eu des A m a z o n e s A m é ­ r i c a i n e s ; mais- il y a t o u t e a p p a r e n c e , d i t - i l » , qu'elles n'exiftent plus. I l partit d e C o a r i le \o d ' A o û t , a v e c u n nou-^ veau canot & d e nouveaux guides. La langue d u P é r o u , qui était familière à M . M a l d o n a d o , &C d o n t l'Académicien avait aufli q u e l q u e t e i n t u r e , leur avait fervi à fe faire e n t e n d r e dans toutes les unifions E f p a g l e s o ù l'on s'elt eftorcé d ' e n no

faire

une

langue générale. A S a i n t - P a u l , ils

avaient eu des interprètes Portugais q u i parlaient îa langue du Bréfil,

i n t r o d u i t e auffi

dans

les

Miffions Portugaifes. Mais n'en ayant point t r o u v é à - C o a r i , où. t o u t e leur diligence n e put les fairç.

Z iv

Pérou,»


360

rerou.

H I S T O I R E

G É N É R A L E

a r r i v e r , avant le d é p a r t d u g r a n d c a n o t d u

Mil­

l i o n n a i r e p o u r l e P a r a , ils f e v i r e n t p a r m i

des

h o m m e s a v e c I e f q u e l s ils n e p o u v a i e n t c o n v e r f e r q u e par l i g n e s , o ù à l'aide d'un c o u r t v o c a b u l a i r e que

M . d e la C o n d a m i n e

avait

fait

de

divers

quelfions dans leur l a n g u e , mais qui m a l h e u r e u ­ s e m e n t n e c o n t e n a i r pas l e s r é p o n f e s . C e s

Peu­

p l e s c o n n a i f l e n t plufieurs é t o i l e s fixes, & d o n n e n t d e s n o m s d'animaux à diverfes conltellations. Ils a p p e l l e n t l e s h y a d e s , o u la t ê t e d u taureau d ' u n n o m q u i lignifie a u j o u r d ' h u i d a n s l e P a y s ,

mâ­

c h o i r e d e b œ u f , p a r c e q u e > d e p u i s q u ' o n a tranfporté

des

bœufs

en A m é r i q u e ,

l e s Brafiliens j

c o m m e l e s naturels d u P é r o u , o n t a p p l i q u é à c e s a n i m a u x l e n o m qu'ils d o n n a i e n t d a n s l e u r l a n ­ g u e m a t e r n e l l e à l ' E l a n , l e plus g r a n d d e s q u a ­ d r u p è d e s qu'ils c o n n u l T e n t ,

avant

l'arrivée

des

Européens. Le

f é c o n d j o u r , après a v o i r q u i t é

Coari,

on

laifla d u c ô t é d u N o r d u n e e m b o u c h u r e d e l ' Y u p u r a , à cent fuivant,

l i e u e s d e la p r e m i è r e ; &

le jour

on rencontra du côté du Sud les

bou­

Purus

c h e s d e la r i v i è r e n o m m é e a u j o u r d ' h u i

t

m a i s a n c i e n n e m e n t Cuchivara d u n o m d'un

Vil­

lage

plus

voilin.

grandes

de

Elle

n'efi: pas

c

inférieure

c e l l e s q u i groflilTent l e

aux

Maragnon,

Sept ou huit lieues a u - d e f l o u s , M . de damine

voyant

le fleuve

fans

la s

Con­ e

Mes & h S

de


DES nulle qui

à ne

VOYAGES. douze

lui

cens

fit

toifes

,

pas t r o u v e r

361

y

jetta

la

fonde,

fond

à

cent

trois

brades. R i o - n é g r o o u la enrra l e 2 3 , douce que

eft,

rivière-noire dit-il, une

dans laquelle il autre m e r

d'eau

l'Amazone reçoit du côté du

Nord.

M a l g r é la C a r t e d u P . Fritz & c e l l e d e

Delifle,

q u i f o n t c o u r i r c e t t e r i v i è r e d u N o r d au

Sud,

il érablit fur l e t é m o i g n a g e d e fes p r o p r e s y e u x , qu'elle vient d e l ' O u e f t , & qu'elle court à l'Efl, e n inclinant un p e u vers le S u d , du m o i n s dans l'efpace d e plufieurs l i e u e s a u - d e i ï u s d e fon

em­

b o u c h u r e d a n s l ' A m a z o n e , o ù e l l e e n t t e fi p a ­ r a l l è l e m e n t q u e , fans la t r a n f p a r e n c e d e fes q u i l'ont fait n o m m e r drait p o u r

Riviere-Noire,

un bras d e c e

fleuve

eaux

o n la p r e n ­

féparé par

une

Ifle. Il la r e m o n t a d e u x l i e u e s jufqu'au fort q u e l e s P o r t u g a i s y o n t bâti fur l e b o r d S e p t e n t r i o ­ n a l , à l ' e n d r o i t l e m o i n s l a r g e , qu'il t r o u v a

de

d o u z e c e n s t r o i s t o i f e s , & d o n t la l a t i t u d e q u ' i l n e m a n q u a p o i n t d ' o b f e r v e r , eft d e 3 d e g r é s

9

m i n u t e s S u d . C'efl l e p r e m i e r E t a b l i f l e m e n t P o r ­ tugais q u ' o n t r o u v e au N o r d e n d e f c e n d a n t

l'A­

mazone.

plus

d'un

Sa r i v i è r e

fiécle,

eft

fréquentée

depuis

par cette N a t i o n q u i y fait u n g t a n d

c o m m e r c e d'efclaves. U n d é t a c h e m e n t d e la g a r nifon du Para,

campé continuellement

b o r d s , tient e n refpecl i

e s

fur

fes

N a t i o n s qui les h a -

Pctou.


362

H I S T O I R E

G E N E R A L E

b i t e n t , p o u r favorifer le c o m m e r c e d e s F u ou.

efclavejjj

d a n s les b o r n e s prefcrites par l e s l o i x d u

Porru-

g a l , & c h a q u e a n n é e c e c a m p volanr à q u i l'or* d o n n e le n o m d e t r o u p e d u r a c h a t , p é n è t r e p l u s a v a n t dans l e s terres. T o u r c la partie d é c o u v e r r e d e R i o - n é g r o , eft

peuplée de

Millions

Portu-

g a i l e s , g o u v e r n é e s par d e s C a r m e s . E n r e m o n t a n t q u i n z e j o u r s o u t r o i s f e m a i n e s d a n s c e t t e rivière-, o n la t r o u v e e n c o r e plus l a r g e qu'à fon e m b o u ­ chure ,

parce

d'Ifles &

q u ' e l l e f o r m e un

grand

nombre

d e lacs. L e t e r r a i n , dans t o u t c e t

p a c e , eft é l e v é fur fes b o r d s ; les b o i s y m o i n s f o u r r é s , & l e pays eft t o u t différent

effont des

bords de l'Amazone. M . d e la C o n d a m i n e t r o u v a au F o r t d e R i o n é g r o d e s p r e u v e s d e la c o m m u n i c a t i o n d e rénoque avec

cette rivière , &

a v e c l ' A m a z o n e , fur l e f q u e l l e s

par

l'O-

conféquent

il f e c r o i t

dif-

p e n f é d e s ' é t e n d r e d e p u i s la c o n f i r m a t i o n d e c e fait e n 1 7 4 4 . , par u n v o y a g e fur l e q u e l

il n e

p u t refter aucun d o u t e . C'eft dans la g r a n d e I f l e f o r m é e par l ' A m a z o n e & l ' O r é n o q u e , a u x q u e l l e s R i o - n é g r o fert de

l i e n qu'on a l o n g - t e m p s cher­

c h é le lac d o r é d e P a r i m é & la V i l l e d e M a n o a o u El D o r a d o . M. d e la C o n d a m i n e t r o u v e la f o u r c e d e c e t t e e r r e u r , fi c'en reflemblance

de

nom

eft u n e , dans qui

a

fait

quelque

transformer

e n V i l l e d o n t les m u r s étaient c o u v e r t s d e pla-»


D E S

363

V O Y A G E S .

q t i e s d ' o r , le Village des Manaous > cette m ê m e N a t i o n d o n t on a parlé. L'hiftoire des découver­ tes du nouveau M o n d e fournit plus d'un e x e m ­ p l e d e ces métamorphofes. Mais la p r é o c c u p a t i o n , obferve

l'Académicien , était

encore

fi

forte

e n 1 7 4 0 , qu'un V o y a g e u r n o m m é Nicolas Hortfm a n , natif d e H i l d e s h e i m , efpérant découvrir le lac d o r é & la Ville aux toits d ' o r , r e m o n t a

la

r i v i è r e d ' E l î e q u e b é , donr l ' e m b o u c h u r e eft dans l'Océan,

e n t r e la rivière d e Surinam & l ' O r é -

n o q u e . Après avoir traverfé des lacs & d e vaftes c a m p a g n e s , traînant ou portant

fon canot avec

d e s peines i n c r o y a b l e s , & fans avoir rien r r o u v é qui

r e f k m b l â t à ce qu'il c h e r c h a i t , il parvint

au b o r d d'une rivière q u i coule au S u d , & par laquelle il defeendit dans R i o - n é g r o , ou

elle

e n t r e du côté du N o r d . Les Portugais lui o n t -

d o n n é le n o m d e rivière blanche , les H o l l a n ­ dais celui d'Effequebé & celui d e P a r i m é , fans d o u t e parce qu'ils ont cru qu'elle conduifait au lac d e ce

n o

m.

O n fait q u e M . d e Voltaire a

tire d e cette tradition incertaine , un

épifode

t r è s - a g r é a b l e d o n t il a orné fon R o m a n Philofophique de Candide. A peu d e diftance d e l'embouchure d u R i o n

» g r o , on rencontre du côté du

d'une autre rivière qui

' fr

n e

p n s

Sud , celle

moins fréquentée

des P o r t u g a i s , & qu'ils ont n o m m é e R i o d e

Pérou,


364

H I S T O I R E

G É N É R A L E

i Madera o u rivière du b o i s , apparemment parce Pciou.

qu'elle

c h a r i e q u a n t i t é d'atbres dans fes d é b o r -

demens. O n d o n n e une grande idée de l'étendue d e f o n c o u r s , e n aiïurant q u ' i l s la r e m o n t è r e n t , en

1741,

la

Sierra,

jufqu'aux e n v i r o n s d e S a n t a - C r u z d e Ville

iituée à d i x - f e p t

Epifcopale

du

degrés

demi

&

auftrale. C e t t e r i v i è r e p o r r e l e

haut-Pérou» de

latitude

nom de Manure

d a n s fa parrie f u p é r i e u r e , m a i s fa f o u r c e la p l u s é l o i g n é e eft v o i l î n e d u P o t o f i , & par c o n f é q u e n t d e celle le

d u P i l c o m a y o , q u i va fe j e t t e r

dans

g r a n d n e u v e d e la Plata. L'Amazone,

au-delTous de Rio-négro &

de

la M a d e r a , a c o m m u n é m e n t u n e lieue d e l a r g e . L o r f q u ' e l l e f o r m e d e s Ifles , e l l e a jufqu'à d e u x & trois l i e u e s , & dans l e t e m p s d e s i n o n d a t i o n s , e l l e n'a p l u s d e l i m i t e s . C'eft ici

q u e les

Por­

t u g a i s d u Para c o m m e n c e n t à lui d o n n e r l e n o m d e r i v i è r e d e s A m a z o n e s , tandis ils n e

la c o n n a i f ï e n t

Solimocs , rivière

q u e plus h a u t

que fous celui de R i o

des Poifons ,

de

qu'ils lui o n t

d o n n é , v r a i f e m b l a b l e m e n t , parce q u e l e s

flèches

empoifonnées

de

font

la

principale

arme

fes

habitans. Le

18,

M . d e la C o n d a m i n e , ayant laitïé à

g a u c h e la r i v i è r e d e Jainundas q u e l e P . d ' A c u g n a n o m m e C u n u r i s , prit t e r r e u n p e u a u - d e f f o u s , d u m ê m e côté ,

au

pied

du

Fort P o r t u g a i s

de


D E S "Pauxis,

V O Y A G E S .

o ù l e lit d u

fleuve

365

eft refTerré d a n s u n

d é t r o i t d e n e u f c e n s c i n q t o i f e s . L e flux & l e reflux d e la m e r fe font fentir j u f q u ' i c i , par l e g o n f l e ­ ment des

eaux , qui arrive d e d o u z e en

heures , &

douze

qui retarde chaque jour c o m m e

l e s C ô t e s . L a plus g r a n d e hauteur d u l'Académicien

mefur.a p r o c h e

du

fur

flux,

que

Para , n'étant

g u e r e s q u e d e d i x p i e d s & d e m i dans l e s g r a n d e s m a r é e s , i l c o n c l u t q u e le Jufqu'à la m e r ,

fleuve,

c'eft-à-dire,

depuis

Pauxis

fur plus d e d e u x

c e n s l i e u e s d e c o u r s o u fur trois c e n s f o i x a n t e , f é l o n le P. d ' A c u g n a , n e d o i t a v o i r dix pieds & demi de

qu'environ

pente , ce qui

a v e c la h a u t e u r d u m e r c u r e q u e

s'accorde

l'Académicien

t r o u v a , au Fort d e P a u x i s , q u a t o r z e toifes au-delïùs du

n i v e a u d e l'eau , d ' e n v i r o n

q u a r t m o i n d r e qu'au P a r a , 11

fait l à - d e l ï u s « On

une

ligne

un

au b o r d d e la m e r ,

les réflexions fuivantes. flux

qui

a» arrive au C a p d u N o r d , à l ' e m b o u c h u r e

conçoit bien , d i t - i l ,

que le

de

« l a rivière des A m a z o n e s , ne

au

peut parvenir

3» d é t r o i t d e Pauxis , c ' e f t - à - d i r e , «mer,

fi

loin

qu'en pl fieurs j o u r s , a u - l i e u u

» o u fix h e u r e s , q j u

e

delà

de

cinq

f t le t e m p s o r d i n a i r e q u e

» la m e r e m p l o i e à r e m o n t e r . E n effet , d e p u i s » l a C ô t e jufqu'à P a u i , il y x

s

a une

vingtaine

» d e parages q u i d é f î g n e n t , p o u r aiufi d i r e , ' « j o u r n é e s d e la m a r é e . En r e m o n t a n t l e

les

fleuve,

réioiw


Pérou.

366

HISTOIRE

« dans

tous

«mer

fe

GÉNÉRALE

ces e n d r o i t s ,

roanifefteà

l'effet

de

haute

la

la m ê m e h e u r e q u e fur la

« C ô t e , & fi l'on f u p p o f e q u e ces differens p a ­ re r a g e s f o i e n t

é l o i g n é s l'un d e l'aurre d ' e n v i r o n

« d o u z e l i e u e s , le m ê m e effet d e s m a r é e s fe fera «remarquer

dans leurs i n t e r v a l l e s à t o u t e s

«heures intermédiaires,

les

favoir,danslafuppofuion

« d e s d o u z e l i e u e s , u n e h e u r e p l u s tard d e l i e u e » e n lieue, «de

en

même

s'éloignant

du

« d a n t e s . Au

d e la m e r . Il e n efl:

r e f l u x , aux

relie,

» n a t i f s , chacun en

heures

correfpon-

tous ces m o u v e m e n s fon l i e u , f o n t

alter-

fujets

aux

« r e r a v d e m e n s j o u r n a l i e r s , c o m m e fut l e s C ô t e s . « C e t r e e f p è c e d e m a r c h e d e s m a r é e s , par o n d u l a » tions , a v r a i f e m b l a b l e m e n t l i e u e n p l e i n e m e r , » & d o i t retarder d e plus e n p l u s , d e p u i s l e p o i n t « o ù c o m m e n c e l e r e f o u l e m e n t d e s e a u x j u f q u e s fur « l e s C ô t e s . La p r o p o r t i o n dans l a q u e l l e d é c r o î t la « v î t e f l e d e s m a r é e s e n r e m o n t a n t d a n s le « d e u x courans oppofés « t e m p s du »à

flux,

qu'on remarque

«s'accélère «du

« enfin «fe » des

le

long

,

randis

lit d e deux

la

dans l e

l'un à la furface d e l ' e a u , l'aurre

quelque profondeur,

» remonte

fleuve;

des que

rivière ,

d e u x autres d o n t bords

du

fleuve

l'autre , defeend

au &

l'un &

milieu

retarde ;

autres e n c o r e , o p p o f é s auffl , q u i

r e n c o n t r e n t fou v e n t p r o c h e d e la m e r , d a n s canaux

naturels d e

traverfe , o ù l e

flux;


D E S

V O Y A G E S .

367

c e n t r e à - l a - f o i s par d e u x côtés oppofés. T o u s » c e s faits ,

dont j'ignore que

plufieurs aient

» été obfervés, leurs différentes c o m b i u a i f o n s , d i » v e r s autres accidens des marées , fans d o u t e » plus fréquens

& plus variés qu'ailleurs dans

*>un_1euve o ù elles r e m o n t e n t vraifemblablement *>Vune plus g r a n d e diftance

d e la mer

qu'en

» aucun a u t r e e n d r o i t du m o n d e c o n n u , d o n ­ as lieraient lieu à des r e m a r q u e s également c u » rieufes & nouvelles. » M a i s , pour s'élever au-de(Tus des c o n j e c t u r e s , il faudrait une fuite d'obfervations e x a c t e s , ce q u i demanderait

un

long

féjour dans c h a q u e

l i e u , & un délai q u i n e convenait point à l'im­ patience où M . d e la C o n d a m i n e était d e revoie fa patrie. Il fe r e n d i t en feize h e u r e s , d e Pauxis à T o p a y o s , autre forterefle P o r t u g a i f e , à l'en­ trée de la rivière d e m ê m e n o m , q u i en eft u n e d u p r e m i e r o r d r e . Elle defeend des mines du Bréiil, en

traverfanr des pays i n c o n n u s , mais habités

par des N a t i o n s fauvages & g u e r r i è r e s , q u e les Millionnaires s!eftôrcent d'apprivoifer. D e s débris du b o u r g d e T u p ¡ u n e g r a n d e Ifle ,

a

l i a m

b a r a , autrefois firué d a n s

l ' e m b o u c h u r e d e la rivière

d e M a d e r a , s'eft formé celui d e T o p a y o s , d o n t les

habitans font

pr fq e

u e

l'unique refte d e la

vaillante N a t i o n des T o p i n a m b o s ou T o p i n a m ­ b o u x , d o m i n a n t e , il y a d e u x iiécles, dans le

l'vTOU»


368

H I S T O I R E

G É N É R A L E

Bréfil , o ù ils o n t laide l e u r L a n g u e . O n a vu l e u f Pérou.

H i f t o i r e & leurs différentes t r a n f m i g r a t i o n s d a n s la r e l a t i o n d u P . d ' A c u g n a . C ' e i t c h e z l e s T o p a y o s qu'on leurs ,

t r o u v e a u j o u r d ' h u i , plus f a c i l e m e n t qu'ail­ d e ces

pierres

vertes , connues

n o m d e pierres d e s A m a z o n e s ,

dont on

l ' o r i g i n e , & q u i o n t été l o n g - t e m p s

fous

recherchées

p o u r la v e r t u q u ' o n l e u r attribuait d e g u é t i r la

le

ignore

de

p i e r r e , d e la c o l i q u e n é p h r é t i q u e , d e l'épi—

lepfie.

Elles n e

différent

ni

en

d u r e t é , ni

en

c o u l e u r d u j a d e o r i e n t a l : e l l e s réfiftent à la l i m e , & l'on a p e i n e à s ' i m a g i n e r c o m m e n t l e s a n c i e n s habitans d u p a y s o n t p u les t a i l l e r , & l e u r d o n ­ ner diverfes

figures

d ' a n i m a u x . C e t t e difficulté a

fait j u g e r à q u e l q u e s N a v i g a t e u r s , m a u v a i s P h y ­ siciens , q u ' e l l e s n'étaient q u e d u l i m o n d e la r i ­ vière , auquel

o n donnait aifément u n e

forme,

& q u i n e d e v a i t e n f u i t e f o n e x t r ê m e d u r e t é qu'à l'air. M a i s , q u a n d u n e f u p p o f i t i o n fi p e u v r a i f e m b l a b l e , n'aurait pas é t é d é m e n t i e par d e s e d a i s , il refterait l e m ê m e e m b a r r a s p o u r c e s é m e r a u d e s arrondies , polies

& percées , dont

d a n s l'article

anciens m o n u m e n s d u P é r o u .

M.

de

des

la C o n d a m i n e

vertes deviennent

obferve

que

on

a parlé

les pierres

plus rares d e j o u r e n j o u r ,

autant p a r c e q u e les A m é r i c a i n s q u i e n f o n t g r a n d c a s , n e s'en d é f o n t pas v o l o n t i e r s , q u e parce q u ' o n e n a fait p a d e r un fort g t a n d n o m b r e e n Le

Europe. quatre


D E S

V O Y A G E S .

369 L e quatre d e S e p t e m b r e , les deux V o y a g e u r s commencèrent

à découvrir des

côté du N o r d

à d o u z e ou q u i n z e lieues dans les

terres. C'était

s

montagnes

du

un fpectacle nouveau pour eux ,

après avoir navigué d e u x mois depuis le P o n g o , fans voir le m o i n d r e côreau. C e qu'ils a p p e r c e v a i e n t , était des collines antérieures d'une l o n g u e chaîne d e montagnes , qui s'étend l'Eït , & d o n t les fommets font

d e l'Ouelt à les points

de

p a r t a g e des eaux d e la Guiane. Celles qui p r e n ­ n e n t leur pente du côté du N o r d , forment lés jivieres d e la côte d e C a y e n n e & d e Surinam , Se celles qui coulent vers le S u d , après un cours de

peu

d'étendue,

vont fe

p e r d r e dans

l'A-,

mazone. Le cinq au foir , la variation de l'aiguille, o b fervée au Soleil couchant , était d e cinq d e g r é s & d e m i du N o r d à l'Eit. U n t r o n c d'arbre d é r a ­ ciné , que le courant avait pouflé fur le b o r d d u fleuve , ayant fervi d e théâtre pour cette obfervation , M .

d e la

C o n d a m i n e , furpris d e

fa

g r a n d e u r , eut la curiofué d e le mefurer. Q u o i q u e d e f l é c h é , & dépouillé m ê m e d e fon écorce , fa circonférence était de %\ pieds , & fa l o n g u e u r d e 8 4 , e n t r e les branches & les racines. O n peut j u g e r d e quelle hauteur & d e quelle beauté font les bois des bords d e l'Amazone & d e plufieuts autres rivières qu'elle reçoit. Le frx, à l'entrés

Tome X I I .

A 2

Pérou.


370 de .Pérou.

GÉNÉRALE

H I S T O I R E la

nuit , l e s d e u x

Voyageurs

lailïerent

le

g r a n d canal d u f l e u v e vis-à-vis d u F o r t d e P a r a , f u u é fur l e b o r d f e p t e n t r i o n a l , & rebâti d e p u i s p e u par l e s P o r t u g a i s , fur l e s r u i n e s d'un v i e u x F o r t o ù l e s H o l l a n d a i s s'étaient établis. L à , p o u r é v i t e r d e rraverfer l e X i n g u à f o n e m b o u c h u r e , o ù quantité

d e canots

fe f o n t p e r d u s , i l s e n ­

t r è r e n t d e l ' A m a z o n e d a n s l e X i n g u m ê m e , par u n canal naturel

dé communication. Les Mes ,

q u i d i v i f e n t la b o u c h e d e c e t t e r i v i è r e e n p l u ­ sieurs c a n o t s , n e p e r m e t t e n t p o i n t géométriquemenr

de

mefurer

fa l a r g e u r ; m a i s , à la v u e ,

e l l e n'a pas m o i n s d ' u n e l i e u e . C'eft la m ê m e r i ­ v i è r e q u e le P . d ' A c u g n a n o m m e Paranaïba , & l e P. Fritz , d a n s fa c a r t e , A o r i p a n a , d i v e r f i t é q u i vient

d e celle des Langues. X i n g u

eff. l e n o m

A m é r i c a i n d'un v i l l a g e , a c c o m p a g n é d ' u n e Mif-i l i o n fur l e b o r d d e la r i v i è r e , à q u e l q u e s l i e u e s d e fon e m b o u c h u r e . Elle defcend , c o m m e celle d e T o p a y o s . , d e s mines d u Brélîl, & quoiqu'elle a i t u n faut à fept o u h u i t j o u r n é e s d e l ' A m a z o n e , elle

n e lailTe pas d'être n a v i g a b l e , e n

remonr

t a n t plus d e d e u x m o i s j f e s r i v e s a b o n d e n t e n d e u x f o r t e s d'arbres a r o m a t i q u e s , d o n t l e s fruits f o n t à-peu-près d e la grofTeur d ' u n e o l i v e , f e r â ­ pent c o m m e mêmes

la n o i x

mufeade , & fervent aux

u f a g e s . L ' é c o r c e d u p r e m i e r a la faveur

l'odeur d u

clou d e g i r o f l e , q u e l e s Portugais;


D E S nomment

V O Y A G E S .

371

cravo ; c e qui a fait d o n n e r ,

par l e s

Français d e C a y e n n e , l e n o m d e c r a b e , au b o i s qui

porte

cette

q u e , fi l e s

écorce.

épiceries

L'Académicien

orientales

en

defirer d ' a u t r e s , c e l l e s - c i feraient en

Europe.

Cependant

obferve

taillaient

plus

à

connues

il a fu , d a n s le pays „

q u ' e l l e s palTaient e n Italie & e n A n g l e t e r r e , o ù e l l e s e n t r e n t d a n s la c o m p o l i t i o n d e d i v e r f e s l i ­ queurs

fortes.

L ' A m a z o n e d e v i e n t fi l a r g e , après a v o i r r e ç u l e X i n g U , q u e d'un b o r d o n

ne-pourrait

voir

l'autre , q u a n d l e s g r a n d e s I l l e s , q u i fe f u c c é d e n t e n t r ' e l l e s , p e r m e t t r a i e n t à la v u e d e s ' é t e n d r e ; I l eft fort r e m a r q u a b l e q u ' o n c o m m e n c e ici à n e p l u s v o i r ni m o u f t i q u e s , ni m a r i n g o i n s , ni d'au­ t r e s m o u c h e r o n s d e t o u t e e f p è c e , q u i font la p l u s grande fleuve.

incommodité Leurs

de

piquures

Américains mêmes

n'y

la n a v i g a t i o n

fur

ce

font fi c r u e l l e s , q u e

les

voyagent

un

p o i n t fans

p a v i l l o n d e t o i l e , p o u r fe m e t t r e à c o u v e r t p e n d a n t la

nuir. C'eft

f

J

ur

t r o u v e plus , car l

a

e

d'en être infecté. E n

r

ive

droite

bord oppofé

?

qu'il n e n e ceffe

e x a m i n a n t la

s en point

fituation

des

l i e u x , M . d e la C o n d a m i n e crut d e v o i r a t t r i b u e r c e t t e différence au c h a n g e m e n t d e d i r e c t i o n cours de vent -porter

du

la r i v i e r e . Elle t o u r n e au N o r d , & l e

d'Eft,

qui

V eft

prefque c o n t i n u e l ,

c e s i n f e c t e s fur la r i v e

Occidentale.

A a ijj

doit

Pérou.


372

H I S T O I R E

La Pérou.

G É N É R A L E

ForterefTe P o r t u g a i f e d e C u r u p a , o ù l e s

deux Voyageurs

arrivèrent

le 9 ,

fut b â t i e p a t

l e s H o l l a n d a i s lorfqu'ils é t a i e n t m a î t r e s d u Bréfil. E l l e eft p e u p l é e d e P o r t u g a i s , ricains q u e

leurs

efclaves.

fans a u t r e s A m é ­

L a fuuation

e n eft

a g r é a b l e , d a n s u n terrain é l e v é , fur l e Méridional

du

fleuve

, huit j o u r n é e s

bord

au-de(fus

d u .Para. D e p u i s c e t t e place ,011 l e flux & le reflux deviennent

très - f e n l i b l e s , l e s c a n o t s

ne

p l u s qu'à la faveur d e s m a r é e s . Q u e l q u e s au-deffous

du

même

l'Amazone , nommé

Fort ,

vont lieues

un p e t i t bras d e

Tajipura , le

détache

du

.grand canal q u i t o u r n e au N o r d , & p r e n a n t u n e r o u t e o p p o f é e v e r s l e S u d , il e m b r a l î e la g r a n d e Jfle d e J o a n e s o u M a r a j o , d é f i g u r é e d a n s t o u t e les Cartes. D e - l à

il r e v i e n t au N o r d

par l ' E u : ,

d é c r i v a n t u n d e m i - c e r c l e ; & b i e n t ô t il l e p e r d en quelque le

concours

f o r t e , dans u n e m e r , f o r m é e par d e plufieurs

r e n c o n t r e fucceffivement. font des deux

premièrement deux

g r a n d e s r i v i è r e s qu'il L e s plus

confidérables

R i o d e d o s Bocas , r i v i è r e

B o u c h e s , formée

d e la j o n c t i o n d e s

r i v i è r e s d e G u a n a p u & d e Pacajas , l a r g e

d e plus d e d e u x l i e u e s à f o n e m b o u c h u r e ,

&

q u e toutes les anciennes Cartes n o m m e n t , c o m m e L a c t , r i v i è r e d u P a r a , e n f é c o n d l i e u , la r i v i è r e d e s T o c a n t i n s , plus l a r g e

e n c o r e q u e la p r é c é ­

d e n t e , & qu'il faut p l u l i e u r s m o i s p o u r r e m o n t e r ,


D E S

V O Y A G E S .

373

defcendant c o m m e le T o p a y o s & le X l n g u , des m i n e s d a Bréfìl , d o n t fragmens

dans fon

elle

apporte

fable y enfin. la

M u j u , que l'Académicien

quelques

riviere

trouva large

cens quarante-neuf toifes, à

deux

de

de fept

lieues dans

l e s terres ,. & fur l a q u e l l e il r e n c o n t r a u n e f r é ­ gate Portugaife qui remontait à pleines

voiles.,

p o u r aller c h e r c h e r , q u e l q u e s l i e u e s plus haut

Â

d e s b o i s d e m e n u i f e r i e , rares & p r é c i e u x d a n s d'aurres

régions.

C'eft fur fituée

le b o r d Oriental

d u M u j u , qu'eft

la V i l l e d u P a r a , i m m é d i a t e m e n t

au-defTus

d e l ' e m b o u c h u r e du C a p i m , qui v i e n t d e r e c e v o i r une

autre

fuivant M.

riviere

a p p e ' l é e Guamn.

d e la C o n d a m i n e ,

Il

n'y

a ,

q u e la v u e d ' u n e

C a r t e , q u i puifle

d o n n e r u n e julte i d é e d e la

pofition

Ville,

de

cette

fur l e

concours

d'un

li grand n o m b r e d e r i v i è r e s . « Ses habitans f o n t » f o r t é l o i g n é s , d i t - i l , d e fe c r o i r e fur l e b o r d o>de l ' A m a z o n e , d o n t il e l i m i m e

vraifemblable

» qu'il n'y a pas u n e f e u l e g o u t t e q u i b a i g n e l e » , p i e d d e leurs m u r a i l l e s , à - p e u - p r è s » o n peur d i r e q u l c

e s

e a

comme

u x d e la L o i r e n'arrivenc

t». p o i n t à P a r i s , q u o i q u e c e t t e r i v i e r e c o m m u » n i q u e a v e c la S e i i

n e

par l é canal d e Briare. » O n .

n e l a i d e - p a s , dans l e l a n g a g e r e ç u , d e d i r e q u e l e Para e l i fur l ' e m b o u c h u r e O r i e n t a l e d e la r i v i e r e des

Amazones*

A. a

iij

Pérou.


374

H I S T O I R E

G É N É R A L E

L ' A c a d é m i c i e n fut c o n d u i t d e C u r u p a au Para ; PCÏOU.

fans erre c o n f u l t é fur la r o u t e , e n t r e d e s par d e s

canaux é t r o i t s , r e m p l i s d e

Mes,

détours qui

rraverfent d ' u n e r i v i è r e à l ' a u t r e , & par l e f q u e l s o n é v i t e le d a n g e r d e l e u r s e m b o u c h u r e s .

Tous

f e s foins fe r a p p o r t a n t à dreffer fa C a r t e - , il fut o b l i g é d e r e d o u b l e r fon a t t e n t i o n , p o u r n e pas p e r d r e l e fil d e fes r o u t e s d a n s c e d é d a l e t o r t u e u x d'Ifles & d e c a n a u x fans n o m b r e . Le

¡9

de Septembre , c'eft-à-dire,

quatre m o i ; arriva fes

après fon

heureufement

Portugais

départ à la

de

vue

près d e

Cuença ,

du

Pata ,

il que

n o m m e n t le g r a n d P a r a , c ' e f t - à -

d i r e , la -grande r i v i è r e d a n s la l a n g u e d u B r é h l . Il piir terre dans u n e h a b i t a t i o n d e la d é p e n d a n c e du

Collège

des

J é i u i t e s , o ù il fur r e t e n u huir

j o u r s par le S u p é r i e u r d e c e t O r d r e , p e n d a n t q u ' o n l u i prépatait u n l o g e m e n t dans la V i l l e , e n v e r t u des ordres

d e Sa M a j e f t é

t o u s fes G o u v e r n e u r s . maifon

fort

commode

Portugaife

adreiTés à

11 y 'trouva , le xj &

richement

, une

meublée ,

a v e c u n jardin d ' o ù l'on d é c o u v r a i t l ' h o r i z o n la m e r , & d a n s u n e

fituation

d e l î r é e p o u r la c o m m o d i t é

de

telle qu'il fes

de

l'avait

obfervations.

« N o u s c r û m e s , d i t - i l , e n arrivant au P a r a , *tlâ

fortie des bois

»rran(portés a grande

de l'Amazone , nous

en Europe.

Ville ,

Nous

des rues b i e n

à

voir

trouvâmes

une

alignées ,

des.


D E S

V O Y A G E S .

375

s» maifons r i a n t e s , la plupart r e b â t i e s d e p u i s t r e n t e 5 » ans e n p i e r r e s & e n m o i l o n , d e s E g l i f e s m a g n i ­ si fiques. L e c o m m e r c e d i r e c t d e s habitans

avec

» L i f b o n n e , d ' o ù il l e u r v i e n t t o u s l e s ans u n e DÌ flotte m a r c h a n d e , l e u r d o n n e la facilité d e fe « pourvoir d e toute «reçoivent

les

forte

de

marchandifes

commodités.

Us

de

en

l'Europe

* échange pour les denrées d u P a y s , qui f o n t , « o u t r e q u e l q u e or e n p o u d r e q u ' o n a p p o r t e d e « l ' i n t é r i e u r d e s terres, d u c ô t é d u Bréfil, l ' é c o r c e S Ì du b o i s

de

crabe ,

ou

de

clou ,

la

falfe-

« pareille , la v a n i l l e , l e fucre , l e café & fur-tout » l e cacao. » J a m a i s la l a t i t u d e d u Para n'avair é t é o b f e r v é e à t e r r e , & T o n alîura M . d e la C o n d a m i n e , à f o n a r r i v é e , qu'il était p r é c i f é m e n t fous la L i g n e É q u i n o x i a l e . Il t r o u v a , par d i v e r f e s o b f e r v a t i o n s , un d e g r é v i n g t - h u i t minutes d u Sud. A l'égard d e la l o n g i t u d e , u n e é c l i p f e d e L u n e , qu'il o b ferva, le premier d e N o v e m b r e

1741 , & deux

émerfions d u premier Satellite d e Jupiter , l u i firent

juger, p

a r

l e c a l c u l , la d i f f é r e n c e d u M é ­

r i d i e n d u Para à c e l u i d e P a r i s , d ' e n v i r o n

rrois

heures v i n g t - q u a t r e minutes à l'Occident. Il était néceffaire d e v o i r la v é r i t a b l e e m b o u ­ chure d e l'Amazone ce

fleuve , &

p

0 U

r

a c h e v e r la C a r t e d e

d e fuivre m ê m e fa r i v e SepteiiT

A a iv

Pérou,


376

H I S T O I R E

G E N É R A L E

t r i o n a l e jufqu'au C a p d u Pérou.

N o r d , o ù fe t e r m i n e

f o n c o u r s . C e t t e , raifon íulfifait p o u r d é r e r u ù n e r M.

de

la C o n d a m i n e

à

prendre

la

route

de

C a y é h n e , d'où il p o u v a i t paffer droir e n F r a n c e . A i n l î , n'ayant pas p t o f i t é , c o m m e M . M a l d o n a d o , d e la flotte P o r t u g a i f e , q u i partit p o u r L i f b o n n e , l e 3 d e D é c e m b r e , il l e vit r e t e n u au Para , jufq u ' à la fin d e l'année , m o i n s c e p e n d a n t par l e s v e n t s c o n t r a i r e s , qui r é g n e n t q u e par la difficulté rameurs.

faifon ,

d e former un équipage

La p e t i t e v é r o l e avait m i s e n

plupart d e s que

en c e t t e

de

fuite

la

A m é r i c a i n s . O n r e m a r q u e , au P a r a ,

cette maladie

eft e n c o r e

plus

iunefte

aux

h a b i t a o s d e s M i l l i o n s n o u v e l l e m e n t tirés d e s b o i s , &

qui

v o n t n u d s , qu'à c e u x q u i v i v e n t

depuis

l o n g - t e m p s parmi l e s P o r t u g a i s , & qui p o r t e n t d e s habits. L e s p r e m i e r s , e f p è c e s d ' a n i m a u x p h i b i e s , auffi fou v e n t d a n s l'eau q u e endurcis ont

depuis

p e u t - ê t r e la

l'enfance

fur

am­

terre,

aux injures d e l'air ,

p e a u plus c o m p a c t e q u e

celle

d e s autres h o m m e s , & M . d e la C o n d a m i n e eft p o r t é à c r o i r e q u e c e t t e f e u l e raifon p e u t r e n d r e p o u r e u x l ' é r u p t i o n plus difficile. D ' a i l l e u r s l ' h a ­ bitude

rocou,

où de

font d e fe frorter genipa, & d e d i v e r f e s ils

le

corps

de

huiles graííes

& é p a i f f e s , p e u t e n c o r e a u g m e n t e r la

difficulté.

C e t t e d e r n i è r e c o n j e c t u r e f e m b l e c o n f i r m é e par


D E S

V O Y A G E S .

377

u n e autre r e m a r q u e : c'eft q u e îes e f c l a v e s N è g r e s , tranfportés d ' A f r i q u e même

& q u i n e fonr pas dans l e

u f a g e , réiiftent m i e u x au m ê m e mal q u e

les Naturels du Pays. U n Sauvage

nouvellement

f o r t i d e s b o i s . , eft o r d i n a i r e m e n r u n h o m m e m o r r , lorfqu'ii eft attaqué d e c e t t e m a l a d i e -, c e p e n d a n t une n'en

heureufe ferait

expérience a

pas

de

même

fait c o n n a î t r e d e la p e t i t e

qu'il vérole

a r t i f i c i e l l e , fi cerre m é t h o d e était u n e fois é t a b l i e d a n s les

Millions ,

& la

raifon d e c e t t e

diffé­

r e n c e n'eft pas aifée à t r o u v e r . M . d e la C o n d a m i n e raconte q u e quinze o u fon

arrivée

voyant

tous

au

feize

ans

P a r a , un Millionnaire

les Américains

avant

Carme,

m o u r i r l'un

après

l ' a u t r e , & tenant d ' u n e G a z e t t e l e fecret d e l'i­ n o c u l a t i o n q u i faifait alors b e a u c o u p d e b r u i t e n Europe , jugea

qu'il

pouvait

rendre

au

moins

d o u t e u f e u n e m o r t , q u i n'était q u e t r o p c e r t a i n e a v e c les remèdes

o r d i n a i r e s . U n r a i f o n n e m e n t fi

( i m p i e avait d û fe préfenter à t o u s c e u x q u i e n ­ t e n d a i e n t parler d e la n o u v e l l e o p é r a r i o n ; m a i s ce Religieux

f

ut

]

e

p r e m i e r en

Amérique

qui

eut l e c o u r a g e d e la t e n t e r . Il fit inférer la p e t i t e v é r o l e à t o u s l e s habirans d e la M i l l i o n q u i n'en a v a i e n t pas e n c o r e été a t t a q u é s , & d e c e m o m e n t i l n'en

p e r d i t plus BS féal

naire de

Un

Rio-négro fuivit.f

o n

autre

Million­

e x e m p l e avec l e

m ê m e fuccès. A p r è s d e u x e x p é r i e n c e s fi « u t h e u -

Pérou.


378

H I S T Q I R E

G É N É R A L E

t i q u e s , o n s'imaginerait Pérou.

q u e , d a n s la c o n t a g i o u

q u i retenait M . d e la C o n d a m i n e au P a t a , t o u ? ceux à

qui avaient d e s efclaves ,

la m ê m e

croirait

recette pour les

lui - m ê m e , d i t - il ,

eutent

recours

conferver.

s'il n'avait

Il

le

été t é ­

m o i n d u c o n t r a i r e . O n n'y p e n f a i t p o i n t e n c o r e , lorfqu'il

partit d u Para.

11 s ' e m b a r q u a , le 29 D é c e m b r e , dans u n c a n o t d u Général a v e c u n é q u i p a g e d e 22 r a m e u r s

&

m u n i d e r e c o m m a n d a t i o n s pour l e s M i f f i o n n a i r e s Francifcains devaient

de

lui fournir

continuer

fa

4in

bot»

Pilote

PP.

'1744 ,

rifle J o a n e s

un nouvel

route ; mais dans

il a b o r d a l e

o u Marajo , équipage

n'ayant

qui pour

pu

ttouver

Villages

d e ces

premier jour d e

Janvier

quatre

& livré à l ' i n e x p é r i e n c e d e f e s A m é r i ­

c a i n s & à la t i m i d i t é d u M a m e l u s (a)

qu'on lui

a v a i t d o n n é p o u r l e s c o m m a n d e r , il m i t d e u x m o i s à faire

u n e route qui n e demandait pas

q u i n z e jours. Q u e l q u e s l i e u e s au-deiTous d u P a r a , il traverfa la b o u c h e oriertrale d e l ' A m a z o n e o u l e bras d u P a r a , féparé d e la v é r i t a b l e e m b o u c h u r e , q u i eft la b o u c h e o c c i d e n t a l e par la g r a n d e Ifle d e J o a -

( a ) Habitant d'une Peuplade indépendante, établie » Saint P a u l ,

air Brélil. On en .parlera, dans la fuite.


D E S

V O Y A G E S .

379

« e s , plus c o m m u n au Para fous l e n o m d e Ma­ rajo. C e t t e

Ifle

o c c u p e f e u l e p r e f q u e t o u t l'ef-

p a c e q u i fépare l e s d e u x e m b o u c h u r e s d u

fleuve.

E l l e a , dans u n e figure i r r é g u l i e r e , plus d e i ç o l i e u e s d e t o u r . T o u t e s l e s C a r t e s l u i fubftituent u n e m u l t i t u d e d e p e t i t e s Ifles. L e bras d u P a r a , c i n q o u fix l i e u e s au-delTous d e la V i l l e , a d é j à plus d e trois lieues d e large & c o n t i n u e d e s'é­ l a r g i r . M . d e la C o n d a m i n e c ô t o y a l ' I l l e , d u S u d a u N o r d , p e n d a n t t r e n t e l i e u e s , jufqu'à fa d e r ­ n i è r e p o i n t e , q u i f e n o m m e Magnan,

très-dan-

g e r e u f e , m ê m e aux canots', par fes é c u e i l s . A u - d e ­ là d e c e t t e p o i n t e , i l prit à l ' O u e f t , e n f u i v a n t t o u j o u r s la c ô t é d e l'Ille q u i c o u r t plus d e q u a r rante l i e u e s ,

fans p t e f q u e

s'écatter d e la l i g n e

E q u i n o x i a l e . Il e u t la v u e d e d e u x g r a n d e s Ifles q u ' i l lailla au N o r d ,

Se l'autre Caviana,

l'une a p p e l l é e

Machiana,

aujourd'hui déferres, ancien­

n e m e n t h a b i t é e s par la N a t i o n d e s A r o u a s , q u i bien q u e difperfée

a u j o u r d ' h u i , a c o n f e r v é fit

l a n g u e p a r t i c u l i è r e . L e terrain d e c e s I f l e s , c o m m e c e l u i d'une g r a n d e partie d e c e l l e d e M a r a j o , eft e n t i è r e m e n t n o y é , & p r e f q u e i n h a b i t a b l e . E n quittant

la c ô t e J

e l l e fe r e p l i e v e r s l

M a r a j o , dans

e

e

l'endroit o â

S u d , l'Académicien

d a n s l e vrai l i t , où. l

e

c a i i a

l

retomba

principal d e l ' A m a ­

z o n e , vis-a-vis d u n o u v e a u F o r t d e M a c a p a ,

fitué

Pérou.


380

H I S T O I R E

G É N É R A L E

fur le b o r d o r i e n t a l du fleuve , & transféré par l e * Pérou,

Portugais d e u x lieues ferait le

impoiTible,

fleuve

au N o r d d e

l'ancien.

e n cet e n d r o i t , d e

Il

traverfer

d a n s d e s c a n o t s o r d i n a i r e s , fi le canal

n'était rétréci par d e p e t i t e s I f l e s ,

à l'abri

def-

q u e i l e s o n n a v i g u e a v e c plus d e sûreté , en p r e ­ nant

fon

temps pour

palier d e l'une à l'autre.

D e la d e r n i è r e à Macapa , il refte e n c o r e de

deux

lieues.

C e fut dans c e

q u e M . d e la C o n d a m i n e la

dernière

fervation

fois

la

ligne

plus

dernier

trajet

repafia enfin & Equinoxiale.

d e la l a t i t u d e , au n o u v e a u

pont L'ob-

Fort

de

M a c a p a , lui d o n n a f e u l e m e n t trois m i n u t e s v e r s le

Nord. L e fol d e M a c a p a eft é l e v é d e d e u x o u .trois

t o i f e s a u - d e i l u s d u n i v e a u d e l'eau. I l n'y a q u e Je Le

bord

du

fleuve

, qui foît

couvert

d e d a n s d e s terres eft un P a y s

d'arbres.

u n i , le

pre­

m i e r q u ' o n r e n c o n t r e d e c e t t e n a t u r e , d e p u i s la C o r d e l i è r e d e Q u i t o . L e s habitans aflurent continue Se

d e m ê m e e n a v a n ç a n t vers l e

que delà

on

p e u t aller à c h e v a l

qu'il

Nord,

jufqu'aux

f o u r c e s d e l ' O y a p o c , par d e g r a n d e s plaines d é ­ c o u v e r t e s . D u P a y s voifin d e s f o u r c e s d e l ' O y a ­ poc ,

on

voir

l'Aprouague diftinc.em.ent

,

au qui

en

mer

Nord

les

montagnes

s'apperçoivent , de

plufieurs

auffi lieues

de fort au


D E S Nord

V O Y A G E S .

d e la c ô t e -, à

plus

381

forte

raifon

fe

d o i v e n t - e l l e s d é c o u v r i r d e s hauteurs v o i l i n e s d e Cayenne. E n t r e M a c a p a & l e c a p d u N o r d , d a n s l'en­ droit o ù le grand reflerré

canal d u

fleuve

par l e s I f l e s , f u r - r o u t

grande bouche

efl le plus

v i s - à - v i s d e la

d e l'Araouari,

qui entre

dans

l ' A m a z o n e d u c ô t é d u N o r d , l e flux d e la m e t offre u n p h é n o m è n e f m g u l i e r . P e n d a n t trois jours l e s plus voifins d e s p l e i n e s & d e s n o u v e l l e s L u ­ nes,

t e m p s d e s plus h a u t e s m a r é e s , la m e r au

lieu

d'employer

près d e fix h e u r e s à m o n t e r ,

p a r v i e n t e n u n e o u d e u x m i n u t e s à fa plus g r a n d e h a u t e u r . O n e n t e n d d'abord d'une o u d e d e u x l i e u e s d e d i f t m e e , u n bruit pororoca,

effrayant

q u i a n n o n c e la

c'eft l e n o m q u e l e s A m é r i c a i n s d o n n e n t

à c e terrible

flot.

A m e f u r e qu'il

approche, le

bruit a u g m e n t e & b i e n t ô t o n a p p e r ç o i t u n p r o ­ m o n t o i r e d'eau d e d o u z e à q u i n z e p i e d s d e teur ,

p u

is

u

n

hau­

a u t r e , puis u n t r o i f i e m e , & quel-;

q u e f o i s u n q u a t r i è m e , q u i f e fuivent

d e près,

Se q u i o c c u p e n t t o u t e la l a r g e u r d u canal. C e t t e l a m e a v a n c e a v e c u n rapidité p r o d i g i e u f e , brife Se rafe e n c o û t a n t t o u t c e q u i l u i réfifte. M . d e la C o n d a m i n e

v i t , en quelques

g r a n d terrain e m p o r t é par la g r o s arbres d é r a c i n é s , & d

e

s

endroits,

un

pororoca, d e trèsr a v a

g

e s

d e t^oute

Pérou.


Pérou.

382

H I S T O I R E

efpèce.

Le

rivage

G É N É R A L E

par-tout

elle pafle,

efl

auffi n e t , q u e s'il avait été f o i g n e u i e m e n t b a l a y é . L e s c a n o t s , l e s p i r o g u e s , l e s b a r q u e s m ê m e s 116 fe garantiiTent d e la fureur d e c e t t e b a r r e , q u ' e n m o u i l l a n t d a n s q u e l q u e e n d r o i t o ù il y ait b e a u * c o u p d e f o n d . L ' A c a d é m i c i e n fe c o n t e n t a n t d'in­ d i q u e r l e s caufes du f a i t , a r e m a r q u é d a n s fleurs

autres l i e u x ,

d i t - i l , où

plu-

il a e x a m i n é

les

circonftances d e c e p h é n o m è n e , « Q u e cela nar«rive

que

lorfque

le

flot

montant

«odans u n

canal é t r o i t , r e n c o n t r e e n

» m i n un

banc de fable o u

un

&

engagé fon

che-

haut fond

qui

» l u i fait o b l f a c l e , q u e c'eft l à , & n o n »que

commence

le m o u v e m e n t

ailleurs,

impétueux

» i r r é g u l i e r d e s e a u x , Se qu'il ceffe u n «delà

peu

d u b a n c , q u a n d l e canal r e d e v i e n t

& au

pro-

" » f o n d , o u s'élargit c o n f i d é r à b l e m e n r . » Il a j o u t e •qu'il a r r i v e q u e l q u e c h o f e d e f e m b l a b l e a u x I f l c s O r c a d e s , 8e à l'entrée d e la G a r o n n e , o ù

l'on

<lonne

des

le

nom

de

ma/caret

à

cet

effet

marées. Les

Américains

rie p o u v o i r

,

& leur C h e f ,

e n cinq jours

'qu'aux

grandes

marées

'Nord ,

q u i n'était

delà duquel on peut

yororoca

t

,

qui

arriver

craignant reliaient au

de juf-

Cap

du

&

au-

qu'à q u i n z e l i e u e s ,

t r o u v e r un abri courre la

r e t i n r e n t M . d e la C o n d a m i n e

dans


D E S

V O Y A G E S .

f i n e Ifle d é f e r t e , mettre

le

o ù il n e t r o u v a

383

pas d e q u o i

p i e d à fec , & o ù , m a l g r é

p r é f e n t a t i o n s , il fut r e t e n u

fes

Pérou*

re-

n e u f jours e n t i e r s ,

p o u r a t t e n d r e q u e là p l e i n e L ù i i e fut b i e n p a l l i e . De-là

il Ce r e n d i t a u C a p d u N o r d , e n m o i n s

d e d e u x j o u r s ; mais le l e n d e m a i n , jour d u d e r ­ n i e r quartier

&

des

plus p e t i t e s m a r é e s , f o n

c a n o t é c h o u a fur u n b a n c d e vafe ; & e n baillant ,

s'en

flux

Enfin

n e parvint point

jufqu'au canot.'

pafla fept j o u r s dans c e t t e

fituation,

p e n d a n t lefquels fes r a m e u r s , d o n t avait

mer,

retira fort l o i n . L e j o u r f u i -

vant , le il

la

la f o n c t i o n

celle, n'eurent d'autre o c c u p a t i o n q u e d'aller

c h e r c h e r fort l o i n d e fonçant

l'eau

faumâtre, en

s'en-

dans la vafe jufqu'à la c e i n t u r e . E n f i n ,

aux grandes marées d e l à nouvelle L u n e fuivante, 'là barre

même

le remit à

flot,

mais

avec

un

n o u v e a u d a n g e r - , car e l l e e n l e v a l e c a n o t , & l e fit

l a b o u r e r dans

dité que

la

vafe

l'Académicien

avec

n'en

plus d e

rapi­

avait é p r o u v é a u

Pongo. Après

deux

m o i s d'une navigation

par

mer

'Se par t e r r e , c o m m e M . d e la C o n d a m i n e croie p o u v o i r la n o m m e r

fans e x a g é r a t i o n

,

q u e la C o t e

pj

Q,p

Nord

&

gouvernail

eft

l

a

ne

fi

a t e

Cote

d

ceflait

p

^

e

n

t

r

e

Cayenne

e

a s

de

-\

e

>

fillonner

(parce

que dans

<j

e

} e

la


384

H I S T O I R E

vafe ) , Pérou.

il t o u c h a , l e

G É N É R A L E

16

d e F é v r i e r , au rivage;

de Cayenne. M . d e la C o n d a m i n e e u t la çuriofité à Cayenne,

file

d'effayer,'

v e n i n d e s flèches e m p o i f o n n é e s ,

qu'il gardait d e p u i s plus d'un an , c o n f e r v a i t c o r e i o n a c t i v i t é , & fi l e l u c r e était u n poifon

auffi. efficace

en­

contre-

q u ' o n l'en avair allure. C e s

d e u x e x p é r i e n c e s f u r e n t faites f o u s l e s y e u x M.

d'Orvilliers,

de

plufieurs

Commandant

Officiers

de

de

la

la C o l o n i e

Garnifon , &

Médecin du Roi. U n e poule légèrement par u n e p e t i t e

fleclie,

mois,

A

du

bleffée

d o n t la p o i n t e était

d u i t e du venin d e p u i s treize

de

&

en­

qui

lui

fut fournée a v e c u n e farbacane , v é c u t u n d e m i quart avec

d'heure. U n e une

des

t r e m p é e d«ns &

retirée

s'aiToupir

autre,

mêmes

flèches

le v e n i n

minute

quée

fucre ,

a v e c la

,

d a n s l'aile

nouvellement avec

d e la

après.

fuivirent bientôt , & , alors d u

délayé

fur-le-champ une

piquée

de

plaie ,

Les

l'eau, parut

cotivuliions

q u o i q u ' o n lui fit avaler

elle expira. U n e troifieme

même

flèche

retrempée

pi­

dans

le

p o i f o n , ayant été f e c o u r u e à l ' i n f t a n t a v e c le m ê m e r e m è d e , n e d o n n a a u c u n figne d ' i n c o m m o d i t é . C e p o i f o n eft u n extrait tiré par l e f e u , d e s fucs d e diverfes

plantes,

particulièrement

lianes. O n avait afluré l ' A c a d é m i c i e n

de

certaines

qu'il

entre plus


D E S

385

V O Y A G E S

plus d e

trente fortes d ' h e t b e s , dans celui des

Tiatnas

, q..,i efl: le

Nations

des

rives

plus

célèbre

entre

les

d e l'Amazone , & ce

celui d o n t il fie l'épreuve. Il e(t allez

fu

furpre-

hant , dit - il , que, parmi des Peuples qui o n t fans celle un infiniment fi sûr & fi p r o m p r , pour &

fatisfaire

leurs

leurs

haines

,

leurs

jaloulies

v e n g e a n c e s , un poifon d e cette

tilité n e foit funefle

qu'aux linges &

fub-

aux

oi-

féaux. L'Académicien , retenu

à Cayenne

pat. di­

vers obftacles , en partit , après un

réjour

fix

fournit l e

mots , dans un canot , q u e

C o m m a n d a n t , & fe r e n d i t était

invité

par

lui

à

de

Surinam où il

M. Mauricius

, Gouverneur

d e cette C o l o n i e Hollandaise, Il fit heureufe-; m e n t le trajet en foixante & quelques h e u r e s . Le

z7 d ' A o û t ,

il

entra

dans la

rivière

de

S u r i n a m , qu'il remonta l'efpace d e cinq l i e u e s , jufqu'à

Paramaribo , Capitale

de

la

Colonie.

Son obfervation d e la latitude d e cette Place , lui

donna

nutes du fion

cinq

degrés

N o r d . H ne

pour

reparler

q u a r a n t e - neuf

cherchait

qu'une

en E u r o p e . L e

plus p r o m p t à partir fut

mi­ occa-

navire

le

le meilleur pour lui.

Il s ' e m b a r q u a , le j d e S e p t e m b r e , fur u u e flûte Hollandaife que

de

quatorze canons ,

q u i n'avait

d o u z e h o m m e s d'équipage. Il courut

Tome

XIL

B b

un

Pérou,


386

H I S T O I R E

grand

Ttrou.

danger

à

GENERALE, Sa

l'atterrage ,

fur les C ô t e s

de*

H o l l a n d e . Enfin il e n t r a , l e 30 d e N o v e m b r e , dans

le

Février abltnce

Port 1745,

d'Amfterdam

j &

il fe r e v i t à

d'environ

dix

,

le

P a r i s , après

ans.

Fï/t du Livre

23

quatrième}

de une»


ABRÉGÉ D

L'HISTOIRE

E

GENERALE

DES

VOYAGES.

AMERIQUE. L I V R E

V.

Suite de l'Amérique Méridionale. Tierra-* Firme. Rio de la Plata. Guyane, Hijloire Naturelle.

C H A P I T R E

P R E M I E R ;

Tierr*-Firme.

IMPATIENS

d e fuivre l

a

marche

quérans du Nouveau - Monde , nous B b

des C o t > « ne nous iï

T i c r r a

" Firme.


388

H I S T O I R E

G É N É R A L E

f o m m e s arrêtés fur l e s détails defcriptifs q u ' a p r è s TierraTinne.

la

révolution

nous

du

Mexique

les Provinces

du

,

laiffant

Continent

derrière

dont

nous

a v o n s v u la p r e m i è r e d é c o u v e r t e & l e s p r e m i e r s Etabliffemens. Efpagbffls du

fur

Nord

ce

qui

Maintenant la

au

mérite

q u e les progrès d e s

mer du Sud nous

Midi , d'être

nous

ramènent

reviendrons

remarqué

iur

dans ces pre­

m i è r e s p a r t i e s d u C o n t i n e n t o ù ils a b o r d è r e n t , & n o s r e g a r d s fe p o r t e r o n t d ' a b o r d v e r s la P r o ­

vince

d e Tierra- Firme ,

l'Ifthme

de

Darien

q u i s'étend

jufqu'à

depuis

Popayan.

O n fait q u e l'Ifthme d e P a n a m a fépare l e Cotvi líthme de rinent d e l ' A m é r i q u e e n d e u x parries , l ' u n e Panamá. S e p t e n t r i o n a l e , l'autre M é r i d i o n a l e . E n t r e l e s rivières d e C h â g r e

Se

celle

de

Pito ,

il

n'a

g u e r e s q u e quatorze lieues vers les d e u x extré­ m i t é s , -c'eft-à-dire , daus

le

pays d e

vers

Choco

Véraguaz

à

l'Orient

&

à l ' O c c i d e n t . Il eft

t r a v e r r é par la l o n g u e c h a î n e d e s A n d e s q u i j o i n t les

deux Amériques. La plus g r a n d e partie d e c e t t e C o n t r é e eft u n e

terre poire très-fertile , arrofée

pat d e s r i v i è r e s

q u i t o m b e n t d a n s l e G o l f e , 8c q u i r e n d e n t l e r i ­ v a g e fi m a r é c a g e u x , qu'il e f t i m p o f f i b l e d'y v o y a ­ ger.

A l'Oueft

de

la r i v i è r e d e

Chéapo

,

le

terrain d e v i e n t plus m o n t a g n e u x Se plus fec. O n y

t r o u v e d'agréables

vallées

jufqu'au - delà

de


D E S ïa

V O Y A G E S .

rivière, où

389

l'on n e r e n c o n r r e plus q u e

des cil

Tierra-

f e c , mais c o u v e r t d ' h e r b e s , p l e i n d e c o l l i n e s e n ­

Firme..

b o i s . Là c o m m e n c e l e p a y s d e s S a v a n e s , q u i

t r e m ê l é e s d e b o t s , & f e r t i l e s Jufqu'à leurs

f im­

m e r s , q u i font c o u v e r t s d e b e a u x arbres fruitiers. Les montagnes font

plus

d'où

itériles

tombe

&

m

la

Rivière

produifent

d'Or . }

que

des

a r b r i f l e a u x . En g é n é r a l , l e s l i e u x fecs d e l ' î f t h m e n ' o n t pas les

mêmes

arbres

m i d e s : les premiers font gros

les lieux

hu­

& p r e f q u e fans b r a n c h e s -, au l i e u q u e l e s

autres feaux

que

grands , e x t r ê m e m e n t

font ,

moins

tels

des

arbres

que des manglcs ,

que

des

arbrif­

des ronces

&•

des bambous. L e s faifons d a n s l ' i i t h m e , c o m m e dans l e s a u ­ t r e s p a r t i e s d e la Z o n e

t o r r i d e , à la m ê m e lati­

t u d e , a p p r o c h e n t plus d e l'humidité q u e d e

la

féchereile.

en

Le temps des pluies y c o m m e n c e

Avril ou en Mai. Elles Juillet,

&

leur

continuent

grande

violence

en

Juin

efl; au

9c mois

d ' A o û t . La c h a l e u r efl e x t r ê m e , n a r - t o u t o ù l e S o l e i l p e r c e l e s n u e s , & l'air d'autant p l u s étouf­ fant , qu'il n'y

a

p o i n t d e vents p o u r l e rafraî­

chir. Les pluies c o m m e n c e n t à d i m i n u e r dans le cours de Septembre ; jufqu'au m o i s d e

m

a

;

s

fouvent

elles durent

J a n v i e r . Ainlî , l'on

peut

dire

«qu'il p l e u t d a n s l'Iflhme p e n d a n t l e s t r o i s quarts B. b

iij


390 de

H I S T O I R E l'année.

Ticrra-

fulfureufe,

Fîrtnc.

les

L'air y qui fe

orages ,

on

froyable formé

infinité

fifflement

une

odeur

d a n s les b o i s .

toujours un

croaffement

des

Après

bruit

ef­

grenouilles

du bourdonnement des

mou­

d e s i e r p e n s , & d e s cris d ' u n e infectes.

quelquefois

fi

inonde

transformée

eft

quelquefois

répand

du

d'aurres

a

entend

& des crapauds, ches , du

G É N É R A L E

groffe ,

La

pluie

qu'une

même

plaine

tout-d'un-coup

eft

qu'elle en

lac.

Il n'eft pas rare d e v o i r d e s o r a g e s q u i d é r a c i n e n t l e s arbres & q u i l e s e n t r a î n e n t j u f q u e s d a n s l e s rivières. L a V i l l e la p l u s c é l è b r e d u G o l f e , eft Carthagcne.

gène

j

fituée

à dix

degrés v i n g t - c i n q

quarante-huit fécondes; à

minutes

Oueft un

de

d e u x cens q u a t r e - v i n g t

huit

du

trente-fix

Méridien

degrés

dix-neuf

de

minutes

latitude du

Nord,

trois d e g r é s

vingt-

fécondes de Paris , &

minutes

longitude

a trois

trente -

c o n d e s d u P i c d e Tenerife. T e l l e la c o n d u f i o n

Cartha-

cens

fix

fé­

eft d u

moins

des Mathématiciens , qu'on

prend

i c i p o u r g u i d e s , d'après les o b f e r v a t i o n s qu'ils o n t p u b l i é e s . C e t t e d é t e r m i n a t i o n fi précife , p r o u v e q u ' e n a v a n ç a n t dans n o t r e r o u t e , n o u s r e n c o n t r o n s les progrès des connaillances. U n L e c t e u r , c u r i e u x d ' o r i g i n e s , fe rappellera» fans d o u t e

q u e la Baie d e C a r t h a g è n e 8c l e

Pays


DES

V O Y A G E S . Calamarl > furent

' anciennement nommé verts en

391 décou­ Tierra-

1 5 0 1 , par R o d r i g u e d e Baftidas. D e u x

Firme.

ans a p r è s , l e s E f p a g n o l s ayant e n t r e p r i s d e s'y éta­ blir , t r o u v è r e n t u n e rélîltance à l a q u e l l e

ils n e

s'étaient pas a t t e n d u s . L e s habitans étaient e x t r ê ­ m e m e n t b e l l i q u e u x : l e u r s a r m e s é t a i e n t d e s fier c h e s c m p o i f o n n é e s , d o n t l e s plus l é g è r e s blerTures é t a i e n t m o r t e l l e s . A l p h o n f e d ' O j é d a , q u i v i n t e n l u i t e d a n s l e p a y s avec, la C o f a A m é r i c V e f p u c e , n'y I l fut

Se le

célèbre

o b t i n t pas plus d e f u c c è s .

r e m p l a c é par G r é g o i r e

Hemandez

d'O-,

v i é d o . Enfin l e s N a t u r e l s d u pays furent d o m p t é s par H é r é d i a , q u i établit £c p e u p l a la V i l l e d e C a t ; thagène en

1517.

L e s a v a n t a g e s d e fa rendue

fiorillànte,

fituation

l'ayant

bientôt

e l l e fut e x p o f é e , d è s l'an 1 5 4 4 »

à l'invafion d e q u e l q u e s a v e n t u r i e r s F r a n ç a i s ,

&,

q u a r a n t e ans a p r è s , à c e l l e d e F r a n ç o i s D r a k , Anr g l a i s , q u i la réduilît e n c e n d r e -, réparée & d e p u i s e x p o f é e à d e n o u v e l l e s d i f g r a c e s , p i l l é e par

les

Français

les

e n 1597

Anglais eu

, & attaquée

1741,

e l l e était

envain

par

au plus haut

point

d e f p l e n d e u r q u e l q u e t e m p s avant cette d e r n i è r e époque ,

lorfque D o n A n t o i n e

vifiter. R i e n n'eft

p

l

u

s

d'Ulloa vint

la

a d m i r a b l e q u e ("a v u e -, d u

c ô t é d e la c a m p a g n e & d e la c ô t e , e l l e n'a r i e n q u i la b o r n e . . La V i l l e & f n 0

Fauxbourg, B b

iv

quQ


392

H I S T O I R E

d'autres n o m m e n t la Tierra-

G É N É R A L E

lajfe- Ville, f o n t fortifies r é ­

gulièrement.

yirme.

T o u s l e s V o y a g e u r s c o n v i e n n e n t , qu'après M e ­ x i c o , C a r r h a g è n e efl: la p l u s b e l l e V i l l e d e l ' A m é ­ r i q u e . E l l e efl: c o m p o f é e

d e cinq

grandes

rues,

d r o i r e s & b i e n p a v é e s , d o n t c h a c u n e a p l u s d'un d e m i - m i l l e d e l o n g : l e s m a i f o n s font d e & fort b i e n

bâties ; toutes avec

pierres

des balcons

d e s j a l o u f i e s d e b o i s , m a t i è r e plus d u r a b l e

&

pour

c e s o u v r a g e s , q u e l e f e r , q u i ferait b i e n t ô t r o u i l l é & d é t r u i t par l ' h u m i d i t é & par d e s v e n t s n i t r e u x d o n t l e s m u r a i l l e s m ê m e s fe r e f î e n t e n t . U n e r u e p l u s l o n g u e & plus l a r g e q u e t o u t e s l e s a u t r e s , traverfe

la V i l l e

entière , & forme

une

grande

P l a c e a u c e n t r e . La C a t h é d r a l e s'élève au - d c l l ù s de

t o u s l e s autres édifices , & n e r e n f e r m e

pas

m o i n s d e r i c h e f l e s d a n s f o n fein , q u ' e l l e étale d e m a g n i f i c e n c e a u - d e h o r s . L e s édifices f o n t g é n é r a ­ l e m e n t d ' u n e b e a u t é e x t r a o r d i n a i r e . O n fait "monter l e n o m b r e d e fes habitans à v i n g t - q u a t r e

mille,

d o n t plus d e q u a t r e m i l l e f o n t E f p a g n o i s & l e r e f l e d e race A m é r i c a i n e , o u N è g r e s & M u l â t r e s -, la p l u p a r t fi a i f é s , qu'ils pafleraient p o u r r i c h e s d a n s t o u t e autre contrée du m o n d e . L e G o u v e r n e u r fait fa r é f i d e n c e o r d i n a i r e d a n s la V i l l e . Il était i n d é p e n d a n t , p o u r l e m i l i t a i r e -avant 1 7 3 ?

.

j m a i s , d e p u i s l ' é l e c t i o n d'un Officier


D E S

V O Y A G E S .

Vice-Roi

f u p r é m e , fous le n o m d e

393

d e la

Nou­

v e l l e - G r e n a d e , il e n r e l è v e d a n s les affaires

de

cette n a t u r e , c o m m e on peut appeller, pour

les

TierraFirme,

affaires c i v i l e s , à l ' A u d i e n c e d e Sanca-Fé. La J u r i f d i c t i o n fpirituelle d e l ' E v ê q u e s'étend auiîi l o i n que

le

Gouvernement

militaire

&

civil.

Elle

f o r m e u n T r i b u n a l , c o m p o f é d u Prélat & d e f o n C h a p i t r e , m a i s q u i n'a rien d e celui d e l'Inquiiirion , d o n t

commun

la J u r i f i i é t i o n

avec ren­

f e r m e Tifie E f p a g n o l e , o ù il fur d ' a b o r d é t a b l i , Tierra-Firme

& Santa-Fé. O u t r e c e s T r i b u n a u x ,

Ç a r t h a g è r i e a (a M a g i f t r a r u r e f é c u l i e r e , c o m p o f é d e Régidors , deux

p a r m i l e f q u e l s o n élit

tous

les ans

A l c a d e s ; c e s d e u x e m p l o i s font o r d i n a i r e ­

m e n t r e m p l i s par d e s habitans d e la p r e m i è r e diftinction.

La C h a m b r e

d u T r é f o r eft

également

c h a r g é e d e la p e r c e p t i o n & d e la d i f t r i b u t i o n d e t o u s l e s d e n i e r s R o y a u x . Enfin C a r t h a g è u e n'étant pas m o i n s u n e P l a c e d e g u e r r e q u e d e c o m m e r c e , elle a f o

n

A u d i t e u r m i l i t a i r e , q u i eft le C h e f d ' u n e

cfpèce d e j u r i f d i c r i o n . C'eft galions

dans

l

Baie d e

a

arrivent , p o u r y

dille du Pérou A u premier

f

e

f; 0

c

avis q u ' ^

n e n t la r o u t e d e

Carthagène attendre que

rendue e i l

r e

que

les

l'Arma-

devant Panama.

ç i v e n t , ils p r e n ­ 0

P o r t o - B e l l o , o ù fe t i e n t

une

f o i r e , après l a q u e l l e ils r e v i e n n e n t f a i r e , dans la B a i e , les proviiîons neceflaires à leur r e c o u r , &


394

H I S T O I R E

G É N É R A L E

b i e n t ô t ils fe h â t e n t d e r e m e t t r e a la v o i l e . D a n s Tierraïirme.

l e u r a b f e n c e , la B a i e eft e x r r ê m e m e n t

bclandres

A peine y voit-on quelques ques du

pays,

qui

déferte. ou f e l o u ­

n e s'y a r t ê t e n t q u e p o u r l e

carénage o u le raboub. Carthagène tendent

érant la p r e m i è r e

échelle o ù

fe

les g a l i o n s , o n d o i t fe faire u n e h a u t e

i d é e d u c o m m e r c e d ' u n e V i l l e , q u i r e ç o i t l e s pré-, mices

de

tout

ce

qui

palïe

d'Efpagne

l ' A m é r i q u e M é r i d i o n a l e , E n effet ,

les

dans

ventes,

q u o i q u e dépouillées des formalités qui s'obfcrvent à

P o r t o - B e l l o , y font o r d i n a i r e m e n t

fort c o n f i -

dérables. Les N é g o c i a n s des Provinces intérieures Méridionales , telles &

Quito , y apportent

que

Santa - F é ,

leurs

c e u x q u ' o n leur a confiés p o u r à-dire , pour employés

en

Yencorniada

}

des commiffions. marchandifes

Popayan

p r o p r e s f o n d s , 8c c'efl-

Ces

fonds font

en

provifions.

&

Santa-Fé & P o p a y a n n e p o u v a n t r e c e v o i r l e s u n e s &

les

autres q u e

par

la v o i e d e C a r t h a g è n e

leurs marchands v i e n n e n t

,

dans cette V i l l e a v e c

d e l'argent 8c d e l'or , m o n n o y é s , e n l i n g o t s & en

poudre,

ils a p p o r t e n t

autii d e s c m e r a u d e s ,

q u i font l e s p i e r r e r i e s les plus e f t i m é e s d a n s c e s régions , à

&

d o n t il fe t r o u v e d e r i c h e s m i n e s

Santa-Fé. Cependant , depuis

raudes

ont

beaucoup

E u r o p e , fur - t o u t

en

perdu

que

de

Efpagne

,

les

éme-

leur

prix

elles

en


D E S ront

prefque

V O Y A G E S .

plus r e c h e r c h é e s , c e

395

commerce,

q u i était a u t r e f o i s c o n f i d é r a b l e , efl: e x t r ê m e m e n t

Firme.

déchu. Pendant

le temps

q u e les galions

partent à

C a r t h a g è n e , & q u e D o n d ' U l l o a n o m m e la p e t i t e f o i r e , on y voit quantité d e boutiques o u v e r t e s , {bit au profit d e s E f p a g n o l s arrivés fur l e s g a l i o n s , foit

à celui

d e s marchands

C a r g a d o r e s favorifent

de

la V i l l e .

Les

les uns & les autres, e u

leur fourniflant d e s m a r c h a n d i f e s à m e f u r e q u ' e l l e s fe vendent. Dans cet intervalle , tout le m o n d e gagne. Les uns donnent à louage d e s chambres & d e s b o u t i q u e s , l e s autres t i r e n t u n prix a v a n ­ t a g e u x des ouvrages d e leur profeflïon. Ceux q u i o n t d e s e f c l a v e s , profitent d e l e u r t r a v a i l , d o n t l e falaire a u g m e n t e à p r o p o r t i o n d u b e f o i n q u ' o n a

d ' e u x . L'argent

c i r c u l e d e t o u t e s parts. Il e n

refte à q u a n t i t é d ' e f c l a v e s p s u r a r h e t c r

leur l i ­

b e r t é , après a v o i r p a y é à l e u r s m a î t r e s c e q u ' i l s doivent pour l'occupation journalière. C e s avan­ t a g e s s'étendent j u f q u aux p l u s d e la d é p e n d a n c e prix

Tierra-

raiférables

de- Carthagène,

d e s denrées , q u i a u g m e n t e

villages

par l e feui naturellement

a v e c la c o n f o r m a t i o n . Mais ce m o u v e m e n t n e dure q u e pendant le féjour d e s g a l i o n s d a n s la B a i e . A p r è s leur part , t o u t

rentre dans l e lilence &

dé­

l'inaction.

A u d i c e t e m p s eft-il n o m m é l e temps mort. L e


396 HISTOIRE GÉNÉRALE commerce Tierraïirme.

avec

particulier

t o u s l e s autres

prefqu a

rien. E l l e

Havane

&

que

fait

alors

G o u v e r n e m e n s , fe

réduit

reçoit

la

Ville

d e la T r i n i t é , d e la

de S a i n t - D o m i n g u e ,

Jandres c h a r g é e s d e

tabac & d e

quelques

bé-

fucre , qui r e ­

p r e n n e n t p o u r c a r g a i f o n d u cacao d e la M a g d e l è n e , d e s vafes d e t e r r e , d u riz & d'autres

mar-

c h a n d i f e s rares

trois

dans

c e s Ifles. Il fe parte

m o i s , fans q u ' o n v o i e paraître lin d e c e s b â t i i n e n s . Oh

n'en

fair

pas partir b e a u c o u p plus d e C a r -

thagène. Quelques-uns vont à Nicaragua, à VéraCruz ,

à Honduras, &

plus

Couvent à

Porro-

B e l l o , à C h a g r e o u à Sainte - M a r t h e •, m a i s c e commerce de

efb très-faible , p a r c e

ces lieux

q u e la p l u p a r t

étant p o u r v u s d e c e s m ê m e s

den­

r é e s , o n a p e u d'occafions d e trafiquer a v e c e u x . C e qui foutieut C a r t h a g è n e ,

en tiempo muerto

y

a u t e m p s m o r t , c e f o n t l e s b o u r g a d e s d e fa j u r i f d i d i o n , d ' o ù l'on a p p o r t e t o u t c e qui eft n é . c e f l a i r e à la fdbfiftance d e l e s h a b i t a n s , d a n s d e s canots,

o u dans u n e e f p è c e d e b a t e a u x , q u ' i l s

nomment

champanes.

Les premiers côtoient t o u ­ -

j o u r s le r i v a g e d e la m e r , Se les f é c o n d s nent

par

la

rivière d e

vien­

la M a g d e l è n e , o u par

celle d e Z e n u . En échange

d e s d e n r é e s , ils fe

c h a r g e n t d e q u e l q u e s etoties , d o n t l e s b o u t i q u e s d e s N é g o c i a n s font p o u r v u e s par l e s g a l i o n s , o u q u e l q u e f o i s par l e s prifes d e q u e l q u e s c o r f a i r e s .


D E S

V O Y A G E S ,

397

T o u s l e s a l i m e n s d u pays n e p a i e n t aucun droir. rr.

Tierra 1 il croit p o u v o i r v e n d r e la chair Fit rat;

C h a c u n a la l i b e r t é d e t u e r , d a n s fa m a i f o n , l e s animaux

dont

dans

jour , car c e l l e m ê m e

un

de

p o r c ne Te

m a n g e p o i n t falée à C a r t h a g è n e , & l e s c h a l e u r s ne

permettent

fraîche.

pas d e

la

garder

Les denrées qu'on

l o n g - remps

apporte d'Efpagne ,

t e l l e s q u e l'eau d e - v i e , l e v i n , l ' h u i l e , l e s d e s & les raifms f e c s , p a i e n t u n d r o i t &

fe v e n d e n t e n f i a t e

vendent

e n détail ,

cavale

droit

,

d'entrée,

librement. Ceux ne

impofé

font fur

aman­

qui

l'ai-,

alTujétis qu'à

les

échopes

les

&

les

boutiques. O u t r e l e s m a r c h a n d j f e s , q u i f o n t l'entretien d e c e petit

c o m m e r c e i n t é t i e u r , la V i l l e a

l'Affluite

l o n g - t e m p s un bureau pour Nègres , que

les vaiiïeaux

y

depuis

des efclaves

apportent.

Ils

y

reftent c o m m e e n d é p ô t , jufqu'à c e qu'ils f o i e n t a c h e t é s p o u r l e s P r o v i n c e s i n t é r i e u r e s , o u ils f o n t e m p l o y é s aux p l a n t a t i o n s , q u e l e s E f p a g n o l s n o m ­ ment

ha-^endas.

Mais ce bureau

&

ceux

finances r o y a l e s , établis à C a r t h a g è n e , n e

des pro-

d u i f e n t pas m ê m e affez p o u r l ' e n t r e t i e n d e s f o r ­ tifications , d u G o u v e r n e u r , d e d e s autres O f f i c i

e r s

du

la g a r n i f o n

R o i . O n y fupplée

l e s d e n i e r s r o y a u x d e Santa-Fé & d e i

& par

Quito.

A C a r t h a g è n e , c o m m e d a n s t o u t e s les a u t r e s

Colonies

de l'Europe, l

e s

habitans font

divifés


398

H I S T O I R E

G É N É R A L E

e n différentes races. L e s Blancs f o r m e n t , TicrraFinnc.

comme

1

a i l l e u r s , d e u x e f p c c e s ; c e l l e des E u r o p é e n s , q u ' o n y appelle Chaperons, & celle des C r é o l e s , ou des b l a n c s nés d a n s l e p a y s . L e n o m b r e d e s p r e m i e r s efl: p e u c o n f i d é r a b l e , p a r c e q u e la plupart r e t o u r ­ n e n t e n E u r o p e , après a v o i r g a g n é q u e l q u e c h o f e , o u patient plus l o i n , p o u r a u g m e n t e r leur tune. C e u x

qui

fe

font

fixés

à

for­

Carthagène , y

poiré-

f o n t p r e f q u e t o u t le c o m m e r c e . L e s C r é o l e s

d e n t les terres. O n en c o m p t e q u e l q u e s familles d'une grandediftinctian , c ' e f t - à - d i r e descendues d ' A y e u x N o b l e s q u i fe f o n t établis dans la V i l l e > après

y avoir e x e r c é les

plupart fe font

premiers emplois.

La

m a i n t e n u e s d a n s l e u r luftre-, e n

s'alliant d a n s l e P a y s a v e c l e u r s é g a u x , o u

avec

des

Il f e

Européens

e m p l o y é s fur les

galions.

t r o u v e q u e l q u e s f a m i l l e s d e Blancs p a u v r e s , e n t é e s fur d e s f a m i l l e s A m é r i c a i n e s , o u d u m o i n s alliées a v e c elles. Quand

la c o u l e u r n e l e s rrahit p a s ,

ils fe c r o i e n t h e u r e u x d'être c o m p t é s au n o m b r e d e s Blancs. Mais

la

divifion

efl: plus difficile

entre

les

e f p è c e s q u i d o i v e n t l e u r o r i g i n e au m é l a n g e d e s Blancs é k d e s N o i r s . A p r è s l e s N o i r s o u l e s N è g r e s > & les M u l â t r e s , q u i v i e n n e n t d'un Blanc & N o i r e , o u d'un N o i r fieme

efpèce ,

d'une

& d ' u n e B l a n c h e , la t r o i -

provenue des Blanches avec

les

M u l â t r e s , o u d e s M u l â t r e f l e s a v e c l e s B l a n c s , fc


D E S

399

Tercerons. L a q u a t r i è m e e f l c e l l e TierraQuarterons j q u i v i e n t d u m é l a n g e d e s

"homme des

V O Y A G E S .

les

Firme.

T e r c e r o n s a v e c l e s Blancs. Enfin la c i n q u i è m e , q u i vient du mélange des Quarterons & d e s B l a n c s , efl

celle

d e s Quinterons.

s'éclaircilTent

fënfiblement

Comme

l e s nuances

à chaque

d e g r é , il

n'efl plus q u e f l i o n d e race N è g r e a u c i n q u i è m e " ; on n e diflingue point les Quinterons des B l a n c s , n i p o u r l e s m a n i è r e s , n i pour la c o u l e u r . L e s enfans d ' u n Blanc le

& d'une Q u i n r e r o n e

n o m d'Efpagnols.

I l font

lî j a l o u x

portent de cet

h o n n e u r , q u e fi par hafard on s'y m é p r e n d , & qu'on

l e s fuppofe

d'un d e g r é

p l u s b a s , ils f e

c r o i e n t injuriés. M a i s , a v a n t q u e d'arriver à c e t t e c l a f l e , il y a d e s obftacles q u i p e u v e n t

les en

éloigner. Entre le Mulâtre & le N è g r e , on dift i n g u e u n e race i n t e r m é d i a i r e , n o m m é e Sambo , q u i p r o v i e n t d u m é l a n g e d e c e s d e u x races a v e c l e fang

Américain ,

ou des deux

races é n -

f e m b l e . L a race d u P e r e fait u n e autre d i f t i n c t i o n . E n t r e l e s T e r c e r o n s & les M u l â t r e s , l e s "Quarterons & l

e s

ceux

Tente en el Àyre , c ' e f t - à - d i r e

qui fe nomment Enfans d e l'Air

Tercerons, on compte

t

p

a r c e

qu'ils n'avancent

ni

t

ne

reculent. L e s enfans, é s du mélange d e s Quar­ n

t e r o n s o u d e s Q u i n t e r o n s a v e c l e fang

Mulâtre

Salto atras, c'eft-àd i r e , Saut - e n - A r r i è r e , parce qu'au l i e u d'avance?

o u T e r c e r o n , font n o m m é s


400

H I S T O I R E

G É N É R A L E

& d e d e v e n i r Blancs, ils onr reculé

s

en fe rap--

TIERRA-

prochanr d e la race des N è g r e s . D e m ê m e , t o u s

HRMET

les enransfortis du mélange a v e c l e f a n g Américain depuis le N è g r e jufqu'au Q u i n t e r ó n font n o m m é s Ssimbos

de N è g r e s de Mulârre, de T e r c e r ó n , & c ' }

T e l l e s font les races les plus c o m m u n e s : n o n qu'il ne s'en t r o u v e b e a u c o u p d'autres qui v i e n n e n t d e diverfes unions -, mais les efpcces en font iî obicures , q u e fouvenr

ils ne favent pas e u x -

m ê m e s à quelle clalîe

ils a p p a r t i e n n e n t .

Ces

caftes ou r a c e s , à c o m p t e r depuis les Mulâtres julqu'aux Q u i t t e r o n s , font, toutes vêtues à

l'Ef-

p . g n o l e , & d'habits fort l é g e r s , fans autre raifon q u e la chaleur d u climat. Leurs e x e r c i c e s , dans la

Ville

y

fe réduifent aux

arts

mécaniques i

a u - l i e u q u e les C h a p e r o n s & les Créoles

3

re­

g a r d e n t ces occupations c o m m e indignes d'eux., s'attachent u n i q u e m e n t préférer

au c o m m e r c e ,

jufqu'à

la mifere à l'humiliation d'exercer

les

métiers -qu'ils ont appris en E u r o p e . E n t r e toutes ces races , celle des Nègres n'eft pas la moins n o m b r e u f e . Elle eft divifée en d e u x .claffes, celle des N è g r e s l i b r e s , & celle dès efc l a v e s , qui fe fubdivifenr encore en créoles & e n bocales,

ou nouveaux-venus. U n e partie d e ces

d e r n i e r s eft occupée à la culture des plantations. Ceux qu'on

retient dans la Ville , y font e m ­

ployés aux travaux les plus r u d e s , q u i leur font allez


DES VOYAGES.

401

pliez gagner pour payer , chaque jour, à leurs maîtres ,> une partie d e leur falaire , & pour fe

Tierra-

nourrir d u r e f t e .

Firme,

La chaleur les difpenfant

de

p o r t e r aucune forte d'habics, ils vont nus c o m m e en A f r i q u e , à la réferve

d'un petit pagne d e

coton , d o n t ils fe couvreur le milieu du corps. Les

efclaves Négrelles

ne font

pas a u t r e m e n t

vêtues, Elles font mariées à la c a m p i g n e , avec les N è g r e s qui cultivent les champs , ou fans c è d e occupées dans la Ville à v e n d r e des fruits, des confitures , des gâteaux d e maïs ou d e caffave , &

d'autres

alimens. Celles

qui ont

de

petits

enfans , les p o r t e n t fur les épaules , pour fe c o n ferver la liberté des b r a s , & les leur

lait , fans les faire

L e u r s mamelles , la N a t u r e , leur

riourriffent

changer d e

de

fitnation.

donr elles laifïent le foin à pendant quelquefois

jufqu'au.-

deffbus du v e n t r e , il n'eit pas furprenanr qu'elles puilTent

les

préfenter

pardefious

l'aidelle

ou

pardelïus l'épaule, aux enfans qu'elles p o r t e n t fur le d o s . L'habillement des blancs .eft peu différent

à

Carthagène , d e celui q u e fes Fondateurs y o n t a p p o r t é d'Efpagne.

L'étoffe en eft feulement fort

l é g è r e . Les veftes,

p a r

fine d e Bretagne , l

e s

p o u r p o i n t s d e taffetas

e x e m p l e , font d e toile culottes d e m ê m e , & les U

n

i , d o n t l'ufage eft g é ­

néral , fans aucune exception d e rang. Les p e r -

Tome

XII,

C ç


TierraFirme.

402

H I S T O I R E

ruques

y

étaient

q u ' o n n'en ques

G É N É R A L E

encore

fi

rares

en

17 3 Ç 5

v o y a i t qu'au G o u v e r n e u r &

à quel­

Officiers : au-lieu d e cravates , o n

tente de

fermer

le

col

fe

con­

d e la c h e m i f e a v e c

un

g r o s b o u t o n d'or , & l e plus f o u v e n t o n le laifTe o u v e r t . Plufieurs v o n t n u e t ê t e , & les c h e v e u x coupés

au

c h i g n o n -,

b o n n e t blanc d e

roilc

mais

la plupart

fine.

Ils p o r t e n t , p o u r fe

rafraîchir , d e s é v e n t a i l s tiffus d'une palme avec

fine & un

bout

déliée , en forme d e la m ê m e

ont

efpèce

un

de

d e croifTant ,

p a l m e , q u i fett d e

manche. L e s f e m m e s blanches ont une forte d e nommée &

pollera,

jupe,

1

q u ' e l l e s attachent à la c e i n t u r e ,

q u i p e n d jufqu'aux t a l o n s , d e taffetas u n i

&

fans d o u b l u r e . U n p o u r p o i n t l e u t c o u v r e l e refte du

c o r p s ; m a i s e l l e s n e l e p o r t e n t q u e d a n s la

faifon

qu'elles n o m m e n t hiver , & n'ont en été

qu'un

cotfet

elles

lacé fur

n e fortent

jupe. Leur

la

poitrine.

M a i s jamais

d u l o g i s fans la m a n t i l l e &

u f a g e eft d'aller à l'Eglife d è s

la

trois

h e u r e s d u m a t i n , pour é v i t e r la c h a l e u r d u j o u r . Celles

qui

mettent

ne

font pas

pardelTus

la

exactement

pollera ,

une

blanches, jupe

de

t a f f e t a s , d e l à c o u l e u r qu'elles a i m e n t , à l ' e x c e p r tion

de

jupe

eft

la n o i r e , qui leur eft i n t e r d i t e . toute

percée d e

petits trous

,

Cette pour

laifler v o i r c e l l e q u i eft d e f l o u s . E l l e s fe c o u v r e n t


D E S

V O Y A G E S ;

403

l a t ê t e d'un b o n n e t d e t o i l e b l a n c h e , d e la f o r m e d'une m i t r e , & fort garni d e d e n t e l l e s . Il eft t e r m i n é

Tierra-

par u n e p o i n t e , q u i r é p o n d p e r p e n d i c u l a i r e m e n t

Firme,

au

front. Jamais

elles

ne

coëfture. L e s f e m m e s d e

paraiflent fans

condition ne

cette

portent,

pour chaulfùre , qu'une efpèce d e petites mules , o ù il n'entre q u e la p o i n t e d u p i e d . D a n s l e u r s maifons , elles n e quittent

p o i n t leurs

hamacs,

Se l e u r o c c u p a t i o n eft d e s'y b e r c e r , p o u r fe r a ­ f r a î c h i r . L e s h o m m e s a i m e n t auflr c e t t e ( î t u a t i o n , q u e l q u e i n c o m m o d e q u ' e l l e paraiile par la diffi­ c u l t é d'y b i e n é t e n d r e l e c o r p s . O n n e v a n t e ni l'application , ni l e f a v o i r d e s h a b i t a n s d e C a n h a g è n e -, m a i s i l n'eft pas f u r p r e n a n t qu'il y ait p e u d ' é m u l a t i o n , d a n s u n p a y s o ù l'on n e p e u t fe

propofer aucun avancement

par l ' é t u d e d e s S c i e n c e s : l'efprit & la p é n é t r a t i o n n e laiflent

pas d'y ê t r e d e s

m u n e s dans les d e u x

qualités

fort

com­

f e x e s . O n c o m p t e auffi la

c h a r i t é e n t r e leurs p r i n c i p a l e s v e r t u s , f u r - t o u t à l'égard

des Européens ,

l'expreffion

d u Pays ,

qui pour

venant ,

fuivant

brujquer f o r t u n e

n e t r o u v e n t f o u v e n t q u e la m i f e r e , l e s m a l a d i e s , &

m ê m e la m o r t . L e s v a i i f e a u x E f p a g n o l s n'ar­

r i v e n t jamais fans a p p o r t e r u n e e f p è c e qu'on

nomme

fans b i e n , riers, qui

Pulido ns

3

gens

d'hommes, fans

emploi ,

fans r e c o m m a n d a t i o n , vrais a v e n t u ­ viennent

chercher

fortune C

c

dans ij

un


404 HISTOIRE GÉNÉRALE p a y s o ù ils n e font c o n n u s d e p e r f o n n e , & q u i , après Tierra-

a v o i r l o n g - t e m p s c o u r u l e s rues d e la V i l l e , fans

firme,

r i e n t r o u v e r q u i r é p o n d e à leurs e f p é r a n c e s , o n t , ' pour dernière reffource, le Couvent

des C o r -

d e l i e r s , o ù ils r e ç o i v e n t d e la b o u i l l i e d e caff a v e , m o i n s p o u r appaifer l e u r les

empêcher de

mourir.

faim,

que pour

L e coin d'une

place

o u la p o r r e d ' u n e E g l i f e , eft leur g î t e p o u r la nuit.

On

qu'il n'y

l e s laiffe a

confiance à

point

dans

cette mifere , parce

d'habitant q u i o f e

leurs f e r v i c e s .

prendre

Quelquefois un N é ­

g o c i a n t , q u i palfe dans l e s P r o v i n c e s i n t é r i e u r e s , &

q u i a b e f o i n d e groffir fa fuite , choifit u n

d e ces malheureux

Chapetons,

qu'il

a v e c l u i . L e c h a g r i n d ' u n e fi trifte

emmené

fituation, &

la m a u v a i f e qualité d e l e u r n o u r r i t u r e , l e s j e t t e n t enfin dans u n e m a l a d i e , q u i a pris d ' e u x l e n o m de

Chapetonade.

fuge

Us n'ont plus alors d'autre r e ­

q u e la P r o v i d e n c e -, car o n

ne

reçoit

à

l'Hôpital d e Carthagène , q u e ceux qui paient l e s fecours qu'ils d e m a n d e n t , & par c o n f é q u e n t la

mifete

eft

u n titre

d'exclufion.

C'eft

à ce

p o i n t q u e l e P e u p l e l e s attend , p o u r faire éclater fa c h a r i t é . L e s N é g r e l T e s & l e s Mulâtrefles l i b r e s s'emprelTent alors d e les retirer d a n s leurs m a i fons ,

o ù elles

les affilient

&

l e s font

guétir

à leurs d é p e n s ; s'ils m e u r e n t e n t r e leurs m a i n s , e l l e s l e s font e n t e r r e r

?

& leur zèle

va jufqu'à


D E S

V O Y A G E S .

405

Faire d i r e p o u r e u x d e s P r i è r e s & d e s M e f f e s . finifîent

Tierra-

à la famé , par u n

Firme.

A la vériré l e s t é m o i g n a g e s d e c o m p a f f i o n pour

ceux

mariage

qui reviennenr

avec

leur bienfaitrice,

ou avec

quel­

q u ' u n e d e fes filles. L e s P u l i z o n s q u i n'ont p a s l e b o n h e u r d'être

affez

la

pitié d e s f e m m e s d e

à

la fin l e

de

fe

malades pour intérefler

parti d e fe

retirer

dans

Carthagène, prennent faire

quelques

Canotiers ,

ou

villages , pour y

v i v r e d e la c u l t u r e d e s rerres & d u fruit d e l e u r travail. L'eau-de-vie,

l e c h o c o l a t , l e s confitures & l e

m i e l , font la paflion d e tous l e s états & d e t o u t e s l e s r a c e s , dans la V i l l e d e C a r t h a g è n e , C e l l e tabac à f u m e r eft e n c o r e plus v i v e .

du

Là t o u t l e

m o n d e f u m e , h o m m e s , f e m m e s & e n f a n s , fans d i f t i n é t i o n d'âge ni d e rang. L e s D a m e s & l e s f e m m e s blanches

n e f u m e n t q u e d a n s l'intérieur

d e leurs m a i f o n s , m a i s c e t t e r e t e n u e imitée

d e s autres caftes. L e s l i e u x

n'eft

pas

n e fonr pas

plus d i f t i n g u é s q u e l e s t e m p s . La m é t h o d e c o m ­ m u n e eft d e f u m e r d e p e t i t s r o u l e a u x d e tabac e n f e u i l l e . U n e f e m m e t i e n t e n t r e fes l è v r e s

l'extré­

m i t é d'un b o u t d e tabac a l l u m é e , d o n t e l l e

tire

affez l o n g - t e m p s la f u m é e . f a n s l ' é t e i n d r e , & fans ê t r e i n c o m m o d é e du f e u . L e s f e m m e s d e la p l u s h a u t e d i f t i n & i o n , s ' a c c o u t u m e n t à f u m e r dès l'en» C

c

iij


406

HISTOIRE

GÉNÉRALE

f a n c e . U n e d e s plus g r a n d e s m a r q u e s d ' e f t i m e TierraFirme.

d'amitié

qu'elles

puiflent d o n n e r

aux

&

hommes,

c'eft d ' a l l u m e r p o u r e u x d u tabac , & d e l e u r e n p r é f e n t e r d a n s l e s vifites q u ' e l l e s r e ç o i v e n t . ferait auffi l e s o f f e n f e r b e a u c o u p , q u e d e

Ce

refufer

c e t t e g a l a n t e r i e d e leur m a i n . Enfin la d a n f e eft en­ c o r e u n e paffion d e s d e u x f e x e s à C a r t h a g è n e . L e s bals c o m m e n c e n t par q u e l q u e s d a n f e s d ' E f p a g n e , & finiflent par c e l l e s d u p a y s , q u i n e font pas fans a g r é m e n t p o u r les é t r a n g e r s , fur-tout a v e c les c h a n fons dont elles font a c c o m p a g n é e s . L e c l i m a t eft e x c e f f i v e m e n t c h a u d . D a n s l e s o b f e r v a t i o n s d u T h e r m o m è t r e , l e 19 d e N o v e m b r e l

1 7 5 5 , ta l i ]

u e u r

f

e

f o u t i n t à 1 0 2 5 \ , fans a u t r e

v a r i a t i o n , e n différentes h e u r e s , q u e d e p u i s 1 0 2 4 jufqu'à i c 2 c î . La m ê m e a n n é e , à P a r i s , la l i q u e u r d u T h e r m o m è t r e monta , le

16 J u i l l e t ,

à trois

h e u r e s d u f o i r , & le 10 d ' A o û t , à t r o i s h e u r e s & d e m i e , jufqu'à chaleur

1025 ï > &

c

e

f

llt

l a

P'

u s

grande

q u ' o n y f e n t i t c e t t e a n n é e ; par confis­

q u e n t la c h a l e u r d u j o u r l e plus c h a u d d u c l i m a t d e Paris eft c o n t i n u e l l e à C a r t h a g è n e . M a i s la n a ­ t u r e d u c l i m a t fe fait e n c o r e m i e u x fenrir d e p u i s l e m o i s d e M a i jufqu'à la fin d e N o v e m b r e , q u i eft la faifon q u ' o n

y

nomme

l'hiver,

parce q u ' a ­

l o r s l e s p l u i e s j les t o n n e r r e s & l e s éclairs y f o n t fi f r c q u e n s q u e , d'un i n f t a n t à l ' a u t r e , o n v o i t l e s


D E S

V O Y A G E S .

407

o r a g e s fe f u c c é d e r . L e s rues d e la V i l l e font i n o n ­ d é e s , & l e s c a m p a g n e s f u b m e r g é e s . O n profite d e c e s occafions

p o u r r e m p l i r l e s c i r e m e s , q u i fup-

p l é e n t au défaur d e r i v i è r e & d e f o u r c e . O u r r e c e l l e s d e s m a i f o n s p a r t i c u l i è r e s , il y e n a d e fort l a r g e s f o u s l e s t e r r e s - p l e i n s d e s b a t t i o n s . O n a d e s puits e n grand n o m b r e , mais d'une eau f a u m a c h e , q u i n'eu: pas p o t a b l e , & q u i n e fert qu'aux u f a g e s d o meftiques. D e p u i s l e m i l i e u d e D é c e m b r e jufqu'à la fin d ' A v r i l , la c h a l e u r eft u n p e u d i m i n u é e par l e s v e n t s d u N o r d , q u i rafraîchiiïenr alors la terre. C'eft néanmoins cet efpace d e t e m p s qu'on n o m m e l'été,

c o m m e o n d o n n e l e n o m d e petit été à c e ­

l u i q u i eft v e r s la S a i n r - J e a n , p a r c e q u e l e s p l u i e s y

celïent pendant un mois , & font

place

aux

m ê m e s v e n t s : m a i s , en g é n é r a l , les chaleurs font c o n r i n u e l l e s , a v e c p e u d e d i f f é r e n c e e n t r e la n u i t Se l e j o u r ; d ' o ù il a r r i v e q u e la tranfpiration d e s c o r p s l'étant a u i î i , t o u s l e s habitans o n t u n e c o u ­ l e u r fi p â l e Se fi l i v i d e , q u ' o n l e s croirait r e l e v é s d e quelque grande maladie. Leurs actions m ê m e s s'en r e f f e n t e n t ,

p

a

t o n d e leur v o i x p

r

u

n

a r

f

mollefïe

e

a

finguliere,

& le

lenteur. C e u x qui arrivent

d e l ' E u r o p e c o n f e r v e n t , p e n d a n r trois o u quarre m o i s , leurs

forces & j

d e g r é s , ils d e v i e n n e n t

e

u

r

c o u

l e u r -, m a i s . par

femblables C

c

aux anciens iv

TierraFirme.


408

H I S T O I R E

G É N É R A L E

habitans , c'eft à - d i r e , q u ' a v e c u n e a l l e z bonne!' Tierraturne.

r

f a n r é , ils p a a i f l e n t

en manquer.

Ils ( o n t fujers d'ailleurs à plufîeurs fortes d e maladies.

Celle

q u i m e n a c e les E u r o p é e n s ,

q u ' o n a déjà n o m m é e Chapetonade

&

, par allufîon

au n o m d e C h a p e t o n , d o n t o n n e n o u s a p p r e n d pas l ' o r i g i n e , e m p o r t e é q u i p a g e s , après

fouvent

u n e partie d e s

l'arrivée d e s vaiffeaux. Sa n a ­

t u r e "eft p e u c o n n u e . E l l e v i e n t à

quelques-uns

d e s'être t r o p r e f r o i d i s ; à d ' a u t r e s , d e q u e l q u e i n d i g e f t i o n , d ' o ù fuit u n v o m i f l e m e n t m o r t e l a c c o m ­ pagné

q u e l q u e f o i s d'un Ci furieux d é l i r e , q u ' o n

eft o b l i g é d é l i e r le m a l a d e , pour l'empêcher d e f e d é c h i r e r e n p i è c e s . Il e x p i r e a u m i l i e u d e f e s tranfports, c o m m e dans u n e efpèce d e rage. U n e a u t r e m a l a d i e , fort c o m m u n e à C a r t h a ­ g è n e & dans t o u t e fa J u r i f d i c t i o n , c'eft la l è p r e , q u ' o n y n o m m e mal

de faint

Lazare.

Ceux

qui

l'attribuent à la chair d e p o r c , q u i eft la n o u r r i ­ t u r e o r d i n a i r e d u p a y s , n e font pas a t t e n t i o n q u e c e t a l i m e n t n'eft pas m o i n s c o m m u n dans d'autres c o n t r é e s d e l ' A m é r i q u e , & par c o n f é q u e n t qu'il e n faut c h e r c h e r la caufe dans la n a t u r e d u c l i ­ m a t . O n a f o n d é , p o u r e n arrêter la c o m m u n i - i c a t i o n , un g r a n d H ô p i t a l h o r s d e la V i l l e , p r o c h e d ' u n e c o l l i n e , o ù eft l e C h â t e a u , q u i e n tire l e n o m d e San La\aro. Tous.ceux q u ' o n c r o i t a t t a a


D E S

V O Y A G E S .

409

qués d e la lèpre y font r e n f e r m é s fans d i f t i n c t i o n d e f e x e , d ' â g e ni d e r a n g , & s'ils r e f u f e n t aller d e b o n n e g r â c e , o n e m p l o i e

d'y

la force p o u r

TierraFirmej

l e s y c o n d u i r e . Mais le mal n e fait q u ' a u g m e n t e r e n t r ' e u x , parce q u ' o n leur p e r m e t d e s'y m a r i e r , & qu'il fe p e r p é t u e d i n s leurs e n f a n s , fans c o m p ­ t e r q u e les r e v e n u s d e l ' H ô p i t a l étant m é d i o c r e s ; o n laiiïe aux p a u v r e s la l i b e r t é d'aller d a n s la V i l l e , au rifque d ' i n f e c t e r

mendier

c e u x q u i s'en

laiflent a p p r o c h e r . Auffi le n o m b r e d e s

malades

eft-il fi g r a n d , q u e l ' e n c e i n t e d e leur d e m e u r e a l'étendue d'une petite V i l l e . Chacun y jouit d'une petite

portion de

terrain , q u ' o n lui m a r q u e

à

f o n e n t r é e . 11 y b â t i t u n e c a b a n e p r o p o r t i o n n é e à fa f o r t u n é , o ù il vit fans t r o u b l e jufqu'à la fin d e f e s jours. L e s fouffrancesinféparables d e la l è p r e n ' e m p ê c h e n t p o i n t q u e c e u x q u i e n font attaqués n e v i v e n t l o n g t e m p s . O n r e m a r q u e auffi

qu'elle

e x c i t e v i v e m e n t "le f e u ' d e s p a l l i o n s f e n f u e l l e s , & c'eft l ' e x p é r i e n c e

des défordres qu'elles p e u v e n t

caufer , q u i f i c p e r m e t t r e l e m a r i a g e a u x ma-* a

lades. La galle & \

3

r o

g n e font e n c o r e des c o n t a i

g i o n s particulières à C a r t h à g è n e , d u m o i n s par; leur malignité & l

e u r

abondance. Ces deux maux

y d e v i e n n e n t i n c u r a b l e s , p o u r p e u qu'ils f o i e n t n é g l i g é s - L e fpécifiqué

i

«erre d u c a n t o n , n o m m é e

e

p

i

u s

e f f i c a c e , eft u n e

maqulmaqui, q u i

corn


410

H I S T O I R E

G É N É R A L E

f e r v e la m ê m e v e n u d a n s l e s l i e u x o ù e l l e e f t Tierra-

tranfponée.

Firme.

Enfin u n e m a l a d i e e n c o r e

bien plus étrange J

m a i s m o i n s c o m m u n e , eft c e l l e q u i f e n o m m e la

culebrilla o u le ferpenteau. E l l e confifte dans u n e t u m e u r , q u i fe f o r m e e n t r e l e s m e m b r a n e s d e la peau , & qui augmente

fans c e l l e , jufqu'à

ce

q u ' e l l e o c c u p e la c i r c o n f é r e n c e d e la partie q u i e n eft a t t a q u é e . E l l e f e l o g e p a r t i c u l i è r e m e n t a u x bras , a u x cuiffes & a u x j a m b e s . S e s d e faire

marques

extérieures

font

l'enflammer

& d ' y caufer d e s m o r t i f i c a t i o n s . La,

e n f l e r la p e a u ,

de

m a n i e r e d e g u é r i r c e m a l , eft d ' a p p l i q u e r d e s fuppuratifs à l ' e n d r o i t o ù l ' o n c r o i t d é c o u v r i r c e q u ' o n a p p e l l e Za

tete du ferpenteau; 8c

l o r f q u e la

p e a u c o m m e n c e à s ' o u v r i r , il e n fort u n e e f p è c e de

petit n e r f b l a n c , q u i paffe p o u r u n animal*

O u l'aide à fortir a v e c u n e carte r o u l é e , à l a ­ q u e l l e o n l'attache a v e c un fil d e f o i e , &

tous

l e s j o u r s o n p r e n d foin d e l ' e n t o r t i l l e r autour d e la c a r t e , jufqu'à c e qu'il n'en refte plus r i e n d a n s la t u m e u r , q u i n e t a r d e p o i n t e n f u i t e à fe d i f i ï per d'elle-même. C e t t e opération d e m a n d e b e a u ­ c o u p d e p a t i e n c e & d'adreiïe : m a i s , m a l g r é l ' o ­ pinion paraît

établie

à Carthagène , D o n d'Ulloa

pas p e r f u a d é

que le

ferpenteau foit

ne un

animal. PortoBello.

L a V i l l e d e S a i n t - P h i l i p p e d e P o r r o - B e l l o s eft


D E S

V O Y A G E S .

411

fìtuée à 9 d e g r é s 3 4 m i n u t e s 35 f é c o n d e s d e lati­ tude d u N o r d , & à 277

d e g r é s 50 m i n u t e s d e

l o n g i t u d e d u M é r i d i e n d e Paris , o u 2 9 6

degrés

4 1 m i n u t e s d u P i c d e Tenerife. C e t t e V i l l e d o i t f o n o r i g i n e à la b o n t é de v o i t q u ' e l l e t i r e fon

fon Port , d o n t

nom. Nombre

de

on

Dios,

après a v o i r e l ï u y é d i v e r f e s f o r t u n e s d e p u i s l ' a n n é e 151 o , o ù l'on a r a p p o r t é fa

fondation,

fut a b a n ­

d o n n é en 1 5 8 4 , par l'ordre de P h i l i p p e I I , & fes habitansfurenr e m p l o y é à former Porto-Bello dans une

firuation

plus, a v a n t a g e u f e p o u r l e

commerce

d'Efpagne. L a V i l l e eft ïe p e n c h a n t

fituée

d'une

en forme montagne

d e c r o i t ï a n t , fur qui environne

le

P o r t . L e s m a l f o n s y font d e b o i s , à l ' e x c e p t i o n d e q u e l q u e s - u n e s , d o n t le p r e m i e r é t a g e eft pierre.

On

n'en

compte

gucres

plus d e

de cent

t r e n t e j mais g r a n d e s & c o m m o d e s . E l l e s f o r m e n t e n f e m b l e u n e r u e p r i n c i p a l e , q u i fuit la

figure

d u Port a v e c q u e l q u e s r u e l l e s q u i la t r a v e r f e n t , du p e n c h a n t d e la m o n t a g n e au r i v a g e . D e d e u x p l a c e s fort fpacieufes , l'une eft v i s - à - v i s d e la C h a m b r e d e s F i n a n c e s , q u i eft" u n b e l édifice d e p i e r r e , & q u i t o u c h e au m ô l e o ù fe font les d é barquemens i l ' a u

t r e

e

ft

proche de

l'Eglife

Pa

r

r o i f f i a l e , d o n t o n v a n t e a l l e z la g r a n d e u r & l e s ornemens

p o u r u n e fi p

e t

;

t e

Ville,

quoiqu'elle

l i e f o i t d e f f e r v i e q u e par u n V i c a i r e &

quelques

TierraFirme.


412

H I S T O I R E

G É N É R A L E

autres Prêtres d u p a y s . Il y a d e u x autres E g l i f e s J TierraFirme.

l'une d e s P P . d e la M e r c i , & l'autre d e SaintJ e a n - d e - D i e u , q u i a p p a r t i e n n e n t aux R e l i g i e u x d e c e s d e u x o r d r e s : mais c e s d e u x C o u v e n s m é ­ ritent à p e i n e c e n o m , fur-tout c e l u i d e la M e r c i q u ' o n r e p r é f e n t e forr p a u v r e & p r e f q u ' e n r u i n e ; l ' a u t r e , q u i d e v r a i t ê t r e u n H ô p i t a l , n'a pas d e fonds pour l'entretien d e s m a l a d e s , & ne reçoit que ceux

q u i font

e n état d e p a y e r

raffiffance

qu'ils y c h e r c h e n t . E n a v a n ç a n t à l'Eft , v e r s l e b o u t d e la V i l l e q u i c o n d u i t à P a n a m a , o n t r o u v e u n Quartier q u i fe n o m m e la petite

Guinée,

parce

qu'il r e n f e r m e t o u s l e s N è g r e s libres. Il eft fort p e u p l e à l'arrivée d e s g a l i o n s .

La plupart d e s ha-!

bitans d e la V i l l e , t r o u v a n t d u ptofit à

louer

l e u t s m a i f o n s a u x E u r o p é e n s d e la flotte , fe reti­ r e n t dans c e t t e e f p è c e d e F a u x b o u r g , o ù ils n e f o n t pas difficulté

d e fe r é d u i r e a u x c a b a n e s d e s

N è g r e s . D u côté

d e la

m e r , d e n s u n terrain

f p a c i e u x e n t r e la V i l l e & l e C h â t e a u de la

Gloire,

o n dreflè d e s b a r a q u e s p o u r les m a t e l o t s ,

qui fe

f o n t , d e leur c ô t é , d e s b o u t i q u e s , o ù ils é t a ­ l e n t t o u t e s f o r t e s d e d e n r é e s & d e fruits d'Efpag n e : mais la F o i r e n'eft pas plutôt finie , q u e t o u t difparaît a v e c l e s v a i l T e a u x , & la V i l l e t e d e v i e n t déferre. L e feul n o m d u Port e n fait c o n n a î t r e l e s avan­ t a g e s . L ' e n t r é e e n eft l a r g e , mais aflez b i e n d é -


D E S

VOYAGES

Fendue par un C h â t e a u , n o m m é de

Todo-Fiéro,

compte

Saint-Pkilippe

& fitué à la p o i n t e , d u N o r d . O n

environ

fix

cens

ï'autre, c'eft-à-dire, lieue.

413

toifes

d'une p o i n t e à

un p e u m o i n s d'un quart d e

L e c ô t é d u S u d n'a pas b e f o i n d'autre dé-

f e n f e q u e l e s p o i n r e s & l e s r o c h e r s q u i font à f l e u r - d ' e a u , & q u ' o n n'évite q u ' e n d é r i v a n t v e r s l e N o r d , o ù l'on t r o u v e plus d e fond-, q u o i q u ' e n effet la v é r i t a b l e e n t r é e foit par le m i l i e u d u ca­ n a l , o ù l'on a t o u j o u r s d e p u i s q u i n z e jufqu'à d i x b r a d e s d'eau , f o n d d e vafe & d e craie , m ê l é d e f a b l e . A la c ô t e q u e l e P o r t f o r m e au S u d , & v i s - à - v i s d e la r a d e , eft un F o t t f p a c i e u x , q u i fe n o m m e Saint

Jacques

de la Gloire.

C'eft à l'Eft

d e c e F o r t , à la d i f t a n c e d ' e n v i r o n c e n t que

toifes,

la V i l l e c o m m e n c e ; e l l e a d e v a n t e l l e u n e

p o i n t e d e t e t r e q u i s'avance d a n s l e P o r t ,8c q u i c o n t e n a i t a u t r e f o i s un p e t i t Fort n o m m é Jérôme

j à

d i x toifes

o u v r a g e s furent

des maifons.

Saint-

Tous

ces

d é m o l i s e n 1 7 4 0 , par l ' A m i r a l

V e r n o n , q i J s trouva également dépourvus d e U

e

d é f e n f e u r s Se d'artillerie. L e m o u i l l a g e vaiffeaux eft

a

des gros

N o r d - O u e f t du Fort d e l à G l o i r e ,

u

c'eft-à-dire, p r f q ' a u milieu d u Port. e

U

Entre les monragnes qui e n v i r o n n e n t

Porto-

B e l l o , d e p u i s la p o i e d e T o d o - F i é r o , d o n t l e n t

F o r t eft à m i - c ô t e d e I

a

p r e m i è r e , jufqu'à celle

<iui eft à l ' o p p o f ï t e , o n e n d i f t i n g u e u n e

fort

Tierra-" Firme,


TierraFirme,

414

H I S T O I R E

G É N É R A L E

haute,

q u i fert

d e T h e r m o m è t r e à là

comme

V i l l e . E l l e d o n n e , d'un c ô t é , fur l e c h e m i n q u i c o n * duit à Panama,

Se d e l'autre fur l e P o r t . O n la

voit prefque toujours couverte d e n u a g e s , f o m b r e s & épais , q u ' o n a p p e l l e Capello , o u de la Montagne,

Bonnet

d ' o ù l u i eft v e n u

apparemment

par c o r r u p t i o n l e n o m d e Capiro.

Si c e s n u a g e s

f e c o n d e n f e n t & s ' é p a i i ï i f l e n t , ils b a i l l e n t d e l e u r h a u t e u r o r d i n a i r e , & c'eft un l i g n e d ' o r a g e : au c o n t r a i r e , s'ils s ' é l è v e n t & s ' é c l a i r c i l f e n t , ils a n ­ n o n c e n t l e b e a u t e m p s . C e s c h a n g e i n e n s fe fucc è d e n t a v e c tant d e p r o m p t i t u d e , q u ' o n d é c o u v r e , r a r e m e n t l e f o m m e t d e la m o n t a g n e , d o n t l'état o r d i n a i r e eft u n e p r o f o n d e o b f c u r i t é . L'air d e P o r r o - B e l l o eft d ' u n e m a l i g n i t é q u i na fe fait pas m o i n s

fentir a u x a n c i e n s habirans d e

la V i l l e , q u ' a u x étrangers. Il p r o d u i t d e s m a l a d i e s m o r t e l l e s o u c a p a b l e s d'affaiblir l e s m e i l l e u r s terri-: p é r a m e n s . O n était p e t f u a d é a u t r e f o i s , qu'il était fort dangereux pour l'accouchement d e s f e m m e s , ' &

cette opinion

l e s faifait partir d e u x

ou trois

m o i s avant l e t e r m e , p o u r aller faire leurs c o u c h e s à Panama. U n e f e m m e d e diftinction ayant h e u reufement bravé

l e d a n g e r , par affection

pour

f o n m a r i , à q u i fes affaires n e p e r m e t t a i e n t p o i n t d e q u i t t e r P o r t o - B e l l o p o u t la fuivre , la p r é v e n t i o n s'eft d i f i i p é e . L e s habitans o n t l e s i d é e s l e s p l u s d é f a v a n t a g e u f e s d e l e u r c l i m a t , Ils a l l u r e n t q u e


D E S

V O Y A G E S ;

415

l e s a n i m a u x d e s autres p a y s c e f l e n t d e m u l t i p l i e r lorfqu'ils font tranfportés d a n s l e u r V i l l e ; q u e l e s p o u l e s 5 par e x e m p l e , q u i v i e n n e n t d e &

d e Carthagène , font

ftériles

Panama

après l e u r a r r i ­

v é e , & q u e les b œ u f s , amenés d e "Panama, viennent

fi

maigres , qu'on

n'en

peut

de­

prefque

p l u s m a n g e r la c h a i r , fans q u e les p â t u r a g e s , d o n c les m o n t a g n e s & les vallons abondent aux envi­ r o n s d e la V i l l e , puilTent arrêter c e d é p é r i l T e m e n t . L a m ê m e raifon e m p ê c h e q u ' o n n'y e n t r e t i e n n e d e s haras d e c h e v a u x & d ' â n e s . L e s chaleurs f o n t e x c e f f i v e s à P o r t o - B e l l o .

On

e n r e j e t t e p a r t i c u l i è r e m e n t la caufe fur l e s h a u t e s m o n t a g n e s qui l'entourent

& q u i f e r m e n t l e paf-

f a g e au v e n t . L e s arbres épais , d o n t couvertes , ne permettant

vapeurs ,

qui

féché le

à le

continuelle­

redefcendent

p l u i e s a b o n d a n t e s , après l e f q u e l l e s commence

font

p o i n t aux r a y o n s d u

S o l e i l d e f é c h e r la t e r r e , il e n fort m e n t d'épaifles

elles

le Soleil

en re­

m o n t r e r -, m a i s auffi-tôt qu'il a

f e u i l l a g e d e s arbres & la fuperficie

du

t e r r a i n , il fe t r o u v e e n v e l o p p é d e n o u v e l l e s v a ­ peurs , qui

l'obfcurciflent. Il f u r v i e n t

pluies fubites, & i

e

c e

alors

des

m p s s'éclaircit e n c o r e a v e c

la m ê m e p r o m p t i t u d e , fans q u e t o u s ces c h a n g e m e n s e n fafïent jamais é p r o u v e r dans la c h a l e u r . L e s pluies f o n t d e s o n d é e s v i o l e n t e s , qui paraif'fent c a p a b l e s d e t o u t f u b m e r g e r . Elles f o n t a c c o m -

Tierra^ Firme»


416

H I S T O I R E

G É N É R A L E

p a g n é e s d e t o n n e r r e s & d ' é c l a i r s , a v e c u n fracas Tierra-

fi t e r r i b l e , q u e les plus b r a v e s e n font effrayés,!

Firme.

L e P o r t étant au m i l i e u d e s m o n t a g n e s , r i e n n e p e u t d o n n e r u n e i d é e d u r e t e n t i f l e m e n t q u i s'y f a i t , & q u i e f l e n c o r e a u g m e n t é par l e s cris d e s linges & des animaux d e toute e f p è c e ,

fur-tout

l e foir & l e m a t i n , l o r f q u e l e s vaifleaux t i r e n t l e c o u p d e la retraite o u d u réveil. L ' i n t e m p é r i e d u c l i m a t , q u i fait n o m m e r P o r t o B e l l o , le tombeau

des EJpagnols,

n e laifle g u e r e s

e f p é r e r q u e c e t t e V i l l e foit jamais fort p e u p l é e . L e n o m b r e d e fes h a b i t a n s efl p r o p o r t i o n n é à fa p e t i t e f ï e , & la plupart f o n t N è g r e s o u M u l â t r e s . O n n'y c o m p t e pas plus

d e trente familles d e

B l a n c s , d o n t l e s plus riches n'y partent q u e l e t e m p s d e la F o i r e & fe retirent e n f u i t e à P a n a m a : a i n f i , l'on n e d o i t c o m p t e r d e Blancs.à Porto-Bello,' q u e l e s Officiers retenus p a r l e u r d e v o i r , tels q u e l e G o u v e r n e u r , l e s C o m m a n d a n s d e s F o r t s , l e s Alca­ d e s & la G a r n i f o n , q u i e f l o r d i n a i r e m e n t d e c e n t y i n g t - c i n q h o m m e s , e n v o y é s d e Panama. L e s ufages d e s habitans différent p e u d e c e u x d e C a t t h a g è n e ; m a i s f e f p r i t d'intérêt efl plus v i f à P o r t o B e l l o , c o m m e fi la paffion d e s richertes r é p o n d a i t a u x d a n g e r s dans l e f q u e l s o n s ' e n g a g e p o u r l e s a c q u é r i r . L e s v i v r e s font r a r e s , & par c o n f é q u e n t t r è s - c h e r s dans l e p a y s , fur tour p e n ­ d a n t le féjour d e s g a l i o n s . O n t i r e alors d e C a r thagènç


D E S thagène

V O Y A G E S .

417

d u m a ï s , d u riz , d e la cafTave , d e s

p o r c s , d e la v o l a i l l e , &

route forte d e

racines.

L e s b e f t i a u x v i e n n e n t d e P a n a m a ; m a i s la

Côte

f o u r n i t d ' e x c e l l e n t p o i f l o n , c o m m e la c a m p a g n e donne

toutes

fortes d e fruits , & b e a u c o u p d e

c a n n e s d o u c e s , d o n t o n fait d u m i e l & d e l ' e a u d e - v i e . L'eau n e m a n q u e

p o i n t d a n s le

canton.

E l l e d e f c e n d d u haut d e s m o n t a g n e s e n t o r r e n s , q u i arrofent les d e h o r s d e la V i l l e o u q u i la t r a ­ v e r s e n t . O n v a n t e la q u a l i t é d e s e a u x p o u r a i d e r à la d i g e f t i o n -, mais c e t t e v e r t u , q u i les ferait e f t i m e r d a n s u n autre c l i m a t , l e s r e n d ici fort nuifibles , p a r c e q u e tant d'activité n e c o n v i e n t p o i n t à d e s e f t o m a c s aufli faibles q u e c e u x d e s h a b i t a n s . E l l e s l e u r caufent d e s d y f f e n t e r i e s , d o n r il eft rare q u ' i l fe d é l i v r e n t ; & c'eft le t e r m e o r d i n a i r e d e t o u t e s leurs autres m a l a d i e s . C e s e a u x , q u i

defcendent

e n c a f c a d e s , f o r m e n r d e petits r é i e r v o i r s dans l e s c a v i t é s d e s r o c h e r s , & l e u r fraîcheur eft a u g m e n ­ t é e par l e f e u i l l a g e d e s a r b r e s , q u i n e p e r d e n r ja­ m a i s leur v e r d u r e . L'ufage d e s h a b i t a n s , d e l'un & d e l'autre f e x e , &

d e rous l e s â g e s ,

eft

de

s'y aller b a i g n e r c h a q u e j o u r à o n z e h e u r e s d u m a t i n , p o ù r f e rafraîchir d e l ' e x c e f i i v e c h a l e u r q u i b r û l e l e fang. Les montagnes couvertes d e bois &

peuplées

d'animaux f é r o c e s , t o u c h e n t d e fi près aux m a i f o n s d e la V i l l e , qu'il n'y

Tome

XII.

a

p o i n t d e fureté l e

D d

Tierra-, Firme.


418

H I S T O I R E

G É N É R A L E

foir dans les r u e s , pour les poules & les c h i e n s , Tierra-

ni m ê m e p o u r les e n f a n s . U n t i g r e , q u i

Jarme.

u n e fois g o û t à c e t t e c h a f l e , f e m b l e celle des

montagnes. O n

prend

dédaigner

leur t e n d

des

pièges

à l'entrée d e s m u r s . L e s N è g r e s & l e s M u l â r r e s qu'on emploie

louvent à couper

du bois,

autant d'adrelfe q u e d e c o u r a g e à s'en

ont

défendre

d a n s l e s f o r ê t s , & l e s attaquent m ê m e a v e c u n e i n t r é p i d i t é furprenant'e. Ils o n t , p o u r c e reux combat, de long,

un

dange­

é p i e u d e fept o u h u i t

pieds

& d'un b o i s f o r t , d o n t la p o i n t e e f t

d u t c i e au f e u , a v e c u n e e f p è c e d e c o u t e l a s . L e Combattant &

fon

tient

coutelas

le tigre

l'épieu

de

d e l'autre

s'élance

fur l e

la

main

gauche ,

m a i n . Il a t t e n d

bras

dont

p i e u , & q u i eft e n v e l o p p é d'une p i è c e Quelquefois l'animal

paraît

d e m e u r e r c o m m e fur

que

il tient

fentir le

l'é­

d'étoffe.

péril ,

fes g a r d e s . M a i s f o n

& en­

n e m i ne craint pas d e l e p r o v o q u e r , eu le t o u ­ chant l é g è r e m e n t d e l ' é p i e u , p o u r t r o u v e r m i e u x l-'occafion

d'affurer

fon

c o u p . Auffi-tôr

que

fier animal fe v o i t i n f u l t é , il laifit l ' é p i e u de

fes g r i f f e s , Se d e

l'autre patte il

Je bras q u i

tient cette arme.

du

effort,

premier

C'eft

Il l e

(ans l'obftacle

l'inftant d o n t l e

Nègre

le

d'une

empoigne déchirerait

du

manteau.

fe h â t e

de

pro­

fiter , p o u r lui d é c h a r g e r fur la j a m b e un c o u p d u c o u t e l a s qu'il tient d a n s la m a i n

droite,

Se


D E S

V O Y A G E S ;

419

sqù'il a e u la p r é c a u t i o n d e c a c h e r d e r r i è r e f o i . D e c e c o u p il lui t r a n c h e l e j a r r e t , & lui fait

Tierra-

abandonner

Firme,

l e bras

qu'il

avait

faifi.

L'animal

f u r i e u x fe r e t i r e e n a r r i è r e , fans l â c h e r l ' é p i e u , Se v e u t r e v e n i r a u f f i - t ô t p o u r faifir l e bras» d e f o n autre patte. M a i s f o n a d v e r f a i r e lui d é c h a r g e u n f é c o n d c o u p , q u i l u i t r a n c h e e n c o r e u n jar­ ret & q u i l e m e t à fa d i f e r é t i o n .

Après

avoir

a c h e v é d e l e t u e r , il l ' é c o r c h e , & r e v i e n t ttiom-i pliant aVec fa p e a u , fes pattes 8t fa t ê t e . Quoique

les

mauvaifes

la (Virilité

du terroir

s'oppofent

invinciblement

Ville de

&

Porto-Bello,

qualités la rareté aux

elle

du

Climat»

des

vivres,

progrès

devient,

de

la

au t e m p s

d e s G a l i o n s , u n e d e s plus p e u p l é e s d e l ' A m é r i q u e M é r i d i o n a l e . Sa

fituation,

d a n s l'Infime q u i f é -

p a r e la m e r d u S u d * d e c e l l e

du N o r d ,

l'ex­

c e l l e n c e d e fon P o r t , & l e v o i l i n a g e d e P a n a m a l'ont fait c h o i l i r

pour le rendez-vous des d e u x

C o m m e r c e s d e l'Efpagne & d u P é r o u , & pour le

théâtre

d'une

d e s plus

fameufes

Foires d u

Monche. Auuì-to.t q u ' o n a p p r e n d la F l o t t e d u P é r o u

s

' fl e

à Carthagène, que

déchargée à

Panama,

l e s G a l i o n s m e t t e n t à la v o i l e p o u r P o r t o - B e l l o , avec caufe

l'impatience

q u e la crainte

aux Equipages.

Le

des

concours

maladies des

Mar­

c h a n d s d e l ' u n e & d e l'autre F l o t t e d e v i e n t D

d

ij

fi


420

H I S T O I R E

; grand

G É N É R A L E

à P o r t o - B e l l o , cjue" la c h e r t é d e s

loge^

Tierr.i-

m e n s y eft e x c e f f i v e . U n e c h a m b r e d e m é d i o c r e

Fkxric.

g r a n d e u r , a v e c u n c a b i n e t p r o p o r t i o n n é , fe l o u e , p o u r l e t e m p s d e la F o i r p , jufqu'à m i l l e écus*, &

le

prix

quefois

des

porté

moindres

à cinq

ou

maifons h'x

mille.

eft

quel­

Les

vaif-

i e a u x f o n t à p e i n e a m a r r é s d a n s le P o r t ,

qu'on

d r c f l e , p r o c h e d e la R o u r f e , u n e g r a n d e

tente

pour chaque

chargement,

d e c h a q u e vaifleau. L e s ç h a n d i f e s • font

lots les

aux

brouettes

lorfqu'on

pour

feuls

&

qui

qui

les

reconnaître

marques qui les

Marelots

voiles

Propriétaires des mar-

préfens,

dans ces magafïns,

compofée des

apporte

leurs

diftinguent.

les

chargent

partagent

entr'eux

bal­

Ce

font

fur

des

le

falaire.

P e n d a n t l e travail d e s G e n s d e m e r & d e s C o m m e r ç a n s , on

voit

caravanes , d e

arriver

cenr

mules

d e Panama

plufieurs

chacune ,

chargées

d e caillons qui contiennent P é r o u . L e s u n s font a u t r e s âu m i l i e u la

confufion

jamais Don

de

d'une

d'Ulloa ,peint

& l'argent

du

d é c h a r g é s à la B o u r f e ,

de

v o l , de

l'or

la P l a c e , fi

grande

les

fans

que,

foule,

il

d'autre

défordre.

perte

ou

fort

vivement

la

dans arrive

furprife

d e c e u x q u i , ayant v u c e t t e V i l l e li p a u v r e , Ci folitaire, en

temps

& li t r i f t e , y v o i e n t breufe,

les maifons

mott,

fon r i v a g e li

défert

e n f u i t e u n e f o u l e Ci n o m occupées,

les

rues

&

le

s


D E S

V O Y A G E S .

421

Places remplies d e ballots, d e marchandifes, d e caifes

d'or

&

d'argent,

ou

monnoyé,

b a r r e s , o u travaillé-, f o n P o r t ' c o u v e r t

en

Tierra-

navi­

Firme»

ou de

r e s & d e b a r q u e s , d o n t l e s u n e s a p p o r t e n t , par la r i v i è r e d e C h a g r e , t o u t e s f o r t e s d e difes du

Pérou, &

les aurres, d e

d e s v i v r e s p o u r la fublîftance empreffés. Cette V i l l e qu'on

marchan­

Carthagène,

d e tant fuit

autres t e m p s quand on aime

d'acteurs

dans tous

la v i e ,

les

prend un

afpeét tout dirlérenr,

en devenant le dépôt des

richeffes d e l'Ancien

& du

Nouveau-Monde.

Après le déchargement des G a l i o n s , &

l'arri­

v é e d e s m a r c h a n d i f e s d u P é r o u , q u i font a c c o m ­ pagnés du

Prélîdent d e Panama , on procède à

l'ouverrure

d e la F o i r e . L e s D é p u t é s d e s

deux

C o m m e r c e s s'affemblent à b o r d d u G a l i o n

Ami­

r a l , p o u r traiter d e l e u r s affaires c o m m u n e s régler

l e prix d e s m a r c h a n d i f e s , fous l e s

du

Commandant

de

Panama ; l e premier

vateur

des

intérêts

& le fécond trois

ou

ventions

de

l'Efcadre

du

font

fait p u b l i e r ,

Pérou.

Aflemblées

lignées & la F o i

du

Prélîdent

d'Efpagne,

Ordinairement

fuffifent.

Les

des deux

parts.

s'ouvre

fur c e

c e

ment. Les emplettes & les v e n t e s , les de

marchandifes

d e s Courtiers

&

venus

d'argent , d'Efpagne

yeux

Juge-Confer-

Commerce

d e celui d u

quatre

&

comme

&

fe-

con­

On

les

fonde­ changes

font

&

du

D d

iij

par Pérou-


422

H I S T O I R E

pour

c e t office.

Tierra-

qui

Rrme.

qu'on

eft

chés de

Les

à vendre , veut

font

ce

G É N É R A L E uns &

acheter.

ont

les

conclus , chacun

des

que

de

les

entre en &

c o m m e n c e ; celui des cailles

lui

lifte

de

ce

mar­

pofteiîion

rembarquement d'argent

dans

les N é g o c i a n s E f p a g n o l s ,

marchandifes

ce

autres c e l l e d e

Auffi-tôt

q u i lui appartient ,

g a l i o n s , pour

la

l'Europe ,

les

&

ce­

dans

les

chat as & l e s bongos j p o u r r e m o n t e r par la ri­ vière de Chagre, où

la

Flotille

paffer d e C r u c è s à P a n a m a ,

les attend

&

les ttanfporte

au

Pérou. A u t r e f o i s l e t e m p s d e c e t t e F o i r e n'était pas l i m i t é . M a i s l ' e x p é r i e n c e ayant appris q u e dans un

long

qualité

féjour , à

du climat

m e r ç a n s , la durerait ter

P o r t o - B e l l o , la

nuifait

b e a u c o u p aux

C o u r d'Efpagne

pas plus d e

d e celui d e

mauvaife Gom-

a réglé qu'elle

quarante j o u r s , à

l'entrée

des

galions

P o r t -, & fi, dans c e t e f p a c e , o n c o r d fur t o u s l e s p r i x , il eft

dans

n'eft pas

permis

ne

comp­ ce

d'ac­

aux

Né­

g o c i a n s d ' E f p a g n e d e palier plus l o i n a v e c leurs marchandifes , Commandant une

permiffion

donné

&

même

des

galions

jufqu'au en

formelle dont

Pérou.

apporte

toujours

l'ufage

eft aban­

à fa p r u d e n c e . D a n s c e c a s , l e s

retournent

à

C a r t h a g è n e -, m a i s

eft d é f e n d u à t o u t

Êfpagnol

Le

de

galions

autrement

»1

vendre

fes


DES. maïchandifes les

hors

aux

S,

423

de

Porto

Bello,

plus

loin

pour

les faire

part , il

n'eft

pas

envoyer

D'autre

V O Y A G E

permis

ou

de Ti e r i a -

vendre.

non

M a r c h a n d s d u P é r o u , d e faire d e s

Finire.

plus

remifes<

d'argent e n E f p a g r . e , p o u r d e s achats d e

mar-

chandife3. E n t e m p s m o r t , c e f t - à - d t r e , après la F o i r e , l'ec o m m e r c e d e P o r t o - B e l l o t o m b e prefqu'autant q u e c e l u i d e C a r t h a g è n e . Il fe r é d u i t alors au d é b i t d e s v i v r e s , q u ' o n y a p p o r r e d è C a r t h a g è n e m ê m e , au c a c a o , q u ' e n e m b a r q u e fur la C h a g r e ^ & au q u i n ­ quina.

L e cacao eft tranfporté d a n s d e s b é ' a n -

dres à V é r a - C r u z . les

magafins

fur

les

de

vaifteaux

palier d ' E f p a g n e

Le quinquina d e m e u r e Porto - Belio , ou qui

ont

la

permiilion

p e t i t s b â t i m e n s d e l'Ifle

de

Cuba,

& de Saint-Domingue,

pour lequel de-vie

de

de

aux P o r t s d e H o n d u r a s &

N i c a r a g u a . Il v i e n t auffi à P o r t o - B e l i o

nité

dans>

s'embarque-

de*

quelques

de

la T r i ­

c h a r g é s de- t a b a c ^

ils p r e n n e n t d u c a c a o & cannes. Pendant

i

de

l'Aulente

l'eau-

des

Nè­

g r e s , a v e c les Français o u l e s A n g l a i s , c e Porr était

le

Gomme

principal c'eft

comptoir

par c e t t e

voie

de

ce

que

commerce. non-feule­

m e n t P a n a m a , mais, t o u t l e P é r o u fe f o u r n i t d e N è g r e s , il l'Afiiente.,

eft p e r m i s à ceux: qui j o u i f ï e n t d'apporter

u n e certaine quantité

D d iv

de der


Ticvra-

424

H I S T O I R E

vivres

pour leur

Efclaves

1-iime.

On

qu'ils

va

G É N É R A L E

fubfiftance

&

pour celle d e s

amènent.

d e P o r t o - B e l l o à Crucès en r e m o n ­

tant la rivière d e C h a g r e , & d e Crucès o n par

terre

jufqu'à

Panama.

Toutes

les

va

monta­

g n e s & les f o r ê t s , q u i r é g n e n t d e s d e u x

côtés

d e la C h a g t e , font r e m p l i e s d ' a n i m a u x , fur-tout de

l i n g e s , d o n t l e s N è g r e s , les C r é o l e s &

les

E u r o p é e n s m ê m e n e f o n t pas difficulté d e m a n ­ ger

la

chair.

très-vive

Don

d'Ulloa

du fpectacle

fait

urne

peinture

q u e les t i v i e r e s

de

ce

p a y s offraient à la v u e : « - T o u t c e q u e l'art, d i t 3 3 i l , peut imaginer d e » che point

de

plus i n g é n i e u x n ' a p p r o -

la b e a u t é d e

cette

perfpective

3 > r u ( H q u e , f o r m é e d e s m a i n s d e la N a t u r e . L ' e ­ mpailleur des » Ions ,

les

bocages qui

arbres

de

ombragent

différentes

les

val-

grandeurs ,

» q u i c o u v r e n t l e s c o l l i n e s , la variété d e

leurs

» feuilles & d e

celle

leurs

rameaux,

jointe

Î > d e leurs c o u l e u r s , f o n t u n c o u p - d ' œ i l » l'imagination «une

ne

peut

atteindre.

à

auquel

Ajoutons-y

p r o d i g i e u f e q u a n t i t é d ' a n i m a u x , qui -

» m e n t d'autres n u a n c e s , l e s l i n g e s d e

for-

diverfes

» e f p è c e s , q u i v o l t i g e n t par t r o u p e s , d'un a r b r e =04 l ' a u t r e , q u i » s'unifient

fept

s'attachent ou

huit

œla rivière; les mères

aux

branches,

enfemble

pour

qui

palier

p o r t a n t ieurs p e t i t s fur


D E S

V O Y A G E S .

» le d o s , avec

425

cent grimaces & cent geftes

ri-

w d i c u l e s - , l e s o i f e a u x p r o p r e s au p a y s , d o n t » nombre na

eft

ceux de

incroyable-, l'Europe,

si m o n t a g n e s ,

des

33 d e s r o u r t c r e l l e s 3>efpcces,

les

d'aurres ,

rels

paons &

uns

que

des

femblables

les

royaux,

paons

des

hérons d e

tout-à-fait

»au

cou,

&

cette

couleur

dans tous les

Firme.

de

faifans,

blancs j

d'aurres

rougeâtres

endroits du

paraît p l u s

Tierra-

différentes

» blancs a u f f i , m a i s a v e c d e s p l u m e s

jîoÙ

le

vive \

corps

d'autres,

« a v e c l e c o u & l e b o r d d e s a i l e s b l a n c s ; d'au»tres »8c

encore, tous

de

bigarrés

de

différentes

couleurs

diverfes ,

grandeurs. C e u x d e

la

» p r e m i è r e e f p è c e font les plus p e t i t s . L e s b l a n c s »&

n o i r s f o n t t o u t - à - l a - f o i s les plus g r a n d s

» les plus d é l i c a t s à m a n g e r .

&

les

35 faifans f o n t d'un g o û t d é l i c i e u x . Enfin l e s

ar-

ssbres d e

cette

Les

r i v i è r e font

paons

&

chargés

» f o r t e s d e fruits, entre lefquels ticulièrement 33'qui

l e s p i g n e s , ou

furpaiTent

celles

des

de

toutes

on vante

pommes

autres

lieux

par­

de

pio,

par

la

3 5 g r o f l e u r , l ' o d e u r & l e g o û t , & q u e c e t t e rai-* 33fon

fait r e c h e r c h e r d a n s r o u t e s l e s

Panama nom,

eft

f

près d ' u n e

d

U u e e

p] g a

la m e r d u S u d . Sa p o f u i nutes

48

fécondes

a

n

l'Ifthme

s

baignée

e

o n

&

N o r d . L e s o p i n i o n s font

e

Indes.» du

par l e

même flot

ft à 8 degrés 57

demie

de

latitude

de mi­ du

d i î é r e n t e s fur la l o u -

Panama.


426

H I S T O I R E

G É N É R A L E

g i t u d e , p a r c e q u ' o n n'a pu s'en affurer

par des

1

Tierra- o b f e r v a r i o n s . O n d o u t e e n c o r e fi Panama eft F i l m e . plus o r i e n t a l o u plus o c c i d e n t a l q u e P o r t o - B e l l o . D o n d ' U l l o a r e m a r q u e q u e l e s G é o g r a p h e s Fran­ çais le

croient

plus o r i e n t a l , & l e placent

aihfi

-

d a n s leurs C a r t e s , m a i s l e s E l p a g n o l s étant d'un a v i s c o n t r a i r e , qu'ils f u i v e n t auffi d a n s les l e u r s , il croir q u e l e s f r é q u e n s v o y a g e s

qu'ils f o n t d e

l ' u n e d e c e s V i l l e s à l ' a u t r e , Se par c o n f é q u e n t l'occafion çais

de

faire

qu'ils o n t plus f o u v e n t q u e l e s vérifier

donner

la

leur

Fran­

fentimeht , doivent

préférence.

Il

ajoure

leur

qu'à

la

v é r i t é , d e t o u s l e s E f p a g n o l s q u i f o n t le v o y a g e , il n'y

en a prefque

faite

des

qu'il

eft

aucun qui

obfervations impoffible

foit e n état

d e cette

néanmoins

nature ;

mais

q u e ce ne

foit

p a s fur c e l l e s d e q u e l q u e s P i l o t e s h a b i l e s s'eft d é t e r m i n é . D ' a i l l e u r s

il

de

juge

ce

qu'on

fentiment

c o n f i r m é , par la r o u t e qu'il v e n a i t d e faire a v e c Ces affociés. Vafco N u g n e z d e m e r du Sud en devables

de

la

Balboa ayant d é c o u v e r t

1 5 r 3 , les E f p a g n o l s furent première

connoidance

la*, re­

qu'ils

e u r e n t d e P a n a m a , au C a p i t a i n e T e l l o d e

Guf-

m a n , q u i s'y a v a n ç a d e u x ans a p r è s , p o u r

ob-

f e r v e r q u e l q u e s cabanes d e P ê c h e u r s A m é r i c a i n s , d'où l e l i e u tirait fon n o m ; car Panama lignifie» dans leur

langue , un lieu

poiflonneux,

Oa

z>


D E S v u qu'en

V O Y A G E S .

1518,

Pédrarias d ' A v i l a ,

427

Gouverneur

q u ' o n d o n n a i t à c e t t e Tierrapartie d e T i e r r a - F i r m e , y établit u n e C o l o n i e , Firme, d e la Caftille d ' o r , n o m

&

qu'en

1511

de Ville, forme Elle

cette

avec

ans,

quelques

obtint

le

nom

c h a n g e m e n s dans

& des avantages convenables à ce s'accrut &

fon

Peuplade

pendant

rien

ne

commerce,

plus d e

manquait lorfqu'en

cent

à

cinquante

la f p l e n d e u r

.1670

fa

titre.

elle

fut

de

pillée

& b r û l é e par d e s Pirates A n g l a i s , fous la c o n ­ duite du gnols, cette

f a m e u x M o r g a n Flibuftier. L e s

obligés

vue,

Efpa-

d e la r e b â t i r , c h o i f i r e n t , occupe

aujourd'hui,

é l o i p n é e d'une lieue & d e m i e d e

fon a n c i e n n e

place

&

d'un

mur

par

une

le lieu qu'elle

dans

bien

plus a v a n r a g e u x . E l l e

de

p i e r r e s fort large ,

forte

Garnifon, dont

eft

&

on

ceinte

défendue

envoie

des

d é t a c h e m e n s p o u t la g a r d e d e D a r i e n , d e C h a gre & de Porto-Bello. La

plupart

des maifons d e Panama ne font

q u e d e b o i s , d'un feul é t a g e , a v e c u n toit t u i l e s -, mais

elles

Fauxbourg, q ¡

font

grandes

&

belles.

eft h o r s d e l ' e n c e i n t e , &

U

de Un plus

g r a n d q u e la

ville m ê m e , n'eft bâti auffi q u e

d e bois.

r y s d e la V i l l e & d u

font

Les

e

droites , l a r g

e s

&

pavées

Fauxbourg

d e pierres.

s'y c r o y a i t à c o u v e r t d e l ' i n c e n d i e , parce le bois des

édifices

paiTë p

0

u

r

On que

jncombuftible,


428

H I S T O I R E

ou du

moins

G É N É R A L E

que le

feu q u i t o m b e deflus ntf

Tierra-

fait q u e

Fiime.

& s'éteint dans fa c e n d r e . M a i s la V i l l e n'a p a s laifîé

le

p e r c e r , fans l e m e t t r e e n

d'are

qu on

ravagée

par

le

a t t r i b u e à la n a t u r e

feu

en

du feu

flamme,

1757;

ce

même,

qui

a y a n t c o m m e n c é d a n s u n e c a v e p l e i n e d e brai , de

goudron

&

d'eau-de-vie,

laquelle cette

finguliere

prit une

force

efpèce d e bois ne

i

put

réfîfter. T o u t e s l e s m a i f o n s b r û l é e s o n t été r e b â ­ ties e n p i e r r e s . P a n a m a eft l e l î é g e d ' u n e dont le

Préfident

d e la V i l l e de

&

eft

Audience

tout-à-la-fois

de

Gouverneur

C a p i t a i n e - g é n é r a l d e la P r o v i n c e

T i e r r a - F i r m e ; m a i s fon

celui

Royale,

Prélîdenr.

Certe

titre

ordinaire

n'eft

dignité

eft

jamais

r e m p l i e q u e par d e s E f p a g n o l s d ' u n e h a u t e

dif-

r i n c t i o n . La V i l l e r e ç o i t 'Un

fon

autre luftre d e

E v ê q u e , q u i fe qualifie P r i m a t d e T i e r r a - F i r m e . S e s T r i b u n a u x font l ' A y a n t a m i e n t o , o u l e C o n feil

de Ville,

compofé

d o r s , la C h a m b r e

d'Alcades &

de

Régi-

d e s cailles R o y a l e s , &

d e l'Inquifition , d o n t

le Tribunal

de

celle

Cartha-

g è n e n o m m e l e s Officiers. L a C a t h é d r a l e & t o u s les

Couvens

font

ait d e s H a b i t a n s un

qui

nous

n'y

allure

mène que

de

pierre.

riches & une vie l'opulence

répond point à l'opinion

Quoique

qu'il aifée,

Panama

n'y e n ait Don

d e cette

pas

d'Ulloa Ville

qu'on a d e fon

Se com-


D E S

V O Y A G E S .

429

m e r c e . L'arrivée des Galions à Porto-Bello d é c i d e d u principal c o m m e r c e d e P a n a m a .

Non-feule­

m e n t c'eft d a n s c e t r e V i l l e q u e l ' A r m a d i l l e

du

P é r o u v i e n t d é b a r q u e r f o n t r é f o r , m a i s e l l e fert aufli d ' e n t r e p ô t a u x m a r c h a n d i f e s q u i r e m o n r e n t la Chagre-, & c e trafic eft d'un g r a n d

avantage

p o u r l e s H a b i t a n s . C e p e n d a n t l e u r profir n e c o n ­ fitte q u e d a n s l e l o y e r d e s m a i f o n s , le frais d e s b â t i m e n s , & la

fourniture

des mules & des N è ­

g r e s , qui v o n t p r e n d r e les marchandifes à C r u c è s , p o u r les tranfporter à P a n a m a par u n c h e ­ min coupé

à p i c fur p i e r r e v i v e , q u i

l e s C o r d e l i è r e s , fi reflerré e n d i v e r f e s

traverfe endroits,

q u ' u n e b ê t e d e c h a r g e y paiTe à p e i n e l e c o r p s &

n'y m a r c h e

extrême

point

avec u n e charge

un

danger.

D a n s d'autres t e m p s , P a n a m a de

fans,

voir aborder

quantité

n e Iaifie

d'Etrangers

dans

m u r s ; l e s u n s q u i arrivenr d ' E f p a g n e p o u r dans les Ports

d e la m e r

du

Sud,

point fes

palier

&

d'autres

qui reviennent des mêmes Ports, pour

retour­

n e r e n E u r o p e . Il faur y j o i n d r e l'abord

conti­

n u e l d e s bathvieiis q u i a p p o r t e n t l e s d e n r é e s d u P é r o u , telles q u

e

des f a r i n e s , d e s v i n s , d e s e a u x -

d e - v i e , du fucre, d

u

favori, du f a i n - d o u x , de^

h u i l e s , d e s o l i v e s , 8cc. & l e s vailTeaux d e G u a y a quil

qui

apportent du

cacao,

& d'autres p r o d u c t i o n s d e l

a

du

quinquina,

Province de Quito.

TierraFirme.


430

H I S T O I R E

G É N É R A L E

L e prix d e c e s d e n r é e s varie b e a u c o u p . Quel*? Tieita-

q u e f o i s l e s P r o p r i é t a i r e s en p e r d e n t u n e p a r t i e ,

Firme.

& d'aurres fois ils g a g n e n t trois p o u r u n , v a n t l e plus o u m o i n s d ' a b o n d a n c e .

fui-

L e s farines

f o n t fujettes à fe c o r r o m p r e , par la t r o p g r a n d e chaleur-, l e s v i n s §c les e a u x - d e - v i e dans

les j a r r e s ,

poix : le

&

contractent

f a i n - d o u x fe f o n d

s'échauffent

une

& fe

odeur

de

convertit

en

t e r r e . E n u n m o t , h" les profits font g r a n d s , les r i f q u e s l e f o n t e n c o r e plus. Il v i e n t suffi à P a ­ n a m a , par l e s b a r q u e s d e la c ô t e , d u p o r c , d e la v o l a i l l e , d e la v i a n d e falée & appelle d'autres poutvue

Tajfajo,

des

platanes,

alimens , dont par

cette

f l o t t e s , l e s vaifîeaux

féchée,

la V i l l e

voie.

Hors

qu'on

des racines, eft du

fort

bien

temps

du Pérou & d e

&

des

Guayaquil

s'en r e t o u r n e n t o r d i n a i r e m e n t à v i d e . Q u e l q u e ­ f o i s ils p e u v e n t c h a r g e r d e s N è g r e s . P a n a m a

eft

e n pofielTion d'un C o m p t o i r p o u r ce- c o m m e r c e , o ù l e s N è g r e s font a m e n é s l o r f q u e l'Afîiente eft ouverte,

& d ' o ù ils font diftribués

l e s patties d e T i e i r a - F i r m e & du

dans

toutes

Pérou.

C'eft

une prérogative du Préfident, de pouvoir m e t t r e tous l e s ans à un o u d e u x vaift'eaux, p a l i e r à S o n f o n a t e , à R é a l e j o , o u dans

per­ de

d'autres

P o r t s d e Guatimala & d e la N o u v e l l e - E f p a g n e , fous p r é t e x t e d'y c h a r g e r d e la p o i x , d u G o u ­ dron

&

des

cordages

pour

les

bâiimens

q"*


D E S

V O Y A G E S .

431

trafiquent à P a n a m a , & d'y tranfporter l e s d e n ­ r é e s d u P é r o u , d o n t ' o n n'a p u t r o u v e r l e d é b i r .

Tierra-

M a i s il eft rare q u e c e u x à q u i c e t t e p e r m i f f i o n

Finuc.

eft a c c o r d é e , r e v i e n n e n t d i r e c t e m e n t à P a n a m a . La m e i l l e u r e partie d e l e u r c a r g a i f o n c o n l i f t e o r ­ d i n a i r e m e n t e n i n d i g o , qu'ils p o r t e n t à G u a y a q u i l , o u d a n s d'autres

P o r t s plus au S u d .

U n d e s plus g r a n d s a v a n t a g e s d e Panama eft la p ê c h e d e s p e r l e s , q u i fe fait a u x Ifles d e f o n Golfe , fur-tout à celles d u R o i & d e

Taboga.

Il y a p e u d habitans q u i n ' e m p l o i e n t un c e r ­ tain n o m b r e d e N è g r e s à c e t t e p r é c i e u f e La

méthode

Golfe elle

n'eft

Perfique

eft

plus

pas différente

de

pêche.

celle

du

& d u C a p d e C o m o r i n -, m a i s dangereufe

par la

multitude

de

m o n f t r e s , q u i f o n t la g u e r r e a u x P ê c h e u r s . C'eft d a n s les l i e u x o ù fe fait c e t t e p ê c h e q u e fe t r o u ­ v e n t t o u j o u r s e n plus g t a n d n o m b r e l e s Requins

,

q u i d é v o r e n t e n un inftant l e s m a l h e u r e u x P l o n ­ g e u r s qu'ils p e u v e n t

faifir.

L e s Mantas,

autre

e f p è c e d e m o n f t r e s , o n t l'art d e les e n v e l o p p e r de

leurs

corps & d e les étouffer,

écrafer c o n t t e l e

fond,

ou de les

en fe lailîanr t o m b e r fur

e u x d e t o u t e leur pefanteur. C e poilTon v o r a c e , qui tire f o n n o m d e f tend

en effet

joint

un h o m m e ,

l'enveloppe

a

figure

eft l a r g e , & s'é­

c o m m e u n e p i è c e d e draps. S'il o u quelqu'autre

animal , il

& l e roule dans f o n c o r p s

comme


432

H I S T O I R E

G É N É R A L E

dans une couverture , &

bientôt

Tierra-

f o r c e d e l e prefîer. Il r e f i e m b l e

Firme.

il- eft i n f i n i m e n t

plus

gros.

il l'étouffé

â

à la r a i e , m a i s

P o u r fe

défendre

c o n t r e d e s e n n e m i s ii r e d o u r a b l e s , c h a q u e P l o n ­ g e u r eft fort

armé

d'un

grand

coureau

tranchanr.

Dès

qu'il a p p e r ç o i t

poinru , un d e

& ces

m o n f t r e s , il l'attaque par q u e l q u e e n d r o i t

dont

il n'ait p o i n t à c r a i n d r e d e b l e l l u r e , & l u i e n ­ fonce

fon

couteau

dans l e

corps. Le

monftre

n e fe fent pas p l u t ô t b l e f ï é , qu'il p r e n d la fuiteL e s Caporaux N è g r e s , qui ont l'infpection l e s autres

efclaves,

l'approche

de

veillent

de

leur

fur

barque

ces cruels a n i m a u x , &

ne

à

man­

q u e n t p o i n t d'avertir les P l o n g e u r s , e n

fecouant

une

Souvent

corde

qu'ils o n t autour d u

u n C a p o r a l fe j e t t e

corps.

l u i - m ê m e dans les

flots»

a r m é aufîi d'un c o u t e a u , p o u r f e c o u r i r l e P l o n ­ g e u r qu'il v o i t e n d a n g e r : m a i s c e s n'empêchent

point

qu'il

n'en

précautions

périlîe

toujours

q u e l q u e s - u n s , & q u e d'autres n e r e v i e n n e n t

ef-

t r o p i é s d ' u n e j a m b e o u d'un bras. L e s E f p a g n o l s cherchent le m o y e n d e rendre cette pêche fure,

par q u e l q u e

m a c h i n e qui puifle

l e s p ê c h e u r s , o n les m e t t r e à c o u v e r t .

défendre Jufqu'à

p r é f e n t t o u t e s les i n v e n t i o n s o n t m a l réuffi. perles d u Golfe de Panama font

figure.

Les

ordinairement

d e très-belle eau. Il s'en t r o u v e d e par l e u r g r o i î e u r & l e u r

plus

remarquables

U n e parrie

eft

tranfportée


D E S tranfportée ble

V O Y A G E S .

433

e n E u r o p e - , m a i s la p l u s

palle à

Lima , o ù elles

recherchées , &

dans les

font

confidéra-

extrêmement

Provinces

intétieures

du Pérou. Aurrefois

on

tirait

de

Tierra F i r m e , ce qui

l'or

des

n'augmentait

mines

pas peu. l e s

r i c h e l l e s d e P a n a m a . L e p l u s fin v e n a i t d u

Da-

r i e i r , m a i s , d e p u i s la r é v o l t e d e s A m é r i c a i n s q u i fe font r e n d u s m a î t r e s d e la plus g r a n d e

partie

d e c e t t e P r o v i n c e , l e travail efl a b a n d o n n é ,

ou

fe réduit à q u e l q u e s mines des frontières. C e l l e s de

Veraguas

&

du

quoique

moins

f o n t pas

poulïées

pays

expofées

même aux

de

Panama ,

incurfions ,

a v e c plus d e

vigueur,

n'en parce

q u e l'or y eft m o i n s a b o n d a n t qu'au D a r i e n ,

&

d'un

aloi fort

i n f é r i e u r , fans

mer

produifant

beaucoup de

comprer perles,

que

les

habi­

tans d u pays o n t plus d e g o û t p o u r c e t t e p ê c h e , dont

l e s frais

font

moindres

&

l e profit

plus

certain. O u t r e l'argent Ville

de

que le c o m m e r c e

Panama,

attire

il s'y fait a n n u e l l e m e n t

remile conlidérable d e

deniers Royaux ,

à" la une qu'on

y e n v o i e d e L i m a p o u r le p a i e m e n t d e s t r o u p e s , des ciers tire

Officiers d e l ' A u d i e n c e , & des autres du de

Roi.

Les

revenus

Panama m ê m e ,

n

e

que

ce

f [nfent

pas

u

tant d e m o n d e e m p l o y é à f o n f e r v i c e .

Tome

XII.

Offi­

Monarque

E e

pour

Tierra» Firme.


434

H I S T O I R E '

G É N É R A L E

L e s V o y a g e u r s r e m a r q u e n t q u e c'eft à P a n a m a Tierra-

qu'on

Firme.

C e p e n d a n t l ' h a b i l l e m e n t d e s f e m m e s eft d i f t i n g u é

c o m m e n c e à fuivre les m o d e s du Pérou.

par q u e l q u e s

ufages qui leur

eft c o m p o f é , l o r f q u ' e l l e s rues , d'une

mante

&

font propres.

Il

v o n t à p i e d dans l e s

d'une

jupe

affez

fem-

b l a b l e s à celles' d ' E f p a g n e . M a i s , d a n s leurs m a i f o n s , & d a n s l e u r s vifites , chemife

elles n'ont

que

d e p u i s la c e i n t u r e jufqu'au c o u .

la.

Cette

c h e m i f e a d e g r a n d e s m a n c h e s , o u v e r t e s par l e bas,

&

ces o u v e r t u r e s ,

comme

celle

du

col,

fonr g a r n i e s d e m a g n i f i q u e s d e n t e l l e s . E l l e s p o r t e n t d e s ceintures a u - d e l l u s des h a n c h e s , & cinq

ou

fix c h a p e l e t s d e d i f i é r e m e e f p è c e , r é g u l i è r e m e n t pendus corail

au c o u , l e s uns d e p e r l e s , d'autres mêlé

d e g r a i n s d'or ;

ont

deux

des

reliquaires. Leurs

& pardeffus

o u trois c h a î n e s d ' o r ,

d'où

poignets

b r a f f e l e t s , d'or o u d e t o m b a c ,

font

de

elles

pendent ornés

au-delTus

de def-J

«quels e l l e s o n t u n a u t r e bralTelet d e p e r l e s , d e corail

o u d e jais. L e u r j u p o n , q u i p r e n d

la c e i n t u r e , n e l e u r mollets.

defcend

q u e jufques

D e - l à , jufqu'aflèz près d e la

d u pied , régne un cercle

fouliers.

peuvent

à

aux

cheville

d e larges d e n t e l l e s ,

q u i p e n d e n t d e la j u p e d e d e f f o u s . des

ou

Les Métives &

Elles portent

les N é g r e f l e s

p o r t e r la m a n t e , ni la j u p e .

Ce

ne font

d e s h a b i l l e m e n s r é f e r v é s a u x E f p a g n o l e s , à q u i ce


D E S privilège

V O Y A G E S .

donne

celui

S'ignora j q u a n d

elles

de

435

prendre le

ne

l'auraient

titre point

de par

l e u r rang o u l e u r naiflance.

Firme.

L e c l i m a t d e P a n a m a dirlere plus d e c e l u i d e C a r t h a g è n e , q u e l'on n e pourrait le p e n f e r

d e (i

p e u d ' é l o i g n e m e n t . L'été y c o m m e n c e plus tard & finit

plus

t ô t , parce q u e les brifes y f o n t

plus

tardives & qu'elles durent moins. Il f e m b l e être

que le

extrêmement

terroir

de

Panama d e v r a i t

f e r t i l e . Auflî

h attribue-t-on

la d i f e t t e , q u i o b l i g e l e s habitans d e tirer t o u t e s l e u t s p r o v i s i o n s d u P é r o u , qu'à leur a v e r f i o n p o u r t o u t autre e x e r c i c e q u e l e n é g o c e . O n n ' a p p e r ç o i t p o i n t d'autres traces d e c u l t u r e , aux e n v i r o n s d e c e ' t e V i l l e , q u e c e l l e s d o n t la N a r u r e v e u t

bien

faire les frais. L'intérieur

de

l'Ifthme

contient

peu

d'bsbi-

tans i n d i g è n e s . C'eft d u c ô t é d e la m e r d u N o r d , fur-tout

aux b o r d s

des rivières, qu'on en voie

l e p l u s g r a n d n o m b r e . C e u x d e la C ô t e dd S u d , qui

n'ont pas

mieux

a i m é fe

été

détruits

par l e s a r m e s ,

retirer v e r s l e s Pays p l u s

dionaux , que de f

e

foumettre

C e p e n d a n t il n'y a p : 0

n t

Tierr?.-

ont

Méri­

au j o u g E f p a g n o l .

d e partie

de l'Ifthme,

o ù l'on n e t r o u v e d e s A m é r i c a i n s difperfés ,

&

l e u r s u f a g e s différant p e u d e c e u x d e s autres P r o ­ vinces d e T ï è r r a - F i r m e , peuvent être compris tous Fous l e m ê m e article.

Ee

ij


436

H I S T O I R E

G É N É R A L E

L a taille o r d i n a i r e d e s h o m m e s eft e n t r e - c i n q 'TierraFirme.

& fix p i e d s . Ils f o n t d r o i t s & d ' u n e portion.

La

plupart

poitrine large. O n

belle

pro­

ont les os fort gros &

n e leur r e m a r q u e jamais a u ­

c u n e a p p a r e n c e d e d i f f o r m i t é naturelle•; c e l e s a fait a c e u f e r d ' a b o r d , geurs , de narïïent

fe d é f a i r e

par

d e leurs

connaît , cette

enfans

barbarie

p r o u v é e . Ils f o n t l o u p l e s , la

courfe. L e s

g r a d e s dès

lorfqu'ils

n'a

depuis pas

été

vifs & fort l é g e r s à

f e m m e s font p e t i t e s &

leur j e u n e d e ,

qui

quelques Voya­

a v e c q u e l q u e s d é f a u t s •-, m a i s ,

qu'on les

la

épailles-,

mais b i e n faites d a n s

l e u r e m b o n p o i n t , q u i n'ôte t i e n à la beauté leur

taille.

Elles

ont

l'œil v i f ,

Se l e

de

regard

a g r é a b l e . En g é n é r a l , les d e u x f e x e s o n t le v i f a g e r o n d ; l e n e z c o u r t & é c t a f é ; les y e u x g r o s fort b r i l l a n s , q u o i q u e

gris -, le f r o n t é l e v é -, l e s

dents blanches & b i e n r a n g é e s ; les lèvres 1a b o u c h e p e t i t e , & l e

menton bien

Ils o n t t o u s l e s c h e v e u x fi

l o n g s , qu'ils

jufqu'au

milieu

fines;

formé.

n o i r s , très-forts

leur d e f e e n d e n t

longueur.

&

ordinairement

d u d o s . L e s F e m m e s fe l e s a t ­

t a c h e n t a v e c un c o r d o n , fur la n u q u e d u c o l "& les h o m m e s

Se

3

l e s laideur p e n d r e d e t o u t e leur

L e s d e u x fexes o n t , p o u r fe p e i g n e r ,

u n i n f i n i m e n t d e b o i s c o m p o f é d e plufieurs petits b â t o n s , l o n g s d e cinq à fix p o u c e s , 8: p o i n t u s d e s d e u x c ô t é s , c o m m e les bâtons d e nos gantiers :


D E S ils e n l i e n t

V O Y A G E S .

dix

437

o u d o u z e e n f e m b l e par

le

mi­

l i e u -, & l e s e x t r é m i t é s s'écartant a v e c les- d o i g t s ,

Tieira-j

chaque

Firme..

bout

l e u r fért d e

peigne.

O n juge

plailîr qu'ils p r e n n e n t à fé p e i g n e r , par l e t e m p s qu'ils y e m p l o i e n t -, c'ëft u n e x e r c i c e qu'ils pètent la

piufieurs fois l e j o u r . M a i s ils s'arrachent-

barbe &

paupières partage entre

ré­

tout autre

&

téfèrve

des

d e s fourcils. C e t t e o p é r a t i o n eft

des

deux

p o i l , à la

femmes.

Elles

petits b â t o n s ,

adroirement. Les

prennent

&

hommes

les

les

arrachent

fe f o n t

le

poils fort*

couper

auffî

l e s c h e v e u x dans q u e l q u e s o c c a f i o n s , t e l l e s q u ' u n e victoire

fut

quelque

ennemi

qu'ils o n t tué

l e u r p r o p r e m a i n . Ils y a j o u t e n t u n e a u t r e m a r q u e * d'honneur, de

qui'eft

noir. U n

d e fe

homme

p e i n d r e t o u t le

corps?

n o i r c i , & fans c h e v e u x ,

palîe entr'eux p o u r un H é r o s . Mais c e g l o r i e u x état n e d u r e q u e d e p u i s l e j o u r d e l ' e x p l o i t j u f ­ qu'à la p r e m i è r e L u n e -, & l e V a i n q u e u r d é s h o n o r é , s'il ne faifait p a s d i f p a r a i t t e fa n o i r c e u r ,

&

s'd

n

e

laillait

pas

ferait

aulïï-tôt

croître

fes,

cheveux. L e u r t e i n t naturel eft c o u l e u r d é c u i v r e c l a i r ^ o u d ' o r a n g e f e c h e . L e u r s fourcils o n t la n o i r c e u r , d u jais. Ils n e l e s t e i g , frottent,

c o m m e leurs

l e n c

p i 0

n t

-, m a i s ils fe l e s

cheveux , avec une

d ' h u i l e q u i les r e n d fort l u i f

a n s

forte,

. Wafter , Zaratç-

& d'autres V o y a g e u r s , p a r l e n t d ' u n e race d'Ame? E

e

ii$


438

H I S T O I R E

G É N É R A L E

ricains-blancs , & a t t e l l e n t tous c e u x q u i ont fait TierraFirme.

l e v o y a g e d e l'>fthme. A la v é r i t é , l e n o m b r e d e c e s blancs n'eft pas c o m p a r a b l e à c e l u i d e s h o m m e s c o u l e u r d e c u i v r e . D ' a i l l e u r s leur p e a u n eft pas d'un b l a n c d e c a r n a t i o n

c o m m e celle des E u r o ­

p é e n s , c'eft plutôt u n b l a n c d e lait , & c e qu'il y a d e plus furprenant , c'eft qu'ils o n t totir c o u v e r t &

Ci fin ,

p e a u (a)

le

corps

d'un d u v e t d e la m ê m e b l a n c h e u r , qu'il

n'empêche

point

de

voir

la

L e s h o m m e s auraient la barbe b l a n c h e ,

s'ils la laiiïaient c r o î t r e . Ils Ce l'arrachent -, m a i s j a m a i s ils n ' e n t r e p r e n n e n t d ' ô t e r le d u v e t . Us o n t les

fourçils

peau ;

&

&

pouces ,

les

c h e v e u x auffi blancs

leurs c h e v e u x paraiilent

frifés.

longs

de

Ces

fept

q u e la à huit

Américains

font

m o i n s gros que lesautres. W a t l e r a j o u t e , c o m m e Un autre fujet d ' é t o n n e m e n t , q u e leurs f o u r c i l s f o n t c o u r b é s e n arc , & f o r m e n t un croiflant q u i a la p o i n t e e n - b a s . Il n e f a i t , d i t - i l , Ci c'ell par cette

raifon qu'ils

nuit,

pour

peu

voient

que

fort

clair p e n d a n t

la l u n e j e t t e d e

lumière;

m a i s ils o n t alors la v u e fi b o n n e , qu'ils guent

(a) Albinos, langes.

un

o b j e t d e fort l o i n . A u l E l e u r

C'eft

l'efpcce

dont M.

DE

nommée

par

VOLTAIRE

la

diftindonne»

les Efpagnols ,

parle dans tes M.ô>


D E S

439

V O Y A G E S.

t-on » d a n s l e p a y s , u n n o m q u i (ïgnifie yeux la Lune. tenir

Leurs y e u x

de

f o n t t r o p faibles p o u r f o u -

Tierra-

la l u m i è r e d u S o l e i l ; & l'eau q u i e n d é ­

g o u t t e fans c e f f e , l e s o b l i g e d e fe t e n i r r e n f e r m é s dans

leurs

m a i f o n s , d ' o ù i l s n e forrent qu'à la

fin d u j o u r . Ils n e f o n t pas fi robulf es q u e l e s autres. A m é r i c a i n s , n i c a p a b l e s d'aucun e x e r c i c e v i o l e n t ; c e p e n d a n t , l o r f q u e la nuit a p p r o c h e , ils r e n o n ­ c e n t à leur i n d o l e n c e , p o u r aller c o u r i r dans l e s bois. O n vante

b e a u c o u p leur

l é g è r e t é . Si l e s

h o m m e s c o u l e u r d e c u i v r e , f o n t p e u d e cas d ' e u x , ils r e n d e n t l e c h a n g e à c e u x q u i l e s m é p r i f e n t s c e q u i n ' e m p ê c h e p o i n t q u e les d e u x races n'aient quelquefois

des

communications

fort

intimes,

.Waffer v i t u n fruit d e c e c o m m e r c e . . T o u s l e s habitans d e c e t t e c o n t r é e a i m e n t à f e peindre le corps d e diverfes d e n t pas m ê m e

figures,

& n'atten­

q u e leurs enfans f o i e n t e n état

d e m a r c h e r , p o u r l e s parer d e c e t o r n e m e n t . I l s f e f o n t deffiner lement

fur t o u t e s l e s parties , p r i n c i p a ­

fur l e v i f a g e , d e s o i f e a u x , d e s h o m m e s

& d e s a r b r e s . C'eft d e l e u r s f e m m e s qu'ils r e ç o i ­ v e n t ce fervice. L e s couleurs qu'elles font le rouge , l une

forte

e

j

d'huile

s

a U

emploient,

n e & le b l e u , délayés

avec

dont elles o n t toujours u n e

p r o v i f ï o n . Elles o n t d e s p i n c e a u x , q u i l e u r f e r v e n t à

tracer

fe

foutienc

d e s figures f

Ur

i

a

pendant q u e l q

p

e a u

u e s

. Cette

peinture

f e m a i n e s , & 112. E

e

iy

Firme.


440

H I S T O I R E

G É N É R A L E

d e m a n d e q u e d'être rafraîchie , lorfqu e l l e c o m ­ Tierra-

mence

Firme.

dangereufe ,

à fe

ternir. ne

fit

W a r i e r , dans u n e pas difficulté d e

occafion fe

laiffer

p e i n d r e à la m a n i è r e d e s A m é r i c a i n s , p o u r fe c o n c i l i e r leur a m i t i é . N o u s partie d e

fa

rranfcrirons ici

relation , qui joint

une

à l'intérêt d e s

é v é n e m e n s , q u e l q u e s détails c u r i e u x fur l e s p r o ­ priétés

du

pays , & les divers ufages des

ha­

bitans. W a f t e r , Chirurgien deprofeffion , & du n o m bre des avanturiers,

q u i a v a i e n t fuivi

Sharp

du

dans

la

mer

Sud ,

le pirate

jugea ,

comme

D a m p i e r r e & q u e l q u e s autres d e leurs c o m p a g n o n s , q u ' i l valait m i e u x repalier l'Ifthme au travers d e m i l l e d a n g e r s , q u e d e d e m e u r e r fous la c o n d u i t e d'un C h e f a u q u e l ils n'avaient

pas r e c o n n u plus

d e capacité q u e d e c o u r a g e . A p r è s q u e l q u e s j o u r s d e marche j un accident fâcheux prélude

de beaucoup

fut p o u r lui le

d'infortunes. Mais on

re­

g r e t t e r a i t d e n e l e s pas l i r e d a n s l e récit m ê m e du

Voyageur. u C'était, d i t - i l , le

waffis

fur

la

5 de

Mai 1687.

t e r r e , près d'un d e n o s

J'étais

Anglais,

» q u i faifait f é c h e r d e la p o u d r e à c a n o n fur u n e w a f h e t t e d'argenr. Il s'entendait fi mal à m a n i e r » la

poudre ,

q u e l e feu y

prit , & m e

brûla

* ! e g e n o u x jufqu'à d é c o u v r i r l'os. J'y a p p l i q u a i • auffi-tôt d e s r e m è d e s ; & , n e v o u l a n t pas d e -


D E S

V O Y A G E S .

441

w m e u r e r d e r r i è r e m e s c o m p a g n o n s , j e l e s fuivis d o u l e u r s . Tierra33 M a i s n o s efclaves s ' e n f u i r e n t , après n o u s a v o i r Firmc. » pendant deux

jours

avec d e vives

» v o l é s •, & l e N è g r e q u i m e fervair , ayant e m > » porré m e s d r o g u e s a v e c m e s h a r d e s , je m e v i s » p r i v é d e s fecours nécefTaires 33 m a l a u g m e n t a , & m e

à m a plaie. M o n

m i t b i e n t ô t dans l'ini-

33 puiflance d e fuivre les autres. N o u s a v i o n s d é j à » perdu

deux

nSpratlin

&

s> a v a i e n t

de

nos

compagnons

Guillaume

Bowman

,

q u i t t é s . T o u t e la C o m p a g n i e

D> fariguée

q u e , p o u r s'encourager

» autres , o n r é g l a q u e

ceux

Robert

, qui

nous

étair fi

les uns les

qui ne pourraient

33 c o n t i n u e r la r o u t e , feraient tués fans p i t i é , d a n s » la crainte q u e , s'ils t o m b a i e n t e n t r e l e s m a i n s » d e s E f p a g n o l s , o n n e l e u r arrachât , par d e s wfupplices, l e f e c r e t d e notre marche. Mais cette so r i g o u r e u f e o r d o n n a n c e n e fut p o i n t e x é c u t é e , » & l'on fe c o n t e n t a d e m ' a b a n d o n n e r à la m e r c i w d e s S a u v a g e s , a v e c M . Gobfon a» n o m m é Jean Hinglon oo c o m m e m o i , à l

a

3

, & un m a t e l o t ,

qui avaient

fuccombé,

fatigue d u c h e m i n .

» Quelques Américains, dont nous nous vîmes 33 forcés

d'implorer

le fecours,

entreprirent d e

si guérir m a plaie. Ils m â c h è r e n t d i v e r f e s h e r b e s , » d o n t ils firent u n e e f p è c e d e pâte , qu'ils é r e n » d i r e n t fur u n e f e u i l l e d e plantain ; Se c e c a t a .•plafme

fut a p p l i q u é fur l e m a l . D a n s

l'efpace


442

H I S T O I R E

»de TierraFirme.

G É N É R A L E

d e u x jours , je m e trouvai foulage. Mais i

» fi n o s h ô t e s a v a i e n t

marqué

d e l ' h u m a n i t é fur

33ce p o i n t , n o u s é t i o n s p e u fatisfaits d e s a l i m e n s a» q u e n o u s r e c e v i o n s d ' e u x . Ils n e n o u s

faifaient

» m a n g e r q u e d e s platanes v e r d s . C e p e n d a n t «jeune

Américain

un

fe d é r o b a i t q u e l q u e f o i s à la

» vue des autres, pour nous en donner de mûrs. » Il avait é t é pris d a n s f o n e n f a n c e , par l e s 3>pagnols , a v e c l e f q u e l s il avait d e m e u r é 3 3 l o n g - t e m p s , pour 33 l'amour

de

3> m o y e n 53 n o u s

de

apprendre leur langue-,

fa f a m i l l e l u i fe

favions

fauver d e un

Efallez

peu

avait fait t r o u v e r leurs mains.

d'Efpagnol

&

& le

Comme quelques

» m o t s d e fa l a n g u e , q u e n o u s a v i o n s appris e n sa n o u s

r e n d a n t d e la m e r d u N o r d

» S u d , il n'eut pas 33 t e n d r e

à nous

faire

du en-

q u e fes c o m p a t r i o t e s n'étaient pas auiTt

»méchans 33 &

de peine

à celle

que nous

q u e , s'ils n o u s

pouvions nous

l'imaginer,

traitaient

un peu

avec

de

33 r i g u e u r , c'était p o u r n o u s punir d ' a v o i r e n l e v é s» plufieurs h a b i t a n s d a n s n o t r e p r e m i e r palTage , a) & d e l e s a v o i r f o r c é s d e n o u s fervir d e g u i d e s » pendant les

p l u i e s . En

s» n'alla

jufqu'à

33 m a

point

effet,

leur

vengeance

l e s faire c e l f e r d e

panfer

plaie avec les m ê m e s h e r b e s , & ce r e m è d e

u r n e guérilîait à v u e 33 J'étais aoSpradin

en

état

de

d'œil. me

promener , lorfque

Se B o w m a n , q u i n o u s a v a i e n t l a i l l é s ,


D E S

V O Y A G E S .

© n o u s furprirent agréablement a» Ils

nous dirent q u e ,

443

par l e u r a r r i v é e ,

rebutés d e

m a r c h e r fans

» g u i d e s , au rravers d e s b o i s , & d e n e fubfifter »que

TierraFirme.

d e q u e l q u e s platanes , q u e l e hafard l e u r

» faifait

rencontrer ,

ils

s'étaient

déterminés

à

» p r e n d r e u n c h e m i n qu'ils a v a i e n t r e c o n n u , a u wrifque

de

tous les

mauvais

traitemens

qu'ils

» pouvaient craindre des Américains. Je leur réx> p o n d i s

qu'ils

ne

devaient

pas

efpérer

d'être

» m i e u x traités q u e n o u s , & q u e l e u r v i e m ê m e , » non

plus q u e

la n ô t r e , n'était p a s e n fureté ,

» parce q u ' o n n'avait pas e n c o r e e u d e n o u v e l l e s s>des g u i d e s q u e n o s A n g l a i s avaient e n l e v é s . «En

effet , t o u s les h a b i t a n s

» voyant » tendu

du

canton

ne

pas r e v e n i r leurs a m i s , après a v o i r a t long-remps

te t i e n c e , &

tinrent

59 v e n g e a n c e qu'ils

leur r e t o u r , perdirent pâ­ plufieurs f o i s c o n f e i l fur

devaient

tirer

de nous.

la Les

a » u n s p r o p o s a i e n t d e n o u s ô t e t la v i e , les a u t r e s » de

nous

garder parmi

s>de nous livrer «naiffaient l

a

& d'autres , dont

enfin

ils c o n -

h a i n e p o u r n o u s . M a i s , c o m m e ils

» n e l e s haïfïaienr

j>rejette,

eux,

aux E f p a g n o l s

pas m o i n s , c e d e r n i e r avis fut

& l e réfultat d e l e u r s d é l i b é r a t i o n s fut

s> d e n o u s a c c o r d e r

e n c o r e d i x j o u r s , après

lef-

a» q u e l s ils r é f o l u r e n t d e n o u s b r û l e r v i f s , fi l e u r s «amis • parut

n e reparaiffaient -

pas. N o t r e

perte

c e r t a i n e , car n e u f j o u r s s'étant

nous

écoulés,


444

H I S T O I R E

« f a n s qu'ils TierraI'irme.

G É N É R A L E

e n t e n d i r e n t parler d e s g u i d e s ,

»ne

dourerent point

que

»les

euffenc a f l a i ï ï n é s , &

nos

ïfs

compagnons

ne

l e b û c h e r fut préparé

» p o u r l e j o u r fuivant. Ils d e v a i e n t l'allumer après » l e c o u c h e r d u S o l e i l , & n o u s y j e t t e r auffi-tôr. s» H e u r e u f e m e n t

leur

Chef , nommé

Lacenta

,

« f u t informé d e leur réfolution , & les détourna » d e c e t t e c r u a u t é . II l e u r c o n f e i l l a d e n o u s faire w d e f c e n d r e v e r s la c ô t e , a v e c d e u x A m é r i c a i n s , » q u i s ' i n f o r m e r a i e n t d u fort d e s autres. C e t a v i s » fut a p p r o u v é . O n n o u s a c c o r d a d e u x

hommes,

» avec lefquels nous nous mimes joyeufement en 33 chemin , » nos

parce q u e n o u s é t i o n s p e r f u a d é s q u e

c o m p a g n o n s ^n'avaient

fait

aucun

mal à

» leurs guides. » P e n d a n t rrois j o u r s , n o u s n e fîmes q u e tra* »verfer

des

marais

bourbeux , avec une

pluie

» c o n r i n u e l l e . Il fallut palier l e s d e u x p r e m i è r e s » nuits fous d e s a r b r e s , d o n t c h a q u e f e u i l l e était •» u n . r u i f ï e a u q u i c o u l a i t fur n o u s , & la t r o i i î e m e , 5 0 f u r u n e p e t i t e m o n t a g n e , q u e la g r a n d e q u a n » tiré d ' e a u , d o n t n o u s n o u s v î m e s e n v i r o n n é s fe to l e n d e m a i n , n o u s

fit

prendre pour

une

Ifle.

» N o s p r o v i l î o n s d e v i v r e s , q u i n'étaient q u ' u n e 33 p o i g n é e s» t r o i l î e m e 3>aufîî

de

maïs ,

jour.

preflés

furent c o n f u m é e s

Alors

que nous

les

deux

dès

le

Américains ,

par la f a i m , p r i r e n t Tè

a» parti d e n o u s a b a n d o n n e r ;


D E S

V O Y A G E S .

445

» N o u s d e m e u r â m e s dans un m o r t e l embarras. < s> La p l u i e c é d a le j o u r fuivant ; & l e s e a u x n'ayant

Tierra»

» pas tardé à s'écouler , n o u s m a r c h â m e s d u c ô t é

Firaie.

m d u N o r d , jufqu'au to . p r o f o n d e ,

b o r d d'une

rivière

& large d'environ quarante

trèspieds.

v> Il était fix h e u r e s d u m a t i n -, n o u s a p p e r ç û m e s » f u r îa r i v e , u n g r a n d a r b r e , q u i paraidait a v o i r a» été n o u v e l l e m e n t abattu à c o u p s d e h a c h e , Se « q u i s'étendant d'un b o r d d e la r i v i è r e à l ' a u t r e , » formait «Nous

u n e e f p è c e d e p o n t p o u r la t r a v e r f e r . jugeâmes

que

c'était

l'ouvrage d e

nos

» c o m p a g n o n s , o u q u e d u - m o i n s ils a v a i e n t f u i v i «cette

route. N o t r e première

» palier

la

rivière , &

de

r é f o l u t i o n fut d e

marcher

fur

leurs

3-> traces. N o u s pafsâmes à la file , fur u n p o n t q u e »Ies

p l u i e s a v a i e n t r e n d u fi gliflant , q u e n o u s

s) e û m e s

beaucoup

de

peine

à n o u s f o u t e n i r -,

« m a i s envain cherchâmes-nous quelques vertiges » de

nous avaient

p r é c é d é s ; la t e r r e

33 était c o u v e r t e d e b o u e , &

ceux qui

toute inondée des

35 d e r n i è r e s

pluies. N o u s

n'en f û m e s

pas m o i n s

sa forcés d e parler la nuit dans c e l i e u -, & , l e l e n » d e m a i n , n o u s reparlâmes la r i v i è r e , p o u r f u i v r e 33 f o n c o u r s , q u i n o u s parairtait d e f e e n d r e v e r s la » m e r d u N o r d . N o u s e û m e s à t r a v e r f e r , jufqu'à j»la fin d u j o u r ,

des bois

de bambous

&

de

» r o n c e s . L e f o i r , n o u s n o u s t r o u v â m e s dans u n » accablement

de

fatigue

&

d e faim ,

auquel


446

H I S T O I R E

i> n o u s a u r i o n s TierraFiímc.

G É N É R A L E

infailliblement

f u c c o m b é , fi l é

» C i e l , q u i v e i l l a i t à n o t r e v i e , n e n o u s e û t fait » d é c o u v r i r un arbre d e M a c a , c h a r g é d e fruits : 33 n o u s

en mangeâmes

avidement , & nous e n

33 f î m e s u n e p r o v i l î o n , q u i n o u s d o n n a d e rrieilasleures e f p é r a n c e s p o u r l e j o u r f u i v a n t . » Après avoir marché d e p u i s l e lever d u Soleil,' « n o u s a r r i v â m e s , v e r s q u a t r e h e u r e s après m i d i , 9>fur l e b o r d d ' u n e

autre r i v i è r e , qui r e c e v a i t

33 c e l l e d o n t n o u s a v i o n s 33elle paraiffait c o u l e r 33 r é f o l û m e s

fuivi

la r i v e .

Comme

auiîî v e r s l e N o r d ,

nous

d e faire d e u x r a d e a u x p o u r la d e f -

B3cendre. L e s bambous creux , q u e nous

avions

3 3 a u t o u r d e n o u s , f a v o r i f a i e n t c e deff'ein. N o u s 33

en coupâmes quelques-uns, & , les

taillant

dans

« t o u t e leur l o n g u e u r , n o u s les liâmes e n f e m b l e joavec

d e s branches

de

divers

arbrifleaux. L a

3>nuit n o u s furprit avant la fin d e n o t r e t r a v a i l ; a»mais l e s fruits n e n o u s m a n q u a n t p o i n t e n c o r e , s, n o u s

é t a b l î m e s n o t r e l o g e m e n t fur u n e p e t i t e

v é m i n e n c e , c o u v e r t e d'arbres d ' u n e p r o d i g i e u f e 33grofieur. Il n o u s fut aifé d e ramaffér a l l e z d e 33 b o i s , p o u r

allumer

as m e n c i o n s

nous

wlorfqu'il

à

furvint

d u feu ; &

endormir

nous

com­

tranquillement

j

u n li f u r i e u x o r a g e , q u e l e

33 c i e l & la t e r r e f e m b l a i e n t prêts à f e c o n f o n d r e . 33 L a p l u i e fut a c c o m p a g n é e d e t o n n e r r e s » clairs , a v e c

une odeur

& d'é-

d e foufre , d o n t n o u s


D E S s> n o u s

fentîmes

» entendîmes

de

V O Y A G E S . prefque toute

447

étouffés. B i e n t ô t part

l'effroyable

nous bruit

» d e s e a u x , q u i r o u l a i e n t a v e c la d e r n i è r e i m » p é t u o ( ï t é , & la l u m i è r e d e s éclairs n o u s fit a p » percevoir

qu'elles

commençaient

à nous

en-

& tourer. En m o i n s d'une d e m i - h e u r e , elles e m s> p o r t è r e n t l e b o i s q u e n o u s a v i o n s a l l u m é . N o u s »ne

p e n f â m e s alors qu'à

la

fuite ,

&

chacun

D> c h e r c h a q u e l q u ' a r b r e fur l e q u e l il pût m o n t e r } » m a i s la c o l l i n e n'en a y a n t q u e d e fort g r o s , & » p r e f q u e fans a u c u n e b r a n c h e , il fallut r e n o n c e r » à c e t e f p o i r . J'eus l e b o n h e u r d'en » un qui

était c r e u x

» verture

à trois ou

rencontrer

d'un c ô t é , a v e c u n e

ou-

q u a t r e p i e d s d e terre. J ' y

» entrai , & j e m'afîis fur u n n œ u d qui s'y t r o u » vait.

Là , m'abandonnant

»> flexions , j'attendis l e » mens

que

je

ne

puis

a u x plus trilles

jour avec

des

ré-

mouve-

r e p r é f e n t e r -, d a n s

la

39 c r a i n t e c o n t i n u e l l e q u e m o n arbre n'eût l e fort vde

plufieurs a u t r e s , q u i é t a i e n t e m p o t t é s par la

s> v i o l e n c e

des eaux , & dont

s, t r e m b l e r . Enfin », d u j o u r ,

l e c h o c m e faifait

j'apperçus l e s p r e m i e r s r a y o n s

j e f e n t i s r e n a î t r e la j o i e d a n s m o n

» c œ u r . En effet, l

a

p l u i e & l e s éclairs c e f l e r e n t ,

» les e a u x s ' é c o u l è r e n t a l l e z v i t e , & l e S o l e i l fe » l e v a , j e fortis alors d e m a retraite , p o u r c h e r » c h e r l'endroit o ù n o u s a v i o n s fait d u f e u , d a n s »l'efpérance

d'y

retrouver

quelqu'un

de

mes

TierraFirme.


448

H I S T O I R E

«compagnons } Ticrra-

«les

échos

Firme.

« p o u t l a i pour « lî

vive , croyais

« & ,

mais

feuls

»je

G É N É R A L E je n e vis

pérfonne ,

répondirent aux

les appeïler. Ma douleur

q u e j'enviai entraînés

le

fort

de

dans c e t a c c è s d e d é f e f p o i r ,

ceux

j e m e lai fiai

par

«Gobfou

& l e s trois a u t r e s , q u i a v a i e n t leur

falut

dans

mort.

des

Cependant

arbres

,

«pcller

à

vinrent la

vie.

me

joindre

Nous

nous

&

aulîî

creux

» & q u i e n a v a i e n t été q u i t t e s p o u r l e s ai alarmes

que eaux;

«tomber

«trouvé

je

devint

par la fureur d e s

terre, comme

âi

cris q u e

t

mêmes

me

rap-

embrafsâmes

j

« l e s larmes aux y e u x , en remerciant le C i e l d e « n o t r e c o n f e r v a t i o n . N o s r a i f o n n e m e n s fur l ' i n o n » d a t i o n n o u s firent c o n c l u r e q u e , p e n d a n r

les

« g r a n d e s p l u i e s , la p e n t e d e s m o n t a g n e s f o r m a i t « d e s t o t r e n s , qui grofiiflaienr auffi-tôr les r i v i è r e s

}

« & q u e , par la m ê m e r a i f o n , l'eau n'était pas l o n g « t e m p s à difparaitre. » Nous » avions «arbre.

cherchâmes attachés

Ils

étaient

nos radeaux , que

fur la

rive ,

enfoncés

au

tronc

dans la

nous d'un

boue,

8c

« r e m p l i s ; c e q u i n o u s fir reconnairre q u e n o u s « l e s a v i o n s mal c o n f l r u i t s , car l e b a m b o u c r e u x « fe f o u t i e n t o r d i n a i r e m e n t fur l'eau. C e n o u v e a u «chagrin

n o u s ôta

l ' e n v i e d'en faire d'autres

t

« p o u r d e f e e n d r e la r i v i è r e - , 8c n o u s r é f o l û m e s , s>à t o u t e s fortes d e rifques , d e r e t o u r n e r c h e z «les

Américains,


D E S

V O Y A G E S .

"

449

w> les A m é r i c a i n s . Q u e l l e g r â c e n e r e n d î m e s - n o u s s> pas au C i e l d e n o u s a v o i r infpiré » lution , lorfcjue

nous

apprîmes enfuite

» r i v i è r e allait fe j e t t e r d a n s c e l l e » & que nous

cette réfo-

ferions

q u e la

de Chéapo ,

par c o n f é q u e n t

tombés

»au milieu des Efpagnols, dont nous ne devions » a t t e n d r e a u c u n quartier ! N o u s r e p r î m e s d o n c 53 l e c h e m i n par l e q u e l n o u s é t i o n s v e n u s . C o m m e » n o t r e u n i q u e n o u r r i t u r e , d e p u i s fept j o u r s , était » l e fruit d e maca,

& la m o e l l e d'un arbre q u e

33 les habitans n o m m e n t r> faifait c h e r c h e r 33 être

propre

bibles

,

la

faim

nous

des y e u x tout c e qui pouvait

à la l o u l a g e r . N o u s

apperçûmes

33 un d a i m q u i d o r m a i t . U n d e n o s C o m p a g n o n s , 03 d é t a c h é p o u r

l e tuer , s'en a p p r o c h a d e

fort

-

33 près , mais e n t i r a n t , u n faux pas lui fir m a n q u e r 33 fon c o u p . L ' a n i m a l , é v e i l l é

par l e b r u i t , s ' é -

33 l o i g n a l é g è r e m e n t . D a n s l e d e f l e i n d e c h e r c h e r 33 l e s h a b i t a t i o n s , il fallait s'écarter d e la r i v i è r e , 33 & c e t t e néceffité

nous expofait à nous égarer,

33 H e u r e u f e m e n t la trace d'un d e c e s p o r c s f a u 3 3 v a g e s , q u ' o n n o m m e peccarls,

nous

conduifît

33 v e r s u n e plantation. A v a n t q u e d e n o u s m o n t r e r 33 a u x habitans , d 33 mal r e ç u s ,

o n C

no

U s

nous appréhendious nous

arrêtâmes

pour

d'être tenir

w c o n f e i L O n réfolut d ' e n v o y e r vers e u x u n feul „ h o m m e , q u i ferait tiré au fort , & fljfévénememr.

Tome XII,

Le

d'attendre

fort t o m b a fur m o i - m ê m e ,

F f

TierraFirme.


450

H I S T O T R E

«qui

avais

propofé

G É N É R A L E

cette o u v e r t u r e ,

&

j'allai

Tierra-

» t r o u v e r l e s A m é r i c a i n s a v e c allez

Firme.

« fur l e t r a i t e m e n t q u e j'en r e c e v r a i s . M a i s » fut b i e n t ô t diffipée

d'incjuiémde

par l e u r a c c u e i l . U s

elle m'of-

» frirent l e u r s m e i l l e u r s a l i m e n s , 8c n ' e u r e n t pas 3 3 p l u t ô t appris l'embarras d e m e s « q u ' i l s leur envoyèrent

le

Compagnons,

jeune-homme

dont

» n o u s a v i o n s é p r o u v é l ' a m i t i é . Il les a m e n a . N o u s » s û m e s d e lui la caufe d e cet h e u r e u x c h a n g e m e n t . «Les

guides

étaient

revenus ,

«fort

de

ttoupe

A n g l a i f e , qui leur

la

« f a i t o u b l i e r , par fes

careifes

3 3 la v i o l e n c e qu'ils a v a i e n t

&

8c

fe

fes

d'abord

louaient avait

préfèns,

efluyée.

« N o u s p r î m e s fix o u fept j o u r s d e r e p o s d a n s e> c e t t e p l a n t a t i o n , après q u o i , « n o u s a p p r o c h e r d e la m e r d u 33 mit en

l'impatience Nord,

de

nous re-

marche. Les Américains , remplis alors

33 de b o n n e v o l o n t é , nous donnèrent pour g u i d e s « quatre

jeunes h o m m e s

robuffes , q u i m a r c h e -

» rent d e v a n t n o u s a v e c a f f e c t i o n . Us n o u s m e n e « renr , e n u n j o u r , au b o r d d e la r i v i è r e , o ù « n o u s e n a v i o n s m i s trois à n o u s r e n d r e . «y

t r o u v â m e s u n c a n o t , fur l e q u e l ils n o u s

Nous firent

« e m b a r q u e r ; m a i s c e fur c o n t t e l e c o u r a n t qu'ils » r a m e r e n r jufqu'au foir.

A

l ' e n t t é e d e la n u i t ,

« ils n o u s m i r e n t à t e r r e , p o u r n o u s faire

loger

3 3 dans u n e c a b a n e . L e l e n d e m a i n , n o u s p a r t î m e s «avec

deux nouveaux

rameurs , qui

s'offrirent


D E S .

V O Y A G E S .

451

« p o u r f o u l a g e r l e s p r e m i e r s . En lix j o u r s , ils n o u s « r e n d i r e n t au p i e d d'une g r a n d e h a b i t a t i o n , q u i « était la d e m e u r e & c o m m e

le Château d e La-

» c e n t a , c e m ê m e C a c i q u e à q u i n o u s a v i o n s obli" » g a t i o n d e la v i e . « Elle o c c u p e l e

fommet

d'une petite monta-

s i g n e , fur l a q u e l l e il l e t r o u v e d e s a r b r e s , d o n t « l e t r o n c a d e p u i s fix juiqu'à d i x & o n z e p i e d s » d e d i a m è t r e , a v e c u n e b e l l e allée d e p l a t a n e s и & u n fort joli b o c a g e . C e l i e u ferait d e s

plus

« a g r é a b l e s d u m o n d e , fi l'art y avait f é c o n d é la « n a t u r e . D a n s fa c i r c o n f é r e n c e , la m o n t a g n e c o n « t i e n t e n v i r o n cent arpens. C'elt une

péninfule

« d e forme o v a l e , prefque

de

environnée

deux

« g r a n d e s r i v i è r e s , d o n t l'une v i e n t d e ГЕН , l'au«tre

d u c ô t é o p p o f é , & q u i n e fonr

pas

éloi-

» g n é e s enrr'elles d e plus d e quarante p i e d s . C e r t e « l a n g u e d e t e r r e , feul c h e m i n q u i

conduit,au

« C h â t e a u , eft t e l l e m e n t embarralTée d e b a m b o u s « & d e d i v e r f e s fortes d'arbriiïeaux , q u ' e l l e р а ­ да raît i m p é n é t r a b l e à c e u x q u i n'y font pas r e ç u s ю volontairement.

C'était

dans ce lieu q u e

La-

« c e n r a faifair fa d e m e u r e , a v e c c i n q u a n t e d e fes » p r i n c i p a u x Sujets. T o u s les S a u v a g e s d e . l a C ô t e « d u N o r d , Se c e u x q u i t o u c h e n t à l ' I f t h m e v e r s « l e S u d , n e reconnaiffaient pas d'autre S o u v e r a i n . « Auffi-tôt q u e n o u s e û m e s q u i t t é n o t r e c a n o t , a» i l r e n v o y a

nos Guides à leurs habitations. F f

ij

Il

TierraFirme.


452

H I S T O I R E

33 n o u s offrit u n

G É N É R A L E

logement ,

pour attendre

une

Tierra-

j j f a i f o n plus c o m m o d e , e n n o u s r e p r é f e n t a n t q u e

Firme.

n celle des

p l u i e s avait r o m p u l e s

chemins ; &

33 n o u s é p r o u v â m e s , a v e c j o i e , q u e c e s P e u p l e s 35 favent o b f e t v e r l e s l o i x d e r h o f p i t a l i t é . U n i n 33cident

fort

fimple

augmenta-la bonne opinion

35 qu'ils a v a i e n t c o n ç u e d e n o u s , fur

le

témoi-

« g n a g e d e n o s G u i d e s , 8c m e m i t t o u t - d ' u n - c o u p a» d a n s u n e h a u t e r é p u t a t i o n . U n e d e s f e m m e s d u Ca3> c i q u e avait la fièvre , & d e v a i t ê t r e f a i g n ë è . C e t t e 33 o p é r a t i o n

eft fort

finguliere

p a r m i l e s habitans

35 d e l ' i f t h m e . E l l e fe fait e n p u b l i c .

Le

malade

9 3 f e t i e n t affis fur u n e p i e r r e , t o u t n u ,

devant

«3 u n h o m m e armé* d'un fort petit a r c , q u i lui tire 35 fur t o u t e s l e s parties d u c o r p s d e

très - p e t i t e s

33 flèches , a v e c u n e p r o m p t i t u d e f u r p r e n a n t e . L e s 35 flèches f o n t a r r ê t é e s par un p e t i t c e r c l e d e

fil,

sa q u i l e s e m p ê c h e d e p é n é t r e r r r o p . O n les retire w e n f u i t e a v e c la m ê m e v î t e l f e . Si , par

hafard,

3»elles ont percé quelque v e i n e , & q u e le 93 paraifTe fortir

g o u t t e - à - g o u t t e , les

fang

fpectateurs

33 a p p l a u d i r e n t à l'habileté d u C h i t u r g i e n , & mar«. 33 q u e n t l e u r j o i e par d e s fauts & par d e s

cris,

n L e s r i d i c u l e s apprêts q u e j e vis faire p o u r ' fai35 g n e r la f e m m e d u C a c i q u e , m e p o r r e r e n t à l u i » offrir m e s f e r v i c e s . Il parut c u r i e u x d ' a p p r e n d r e 33 c o m m e n t

la f a i g n é e

fe

faifait e n

Europe.

Je

a» tirai d e m a p o c h e u n e b o c t e d ' i n f t r u m e n s , f e u !


D E S

V O Y A G E S .

453

» b i e n q u e m o n N è g r e n e m'avait p o i n t e n l e v é ; « j e fis u n e b a n d e d ' é c o r c e s d'arbre d o n t j e liai si l e bras d e la f e m m e , & j e lui o u v r i s la v e i n e « a v e c ma l a n c e t t e . J e m'attendais à d e s f é l i c i t a 03 t i o n s fur u n e

m é t h o d e fi p r o m p t e ; m a i s

La­

os c e n t a j v o y a n t fortir l e fang a v e c v i o l e n c e , j u 33 g e a q u e j ' a v o i s b l e i l é

fa

femme , & devint

« f u r i e u x , qu'il prit fa l a n c e p o u r m'en

fi

frapper.

33 C e p e n d a n t la t r a n q u i l l i t é a v e c l a q u e l l e j e r e ç u s 33 fes m e n a c e s , e n lui offrant m a v i e p o u r c a u t i o n 33 d u f u c c è s , m e fit o b t e n i r la l i b e r t é d e finir. J e 33tirai à la M a l a d e e n v i r o n d o u z e o n c e s d e

fang,

» & la fièvre la quitta d è s l e l e n d e m a i n . U n é v é 33 n e m e n t fi n o u v e a u p o u r l e s A m é r i c a i n s , m'at» tira d ' e u x t o u t e s f o r t e s d ' h o n n e u r s . L e C a c i q u e 33 parut à l e u r t ê t e , l e bailla d e v a n t m o i , & m e sibaifa la m a i n , avant q u e j e

puffe

l'empêcher.

« T o u s l e s autres m'embrarTerent l e s g e n o u x , Se «me «me

mirent portèrent

enfuite

dans

comme en

un hamac , o ù triomphe

fur

ils

leurs

33 é p a u l e s . « M a faveur n'ayant fait q u ' a u g m e n t e r , par l e s 3>fervices q u e j e c o n t i n u a i d e leur r e n d r e , oj c e n t a m e

» u n e d e fes plus f o r t e s p a l l i o n s . J e « gnai une

La-

m e n a i t fou v e n t à la c h a l ï e , q u i é t a i t l'accompa-

fois v e r s fes Etats d u S u d , &

« paflàmes près d'une r i v i è r e

d ' o ù les

nous

Efpagnols

» tirent d e l'or. J e la pris p o u r u n e d e c e l l e s q u i F f

iij

,

Tierra-. Firme.


454

H I S T O I R E

G É N É R A L E

33 v i e n n e n t d u S u d - E f t , & q u i v o n t fe d é c h a r g e r Tierra-

« d a n s le Golfe de Saint-Michel. N o u s

ïuime.

» mes quelques

Efpagncls

apperçû*

qui travaillaient,

&

« n o u s étant gliflés a u f l i - t â t dans un b o i s v o i f i n , 33 la c u r i o l i t é n o u s y fit o b f e r v e r d e q u e l l e m a 33 n i e r e ils t i r e n t

l'or. Ils o n t d e petits plats

de

» b o i s c r e u x qu'ils e n f o n c e n t d a n s l ' e a u , & qu'ils 33 r e t i r e n t

p l e i n s d'eau & d e f a b l e . Us f e c o u e n t

s>le plat-, l e fable s'élève d e l u i - m ê m e aiï-deftus 33 d e l'eau , & l'or q u i s'y t r o u v e m ê l é , d e m e u r e » au f o n d : e n f u i t e ils f o n t f é c h e t l'or au S o l e i l , » & , pour achever

d e l e féparer d u f a b l e , i l s

3 i b r o i e n t l e s parties f e c h e s dans u n m o r t i e r - , e n 33fuite ils l e s é t e n d e n t fur d u p a p i e r , ils partent 33 u n e p i e r r e

d'aimant p a r - d e f l u s , a p p a r e m m e n t

3 3 p o u r l e s n e t t o y e r , & , fans a u t r e p r é p a r a t i o n , 33 ils l e s m e t t e n t

d a n s d e s calebartes. C e

travail

« n e fe fait q u ' e n é t é & n e d u r e q u e t r o i s m o i s , « L a r i v i è r e , q u i n'a pas alors plus d'un p i e d d e »3profondeur,

eft inacceffible d a n s l e t e m p s

« p l u i e s . T o u t l'or q u ' o n a tiré p e n d a n t la

des belle

» faifon e f t t r a n f p o r t é à S a i n t e - M a r i e dans d e petits «bât-ii-nens; & , l o r f q u e n o u s p r î m e s c e t t e ] V i l l e «avec

le Capitaine Sharp, nous y en trouvâmes

* p l u s d e t r e n t e m i l l e marcs. 33 P e n d a n t n o t r e v o y a g e , j e pris occafîon

du

» m a u v a i s fuccès d e la charte d u C a c i q u e , p o u r w l u i vanter

l'excellence des c h i e n s

d'Angleterre.


D E S

V O Y A G E S .

455

» J e m'étais a p p e r ç u q u e f o n d e f f e i n était d e

me

» retenir auprès d e lui', m a i s il n e put réfilfer à

Tierra-

» l'offre

Firme,

q u e j e lui fis

de

lui a m e n e r

» b e a u x c h i e n s d e m o n p a y s , s'il m e » d'y r e t o u r n e r

pour quelques m o i s .

quelques permettait Cependant

» il n e m ' a c c o r d a cetre g r â c e , qu'après ao fait p r o m e t t r e q u e j e r e v i e n d r a i s

m'avoir

avant la

fin

33 d e l'année & q u e j'épouferais u n e d e fes f œ u r s . 33 J e fis c e f e r m e n t fans y

croire ma

cbnfcience

33 fort e n g a g é e . Il m e c o n g é d i a d è s l e l e n d e m a i n , v fous l ' e f c o r t e d e f e p t j e u n e s A m é r i c a i n s . J'étais 33 nu c o m m e e u x , & j'avais c o n f e n t i , p o u r l e u r 33 p l a i r e , à m e laitier p e i n d r e l e c o r p s par l e u r s 33 f e m m e s . C e p e n d a n t j'avais c o n f e t v é m o n h a b i t , 33pour m e ptéfenter

a v e c plus d e

décence

aux

33 p r e m i e r s E u r o p é e n s q u e j e p o u v a i s r e n c o n t r e r . 33 L a c e n t a c h a r g e a q u a t r e f e m m e s d e t r a n f p o r t e r x» c e p e t i t é q u i p a g e a v e c m e s p r o v i f i o n s ,

&

me

33 dit j e n m ' e m b r a f f a n t , q u e j e ferais furpris, à m o n w r e t o u r , d e t o u t c e qu'il

v o u l a i t faire e n

33 faveur. Q u i n z e jours d e m a r c h e m e

firent

ma arri-

33 v e r à f o n h a b i t a t i o n , o ù m e s c o m p a g n o n s a p 3 3 p r i r e n r , a v e c d e s tranfports d e 33 vais o b t e n u l e u r l i b e r t é & •3 q u e l q u e s j o u r s d e

joie , q u e j'a-

la m i e n n e . J e pris

r e p o s , après l e f q u s l s

nous

33 n o u s m î m e s e n m a r c h e v e r s la m e r d u N o r d , s s e f c o r t é s par un g r a n d n o m b r e d ' A m é r i c a i n s b i e n . 33 a r m é s . F f

iv.


456

H I S T O I R E

G É N É R A L E

» Ils n o u s m e n è r e n t par d e s c h e m i n s t r è s - r u TierraFirme.

*> des & par d e (î hautes m o n t a g n e s , qu'il y

en

« e u t o ù n o u s e û m e s b e f o i n d e q u a t r e j o u r s err­ ai) tiers p o u r arriver au Commet. E n y a r r i v a n t , j e «fus

pris d'un

« crus d e v o i r

étourdiflement de t ê t e , que atrribuer à l ' e x t r ê m e

» l'air. Elle m e parut b e a u c o u p p l u s

je

fubtilité élevée

de que

« c e l l e s d o n t M . D a m p i e r r e a d o n n é la d e f c r i p » n o n , & que n o u s a v i o n s traverfées e n f e m b l e , « f o u s le C a p i t a i n e Sharp. La c i m e d e t o u t e s l e s « autres

était au - defïùs

« d e s n u é e s épailTes

de

nous

nous ,

&

empêchaienr

fouvent de

« l e s r e r r e s baffes qui n o u s e n v i r o n n a i e n t *

voir Nous

« n ' e û m e s pas m o i n s d e p e i n e à d e f e e n d r e d e c e t t e « étrange hauteur-, m a i s , e n d e f e e n d a n r , m o n c e r « v e a u fe d é g a g e a i t ,

par d e g r é s , d e s v a p e u r s q u i

•s m'avaient é t o u r d i . «Nous

t r o u v â m e s , au p i e d d e la m o n t a g n e ,

« u n e r i v i è r e q u i c o u l a i t v e r s la m e r d u »&

Nord,

q u e l q u e s m a i f o n s fur fes r i v e s . O n n o u s

y

» fit u n a c c u e i l q u i n o u s fit o u b l i e r fix jours d ' u n e « c r u e l l e fatigue , pendant lefquels nous n'avions « e u , p o u r le r e p o s d e la n u i t , qu'un h a m a c fuf« p e n d u e n t r e d e u x a r b r e s , a v e c un p e u d e m a ï s « pour unique nourriture. N o u s arrivâmes b i e n os t ô t au b o r d d e la m e r , o ù n o u s f û m e s

furpris

« d e r e n c o n t r e r quarante d e s p r i n c i p a u x d u p a y s , «qui

nous

félicitèrent

fur

le

fuccès

de

notre


D E S 33 v o y a g e .

V O Y A G E S .

N o u s i g n o r i o n s qu'un d e

03 avait éré déraché 93 a r r i v é e .

Loin

457 nos Guides

p o u r les informer

d'être nus , c o m m e

d e norre les A m e r i -

*>cains d e s m o n t a g n e s , ils a v a i e n t d e fort b e l l e s 93 r o b e s b l a n c h e s & b o r d é e s d e f r a n g e s , q u i l e u r 93 d é p e n d a i e n t jufqu'à la c h e v i l l e d u p i e d . C h a c u n 93 était a r m é d'une d e m i - p i q u e . L e u r s careïTes f u 33 r e n t v i v e s . N o u s l e u r d e m a n d â m e s s'ils n ' a v a i e n t 9» pas v u q u e l q u e s v a i l l e a u x d e l ' E u r o p e . Ils r e 9 3 p o n d i r e n t , qu'il n'y e n avait p o i n t fur la c ô t e > 93 mais q u e fi n o u s f o u h a i t i o n s d'être m i e u x

inf-

9J t r u i t s , il était aifé d e n o u s fatisfaire. 33 Ils firent a p p e l l e r auffi-tôt

quelques-uns

de

» leurs D e v i n s . Il e n v i n t t r o i s o u q u a t r e , a u x 93 q u e l s o n n'eut pas p l u t ô t d é c l a r é c e

qu'on at-

*> t e n d a i t d ' e u x , qu'ils firent d e s préparatifs p o u r 93 leur c o n j u r a t i o n . Ils c o m m e n c è r e n t par fe r e n 93 fermer dans u n e

partie

de

la c a b a n e o ù

nous

93 é t i o n s , p o u r y faire plus l i b r e m e n t l e u r s c é r é » monies 3 &

fi n o u s n ' e û m e s pas l e

plailir

de

93les v o i r , nous e û m e s du moins celui d e l e s e n 93tendre.

Tantôt

ils p o u f f a i e n t

d e grands c r i s ,

93 e n contrefaifanr c e u x d e d i v e r s a n i m a u x ,• tan93 tôt c'étaient d e s p i e r r e s & d e s c o q u i l l e s qu'ils 33 faifaient

heurter

l'une

33 g n a i e n t à c e b r u i t I 93bout, &

d'un

e

contre

l'autre. I l s j o i -

fou d'une efpèce d e tam-

autre i n f i n i m e n t

compofé

» d e b ê t e s Se d e c o r d e s . D ' e f f r o y a b l e s

d'os

hurlemens

TierraFirme.


458

H I S T O I R E

G É N É R A L E

« fuccédaienc par i n t e r v a l l e s , & , d e t e m s e n r e m s ; Tierra-

» t o u t e c e t t e infernale m u d q u e

Firme.

pu p u e par le plus p r o f o n d

était

filence.

interrom­

La c o n j u r a t i o n

« avait déjà d u r é "plus d ' u n e h e u r e ,

lorfque les

» D e v i n s , furpris d e n e r e c e v o i r a u c u n e «conclurenr que le

filence

réponfe,

d e leur D i v i n i t é

« n a i t d e n o t r e p r é f e n c e dans la m ê m e « I l s n o u s o b l i g è r e n t d'en fortir , &

ve-

maifon.

l'opération

» fut r e c o m m e n c é e . L e fuceès n'en étant pas p l u s «heureux , »bane

u n e n o u v e l l e r e c h e r c h e dans la c a -

l e u r fit d é c o u v r i r q u e l q u e s - u n e s d e n o s -

» h a r d e s p e n d u e s au m u r , ils les j e t t e r e n t bruf» q u e m e n t ^ d e h o r s . Enfuite , r i e n

ne

s'oppofant

« plus à l e u r s d e h r s , ils parurenr fatisfaits ; & n o u s » l e s v î m e s b i e n t ô t fortir d e l e u r r e r r a i t e , e n fueur » 8c fort agités. Ils allèrent d ' a b o r d fe l a v e r d a n s « l a r i v i è r e ; e n f u i t e , v e n a n t à n o u s , ils n o u s d i ­ re r e n t , q u ' a v a n t d i x j o u r s il arriverait d e u x vaif« féaux 5 q u e n o u s e n t e n d r i o n s tirer d e u x c o u p s « d e c a n o n , & qu'un d e n o s C o m p a g n o n s » drait la v i e .

En e f f e t ,

le

matin d u

per-

dixième

« j o u r , nous entendîmes les deux c o u p s , & nous « d é c o u v r î m e s d e u x vaifïeaux qui s'arrêtèrent a u « Q u a i d e la S o n d e .

Notre

impatience

nous

» e n t r e r f u r - l e - c h a m p d a n s un c a n o t , p o u t

fit

nous

« r e n d r e au Q u a i . E n traverfant la b a r r e , l e c a n o t » fe renverfa , &

M . Gobfon

» N o u s n ' e û m e s pas p e u d e

t o m b a dans l'eau. p e i n e à l'en tirer y


D E S

V O Y A G E S .

459

« m a i s e n f i n , l'ayant repris à b o r d , n o u s efpérâ» r n e s q u e la p r é d i c t i o n ne s'accomplirait pas fur TierraFirme. » l u i . C e p e n d a n t il avait avalé tant d ' e a u , qu'a-, » près a v o i r l a n g u i trois o u q u a t r e j o u r s , t o u s n o s 33 foins n e p u r e n t l ' e m p ê c h e r

d e m o u r i r au Q u a i

33 d e la S o n d e . 33 N o u s n o u s a p p r o c h â m e s d e s d e u x »3 C'était u n e f e l o u q u e

vaiffeaux.'

Anglaife , avec une tar-

»3 rane E f p a g n o l e , q u e l e s

Anglais avaient enle-

33vés d e p u i s q u e l q u e s j o u r s . La

forme

d e la tar­

is rane n o u s e f f r a y a , & n e caufa pas m o i n s d ' é p o u 9» v a n t e à q u e l q u e s A m é r i c a i n s

qui nous a c c o m -

w p a g n a i e n t . Ils r e g a r d a i e n t les E f p a g n o l s c o m m e » leurs plus g r a n d s e n n e m i s : m a i s , q u o i q u e n o u s n e 33 les cruffions pas m o i n s l e s n ô t r e s , & q u e n o u s 30 i g n o r a f f i o n s e n c o r e l e q u e l d e s

deux-bâtimens

» était fournis à l'autre , n o u s e û m e s l'audace d e 3 3 n o u s a v a n c e r jufqu'au vaifïeau A n g l a i s o ù n o u s 33 r e c o n n û m e s M . D a m p i e r r e , & p l u l i e u r s . d e n o s »3 anciens C o m p a g n o n s . Ils n o u s r e ç u r e n t a v e c d e s wrranfports d e j o i e : je fus l e feul qu'ils n e r è c o n v> n u r e n t pas t o u t - d ' u n - c o u p . C o m m e j étais p e i n t «3 à la

manière

des

Américains &

nu

comme

3 3 e u x , à réferve d e m o n h a u t - d e - c h a u f f e , 93 j'avais r e p r i s

aptes a v o i r

3> v o u l u s m e d o n n e r l

e

quitté

que

Lacenta , je

plailir d e v o i r fi m e s

an-

ssciens amis m e reconnaîtraient dans c e d é g u i f e 9 9 m e n t , & j e pris la p o f t u r e o r d i n a i r e d e s N a t u -


460

H I S T O I R E

G É N É R A L E

» rels d u p a y s , qui eft d e fe t e n i r affis fur

les

Tierra-

« j a r r e t s . O n fût plus d'une h e u r e à m e c o n f i d é -

Fiurie.

« r e r , fans p o u v o i r fe r a p p e l l e r qui j'étais.

Enfin

» q u e l q u ' u n s'écria : E h ! c'eft n o t r e D o c f e u r W a f ï e r , » c'eft l u i - m ê m e -, & rout l e m o n d e ouvrir aulîi-tôt « les y e u x . J e m e lavai , j e n'épargnai

rien pour

-

« e f f a c e r les rraces d e ma p e i n r u r e , mais le S o l e i l « l e s a v a i t f é c h é e s d e p u i s lî l o n g - t e m p s , q u e j e n e « p u s l e s ô t e r tout-à-fait q u ' a v e c u n e partie d e m a » peau. » L o r f q u e les h a b i t a n s d e l ' I f l h m e d o i v e n t p a r t i r p o u r la g u e r r e , ils fe p e i g n e n t l e v i f a g e d e r o u ­ g e , les é p a u l e s & l ' e f l o m a c d e n o i r , & l e r e l i e d u c o r p s d e jaune , o u d e q u e l q u ' a u t r e c o u l e u r . Q u e l q u e s - u n s , mais e n petit n o m b r e , r e n d e n t c e s traits i n e f f a ç a b l e s , en fe faifant p i q u e r la p e a u d'une pointe d ' é p i n e , pour appliquer les couleurs fur l e s parties p i q u é e s . Ils n e p o r t e n t o r d i n a i r e m e n r a u c u n e forre d'habits. L e s f e m m e s o n t feu­ l e m e n t à la c e i n t u r e

pièce

d e toile ou d e

d t a p , qui l e u t t o m b e jufqu'aux

g e n o u x ; mais

les

une

h o m m e s font absolument tout n u s ,

f e r v e n t la b i e n f é a n c e n s t u t c l l e q u ' e n d'une

& n'ob-

fe c o u v r a n t

feuille de p l a t a n e , tournée en forme d'en­

t o n n o i r & f o u t e n u e par un c o r d o n qu'ils f e l i e n t autour du corps. C e t t e nudité habituelle n'empê­ c h e p o i n t qu'ils n'eftiment l e s h a b i t s . U n A m é r i ­ cain q u i o b t i e n t u n e v i e i l l e c h e m i f e d e m a t e l o t


D E S

V O Y A G E S .

la p o r t e a v e c affectation

461

, & paraît en

devenir

ont même

Tierra-

d e l o n g u e s robes d e c o t o n , qu'on ne peut m i e u x

FirmC

plus fier. C e u x d e la C ô t e d u N o r d

c o m p a r e r qu'aux fracs d e n o s v o i t u r i e r s , e x c e p t é q u e les m a n c h e s e n font l a t g e s

& ouvertes ,

Se

q u ' e l l e s n e v o n t qu'à la m o i t i é d u b r a s ; mais i l s n ' e n f o n t u f a g e q u e d a n s l e s occafions f o l e m n c l l e s . < L e u r s f e m m e s l e s leur p o r t e n t d a n s d e s c o r b e i l l e s jufqu'au l i e u d e l'aftemblée. Ils s'en parent

avec

f o i n , & fe p r o m è n e n t e n f e m b l e d a n s c e t é q u i p a g e autour d e l'habitation. U n autre o r n e m e n t d e s h o m m e s , eft u n e pla­ q u e d'or o u d ' a r g e n t , qu'ils p o r t e n t c h e . C e s plaques font

d e forme

c e n d e n t fi bas , q u ' e l l e s

fur la b o u ­

ovale , &

c o u v r e n t la l è v r e

des­ infé­

r i e u r e . Elles fonr é c h a n c r é e s au - d e l ï u s , c e q u i forme

u n e e f p è c e d e croiflant , d o n t

pointes aboutilfent

au n e z . O n

les deux

ne n o u s d i t pas

c o m m e n t e l l e s t i e n n e n t à c e t t e partie d u v i f a g e ; m a i s on a j o u t e q u e la m a n i è r e d o n t e l l e s f o n t p o fées fur la b o u c h e , leur d o n n e u n m o u v e m e n r con­ t i n u e l . C e t t e parure n'eft e m p l o y é e q u e l e s j o u r s d e fête o u d e C o n f e i l . L e s p l a q u e s q u i fe p o r t e n t d a n s d'autres t e m p s , font plus p e t i t e s , & n e c o u vrenr point les lèvres. Au lieu d e plaque, les femmes ont u n anneau q u i leur p e n d d e m ê m e & d o n t la g r a n d e u r eft p r o p o r t i o n n é e au rang d e leurs maris ; l e s plus


462

H I S T O I R E

G É N É R A L E

maffifs font d e l'épaifleur d'une p l u m e d ' o i e , Se Tierra-

leur forme eft exactement r o n d e . Elles fe les atta­

Hune.

chent fur le nez , qui s'abailïe

infenfiblement

fous le poids ; d'où il arrive q u e , dans un â g e a v a n c é , le nez leur defcend jufqu'à la boucheLes plaques & les anneaux font ôtés pour m a n ­ ger , mais on fe les r e m e t auffi-tôt ; & , q u o i ­ qu'ils branlent fans c è d e fur les l è v r e s , ils ne d i ­ minuent

point

la liberté d e parler. Les

Chefs

p o r t e n t un anneau à chaque oreille , dans les o c ­ casions d'éclat •, & d e u x grandes plaques d ' o r , l'une fur l'eftomac , l'autre au d o s . Ces p l a q u e s , q u i ont dix huit pouces d e long Se la figure d'un c œ u r , font percées par le haut , & tiennent par des fils aux anneaux d e chaque oreille. Lacenta portait fur la tête , les jours d e C o n f e i l , un d i a ­ d è m e compofé d'une feuille d ' o r , large de huit à neuf p o u c e s , dentelée par le h a u t , c o m m e nos feies, & doublée d'un réfeau d e petites cannes. T o u s ceux qui l'accompagnaient avaient autour d e la tête un réfeau d e c a n n e s , d e la m ê m e for­ m e , c'eft-à-dire, dentelé , mais fans feuille d ' o r , peint d e r o u g e , Se furmonté de longues p l u ­ m e s d e diverfes

couleurs , qui

formaient

un

beau panache, Le diadème d e Lacenta était fans plumes. O u t r e ces o r n e m e n s p a r t i c u l i e r s , il y en a d e c o m m u n s aux deux fexes. C e font des c o r d o n s


DES

VOYAGES.

463 J

OU des chaînes d e dents & de c o q u i l l e s , qu ils s'attachent au col , Se qui leur defeendent fur la

Ticrra-

p o i t r i n e . Les chaînes d e d e n t s , qui pafTent p o u r

Firmc.^

des dents d e tigre , font faites avec

beaucoup

d ' a r t , & fi bien r a n g é e s , qu'on les prendrait p o u r u n e malle d'os continue. O n n'en voit q u ' a u x principaux habitans ; ceux d u c o m m u n

portent

des cordons d e c o q u i l l e s , d o n t ils ont q u e l q u e ­ fois trois ou quatre cens autour du col ,

fans

o r d r e , & les unes fur les autres. Les f e m m e s , en général , les portent en un feul monceau. O n n e voit jamais plus d e deux c o r d o n s aux enfans : au r e f t e , cette parure n'elt en ufage q u e les jours d e fêtes. Aux cordons d e c o l , les femmes j o i g n e n t des bracelets d e m ê m e m a t i è r e ; & tous ces ajufte-] m e n s , d o n t elles font quelquefois chargées, leur d o n n e n t u n e forre d e grâce. Leurs cabanes font o r d i n a i r e m e n t écartées les u n e s des a u t r e s , fur-tout dans les nouvelles habi­ tations , & font toujours au b o r d d'une r i v i è r e . En quelques endroits néanmoins , il s'en t r o u v e affez pour former d e petites V i l l e s , s'il y avait plus d ' o r d r e dans leur fituation ; mais elles font difperfées, fans aucune forme d e rues. Ils c h a n ­ g e n t d e c a n t o n , lorfqu'ils jugent q u e celui qu'ils habitent eft t r o p iranfmigrations

connu des Efpagnols.

leur

caufent

parce qu'ils n'ont point d e

Leurs

peu d'embarras , fondemens

à jetrer


464

H I S T O I R E

p o u r leurs édifices.

G É N É R A L E

Ils font f e u l e m e n t

quelque

Tierra-

t r o u dans la t e r r e , ils y e n f o n c e n t d e s p i e u x d e

Firme.

fept à h u i t p i e d s d e haut , & les e n t r e l a c e n t d e b â t o n s qu'ils e n d u i f e n t d e

t e r r e . L e s roits f o n t

c o m p o f é s d e p e t i t s c h e v r o n s , allez b i e n

rangés

& c o u v e r t s d e f e u i l l e s . O n n e r e m a r q u e d'ailleurs aucune

forte

de

régularité

dans c e s c a b a n e s :

e l l e s font l o n g u e s d ' e n v i r o n v i n g t - c i n q p i e d s , fur huit ou n e u f d e large. U n Commet d u toit ,

t t o u q u ' o n laille au

fert d e c h e m i n é e ; &

le f e u ,

q u i n'eit jamais b i e n g r a n d dans u n e c o n t r é e Ci c h a u d e , fe fait fur la t e r r e , a u m i l i e u d e la c a « b a n e . Il n'y a p o i n t d e féparations

ni

d'étages.

T o u t e la f a m i l l e eft l o g é e dans le m ê m e l i e u , & c h a c u n a fon h a m a c f u f p e n d u a u t o i t , p o u r l e r e ­ p o s d e la nuit. Les

habitations,

qui

l'autre , o n t u n e e f p è c e d'environ

cinq , dont

d e Fort c o m m u n , l o n g

les m u r s n'en ont pas plus d e d i x ils font p e r c é s , d e toutes parts,,

grand nombre

peur voir approcher des

de

cent trente p i e d s , & large d e v i n g t -

d e hauteur , m a i s d'un

font proches l'une

flèches.

de

t r o u s , par l e f q u e l s

on

l ' e n n e m i , & lui d é c o c h e r

Les Peuples

d e c e t t e r é g i o n n'ont

pas d'autre m a n i è r e d e fe d é f e n d r e . C e p e n d a n t , s'il y a q u e l q u e défilé qui puille fcrvir à f e r m e r Fourrée d'une h a b i t a t i o n , ils y m e t t e n t u n e b a r ­ rière ,

&

dans q u e l q u e s

endroits , c o m m e

au

Château)


D E S

V O Y A G E S .

465

C h â t e a u d e Lacenta , ils plantent d e s arbres à fi peu

d e diftance

l e s u n s d e s autres , q u e c e t t e

c l ô t u r e eft fort difficile choifie p o u r faire chargée

à pénétrer.Une

famille,

fa d e m e u r e d a n s l e Fort , eft

d'y é n t r e t e m e la p r o p r e t é , parce

qu'il

ferr aullî p o u r l e s AiTèmblées d u C o n f e i l . La

terre

maifon.

n'eft c u l t i v é e

Lorfqu'une

qu'aurour d e c h a q u e

habitation change d e lieu >

l e p r e m i e r foin d e c h a c u n , eft d e d é f r i c h e r I o n c h a m p , & d'abattre ¡es arbres , q u i d e m e u r e n t couchés

d e u x o u trois

ans dans la place o ù ils

t o m b e n t , jufqu'à c e qu'ils f u i e n t affez fecs p o u r être brûlés. O n n e prend

pas m ê m e la p e i n e d e

-

d é r a c i n e r l e s f o u c h e s , mais la terre étant r e m u é e d a n s l e s i n t e r v a l l e s , o n y fait d e s trous a v e c l e s d o i g r s , & , d a n s c h a q u e trou , o n m e t d e u x trois grains d e mais. L e remps d e femer

ou

eft au

m o i s d'Avril , p o u r r e c u e i l l i r e n S e p t e m b r e . L e s é p i s l o n t arrachés a v e c la main : o n fait fécher l e b l e d ; o n l e réduit e n p o u d r e , e n l e c r a f a n t

avec

d e s p i e r r e s fort u n i e s . C e n'eft pas p o u r e n faire d u páin o u dt-s g â t e a u x ,< mais d i v e r i e s f o r t e s d e b o i f t o n s , donr la p r i n c i p a l e fe n o m m e

chica-copa,

& fe fait e n laillanr t r e m p e r la p o u d r e d e m a ï s pendant

p h i h e u t s jours. Ils e n fonr u n e autre ,

n o m m é e mijla,

& l'on e n d i l l i n g u e d e u x lottes-,

J ' t m e c o m p o l é ' j d e plaranes f r a î c h e m e n t

cueillis,

èu'ora fait r e n i r d a n s l e u r s g o u f l e s , & q u ' o n é c r a f e

Tome

XII,

'3 g

TierraFirme.


466

H I S T O I R E

G É N É R A L E

d a n s u n e g o u r d e , après l e s a v o i r p e l é s ; le ]us q ù ï TierraFirme.

en fort fe m ê l e a v e c u n e c e r t a i n e q u a n t i t é d'eau : la f é c o n d e mifla eft c o m p o f e e d e

platanes

duits e n g â t e a u x .

Fruit

C o m m e ce

(ces , r é ­

ne

peut fe

c o n f e r v e r l o n g - t e m p s , lorfqu'il eft. c u e i l l i

dans

fa m a t u r i t é , o n le fait fécher a petit feu fur u n e m a c h i n e d e b o i s , d e la foi m e d e n o s g r i l s ,

&

l'on e n fait d e s g â t e a u x , d o n t o n g a t d e u n e p r o v i f i o n . C'eft c e qui fert d e pain aux A m é r i c a i n s d e l'Ifthme. Us e n m a n g e n t a v e c l e u r s v i a n d e s , ils e n p o r t e n t d a n s leurs v o y a g e s , fur-rout

lors­

qu'ils n'efperent p o i n t t r o u v e r d e platanes m û r s . L e s y a m s , l e s parâtes & la caflave font e m p l o y é s au m ê m e u f a g e . Il n'y a p o i n t d'habitations ,

c e s d i v e t s a l i m e n s n e fe t r o u v e n t e n a b o n d a n c e -, m a i s o n n'y v o i t a u c u n e h e r b e p o t a g è r e . f o n n e m e n t c o m m u n eft l e piment, c a b a n e eft t o u j o u r s b i e n Les régions

L'aflai-

donr chaque

pourvue.

hommes , moins paielîeux que plus M é r i d i o n a l e s ,

fe

dans

chargent

les

ici

de

n e t t o y e r les p l a n t a t i o n s , d'abattre les arbres ,

&

d e faire tout c e q u ' o n a n o m m é le g r o s o u v r a g e ; c e qui n ' e m p ê c h e p o i n t q u e le travail d e s f e m m e s ne le

loit forr

p é n i b l e . Elle? planteur le m a ï s ,

n e r t o y e n t . Elles préparent

plaranes ,

les boiflons ,

les y a m s & l e s autres a l i m e n s .

l e s v o y a g e s , elles g i v r e s . Mais ,

portenr les uftenlrles

& les

Dans &

les

q u o i q u ' e l l e s fallent ainli Jes p l u ;


D E S

V O Y A G E S .

467

viles fonctions d e chaque famille , elles n'en font pas plus méprifées d e leurs m a r i s , q u i , loin de les traiter Tierra.-* en efclaves,les aiment & les carefîent beaucoup. F i r m e . Jamais on n e voit un Améticain d e l'Ifthme b a t t r e fa f e m m e , ni. lui dire une parole d u r e , q u o i q u e la plupart foient querelleurs dans l'ivrefîe.

D'un

autre c ô t é , les femmes fervent leurs maris avec aHe&ion, & font généralement d'un bon naturek Elles o n t d e la complaifance Tune p o u r l'autre

t

Se beaucoup d'humanité pour les étrangers'. Lorfqu'une femme eft accouchée ^ fes amies & fes voifines la p o r t e n t aufii-tôt à la rivière : elle & fon enfant j & les lavent tous deux d a n s l'eau courante* L'enfanr eft enveloppé dans u n e écorce d ' a r b r e , qui lui fert d e lange > & c o u c h é dans un petit hamac. O n continue d e le n e t t o y é e foigneufement > & toujours avec d e l'eau froide; v

Les pères & les mères font idolâtres d e

leurs

enfans. L ' u n i q u e éducation des garçons eft d ' a p ­ p r e n d r e à nager ••> à tirer d e l'arc , à jetter la lance 5 & leur Tadrefte eft admirable à ces exer* cices. Dès l'âge d e dix ou d o u z e ans pagnent leurs pères à la chafïe &

>

ils a c c o m ­ dans

leurs

voyages : les filles d e m e u r e n t dans l'habitation avec les vieilles femmes. Ils vont n u s , les und & les a u t r e s , jufqu'à l a g e d e treize ou q u a t o r z e ans. Alors les filles mettent leur pagne » & le* g a r ç o n s leur

entonnoir..

G g ij


468

HISTOIRE

Les Tierrafirme.

filles

GÉNÉRALE

font formées d e

bonne-heure

au«

offices d o m e f t i q u e s . E l l e s aident leurs m è r e s d a n s l e u r travail. E l l e s t i r e n t d e s c o r d o n s - d ' é c o r c e , elles font

d e la f o i e

d'herbe , elles

épluchent

l e c o t o n , & le filent p o u r leurs m è r e s

}

qui e n

f o n t d e fort b o n n e t o i l e . L e u r i n f i n i m e n t , p o u r trefTer j eft u n

rouleau d e

pieds , qui tourne

entre

bois, long de deux

poteaux.

trois Elles

m e t t e n t a u t o u r d u rouleau , d e s fils d e c o t o n d e la g r a n d e u r q u ' e l l e s

v e u l e n t d o n n e r à la t o i l e ,

car e l l e s n'en f o n t jamais d a n s l e deffièin d e la couper.

E l l e s t o r d e n t le fil a u t o u r d ' u n e

petite

p i è c e d e b o i s , e n t a i l l é e d e c h a q u e c ô t é , 8c,

pre­

nant d'une

elles

m a i n t o u s l e s fils d e la t r a m e ,

c o n d u i f e n t l e travail d e l'autre. M a i s , p o u r ferrer les

fils,

e l l e s f r a p p e n t le m é t i e r , à c h a q u e t r o u ,

a v e c u n e l o n g u e p i è c e d e b o i s m i n c e 8c r o n d e , q u i c r o i f e e n t r e l e c o r d o n d e la t r a m e . L e s

filles

t r e l f e n t auffi l e c o t o n , p o u r en faire d e s f r a n g e s , «Se p r é p a r e n t l e s c a n n e s d o n t fe font les paniers* C e font l e s h o m m e s q u i a c h è v e n t l ' o u v r a g e . U s t e i g n e n t d ' a b o r d les c a n n e s , d e différentes c o u ­ l e u r s -, e n f u i t e une

propreté

les m ê l a n t pour l e s trefTer, finguliere,

ils e n

font,

avec

non-feu­

l e m e n t d e s paniers & d e s c o r b e i l l e s , mais m ê m e d e s c o u p e s , fi f é r i é e s & fi f e r m e s , q u e , fans ê t r e revêtues d e laque ou d e . v e r n i s , elles j e n i r toute forte

de

peuvent

liqueur. Ces coupes

leijg


D E S

V O Y A G E S .

469

f e r v e n t poux b o i r e , c o m m e l e u r s calebalTes. Enfin l e s p a n i e r s , qu'ils f o n t a v e c l e m ê m e a r t , fi forts q u ' o n n e Lorfque

les

peut les

filles

font

écrafer.

entrent

dans l'âge dans

leur

nubile,

elles demeurent

enfermées

jufqu'à c e q u ' o n

les d e m a n d e en mariage 5

famille, &

l e u r v i f a g e efl c o u v e r t d'un p e t i t v o i l e d e c o t o n , q u ' e l l e s p o t t e n t d e v a n t leur p e r e m ê m e . Le n o m b r e d e s f e m m e s n'efï fixé par a u c u n e L o i . WafTer donne

fepr

à Lacenta , qui

en

n'allait Jamais à la

c h a f f e , n i a la g u e r r e , fans e n t r o u v e r u n e d a n s l e l i e u o ù il d e v a i r paffer la n u i t . M a i s fi la p o ­ l y g a m i e eft p e r m i f e a u x habitans d e l ' I f t m e , dultère

eft

puni avec beaucoup d e rigueur.

l'a­ La

m o r t fuit d e près le c r i m e . C e p e n d a n r fi la f e m m e Jurequ'on l a forcée , elle obtient g t a c e , & l ' h o m m e f e u l p o r r e la p e i n e -, m a i s fi l e c r i m e eft p r o u v é , lorfqu'elle le nie ,

e l l e eft

b r û l é e v i v e . Ils o n e

d'autres l o i x d e la m ê m e févérité. U n condamné

fans p i t i é . L e

qui débauche une

fille

voleur eft

f u p p l i c e d'un v i e r g e , eft d e

f o n c e r dans l'urêtre u n p e t i t b â t o n

homme lui

en­

h é r i i î é d'é-*

p î n e s , q u ' o n y t o u r n e plufieurs fois. C e r o u r m e n t eft fi

d o u l o u r e u x , qu'il c a u f e o r d i n a i r e m e n t la

m o r t ; mais o n

l a i d e au c o u p a b l e la l i b e r t é de?

f e g u é r i r , s'il le peur. Les

m a r i a g e s font

TierraFirme.

p r é c é d é s d'une

cérémonie

fort bizarre. L e p e r e , o u , dans fou abfence , l e

G g

iij


470

H I S T O I R E

G É N É R A L E

plus p r o c h e parenr d e la fille , d o i t la tenir e n * Tima-

fermée

Firme,

p o u r lui marquer apparemment

p e n d a n t fept nuits f o u s fa f e u l e g a r d e » le regtet

a d e la q u i t t e r . E n f u i t e il la l i v r e

qu'il

à fon

mari.

T o u s l e s habitans d u c a n t o n font i n v i t é s à la f ê t e . L e s h o m m e s a p p o r t e n t d e s h a c h e s p o u r l e travail ; êc

l e s f e m m e s , c h a c u n e leur d e m i - boiffeau

maïs : les garçons apportent

des

fruits 8c

des

r a c i n e s , & les filles d u g i b i e r 8c d e s œ u f s . P e r f o n n e n'arrive

fans u n p r é f e n t . C h a c u n

l i e n d e v a n t la c a b a n e n u p t i a l e , &

met

s'en

le

écarte

jufqu'à la fin d e c e t t e p r o c e f f i o n . A l o r s les h o m m e s e n t r e n t l e s p r e m i e r s d a n s la c a b a n e -, 8c le m a r i é les reçoit

l'un après l'autre , e n l e u r

préfentant

u n e c o u p e remplie d e q u e l q u e boifîon forte. L e s f e m m e s f u c c è d e n t i m m é d i a t e m e n t » 8c r e ç o i v e n t aulîi u n e c o u p e

de

l i q u e u r . E n f u i t e les g a r ç o n s

8c l e s j e u n e s filles font introduirs d e m ê m e . . Lorf-, que

tous les convives font ralfemblés, on

paraître

les

pères

des

deux

g a r ç o n fait u n a l l e z l o n g

i l c o m m e n c e à danfer , a v e c jufqu'à

parties. C e l u i

d i f c o u r s , après

mille

voit du

lequel

contorfîons „

p e r d r e h a l e i n e . Enfuite f e m e t t a n t à g e ­

n o u x , il p r é f e n t e fon fils à la m a r i é e ,

dont

le

p e r e eft auffi à g e n o u x , & la tient par u n e m a i n . A l o r s c e l u i - c i fe l e v é cette d a n f e ,

3

& danfe à fon t o u r . A p r è s

l e s d e u x é p o u x s ' e m b r a f f e n t , 8c

le

J e u n e - h o m m e r e n d la fille à f o n p e r e , A u i l ï - tôt,


D E S

V O Y A G E S ,

471

les hommes , armés d e leur h a c h e , courent , e n (autant, vers u n e petite portion d e terre qui eft alîignée pour la plantation d e s d e u x é p o u x , &

Tierra-

ferme

c o m m e n c e n t à travailler en leur faveur. Us abat­ tent les arbres & femmes

défrichent le

terrain.

Les.

& les enfans y femenr d u maïs , o u

d'aurres grains convenables à la faifon. T o u s en-femble

y bâtilïent u n e cabane q u i doir être la'

d e m e u r e des jeunes mariés. Après les en avoir mis en pofteilion, chacun penfe à faire du chica* copa. O n en fait beaucoup ,.& l'on, en boit fanS. m o d é r a t i o n ; m a i s , avant la chaleur d e l ' i v r e f t e , le marié p r e n d

les haches & toutes

les a r m e s

ofrenlîves , qu'il pend au plus haut c h e v r o n

de

la cabane. C e t t e fête d u r e auilî l o n g - t e m p s qu'il refte d e quoi b o i r e , c ' e f t - à- d i r e , o r d i n a i r e m e n t trois ou q u a t r e j o u r s . Il fe fait des feftins

dans d'autres occafions

telles q u e l'Aficmblée d'un Grand - Confeil. L e s . Américains parlent peu dans ces parties d'amu-» fement.

Us b o i v e n t

à la

fanté

les uns des

autres , & fe préfentent la c o u p e , après

avoir

b u . Mais ils ne paraiiTent faire aucune attention à leurs f e m m e s , qui fe tiennent d e b o u t p o u r les, fervir. Elles prennent la c o u p e

d e s mains d e

ceux qui viennent d e b o i r e , Se ne la r e n d e n t qu'après l'avoir rincée. Jamais elles n e b o i v e n t ^ ni ne danfent p u b l i q u e m e n t , avec les h o m m e s ,

G g iv


472

H I S T O I R E

G É N É R A L E

E l h s attendent , pour Tierra-

leurs maris fe f o i e n t

Firme.

prennent

fe réjouir e n t r ' e l l e s , retirés •, & l e foin

qui

qu'elles

d ' e u x eft e x t r e m e , loríqu'ils

ont

bu

jufqu'à l'ivrefle. E l l e s s'entr'aident p o u t l e s p o r t e r d a n s leurs h a m a c s , o ù e l l e s l e u r j e t t e n t d e l'eau p o u r l e s r a f r a î c h i r , & n e les q u i t t e n t p o i n t qu'ils n e foi e n I b i e n e n d o r m i s . A l o r s e l l e s v o n t fe d i ­ vertir e n f e m b l e , & s'enivrera leur tour. U n e d e s principales occupations des eft d e auffi

faire

des

fleches

&

quelques infttumens d e

VU- e f p è c e d e flûtes

C'eft

mufique,

fur-tout

de bambous creux ,

ils a i m e n t à j o u e r , & q u i concert.

hommes

d e s lances. Us f o n t

au f o n

forment un

d e ces

flûtes

dont

étrange

qu'on

les

Voit d a n f e r . Us fe j o i g n e n t e n r o n d , l e s m a i n s étendues

fur

leurs

é p a u l e s , & fe t o u r n e n t

t o u s c::tés a v e c u n e furieufe adroits

fe

fauts &

détachent

d'aurres

aiiemblce

du

cercle pour

tours d e

n o m b r e u f e , la

de

a g i t a t i o n . L e s plus

fouplelîe. danfe

dure

faire

des

Dans

une

un

jour

e n t i e r . E n f u i t e ils fe j e t t e n t t o u s dans la r i v i è r e p o u r s'y

rafraîchir.

M a i s leur plus c h e r e x e r c i c e , Us p r e n n e n t âge,

tant d e

ils n e f a u t a i e n t

lui d é c o c h e r u n e quent

leur

coup.

plailîr

c'eft la

chalîè.

à t i r e r , qu'à

tout-

v o i r v o l e r u n o i f e a u fans

fleche

, & r a r e m e n t ils

Jamais

ils n e

man­

s'écattent

l e u r s cabanes , fans être a r m é s d e l e u r arc»

de &


D E S

V O Y A G E S

473

d'une lance o u d'une hache. Outre leurs p a r t i c u l i è r e s , qu'ils r e c o m m e n c e n r

chaffes

lorfque

leur

p r o v i l i o n d e v i a n d e eft é p u i f é e , ils f o n t f o u v e n t d e s chaffes f o l e m n e l l e s , p o u r l e f q u e l l e s ils femblent en grand nombre. U n dinairement ils

fuivi

fixent l e

fois

vingt

qu'ils

d ' u n e partie

jour. C e s

Les

ce

font

des

la quanrité

paniers

eft o r ­

chaffe

durent

femmes

m a i s p o u r fervir l e s h o m m e s vifions,

de

patries

j o u r s , fuivant

rencontrent.

Confeil

en

s'af-

dont

quelque du

gibier

font

aufïï,

& porter les p r o de

platanes,

de

b a n a n e s , d ' y a m s , d e patates & d e racines rôties." D a n s l e s b o i s , e l l e s t r o u v e n t d e s platanes v e r d s , ' q u ' e l l e s a p p r ê t e n t f u r - I e - c h a m p . L a farine d e m a ï s n'eft p o i n t o u b l i é e , p o u r e n faire d u chica c o p a ; L'ufage c o m m u n , pour le gibier que les Chaffeurs r u e n t ,

eft

q u e la c h a l e u r

de

manger

fur-le-champ

peut c o r r o m p r e ,

&

ce

d'emporter

c e q u i p e u r être g a r d é . C h a q u e n u i r , ils d a n s l e l i e u o ù ils fe t r o u v e n t vers l e

logent coucher

d u S o l e i l , p o u r v u q u e c e f o i t près d ' u n e r i v i è r e , o u d'un r u i f f e a u , o u fur l e p e n c h a n t d ' u n e m o n - ' t a g n e . Ils p e n d e n t leurs h a m a c s e n t r e d e u x bres , &

font

ur» f e u q u i

dure

toute

la

ar­ nuit.

O n a t t r i b u e u n e p r o p r i é t é fort f î n g u l i e r e à l e u r s chiens. Quand ces

animaux

ont

laffé u n

porc

f a u v a g e , ils l ' e n t o u r e n t , & , n o t a n t fe j e t t e r fur lui,

ils l e

tiennent

e n f e r m é au

milieu

d'eux,'

TierraFirrne._


TierraFirme.

474

H I S T O I R E

Jufqu'à

l'arrivée

de

retirent t o u s p o u r

G É N É R A L E

'

leurs maîtres-, alors , ils Ce fe garantir

des

flèches.

Un

A m é r i c a i n q u i a blefifé u n e b ê t e f a u v a g e , &

l'achevé

d'un

coup de

court

lance. Après

l'avoir

t u e e , il l e v e n r r e , j e t t e fes e n t r a i l l e s , lui c r o i f e les j a m b e s ,

dans l e s q u e l l e s il

paflè un

bâton ,

«Se la p o r t e fur fes é p a u l e s à fa f e m m e . O n

ob-

ferve

fans

qu'ils n e m a n g e n t d'aucun

animal ,

l'avoir fait f a i g n e r . S'ils p r e n n e n t un o i f e a u i l s le p e r c e n t a v e c la p o i n t e d ' u n e

flèche,

en tirer t o u t le f a n g . Lorfqu'ils v e u l e n t

vif, pour

confer-

v e r la chair d e s b^tes f a u v a g e s , ils la font fécher

fur le

fuccès

que

feu

les

d e préparations.

e n p l e i n a i r , a v e c autant

Boucaniets ,

quoiqu'avec

coupent

des

de

moins

C e t t e v e n a i f o n , q u i "refiemble

à n o t r e b œ u f f u m é , fe g a r d e en

def-

tranches ,

long-temps.

qu'ils

mettent

Us dans

Un vailîèau de terre a v e c d e s racines & q u a n t i t é d e p i m e n t . Jamais ils n e f o n t b o u i l l i r c e t t e c o m ­ position,

elle demeure c o u v e r t e ,

pendant

o u h u i t h e u r e s , fur la c e n d r e c h a u d e . O n leur voit

pas m a n g e r d e chair

l e j o u r , m a i s ils m a n g e n t , à platanes

&

d'autres

plus d ' u n e

fept ne fois>

toute h e u r e , des­

fruits. C h a q u e

cabane

elt

p o u r v u e d ' u n e groll'e p i è c e d e b o i s q u i leur f e r t d e table , & d e

petits t t o n c s fut l e f q u e l s ils

fe

placent à l'entour. D a n s les f ê t e s , ils d r e f l e n t u n e . l o n g u e t a b l e , ils y

é t e n d e n t d e g r a n d e s feuilles.


D E S

V O Y A G E S .

i î e plataniers ,

qui leur

fervent

475

de nappe,

&

c h a c u n a près d e f o i , par t e r r e , à la d r o i t e , u n e calebatïe

p l e i n e d ' e a u . Ils y a v a n c e n t l e p o u c e &

l ' i n d e x d e la m a i n d r o i t e , l e s p o r t e n t au p l a t , & ,

p o u r c h a q u e m o r c e a u qu'ils

m a n g e n t , ils

t r e m p e n t c e s d e u x d o i g t s d a n s la calebafle d ' e a u . Us n e m a n g e n t a u c u n e f o r t e d e pain a v e c

leur

v i a n d e -, mais ils o n t u n e p e t i t e m a l l e d e f e l , d o n t ils fe f r o t t e n t d e t e m p s e n t e m p s la l a n g u e , p o u r * 5'exciter l e g o û t . Dans leurs V o y a g e s ,

le

S o l e i l l e u r fert

de

g u i d e : mais li l'épailTeur d e s n u a g e s , o u quel-, q u ' a u t r e a c c i d e n t , leur caufe d e l ' e m b a r r a s , i l s ont

r e c o u r s aux

arbres d o n t ils o b f e t v e n t

Ici

c o r c e , & le c ô t é l e plus épais l e u r fait c o n n a î t r e celui du Midi,

ils m a r c h e n t o r d i n a i r e m e n t

l e s b o i s , les m a r é c a g e s

& les rivières , plutôt

q u e par les c h e m i n s b a t t u s , de

rencontrer des

p o u r l'avantage

pat

foit

par la c r a i n t e

E f p a g n o l s , foit

uniquement

d e leur c h a l l e . L e s h o m m e s

les f e m m e s , jufqu'aux e n f a n s ,

traverfent l e s

& ri­

v i è r e s à la n a g e ; m a i s ils fe f e r v e n t d e c a n o t s , o u d e radeaux

pour les defcendre.

t

leur d e m a n d e l

e

Lorfqu'on

c h e m i n , ils o n t u n e

d e l'enfeigner qui l

e u r

o ù l'on v e u t a l l e r , i l

s

manière

eit p r o p r e : e n a p p r e n a n t font t o u r n e r l e v i f a g e a u

V o y a g e u r du m ê m e côté-, & , pour lui marquer q u a n d il y arrivera » ils lui f o n t

fixet

les

yeux

TierraFirme,


476

HISTOIRE

G É N É R A L E

fur q u e l q u e parrie d e l'arc q u e le Soleil décrit Tierra-

dans leur hémffphere. Suivant qu'il eft plus bas

•Fii m e i

ou plus élevé , à l'Orient c o m m e à l'Occident du Méridien , ils a n n o n c e n t , n o n - feulement l e Jour auquel on peut arriver -, mais fi c'elr l e m a t i n , ou l ' a p r è s - m i d i , & l'heure m ê m e d e l'un ou d e l'autre. Ils ne diftinguent les f e m a i n e s , l e s jours & les heures , q u e par d e s figues , qu'ils favent faire e n t e n d r e à ceux m ê m e s qui i g n o r e n t leur langue

A

& le temps p a i l é , q u e par les Lunes. L e u r m a ­ n i è r e d é c o m p t e r eft par unités & par d i x a i n e s , Jufqu'à

cent 5 mais ils n e vont

point

au-delà.

En allant dans la M e r du Sud , le Capitaine Sharp avait t r e n t e - t r o i s h o m m e s fous fes o r d r e s . L e s Américains v o u l u r e n t c o m p t e r ce n o m b r e . U n d'entr'eux s'affit , en tenant

d e u x poignées d e

grains d e maïs , d o n t il mettait

un dans fon

panier à chaque Anglais qu'il voyait palier. Il en avait déjà compté u n e g r a n d e partie , l o r f m ' u n accidenr renverfa le panier & fit t o m b e r les grains ; il parut e x t r ê m e m e n t fâché qu'on eût t r o u b l é f o n calcul. U n a u t r e , s'écartant un peu du chemin , enrreprir auffi le m ê m e compte & crut l'avoir fait ; mais fes C o m p a g n o n s lui ayant demandequel était le n o m b r e des E t t a n g e r s , il n e put l e d i r e . Enfin quelques jours a p r è s , vingt ou t r e n t e des plus graves r e c o m m e n c è r e n t le calcul, & n'y;


D E S fcéuffîtent

V O Y A G E S .

477

pas mieux , a p p a r e m m e n t parce qu'il

excédait leur A r i t h m é t i q u e . Ils fe mirent

alors

â,d»fputer avec beaucoup d e c h a l e u r , jufqu'à cé q u ' u n d ' e n t r ' e u x , pour t e r m i n e r la d i f p u t e , prit e n main tous fes c h e v e u x , & les r e m u a devant l'aflemblée. C'était faire e n t e n d r e q u e le c o m p t é était i m p o f f i b l e , & cette déclaration les mit tous d'accord. Us n'ont'ni T e m p l e , ni C u l t e . O n y e n v o i e d e s Miffionnaires, qui c o n v e r t i r e n t , dit-on., des fept o u huit cens h o m m e s à-la-fois-, d e forte q u e depuis qu'ilsy vont, tous ces Pays devraient être a b l o l u m e n t Chrétiens : c e p e n d a n t , dit C o r r é a l , le Chriftianifme d e T i e r r a - F i r m e ne fait pas grand bruit dans le m o n d e . G o m a r a fait confifter la p r i n c i ­ pale Religion d e l'Ifthme & des Peuples voilins," dans la crainte du diable , qu'ils p e i g n e n t , d i t - i l , fous diverfes figures, telles qu'il les p r e n d q u e l ­ quefois pour fe m o n t r e r . Il eft aflez étrange q u e , dans u n long féjouf avec e u x , Warïer n'ait re­ m a r q u é aucune apparence d e cérémonie r e l i g i e u f e , d'adoration ou de facrilice , & qu'il ne parle q u e d e la confiance qu'ils ont pour leurs D e v i n s , fans nous a p p r e n d r e même quelle idée ils fe forment d e s puifiances ou des efprits qu'ils invoquenr & fans paraître d o u t e r lui m ê m e , c o m m e on l'a v u , d e la r

v é r i é de leurs prédictions. Il parait qu'ils n'ont a u ­ cune idée d'une vie f u t u r e , & q u e toutes leurs vues

TierraJFitme.


TierraJfirrne.

478 H I S T O I R E G É N É R A L E , êcel font bornées a l'ufage de leurs facultés naturelles* S'ils éraient autrefois Anthropophages, fuivant le reproche des Efpagnols, qui prirent ce prétexte pour les ttaiter avec la dernière cruauté , il ne parait point qu'il leur refte la moindre trace de cette barbare inclination, ou du moins W aller ne les en foupçonne que dans leurs guerres, qui fe renouvellent quelquefois c o n t r e leurs anciens deftrudteurs.

Fin du douzième Volume,


479

T A B L E DES C H A P I T R E S dans ce Volume.

Contenus L I V R E IV.

Pérou ,

Page I

I I . Defcription du Pérou ,

CHAPITRE

Ibid. CHAP.

III.

Origine des Incas, moeurs

des Péruviens modernes & des Créoles , 113 CHAP.

IV.

Détails fur

Péruviens

,

les anciens 160

C H A P . V.

Mines & Montagnes , 1 8 0

C H A P . VI.

Voyage des Mathématiciens

Français & Efpagnols aux montagnes de Quito.

Retour

de M. de la Conda-

fiine par la rivière des Amazones , 212


480

TABLE

L I V R E V.

dionale. Plata.

DES

CHAPITRES.

Suite de l'Amérique Tierra-Firme.

Rio

Guyane. Hiftoire

Méride

la.

Naturelle , 387

CHAPITRE

PREMIER.

Tierra-Firme , Ibid,

Fin de la Table des Chapitres


481

ERRATA

DU

DOUZIEME

VOLUME.

PA GE 3 , ligne 11 , Chachapuya ; li[e\ , Chachapoyas. Page 16, ligne dernière, par des nouvelles; life[, par de nouvelles. Page zo, ligne première , confidérabel ; lifi{, ils confidérable. Page 43, ligne zs > ils le ferment ; lijè[, ils les ferment. Page Hz , ligne 4 , finie; lifi{, lîtuée. Page ¿4, ligne première, venues; UJ'e\, venues. Page 114 , ligne zs , nommé ; lijè{ , nommée. Page iz7, ligne zi , cinquante-un ; lifii, cinquante-une. Page 2 ¡o , ligne 4 , le fermentent ; efface^ le. Page 17S) ligne lâ, bâties; lijt\, bâtir.

Tome

XII.

H k







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