D E S
V O Y A G E S
CHAPITRE r
a
e
P °y § ù
des Mathématiciens Efpagnols
aux
211
VI. Français
montagnes
de
Quito. Retour de M. de la Condamine par la rivière des
FAISONS fuccéder
Amazones.
à ce tableau des conquêtes
d e l'ambition & d e l ' a v a r i c e , qui ont coûté tant d e fang & d e crimes ,
un tableau bien
diffé
r e n t , celui des conquêtes d e la Philofophie. Il eft moins brillant aux yeux d e l'imagination, mais il offre un g r a n d objet aux y e u x d e la raifon
t
l e progrès des connaiffances h u m a i n e s , & p e u t & r e a u r a - 1 - o n q u e l q u e plailîr à voir q u e fans a u t t e efpoir, fans autre récompenfe que le defic déclairer les h o m m e s & d e leur faire du b i e n , des Sages ont fupporté autant d e travaux &
de
fatigues, ont m o n t r é un courage auffi patient & auffi o b f l i n é , q taient
u e
c e s
Conquérans fameux qui afftona
tous les obftacles p o u r avoir d e l'or
&
pour commander. Le Voyage
de M.
d e la C o n d a m i n e à
q u a t e u r , entrepris par les o r d r e s & aux
Oij
l'E frai?
Fcrou.
Pérou.
212 HISTOIRE GÉNÉRALE du Roi Louis XV , & fous les aufpices d«* notre Académie des Sciences , eft un des plus célèbres de ce fiée!e , non -feulement par l'im-* portance de fon objet, qui était la folution d'un problême agité depuis long - temps parmi les Philofophes anciens & modernes , mais encore par le caractère (ïngulier de l'Académicien Voya geur , qui porta dans cette entreprife une activité étonnante , une curiofité avide & infatiable, une intrépidité à l'épreuve de tous les périls, enfin cette efpèce d'héroïlme qui n'eft pas celui de l'i magination que le préjugé peut exalter un mo ment , mais qui tient à cette force dame , de roures les qualités humaines la plus rare & la plus difficile. Avant d'entrer dans le détail de ce Voyage j îl convient de dire un mot de la queftion phyiique qui en était l'objet. Jufqu'au régne des Sciences , fur-tout avant qu'on eût entrepris de longs Voyages fur l'O céan , l'opinion d'un fameux Philofophe , qui croyait la terre abfolument plate , fut la feule reçue parmi les hommes. Ce ne fur que par degrés, qu'ils fouirent de cette erreur. 11 y beaucoup d'apparence que les premiers pa vers la vérité, fe firent, en obfervanr que fur mer & fur terre > on ne pouvait s'éloigner d'une montagne ou d'une tousr (ans les perdre bientôt de vue. On remarqua; a
s
I
DES VOYAGES. 213 fans doute auflï que la hauteur des étoiles po- « laires variait, fui vaut l'éloignemenr où l'on était des pôles-, ce qui n'arriverait'point (I la furface de la terre était plate. Enfuite divers Philo* fophes prétendirent démontrer la fphéricité de la Superficie des eaux. Mais leur raifon la plus fimple ,. pour attribuer cette figure à la terre ,. fut pro bablement fon ombre, qui parait ronde dans les. éclipfes de Lune. Enfin „ fur quelque fondement que l'opinion de la rondeur de la terre fe foit établie, il parait certain que, depuis Ariftote jufqu'au dernier fiécle, elle n'a pas fourlert le moin* dre doute. On avait été beaucoup plus long-temps fans aucune notion de l'étendue de la terre dans fa, circonférence & dans, fon diamètte. Cette diffi culté avait paru d'abord insurmontable -, comment traverfer tant.de mers, de montagnes & de pré cipices impénétrables? Mais, quoique cesobftacles Client juger l'opération impoffible dans fa totalité, ils n avaient point empêché qu'elle n'eut été tentée» En fuppofant la terre fphérique , on peut entre prendre de la mefurer par les obfervations des affres fitués au vertical d'un lieu & éloignés du vertical d'un autte. Eratofthène prit cette voie v & la forme de fon opération paraitta fort extraor dinaire.. H lavait que Syene ,Ville d'Egypte, vers x
O iij
Pérou»
214 Pérou.
HISTOIRE
GÉNÉRALE
les confins de l'Ethiopie, était parfaitement fous le Tropique, & que par conféquent au temps du folftice d'été, le Soleil parlait par fon Zénith. Pour s'en allurer mieux , on y avait creufé perpen diculairement un puits fort profond , o ù , le jour du folftice à midi, les rayons folaires pénétraient dans toute fon étendue. On favait d'ailleurs qu'à 150 ftades autour de Syene, les ftyles élevés à plomb fur une furface horizontale ne faifaient point d'ombre. Eratofthène fuppofe qu'Alexandrie & Syene étaient fous le même Méridien , & que la diftance entre ces deux Villes était de 5 0 0 ftades. Le jour du Solftice, il obferva, dans Alexandrie , la diftance du Soleil au point ver tical , par l'ombre d'un flyle élevé à plomb du fond d'un hémifphère concave; & , trouvant que cette dernière diftance était la cinquantième partie de la circonférence d'un grand cercle, il en con clut que la diftance entre ces deux Villes était la cinquantième partie de la circonférence de la terre. Enfuite cette diftance , fupputée de 5 0 9 0 ftades, lui donne 2 5 0 , 0 0 0 ftades pour toute la circonfé rence , qui, partagée également en $ 6 0 degrés, fit 694 ftades, & prefque demie, au degré. Mais, à la place de ce nombre, ¡1 prit enfuite le nombre rond , apparemment parce qu'il ne crut pas pou. yoir répondre de quatre ou cinq ftades dans un
DES
VOYAGES.
g e g r é ; E n multipliant les 70®
ftades
215 par } 6 a
d e g r é s , il eut la circonférence totale d e 2 5 2,000 ftades. D'autres Anciens prirent différentes voies p o u r trouver les mêmes mefures -, mais elles porrent fur des fuppofitions, q u i les rendent peu c o m p a r a b l e s , p o u r l'exactitude & la jufteiïe, s c e l l e s q u i font e n ufage a u j o u r d ' h u i . C e n'eft pas m ê m e t o u t d ' u n - c o u p q u e les M o d e r n e s font parvenus au p o i n t de lumière
&
de
précifion , d o n r ils
peuvent fe glorifier. P e n d a n t plus d e deux liécles, il s'eft trouvé tant d e différence dans leurs cal* e u l s , qu'il n'eft pas aifé d'expliquer , c o m m e n t ils pouvaient s'éloigner tant l'un d e l'autre , e n partant du m ê m e point. C e t t e i n c e r t i t u d e , & l'im portance d o n t il était pour la Géographie & là N a v i g a t i o n , q u e l l e fût enfin l e v é e , furent d e u x puilTans motifs q u i firent fouhaiter à Louis X I V q u e l'Académie R o y a l e fervice
des Sciences r e n d î t c e
à l'Univers. M . Picard fut chargé d e m e
surer les degrés rerreftres. Il mefura géométrique*m e n t les diftances entre P a r i s , Malvoilim,Sourdor» Si Amiens -, Se ayant d é t e r m i n é , par des o b f e r v a rions A f t r o n o m i c j
UeSj
] diftance d ' u n e même étoile a
au Zénith des d e u x points e x t r ê m e s , il trou v a , dans, le d e g r é t e r r e f t r e , - j
7o<
j o toifes Parifiennes. Il fut
lé premier q u i a p p b q u a les lunettes aux inftrumenp. .dont il fe fervic pour ces opérations.
O ij
Pérou.
216 On ïxtou.
H I S T O I R E
G É N É R A I S
avait cru jufqu'alors q u e le G l o b e
relire était parfaitement
J
teï .
fphérique , fans, autre,
exception q u e les inégalités des m o n t a g n e s , q u i n e font d'aucune confidération dans une fi g r a n d e é t e n d u e . Perfonne n e fût
n'avait d o u t é q u e
u n e boule
la T e r r e
parfaitement a r r o n d i e ,
&,
c o m m e on fuppofait q u e la mefure t r o u v é e par M . Picard convenait à c h a q u e d e g r é , on
ne.
doutait pas q u e les 360 d e g r é s , dans lefquels o n divife la circonférence d e la fphère, n e fuileni, égaux entre e u x , & qu'ils n'euilent tous la l o n g u e u r qu'il avait déterminée d e 5.706.0 toifes. Mais on n e fut pas l o n g - t e m p s à reconnaître, q u e cette fuppofition
t a
é i t gratuite.
D e u x raifous. fort différentes, & d o n t on tira, des conféquences o p p o f é e s , firent également r é v o q u e r en d o u t e la fphéricité d e la T e r r e : l'une ç'eft la diverfité reconnue dans la l o n g u e u r du, p e n d u l e à f é c o n d e s , à différentes latitudes -, l'aur. t r e , la mefure d e tous les degrés, du méridien, q u i ttaverfe la France. C e t t e mefure
fut
faite,
par M M . Caflini p e r e & fils, M M . d e la H i r e , M u r a l d i , C o u p l e t , C h a z e l l e s , & leurs Collègues,, .i'hiftoire en eft. curieufe. L e célèbre H u y g e n s publia, au commencement, d e l'année 1 6 7 3 5
u
n
Traité dans, lequel il pre>
pendait q u e le p e n d u l e a fécondes ppuvoit ferSpir d e mefure c e r t a i n e , invariable & u n i y e r f e l l e
a
D E S
V O Y A G E S .
217
ipfans toutes les parties du monde, parce qu'en î (uppofant la Terre une fphère parfaite, le pen dule d'une longueur égale devait avoir par-tout \es mêmes vibrations. Dès l'an 1665, M. Picard avait fait la même proportion dans, fon livre de
la mefure de la Terre. D'un autre côté,
M. Richer fe trouvant, en 1671,
à l'Iflc de
Cayenne, qui n'eft qu'à 4 degrés 5^ minutes du Sud, remarqua au mois d'Août de cette an née que le pendule de l'horloge qu'il avait ap porté de Paris, fans aucun changemenï de lon gueur, metrair plus de temps à faire fes ofcillations, ou qu'il ne faifait point à Cayenne les, mêmes ofcillations dans le même temps , qu'à Paris. L'horloge retardait, chaque jour, de deux minutes vingt-huit fécondes. Pendant dix mois, M. Richer ne celïa point de renouveller
h
même expérience avec une exttême attention. Enfin il trouva que, pour batrre les mêmes fé condes , ce
même pendule devait être plus
court d'une ligne - j . Une découverte fi finguliere excita beaucoup de mouvemens parmi les Mathématiciens. Les lumières & l'exactitude re connues de M. Richer ne permettaient pas de douter du fait-, quelques - uns l'attribuèrent à l'alongement de la verge du balancier, caufé par la chaleur du climat : mais cet effet n'était pas
nouveau, &
i'Pft était
fur, que
la dirlereiice ne
Pérou.
Pérou.
218 HISTOIRE GÉNÉRALE pouvait aller à la proportion que M . Richer avait obfervéé. Il fallut chercher d'autres raifons , & conclure néceflairement que la diftérence ne pouvait venir qu'un d'une moindre pefanteur à Cayenne. On conçut alors que tous les corps pefaient moins vêts l'Equateur que vers les Pôles; car, dans les principes d e la Sta tique , la durée des vibrations dépend de la longueur & de la pefanteur du corps qui les fait. La découverte de M . Richer fut confirmée par nue expérience toute femblable de M. Halley» dans l'Ifle de Sainte - Hélène ; par celles de MM. Varin , des Haies & Glos, aux Ides de Corée , de la Guadeloupe & de la Martinique-; de M. Couplet à Lisbonne & au Para ; du F. Feuillée à Porto-Bello & à la Martinique , Se par quantité d'autres , dont le réfultat ne pou vait être attribué à la feule différence des climats. Comme il ne pouvait relier aucun doute que les corps ne pefaflent plus vers les pôles que fous l'Equa teur, M M . Huygens & Newton commencèrent par nier que la terre fût parfaitement fphériquej enfuite ils expliquèrent ce phénomène, par la force centrifuge des corps mus en rond. Tout corps , difaient-ils, dont le mouvement eft cir culaire , fait un effort continuel pour fuir St s'éloigner du centre autour duquel il fe meur^
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V O Y A G E S .
219
Ce principe , en faveur duquel la raifon s'accorde avec l'expérience , fe découvre vifiblement dans une fronde : à mefure qu'on la tourne, la pierre qu'elle porte , fait d'autant plus d'effort pour Sortir & s'éloigner du centre, autour duquel on la fait tourner, que la vîteffe du mouvement eft plus grande ) &, dès qu'on la lâche , elle continue de fe mouvoir , fans être pouffée par une nou velle force. Les loix naturelles du mouvement confirment cette force centrifuge : c'eft le nom qu'on lui a donné, parce qu'elle tend à éloigner un corps du centre de fon mouvement. De-là , les mêmes Philofophes ont conclu que la terre eft applatie, & leur raifonnement peut être réduit en peu de mots. La terre fe meut & tourne chaque jour fur fon axe. Par ce mouvement, chaque particule de fon globe fait effort pour s'éloigner de l'axe, & cet efforr eft proportions à la vîteffe ou à la grandeur du cercle que chacun décrit. Or ce cercle & la vîteffe étant plus grand; vers l'Equateur que vers les Pôles , il faut que l'effort foit plus gtand près de l'Equateur , poui s'éloigner de l'axe. D'un autre côté , tout corps par fa gravité primitive , qui fe nomme force centripète , tend vers le centre de la terre , ou, pour mieux d u e , perpendiculairement à l'hori zon. On trouve donc deux forces dans un mêm< .çorps ) l'un qui le pouffe & l'entraîne vers il t
Pérou»
Pérou.
220 HISTOIRE GÉNÉRALE centre de la terre -, l'autre qui naît du mouvement de la terre , & qui imprime à tous les corps l'effort qu'ils font pour s'éloigner de l'axe, ou du centre autour duquel ils fe meuvent ; & comme ces deux forces font toujouts plus con traires l'une à l'autte , à mefure que les corps font plus proches de l'Equateur , il arrive qu'avec une égale quantité de matière , )cs pendules , comme tous les autres corps , ont plus de pe fanteur à Patis , qu'à l'Ifle de Cayenne. On a pouffe le raifonnement jufqu'à calculer la quantité de force centrifuge que chaque degré terreftre doit avoir, fuivant le plus ou le moins 4e latitude , & la diminution que la même force doit caufer dans la graviré des corps, à chacun de ces degrés. Huygens & Newton allèrent jufqu'à marquer , quoiqu'avec quelque différence , le rapport entte l'axe de la terre & le diamètre de l'Equateur. Huygens le concluait de la feule force centrifuge , comparée à la gravité. Newton y joignait fa théorie fur la gravitation univerfelle. Ils étaient perfuadés que d'exactes expériences fur la pefanteur j pouvaient vérifier feules, nonfeulement la figure de la terre, mais encore lav grandeur de chaque degré , dans toutes les latitudes. Un nouveau phénomène , découvert dsns lo même te mps , leur parut confirmer cette théo*
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221
*îe. On reconnut, dans le difque de Jupiter, cer- ; taines taches , à l'aide defquelles les Aftronomes cbferverent qu'il faifait en fîx heures une ré volution fur fon axe. Comme elle était plus ra pide que celle qu'on attribuait à la terre , elle devait imprimer à toutes les patties de cette planète , une force centrifuge correfpondante à fa "Vélocité , & par conféquent plus grande que celle de la terre. Cerre force , par l'analogie d'un (Corps à l'aurre , devait prefqu'applatir le globe Ide Jupiter vers fes pôles. En effet , avec d'excellens micromètres , qui fervirenr à mefurer fes diamètres, on trouva que l'axe de révolution de .cette planète, était plus court que fon diamètre. Tous ces raifonnemens , fondés fur la feule différence de pefanteur dans le pendule, paru rent ingénieux aux Mathématiciens Français ; mais ils voulaient des expériences & des faits décififs. Ils reconnailïaient que la mefure de M. Picard ne pouvait être une régie fixe pour tous les degrés; car, devant être inégaux , fi la rerre n'était pas fphetique , cette mefure , quoiqu'exac"te pour la pairie qui avait été mefurée , ne pouvair êtte ap pliquée à ceux dont on ne connailTatt pas la me fure. C'eft ce qui fit naître la propolîtion de me furer la ligne méridienne qui traverfe la France, & c e projet fut entrepris, en 1 6 8 3 , par l'ordre exprès de Louis-le-Grand , fous la proteftion d'uq
Pérou.
222 H I S T O I R E PCIGU.
GENERALE
' Miniltre que toute l'Europe honore du même' furnom. M. Caiïini fut chargé de l'exécution. Ou choifit j pour premier point de cette mefure » l'Obfervatoire de Paris. Malgré quantité d'obita-des, elle fut continuée depuis Dunkerque jufqu'à Callioure •, & le Méridien de toute la France fut divifé en deux arcs , l'un de Dunkerque à Paris , & l'autre de Paris à Callioure. Tout l'ouvrage fut terminé en 1 7 1 8 . Les mêmes mefures , ob>» ferve M. de Maupertuis , furent répétées pat MM. Calîini j en différens temps , en différens lieux , avec différens inftrumens, & par diffé rentes méthodes. Le Gouvernement y prodigua toute la dépenfe & toute la protection imagi-J nables, pendant l'efpace de trente-iîx ans; & le réfultat de fix opérations , faites en 1 7 0 1 , 171 3 , 1718 , 175+ & 1735 » toujours que la terre était alongée vers les pôles. Ainfi , deux chofes réfuiraient de ces opérations, l'une que la terre n'était pas entièrement fphérique, en quoi les Français convenaient avec Huygens & Newton, l'autre qu'elle était un fphéroïde long, ou étendu vers les deux pôles, ce qui ne s'accordait pas avec l'opinion de ces deux Mathématiciens, qui la croyaient un fphéroïde large, ou applati vers les pôles. f u c
Cependant les mefures de MM. Caffini femblaient valoir une démonftration. Ils avaient trouvé, les degrés feptentrionaux de la France moindres
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223
«que les méridionaux , d'où ils concluaient avec raifon , que la terre étant plus coutbe vers les parties feptentrionales que vers les parties méridionales , elle devait avoir la figure d'un fphéroïde alongé -, la plupart des Savans ne doutaient point de la juftefïe de ces mefures. On prit parti en Efpagne , pour" l'opinion de MM. Caffini -, & , comme ils ne parlaient point du phénomène des pendules , deux de nos plus favans Académiciens entreprirent de l'ajufter avec la figure alongée de la terre. Les partifans de l'opinion oppofée, ne niaient pas que la mefure du Méridien de France n'eût été faite avec beau coup de précifion •, mais ils prétendaient q u e , dans les deux arcs qui la partageaient, la diffé rence de quelques degrés , par rapport aux au tres , était fi peu confidérable , & par conféquent fi peu fenfible, qu'il était aifé de la confondte avec l'erreur à laquelle toute obfetvation eft fujette. D'ailleurs quelqu'exaclitude que M. Caffini pere eût apportée à la fienne , il ne laiflait pas d y avoir un excédent de trente-fept toifes entre fa mefure vers Collioure , & celle de M. Picard, & une de cent trente fept entre fa mefure vers Dunkerque , & celle de fon fils. Dans cette difpute , j la terre de meurait indécife pour les perfonnes neutres, & tout le monde néanmoins fencait l néceffité d'une l a
n g u r e
e
a
Pérou,
224 HISTOIRE GÉNÉRALE décifion. Les navigateurs 7 étaient l e s plus inte?? Pérou* reffés, puifque les diftances des lieux différant dans les deux fyftêmes, cette incertitude les expofait à diverfes fortes d'erreurs. Les Géographes tombaient dans un extrême embarras pour leurs cartes : s'ils choififlaient mal entre deux opinions Conteflées * l'erreur ne pouvait être de moins dé d e u x degrés dans une diftance de cenr degrés. Les Aftronomes avaient befoin auffi d'une décifion fixe; de-là dépendait pour eux la connaiffance de 'la véritable parallaxe de la Lune, q u i fert à mefurer fes diftances, à déterminer fa po/ition & fes mouvemens •, & c'elr là-defïus qu'ils fondent l'efpérance de rrouver un jour la lon gitude fur mer. La queftion n'était pas moins importante pour les Phyficiens , puifqu'ils regar dent la gravité des corps comme l'agent univerfel qui fert au gouvernement de toute la Nature. Enfin d e - l à dépend encore la perfection du niveau , pour amener les eaux de loin , pour ouvrir des canaux , pour donner pafiage aux mers, pour faite changer de cours aux rivières i fans compter mille autres connaiflanccs, qui peu v e n t réfulter de la véritable détermination de h, figure dé la terre, par l'enchaînemenr que toutes les Sciences ont éntrelles. Tel était l'état d'une difficulté , qui occupait,' depuis quarante ans, l'Académie des Sciences * lorfque
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225
lorfque le Roi fie communiquer à cette Aca- ; demie , par M. le Comte de Maurepas, Miniftre & Secrétaire d'Etat de la Marine , la réfolution où il était de ne rien épargner , pour faire dé cider cette fameufe queftion. On ne trouva point de voie plus sûre'que d'envoyer, aux frais de Sa MaJefté , deux Compagnies d'Académiciens , l'une au Nord , pour mefurer un degré du Mé ridien près du Pôle ; l'autre en Amérique, pour en mefurer un autre près de l'Equateur. C'était en effet le feul moyen de lever tous les doutes fur la figure de la terre-, car tï elle était applatie, les degrés devaient aller en augmentant, depuis l'Equateur jufqu'au Pôle -, au contraire , fi elle était alongée , & fi , dans la comparaifon des degrés les plus proches , la différence était fi petite , qu'elle pût être confondue avec les er reurs prefqu'inévitables dans les obfervarions , on était fur qu'en compatant les degrés les plus éloignés , elle ne pourrait échapper aux Obfervateuts. Enfin fi la terre était parfaitement fphérique , les degtés, à quelque diftance qu'ils fuffent entr'eux , devaient êtte égaux, fans autre différence que celle qui peut réfulter des obfervations. Le Roi nomma , p
o u r
. écuter au Nord une ex
imtreprife fi digne de lui, MM. de Maupertuis, Clairaut , Camus & le Monnier, Académiciens
Tome XH
P.
?
Pérou,
226
H I S T O I R E
G É N É R A L E
& M . l'Abbé O u t h i e r , C o r r e f p o n d a n t d e l'Aca Pérou.
d é m i e , M . d e S o m m e r e u x pour Secrétaire , Se M . H e r b e l o t pour DelTmateur. L e R o i d e Suède y joignit M . Cellius, Ton Aftronome. Leur V o y a g e & leurs O b f e r v a t i o n s , q u i ont été publiés par M . d e M a u p e r t u i s , feront rappelles avec h o n n e u r , dans nos Relations du N o r d . Vers l'Equateur , Sa Majeilé chargea d e fes o r d r e s , M M . G o d i n , Bouguer & d e la C o n d a m i n e , A c a d é m i c i e n s , auxquels M . d e Juflîeu, D o c t e u r en M é d e c i n e , fut alïocié p o u r les O b s e r v a t i o n s Botaniques. O n leur d o n n a p o u r aides, dans les opérations g é o m é t r i q u e s , M . V e r g u i n , I n g é n i e u r d e la M a r i n e , M . G o d i n des O d o n a i s & M . Couplet ; M . de Morainville pour nateur , M. M.
Seniergues
H u g o pour
Deilï-
pour C h i r u r g i e n
H o r l o g e r . L e pays d e
Quito
& s
dans l'Amérique méridionale , parut le plus p r o p r e à des obfervations , d o n t la plupart d e v a i e n t fe faire fous l'Equateur. L ' a g r é m e n t du R o i d'Efp a g n e fut d e m a n d é , p o u r un travail
d o n t les
t e r r e s d e fou D o m a i n e allaient recevoir un n o u veau luftre ; Se non-feulement ce M o n a r q u e e n t r a v o l o n t i e r s dans des vues fi giorieufes à fon Sang ; mais il fouhaita l ' h o n n e u r , en
d'en
partager i m m é d i a t e m e n t
nommant
Efpagnols , D o n G e o r g e
deux
Mathématiciens
Juan , D o n
d ' U l l o a j p o u r accompagner
les
Antoine
Académiciens
Français , & pour affilier à leurs O b f e r v a t i o n s .
DES
V O Y A G E S .
227
Ils Te trouvèrent tous enfemble à Panama d'où cette illuftre Compagnie mit à la voile le 4 z de février 1 7 3 6 , 8c palfa pour la première fois l'a ligne, du 7 au 8 de mars. Elle aborda , le i o , à la côte de la province de Quito, dans la rade de Marna : ici fe fit la première féparation des Sa vans aflociés. Les deux Officiers Ef-
Pérou.
pagnols & M. Godin renrrcrent à bord & firent Mathéma voile pour Guayaquil. M. Bouguer & M. de la ticiens Condamine réitèrent fenls à Manta. Nous les y Efpagnols, -retrouverons, quand nous aurons fuivi les deux Efpagnols dans leur roure, qui offre des détails intérelTans jufqu'à Quito , où étoit le rendez-
vous général. Ils s'embarquèrent fur le fleuve de Guayaquil le 3 de mai 1 7 3 6 , & arrivèrent le 11 à Caracol , après bien des retardemens caufés par les courans qu'ils avaient peine à furmoMer. Pour continuer le chemin par terre, on leur tenait des mules prêtes . fur lefquelles ils fe mirent en route le 14. Quatre lieues quils firent d'abord , par des favanes , des bois de planes & de cacaotiers, les rendirent fur les plages de la rivière d'Oiibar. Jls la. travfrferent neuf fo ^ g dans fes divers dé tours , 8c toujours avec quelque péril, au Tra vers des rochers dont elle elt femée, qui n'em pêchent point qu'elle ne foit tout-à-la-fois, large, profonde & rapide. Le foir ils s'arrêtèrent ls
u e
P ij
I
Pérou.
228 HISTOIRE GÉNÉRALE au Port des Mofquites, dans une maifô'n fituéé fur la rive. Tout le chemin, depuis Caracol jusqu'aux plages d'Ojibar, eft fi marécageux j qu'ils avaient marché continuellement par des ravines & des bourbiers, où leurs mules s'en fonçaient jufqu'au poitrail : mais il devient plus ferme lotfqu'on a paffé les plages. On juge par le nom du l i e u , où les Mathématiciens panèrent la nuit, à quoi ils étaient condamnés pendant leur fommeil. Ils y furent fi cruellement piqués des mofquites , que quelques-uns prirent le parti de fe jetter dans la rivière, & de s'y te nir jufqu'au jour; mais leursvifages, feule partie du corps qu'ils ne pouvaient plonger dans l'eau , furent bienrôt fi maltraités, qu'il fallut abandon ner .cette refTource, & laitier du moins parrager le tourment à routes les autres parties du corps. Le 1 5 5 ils traverferent une montagne cou verte d'arbres épais, après laquelle ils arrivèrent à de nouvelles plages de la rivière d'Ojibar, qu'ils parlèrent encore quatre fois à gué, avec autant de danger que le jour précédent. Ils firent halte, à cinq heures du foir, dans un lieu nommé Caluma. On n'y trouve aucun endroit pour fe loger, & , pendant toute la jour née, il ne s'était offert aucune naaifon; mais les voituriers Américains entrèrent dans la monta gne , coupèrent des pieux & des ^branches &
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229
formèrent, en peu de temps, des cabanes, qui mirent tout le monde à couvert. Le chemin de ce jour avait été très-incommode , entre des arbres fi voifins les uns des autres, qu'avec la; plus grande attention , un voyageur fe meurtrir les jambes contre les troncs & la tête contre les branches. Quelquefois les mules & les cava liers s'embarraflent dans les béj'uques , efpèce de liane ou d'ofier qui traverfe d'un arbre à l'autre. Ils tombent & ne peuvent fe débarraffer fans fecours. Le 16", à 6 heures du matin, le thermomètre marquait 1016*. Aufîï commence-1-on à refpîrer un air plus frais. On fe remit en chemin à 8 heures-, & l'on palïa vers midi, dans un lieu, nommé marna Rumi. C'eft la plus belle cafcade que l'imagination puille fe repréfenter. L'eau y
1
tombe d'environ 50 toifes de haut, d'un rocher .... taille à pie*, & bordé d'arbres extrêmement touftus. La nappe de fa chute forme, par fa blancheur & f f e , ^ fpeébcle auquel M. d'UIIca n'avait rien vu d'égal. Elle fe raffemble fur un fond de roche, d'où elfe fort pour conti nuer fon cours dans un lit un peu incliné, fur lequel pafle le grand chemin. Cette belle caf cade eft nommée Paccha par les Américains & Chorréra par les Efpagnols. Les Mathématiciens-, continuant de m a r c h e r , panèrent deux fois la P iij a
c
tt
u
n
Pérou-.
Pérou,
230 HISTOIRE GÉNÉRALE rivicre fur des ponts auiîï dangereux que les gués, & vers deux heures après midi, ils arri vèrent à Tarrigagua. Une grande maifon de bois conftruite exprès pour les loger, fervic à les délafler d'une journée très-fatigante. Le chemin ne leur avait offert, d'un côté, que d'horribles précipices; & , de l'autre, il était fi étroir, que les Cavaliers & les montures n'ayant pas çeffé de heurter , tantôt contre les arbres & tantôt contre le roc, ils étaient fort meuttris à leur arrivée. On nous explique en quoi coníifte le danger des ponts. Comme ils font de bois & forr longs j ils branlent d'une manière eftrayanre fuis le poids de ceux qui les padent. D'ailleurs ils onr à peine trois pieds de lmge, fans aucune forte de para pets ou de garde - fous fur les bords. Une mule c i vient à broncher, tombe infailliblement dans la rivière, & ne manque pas d'y périr avec fa cjharge. Le partage étant guéable en été, on fa brique ces ponts chaque hiver, mais avec Ci peu de folidité, qu'ils demandent d'être renou velles tous les ans. Lorfqu'une perfonne de mar que fait cette route, le Corregidor de Guaranda eft obligé de Etire conitiuire , par des Améri cains, les manions de bois qui fervent au repos de chaque journée. Elles demeurent fur pied, pour fervir aux autres Voyageurs, juiqu'à ce
D E S V O Y A G E S . 231 qu'elles tombent faute de réparation. Alors un Voyageur ordinaire efl; réduit, pour tout loge ment, aux cabanes que fes vokuriers ou fes guides lui bâtilTent à la bâte.
!
Le 1 7 , à 6 heures du marin , le Thermo mètre marquait 1 0 1 4 1 ; & ce degré parut unpeu frais aux Mathématiciens, qui étaient ac coutumés à des climats plus chauds. Mais la même heure fait éprouver, à Tarrigagua, deux températures fort oppofées. S'il y a deux Voya geurs , dont l'uu vienne des montagnes, & l'autre de Guayaquil, le premier trouve le cli mat fi chaud, qu'il ne peut foufîrir qu'un habit léger; & l'autre, au contraire, trouve le froid fi fenfible, qu'il fe couvre de fes plus gros ha bits. L'un trouve la rivière fi chaude, qu'il efl: impatient de s'y baigner, & l'autre la trouve il froide qu'il évite d'y tremper la main. Une dif férence fi remarquable ne vient, des deux côtés, que de celle de l'air d'où l'on fort. En fortant de Tarrigagua,le 2 8 , à 9 heures du matin, les Mathématiciens commencèrent à mon ter la fameufe montagne de Saint-Anroine ; & , vers une heure après midi, ils arrivèrent dans un lieu que les Américains nomment Guamar , & les Efpagnols Cru^ de canna, c'eft-à-dire, Ctoix de rofeaux. La fatigue du chemin les força de s'y arrêter, Cruz de canna efl un petit P iv
1
Pérou.
232 HISTOIRE GÉNÉRALE efpace de plaine, un peu en pente, qui fait le milieu de la montagne. On nous reprélente le Pérou, chemin, depuis Tarrigagua, comme un des plus dangereux de l'Amérique. » Qu'on fe figure » 33dit M. d'Ulloa , des montées prefqu'à plomb, v & des delcentes fi rudes que les mules ont so beaucoup de peine à s'y foutenir. En quel-. »ques endroits, le pafTage a fi peu de largeur, » qu'il contient difficilement une monture. En s, d'autres, il eft bordé d'affreux précipices, qui » font craindre à chaque pas de s'y abîmer. Ces » chemins, qui ne méritent pas le nom de fen»>tiers, font remplis dans toute leur longueur, P 3 & d'un pas à l'autre, de trous de près d'un s, pied de profondeur , quelquefois plus pro» fonds , où les mules ne peuvent éviter de ?» mettre les pieds de devant & derrière. Quel«quefois leur ventre traîne à terre, & prefque «toujours il en approche jufqu'aux pieds du » cavalier. Les trous forment une efpèce d'efcaiplier, fans quoi la. difficulté du chemin ferait w invincible. Mais fi. malheureufement la .monture » met le pied entre deux trous, ou ne les place »pas bien dedans, elle s'abbat, & le cavalier w court plus ou moins de rifquç, fui van c le côté », par lequel il tombe.» Pourquoi ne pas mar-i cher à pied dat^s un chemin • de cette étrange* riatute? On répond qu'il n'eft pas aifé de fç
D E S
V O Y A G E S .
233
tenir ferme, fur les éminences qui font entre les trous , & que fi l'on vient à glifîer, on s'en fonce nécefTairement dans le trou même, c'eftà-dire , dans la boue jufqu'aux genoux-, caf ces trous en fonr remplis, & fouvent jufqu'au comble. On les nomme caraellons dans le pays-, ilsf font comme autant de trébuchets pour les mu les. Cependant les partages, qui n'ont point de trous, font encore plus dangereux. « C e s penres » étant fort efcarpées, & la nature du terrain, 30 qui eft de craie continuellement détrempée r> par la pluie, les rendant extrêmement glif» fautes, il ferait importable aux bêtes de charge »d'y marcher, fi les voitutiers Indiens n'allaient «devant , pour préparer le chemin. Ils portent » de petit hoïaux , avec lefquels ils ouvrent «une efpèce de petites rigoles à la diftance s> d'un pas l'un de l'autre, pour donner aux «mules le moyen d'affermir leurs pieds. Ce tra» vail fe renouvelle chaque fors qu'il, parte d'au» très mules, parce que, dans l'efpace d'une nuit ; ,la pluie ruine l'ouvrage du jour précédent; T> Encore le. confolerair _ de recevoir de fré»quentes m e u r t t i i î & d'être crotté ou «mouillé, fi l'on n'avait fous les yeux de? pré c i p i c e s & des abîmes dont la vue fait fré-' a mir, D> Enfin M. d'Ulka nous aûure, fons exa-
3
o n
ures}
Pérou.
Pérou.,
234 HISTOIRE GÉNÉRALE gération, que le plus brave n'y peut marcher qu'avec un friiTon de crainte, fur - tout s'il conferve allez de liberté d'efprit pour longer à la faibleffe de l'animal qui le porte. La manière dont on defcend de ces lieux tetribles ne caufe pas moins d'épouvante. Il ne faut point oublier que , dans les endroits oii la pente eft fi roide, les pluies font couler la terre & détruifent les camellons. D'un côté, on a fous les yeux des coteaux efcarpés, & de l'autre des abîmes, dont la vue feule glace les veines. Comme le chemin fuit la direction des montagnes, il faut nécelfairement qu'il fe con forme à leuts irrégularités. De fotte qu'au lieu d'aller droit , on ne parcourt pas cent toifes fans être obligé de faire deux ou trois détours. C'eft patticulierement dans ces finuofités, que les camellons font bientôt détruits. La Nature apprend aux mules à s'y préparer. Dès qu'elles font aux lieux où commence la defcentç, elles s'arrêtent, & joignent leurs pieds de devant l'un contre l'autre, en les avançant un peu fur une ligne égale , comme pour fe cram ponner : elles joignent de même les pieds de derrière, les avançant un peu auffi, comme li leur deffein était de s'accroupir. Dans cette pof. rure , elles commencent à faire quelques pas, pour éprouver le chemin, Eufuite, fans changer
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V O Y A G E S .
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de fituation, elles fe laiflent glifTer avec une vîtefTe étonnante. L'attention du cavalier doit être de fe tenir ferme fur fa felle, parce que le moindre mouvement, qui ferait perdre l'équi libre à fa monture, ne manquerait point de les précipiter tous deux. D'ailleurs pour peu qu'elle s'écartât du fentier , elle tomberait infaillible ment dans quelque abîme. M. d'Ulloa ne fe laffe point d'admirer l'adrefte de ces animaux; On s'imaginerait, dit-il, qu'ils ont reconnu 8c mefuré les pafïàges. Sans uti inftincT: fi puilTant, il ferait impoilible aux hommes de palier pat des routes où les brutes, leur fervent de guides. a Mais , quoique l'habitude les ait formées à » c e dangereux manège, elles ne 'aillent point *> de marquer une efpece de crainte ou de faiaofifleraenr. En arrivanr à l'entrée des defcentes, "elles s'arrêtent, fans qu'on ait befoin de tirer »la bride. Rien n'eft capable de lés faire avali sa cet fans avoir pris leurs précautions. D'abord won les voit trembler. Elles examinent le cheq»min , auffi loin que leur vue peu s'étendre. » Elles s ébrouent , comme pour avertir le caovaliet du péril , & s'il n'a pas déjà paflé * par ce même l i j prellèntimens ne lui «caufent pas peu d'effroi. Alors les Américains éprennent le devant, f portent le long du' opaifage,'grimpent aux racines d'arbres qu'ils e u
c e s
e
Pérou.
Pérou.
236 HISTOIRE GÉNÉRALE «voient découvertes, ils animent les mules par? «leurs cris, & ces animaux que le bruit femble aa.encourager , rendent le fervice qu'on attend » d'eux. « Dans d'autres endroits de la defcente» il n'y a point de précipices à craindre, mais le chemin y eft Ci rellerré, fi profond, fes côtés fi hauts & fi perpendiculaires, que le péril n'y eft pas moins grand, quoique d'une autre ma nière. La mule n'y trouvant point de place pour arranger fes pieds, a beaucoup plus de peins à fe foutenir. Si elle tombe néanmoins, ce ne peut être fans fouler le cavalier, & dans un fenrier fi étroit qu'en n'a pas la moindre liberté de s'y mouvoir -, il eft allez ordinaire de fe calî'er le bras ou la jambe, ou de perdre même le vie. . A l'entrée de l'hiver, & au commencement de l'été, ces voyages font plus incommodes & plus dangereux que dans toute autre faifon. La pluie forme alors d'épouvantables torrens, qui font difparaitre les chemins, ou qui I ruinent jufqu'à rendre le paftage absolument impoflible^ i moins qu'on ne fe fafle précéder d'un grand nombre d'Américains pour les réparer, & ces réparations même faites à la hâte, ou fufhTantes pour les naturels du pays,, laiflent encore de grands fujets d'effroi pour un Européen. En gé néral, le peu de foin qu'on donne à l'entretiene s
DES VOYAGES 237 fles chemins du Pérou en augmente beaucoup l'incommodité naturelle, car ce n'eft pas feule ment celui de Guayaquil à Quito, dont les Voyageuts fe plaignent, il n'y en a pas un feul de bon , dans toutes les parties des montagnes. Lorfqu'un arbre tombe de vieilIelTe , ou déra ciné par un orage , il ne faut pas croire que s'il bouche le chemin, on fe mette en peine de l'en écarter. Il y en a de fi gros que leur tronc n'a pas moins d'une aune & demie de diamètre. Ceux de cette groffeur demandant beaucoup d'appareil pour les remuer , les Américains fe contentent d'en diminuer une partie à coups de hache. Enfuite, déchargeant les mules, ils les forcent de fauter pardeffus le refte du tronc. L'arbre refte aiitïi dans la fituation où ils le trou vent •, & d'autres Américains qui viennent après les premiers, continuent de faire fauter les mules, jufqu'à ce qu'il foit pourri par le remps. Le 1 8 , à Cruz de canna, le degré du Ther momètre était de 1 0 1 0 . Les.Mathématiciens fe remirent en marche par un chemin femblable à celui du jour précédent jufqu'à Pucara, où l'on cefle de fuivre l rivière. Tour ce qu'on découvre au-delà de Pucara,' iorfqu'on a paflé les hauteurs de cetre Cordelière, eft un terrain fans montagnes & fans arbres, d'environ deux lieue» d'étendue, mêlé de plaines a
Pérou,
Pérou.
238 HISTOIRE GÉNÉRALE rafes & de fort petites collines. Les unes & les autres font couvertes de froment, d'orge, dé maïs & d'autres grains, dont la différente ver dure forme un fpectacle fott agréable pour ceux qui viennent de traverfer les montagnes. Cet objet parut fort nouveau à des Voyageurs ac coutumés, depuis près d'un a n , aux verdures des pays chauds & humides, qui font fort dif férentes de celles-ci. Ils trouvèrent, à ces belles campagnes, une parfaite reffemblance avec celles de l'Europe. 1
Après s'être repofés jufqu'au 2 1 , dans la maifon du Corregidor de Guaranda, ils reprirent leur route vers Quito, & le jour de leur départ, comme les deux jouts précédens, le Thermo mètre marqua 1 0 0 4 ^ . Le 2 2 , ils commencèrent à traverfer la bruyère, ou le défert de Chimborazo, laiílanr toujours à gauche la montagne de ce nom, & partant par des collines fablonneufes qui depuis le cap de Nége paraiffent continuel lement s'élargir. Les terres de ce Cap, qui vont, par un long efpace, en penchant des deux côtés vers la mer, environnent la montagne, & femblent en former les faces. Vers cinq heures du foit, les Mathématiciens arrivèrent dans un lieu , nommé rumi mâchai, celt-à-dire cave de pierre : ce nom vient d'un fort gros rocher, qui forme dans fa concavité une retraite alTez corns
D E S
V O Y A G E S .
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triode, où les Voyageurs palîent la nuit. Cette journée avait été fatigante. On ne trouve fur la route ni précipices , ni partage dangereux ; mais le froid & le vent s'y font vivement fentir. Lorfqu'on a pa ffé le grand Arénal & furmonté les plus grandes difficultés de cet ennuyeux défert j on découvre les relies d'un ancien Pa lais des Incas , fitué entte deux montagnes & dont le temps n'a refpecté qu'une partie des murs. Le 2 $ , à 5 heures & un quart du matin , le Thermomètre marquait 1 0 0 0 , terme de la congélation dans cet inftrument. Auffi la campagne parut-elle toute blanche de frimats, & le rocher de Rumimachaï était tout couvert de gelée. A 9 heures du matin , les Mathématiciens recom mencèrent à côtoyer 'le Chimborazo à l'Eft &> vers deux heures, ils arrivèrent à Mocha, petit hameau fort ' pauvre , où ils parlèrent la nuit. Le terrain, qui efl entreCaracol & Guaranda, eft de deux fortes: le premier jufqu'àTarrigagua efl uni ; & , depuis Tarrigagua jufqu'à Guaranda , on ne fait que monter & defcendre. Les mon tagnes , jufquà deux lieues au-delà du Pucara, font couvertes de grands arbres de différentes efpèces , dont le branchage, feuilles, & la grolîeur du tronc caufent de l'étonnement aux l e s
Pérou,
240
H I S T O I R E
GÉNÉRALE
L V o y a g e u r s . T o u t e cette C o r d e l i è r e eft: auffi garnie» Pérou.
d e bois dans fa partie O c c i d e n t a l e , qu'elle e n eft d é p o u r v u e dans la partie o p p o i é e . C'eft
du
fein d e ces m o n t a g n e s , q u e fort la rivière qui , gtoffie par u n e infinité d e ruiffeaux , occupe u n fi vafte lit depuis Caracol jufqu'à T o u t e l'étendue d e
Guayaquil.
ces m o n t a g n e s , qui n e
laiftent pas d'avoir b e a u c o u p d e terrain u n i , dans leur partie f u p é r i e u r e , a b o n d e e n d i v e r f e s efpcces d'animaux & d'oifeaux , d o n t la plupart différent p e u d e ceux d e T i e r r a - F i r m e . O n peut y j o i n d r e les paons f a u v a g e s , les faifans, u n e efpèce
pir-
ticuiiere d e p o u l e s , & q u e l q u e s a u t r e s , d o n t l'a b o n d a n c e eft fi g r a n d e q u e s'ils fe
perchaient
m o i n s h a u t , & s'ils n e fe cachaient pas fous les feuillages des arbres , les V o y a g e u r s befoin faire
q u e d'un
fufil
*
de
n'auraient
munitions
pour
c o n t i n u e l l e m e n t la m e i l l e u r e c h è r e . Il s'y
t r o u v e auffi b e a u c o u p d e f e r p e n s , & des linges d ' u n e finguliere g r a n d e u r , qu'on diftingue , dans l e p a y s , par le n o m d e marimondas.
Don d'UI-
loa n e craint pas d'affûter q u e lorfqu'ils fe dreffént fur leurs pieds', ils ont plus d'une aune & d e m i e d e hauteur. L e u r poil eft noir. Ils font extrê mement
laids , mais ils
s'apprivoifent
facile
ment. Les cannes ne font nulle part auffi belles q u e 'dans la r o u t e d e Guayaquil à Q u i t o . L e u r lon gueur
D E S
V O Y A G E S .
241
'gueur ordinaire eft entre fix & huit toifes -, & , ; quoique leur groffeur varie , les plus épaifleS n'ont qu'environ fix pouces de pied-de-roi, ce qui Fait à-peu-près Un quart d'aune de Caftille. La partie ferme & maffive de chaque tuyau a fix lignes d'épaifleu'r. On comprend qu'étant ouverres, elles forment une planche d'un pied & demi de large ; & l'on ne s'étonnera point qu'elles fervent à la conftruclion des édifices du Pays» Pour cet ufage & quantité d'autres, on ne les coupe qué dans leur parfaite grandeur. La plu part des tuyaux font remplis d'eau , avec cette différence que, pendant la pleine Lune, ils font tout-à - fait pleins, & qu'à mefure que la Lune décroît, cette eau diminué, jufqu'à difparaitre entièrement dans la conjondion. L'expérience n'en lailïa aucun doute à Don d'Ulloa. Il obferve suffi qu'en diminuant , l'eau fè trouble , & qu'au contraire, dans fâ plus grande abondance, elle eft auffi claire que lecryftal; les Péruviens ajou tent d autres particularités : tous les tuyaux , difent-ils, né fe templiilent pas à-la-fois-, entre deux pleins , il ] un qui refte vide. Ce qü il y a de certain fur le témoignage du Mathématicien, c'eft q fi l' n ouvre un tuyau v i d e , on en trouvé de fuite deux autres pleins; On attribue à leur eau la.vertu de difiiper lé9 apofthemfes qui peuvent naître d'une chiite. Àuffi Tome XIL Q v
e n
A
t o u
u e
o u r s
0
péróo.
242 Pérou.
Lu Conda-
ni ine.
HISTOIRE
GÉNÉRALE
tous les Voyageurs, qui defcendent des montagnes» ne manquent pas d'en boire, pour fe fortifier contre les coups & les meurtrilTures qu'on ne peut gueres éviter dans cette route. On laifie lécher les cannes , après les avoir coupées. Elles font alors alfez forres pour fervir de chevrons & de folives. On en fait auffi des planches & des mâts pour les balzes. On en double les foutes des vaifleaux qui chargeur du cacao, pour em pêcher que la grande chaleur de ce fruit ne confumele bois. Enfin ces cannes fervent à mille forres d'ouvrages. Cependant M. Bouguer & M. de la Condamine étaient reliés feuls à Manra. Ces deux Aca démiciens fe propofaicnt d'y obferver l'Équinoxe par une nouvelle méthode de M. Bouguer ; de reconnaître le point où pafïait l'Equateur, de fixer, par l'obfervation de l'éclipfe de Lune du z6 Mai, la longitude entièrement inconnue de cette Côte , la plus Occidentale de l'Amérique Méridionale , & d'examiner le Pays où leurs opérations de la mefure de l'Equateur devaient les conduire. D'autres motifs fe joignirent à ces premières vues : ils voulaient chercher , fur les plages de la Côte, un terrain commode à n;eïurer , & propre à fervir de bafe à leurs dé terminations géométriques. « Nous ne devions s» point négliger, dit M. de la Condamine, l'ocr t
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V O Y A G E S
«cafion d'obferver les réfractions
243
Aftronomiques
» d é la Z o n e - T o r r i d e , en profitant
d e la
vue
» d e l'horizon d e la m e r , q u e nous allions b i e n t ô t » p e r d r e d e vue dans un Pays d e
montagnes:
M enfin il était à propos d e faire l'expérience d u 35 pendule à fécondes , au niveau d e la mer
&
» fous l'Equateur m ê m e . L'exécution d e tant d e » projets n e
prit qu'un
mois. »
Tandis
que
M . Bouguer s'occupait des réfractions, M . d e la C o n d a m i n e d é t e r m i n a le point d e la C ô t e , o ù elle eft coupée par l ' E q u a t e u r : c'eft une p o i n t e , appellée Palmas le plus faillant ;
,
o ù il g r a v a , fur le une
inferintion
rocher
pour
l'utilité
des gens d e m e r . La perfécution des maringoins eft infupportable dans ce lieu -, & le Ciel y eft p r e f q u e toujours c o u v e r t d e nuages. En
débat'
q u a n t à Manta , on avait averti la C o m p a g n i e d e fe tenir en garde contre les ferpens , qui y font c o m m u n s & d a n g e r e u x . Des la
première
n u i t , M . d e la C o n d a m i n e en vit un iufpendu à l'un des montans de la cafe
de
rofeaux , fous
laquelle il avait fon hamac , mais ils n'attaquent point un h o m m e s'il évite d e les t o u c h e r . Les deux' Académiciens vifiterent C h a r a p o t o , P u e r t o - V é j o , & parcoururent la C o t e , depuis le Cap S a n - L o r e n z o , jufqu'au C a p Pallado 6c R i o - J a m a . Pendant leur féjour à P u e r t o - V é j o , M . d e la C o n d a m i n e g u é r i t , avec du quinquina Q ij
Pérou.
244
HISTOIRE
GÉNÉRALE
qu'il avait apporté de France, une Créole qufc íérou.
la fièvre tourmentait depuis un an , & qui n'avait jamais entendu patler d'un fébrifuge qui croît dans fa Patrie. La famé de M . Bouguer, qui commençait à fe déranger , l'ayant obligé, le 15 Avril , de prendre fa route vers le Sud , pour aller rejoindre M. Godin , & les Officiers Efpagnols à Guayaquil, M. de la Condamine fe vit feul , & c'eft dans fon propre récit , qu'on va représenter la route qu'il prit pour Quito. « L e s inflrumens, dit-il, furent pattagés entre » M . Bouguer & moi. Je lui remis mon petit «quart de cercle d'un pied de rayon, & je me *> chargeai du grand. Nous avions commencé en-, r> femble la Carte du Pays : je la continuai feul, » & n'ayant pu trouver de guide pour pénétrer » à Quito en droite ligne, au travers des bois, n>où l'ancien chemin était effacé, je côtoyai les * terres en pirogue , l'efpace de plus de 50 7>lieues vers le Nord. J e déterminai, par obferœvation à terre, la latitude du Cap San-Fran•Kcifco, celle de Tacamos, & des autres points »les plus remarquables. Je remontai enfuite une «riviere très-rapide, à laquelle une mine d'é» rweraudes , aujourd'hui perdue, a donné le « n o m qu'elle conferve. Je levai le plan de fon je cours , & la carre de mes routes, depuis
DES
V O Y A G E S .
245
iolte'Iîeu de mon débarquement jufqu'à Quito. «Tout ce terrain eft couvert de bois épais, » o ù il faut fe foire jour avec la hache. Je mar» chais, la boulîole & le thermomètre à la main, w plus fouvent à pied qu'à cheval. Il pleuvait »régulieremenr tous Les jours après midi. Je » traînais après moi divers inftrumcns & le grand » quart de cercle, que deux Américains avaient »bien de la peine à porter. Je recueillis & def» » finai dans ces vaftes forêts, un grand nombre »>de plantes & de graines (ingulieres que je S5 remis enfuite à M. de Julîieu. Je parlai huit » jours entiers dans ces défeits, abandonné de «mes guides. La poudre 8c mes autres provi35 fions me manquèrent» Les bananes & quelques » fruits fauvages faifaient ma rellburce. La fiè» vre me prit : je m'en guéris par une dicte qui » m'était confeillée par la raifon, 8c ordonnés »par la néceffité. y
«Je fortis enfin de cette felirude, en fuivant *>une crête de montagnes, où le chemin, ou» vert trois ans après par Don Pedro Maldonado, 32 Gouverneur de la Province, n'étair pas encore «tracé. Le {entier où je marchais, était bordé *>de précipices, creufés par des torrens de neige » fondue, qui tombent à grand bruit du haut » d e cette fameufe montagne connue fous le »nom de Cordelière des Andes, que je c o m Q iij
r
Pérou»
246
H I S T O I R E
G É N É R A L E
« mençais à m o n t e r . J e trouvai à m i - c ô t e , a p r c S Pérou.
« q u a t r e jours d e m a i c h e au milieu
des boi'J,
« u n Village Américain, n o m m é Ni^uas,
où j e
o>m'arrêrai. J'y entrai par un ravin étroir q u e les « e a u x ont cavé d e 18 pieds de profondeur. Ses « b o r d s coupés à p i c , femblaienr fe j o i n d r e par « l e h a u r , & lailfàient à peine le palTàge
d'une
« m u l e : o n m'alTura q u e c'était là le g r a n d c h e » m i n , & il eft vrai qu'alors il n'y en avait pas « d ' a u t r e . J e paflai plufîcurs torrens fur ces ponts « f o r m é s d'un réfeau d e l i a n e s , femblable à nos «filets d e P ê c h e u r s , tendu d'un b o r d à l'autre *>& c o u r b é par fon p r o p r e poids. J e les vis alors « p o u r la première fois, & je ne m'y étais pas « e n c o r e familiarifé. J e rencontrai fur u n e r o u t e « d e u x auttes h a m e a u x , dans l'un defquels
l'ar-
« g e n t m'ayant m a n q u é , je laïfTâi m o n quart d e «cercle
& ma malle en gage chez le C u r é ,
« p o u r avoir des mulets & des Américains
juf-
» qu'à N o n o , autre Village, où je trouvai un R e « l i g i e u x Francifcain, qui m? fit d o n n e r à crédit « t o u t ce q u e j e lui demandai. « P l u s je m o n t a i , plus les bois s'éclairci riaient: « b i e n t ô t je ne vis plus q u e des fables, & plus » haut
des rochers
nus & c a l c i n é s , qui
bor-
» daient la c r o u p e Seprentrionale du volcan d e »Pichincha.
Parvenu
au haur de
la c ô t e ,
je
« fus faifi d'un .étonnement mêlé d'admiration à
D E S
V O Y A G E S .
247
»raipeâ: d'un long vallon de cinq à fix lieues de
:
a» large, entrecoupé de ruilleaux qui fe réunifiaient Péiou. s> pour former une rivière. Tant que ma vue » pouvait s'étendre , Je voyais des campagnes «cultivées, diverfifiés de plaines & de prairies, j> des coteaux de verdure, des Villages, des hawraeaux entourés de haies vives & de jardina»ges : la Ville de Quito terminait cette riante *> perfpeclive. Je me crus tranfporté dans nos oplus belles Provinces de France. A mefure que » ] e defcendais, je changeais infenfiblement de «climat, en paiThnt, par degrés, d'un froid extatrême à la température de nos beaux jours du 9>mois de mai. Bientôt j'apperçus tous ces objets » de plus près & plus diltinéremenr. Chaque » inftant ajoutait à ma furprife : je vis, pour la » première fois, des fleurs, des bourons & des =°fruits, en pleine campagne fur tous les arbres. w
J e vis femer , labourer & recueillir dans un
3»même jour & dans un même lieu.-»-* Il entra dans Quito , le 4 de juin. M. Bou-i guer était le feul à qui fa mauvaile famé
n'a
vait pas encore permis de s'y rendre. Mais le 1 o du même mois, treize mois après leur départ de France, ils s'y trouvèrent tous raflemblés. En
17385
" employa les premiers jours de
Septembre à faire un voyage au-delà de la Cdr-r dcliere Orientale, à Tagualo, diftrid peu Con&U* Q_ iar
Pérou.
248 HISTOIRE GÉNÉRALE dont il leva la Carte. Le Marquis de Màcnzai Seigneur de tout ce canton, avait fait conftruira fur le fommet de la montagne de Gnougnououtcou un logement pout lui, & un abri pour fes inftrumens-, mais, par un contre-temps qui n'était que trop ordinaire, le brouillard rendit fes peines & tous ces préparatifs inutiles. Mais, en revenanr, il fe détourna un peu du chemin pour voir le lac de Quilotoa , fitué fur le haut d'une montagne , dont on lui avait raconté des chofes merveilleufes. Ce lac eft renfermé dans une enceinte de ген chers efearpés, qui ne lui parut pas avoir beau coup plus de deux cens toifes de diamètre, quoi qu'on lui fuppofe une lieue de tour. Il n'eut ni le temps, ni la commodité de le fonder. Il s'ea fallait alors environ vingt toifes que l'eau n'attei gnît les bords. On lui. aflura qu'elle était mon tée depuis un an de cette hauteur-, qu'elle avait près des botds, plus de quarante toifes de pro fondeur, 8c qu'il était long-temps refté dans fon milieu, une Ifle & une bergerie, que les eaux en s'élevant p e u - à - p e u , avaient enfin tout-à- fait couvertes. M, de la Condamine ne garantit point la vérité de cçs faits-, & , quoiqu'ils n'aient rien d'impollible, il avoue qu'il avait regardé comme une fable ce qu'on lui avait dit fur la foi des traditions Pétuviennes, que peu après la forma*.
D E S V O Y A G E S . 249 tion du lac, il était forti du milieu de fes eaux ; des tourbillons de flamme, & qu'elles avaient P é r o u . bouilli plus d'un mois. Mais, depuis fon retour en France, il a fu de M. Maënza qui était à Paris en 1 7 5 1 , & qui avait douté auffi de tous les faits précédens, qu'au mois de décembre 1 7 4 0 , il s'éleva, pendant une nuit, de la furface du même lac , une flamme qui confuma tous les arbuftes de fes bords & fit périr les troupeaux qui fe trouvèrent aux environs. Depuis ce temps, tout a confervé fa fituation ordinaire. La cou leur de l'eau eft vetdâtre, on lui attribue un mauvais goût -, & , quoique les troupeaux voifins en boivent, on ne voit fur fes bords, ni même dans le voifinage , aucune forte d'oifeaux & d'animaux aquatiques. Celles qui coulent du côté de la montagne font falées : les raches, les moutons, les chevaux & les mulets en paraifTent fort avides. Du côté oppofé, les fources donnent une eau fans goût, qui palTe pour une des meilleures du pays. Il y a beaucoup d'ap parence que le baffin de ce lac eft l'entonnoir de la mine d'un volcan, qui, après avoir joué dans les fiécles paiTés, fe renflame encore quel quefois. Le baffin a pu fe remplir d'eau, par quelque communication fouterraine avec des montagues plus élevées. LJn des points que M.
Bouguer & M. de
Pérou.
250 HISTOIRE GÉNÉRALE la Condamine reconnurent enfemble , était une petite montagne , nommée Rabouco , voifine des villages de Penipé & de Guanando , où l'on recueille de fort belle cochenille , fut une /efpèce particulière de ces arbuftes à feuilles épineufes , a p p e l l e s Opuntia par les Boraniftes , & vulgaire ment Rakertes. La bafe de la montagne de Nabouco, eft de marbre dans les ravines des environs ; M. de la Condamine en découvrit de très beaux & richement veinés de p l u s i e u r s couleurs. Il y vit auflï des rochers d'une pierre blanche , auflï tranfparente que l'albâtre , & plus dure que le marbre. Elle fe cafle par éclats , & rend beau coup d'étincelles. On allure qu'un f e u violent la liquéfie. L'Académicien Soupçonnant qu'elle pou vait être utilement employée à la porcelaine, en recueillit des fragmens , qui faifaient partie de l'envoi qu'il fit en 1 7 4 ° ' P I cabinet du Jardin du Roi. Il trouva auffi , en defcendant plus bas , une carrière d'ardoife , pierres dont on ne fait aucun ufage dans le pays, & qui ' y eft pas même connue. Sur la fin du mois d'Août 1 7 3 9 , M. de la Condamine n'ayant pu fe défendre d'alîîfter a une courfe de raureaux qui fe fallait àCuença, il fut témoin d'un trille fpeétacle. M. Seniergues, Chirurgien de la Compagnie Françaife , honoré pat confécpient de la protection de deux Soum , r
e
n
DES V O Y A G E S . 251 Verains , fut afïaffiné en plein jour , à l'occafion d'une querelle parriculiere. Ce meurtre fut fuivi d'un foulévement général contre les Mathéma ticiens , fans en excepter les deux Officiers Efpagnols , & la pluparr virent leur vie menacée. M. de la Condamine, que Seniergues avait nommé, en mourant , fon exécuteur teftamentaire , fe ttouva forcé d'intenter & de foutenir, pour l'hon neur du mort , un procès criminel, qui dura près de rrois ans. Les coupables en furent quittes pour quelques années d'un banniflèment qu'ils n'obferverent point , & pour une amende qui ne fut pas payée -, ils furent même abfous après le départ des Académiciens -, mais le plus criminel ne biffant pas de craindre la Juftice , quelquefois févere , quoique toujours lente , du Confeil d'Efpagne, prit le parti de fe faire Prêtre. Les embarras de cet événement, qui donnè rent un nouveau luftre au caractère noble & g é néreux de M. de la Condamine , ne furent pas adoucis par les divertiffemens qu'on lui procurair quelquefois. Les Américains de la rerre de Tarqui, où il f uvair à la fin de Décembre, font dans l'habitude de célébrer tous les ans une fête qui n'a rien de barbare ni de fauvage , & qu'ils ont imitée de leurs conquérans Efpagnols , comme ceux - ci 1 ont autrefois empruntée des Mores. Ce font des courfes de chevaux , qui e
tr0
Pc lou.
252 Pçrou.
HISTOIRE
GÉNÉRALE
forment des ballets figurés. Les Américains louent des parures deftinées à cet ufage , & femblables à des habits de théâtres ; ils fe fournifienr de lances & de harnois éclatans pour leurs chevaux, qu'ils manient avec peu d'adrelle & peu de grâce. Leurs femmes leur fervent d'écuyers dans cette occafion , & c'eft le jour de l'année, où la mifere de leur condition fe fait le moins fentir. Les maris dépenfent , en un jour , plus qu'ils ne gagnent dans l'eipace d'un an ; car le maître ne contribue guères au Spectacle qu'en l'honorant de fon alTiftance. x
Cette efpèce de carroufel eut pour intermède, des fcènes pantomimes de quelques jeunes Métis, qui ont le talent de contrefaire parfaitement tout ce qu'ils voient , & même ce qu'ils ne comprennent point. Les Académiciens en firent alors une fort agréable expérience. « Je les avais » vus plusieurs fois, raconte M. de la Condamine, «nous regarder attentivement, tandis que nous » prenions des hauteurs du Soleil pour régler »nos pendules. Ce devait être pour eux un » myltere impénétrable , qu'un Obfetvateur à ge»noux , au pied d'un quart-de-cetcle , la tête mrenverfée , dans une attitude gênante » tenant «d'une main, un verre enfumé, maniant de » l'autre les vis du pied de l'inftrumenr, portant * alternativement fou oeil à la lunette & à- J a
D E S
V O Y A G E S .
253
• divifion , pour examiner le fil à plomb, cou- • toraiit, de temps en temps , regarder la minute Pérou. » & la féconde à une pendule, écrivant quel»ques chiffres fur un papier, & reprenanr fa «première fituarion : aucun de nos mouvemens * n'avait échappé aux regards curieux de nos » fpectateurs. Au moment que nous nous y atten» dipns le moins, parurent fur l'arène de grands «quarts de cercle de bois & de papier peint , »aflez heureufement imités ; & nous vîmes ces «bouffons nous contrefaire rous avec tant de » vérité , que chacun de nous, & moi le pre-] «9 mier , ne put s'empêcher de fe reconnaître; »5 Tout cela fut exécuté d'une manière fi co-. ?> mique , que, n'ayant rien vu de plus plâifant, » pendant les dix ans du voyage , il me prie , » une forte envie de rire , qui me fit oublier, » pour quelques momens, mes affaires les plus » férieufes. » Après l'année 1 7 3 5 , M. de la Condamine avait envoyé à l'Académie différentes raretés > dont il donne une curieufe lifte. On voit, au Cabinet du Jardin du Roi , les premiets envois faits de nos l f l & de Porto-Bello en 1 7 3 5 , & un autre de Quito en 1 7 3 7 . La caille embar quée à Lima, en 1 7 3 7 » pour Panama , contenait, autre un vafe d argent du temps des Incas, plu-, jîeuts petites idoles d'argent, des anciens Pérue s
254 Pérou.-
HISTOIRE
GÉNÉRALE
viens > un grand nombre de vafes antiques d'af» gille , de plulieurs couleurs, ornés d'animaux quelques-uns avec un tel artifice , que l'eau for mait un fifflement lorfqu'on la verfait -, un beau morceau de mine de cryfiai , plusieurs pétrifi cations & coquilles foffiles du Chili, une belle plante marine, adhérente à u n caillou lilTe, dixhuit coquilles rares, un aimant de Guancaelica, une dent molaire , pétrifiée en agate, du poids de deux livres, plulieurs baumes fecs & liquides, un Dictionnaire & une Grammaire de la Langue des Incas. La cailïe, perdue à Carthagène, con tenait quelques vafes d'argille , iemblables aux précédens, plulieurs autres vafes, des calebafies de différentes formes, ornés de deiîins faits à la main avec un chatbon brûlant, & quelques-unes montées en argent avec leurs pieds, des incrus tations pierreufes du ruifleau de Tanlagoa , entr'autres fur une planche qui y avait été plongée trois ans, & où les caractères que M. de la Condamine y avait tracés, parafaient en relief; plulieurs marcaffites taillées, de la piètre appellée miroir de l'Inca , un grand nombre de fragmens de cryftal noirâtre , nommé dans le pays pierre de Gallinao , deux pièces de bois pétrifié ; plulieurs pierres de différentes formes, qui ont fervi de haches aux anciens Américains, divers mortiers & vafes d'une efpèce d'albâtre, f
D E S
255
V O Y A G E S .
iin petit crocodile d e la rivière d e G u y a q u i l , la ; Pérou.
tête & la peau empaillées d'une belle c o u l e u v r e , n o m m é e coral, d o n t les anneaux font couleur d e feu , & noir , &c. A i n i î , l'attention & les foins d e l'Académicien s'étendaient à tout. Il m a r q u a l'époque du fâcheux accident qui le priva d e l'ouïe. C e fut e n
1-741,
au retour d'une courfe qu'il fit d e r r i è r e les m o n tagnes , à
rOueft
d e Q u i t o , en allant reconnaître
l e nouveau chemin q u e D o n
Pedro
Maldonado
venait d'ouvrir d e Quito à la rivière des E m e raudes. U n e
fluxion
violente dans la tête , fruit
des alternatives d e froid & d e c h a u d , auxquelles il s'expofait
en obfervant jour & n u i t , & fou-
vent fur un terrain froid & h u m i d e , lui caufa cette cruelle infirmité , qui
d u r a le refte
de
fa v i e . U n voyage remarquable, q u e M. d e la C o n d a m i n e fit au c o m m e n c e m e n t d e J u i n , avec M . B o u g u e r
3
fut celui du volcan d e P i c h i n c h a , le Véfuve d e Quito , au p i e d d u q u e l cette Ville eft fituée. Ils en étaient voiiins depuis iept ans , fans l'avoir vu d'aiüTl près qu'il était naturel d e le d é l i r e r ,
&
le beau temps les y invitait. Mais on connaît q u ' u n fujet d e cette n a t u r e , d e m a n d e la narration d u Voyageur même, j La partie fupérieure du en trois f o m m e t s ,
Pichincha fe
divife
éloignés l'un de l'autre
de
256 Pérou.
HISTOIRE
GÉNÉRALE
douze ou quinze cens toifes, & prefqu'égalemenf hautes. Le plus oriental , qu'oh a décrit dans un autre article > eft un rocher efcatpé , fur lequel les deux Académiciens avaient campé en 1 7 3 7 . Le fommet occidental , par otï les flammes fe firent jour en 1 5 3 8 , 1 5 7 7 & 1660, eft celui qu'ils n'avaient encore vu que de loin , & que M. de la Condàrnine fe propofait de reconnaître plus particulièrement; « J e fis chercher , dit-il, à Quito & âUx enavirons , tous les gehs qui prétendaient avoir »vU de près cette bouche du volcan , fur-tout » ceux qui fe vantaient d'y être defcendus , » & j'engageai celui qui me patut le mieux « infhuit à nous accompagner. Deux jours avant » notre départ , nous envoyâmes monter Une » tente à l'endroit le plus commode , & le plus •»à portée de l'objet de notre curiofîté. Des «mules devaient porter notre bagage, un quart 'a»dé cercle & nos provifions. Le jour marqué, « les muletiers né parurent point. Il en fallut allet «chercher d'auttes. L'impatience fit prendre les «devants à M. Bouguer, qui arriva fur les trois «heures après-midi, à la tente. A forcé d'argent « & d'ordres deS Alcades, je trouvai deux mu«letiers , dont l'un s'enfuit le moment d'après. « J e ne Liflai point de pattir avec l'autre, q « j e gardais à vue. Il n y avait qu'environ trois lieue* u e
D E S V O Y A G E S . 257 w lieues à faire. Je connaiiTais le chemin, jufqu'à s» l'endroit d'où l'on devait voir la tente déjà » pofée , & j'étais accompagné d'un jeune garçon, o>qui avait aidé à la drefler. Je fortis de Quito, » fur les deux heures après midi , avec le jeune » homme 8c un valet du pays ,tous deux montés, » le muletier Américain, & deux mules chargées » d e mes inftrumeiis, de mon lit 8c de nos vivres, m Pour plus de hîreté , je ne refufai point un » Métis, qui, de fon propre mouvement, s'offrit » à me guider. Il me fir faire halte dans une ferme, » où je congédiai mon Américain venu de force, » après en avoir engagé un autre à me fui vie de * bon gré. On verra fi j'avais poufîé trop loin les » précautions. » A mi-côte , nous rencontrâmes un cheval à la =o pâture. Mon Américain lui jettaunlaqs, & fauta » deflus. Quoique les chevaux , à Quito, ne foient y* pas au premier qui s'en failit , comme dans les » plaines de Buenos-Aites, je ne m'oppofai point » à I heureux hafard qui mettait mon muletier en soétat d'avancer plus vite. Il paraifîait plein de abonne volonté , lui & fes camarades. » Nous arrivâmes , un peu avant le coucher du en Soleil, au plus h d l partie de la 111011wtagne , oh Ion peut atteindre à cheval. Il érait » tombé , les nuits précédentes, une fi grande » quantité de neige , qu'on u voyait plus aucune Tome XIL R a u :
e
a
e
Pérou.
Pérou.
258 HISTOIRE GÉNÉRALE os trace de chemin. Mes guides me parurent in4 a» certains. Cependant il ne nous reliait qu'un » ravin à palier, mais profond de quatre-vingt wtoifes & plus. Nous voyions la tente au-delà. »Je mis pied à terre , avec celui qui avait aidé »à la pofer , pour m'affurer fi les mules pou» vaient defcendre avec leur charge. Q u a n d j'eus » reconnu que la defcenre était praticable , j'ap•«pellai d'en-bas, on ne me répondit point. Je re» montai, & je trouvai mon v^let feul, avec les » mulets. L'Américain & le Métis, qui s'étaient » ofterrs de bonne grâce , avaient dilparu. Je ne »crus pas devoir palier outre fans guides , fur»tout avec des mules fort mal équipées. Celui » qui avait moiré la tente , ne comaillait pas le s» gué de la ravine, ni le chemin pour remonter s>à l'autre bord. N o u s étions loin de toute ha«bitation : u n e cabane que M. Godin avait » commandée depuis un an, pour y faire quelques «expériences, n'était.qu'à un quart de lieue de » nous. Mais j'avais reconnu, en partant , qu'elle » n'était pas ei core couverte , & qu'elle ne pouM v a i r me fervir d'abri. Je n'eus d'autte parti à reprendre que de revenir fur mes pas, pour re» gagner la ferme où j'avais pris le Péruvien qui «m'avait quitté A chaque inftant, il e fallait » defcendre de cheval , pour raccommoder les v charges qui tournaient fans celle. L'une n'étais m
D E S
V O Y A G E S .
259 q u e l'autre fe d é r a n g e a i t :
s»pss p l u t ô t rajuftée
« m o n valet & le j e u n e Métis n'étaient s> plus habiles M u l e t i e r s q u e m o i . Il
Pérou,
guetes
était
déjà
« h u i t h e u r e s , & depuis la fuite d e mes g u i d e s , s? nous
n'avions
pas
» Il nous en
reliait
» les devants
,
fait au
pour
l'efpace
d'une
lieue.
m o i n s autant. J e pris aller
chercher
du
Se-
.» cours. »11 faifait un fort b e a u clair d e L u n e , & Je «reconnaifïais le terrain : mais à p e i n e
étais-
» j e à m o i t i é chemin d e la ferme , q u e j e
me
3>vis t o u t - d ' u n - c o u p e n v e l o p p é d'un brouillard «fi é p a i s , q u e je m e perdis absolument. J e m e « t r o u v a i s e n g a g é dans un bois taillis, b o r d é d ' u n » folié profond , & j'errais dans ce l a b y r i n t h e j •>fans en r e t r o u v e r l'ilTue. J'étais defcendu d e m a » m u l e , pour tâcher d e voir o ù je pofais le p i e d . " M e s f o u l i e r s & mes botines furent b i e n t ô t aulTi » pénétrés d'eau , q u ' u n e l o n g u e cape Efpagnole
t
s> à un drap d u P a y s , d o n t le poids était acca33 blant. J e gliflais & je tombais à c h a q u e pas. M o n w impatience était égale à ma I a l ï i t u d e . J e jugeais «que
le jour n e pouvait être é l o i g n é , lorfque
» ma m o n t r e
m ' a p p i qu'il n'était q u e m i n u i t ,
»&
avait
qu'il n y
r
t
q
u
e
t r o
is
heures que
ma
«Situation durait ; il en reliait hx jufqu'au j o u r . »Une
clarté, q u i n e d u r a q u ' u n m o m e n t ,
me
m rendit I'efpérance : je m e tirai d u bois & j'en-; R
ij
260
HISTOIRE GÉNÉRALE le fommet d'une croupe avancée de lé 33 montagne , fur lequel eft une croix qui fc 33 voit de toutes les parties de Quito. Je jugeai 33 que de-là il me ferair facile de m orienter-, & »j'y dirigeai ma route. Malgré le brouillard qui 33 redoublait , j'étais guidé par la pente du ter33rain. Le fol était couvert de ces hautes herbes s» dont j'ai parlé plufieurs fois : elles m'atteignaient 3> prefqu'à la ceinture , & mouillaient la feule » partie de mes habits qui eut échappé à la pluie, as Je me trouvais à-peu-près à cette hauteur 33 où il celle de neiger & où il commence à 33 pleuvoir •, ce qui tombait, fans être ni pluie 33 ni neige , était aulTt pénétrant que l'une & aulTï »3 froid que l'autre. Enfin j'arrivai à la croix, dont 33je connailfais les environs. Je cherchai inutile3» ment une grotte voifine , où j'aurais pu trouver 33 un afyle : le brouillard & les ténèbres avaient 33 augmenté , depuis le coucher de la Lune. Je 3>craignis de me perdre encore, & je m'arrêrai 33 au milieu d'un tas d'herbes foulées qui femssblaient avoir fervi de gîte à quelque bête 33 féroce. Je m'accroupis enveloppé dans mon 33 manteau , le bras palîé dans la bride de ma. 33 mule -, pour la lailïer paître plus librement, je » lui ôtai fon mord, & je fis de fes [rênes une ssefpècede licou , que j'alongeai avec mon mou» choir. C'eft airifî que je palfai là nuit, tout 1« M t r e v i s
Pciou.
t
D E S
261
V O Y A G E S .
» é o r p s m o u i l l é , & les pieds dans la neige fon» due ; enyain je les agitai p o u r leur procurer «quelque
chaleur par le m o u v e m e n t - , vers les
« q u a t r e heures du m a t i n , je ne les fentis
ab-
» f o l u m e n t p l u s t j e crus les avoir gelés , & je fuis « e n c o r e perfuadé q u e je n'aurais pas échappé à » c e danger , difficile à prévoir fur un v o l c a n , « il je
n e m'étais avifé- d'un expédient qui m e
« r é u i î î t -, je les réehauflai par
u n bain naturel
« q u e jé laide à d e v i n e r . » L e froid augmenta vers la p o i n t e du jour : « à la p r e m i è r e lueur du crépufcule, je crus ma -
« m u l e pétrifiée , elle était i m m o b i l e . U n capa«raçon
d e n e i g e , frangé
« l a felle
d e verglas , couvrait
& le ha m o i s . M o n chapeau &
mon
« m a n t e a u étaient enduits du m ê m e v e r n i s , & « roides d e glace. J e m e mis en m o u v e m e n r , « m a i s je n e pouvais qu'aller & r e v e n i r
fur mes
« p a s , en attendant
q u e - le
le g r a n d
jour ,
« b r o u i l l a r d retardair. Enfin, fur les fept h e u r e s , « j e defeendis à la ferme , « L'Econome
hériilé
de
frimats.
était abfent. Sa femme effrayée
à
« m a v u e , prit* la fuite : je ne pus a t t e i n d r e q u e « d e u x vieilles A m é r i c a i n e s , q u i n'avaient pas e u « l a force.de courir allez vite pour m ' é c h a p p e r . « J e leur faifais allumer du feu , lorfque je vis « e n t r e r un d e mes g e n s , aufTi fec que j'éta¡3 « m o u i l l é . Son camarade & l u i , v o y a n t c r o î t r e R iij
Pérou,
262 Pcroa.
HISTOIRE
GÉNÉRALE
«le brouillard , lorfque je les eus quittés 3 «avaient fait halte & s'étaient mis à couvert «avec mes provisions , fous des cuirs partes à » l'huile qui fervaient de couvertures à mes mules. «Ils avaient foupéà difcrétion de mes vivres fous « c e pavillon, & dormi tranquillement fur mon «marelas. Au p o i n t du j o u r , un grand nombre » d'Américains dp Quito , qui vont tous les » matins prendre de la neige pour la porter à la «Ville , avaient parte fort près d'eux , fans w> qu'aucun eût voulu les aider à recharger. Le «maître valet de la ferme fe rrouva de meilleure «volonté : une petite gratification le fit partir «avecle mien, & , peu après, je les vis revenir » avec les mules & le bagage. 3
« J e defcendis aurti-tôt à Quito, où je ré» parai la mauvaife nuit précédente. Le len» demain 14 , à fept heures du matin , je me «remis en chemin avec de nouveaux guides, » qui ne le favaient pas mieux que les premiers : a» ils me firent faire le rour de la montagne. Après « d e nouvelles aventures J'arrivai enfin à la tente » où M. Bouguer était depuis deux jours. Faute «des provifions que je portais , il avait été « obligé de vivre frugalement : du refte il n'était » pas plus avancé que m o i , fi ce n'cft qu'il avait «pa(lé de meilleures nuits. J'appris de lui qu'il » s'était lajTé la veille, & cç jour même à chercher,» a
D E S BFavëC fon
263
V O Y A G E S .
g u i d e , un chemin qui p û t le c o n Pérou.
»> d u i r e à la b o u c h e du volcan , du côté où elle *> parait acceffible. N o u s
employâmes
le
jour
» f u i v a n t à la m ê m e r e c h e r c h e , avec preiqu'aulTÏ. a» peu
de
fuccès. Autant
les pluies avaient été
wexcefïives cette année à Q u i t o , autant la n e i g e jj était t o m b é e a b o n d a m m e n t fur les m o n t a g n e s . » L c haut d e P i c h i n c h a , q u i , dans la belle faifon, » e f t fouvent
prefque fans neige , en était
en-
«otierement c o n v e r c p l u s d e cent toifes au-defïous » d e fa c i m e , à l'exception des pointes d e rochers s» qui d é b o r d a i e n t en quelques e n d r o i t s . T o u s les « j o u r s nous faihons à pied des marches d e fis » à fept h e u r e s , tournant autour d e cette malle» » fans pouvoir a t t e i n d r e au fommet. Le ' t e r r a i n , . »du
côté de l ' O r i e n t , était coupé d e ravins
«formés
dans
« e a u x : nous
les ne
fables
par
pouvions
A
la chute
des
franchir
que
les
» diihcilemenr , en nous aidant des pieds & d e s » mains. A gnions
l'entrée
de
la nuir ,
nous
rega
n o t r e tente , bien fatigués & fort m a l
»iii{truits. » L e 1 6 , j ' e ' c a l a d a i , avec b e a u c o u p d e peine » « u n des rochers faillans , d o n t le talus m e p a r u t oitrès-toide. A u - d e l à , 55 d'une neige ,
le terrain était c o u v e r t
où j'enfonçais jufqu'au
genou»
95 Je ne laiiîai pas d'y m o n t e r e n v i r o n dix t o i » f e s . Enfuite
je trouvai
l
e
rocher nud -, puis R
iv
264
HISTOIRE
33 alternativement Fdrou.
GÉNÉRALE
d'autre neige ,
&
d'autres
s> pointes l'aillantes. Un épais brouillard , qui »s'exhalaît de la bouche du volcan , & qui fe » répandait aux environs , m'empêcha de rien 33di(linguer. Je revins , à la voix de M. Bouaaguer qui était refté en bas , & dont je ne •«voulais pas trop m'écarrer. Nous abrégeâmes wbeaucoup le chemin au retour, en marchant •»à mi-côté, fur le bord inférieur de la neige, » & un peu au-delïus de l'origine de ces cavées x> profondes , qu'il nous avait fallu monter & «defcendre l'une après l'autre, en allant d'abord » à la découverte. a Nous remarquâmes, fur cette neige, la pille 33de certains animaux qu'on nomme lions à Quito,
33quoiqu'ils relTembient fort peu aux vrais lions, » & qu'ils foient beaucoup plus petits. En revesonant, je reconnus un endroit où la pente était 33 beaucoup plus douce & facilitait l'accès du fom33 met de la montagne. Je tentai de m'en appro33 cher. Les pierres ponces que je rencontrais 33 fous mes pas, & dont le nombre croiflait à sa mefure que j'avançais du même côté, femblaient *. m'aflurer que j'approchais de la bouche du 33volcan; mais la brume qui s'épaiffiflair, me fit ,3 reprendre le chemin de la tente. En defeen»3dant, j'eflayai de gliflèr fur la n e i g e , vers fon «bord inférieur, dans les endroits où elle était
D E S V O Y A G E S . 265 » unie & la pente peu rapide. L'expérience nie Pérou. s n r é u f ï ï t , d'un élan, j'avançais quelquefois dix à 33douze toiles, fans perdre l'équilibre : mais lorf33 qu'après cet exercice, je me retrouvai fur le n Cable, je m'apperçus au premier pas que m e s ssfouliers étaient fans femelles. « L e lendemain 17 ,au matin, M. Bouguer ptosspofa de prendre du côté de l'Oueft, où était s» la grande brèche du volcan. C'était par - là 33 qu'il avait fait fa première tentative, la veille » de mon arrivée : mais la neige , qui étair tom33bée la nuit précédente, rendait les approches a, plus difficiles que jamais , & s'étendait fort 33 loin au-deiTous de notre rente. Enhardi par as mes expériences de la veille, je dis à M. Bousaguer que je favais un chemin enrore plus 33court. C'était de monter droit pardeffus la ;»neige, à l'enceinte de la bouche du volcan, 33 & j'offris de lui fervir de guide. J e me mis .33en marche un long bâton à la main, avec le3> quel je fondais la profondeur de là neige : je s»la rrouvar, en quelques endroits,, plus haute 33que mon bâton, mais aflez dure néanmoins 30 pour me porter. J'enfonçai tantôt plus, tantôt » moins, prefque jamais au-defTus du genou. 33C'eft ainfi que j'ébauchai, dans la partie de la 33montagne que la neige couvrait, les marches ,»3fott inégales d'un efcaiier d'environ cent toifes
FQOU.
266 HISTOIRE GÉNÉRALE 33 de haut. En approchant de la cime, j'apperçus* «entre deux rochers l'ouverture de la grande «bouche, dont les bords intérieurs me parurent «coupés à pic , & je reconnus que la neige qui 03 les couvrair, du côté où je m'étais avancé la «veille, était minée en deflous. Je m'approchai « avec précaution, d'un rocher nu , qui dominait 33 tous ceux de l'enceinte. Je le tournai par-dehors « o ù il fe rerminair en plan incliné, d'un accès «allez difficile : pour peu que j'enfle glilïé, je «roulais fur la neige, cinq à (ïx cens toiles, «jufqu'à des rochers où j'aurais été fort mal «reçu. M. Bouguer me fuivair de près, & m'a« vertit du danger qu'il parrageait avec moi. « N o u s étions feuls-, ceux qui nous avaient d'a33 bord fuivis étaient retournés fur leurs pas & «fur les nôttes. Enfin nous arteignîmes le haut « du rocher , d'où nous vîmes à notre aife la 33 bouche du volcan. « C'eft une ouverture qui s'arrondit en demi•» cercle, du côté de l'Orient. J'eftimai fon dia«mètre de 8 à poo toifes. Elle eft bordée de «roches efearpées, donr la partie extérieure eft «couverte de neige-, l'intérieure eft noirâtre Se «calcinée. Ce vafte gouffre eft féparé en deux, «comme par une muraille de même matière, aoqui s'étend de l'Eft à l'Oueft. Je ne jugeas » pas la profondeur de la cavité, du côté où nou? -
DES
V O Y A G E S .
267
i» étions, de plus de cent toifes-, mais je ne pou- ; Pérou. «vais pas en appercevoir le centre, qui vraifem«blablement était beaucoup plus profond. Tout 33 ce que je voyais ne me parut êtte que les déos bris écoulés de la cime de la montagne. Un «amas confus de rochers énormes, brifés & en«taîîés irrégulièrement les uns fur les autres «préfentait à mes yeux une vive image du »caos des Poètes; La neige n'était pas fondue 33 par-tout : elle fubfiftait en quelques endroits; 33mais les matières calcinées qui s'y mêlaient, & 33 peut-être les exhalaifons du volcan, lui don— 33 naieut une couleur jaunâtre : du refte nous ne 33 vîmes aucune fumée. Un pan de l'enceinte , » entièrement éboulé du côté de l'Oueft, em33pêche qu'elle ne foit tout-à-fait circulaire, & igc'eft le feul côté par lequel il fembl'e poffible » d e pénétrer au-dedans. J'avais porté une bouf»fole,àdefTein de prendre quelques relevemens, 33 & je m'y préparais malgré un vent glacial qui » nous gelait les pieds & les mains, & nous cou33 pair le vifage, Iorfque M. Bouguer me pro« pofa de nous en retourner. Le confeil fut donné 33lî à propos, q u j p rélifler à la force « d e la perfuafion. j v j prîmes le chemin de 33 la tente ? & ° u s defcendimes en un quart «d'heure, ce que nous avions mis plus d'une «heure à monter. L'après-midi, & les jours s
e
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n e
ous
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U S
re
268
HISTOIRE
GÉNÉRALE
«fuivans , nous mefuràmes une bafe cî'e cent P6
ou.
y> trente toifes & nous relevâmes divers points «avec la boufiole, pour faire un plan du vol t e a n 8c des environs. «Il fit le lendemain un brouillard qui dura a»tout le jour. L'horizon étant fort net le 19 «au matin, j'apperçus & je fis remarquer à » M . Bouguer, un tourbillon de fumée, qui s'é» levait de la montagne de Cotopaxi , fur la» »5 quelle nous avions campé plulieurs fois en 173 8. «Notre guide 8c nos gens prétendirent que ce « n'était qu'un nuage, & parvinrent même à ma « le perfuader-, cependant nous apprîmes à Quito, « que cette montagne qui avait jette des flammes « plus de deux fiécles auparavant, s'était nouvelélément enflammée le 1 5 au foir, & que la «fonte d'une partie de fes neiges avait caufé de «grands ravages.» « N o u s pafsâmes encore deux jours à Pichincha, m Se nous y fîmes une dernière tentative, avec c»un nouveau guide , pour tourner la montagne m par l'Ouelt, & pour entrer dans fon intérieur; «mais le brouillard, & un ravin impraticable, «ne'nous permirent pas déborder même la petite « b o u c h e , qui fume encore , dit-on , & qui ré«pand du-moins line odeur de foulfre.» ' Les deux Académiciens étant revenus à Quito 1« 2 2 , n'y entendirent parler que de l'éruption
DES
V O Y A G E S .
269
'tic Cotopaxi , & des fuites funeftes de l'inon- ™ Pciou. dation caufée par la fonte future des neiges. M. de la Condamine fait obferver ici que, de puis fon retour en France , le même volcan s'eft embraie plufieurs autres fois avec des effets encore plus terribles, & quoique MM. Don Juan & d'Ulloa aient traité cette matière, il raconte , fur la foi d'un rémoin oculaire , divers faits d'une fingularité furprenante , qui ne fe trouvent pas dans leur Relation hiftorique. En 1742 , dit-il , on avait entendu très-diftinctement, à Quito , le btuit du volcan de Cotopaxi, & plufieurs fois en plein jour , fans y faire une extrême attention 5 c'eft ce qu'il peut confirmer par fon témoignage , auquel fa furdité donne un nouveau poids -, cependant on n'y entendit point la grande explofion, le foir du 30 Novembre 1 7 4 4 . Ce qu'il y a de plus fingulier , c'eft que ce même bruit, qui ne fut pas fenfible à Quito, c'eft-àdire à douze lieues du volcan vers le N o r d , fut entendu ttès-diftinctement , à la même heure & du même c ô é , dans des lieux beaucoup plus éloignés, tels que la Ville d'Ibara, Pafto, Popayan & même à la Plara, à plus de'cent lieues mefurées par l'air. On affure auffi qu'il fut en tendu , vers le Sud , jufqu'à Guayaquil, & a u delà de Piurà , c'eft-à-dire à plus de cent vingt lieues, de i } au degré. A l vérité, le vent t
J
1
a
270
HISTOIRE
GÉNÉRALE
; qui foufflait alors du Nord-Eft , y aidait urî Pérou.
peu. ' Les eaux, en fe précipitant du foin m et de la montagne, firent plulieurs bonds dans la plaine j avant que de s'y répandre uniformément, ce qui fauva la vie à plulieurs perfonnes, pardeffus lefquelles le torrent pafïa Tans les toucher. Le terrain, cavé en quelques endroits par la chiite des eaux, s'eft exhaulTé en d'autres, par le limon qu'elles ont dépofé en fe retirant. On peut ju ger quels changemens la furface de la terre a dû recevoir par des événemens de cette nature,' dans un pays où prefque toutes les montagnes font des volcans, ou l'ont été. Il n'eft pas rare d'y voir des ravines fe former à vue d'oeil, & d'autres qui fe font creufé , en peu d'années un lit profond, dans un terrain, qu'on fe fou-; vient d'avoir vu tout-à fait uni. Il eft même vraifemblable que toute la fuperficie de la Province de Quito jufqu'à une allez grande profondeur, eft formée de nouvelles terres éboulées, & du débris des volcans : c'eft peut-être par cette raifon que dans les plus profondes crevafles y on ne trouve aucune coquille foffile. En 1 7 3 8 , le fommet fure géométrique , était moins, plus haut que le manente. La flamme du
de Cotopaxi, par mede cinq cens toifes au pied de la neige per volcan s'élevait autant
DES V O Y A G E S » 271 su-deflus de la cime de la montagne, que fon « fommet excédait la hauteur du pied de la neige. Cette mefure comparative a été confirmée par M de Macnza, qui érant alors à quatre lieues de diftance, & fpeûateur rranquille du phéno mène, put en juger avec plus de fang froid que ceux dont la vie était expofée au danger de l'inondation. Quand on rabbatrait un tiers , il refterait encore plus de 300 toifes ou 1 8 0 0 pieds pour la hauteur de la flamme. Cependant la furface fupérieure du cône tronqué, dont la pointe a été emportée par les anciennes explofions , avait, en 1758 , fept ou huit cens toifes de dia mètre. Cette vafte bouche du volcan s'eft vifiblement étendue, par les irruptions poftérieures de 1745 & 1744') lans parler des nouvelles bou ches qui fe font ouvertes en forme de foupiraux, dans les flancs de la montagne. Il parait donc très-probable à M. de la Condamine, qu'avant que cet immenfe foyer fe foit fi fort accru & multiplié, dans le remps par exemple de la pre-miere mine, qui fit fauter un quart de la hauteur de Cotopaxi, l fl réunie en un feul Jet, dut être dardée avec plus d'impétuolîté, & par conféquent pût s'élever encore plus haut qu$ dans le dernier embrafement. Quelle doit avoif été la force, qui fut alors capable de lancer, à plus de trois lieues, de gros quartiers de rocher^ a
amme
f
Pérou.
Pérou.
272 HISTOIRE GÉNÉRALE témoins cxiftans d'un fait qui femble palTer les bornesde la vraiflemblance, patce que nous connoifîons peu la Nature ! L'Académicien vit un de ces éclats de rocher plus gros qu'une chaumière d'Américain, au milieu de la plaine, fur le bord du grand chemin, proche de Malahalo, & le jugea de douze ou quinze toifes cubes, fans pouvoir douter qu'il ne fût foni de ce gouffre comme les autres, parce que les ttaînées de ro ches de même efpèee forment, en tout fens, des rayons qui partent de ce centre commun. Dans l'incendie de 1 7 4 4 , les cendres fureur por tées jufqu'à la mer à plus de quatre-vingt lieues. Ce fait n'eftplus étonnant, s'il cft vrai, comme or\ l'a publié, que les cendres du mont Ethna volent quelquefois jufqu'à' Conftantinople. Mais, ce qui eft plus nouveau, celles de Cotopaxi , dans la même occalîon, couvrirent les terres jufqu'à ne plus laifler voir la moindre trace de verdure dans les campagnes à douze & quinze lieues de diftance, du côté de Riobamba ; & ce voile, qui dura un mois, & plus en quelques endroits, fit périr un prodigieux nombre de beftiaux. Quatre lieues à l'Oueff de la bouche du volcan, la cendre avait trois ou quatre pouces d'épaifleur, Cette pluie de cendre avait été précédée immé diatement d'une pluie de tetre fine, d'odeur dé sagréable ; Se de couleur blanche, rouge & verte, qui
D E S V O Y A G E S . 273 <juî avait été devancée elle-même par une autre de même graviez Celle-ci fut accompagnée, en divers endroits , d'une nuée immenfe de gros hannetons n de l'efpèce qu'on nomme ravets dans nos Ifles : la terre en fut couverte en un mitant. Se ils difparurent tous avant le jour.
rérou.
11 nous refte à rendre compte du travail . . qui était l'objet particulier du Voyage des Mefuïe Mathématiciens Français & Efpagnols. Pour d'un degré du M é r i commencer leur grande entreprife j il fallait me- ' dien. furer réellement un terrain , qui pût leur fervir de bafe , afin de pouvoir conclure toutes les autres diftances, par des opérations géométriques. Le feul choix de ce terrain leur coûta des peines infinies. Après bien des courfes Se du travail , expofés fans cetTe au vent, à la pluie ou aux ardeurs du Soleil , ils fe déterminerenr pour un terrain uni, fitué dans un vallon beaucoup plus bas que le fol de Quito , à quatre lieues au Nord-Eft de cette Ville. Ce fut la plaine d'Yaruqui, qui tire fon nom d'un village au-deflons duquel elle eft fituée. Elle a près de 6 3 0 0 toiles de long. U eût été difficile d'en trouver une plus longue dans un p y de montagnes, à moins que de s'éloigner trop du terrain traverfé par la Méridienne. Cette p l n. bornée à l'Orient par la haute Cordelière de Guamani & de Panbamarca, comme elle 1 eft à TQueft par celle de a
S
a u i e
Tome
XII.
e
S
274
HISTOIRE
GÉNÉRALE
Pichincha. Les rayons du Soleil y étant réfléchis par le fol , qui eft fort fablonneux , & par les
peton.
deux Cordelières voifines, elle eft fujette à de fréquens orages ; & comme elle eft tout - à - fait ou verre au Nord & au Sud , il s'y forme de lî grands & fi fréquens Tourbillons, que cet efpace fe trouve quelquefois rempli de colonnes de fable élevées par le tournoiement rapide des ra fales de venr qui fe heurrenr. Les paiïans en font quelquefois étouffés, & , pendant leurs opérations, nos illuftres Voyageurs en eurent un trifte exemple dans un de leurs Américains. .
Ils avaient à mefure r un terrain incliné de
115 roifes , fur une longueur de 6271 , & à .niveller du foir au matin , pour réduire cette pente à la ligne horizontale. Ce travail feul les occupa plus de quinze jours. Ils le commençaient avec le jour. Ils ne l'inrerrompaieut qu'à l'ap proche de la nuir, à moins qu'un orage fubit ne les forçât de le fufpendre pendant fa durée : ils fe faifaient fuivre par une petite tente de cam pagne, qui leur fervait de retraite au befoin. Les Académiciens s'étant partagés en deux bandes, pour avoir une double mefure de la bafe, cha cun des deux Officiers s'était joint à une des deux quadrilles -, l'un mefurait la plaine, du Sud au Nord en defcendant, l'autre en remontant du fens oppofé.
D E S V O Y A G E S . 275 Avant que de fe déterminer pour cette plaine, ils avaient eu delTein de mefurer la bafe dans le terrain de Cayambo , qui n'eft pas moins uni, à douze lieues au Nord-Eft de Quito. Us s'y étaient tranfportés d'abord pour l'examiner ; mais ils l'avaient trouvé trop coupé de ravins. Ce fut-là qu'ils eurent le chagrin de perdre M. Couplet, le 17 de Septembre, d'une fièvre maligne, qui ne le retint au lit que deux jours. Il était parti de Quito avec une légère indifpofition , que la vigueur de fon tempérament lui avait fait méprifer. Cette mort, prefque fubite , d'un homme à la fleur de fon âge , jetta la Compagnie dans une profonde confternation. La mefure de la bafe , au mois d'Octobre , Fut fuivie de l'obfervation de plulieurs angles , tant horizontaux que verticaux , fur les 'mon tagnes voifines ; mais une partie de ce travail devint inutile , parce que dans la fuite on donna une meilleure difpofition aux premiers triangles. De retour à Quito , l'obfervation du folftice avec un inftrument de douze pieds , & la vérificaiion de cet inftrument, occupèrent nos Mathémati-j ciens le refte de l'année 1 7 3 6 , & le commen cement de la fuivante. M. Virguin fut chargé , dans cette vue , daller reconnaître le terrain au Sud de Quito , & d'en lever l plan , pendam que M. Bouguer s'offrit à rendre le même fer. e
s
i
Pérou.
Pérou*
276 HISTOIRE GÉNÉRALE vice du côté du Nord, précaution néceffaire, pouf choiiir les points les plus avantageux , & former une fuite plus régulière de triangles. Dans l'in tervalle , M. de la Condamine & Don George Juan firent le voyage de Lima. Ils revinrent à Quito vers le milieu de Juin 1 7 3 7 . MM. Bouguer & Verguin avaient rapporté la carre des terrains qu'ils avaient examinés -, & , fur la réfolution qu'on prit de continuer les triangles du côté du Sud , les Mathématiciens le partagèrent en deux Compagnies. Don George Juan & M. Godin pafierent à la montagne de Pambamarca , & les trois autres monterenr au fommet de celle de Pichincha. De part & d'autre, on eut beaucoup à foufFrir de la rigoureufe température de ces lieux , de la grêle & de la neige , & fur-tout de la violence des vents. Dans la Zone torride & fous l'Equateur, des Européens devaient s'atten dre à des excès de chaleur , & le plus fou vent ils étaient traniis de froid. Ils avaient eu la précaution de fe munir encore d'une tente de campagne pour chaque Compagnie -, mais M. Bouguer , M. de la Con damine & Don Antoine d'Ulloa , n'en purent faire ufage fur le Pichincha , parce qu'elle était d'un trop grand volume. Il fallut conftruire une cabane, proportionnée au terrain , c'eft-à-dire fi perite, qu'à peine était-elle capable, de les.
D E S V O Y A G E S . 277 contenir. On n'en- fera point furpris, en appre- S nant qu'ils étaient au fommer d'un rocher pointu Pérou'qui s'élève d'environ deux cens roifes au-deiïus du terrain de la montagne , où il ne croît plus que des bruyères. Ce fommer eft partagé eu diverfes pointes, dont ils avaient choifi la plus haute. Toutes fes faces étaient couvertes de neige & de glace ; ainfi, leur cabane fe trouva bientôt chargée de l'une & de l'autre. « Les s> mules , dit Don Antoine , peuvent à peine «monter jufqu'au pied de cette formidable « roche •, mais de-!à jufqu'au fommet, les hommes » font forcés d aller à pied , en montant, ou » plutôt gravilTant pendant quatre heures entières. « U n e agitation fi violente, jointe à la trop grande « fubtilité de l'air, nous ôtait les forces & la ref«piration. J'avais déjà franchi plus de la moitié «du chemin , lorfqu'accablé de fatigue, & pem< « dant la refpiration , je tombai fans connaiiTance^ «Cet accident m'obligea, lorfque je me trouvai « u n peu mieux , de defcendre- au pied de la « roche où nous avions laide nos inftrumens & «nos domeftiques , & de remonter le jour fur* avant , à quoi j n'aurais pas mieux réufli, fans « l e fecours de quelques. Américains qui » me foutenaient dans les endroits les plus «difficiles.» La vie étrange * laquelle nos Savans furen»;
e
t
S iij
278
HISTOIRE
; réduits , p e n d a n t Pérou.
mefurer
G É N É R A L E
le temps qu'ils employèrent à
la M é r i d i e n n e , mérite d'être racontée
fucceflï veinent dans les termes d e D o n A n t o i n e d'Ulloa & d e M . d e la C o n d a m i n e . O n peur o b l e r v e r la différence des cara&eres dans celle des Relations , & l'on verra dans celle d e M . d e la C o n d a m i n e , un fonds d e gaieté q u i ne s'altère jamais , & qui n'était pas le d o n le m o i n s p r é cieux qu'il eût reçu d e la N a t u r e . « J e n'offre,dit M . d ' U l l o a , q u ' u n récit a b r é g é » de ce q u e nous eûmes à fouffrir fur le Pichincha ; » car toutes les autres m o n t a g n e s & roches étant ojprefqu'également
fujettes aux injures du froid
35 & des v e n t s , il fera aifé d e juger du c o u r a g e 3> & d e la confiance d o n t il fallut nous a r m e r , 33 pour foutenir un travail qui nous expofair à des 33 incommodités infupportables ,
& fouvent
»3 d a n g e r d e pétir. T o u t e la différence » dans le plus ou
au
coniifhir
le moins d'éloignqment
des
33 vivres , & dans le d e g r é d'intempérie , q u i d e es venair plus ou m o i n s fenlîble , fuivanr la h a u 33teur des lieux & la qualité du t e m p s . N o u s »3nous tenions o r d i n a i r e m e n t
dans
la c a b a n e ,
33 n o n - f e u l e m e n t à cauie de la r i g u e u r du froid 33 & d e la violence des vents , mais encore parce 33 q u e nous nous étions le plus fouvent e n v e l o p p é s 3 3 d ' u n n u a g e li é p a i s , qu'il ne nous permettait « p a s d e voir diftinétement à la diffance d e fepr
DES
V O Y A G E S .
279
*>ou huit pas. Quelquefois ces ténèbres c é d a i e n t , » & le Ciel devenait plus c l a i r , lorfque les nuages wafraiffés
par leur
propre poids ,
dépendaient
=oau col d e la m o n t a g n e , & l ' e n v i r o n n a i e n t fou» vent d e fort
près , quelquefois
d allez loin..
a>Alors ils paraiflaient c o m m e u n e vafte m e r , a u . •a» milieu-de laquelle n o t r e rocher s'élevait c o m m e » une l u e . N o u s entendions le bruit des orages q u i » crevaient » lieux
fur la Ville d e Q u i t o , o u (ut
voifins. N o u s
voyions partir
la
les
foudre
» & les éclairs a u - d e u o u s d e nous -, & , p e n d a n t »que
des torrens d e pluie i n o n d a i e n t tout le
» pays d'alentour , nous jouifTions d'une paiiîble 3>férénité. Alors
le vent n e
fe
faifait
prefque
3»point fentir : le Ciel était c l a i r , & le Soleil 3 5 d o n t les rayons n'était plus i n t e r c e p t é s , t e m o> pérah la froideur d e l'air. Mais aufli nous é p r o u » v i o n s le c o n t r a i r e , lorfque les nuages étaient « é l e v é s : leur épaifleur nous rendait la refpira•» tion difficile -, la neige & la grêle tombaient à »
flocons;,
la violence des
» appréhender, à chaque :» voir
enlevés avec
vents
nous
faifait
moment ,
de
nous
notre habitation
&
jettes
s» dans q u e l q u e a b î m e , ou d e nous trouver bientôt wenfévelis fous les glaces & les neiges q u i , &?3c< 33 cumulant fut le t o i , pouvaient crouler c
avec
:» lui fur nos têtes. La force des. vents était relie » q u e la YÎtefle avec laquelle ils faifciems courts
S,
ÏV
Pérou.
280
HISTOIRE
GÉNÉRALE
« l e s nues éblouilTait les y e u x . L e c r a q u e m e n t des Pérou.
a>rochers qui fe d é t a c h a i e n t , & qui » en t o m b a n t la pointe o ù ?>mentait e n c o r e n o s
nous
craintes;
ébranlaient étions, aug-
Il était d'autant
« plus effrayant, q u e jamais on n'entendait d ' a u t r e « b r u i t dans ce déferr -, auffi n'y a v a i t - i l point s> d e
fommeil
qui
pût
y
réfifter
p e n d a n t les
était plus
tranquille ,
«nuits. » L o r f q u e le temps » Se q u e
les nuages s'étant portés fur d'autres
« m o n t a g n e s , où nqus avions des (îgnaux pofés, «nous
en dérobaient la v u e , nous fortions d e
oo n o t r e cabane , p o u r nous échauffer un peu par « quelque exercice. T a n t ô t nous descendions un as petit efpace & nous le remontions auffi. - tôt : «tantôt
n o t r e amufement était d e faire r o u l e r
« d e gros quartiers d e roche du haut en b a s , & « n o u s éprouvions , avec
é t o n n e m e n t que
nos
« f o r c e s réunies égalaient à peine celle du v e n t « p o u r les r e m u e r . Au reffe, nous n o t i o n s n o u s « é c a r t e r b e a u c o u p d e la pointe d e n o t r e r o c h e r , « d a n s la crainte d e n'y pouvoir revenir allez « p r o m p t e m e n t lorfque les nuages c o m m e n ç a i e n t « à s'en
e m p a r e r , c o m m e il arrivait fouvent
&
« toujouts fort vite. « L a p o r t e d e n o t r e cabane était fermée
de
« c u i t s d e b œ u f , Se nous avions gtand foin d e « b o u c h e r les moindres t r o u s , p o u r
empêcher
D E S «le
vent
d'y
V O Y A G E S . pénétrer : quoiqu'elle
281 fût
bien Pérou,
« c o u v e r t e d e p a i l l e , il ne taillait pas d e s'y i n « t r a d u i r e par le toit. Obligés d e nous r e n f e r » mer dans cette c h a u m i è r e , o ù la l u m i è r e ne péné» traie pas bien les j o u r s , par leur entière obfcurité, » f e diftinguaient à peine des n u i t s : nous tenions » toujours quelques chandelles allumées, tant p o u r « nous reconnaître
les uns les a u t r e s , que pour
» pouvoir lire ou travailler dans un fi petit ef3> pace. La chaleur des l u m i è r e s , & celle d e n o s « h a l e i n e s , ne nous difpenfait pas d'avoir chacun «notre
brafier , pour t e m p é r e r
«froid.
C e t t e précaution
«lorfqu'il
avait neigé le
la rigueur d u
nous aurait fufK,
fi,
plus a b o n d a m m e n t
,
« n o u s n'euffions été obligés d e f o r t i r , munis d e « p e l l e s , pour décharger n o t r e toit d e la n e i g e « q u i s'y entafiait. C e n'èft pas q u e nous n'euf*> fions des valets & des Américains, qui auraient » pu nous
r e n d r e ce fervice -, m a i s , n'étant pas
» aife d e les faire fortir d e leur canonnière , efpèce « d e petite t e n t e , où le froid les retenait b l o t t i s , « p o u r le chauffer continuellement au f e u , qu'ils « n e manquaient pas d'y e n t r e t e n i r , il fallait p a t « t a g e r avec eux une corvée qui les chagrinait. « O n p e u t juger q u e l devait être l'état d e nos « c o r p s dans c e t t e lîtuation. N o s
pieds étaient
« enflés , & fi fenfibles, qu'ils ne pouvaient ni » fupporter la chaleur du f , eu
ni prefqu'agir fans
282
H I S T O I R E
G É N É R A L E
» une vive douleur. N o s mains étaient chargées Pérou.
« d ' e n g e l u r e s , & nos lèvres fi gerfées , qu'elles «faignaient du feul m o u v e m e n t q u e nous leur » faifions faire p o u r parler , ou p o u r m a n g e r . Si «l'envie «aulïï
d e r i r e nous prenait p e u ,
il eft v r a i
q u e nous n e pouvions leur d o n n e r l ' e x -
«renfïon
néceilàire
» qu'elles fe
pour
cette
fonction , fans
fendillent e n c o r e plus , & qu'elles
« n o u s caufaftenr un furcroît d e d o u l e u r qui d u « rait un jour ou d e u x . N o t r e n o u r r i t u r e la plus « o r d i n a i r e était un peu d e r i z , avec l e q u e l n o u s » lailîons cuire un morceau d e viande , o u quel« q u e volaille , q u i nous venait d e Q u i t o . Au» « l i e u d'eau , p o u r c e t t e préparation , nous n o u s « fervions d e n e i g e , ou d'une pièce d e g l a c e , q u e » nous jettions dans la marmite ; car nous n'avions « a u c u n e forte d'eau qui n e fut gelée. Pour b o i r e , . » nous faifions f o n d r e d e la neige. P e n d a n t q u e « nous érions à m a n g e r , il fallait tenir « fur
l'afîîette
le charbon , fans q u o i les alimens étaient
» gelés
aufïï - tôt.
D'abord
nous avions
bù
« d e s liqueurs fortes , dans l'idée qu'elles p o u r « raient un peu nous réchauffer ; mais elles d e v e nu iraient fi f a i b l e s , qu'en
les b u v a n t , nous
ne
« l e u r trouvions pas plus d e force qu'à l'eau c o m « m u n e , & craignant d'ailleurs q u e leur fréquent « u f a g e n e fût nuilible à n o t r e f a m é , nous prîmes, « l e parti d'en b o i r e fort p e u . Elles furent
ein-
D E S
V O Y A G E S .
283
» ployées à traiter nos Américains , pour les en-
:
» courager au rravail. Ils étaient cinq. O u t r e leur «falaire journalier , q u i était q u a t r e fois plus fort « q u e celui qu'ils gagnaient o r d i n a i r e m e n r , nous «leur
abandonnions
la plupart des vivtes q u i
« n o u s venaient d e Quito ; mais cette a u g m e n t a tion
de paie & d e n o u r r i t u r e , n'était pas ca-
» pable d e les retenir l o n g - t e m p s près de nous. «Lorfqu'ils
avaient
commencé
à fentir
» gueur d u climar , ils n e penfaient
la r i -
plus
qu'à
s> déferter. « I l nous arriva , dès les premiers j o u r s , u n e «aventure
d e cette
efpèce , qui aurait eu des
» fuites fâeheufes , fi nous n'euffiôns
éré avertis
« d e leur évafion. C o m m e ils ne pouvaient être « b a r a q u é s dans un lieu d'aufli peu d ' é t e n d u e q u e « la pointe d e n o t r e r o c h e r , & qu'ils n'y avaient « d ' a u t r e abri pendant le j o u r , qu'une c a n o n n i è r e , » ils d é p e n d a i e n t le foir , à quelque diftance au« d é l i o n s , dans u n e ferre d e caverne , où le froid «était beaucoup moins v i f ,
fans c o m p t e r qu'ils
« a v a i e n t l liberté d'y faite grand feu. Avanr q u e a
« d e fe r e t i r e r , ils fermaienr en d e h o r s la p o r t e « d e n o t r e c a b a n e , qui était fi balle , q u ' o n n e « p o u v a i t y p a l i e r , qu'en fe courbant. La n e i g e , « qui tombait «point
pendant
d e la b o u c h e r
la
nuit , n e
manquant
prefqu'entierement , ils
» venaient , tous les matins , nous délivrer
de
Pétou.
284 «cette Péroií.
H I S T O I R E
G É N É R A L E
efpèce d e prifon-, car nos N è g r e s ordt--
« n a i r e s , qui paffaient la nuit dans la c a n o n n i è r e , « étaient alors fi tranfis d e froid , qu'ils fe feraient « p l u t ô t lailïé ruer , q u e « AméricaiiTS venaient
d'en fortir.
Les cinq
donc régulièrement
dé-
» b o u c h e r n o t r e p o r t e , à neuf ou dix heures du « m a t i n ; mais le q u a t r i è m e ou c i n q u i è m e jour d e «notre
a r r i v é e , il était m i d i , qu'ils n'avaient
« p o i n t e n c o r e paru. N o t r e inquiétude c o m m e n « ç a i t à d e v e n i r fort vive , lorfqu'un des cinq j « p l u s fidèle que les a u t r e s , vint nous informer » d e la fuite d e fes c o m p a g n o n s , & nous ent'rou« v r i t alfez la p o r t e , pour nous d o n n e r le pouvoir » d e la r e n d r e e n t i è r e m e n t libre. N o u s le dépêcha-, aimes au C o r r é g j d o r d e Q u i t o , qui nous e n v o y a » fur-ie-cliamp , d'autres Américains , après leur « a v o i r o r d o n n é , fous d e rigoureules p e i n e s , d e « n o u s fervir plus
fidèlement
-, mais cette menace
« n e fut pas capable d e les retenir. Ils déferterent « b i e n t ô t , c o m m m e les p r e m i e r s . L e C o r r é g i d o r « n e vit pas d'autre m o y e n , pour arrêter c e u x « q u i leur fuccéderent , q u e d ' e n v o y e r avec e u x « u n A l c a d e , & de les faire relever d e q u a t r e e u « quatre jours. « N o u s pallâmes v i n g t - t r o i s jours entiers fur » n o t r e r o c h e , c'eft-à-dire , jufqu'au « r e m b r e , fans avoir pu
finir
les
6 de Sepobservations
« d e s angles 3 parce qu'au m o m e n t o u nous c o r n -
D E S
V O Y A G E S .
285
» mènerions à jouir d'un peu d e clarté fur la h a u t e u r * » où nous é t i o n s , les a u t r e s , fur le fommet p quelles étaient
les
fi'gnaux
qui
def-
formaient les
» t r i a n g l e s , p o u r la mefure g é o m é t r i q u e d e n o t r e » M é r i d i e n , étaient enveloppées de nuages & d e » neiges. Dans les m o m e n s o ù s> raillaient diftinétement » étions campés ,
ces
objets
, le fommet
où
panous
fe trouvait plongé dans
les
D>brouillards. Enfin nous nous vîmes obligés d e » placer à l'avenir les fignaux dans un lieu plus » b a s , o ù la température devait être aullî m o i n s » rigoureufe. N o u s c o m m e n ç â m e s par rranfporter » celui d e Pichincba fur u n e c r o u p e inférieure sa d e la m ê m e montagne", & nous t e r m i n â m e s , au 3Î c o m m e n c e m e n t d e D é c e m b r e 1 7 3 7 , l'obfervas>tion qui le regardait
particulièrement.
» D a n s toutes les autres d a t i o n s , n o t r e C o m » pagine logea fous u n e tente d e c a m p a g n e , q u i , » malgré fa petitelïe , était un peu plus c o m m o d e » que la p r e m i è r e c a b a n e , excepté qu'il fallait «encore
plus d e
précautions pour en ôter la
» n e i g e , d o n t le poids l'aurait bientôt déchirée. ?> N o u s la faifïons d ' a b o r d dreller à l ' a b r i , q u a n d 30 cette fituatiou était poffible; mais enfuite il fut .y> décide q u e
n s tentes mêmes 0
ferviraient
de
» (îgnaux , pour éviter les inconvéniens auxquels « c e u x d e bois étaient fujets. Les vents foufflaieni « a v e c tant d e v i o l e n c e , q u e fouvent la notre
Pérou.
I
286
H I S T O I R E
G É N É R A L E
» était abbatup. N o u s nous a p p l a u d î m e s , dans le d é Pcrou.
» fert d'Afuay , d'en avoir fait apporter d e réferve. « T r o i s des nôtres furent fucceffivement r e n v e r « f é e s , & les chevrons ayant été brifés, c o m m e « l e s p i q u e t s , n o u s n ' e û m e s pas d'autre r e d o u t é e « q u e d e quitter ce pofte, & d e nous retirer à » l ' a b r i d ' u n e ravine. Les d e u x C o m p a g n i e s , fe « trouvant alors dans le m ê m e d é f e r r , eurent égale» ment à fouftVir. Elles furent abandonnées toures « d e u x par leurs Américains, qui ne p u r e n t réfifter » au froid, ni au t r a v a i l , & par conféquent obligées » d e faire e l l e s - m ê m e s les c o r v é e s , jufqu'à l'ar» rivée d'un a u t r e fecours. « N o t r e v i e , fur les fommets glacés d e P a m « b a m a r c a & d e Pichincha, fut c o m m e le n o v i «ciat
d e celle q u e
nous
menâmes depuis
le
» c o m m e n c e m e n t d'Août i 7 3 7 > jufqu'à la fin d e « J u i l l e t 1 7 3 9 . P e n d a n t ces d e u x a n s , ma c o n l w p a g n i e habita fur t r e n t e - c i n q «rens,
&
fommets
diffi-
l'autre fur r r e n t e - d e u x , fans a u t r e
» f o u l a g e m e n t q u e celui d e l ' h a b i t u d e ; car nos « c o r p s s'endurcirent enfin, ou fe familiariferent » avec ces c l i m a t s , c e m m e avec la » des alimens. N o u s
groffieretc
nous fîmes auffi
à cette
« p r o f o n d e f o l i t u d e , suffi - bien qu'à la diverfité » d e t e m p é r a t u r e q u e nous éprouvions en «fant
paf-
d'une m o n t a g n e à l'autre. Autant que le
» froid était vif fur les h a u t e u r s , autant la cha-
D E S
V O Y A G E S .
287
3>leur nous femblait exceffive
dans les vallons :
» qu'il
l'habitude
fallait
traverfer.
Enfin
nous
ai rendit infenfibles au péril où nous nous e x « pofions en g r i m p a n t dans des lieux fort efcar» pés.
C e p e n d a n r il y eur des occafions,
où
05nous aurions p e r d u t o u t e p a t i e n c e , & renoncé « à l'entreprife, fi l'honneur n'avait foutenu n o t r e 3>courage. $ > Toute
la fuite des triangles étant
terminée
au Sud d e Q u i t o , au mois d ' A o û t 1 7 3 9 , il fallut înelurer
une
féconde
bafe',
jultefle des opérations & des plus
il
fallut
vaquer
roique , à cette
à
même
pour vérifier
la
calculs -, &
de
l'obfervation
aftrono-
extrémité d e la
méri
d i e n n e . Mais les inftrumens n e s'étant.pas t r o u vés aufïï parfaits q u e l'exigeait u n e Obfervation fi d é l i c a t e , on fut obligé d e r e t o u r n e r à Quito pour en conftruire d'autres. C e travail dura jufq u ' a u mois
d'Août de
l'année Suivante 1 7 4 0 .
A l o r s nos infatigables Mathématiciens
fe
ren
d i r e n t à C u e n ç a , o ù leurs obfervations les r e tinrent jufqu'à i
a
n i l
d e S e p t e m b r e , parce q u e
r a t h m o f p h è r e d e c e pays eft peu favorable aux Aftronomes. Si l
e s
n u a g e s , donr ils étaient e n
vironnés fur les m o n t a g n e s , les avaient chés d e voir les
fignaux,
empê
ceux q u i fe raflem-
Jblent au-dcffus d e cette Ville forment un p a -
pcrou.
288
H I S T O I R E
G É N É R A L E
v i l l o n , qui ne leur permettait pas d'appercevoîr* Pérou.
les E t o i l e s ,
lorfqu'elles paffaient
par le M é r i
d i e n . Mais une e x t r e m e patience leur ayant fait Surmonter
tous les obfiacles, ils Se
difpofaient
à retourner: à Quito pour les obfervations aftron o m i q u e s qu'il fallait faire à l'autre b o u t d e la M é r i d i e n n e , vers le N o r d , & qui devaient t e r m i n e r l ' o u v r a g e , lorfque D o n G e o r g e J u a n , & _ D o n Antoine pour
d'Ulloa furent
veiller à la défenfe
Elcadres d ' A n g l e t e r r e .
appelles à
Lima,
des côtes c o n t r e
Les obfervations
les
furent
achevées , dans leur a b f e n c e , par les Académi ciens Français , d o n t le récir va fuccéder à ce* lui des Mathématiciens }
Efpagnols.
« N o u s partîmes d e Q u i t o , dit M . d e la C o n -
« d a m i n e , pour travailler férieufement à la m e «fure
des
triangles
de
la M é r i d i e n n e .
Nous
. « m o n t â m e s d'abord fur le P i c h i n c h a , M . Tj CUI
» g u e r & m o i , & nous allâmes nous établir près . « d u lignai, q u e j'y avais placé depuis près d'uti . » a n , 0 7 1 toifes au-delfus
d e Quito. L e fol d e
a> c e t t e Ville efl déjà élevé fur le niveau d e la » m e r d e 14Ó0 toifes, c'eft-à-dire, «Canigou
& le pic
» montagnes
plus q u e le
d u M i d i , les plus
des Pirénées. La
hauteur
hautes abfolue
« d e n o t r e p o l i e éiaie d o n c d e 2 4 3 c toifes ou « d ' u n e bonne lieue, c'efl-à-diie
pour
donner
«une
idée?
D E S
V O Y A G E S .
289
(Aune idée fenfible d e cette prodigieufe éleva« t i o n , q u e fi la p e n t e du terrain était
=
diftri-
« b u é e en marches d'un d e m i - p i e d c h a c u n e , il «y
aurait
«la
mer jufqu'au
» Antoine
19160
marches
à monter
fommet de
d'Ulloa ,
depuis
Pichincha.
en m o n t a n t
avec
<*> t o m b a en faibleffe, & fut obligé d e
Don
nous _> fe faire
« p o r t e r dans une g r o t t e voifine, où. il pafla la » nuit. » N o t r e habitation était u n e h u t t e , d o n t
le
» faire, foutenu par d e u x f o u r c h o n s , avait un p e u « p l u s d e fix pieds d e
h a u t e u r . Quelques p e r -
« c h e s , inclinées à d r o i t e & à g a u c h e , & d o n t « u n e des extrémités portait à t e r r e , tandis q u e » l'autre était a p p u y é e fur le c o m b l e , compofaient « l a charpente du toit & fervait en m ê m e - t e m p s « d e murailles. Le tout était couvert d'une efpèce « d e j e n c d é l i é , q u i croît fur la plupart des m o n « t a g n e s du pays. T e l fur n o t r e premier O b f e r «vatoire,
& n o t r e p r e m i è r e habitation fur le
« P i c h i n c h a . C o m m e je prévoyais les difficultés 03 d e la conftrudtion, t o u t e fimple qu'elle devait « ê t r e , j e m'y étais pris d e l o n g u e main : mais 53 je ne m attendais pas q u e cinq mois après avoir « p a y é les matériaux & la main d ' œ u v r e , j e n e m trouverais e n c o r e rien d e c o m m e n c é , & q u e « j e me verrais obligé d e c o n t r a i n d r e judiciaire-
Tomc XII
I
Pérou,
290
H I S T O I R E
G É N É R A L E
m m e n t les gens avec qui j'avais fait le marché-,: Pérou.
ai N o t r e
b a r a q u e occupait
toute la largeur
de
sil'efpace q u ' o n avait pu lui m é n a g e r , en appla31 niflant u n e crête fablonneufe 3> à m o n
qui fe terminait
lignai : le terrain était lî e f e a r p é ,
de
» part & d ' a u t r e , qu'à peine avait-on pu confer33 ver u n étroit fentier d'un feul c ô t é , pour paf» fer d e r r i è r e notre cafe. Sans e n t r e r dans le d é sitail des i n c o m m o d i t é s q u e n o u s
éprouvâmes
si dans ce p o r t e , je m e contenterai d e faire les si r e m a r q u e s fuivantes. N o t r e t o i t , prefque » tes les nuits , était
enféveli
tou-
fous les n e i g e s .
» N o u s y reflentîmes un froid e x t r ê m e , nous le si jugions m ê m e plus g r a n d par fes effets, qu'il sine n o u s était i n d i q u é par un t h e r m o m è t r e d e » M . d e R é a u m u r , q u e j'avais p o r t é , & q u e j e sone manquais pas d e confulter tous les j o u r s , ' ai matin & foir. Je ne »du
le vis j a m a i s , au lever
S o l e i l , defeendre tout-à-fait
jufqua
cinq
» degrés au-de(Ious du t e r m e d e la glace : il eft si vrai qu'il était à l'abri d e la neige & du v e n t 3 i & adoffé à n o t r e cabane ; q u e c e l l e - c i était »i continuellement
échauffée par la préfence
de
o i q u a t r e , quelquefois cinq ou fix perfonnes, & si q u e nous avions des brafiers allumés. R a r e m e n t si cette partie du fommet
d e Pichincha ,
pl
u S
s?Orientale que la b o u c h e du volcan, eft t o u t -
DES
V O Y A G E S .
é» à-fait dépouillée aoeft-elle
d e n e i g e . Auffi
à-peu-près
celle où
291 fa
la
hauteur
neige
ne
« f o n d jamais dans les autres m o n t a g n e s plus éle« v é e s , ce qui r e n d leurs fommets inacceiîibles. « P e t f o n n e , q u e je fâche, n'avait vu avant n o u s » le m e r c u r e , dans le b a r o m è t r e , au-delTous d e wfeize p o u c e s , c ' e i l - à - d i r e , d o u z e pouces plus » bas qu'au niveau d e la m e r -, en forte q u e l'aie « q u e n o u s refpitions était d i l a t é , près d e moi-; a» rié plus q u e n'eft celui d e France , quand Èi b a r o m è t r e y m o n t e à 19
le
pouces. C e p e n d a n t
¿«je ne relfentis, en m o n particulier, aucune dif» .«ficulté d e refpiration. Quant aux affections feor« b u t i q u e s , dont
M . Bouguer fait m e n t i o n ,
&
iiwqui défignent a p p a r e m m e n t la difpohtion pro-i» chaîne à faigner des g e n c i v e s , d o n t je fus alors ' » i n c o m m o d é , j e ne crois pas d e v o i r
l'attribuer
» au froid d e Pichincha , n'ayant rien éprouvé ;»de
pareil
en
d'autres
pofles
auffi
élevés ,
» & le m ê m e accident m'ayant tépris cinq ans ci après au C o t c h e f q u i , dont le climat efl rem-* a>péré.
,•
*
» J'avais p o r t é une p e n d u l e , & fait faire les « p i l i e r s qui Soutenaient la cafe , fur-tout
celui
« d u fonds aflez f o l i d e , p
cette
y
0 u r
fijfpendre
« h o r l o g e . N o u s parvînmes à l r é g l e r , & par c e a
« moyen à faite l'expérience du p e n d u l e fimple »
T ij
Pérou*
292
GÉNÉRALE
H I S T O I R E
» à la plus g r a n d e hauteur où Jamais elle eut é t é Pérou.
« faite. N o u s pafsâmes en ce lieu trois femaines
}
« fans p o u v o i r achever d'y p r e n d r e nos a n g l e s , » parce q u ' u n fignal, q u ' o n avait voulu porrer « t r o p loin du côté du S u d , n e put ê t r e a p p e r ç u , « & qu'il arriva q u e l q u e s accidens à d'autres. 33La montagne de
sopart d e celles
P i c h i n c h a , c o m m e la
d o n t l'accès eft fort
plu-
difficile,
« p a l î e , dans le p a y s , p o u r être riche e n mines «d'or $ &
d e plus , fuivant u n e tradition
fort
sa accréditée , les A m é r i c a i n s , fujets d'Atahualpa, « R o i d e Q u i t o , au t e m p s d e la c o n q u ê t e , y e n » fouirent u n e g r a n d e partie des t r é f o r s , qu'ils •«apportaient
d e toutes parts , pour la
rançon
« d e leur m a î t r e , lotfqu'ils a p p r i r e n t fa fin t r a « g i q u e . Pendant q u e n o u s étions campés
dans
« c e lieu, d e u x particuliers d e Q u i r o , d e la con» naiffance d e D o n A n t o i n e d ' U l l o a , qui parta g e a i t n o t r e t r a v a i l , e u r e n t la curiofité, p e u t » ê t r e ' a u n o m d e t o u t e la V i l l e , d e favoir ce « q u e nous faifions û long-temps dans la m o y e n n e « r é g i o n d e l'air. Leurs mules les conduisirent au « p i e d d u r o c h e r , o ù nous avions élu n o t r e do« «micile-, mais il leur
reftait
« cens toifes d e hauteur
à franchir
deux
perpendiculaire , q u e
a» l'on n e pouvait m o n t e r q u ' e n s'aidant des pieds » & des m a i n s , & m ê m e en quelques e n d r o i t s .
D E S
V O Y A G E S ,
293
qu'avec d a n g e r . U n e partie d u chemin était un « f a b l e m o u v a n t , q u i s'éboulait fous les p i e d s , '*»& o ù l'on reculait fouvenc au-lieu d'avancer» [wHeureufement pouf e u x , il n e faifait ni pluie a» n i brouillard. C e p e n d a n t nous les vîmes p l u » fieurs fois abandonner la p a r t i e . Enfin à l'envi ,»l'un d e l ' a u t r e , aidés par nos P é r u v i e n s , ils !» firent d e nouveaux efforts & parvinrent à n o t r e » p o r t e , après avoir
mis plus d e d e u x heures
« à l'efcalader. N o u s les r e ç û m e s agréablement ; « n o u s leur fîmes parr d e routes nos richeffes. s» Ils n o u s t r o u v è r e n t mieux pourvus d e
neige
'» q u e d'eau. O n fit grand feu pour les faire b o i r e » à la glace. Ils parlèrent avec nous u n e partie « d e la j o u r n é e , & r e p r i r e n t au foir le c h e m i n « d e Q u i t o , o ù nous avons depuis confervé la ;» réputation d ' h o m m e s fort extraordinaires. » T a n d i s q u e nous
obfervions
à Pichincha ,
» M . G o d i n & D o n J e o r g e Juan étaient à huit « l i e u e s d e n o u s , fur u n e m o n t a g n e moins h a u t e , es n o m m é e Pamba- marca. N o u s pouvions nous a» voir diftin&ernent, avec d e longues l u n e t t e s , » & m ê m e avec celles d e nos quarts d e c e r c l e ; « mais il fallait deux jours au moins à un exprès *>pour
p o r t e r u n e lettre d'un pofte à l'autre.
;» M . Godin effaya vainemenr d e f a i r e , au Pamba« m a r c a , l'expérience d u f ; on
il
n
e
put e n t e n d r a
m le bruit d'un « n o n de neuf livres d e balle»
T iij
Pérou»
294
H I S T O I R E
G É N É R A L E
: » qu'il avait fait placer fur u n e petite montagne' Tcrou.
» voifine d e Quito d o n t il était éloigné d e dix-; « m e u f mille toifes. » L a fanté d e M . Bouguer était altérée. Il avait sîbefoin d e repos. N o u s defcendîmes le i î x de, »1Septembre à Q u i t o ,
où M . G o d i n fe r e n d i t
oi auffi. N o u s y obfervâmes tous enfemble I'éclipfe » d u 8 d u m ê m e mois. Avant q u e d e r e t o u r n e r ai à n o t r e
p r e m i è r e tâche d u Piehincha , j'allai
si faire u n e courfe à q u e l q u e s lieues au S u d - E U aide Q u i t o , pour c h e r c h e r un e n d r o i t p r o p r e à ai placer u n fignal, q u i devait ê t r e apperçu d e '»i fort loin. J e réuffis à le r e n d r e vifible, en le »i faifant
blanchir d e chaux. L e lieu fe n o m m e
si Changailli, & ce fignal eft le feul, hors ceux » q u i o n t t e r m i n é n o s b a f e s , q u i ait été placé sren rafe c a m p a g n e . ai L e i i de S e p t e m b r e , en revenant d e r e c o n » naitre le terrain fur le volcan n o m m é Sirxhou* »lagoa,
je fus f u r p r i s ,
e n pleine
campagne,
si d'un violent o r a g e , mêlé d e t o n n e r r e & d'é» c l a i r s , accompagné d'une g r ê l e , la plus groflè ai q u e j'aie v u e d e ma v i e . O n Juge bien q u e oi j e n'eus pas la c o m m o d i t é si diamètre -, j e n'étais
occupé
d'en mefurer
le
q u ' à trouver le
3> moyen d e garantir ma tête i u n g r a n d chapeau si à l'Efpagnole n'eut pas fufri, fans un m o u c h o i r vque
je mjs deflbus p o u r a m o r t i r
rimpreuion
D E S
295
V O Y A G E S .
« d e s coups q u e je recevais. Les grains aoplufieurs approchaient » noix,
m e caufaient
de
la
dont
groffeur
d e la d o u l e u r
d'une
à
travers
» des gants forr épais, j'avais le vent en face , j> & la vîteffe d e ma mule augmentait la force « du choc. J e fus o b l i g é , plusieurs fois, d e t o u r » n e r b r i d e . L'inftind
d e cet animal le portait
« à préfenter le dos au v e n t , & à fuivre fa d i « r e c t i o n , c o m m e un vaifleau fuit vent arrière « en cédant à l'orage. «Nous
r e m o n t â m e s , quelques jours
après,
« fur le P i c h i n c h a , M . Bouguer & m o i , non à « n o t r e premier pofte, mais à un autre b e a u c o u p « m o i n s é l e v é , d'où l'on voyait Q u i t o , q u e nous « l i â m e s à nos triangles. L e mauvais temps « rendit inutile n o t r e troifieme
y
tentative, pour
« o b f e r v e r l ' E q u i n o x e par la m é t h o d e d e M . Bou« guer. R e b u t é s des incommodités d e n o t r e ancien, « lignai de Pichincha , nous en plaçâmes un autre » dans u n
endroit
plus c o m m o d e , z 1 o toifes
^ p l u s bas que le p r e m i e r . C e fut là q u e n o u s « reçûmes, l
e
13
d e S e p t e m b r e , la
première
» nouvelle des ordres d u R o i , par lefquels nous « é t i o n s difpenfés j e la mefure d e
l'Equateur,
» qui jufqu'alors avait fait partie d e n o t r e p r o « j e t , ainfi q u e c e l l
e
j
» L e c h a n g e m e n t du
u
Méridien. fi l gna
d e Pichincha nous
p obligeait à r e p r e n d r e de. n o u v e a u x angles. Le*. T
iv.
Pérou,
296
H I S T O I R E
G É N É R A LE
» difficultés q u e nc-jk rencontrâmes à placer fui? Pérou,
»la
m o n t a g n e d e C o t a - c a t c h é , vêts le N o r d ,
» u n fignal q u i d e v i n t
inutile , d u r è r e n t
pref-
v q u e tout l e mois d ' O c t o b r e . Il e n naquit d'au» t r è s , q u e le cours d u temps multiplia. O n n e » p e u t les c o n c e v o i r ,
fans connaître la
nature
» du Pays d e Q u i t o . L e t e r r a i n , p e u p l é & c u l » tivé dans
fon étendue ,
eft un vallon
fitué
30 entre d e u x chaînes parallèles d e haute m o n t a 93 g n c s , q u i font partie d e la C o r d e l i è r e . L e u r s » cimes fe perdent
dans les n u e s , &
prefque
« toutes font couvertes d e malles é n o r m e s d'une a» n e i g e auiîl ancienne q u e le m o n d e .
D e plu-
asfieu rs d e ces f o m m e r s , e n partie é c r o u l é s , o n 33 voit
fortir
e n c o r e des tourbillons
de
fumée
» & d e flamme , d u fein m ê m e d e la n e i g e . 93 T e l s font les fommets tronqués d e G o t o p a x i , 3»de T o n g u r a g a ,
Se du Sangai.
La
plupart
» des autres o n t é t é des volcans a u t r e f o i s , ou 9> vraisemblablement
le d e v i e n d r o n t .
L'hiftoite
s> n e nous a confervé l'époque de leurs éruptions-, » q u e depuis la d é c o u v e r t e d e l'Amérique -, mais s, les pierres p o n c e s , les matières calcinées q u i »les
parlement,
&
les traces
vifibles
d e la
» flamme, font d e s témoignages authentiques d e 93 leur
embrafement.
Quant à leur
prodigieufe
» élévarion, ce n'elt pas fans raifon qu'un A u t e u r P> Efpagnol avance q u e les m o n t a g n e s d'Amérique
DES
V O Y A G E S .
297
* f o n t , à l'égard d e celles de l ' E u r o p e , ce q u e •» font les clochers d e nos V i l l e s , comparés aux » maifons ordinaires. n La hauteur « fuuées
les
moyenne
d u v a l l o n , où
Villes d e Q u i t o , C u e n ç a ,
font Rio-^
« b a m b a , L a t a c u n g a , la Ville d ' i b a r r a , & q u a n » tité d e Bourgades & d e V i l l a g e s , eft d e r 5 «à
16 cens toifes au-delTus d e la m e r : c'eft-
» à-dire
qu'elle excède
celle des
« m o n t a g n e s d e s Pyrénées ; & ce
plus hautes fol fett
de
» bafe à das m o n t a g n e s u n e fois aufli élevées. » L e C a y a m b u r o , fitué fous l'Equateur m ê m e , «l'Antifona , qui n'en eft éloigné q u e d e
cinq
« l i e u e s vers le S u d , ont plus d e 5 0 0 0 toifes , « à c o m p t e r du niveau d e la m e r , & le C h i m « b o r a z o , haut d e 3 1 1 0 t o i f e s , furpalïë d e plus « d ' u n tiers le Pic d e Ténéciffe, la plus h a u t e «montagne de
l'ancien
hémifphère.
La
feule
« p a r t i e du C h i m b o r a z o , toujours couverte « neige
t
a S o o toifes d e hauteur
de
perpendicu-
« laire. L e Pichincha & le C o r a ç o n , fur le fom-, »» met defquels nous avons p o r t é des B a r o m è t r e s , « n ' o n t que
2
+
}
0
&
» abfolue , & c'efl. |
2 4 7 0 toifes a
pl
u s
de
hauteur
g r a n d e où l'on
ait
«jamais monté. La neige p e r m a n e n t e a r e n d u «jufqu'ici
les plus hauts fommets
inacceffibles.
« Depuis ce t e r m e , qui f t celui où la n e i g e n e e
» f o n d p l u s , m ê m e dans la Z o n e - T o r r i d e , o n n e
Pérou.
298
HISTOIRE
GÉNÉRALE
« v o i t g u e r e s , en defcendant jufqu'à 1 0 0 ou 1 5 S Pérou.
« toifes , q u e des rochers n u d s , ou d e s fables « arides. Plus b a s , on c o m m e n c e à voir q u e l q u e s « m o u f l e s , qui tapillent
les rochers , diverfes
« efpèces d e bruyères , q u i , bien q u e vertes & « m o u i l l é e s » font un feu c l a i r , & n o u s o n t été; « f o u v e n t d'un grand fecours ; d e s mottes a r r o n « dies de t e r r e fpongieufe , où font plaquées d e •» petites plantes radiées & étoilées , d o n t l e s « p é t a l e s font femblables aux feuilles d e l'if, & sa quelques autres plantes. Dans tout cet efpace , « l a n e i g e n'eft q u e paffagere ; mais
elle
s'y
« c o n i e r v e quelquefois d e s femaines & d e s m o i s S3 entiers. Plus bas e n c o r e , 8c dans u n e a u t r e fc> Z o n e d'environ j o o toiles d e h a u t e u r , le terrain; 33 eft c o m m u n é m e n t couvert d'une forte d e gramert » d é l i é , q u i s'élève jufqu'à un pied & d e m i ou « d e u x p i e d s , & q u i fe n o m m e uchuc en l a n g u e « Péruvienne. C e t t e efpèce d e foin ou d e p a i l l e , » i c o m m e o n la n o m m e dans le P a y s , eft l e c a « r a c t e r e p r o p r e q u i diftingue les m o n t a g n e s q u e « l e s Efpagnols n o m m e n t Paramos. Enfin'defeen« d a n r e n c o r e plus b a s , jufqu'à la hauteur d ' e n « v i r o n d e u x mille toifes au -deffus du niveau d e 93 la m e r , j'ai vu neiger q u e l q u e f o i s , & d ' a u t t e « fois pleuvoir. '«nature
O n fent
d u fol , f
a
bien q u e la diverfe
différente expofïtion
t
] s e
« v e n t s , la faifon , & plulieurs circonftançes p h y -
DES VOYAGES;
299
9 fiques, doivent faire varier plus ou moins " s> les limites q u ' o n vient d'afligner à ces diftérens P é r o u . a> étages. « S i l'on continue d e d e f c e n d r e , après le t e r m e v> qu'on vient d ' i n d i q u e r , il fe t r o u v e des arbuftes : i> &
plus bas j on ne r e n c o n t r e plus q u e
des
33 b o i s , dans les terrains non défrichés, tels q u e les s» d e u x côtés extérieurs d e la d o u b l e chaîne d e m o n « tagnes , e n t r e lefquelles ferpente le vallon q u i }-> fait la partie habitée & cultivée d e la Province & de Q u i t o . Au-dehors , d e part & d'autre d e la » C o r d e l i è r e , tout eft couverr d e vaftes f o r ê t s , » qui s'étendent vers l'Oueft jufqu'à la m e r d u « S u d , à quarante lieues> d e diftance , Se v e r s a> l'Eft , dans tout l'intérieur 53 fept
à huit
d'un
continent d e
cens lieues , le l o n g d e la
ri-
« v i e r e des A m a z o n e s , jufqu'à la G u y a n e & au *Bréfil. tt
La
hauteur d u fol d e Q u i t o , eft celle où la
* température
d e l'air eft la plus agréable. L e
» t h e r m o m è t r e y m a r q u e c o m m u n é m e n t 14. à 1 5 33 degrés au-defïus du t e r m e d e la glace , c o n n u 33 à Paris , d
a n s
33 & ne varie q
u e
j
beaux jours d u P r i n r e m p s ,
e
s
f
o r t
ai» cendant , on eft f 03 monter
le t h e r m
p e u . En m o n t a n t ou d é l ur
de
o m e t r e
}
faire defcendre &
ou
r e m o n r e r fuc-
wcelTivement la t e m p é r a t u r e d e tous les divers climats
t
depuis cinq degrés a u - d e f l o u s d e la
300
H I S T O I R E
« c o n g é l a t i o n , ou Pérou..
G É N É R A L E
plus , jufqu'à v i n g t - h u i t OUk
« v i n g t - n e u f a u - d e i ï u s . Quant au baromètre , fa « h a u t e u r m o y e n n e à Quito , eft d e vingt p o u c e s » une l i g n e ,
&
fes plus g r a n d e s variations n e
» vont point à u n e ligne & d e m i e : elles f o n t » ordinairement
d'une ligne ^ par jour , & fe
« font allez régulièrement à des heures réglées. m Les d e u x chaînes d e m o n t a g n e s , q u i b o r d e n t « l e vallon
d e Quito , s'étendent
à-peu-près
» N o r d au Sud : cette Situation était
du
favorable
« p o u r la mefure d e la M é r i d i e n n e : elle offrait » a l t e r n a t i v e m e n t , fur l'une & l'autre c h a î n e , d e s » points d ' a p p u i , pour terminer les triangles. L a » plus g r a n d e difficulté confiftait à choilît les lieux » c o m m o d e s , pour y
placer dés fîgnaux.
Les
« p o i n t e s les plus é l e v é e s , étaient e n f e v e l i e s , l e s » unes fous la n e i g e , les autres fouvent plongées » dans des nuages qui en dérobaient la v u e . Plus «bas,
les fignaux ,
vus d e
loin , fe
« t a i e n t fut le terrain , 8c devenaient «ciles
proje-
ttes-diffi-
à reconnaître d e loin. D ' a i l l e u t s , n o n -
» feulement il n'y avait point d e chemin tracé , » qui conduisît d'un lignai à l'autre , mais il falv> lait fouvent traverfer , par d« longs d é t o u r s , « d e s ravines formées par les torrens d e pluie & «de
neige fondue ,
creufées
quelquefois
de
« f o i x a n t e ou q u a t r e - v i n g t toifes d e profondeur. » On
conçoit les
difficultés & la lenteur d e
D E S
V O Y A G E S .
301
» marche , q u a n d il fallait tranfporter d'une
fta-
w tion à l'autre , des quarts d e cercle d e d e u x eo ou trois pieds d e rayon , avec tout ce qui était «néceffaire
pour s'établir dans des
lieux
d'un
№ accès difficile , & quelquefois y féjnurner d e s » mois entiers. Souvent les guides
Américains
» prenaient la fuite en c h e m i n , ou fur le f o m m s t » d e la m o n t a g n e où l'on était campé , & plu» Meurs }ours le parlaient , avant qu'ils pulTent » être remplacés. L'autorité des G o u v e r n e u r s Ef» pagnols , celle des
Curés &
des
Caciques,
» enfin un falaire d o u b l e , r r i p l e , quadruple , n e » fuffifaient
pas pour faire t r o u v e r des guides ,
» des muletiers & des p o r t e f a i x , ni m ê m e pour w retenir -ceux q u i s'étaient offerts v o l o n t a i r e m e n t . 33 U n des obftacles les plus rebutans , était la « c h u t e fréquente & l'enlèvement desfignaux qui » terminaient
les triangles. En France , les c l o -
=°chers, les moulins , les tours , les châteaux , «° les arbres ifolés , & placés dans un lieu r e wmarquable , offrent aux Obfervateurs u n e i n «finité d e points , d o n t ils o n t le c h o i x ; m a i s , « d a n s un p a y f, différent d e l'Europe , & fans s
« a u c u n point précis , on était obligé d e ctéer »en
quelque f o r t e , , des objets d i f t i n c t s , p o u r
« former les t r i a n g l . D ' a b o r d on pofa des p y r a es
« m i d e s , d e trois ou quatre longues tiges d'un» « efpècc
d ' t l o e s , d o n t [q
D o
j.
s
était fort léger ,
Pérou.
302
H I S T O I R E
G É N É R A L E
» & c e p e n d a n t d ' u n e allez g r a n d e réfiftance. O i t Pérou.
y> faifait
gatnir d e paille o u d e natte la partie
« fupérieure d e ces p y r a m i d e s , quelquefois d ' u n e » toile d e coton fott c l a i r e , qui fe fabrique dans « le pays , & d'autres fois d'une couche d e chaux. » Au - delïous d e cette efpèce d e pavillon , o u «Iaiffait allez d'efpace p o u r placer & manier u n » quart d e cercle -, m a i s , après plufieurs j o u r s , & s» quelquefois plufieurs femaines d e pluie & d e » b r o u i l l a r d , l o r f q u e l'horizon s'éclaircilT a i t , & q u e « l e s fommets des m o n t a g n e s fe m o n t r a n t à d é 3 3 c o u v e r t , femblaient inciter à p r e n d r e les angles « fouvent
à l'inftant m ê m e o ù l'on était prêt d e
?» recueillir
le fruit
d'une
longue
attente , o n
« avait le déplailïr d e voir difparaître les
fignaux,
« t a n t ô t enlevés par les o u r a g a n s , & tantôt volés. « D e s pâtres Américains s'emparaient des perches $ 33 des cordes , des piquets , d o n t le
tranfport
« a v a i t coûté b e a u c o u p d e temps & d e peine, il « f e palfait quelquefois huit & quinze j o u r s , avant « q u e le d o m m a g e pût être réparé. Enfuire il fal« l a i t a t t e n d r e des femaines entières dans la n e i g e » & dans les frimats, un autre m o m e n t favorable « pour les opérations. L e feul lignai d e Pamba« m a r c a fut réparé jufqu'à fept fois. «Vers
le
commencement
« M . G o d i n imagina le
d e cette année 3
p r e m i e r un expédient
» iimple & c o m m o d e , p o u r rendre•tout-à-Ia.-foij
D E S r
wles
fignaux
V O Y A G E S .
303
faciles à conilruire , & très-aifés à
« diftinguer dans l ' é l o i g n e m e n t , ce fut d e p r e n « dre
pour
fignaux ,
les
» d'autres femblables
tentes
même ,
à celles o ù l'on
ou
campait.
» C h a q u e Académicien avait une g r a n d e t e n t e , •3) Se les Mathématiciens Efpagnols avaient »3 les
leurs : on
i) nieres.
MM.
avait
Virguin
» cédaient , & faifaient
d'ailleurs
trois
auflï
canon-
èV des O d o n n a i s p r é placer celles-ci alterna-
33 t i v e m e n t , f u r les deux chaînes d e la C o r d e l i è r e , »3 aux points défignés, c o n f o r m é m e n t au projet: 33 des triangles. Ils laifiaient un Américain p o u r 33 les g a r d e r . O n était d a n s i a faifondes pluies. C e 33 t e m p s avait été e m p l o y é l'année p r é c é d e n t e , à « r e c o n n a î t r e le terrain de la M é r i d i e n n e , & fui» vant le confeil des gens m ê m e s du pays , o n » ne pouvait penfer alors à m o n t e r fur les mon-, » tagnes-, mais o n avait a p p t i s , par l ' e x p é r i e n c e , *> q u e , dans la Province d e Quito , les beaux » jours étaient feulement
plus
rares pendant la
« faifon qu'on y n o m m e l'hiver , depuis N o v e m « b r e jufqu'en Mai , & q u e , dans le relie d e l'an33 née , q u i p o r t e le n o m d ' é t é , il ne laillait pas « d e pleuvoir quelquefois plufieurs jours d e fuite. « Lorfqu on s en f
uc
a
p p ç u , toutes les faifons e r
3> furent é g a l e s , & la diverfité d e s temps n'inter» rompit plus le cours des opérations.33 O n avait
été r e t e n u tout l
e
mois d e Janvier.
Pérou.
304
HISTOIRE
G É N É R A L E
& la moitié d e Février , aux p r e m i e r s Fciou.
fignau*
d e s environs d e la b a f e , & à ceux d e PambaM a r c a , d e Tanlagoa & d u Changailli. Le
Co-
ropaxi & le C o r a ç o n d e v i n r e n t enfuite le c h a m p des opérations. M ê m e s embarras 5c mêmes fouffrances. L e
9
d'Août , M M . Bouguer
&
de
la ' C o n d a m i n e , toujours accompagnés d e D o n Antoine
d'Ulloa
3
acheverenr d e p r e n d r e leurs
angles au C o r a ç o n , après avoir paffé 28 jours fur cette m o n t a g n e . Dans lereffe d u m o i s , ils finirent ceux du P a p a o u r c o u , du P o u c a - O u a ï c o u
& du
M i l i n . L e 16 j les d e u x Académiciens Français étant partis feuls d e
la ferme d'ilitiou , après
avoir fait p r e n d r e le devant à tout leur bagage j u g è r e n t q u e le p o r t e u r d e la t e n t e , fous laquelle ils devaient camper , n e pouvait arriver , avant la nuit , au fignal. Us cherchèrent vainement u n e g r o t t e . La nuit les furprit en plein c h a m p , au p i e d d e la m o n t a g n e , & dans u n e lande trèsfroide , où la néceffité les conttaignit d ' a t t e n d r e l e jour. Leurs felles leur fervirent d e c h e v e t , le m a n t e a u d e M . B o u g u e r , d e matelas & d e c o u v e r t u r e . U n e cappe d e taffetas ufé , d o n t M . d e la C o n d a m i n e s'était heuteufement p o u r v u , d e vint un pavillon , foutenu fur leurs couteaux d e chafle , 8c leur fournit un abri c o n t r e le v e t g l a s , qui tomba
t o u t e la nuit. Au j o u r , ils fe t r o u -
y e r e n t enveloppés d'un brouillard fi épais, qu'ils
fe perdirent
DES
V O Y A G E S .
305
le perdirent en cherchant leurs mules. M . Bouguer « n e put m ê m e rejoindre la fienne. A p e i n e , à dix h e u r e s & d e m i e , le temps était-il allez é c l a i r é , pour
voir
à fe conduire. Dans la dation
du
C o n t o u r - Palti j fur le C h i m b o r a z o _, ils e u r e n t à r e d o u t e r les éboulemens des g r a d e s mafïes
de
n e i g e , incorporées & durcies avec le fable, qu'ils avaient piïfes d'abord pour des bancs de rochers. Elles fe dérachaient du (ommet d e la m o n t a g n e , Se fe précipitaient dans ces profondes crevalt'es, entre
lefquelles
leur
tente
étaient fouvent réveillés par
était
placée.
Ils
ce bruit , q u e les
échos redoublaient , & qui femblait encore s'ac croître dans le filence d e la nuit. Au C h o u j a i , o ù ils panèrent quarante j o u r s , M. d e l a C o n d . i m i n e , l o g é dans la tente m ê m e qui fervait d e fignal • avait , pendant la n u i t , le terrible fpe&acle du Volcan d e Sangaï. T o u t un côté de la m o n t a g n e paraiflait en feu , c o m m e la bouche même volcan ; ¡1 en découlait un t o r r e n t
du
d e foufre &
d e bitume enflammé , qui s'eft. creufé un lit au milieu d e la neige , d o n t le foyer aident du Commet,eft fans ceff'e couronné. Le torrent p o r t e fes flots dans la civière d U p a n o , où il fait mou rir le poidon à une grande didance. Le bruit du Volcan fe fait e n t e n d r e à Guayaqml , qui en efl éloigné de plus de quarante lieues ., en droite ligne.
Tome Xîl\
V
Pérou.
306
HISTOIRE
GÉNÉRALE
Sur u n e des pointes d e l'Affuay, q u ' o n nomme! Sinaçahouan , & qui n'eft inférieure au Pichincha,' q u e d e 9 0 t o i f e s , le temps fe trouva clair & ferain le 27 A v r i l , à l'arrivée d e M. d e la C o n d a m i n e . I l y découvrait un ttès-bel h o r i z o n , précifément e n t r e d e u x chaînes d e la C o r d e l i è r e q u i fuyaient à p e r t e d e vue au N o r d & au Sud. L e
Coto-
p a x i s ' y faifait diftinguer à 50 lieues d e diftance. Les montagnes intermédiaires, & fur-tout
les
vallons voifîns, s'offraient à vol d'oifeau c o m m e fur u n e C a r t e t o p o g r a p h i q u e . Infenfiblement la plaine fe couvrit d'une vapeur légère. O n n ' a p p e r ç u t plus les objets qu'à travers un voile tranf-: p a r e n t , q u i n e laiffait pataitre diftinclement q u e les plus hauts fominets des m o n t a g n e s . Bientôt M. d e la C o n d a m i n e , feul a l o r s , fut e n v e l o p p é d e n u a g e s , & fes inftrumens lui d e v i n r e n t i n u tiles. Il pafla t o u t le j o u r & la nuit Suivante fous u n e t e n t e fans m u r s . L e 2 8 , M. B o u g u e r l'ayant r e joint avec D o n d ' U l l o a , la tente fut placée q u e l q u e s toifes plus b a s , pour la m e t t r e un peu à l'abri d ' u n v e n t très-froid, qui fouille toujours fur ce P a r a m o ; Précaution inutile : la nuit du
29 au j o , v e r s
les d e u x h e u r e s du matin , il s'éleva un
orage,
mêlé d e n e i g e , d e grêle & d e t o n n e r r e . Les trois Alfociés furent réveillés par un bruit affreux. La plupart des piquets étaient arrachés.
Les q u a r
tiers d e r o c h e s , q u i avaient fervi à les alTurer^'
D E S
V O Y A G E S .
307
toulaient les uns fur les autres. Les murailles d e la tenté , déchirées & roides d e verglas , ainiî q u e les
attaches
r o m p u e s & agitées d'un vent
furieux , battaient c o n t r e les mâts & la t r a v e r f e , Se menaçaient
les trois Mathématiciens
d e les
couvrir d e leurs débris. Ils fe levèrent avec p r é cipitation. N u l fecouts d e la part d e leur cortège d ' A m é r i c a i n s , q u i était d e m e u r é dans u n e g r o t t e aflez éloignée. Enfin , a la lueur des éclairs, ils réuHirent à prévenir le mal l e plus p r e i ï a n t , q u i était la c h u t e d e la t e n t e , où le vent & la n e i g e pénétraient d e toutes patts. L e lendemain , ils en rirent drefler une a u t r e , plus bas & plus à l ' a b r i ; mais les n u i s Avivantes n'en furenr pas plus tran quilles. T r o i s tentes montées fucceffivement, avec la peine q u ' o n peut s'imaginer , fur de
un
terrain
fable & d e r o c h e , eurent routes le m ê m e
fort. Les A m é r i c a i n s , las d e racler & d e fecouer la n e i g e , d o n t elles fe couvraient
continuelle
m e n t , p r i r e n t tous la fuite , les uns après les a u t r e s . Les chevaux & les. m u l e s , qu'on aller , fuivant leur
pâture , (
l'ufage c
du Pays , pour chercher
retirèrent par
inftincr. dans le
fond des ravines. TJn cheval fut dans un t o r r e n t , où ]
e
trouvé
noyé
vent l'avait fans
doute
précipité. M . Godin 8c D
o
n
J e o r g e Juan , qui
o b f e r v a i e n t , d'un a u t t e c o t é , f t a g n e , ne fouibirent
biffait
gueres
ur
l même mon a
moins , V
quoique ij
Pérou.
308
HISTOIRE
GÉNÉRALE
campés dans un lieu plus bas. C e p e n d a n t on achevâf 'Pérou.
le 7 d e Mai , d e p r e n d r e rous les a n g l e s , dans cette pénible ftation , & l'on fe rendir l e m ê m e j o u r à C a g n a r , gros Bourg peuplé d'Efpagnols, à cinq lieues au Sud d e l'Affuay. En voyant d e loin les n u a g e s , les tonnerres & les éclairs qui avaient d u r é plufieurs jours , & la n e i g e qui était t o m b é e fans relâche fur la cime d e la m o n t a g n e , les habitans du c a n t o n a v a i e n t jugé que tous les M a t h é maticiens y avaient péri. C e n'était pas la p r e m i è r e fois qu'on en avait fair courir le b r u i r , & •dans cette occafion, on fit p o u r eux des prières publiques à Cagnar. Mais fouvenons-nous q u e l'objet d e cet article n'eft pas d e les fuivre dans toutes leurs flations. &
qu'il fuffit d'avoir repréfenté u n e partie des
obftacles qu'ils e u r e n t prefque fans ceffe à com b a t t r e . O n a déjà dit q u e cement d'Août
1 7 3 7 , jufqu'à
1 7 : 9 , la c o m p a g n i e la
Condamine
depuis le c o m m e n
habita
la fin d e Juillet
d e M M . Bouguer fur
& de
trente - cinq
rentes montagnes , & celle d e M . G o d i n
diffé fur
trente-deux. Dès l'année i7?5> avant le départ des Acadé» m i c i e n s , M . d e la C o n d a m i n e avait propofé d e fixer les d e u x termes de la bafe
fondamentale
d e s opérations qu'ils allaient faire au P é r o u , p
a t
d e u x nionumens d u r a b l e s , tels q u e d e u x colora-
D E S
V O Y A G E S .
309
fies, obéiifques, o u p y r a m i d e s , d o n t l'ufage ferait expliqué par u n e infcription. L e projer fut a p prouvé d e l'Académie des Sciences. Celle d e s Belles-Lettres rédigea l'infcription.. O n e u t pour but d e n'y rien inférer qui pût déplaire à la nation E f p a g n o l e , ou bleffer les droits légitimes d u S o u v e r a i n , dans les Etats & fous la p r o t e c tion d u q u e l o n avait choifi le champ du travail. N o u s la d o n n o n s ici telle q u ' e l l e fut gravée (a),
d'abord
c'eft-à-dire avec quelques changemens
'(a)'
Aufpiciis PH1LIPPIV, Hifpaniar. & Indiar. Regis Catholici» Promovente
regia Scientiar. Academia Parii» Faventibus.
Emin.Herc. de Fleury, SacraRom. Feci. Cardinali, Supremo (Europa plaudente )Galliar. Adminiflro, Celf. Joann. Fred. Phclipeaux , Com de Maurepas , JtegiFr. à rebus maritimis, &cc. Omnigeme eruditionis Scenate ; t u d . Godin , p Condami
e t
. Bouguer.
Car. Maria de
la,
ne<
Ejufdem Acadcmise focii, LUD. X V , Regis Chriftianifllmi, j f l & munificenti!* u
u
In Peruviani aiiflS , Ad metiendosin/EciuinoaialipiagaterreftrcsgraduSj
V iij
Fcroui,
310
H I S T O I R E
G É N É R A L E
relatifs à des circonftances q u ' o n n'avait pu p r é Pérou.
voir. Les Académiciens p a r t i r e n r , ils exécutèrent g l o r i e u l e m e n t leur e n t r e p r i f e , & M . d e la C o n d a m i n e p r i t , avec le coufentement d e (es Aflo"? c i é s , la commiffion d'élever le m o n u m e n t , dans la plaine d ' Y a r u q u i , o ù l'on a vu q u e la
bafe
avait été m e i u r é e . Son p r e m i e r f o i n , lorfqu'il vit cette
mefure
a c h e v é e , fut d e conftater inviolablement les d e u x t e r m e s . Dans cette v u e , il fit tranfporter à char.
Quo vera tclluris figura ccrtiùs innotefceret : ( /Jßßcntibus & A.uonio
, ex mandato
Maj.
de Ulloa navis belticce
Cith. Giorgio Juan j. Vice -
PrafeBis.)
Solo ad perticarli libellamquc exploratq , In hàc Yaniquecniì planine , Diftantiam horizontalem intra hujus & alterius obelifci axes 62.72. hexapcdarum Parif. pedum 4 ; poll. 7. Ex qua elicietur bafis 1,Triangoli latus, opeiis fun*
Aa m en Inl'nca qua: excurrit
.
A borea Occidenrem Verfusgrad-19', 2 J i Ab auftro Oiicntem Statuere.
Ann. Chrifti. Meta
M.
DCC.
"Auftrafis, Borealis,
X X X V I . M,
Novembre
D E S
V O Y A G E S .
311
q u e extrémité u n e m e u l e d e moulin. Il fit creufer le fol, & e n t e r r e r les meules-, d e forte q u e les deux j a l o n s , qui t e r m i n a i e n t la diftance m e furée, occupaient les centres vides d e ces pierres^ O n n'eut pas b e f o i n , dit-il, d e méditer b e a u c o u p fur la matière & la forme q u i convenaient
le
m i e u x à un m o n u m e n t fimpîe & d u r a b l e , p r o p r e à conftater, fans é q u i v o q u e , les d e u x termes d e la bafe. Quant à la f o r m e , la plus avantageufe était la p y r a m i d e ; & la plus fimple d e toutes les p y r a m i d e s , était u n t é t r a è d r e . M a i s , c o m m e il
convenait
d'orienter
rédifice
par
rapport
aux régions d u m o n d e , il fe d é t e r m i n a , c e t t e raifon, à d o n n e r q u a t r e faces aux
pat
pyra
m i d e s , fans c o m p t e r celle d e leur bafe. C e q u i rendait
d'ailleurs
L'infcription, préfenté
la
conflruétion
plus
facile.
pofée fur u n e face i n c l i n é e , eut
un afpeét
défagréable -, elle
eut
été
m o i n s aifée à l i r e , & tr©p expofée aux injures d e l'air : il fallait d o n c u n focle ou p i e d d'eftal, allez haut p o u r p o r t e r Pinfcription. Quant à la m a t i è r e , il n'y avait point à choifir -, la t e r r e n'aurait
point e u aflez d e folidité. C o m m e
carrière
des
pierres d e taille
la plus
la
voifine
était au d e l à d e Quito à 6 o u 7 lieues d e dif t a n c e , on n eut pas d'autres parti à p r e n d r e q u e d e t i r e r , des ravines les p l u p S
r o c
h e s , des pierres
d u r e s , & des quartiers d e r o c h e p o u r le maffif
V iv.
Pérou,
312
H I S T O I R E
GÉNÉRALE
intérieur d e l ' o u v r a g e , fauf à le revêtir extérieur» jperou.
r e m e n t d e briques. Enfin le t e m p s , le l i e u , les circonftances , demandaient fufient
que les pyramides
à-peu-près telles qu'elles font ici r e p r é -
fentées. M . d e la C o n d a m i n e fit marché
pour
les
pierres. Elles ne pouvaient être tranfportées qu'à d o s de m u l e t ,
feule voiture q u e le p.iys p e r
mette-, & cette feule opération demandait plu sieurs mois d e travail. Il donna les o r d r e s néceffires
pour
faire mouler
&
fur le lieu m ê m e . Q u o i q u e
cuire les briques les
bâtimens o r d i
naires , d.;ns l'Amérique E f p a g n o î e ,
ne
foient
con pofés que degrolTes malles d é t e r r e p é t r i e , & féchée au Soleil , on ne laifle pas d'y faire auffi des briques
à la manière d e l'Europe : le
changement fut d'en faire
feul
le moule d'une plus
g r a n d e p r o p o r t i o n , afin q u e , ne pouvant fervir à route autre f a b r i q u e , on ne fur pas tenté d e d é g r a d e r ce m o n u m e n t
pour les p r e n d r e .
La
chaux fut apportée d e C a y a m b é , à dix lieues d e Q u i t o , vers l ' O r i e n t , c o m m e la meilleure
du
pays. L'aveu d u S o u v e r a i n , ou d e ceux qui le r e p r é f e n t e n t , étant néceflaire pour ériger un m o n u m e n t public dans une t e r r e étrangère , M. d e la C o n d a m i n e jugea qu'il était temps d e r é g l e r , a v e c fes Adociés , les termes d e
l'infcriptiou,
D E S
313
V O Y A G E S
p o u r la c o m m u n i q u e r à l'Audience R o y a l e
de
Quito , qui r e n d fes Arrêts au n o m d e Sa M a Jefté C a t h o l i q u e , c o m m e toutes les C o u r s Sou veraines d'Efpagne. Il la mit au n e t , d e concert avec M . B o u g u e r , & obtint d e l'Audience R o y a l e la permiilïon d e la placer. Les fondemens
des pyramides étaient pofés :
M . d e la C o n d a m i n e
preffa
vivement le
d e l'édifice. Il eut à vaincre de n o . i v e a u x t a c l e s , " d e la part d u t e r r a i n , qui
refte obf-
étant inégal
& fablonneux, le força de recourir aux piloris-, d e celle des ouvriers P é r u v i e n s , également mal adroits
& parelleux -, &
d'eau , pour le d'en
éteindre la
mortier , faire
qui
amener
le
fur - tout le chaux
mit , dans
par un
d o u c e , jufqu'au liège
&
manque
détremper la
néceffité
lit creufé en
pente
du travail. C e s embarras
r e g a r d a i e n t la conftruction, & fur-tout celle d e la p y r a m i d e b o r é a l e , mais ils augmentèrent beau c o u p , lorfqu'il fallut trouver des pierres propres a ix inferiptions, les tailler, les tirer de quatre cens pieds d e tranfporter
p r o f o n d e u r , les graver , &
au lieu
de leur
deftination.
les
Celles
qu'il avait déjà r e c o n n u e s , & fur lefquelles
on
c o m p t a i t , avaient été enlevées ou briiées par les crues d'eau. Il parcourut dans un grand
cfpace,
les lits d e tous les torrens & de tous les r a v i n s , p o u r trouver d e q u o i former d e u x tables, d e la
Pérou,
314
HISTOIRE
GÉNÉRALE
.
g r a n d e u r q u i convenait ï fes vues. Lorfqu'elles Pérou.
furent t r o u v é e s , il fit f a i r e , à Q u i t o , les inftrumens néceiïaires ; & q u o i q u e muni des ordres d u Préfident , du C o r r é g i d o r , & des A l c a d e s , il eut beaucoup d e peine à raflembler les tailleurs d e p i e r r e . A mefure qu'ils déferraient
avec fes
o u t i l s , il en renvoyait d'autres à leur place. U n travail , pour lequel ils éraient payés à la j o u r n é e
t
ne laiflait pas d e leur paraître infupportable par fa lenteur. Aufîï les pics les mieux acérés s'émouff a i e n t - i l s , ou fe brifaient au p r e m i e r c o u p . Il fallait continuellement les r a p p o r t e r à Q u i t o
,
p o u r les réparer. M . d e la C o n d a m i n e avait u n h o m m e gagé , d o n t ces voyages éraient l'unique fonction. Les pierres ayant été dégroffies, il fut queftion
de les polir. O n . n'imagina p o i n t
d'autre
m o y e n , q u e d e frotter , l'une fur l'autre , les faces deftinées à recevoir l'infcriprion. Elle venait d ' ê t r e a r r ê t é e , e n t r e les trois Académiciens. Il reftait à faire graver les lettres ; opération q u i avait déià paru fort difficile à Q u i t o , pour u n e a u t r e Infcripuon , qui contenait le réfultat
de
t o u t e s les obférvations & la l o n g u e u r du p e n d u l e . L e s deux pierres avaient été taillées, fculptées , p o l i e s , dans le fond m ê m e d e la ravine où elles avaient été trouvées ; l'Infcription y fut gravée a u f l l , à la réferve d e ce q u i regardait les d e u x
D E S
V O Y A G E S .
315
Officiers E f p a g n o l s , qui fut laiffé en blanc. E n - ; fuite les pierres furent
enlevées avec un engin ,
fixé dans la p l a i n e , au b o r d d'une cavée d e
60
toiles de profon.leur. Mais les cables érant
de
cuir , c o m m e
les cordes du Pays , u n e
pluie
a b o n d a n t e , qui retarda le t r a v a i l , alongea telle ment
les torons , qu'ils fe r o m p i r e n t ; & l'une
des p i e r r e s , r e t o m b a n t au fond de la ravine fut b r f é e en
3
y
mille pièces. Ainfi les peines d e
fix mois fureur p e r d u e s en un initanr. H e u r e u l e m e n t M . de Morainville trouva u n e autre p i e r r e . Se le d o m m a g e fut réparé. Enfin les p y r a m i d e s é r a i e n t a c h e v é e s , & M . d e la C o n d a m i n e attendait q u e les pierres q u i p o r taient
l'infcription , fufient en place , p o u r e n
faire drefier un P r o c è s - v e r b a l ,
auquel il v o u
lait j o i n d r e le defiein des p y r a m i d e s , avec u n e copie figurée d e l'infcription , & préfenter le t o u t a l'Audience R o y a l e , lorfque l'énoncé d e cette Infcription excita un affez l o n g procès e n t r e
les
d e u x Officiers Efpagnols & les Académiciens d e Paris. Les premiers fe plaignaienr q u ' o n n e fît pas d'eux une mention c o n v e n a b l e , & p r é t e n d a i e n t d e plus q u e cette Infcription bleffait les droits & l'honneur
de
I
a
Couronne
procès dura d e u x ans. M. ¿ par le
gagner
pleinement
E
d'Efpagne.
Le
J Condamine
finit
A
à l'Audience.
Mais
comme il était difficile q u e des Français eufient
Pcrou«
316
H I S T O I R E
G É N É R A L E
plus d e crédic en Efpagne q u e des Efpignols, oui Pérou.
apprit bientôt qu'on avait expédié d e M a d r i d des ordres pour la démolition des pyramides. Il eft vrai q u e ces ordres furent révoqués peu d e temps après. M a i s , avant q u e la révocation fût a r r i v é e , ils étaient exécutés-, & u n e vaine jaloufie nationale détruiilt ce b e a u m o n u m e n t
d'une
11 belle entreprife -, ces p y r a m i d e s , ouvrage d e tant d e foins , & qu'il ferait difficile d e rétablir avec la m ê m e jufteûe dans les dimenfions & dans les rapports. D e s rnefures prifes dans la Z o n e T o r r i d e d a n s la Laponie
8:
S u é d o i f e , il eft réfulté q u e la
différence e n t r e le d e g t é du Pérou & celui d e laj L a p o n i e , eft d e 8 0 0 toifes. O r il n e f t ni vraif e m b l a b l e , ni m ê m e poffible, qu'une différence fi conlidérable puilïe ê t r e attribuée à une e r r e u r d'obfervation, A i n i i , ce qu'on cherchait parait d é m o n t r é , en partant d e ce principe , qui n'eft pas; c o n t e f t é , q u e fi les degrés vont en s'alongeanc vers les p ô l e s , la t e r r e eft un fphéroïde a p p l a t i . Pour terminer cet Article , nous allons m a i n Retour de La Condaminc par
tenant fuivre n o t r e Philofophe V o y a g e u r fur la rivière
d e s Amazones , p
a r
laquelle il prit fa
la rivière route pour r e t o u r n e r en Europe. C e fleuve, l e , des Ama plus grand d e tous les fleuves du m o n d e , puis zones.
qu'on
lui d o n n e .50 lieues d e largeur à
f
0{J
e m b o u c h u r e , avait été r e c o n n u , dès l'an 1500J
DES
V O Y A G E S ;
317
$ a r Vincent Pjnfon -, & dans le fécond V o y a g e d e ! Pizarre au P é r o u , quarante ans a p r è s , Orellana , un d e fes Officiers, q u i montait un Btigantin, chargé d e chercher des vivres fur la C ô t e , ofa s'aban d o n n e r , l'efpace d e 5 0 0 l i e u e s , au cours d e l'A m a z o n e & lui d o n n a m ê m e fon n o m , puifque plufieurs Auteurs l'ont appellée depuis
l'Orel-
ïana : il en fortit par le C a p de N o r d . N o u s avons d o n n é u n e idée générale d u cours de l'A m a z o n e au fécond C h a p i t r e de ce L i v r e , dans la defcription
d e l'Audience d e Quito ; Pays
baigné en g r a n d e partie par ce fleuve
r
q u e les
habitans d e l'Amérique Méridionale appellent le Maragnon. D e p u i s Orellana , q u i périt dans u n fécond V o y a g e , on fit plufieurs tentatives
pour
r e n t r e r dans l'Amazone , par u n e des rivières q u i s'y jettent , & en connaître la navigation , q u e la quantité d'Ifles, la rapidité des c o u r a n s , l e | f r é q u e n s détours d u fleuve, & les rochers qui l e relferrent en plufieurs e n d r o i r s , rendent dif ficile & dangereufe. Les Portugais , rivaux des Efpagnols dans lesentreprifes d e ce g e n r e , & d o n t les pofï'effions dans le Bréfil font voifines d e l'em bouchure d e l'Amazone dans la m e r du N o r d , la r e m o n t è r e n t , en 16 3 y f }
o u s
J conduite d e T e x e y r a a
& dans une flotille d e canots, depuis Para, Forterelle portugaife, jufqu'au lieu où elle commence à être na vigable à peu d e diftance d e Q u i . L Relation d e c o
a
rerou.
318
H I S T O I R E
G É N É R A L E
ce V o y a g e nous a été tranfnajle par le P . d'Acugna $ Гсюи.
Jéfuite E f p a g n o l , qui accompagna les P o r t u g a i s , lorfqu'ils r e t o u r n è r e n t par la m ê m e r o u t e qu'ils avaient fui v i e , c ' e f t - à - d i r e , en defcendant l ' A m a z o n e qu'ils avaient r e m o n t é e . C e t t e R e l a t i o n fut traduite , dans le fiécle d e r n i e r , par le R o mancier car
G o m b e r v i l l e , Auteur d e P o l e x a n d r e ;
alors n o s Littérateurs Français
cultivaient
la langue Efpagnole , c o m m e on érudie
aujour
d'hui l'Italien & l'Anglais. N o u s c r o y o n s d e v o i r r a p p o r t e r quelques endroits d e cette Relation q u i paraitront un peu romanefques mais d o n t le fonds n'eft pas moins vrai, oc L ' A m a z o n e ( d i t - il ) tra*j « v e r f e plus d e R o y a u m e s que le G a n g e , l'Eufrate »&
le
N i l . Elle n o u r r i t infiniment
» peuples, &
plus
p o r t e fes eaux douces bien
de plus
o? loin dans la m e r -, elle reçoit beaucoup plus d e « r i v i è r e s . Si les b o r d s du Gange font couverts » d'un fable d o r é , ceux d e l'Amazone font chargés » d'un flible d'or p u r , & fes eaux , créufant fes « r i v e s d e jour en j o u r ,
découvrent par d e g r é s
« les mines d'or & d'argent qi< la t e t r e qu'elles e
« b a i g n e n t cache dans fon fein. Enfin les Pays « q u ' e l l e traverfe font un paradis t e r r e f t r e , » fi leurs habitans aidaient un peu
&,
la N a t u r e
» tous les b o r d s d'un fi g r a n d fleuve feraient d e « v a f t e s jardins remplis fans ceffe d e fleurs & d e •o fruits. Les d é b o r d e m e n s d e fes eaux fertilifenc
DES
V O Y A G E S .
319
33 pour plus d'une année toutes les terres qu'elle 3ï h u m e c t e . Elles n'ont pas befoin d'autre a m é l i o -
Pérou.
» ration. D'ailleurs toutes les richefles d e la N a t u r e » fe trouvent dans les régions voifmes ; u n e p r o 30 digieufe
abondance d e poiiïons dans les r i -
o>vieres/, mille animaux diftérens fur les m o n 03 tagnes , u n n o m b r e infini d e t o u t e forte d ' o i » féaux , les arbres toujours chargés d e fruits, les » champs couverts d e m o i f l o n s , & les entrailles » d e la t e r r e pleines d e pierres précieules & d e s » p l u s riches métaux. 3» . L e P . d'Acugna nous d o n n e le n o m d e plus d e c e n t - c i n q u a n t e N a t i o n s qui habitent fur les b o r d s d e l ' A m a z o n e , dans u n e étendue d e 1 8 0 0 lieues en l o n g u e u r
& dans u n e circonférence
d e 4 0 0 0 , en y c o m p r e n a n t les rivières' qui fe p e r d e n r dans ce fleuve. T o u s ces Peuples là font idolâtres & o n t à - p e u - p r è s les mêmes m œ u r s , c ' e i t - à - d i r e , celles d e s Sauvages. La nation d e s T o p m a m b o u x mérite q u ' o n en fafle une m e n t i o n particulière , p défendre
a r
les étions qu'elle a fait p o u r
fon i n d é p e n d a n c e conrre la tyrannie
des Européens. Vingt
lieues
C a y a r y , qui
au-deffous
vient
d e la rivière, d e du Sud fe j o i n d r e à l ' A Topinam
mazone , eft u n e Ifle c j
f j
e
0
l a r g e , qui doit? en avoir l , p
circuit.
O n la n o m m e IJl
e
x a n
te ¿
J S
des
c
lieues
de
,
Je
m
c e l
s
Topinamboux,
boux,
320
H I S T Q I R E
G É N É R A L E
Apres la conquête du Bréfil, ce> P e u p l e s , habitan'i Pérou.
d e la Province de F e r n a m b o u e , aimant mieux r e n o n c e r à toutes leurs policffions q u e de fe foum e t t r e aux P o r t u g a i s , le bannirent volontairement d e leur Patrie. Ils abandonnerer.r environ quatrev i n g t - q u a t r e gros Bourgs où ils étaient é t a b l i s , fans y laitier une créature vivante. L e p r e m i e r chemin qu'ils prirent fut à la gauche des C o r delières : ils traverferent toutes les eaux qui en defeendeot. Eniuite la néceffité les forçant
de
fe d i v i l e r , u n e partie pénétra jufqu'au Pérou
3
& s'arrêta dans un établillement Efpagnol voilin des fources du Cayary. M a i s , après q u e l q u e féj o u r , il arriva qu'un Llpagnol fit fouetter un T o pinambou pour avoir rué u n e vache. C e t t e in«j j u r e caufa tant d'indignation
à tous les autres j
q u e , s'étant jettes dans leurs c a n o t s , ils defeen-, d i r e n t la r i v i è r e , jufqu'à la grande Ifle
qu'ils
occupent aujourd'hui. Ils parleur la langue générale du Bréfil, q u i s'étend dans toutes les Provinces de cette con t r é e , jufqu'à P . d'Acugna ,
celle de Para,
H racontèrent au s
q u e leurs Ancêtres , n'ayanr
pu
t r o u v e r , en fortant du Bréfil, d e quoi fe nourritdans les déferts qu'ils eurent à t r a v e r f e r , furent contraints, pendant une marche de plus d e neuf cens l i e u e s , d e fe féparer plufiesrs f o i s , & q u e ces dirférens corps p e u p l è r e n t diverfes
parties
des
DES des
VOYAGES.
montagnes
du
Pérou.
Ceux
321
qui
étaient
def-
cendus jufqu'à la rivière des A m a z o n e s , eurent à
combattre
les Infulaires
d o n t ils prirent la
p l a c e , & les vainquirent tant d e fois, qu'après en avoir détruit
une p a r t i e , ils forcèrent
les
autres d'aller chercher une retraite dans des terres éloignées. Les T o p i n a m b o u x d e l'Amazone font u n e N a tion fi d i s t i n g u é e , q u e le P . d'Acugna ne
fait
pas difficulté d e la c o m p a r e r aux premiers Peu ples d e
l'Europe ,
&
quoiqu'on
s'apperçoive
qu'ils c o m m e n c e n t à dégénérer de, leurs pères , par les alliances qu'ils c o n t r a t t e n r avec les A m é ricains du P a y s , ils s'en reffentent encore par la nobleiïe du c œ u r , & par leur adreffe à fe fervir d e l'arc & des flèches : ils font d'ailleurs fort fpirituels. C o m m e
les P o r t u g a i s , d o n t la plupart
favaient la langue du Bréfil, n'avaient pas befoiii d'interprètes
pour convetfer
avec eux , ils
en
tirèrent des informations fort cutieufes-, entr'autres chofes les T o p i n a m b o u x
confirmèrent aux
Portugais qu'il exiftait d e vraies A m a z o n e s , donc le fleuve a tiré fon ancien n o m . « J e n e m'arrête point ( d i t d'Acugna) aux p e r » q u i t t i o n s férieufes cme la C o u r Souveraine d e « Q u i t o en a faites. Pl fieurs
natifs
u
« mêmes , ont attefte q u '
U n e
¿
e s
des
lieux
p vinces voir 0
t> fines du fleuve , était peuplée d e femmes b e l -
Tome
XII*
X
Pérou»
322
H I S T O I R E
GÉNÉRALE
» liqucufes, q u i vivent & fe g o u v e r n e n t feules î
rérou.
» fans h o m m e s ; qu'un certain temps d e l'année , » elles en reçoivent p o u t d e v e n i r e n c e i n t e s , & « q u e le relie d u temps , elles vivent dans leurs »> bourgs , où elles n e fongent qu'à cultiver la •a t e r r e , & à fe p r o c u r e r
t
par le travail d e leurs
» bras s rout ce qui efl néceilaire à l'entretien d e » la vie. J e n e m'arrêterai pas non plus à d'autres » informations , q u i ont été ptifes dans le n o u « v e a u R o y a u m e de G r e n a d e , au Siège R o y a l d e 95 P o r t o où l'on reçut le t é m o i g n a g e d e q u e l q u e s » Américains , particulièrement celui d'une A m i os ricaine , q u i avait été dans le pays d e ces vail» lames femmes , & qui ne dit rien q u e d e con3> forme à t o u t ce q u ' o n favait déjà par les r e » lations précédentes. Mais je ne puis taire ce q u e » j'ai e n t e n d u d e mes oreilles , & q u e je voulus 9j vérifier auffi-tôt q u e je m e fus e m b a r q u é fur l e » fleuve. O n m e d i t , dans toutes les habitations » où je palïai , qu'il y avait dans le pays , des •> femmes telles q u e je les dépeignais j & chacun »> en particulier , m'en donnait des marques fi » confiantes & fi uniformes q u e , fi la choie n'eft • point , il faut q u e le plus grand des menfbnges » palle dans tout le N o u v e a u • M o n d e , pour la s» plus contrante d e toutes les vérités hilloriques. s» C e p e n d a n t
nous e û m e s d e plus grandes
lu-
» mieies fur la Province q u e ces femmes h a b i t e n t }
D E S
V O Y A G E S .
à» fur les chemins qui y c o n d u i f e n t ,
323 furlesAmé-
« ricains qui c o m m u n i q u e n t avec elles , & fur « ceux qui leur fervent à peupler dans le d e r » nier, v i l l a g e , qui eft la frontière entr'elles & les » Topinambous. « T r e n t e - i î x lieues au-delïous d e ce d e r n i e r « v i l l a g e , en dcfcendant le fleuve, on r e n c o n t r e , » du côté d u N o r d , u n e rivière qui vient d e la » Province » connue
m ê m e des Amazones , par
& q u i eft
les Américains du p a y s , fous le
» n o m d e Cunuris. Elle p r e n d ce nom d e celui « d ' u n P e u p l e , voifin d e
fon e m b o u c h u r e . Au-
« d e i l u s , c'eft à-dire , en r e m o n t a n t cette r i v i è r e , « o n t r o u v e d'autres Américains, n o m m é s Apotos^ » qui parlent la L a n g u e générale d u Brélil. Plus » haut , font les T a g a t i s : ceux qui les fuivent -, «font
les Guacares , l'heureux P e u p l e qui jouit
•» de la faveur des Amazones. Elles ont leurs h a » bitations fur des montagnes d ' u n e hauteur p r o » digieufe , e n t r e lefquelles on en diftingue u n e « n o m m é e Yacamiaba , qui s'élève e x t r a o r d i n a i « rement au-deffus de toutes les autres,, & fi » battue des vents , qu'elle en eft
rtérile.
Ces
» femmes s y"'Maintiennent fans le recours
des
au h o m m e s . Lorfque
l
e i i r s
voifms viennent
les
.> viliter au temps qu'elles ont réglé , elles les r e «çoivent
l'arc &
la flèche
en main , dans la
• crainte d e q u e l q u e furpriie -
t
m a
i s elles ne les
X-ij
Pérou,
324
HISTOIRE
GÉNÉRALE
» ont pas plutôt r e c o n n u s , qu'elles f e r e n d e n t e n Pérou.
« f o u l e à leurs c a n o t s , où chacune faifir le p r e » mier hamac . q u ' e l l e y t r o u v e , & l e va fufpen» d r e dans fa marron , pour y recevoir celui à » qui l e hamac appartient. Après quelques jours » d e familiarité , Ces nouveaux hôtes r e t o u r n e n t « chez eux. T o u s les ans , ils n e m a n q u e n t point » d e faire ce voyage dans la m ê m e faifon. Les » filles àui
en nailfent, font nourries par leurs
a. m è r e s , inlhuites au travail & au m a n i e m e n t » d e s armes. O n i g n o r e ce qu'elles font
des
» m â l e s , mais j'ai fu d'un A m é r i c a i n , qui s'était m trouvé à cette e n t r e v u e , q u e , l'année fuivante, »> elles
donnaient
aux pères les enfans
mâles
» qu'elles ont mis au m o n d e . C e p e n d a n t la p l u » part croient qu'elles tuent les mâles au m o m e n t •» d e leur naifTance , & c'eft ce q u e je n e puis w» décider fur le témoignage d'un feul Américain, s» Q u o i qu'il en foit , elles o n t , dans leur pays , «3 des ttéfors capables d'enrichir le m o n d e e n t i e r , 33 & l'embouchure d e la r i v i è r e , qui defcend d e » leur P r o v i n c e , eft à deux degrés & d e m i d e s» hauteur m é r i d i o n a l e . » La Ville d e P a r a , q u e l e P . d'Acugna n o m m e la g r a n d e forterefle des P o r t u g a i s , eft à trente lieues d e C o m m u t a . Il y avait alors un Gou verneur
& trois Compagnies d ' I n f a n t e r i e , avec
f o u s les
Officiers qui en d é p e n d e n t ; mais l e
D E S
V O Y A G E S .
325
judicieux V o y a g e u r obferve q u e les uns & les autres
relevaient d u G o u v e r n e u r - générai
Eciou>
du
M a r a g n a n , qui érait à plus d e 1 3 0 lieues d u Para , vers le Bréfil , ce q u i n e
pouvait caufec
q u e d e fâcheux délais pour la conduire du G o u v e r n e m e n t , œ Si nos g e n s , d i t - i l , étaient allez: » heureux pour s'établir fur l ' A m a z o n e , il faudrait» néceflairement q u e le G o u v e r n e u r du Para fûtj » a b f o l u , puifqu'il aurait e n t r e les mains la cle£ y> du P a y s . » Il termine fon o u v r a g e par e x p l i q u e r les vues de la C o u r
d'Efpagne
dans ces
V o y a g e s entrepris fur l'Amazone. D ' a b o r d il eft clair q u e cette rivière traverfant toute l ' A m é r i q u e méridionale , depuis les A n d e s , jufqu'au Brélîl , j o i g n a i e n t , d ' u n e extrémité à l'autre , les Poffeffions
Efpagnoles & P o r t u g a i f e s , réunies f»us.
P h i l i p p e II -, mais il s'oftrait encore d'autres motifs. Ees Français , les Anglais & les Hollandais a v a i e n t c o m m e n c é , depuis l o n g - t e m p s , à faire descourfesin.commodes dans l
e s
m
e
r
s
voifïnes des EtablirTe-
inens E f p a g n o l s , & jufqu'à celle du Sud , d ' o ù ils étaient revenus comblés d e gloire & d e r i chefles. Il n'avait pas été facile d e faire celïer ce d a n g e r , fous le régne d e C h a r l e s - Q u i n t , parce q u e toutes les côtes d e l'Amérique n'étaient pas e n c o r e allez c o n n u e s , p d e changer
non
plus que
la
o u r
p e r m e t t r e à ce P r i n c e
route ordinaire d e fes galions
y
le lieu dans lequel ils s'aîïemblaicna
X iij
Pérou.
326
H I S T O I R E
G É N É R A L E
pour
r e t o u r n e r en Efpagne. Philippe II ne vie
pas d'autre remède à des maux p r e f q u ' i n é v i t a b l e s , q u e d'impofer aux Capitaines d e fes flottes , la loi d e ne fe pas féparer dans leur navigation -, mais un o r d r e feul n e fuffifait pas pour les g a rantir. Il était prefqu'impoffible q u e , pendant u n v o y a g e d e mille lieues , plufieurs vailïeaux fuflent toujours fi ferrés , qu'il ne s'en écartât pas u n , &
tel Corfaire fuivair les galions depuis la H a
vane
jufqu'à San - L u c a r , p o u r enlever fa p r o i e .
Auffi Philippe I I I jugea-t-il cet expédient
trop
incertain. Il voulur qu'on trouvât le m o y e n
de
d é r o b e r la r o u t e de'fes galions ; 8c, d e toutes les o u v e r t u r e s q u i lui furent p r o p o f é e s , il n'en trouva point
de
plus p r o p r e à d o n n e r le change aux
armateurs , q u e d'ouvrir la navigation fur la ri v i è r e des A m a z o n e s , depuis fon e m b o u c h u r e , jufqu'à fa fource. En effet, les plus grands vaifleaux pouvant d e m e u r e r à l'ancre fous la fortereffe d u P a r a , o n y aurait pu faire venir toutes les r i cheffes du P é t o u , d e la N o u v e l l e - G r e n a d e , d e T i e r r a F i r m e , & m ê m e du Chili. Quito aurait pu fervir d ' e n t t e p ô t , 8c Para d e r e n d e z - v o u s , pour la
flotte
du Bréfil , qui fe joignant aux galions
p o u r le r e t o u r en E u r o p e , aurait effrayé les corfaires par la force 8c par le n o m b r e . C e
projet
n'était pas fans vraifemblance. L ' e x e m p l e d'Orellana prouvait q u e la r i v i e t e était
navigable en
def-
D E S
V O Y A G E S .
327
Cendant. La difficulté n e confiftait qu'à trouver la véritable e m b o u c h u r e , pour r e m o n t e r
Pérou.
jufqu'à
Q u i t o . Mais , q u o i q u e la découverre femblât p e r fectionnée par le r e t o u r d e T e x e i r a , Se par les Obfervations
du P . d'Acugna , rous les projets
d e l'Efpagne s'évanouirent, auffî-tôtque les P o r ^ tugais e u r e n t élevé le D u c d e Bragance fur le Trône.
Ils
l'Amazone
venaient
d'apprendre
à
remonter
depuis fon e m b o u c h u r e , jufqu'à
fa
f o u r c e , & l e R o i d'Efpagne c r a i g n i t , avec raifon , qu'étant d e v e n u s fes e n n e m i s , ils n e lui t o m baffent
fur les bras _, jufques dans le Pérou , le
plus riche d e fes Domaines , lorfqu'ils auraient challé les Hollandais du Brélil. C o m m e il y avait lieu d e craindre auffi q u e la Relation du Pero d'Acugna n e leur fervît d e r o u t i e r , Philippe I V prit le parti d'en faire fupprimer tous les e x e m plaires , qui fonr devenus très-rares. D e p u i s ce t e m p s - l à ,
les entreprifes
des Ef-
pagnols fe font bornées fur l'Amazone , à r é d u i r e les
Peuples voilins d e cette g r a n d e partie
du
fleuve , qui eft renfermée dans le G o u v e r n e m e n t d e Maynas. H
d i
s
0
leurs armes , q " u
a u
naires. L e t a t d e l
v e
z e
e u r
nt l
leurs fuccès , moins
à
infatigable des M i l l i o n
e
d o m a i n e & d e leurs pof-
feffions, était tel qu'on Ta repréfenté dans la d e s cription
de
l'Audience
d e Q u i t o , lorfque
Voyage
& la C a r t e d e M . d e la C o n d a m i n e
X iv
le №
328
H I S T O I R E
GÉNÉRALE
t ont jette un nouveau jour fur le pays & fur № Pérou.
cours d e l'Amazone. Il fe t r o u v a i t , vers la fin d e Mars 1 7 4 5 , à T a r q u i , près
d e C u e n ç a , au
Pérou. « N o u s
» étions convenus , d i t - i l , M. G o d i n , M . Bouguer » & m o i , pour multiplier les occafions d ' o b f e r v e r , m de
revenir en E u r o p e
par d e s routes dirfé-
» rentes. J ' e n choifis u n e p r e f q u ' i g n o r é e , & q u i » n e pouvait m'expofer à l'envie-, c'était celle d e « l a rivière des A m a z o n e s , qui traverfe d ' O c c i » d e n t en
O r i e n t , tout le continent d e l ' A m e -
» r i q u e Méridionale. J e m e propofais d e r e n d r e « c e V o y a g e u t i l e , en levant u n e carre d e ce s» fleuve , & recueillant des Obfervations en rour a> g e n r e , fur' u n e région fi peu c o n n u e . » M . d e la C o n d a m i n e obferve q u e la C a r t e t r è s - d é f e c tueufe d u cours d e ce fleuve , par Sanfon , drefléo fur la relation p u r e m e n t hiftorique du P . d ' A c u g n a , a depuis été copiée par
tous
les G é o g r a p h e s ,
faute d e n o u v e a u x M é m o i r e s , & que nous n ' e n a v o n s pas eu d e meilleure jufqu'en 17.17, Alors parut pour la p r e m i è r e fois en F r a n c e , u n e c o p i e d e celle qui avait été drefïée dès l'année 1690 par
,
le P. Fritz , & qui fut gravée à Quito en
1 7 0 7 , mais plufieurs
obltacles
permis à ce Millionnaire
n'ayant
jamais
d e la r e n d r e exacte
3
f u r - t o u t ver? la partie inférieure d u fleuve , elle g'tft accompagnée q u ç d e quelques notes
t
faus
D E S
V O Y A G E S .
329
prefqu'aucun détail hiftorique -, d e forte q u e
jus
qu'à celle d e M . d e la C o n d a m i n e , on n e c o n nailTait le pays
d e s Amazones , q u e par la r e
lation d u P . d'Acugna , d o n t o n vient de lire l'extrait. Comme
nous
avons
déjà
donné ,
d'après
M . d'Ulloa , d'exactes r e m a r q u e s fur le n o m , la fource & le cours général du M a r a g n o n , il n e nous
refte
qu'à fuivre l'Académicien ,
depuis
T a r q u i jufqu'à Jaën , & depuis Jae'n jufqu'à fon entrée dans la m e r d u N o r d ,
& d e l à jufqu'en
Europe. Il partit d e T a r q u i , à cinq lieues au Sud d e C u e n c a , le u
d e M a i 1 7 4 3 . Dans fon V o y a g e
d e L i m a , en 1 7 3 7 , il avait fuivi le chemin o r dinaire d e C u e n ç a à Loxa. C e t t e f o i s , il en prit un détourné , qui palTe par Z a r u m a , p o u r le feul avantage d e pouvoir placer ce lieu fur fa C a r t e . I l courut q u e l q u e rifque en palTant à gué la g t a n d e r i v i e r e dejos Jubones
fort grolle a l o r s , & tou
3
jours e x t r ê m e m e n t r a p i d e . D u n e m o n t a g n e o ù l'Académicien palla fur fa r o u t e , on voit le p o r t d e T u m b e z . C'eft p r o p r e m e n t de ce point qu'il commençait à s'éloigner d e la m e r du Sud , p n e n t . Z a r u m a , fuué p latitude
o u r
a r
c r a v e r
3
f e r tout le c o n t i
degrés 4 0 minutes d e
auftrale , d o n n e f
on
n o m à u n e petite
Province , à l'Occident d e celle d e Loxa, l e s
Pérou.
330
HISTOIRE
G É N É R A L E
mines d e ce canton , autrefois c é l è b r e s , font a u Pttou.
j o u r d ' h u i prefqu'abandonnées. La hauteur du b a romètre
à Z a r u m a , fe
trouva d e
2 4 pouces
2 lignes. O n fait q u e cette hauteut rie varie pas dans la Z o n e t o r r i d e , c o m m e dans nos climats. Les Académiciens
avaient
éprouvé , à Quito ,
p e n d a n t des années e n t i è r e s , q u e fa plus g r a n d e différence
n e pafle
gueres u n e ligne & d e m i e .
M . G o d i n remarqua le p r e m i e r
3
q u e fes varia
tions, qui font à-peu-près d'une ligne en 2 4 h e u r e s , -
o n t des alternatives allez régulières , ce qui étant u n e fois connu , fait juger d e la hauteur m o y e n n e d u m e r c u r e par u n e feule expérience. T o u t e s celles qu'on avait faites fur les côtes d e la m e r du Sud , & celles que M . d e la C o n d a m i n e avait répétées dans fon v o y a g e d e Lima , lui avaient appris q u e cette hauteur m o y e n n e , au niveau d e la m e r > était d e z8 p o u c e s , d'où il crut pouvoir c o n c l u r e q u e le terrain d e Zaruma efl: élevé d ' e n v i r o n 7 0 0 toifes , ce qui n'efl. pas la moitié d e l'élé vation d e celui d e Q u i t o . O n r e n c o n t r e fur cette route , plûfieurs d e ces ponts d e cordes d'écorce d'arbres & d e l i a n e s , d o n t nous avons d o n n é différentes
defcriptions.
L o x a efl moins élevé q u e Quito d'environ 5 5 0 t o i f e s , & la chaleur y efl. fenfiblement plus g r a n d e ; mais , q u o i q u e les montagnes' du voifinage
ne
forent q u e des c o l l i n e s , en compataifou d e celles;
D E S
V O Y A G E S .
331
d e Quito , elles ne laiiient pas d e fervir d e partage aux eaux d e la Province -, & le m ê m e coteau , appelle Caxanwna,
où croît le meilleur q u i n q u i n a ,
à deux lieues au Sud d e Loxa ; d o n n e à des
haïifance
rivières qui prennent un cours oppofé ,
les unes à l'Occident , pour fe r e n d r e dans la m e r du S u d , les autres à l ' O r i e n t , qui groffifïent le M a r a g n o n . , L'Académicien paiïa le troifieme jour d e Juin fur u n e de ces m o n t a g n e s , p o u r y recueillir
du
plan d e l'arbre d e quinquina , mais avec le Se c o u r s d e deux Américains, qu'il avait pris p o u r g u i d e s , il n'en put
raffembler , dans t o u t e fa
j o u r n é e , q u e S à 9 jeunes p l a n t e s , qui p u r e n t être tranfportées en E u r o p e . 11 les fit m e t t r e avec d e la t e r r e prife au m ê m e lieu , dans u n e caille qu'il fit porrer avec précaution , fur les épaules d'un h o m m e , jufqu'à fon e m b a r q u e m e n t . D e Loxa à J a c n ,
on
travetfe
les
derniers
coteaux d e la C o r d e l i è r e . Dans t o u t e cette r o u t e , o n marche , prefque fans c e l l e , par des bois , o ù il pleut chaque année , pendant onze m o i s , & quelquefois l'année entière. Il n'elt pas poffible d'y rien fécher. L e s paniers couverts d e peau d e b œ u f , 'qui font l
e s
coffres du P a y s , fe p o u r -
rifTent, & rendent une o d e u r infupportable. M . d e •la C o n d a m i n e pafla par d e u x Villes qui n'en o n t p l u s que
le n o m , Loyola & Valladolid ; l'une
Pérou.
332
HISTOIRE
GÉNÉRALE
& l'autre opulentes & peuplées d'Efpagnols il f Fcrou.
a moins d'un iiécle , mais aujourd'hui réduites k deux petits hameaux d'Américains o u d e M é t i s , & transférées d e leur p r e m i è r e iituation. Ja'cn m ê m e qui conferve encore le titre d e V i l l e , & qui devrait ê t r e la rélidence du G o u v e r n e u r , n'eft plus au j o u r d ' h u i qu'un Village fale Se h u m i d e , q u o i q u e fur u n e hauteur , Se r e n o m m é f e u l e m e n t , par u n infecte d é g o û t a n t , n o m m é garrapata , d o n t on y effc dévoré. La m ê m e décadence eft arrivée à la plupart d e s Villes du Pérou éloignées d e la m e r , Se fort détournées d u grand chemin d e Carthagène
à Lima. C e t t e r o u t e offre quantité
d e rivières q u ' o n paffe les unes à g u é , , les autres fur des p o n t s , Se d'autres fur des radeaux , conftruits dans le lieu m ê m e , d ' u n bois fort l é g e r
5
d o n t la N a t u r e a p o u r v u toutes les forêrs. Les rivières réunies en forment u n e g r a n d e & très-ra p i d e , n o m m é e Chinchipé, plus large q u e la Seine à P a r i s . O n l a d e f c e n d en radeau, pendant cinq lieues, jufqu'à T o m é p e n d a , Village Américain dans u n e iîtuation a g r é a b l e , à la jonction des trois rivières. L e M a r a g n o n , q u i efl celle d u milieu , reçoit d u côté d u Sud la rivière d e Chachapoyas , Se celle de C h i n c h i p é du côté d e f O u e f t , à cinq degrés t r e n t e minutes d e latitude auftrale. D e puis ce p o i n t , le M a r a g n o n , m a l g r é fes d é t o u r s , va toujours en fe rapprochant
peu-à-peu
de.
D E S
V O Y A G E S .
333
la L i g n e Ecjuinoxiale jufqu'à fon e m b o u c h u r e . A u - d é f i o n s du m ê m e p o i n t , ie fleuve fe rétrécit & s'ouvre un paflage enrre d e u x m o n t a g n e s , o ù la violence de fon courant , les rochers qui le barrent , & plufieurs fauts, le r e n d e n t i m p r a t i cable. C e qu'on appelle le P o t r d e Jaëri , c'elf - àd i r e , le lieu ou l'on s'embarque , eft à q u a t r e journées d e
Jaè'n fur la p e t h e rivière de C h u -
c h u n g a , par laquelle on defeend dans le
Ma-
r a g n o n a u - d c l ï o u s des cataractes. Un
exprès q u e M . d e la C o n d a m i n e
avait
dépêché d e T o m é p e n d a , avec des ordres du G o u v e r n e u r d e Jacn à fon Lieurenant d e S a n - J a g o , p o u r faire tenir prêt u n
canot au P o r t , avait
franchi tous ces obftacles fut un radeau compofé d e d e u x ou trois pièces d e bois. D e Jacn
au
P o r t , on traverfe le M a r a g n o n , & l'on fe t r o u v e plufieurs fois fur fes b o r d s . Dans cet intervalle il reçoit du côté du N o r d , plufieurs t o r r e n s , q u i , pendant les g r a n d e s pluies charient un fable mêlé d e paillettes , & d e grains d ' o r ,
& les d e u x
cotes du
cacao , q u i
n'eît
pas
fleuve
fonr
moins
tive , mais dont font pas plus d e
couverts
bon
que
de
celui
les Américains C a s
ramaiîent q u e l o r f q ' U
qu'on
du Pays n e
q u e d e l'or , qu'ils 0 o
i
e s
p r e
fl
e
cul ne
d e payer leur
tribut. L e q u a t r i è m e j o u r , après être parti d e Jaè'n g
Pérou.
334
H I S T O I R E
G É N É R A L E
M . d e la C o n d a m i n e traverfa vingt - & - u n e fots? Pérou.
à g u é le t o r r e n t d e C h u c h u n g a , & la v i n g t d e u x i è m e fois eu bateau. Les m u l e s , en a p p r o chant du gîte , fe
¡etreient à la n a g e
toutes
c h a r g é e s , & l'Académicien eut le chagrin d e voie fes papiers , fes livres & íes inftrumens mouillés. C'était le q u a t r i è m e accidenr d e cette efpèce, qu'il avair elTuyé depuis qu'il voyageait dans les m o n tagnes : « M e s n a u f r a g e s , d i t - i l , n e cefTerent «qu'à mon
embarquement.»
L e P o r t d e Jac'n, qui fe n o m m e C h u c h u n g a , eft un
hameau
de
d i x familles Américaines ,
g o u v e r n é e s par un C a c i q u e . M . d e la C o n d a m i n e avait été obligé d e fe défaire d e d e u x jeunes Métis qui autaient pu lui fervir d ' I n t e r p r è t e s . La n é cefïïté lui fit t t o u v e r le m o y e n d'y fuppléer.
II
favait à - p e u - p r è s autant d e mots d e la l a n g u e d e s Incas , q u e parlaienr ces Américains , q u e ceux-ci
en favaient
d e langue Efpagnole.
Ne
trouvant à Chuchunga que de très-petits canots, & celui qu'il attendait d e S a n - J a g o n e pouvant arriver d e q u i n z e j o u r s , il engagea le Cacique à faire c o n l l r u i r e u n e balze allez g r a n d e , pour l e p o r r e r avec fon bagage. C e travail lui d o n n a l e t e m p s d e faire fécher fes papiers & fes livres. Il fait u n e p e i n t u r e c h a r m a n t e des huit jours qu'il pafTa dans le hameau d e C h u c h u n g a :
tt
J e n'avais,
» d i t - i l , ni voleurs , ni curieux à craindre. J ' é -
D E S
V O Y A G E S .
s>tais au milieu des Sauvages.
Je
335
m e délaffais
« p a r m i eux d'avoir vécu avec des h o m m e s , & , » li j'ofe le d i r e , je n'en regrettais pas le corn ai merce. Après plusieurs années paffées dans u n e 31 agitation continuelle , je jouilTais pour la p r e 31 miere fois d ' u n e
douce
tranquillité. Le
feu-
31 venir de mes fatigues, d e mes peines & d e mes si périls paflés, m e paraiiïait un fonge. Le h qui régnait dans cette f o l i t u d e ,
filence
m e la rendait
»> plus aimable. Il m e femblait q u e j ' y tefpirais ao plus l i b r e m e n t . La chaleur du climat était t e m 3i pérée par la fraîcheur des eaux d'une rivière à 9 peine fortie d e fa fource , & par l'épailTeur d u • bois qui en ombrageait les b o r d s . U n n o m b r e » prodigieux d e plantes fingulieres & d e » inconnues , m'offrait un fpeûacle
fleurs
nouveau &
» varié. Dans les intervalles d e m o n t r a v a i l , j e " p a r t a g e a i s les plaifirs innecens d e mes A m é r i " c a i n s - , je me baignais avec eux , j'admirais leur n'mduftrie à la chafle & à la pêche. Ils
m'of-
»» traient l'élite d e leur poiflon & de leur gibier, si T o u s étaient à mes o r d r e s : le Cacique , q u i n le c o m m a n d a i t , était le plus preffé d e m e fervir. ai J'étais éclairé avec des bois d e fenteur & des 31 racines odoriférantes. L e fable fur
lequel j e
» marchais était mêlé d'or. O n vint m e d i r e q u e s» m o n radeau était p r ê t , & j'oubliai toutes ces » délices. »
Pcrou.
336
HISTOIRE
G É N É R A L E
L e 4 d e J u i l l e t , après m i d i , il s'embarqua dan* Pérou.
un petit canot d e deux r a m e u r s , précédé d e la b a l z e , fous l'efcorte d e trois Péruviens du h a meau qui étaient dans l'eau jufqu'à la ceinture p o u r la c o n d u i r e d e la m a i n , ou la retenir c o n t r e la violence des c o u r a n s , e n t r e les rochers & dans îes petits fauts. Le jour f u i v a n t ,
il
déboucha
dans le M a r a g n o n , à quatre lieues vers le N o r d d u lieu d e l ' e m b a r q u e m e n t , c'eft-là
proprement
qu'il eft navigable. L e r a d e a u , qui avait été p r o p o r t i o n n é au lit d e la petite r i v i è r e , demandait d'être agrandi & fortifié. O n s'apperçut le matin q u e le fleuve était hauflé d e dix pieds. L'Aca démicien retenu par l'avis d e fes g u i d e s , eut le t e m p s d e fe livrer à fes obfervations. Il mefura g é o m é t r i q u e m e n t la largeur du M a r a g n o n , qui fe t r o u v a d e cent t r e n r e - cinq t o i f e s , q u o i q u e déjà d i m i n u é e d e quinze à vingt. Plufieurs q u e ce
fleuve
reçoit
au-deflus
rivières
d e Jacn
font
plus larges : ce qui devait faire juger qu'il était d ' u n e g r a n d e profondeur. En effet, un
cordeau
d e z 8 brades ne rencontra le fond qu'au tiers d e fa largeur. Il fut impoffible
d e fonder
au
milieu du lir, où la vîtefle d'un canot abandonné au c o u r a n t , était d'une toife & un quart par féconde. L e baromètre plus haut qu'au Port d e plus d e quatre lignes, fit voir à que
le niveau d e l'eau avait
l'Académicien
baillé d'environ
cinquante.
D E S
V O Y A G E S .
337 Cinquante toifes, depuis C h u c h u n g a , d'où il n'avait Pérou,
mis que huit h e u t e s à defcendre. Le 8 , continuant fa r o u t e , il paffa le d é t r o i t d e C u m b i n a m a , d a n g e r e u x par les pierres d o n t il eft r e m p l i . Sa largeur
n'eft
que
vingt toifes. Celui d'Efcurrebragas,
d'environ qu'on
ren
contra le l e n d e m a i n , eft d'une autre efpèce. L e fleuve arrêté par u n e côte d e r o c h e fort efcarp é e , qu'il h e u r t e p e r p e n d i c u l a i r e m e n t ,
fe
dé
t o u r n e t o u t - d ' u n - c o u p en faifant un angle d r o i t avec fa p r e m i è r e direction , & par
la
vîtelfe
qu'il tire d e fbn r é t r é c i l l e m e n t , il a creufé d a n s le roc une anfe
profonde où les eaux d e fon
b o r d , écartées par la rapidité d e celles du m i l i e u , font retenues c o m m e dans u n e prifon. Le. radeau
fur lequel
a l o r s , pouffé
M.
de
la C o n d a m i n e
dans cette caverne
était
par le fil d u
c o u r a n t , n'y fie q u e t o u r n o y e r pendant plus d ' u n e h e u r e . A la v é r i t é , les eaux en. circulant le r a m e naient vers le milieu d u lit d u
fleuve,
où la
r e n c o n t r e du grand courant fotmait des vagues capables d e fubmerger la balze , fi fa g r a n d e u r &
fa folidité
ne l'euffent bien défendue. M a i s
la violence du courant
la repouffait
dans le fond
& l'Académicien
de l ' f a n
e }
toujours n'en »
ferait jamais f o r t i , fans l'adrefle d e quatre A m é ricains, qu'il avait eu la précaution d e g a r d e r avec un petit canot. Ces q u a t t e h o m m e s , ayant
Sbme
XUy
Y
338
HISTOIRE
GÉNÉRALE
fuivi la r i v e t e r r e à t e r r e , & fait le t o u r Pérou.
dé
Tarife, gravirent fur le r o c h e r d ' o ù ils lui j e t t e r e n t , n o n fans p e i n e , des lianes qui font les cordes d u p a y s , avec lefquelles ils r e m o r q u è r e n t le radeau jufqu'au fil du couranr. L e m ê m e j o u r , o n parla un troifieme détroit n o m m é o ù le lit d u
fleuve,
Quaralayo,
reflerré par les r o c h e r s ,
n'a pas t r e n t e toiles d e large ; mais ce palTage n'eft périlleux q u e dans les g r a n d e s crues d ' e a u . C e fut le foir d u m ê m e j o u r , q u e l ' A c a d é m i cien r e n c o n t r a le g r a n d c a n o t , q u ' o n lui e n v o y a i t de San-Jago ,
& q u i aurait eu befoin e n c o r e
d e fîx j o u r s , p o u r r e m o n t e r jufqu'au lieu d ' o ù l e radeau était defcendu en dix h e u r e s . M . d e la C o n d a m i n e arriva le dix à S a n - J a g o 'de las Montanas
3
hameau fitué aujourd'hui à
l ' e m b o u c h u r e d e la rivière d u m ê m e n o m , & formé des débris d ' u n e Ville q u i avait d o n n é l e lien à la rivière. Ses b o r d s font habités par u n e N a t i o n n o m m é e les Xibaros, autrefois C h r é t i e n s , & révoltés depuis un fiécle c o n t r e les Efpagnols, p o u r fe fouftraire au travail d e s mines d'or d u pays. Ils vivent i n d é p e n d a n s , dans des bois i n a c ceffibles,
d ' o ù ils e m p ê c h e n t
la navigation d e
la rivière , par laquelle on pourrait defcendre en moins d e huit j o u r s , d e s e n v i r o n s d e L o x a 8c d e C u e n ç a . La crainte d e l e u r barbarie a fait changer d e u x fois d e d e m e u r e a u x habitans d e
D E S
339
V O Y A G E S .
S a n - J a g o , & leur avait fait p r e n d r e , depuis 4 0 a n s , le parti d e defcendre jufqu'à l ' e m b o u c h u r e d e la rivière dans le M a r a g n o n . Au-dcflous d e S a n - J a g o , on t r o u v e B o r j a , Ville à
peu-près
femblable aux p r é c é d e n t e s , q u o i q u e Capitale du G o u v e r n e m e n t d e Maynas qui c o m p r e n d routes les millions
Efpagnoles
Elle n'eit féparée
des b o r d s d u
fieuve.
d e S a n - J a g o q u e par le fa
m e u x P o n g o . C'eft un chemin q u e le M a r a g n o n , tournant à l'Eft, après un cours d e plus d e d e u x cens lieues
au N o r d , s'ouvre
au milieu
des
m o n t a g n e s d e la C o r d e l i è r e , en le creufant u n lit entre d e u x
murailles
parallèles
de
rochers
coupés à pic. Il n'y a gueres plus d'un que
quelques Soldats Elpagnols
de
fiécle
S-m-Jago
d é c o u v r i r e n t ce palïage & le hafarderent
à le
franchir. D e u x Millionnaires Jéluites d e la P r o vince d e Q u i t o les fuivirent
d e près , &
fon
d è r e n t , en 1 6 3 9 , la million d e M a y n a s , oui s'é t e n d fort loin en defcendant le fleuve. En arri vant à S a n - J a g o , l'Académicien le flattait d'être à Borja le m ê m e j o u r , & n'avait befoin en effet que d u n e heure p
O U r
s
y r e n d r e ; m a i s , malgré
fes exprès réitères & des recommandations a u x quelles on n'avait jamais beaucoup d'égard , le bois du grand radeau fur lequel il devait palier le P o n g o , n'était pas e n c o r e coupé. Il le contenta d e faire fortifier le fier» p a r u n e nouvelle e u Y ij
Pérou.
340
HISTOIRE
G É N É R A L E
ceinte , d o n t il le fit encadrer , pour recevoir Pcrou.
le
premier
efforr
des chocs q u i font
tables dans les d é t o u r s , faute d e
inévi
gouvernail,
d o n t les Américains n e font point ufage les
radeaux.
Ils
n'ont
1
auffi , pour
pour
gouverner
leurs canots, q u e la m ê m e pagaye q u i leur fert d'aviron. A S a n - J a g o , M . d e la C o n d a m i n e vaincre la rélîfbnce
ne p u t
d e fes m a r i n i e r s , qui
ne
trouvaient pas la rivière allez bafle e n c o r e , p o u r rifquer
le paflage. T o u t
ce
qu'il put
obtenir
d ' e u x fut d e la t r a v e r f e r , & d'aller a t t e n d r e le m o m e n t favorable dans une petite anfe
voifine
d e l'entrée du P o n g o , où le courant efl: d ' u n e fi furieufe violence les
que,
fans aucun faur r é e l ,
eaux femblent fe p r é c i p i t e r , & leur
choc
c o n t r e les rochers caufe un effroyable bruit. L e s q u a t r e Américains du p o r t d e J a e n , moins c u rieux
q u e le V o y a g e u r Français d e voir de près
le P o n g o , avaient déjà.pris le devant par t e r r e , par un c h e m i n d e pied , ou plutôt par un efcalicr taillé dans le r o c , pour aller l'attendre à Borja. Il d e m e u r a ,
c o m m e la nuit
précédenre,
f l e u
avec un N è g r e fur fon radeau-, mais une avant u r e fort extraordinaire lui fit r e g a r d e r u n b o n h e u r d e n'avoir pas voulu
comme
l'abandonner.
L e fleuve d o n t la hauteur diminua d e 25 pieds e n 36 h e u r e s , continuait d e d é c r o î t r e . A u m i -
D E S
V O Y A G E S .
l i e u d e la n u i t ,
341
l'éclat d ' u n e t r è s - g r o f f e
branche
d'un arbre c a c h é , f o u s l ' e a u , s'était e n g a g é
entre
l e s p i è c e s d u r a d e a u , o ù e l l e pénétrait d e plus, en
plus à m e f u r e
de
l'eau -, l ' A c a d é m i c i e n
meurer
acroché
qu'il baillait
&
avec
fe vit
fufpendu
le
niveau
menacé de en l'ait
de
avec
r a d e a u , & le m o i n d r e a c c i d e n t q u i l u i
le
pouvait,
a r r i v e r était d e p e r d r e fes p a p i e r s , fruit d'un tra vail d e
huit
ans. Enfin il t r o u v a l e m o y e n
fe d é g a g e r , & d e r e m e t t r e f o n radeau, à
de
flor.
Il avait profité d e fon féjour f o r c é à S a n j a g o , , pour
mefurer
géométriquement
deux
r i v i è r e s , & pour
largeur
des.
prendre les angles
qui
l u i d e v a i e n t fervir à drefler
la
u n e carte p a r t i c u
lière du P o n g o . Le i z de Juillet, à m i d i , r e m i s fur l e
fleuve,
il fut b i e n t ô t
entraîné
l e c o u r a n t dans u n e g a l e r i e é t r o i t e & taillée
en
talus
h e u r e , il f
e
dans l e
roc.
En
s'étant par.
profonde
moins
d'une
t r o u v a tranfporté à B o r j a , o u
l'on
c o m p t e trois l i e u e s d e S a n - J a g o . C e p e n d a n t train d e d'eau , &
bois q j U
qui , p
c h a r g e , préfentait
n
tirait pas
e
i
a r
v
o
l
u
m
e
0
pi
s
de l'eau, ne p o u v i a
c
l ) S
de
l'ait
une
g r a n d e qu'au cou-?
p r e n d r e t o u t e la
tefiè d u c o u r a n t , & c e t t e v û e f l e m ê m e confidérable nent à mefure q
le
demi-pied
o r d i n a i r e d e fa.
à la réfiftance
furface fept o u h u i t f ; rant
e
un
U e
i
e
li
c
vî-
diminue du
fleuve
s'élargit v e r s Borja. D a n s l'efpace l e plus é t r o i t , .
Y iij
Pérou,
342
H I S T O I R E
G É N É R A L E
M . d e la C o n d a m i n e j u g e a qu'il faiïàit d e u x t o i Pérou.
f e s par
fécondes ,
par
vîteffes e x a c t e m e n t Le
canal
commence
du une
comparaifon
petite
f o r t e q u e d e z^o
creufé
natutellement i
demi-lieue
d e f i b u s d e la j o n c t i o n d e s
rétréciflant,
d e u x r i v i è r e s , il p a r vingt-cinq.
n'avait d o n n é d e l a r g e u r au
q u e v i n g t - c i n q vares E f p a g n o l e s , qu'environ
au-de(fous
t o i f e s , qu'il p e u t a v o i r au-
v i e n t à n'en a v o i r pas plus d e qu'alors o n
d'autres
mefurées.
Pongo ,
d e S a n - J a g o , & c o n t i n u e d'aller e n de
à
qui
Juf-
Pongo
ne
font
d i x d e n o s t o i f e s , & , fuivant
l'opi
n i o n c o m m u n e , o n pouvait p a l i e r , e n un quart d'heure,
d e S a n - J a g o à Borja. M a i s u n e
obfer-
v a t i o n a t t e n t i v e fit c o n n a î t r e à M . d e la C o n d a m i n e q u e , d a n s la plus é t r o i t e partie d u p a f t a g e , i l était à t r o i s l o n g u e u r s d e fou radeau d e c h a que
bord.
Il c o m p t a
57
m i n u t e s à fa m o n t r e »
d e p u i s l ' e n t r é e d u P o n g o jufqu'à B o r j a , & ,
mal
gré
deux
l'opinion r e ç u e ,
lieues de vingt
à peine
au d e g r é
trouva-t-il
(moins de 6000
toi
f e s ) d e San J a g o à B o r j a , au l i e u d e trois q u ' o n eft dans l'ufagc d'y c o m p t e r . D e u x o u t r o i s c h o c s d e s plus r u d e s qu'il n e p u t é v i t e r d a n s l e s t o u r s , l'auraient e f f r a y é , s'il n'eût Il j u g e a qu'un c a n o t fans r e l ï o u r c e . O n
lui
s'y
briferait
été
prévenu.
mille
m o n t r a le l i e u
dé
fois
où
&
périt
u n G o u v e r n e u r d e M a y n a s : m a i s l e s p i è c e s d'un
D E S radeau la
n'étant
flexibilité
l'effet
V O Y A G E S . point
enchevêtrées,
343 ni c l o u é e s , i
des lianes qui les a f l e m b l e n t , produit
d'un
reflort
qui
amortirait l e
coup.
Le
plus grand
danger
eft d'être e m p o r t é d a n s
un
tournant d'eau h o r s d u c o u r a n t . Il n'y avait pas u n an q u ' u n M i f f t o n n a i r e q u i e u t c e m a l h e u r , avait
paflé
deux
Jours
entiers
fans
& ferait m o r t d e f a i m , fi la c r u e f u b i t e d u n e l'eût r e m i s d a n s fil d e l'eau. O n n e e n canot que
dans les eaux
canot peut gouverner
y
provifions
bafles,
fleuve
defcend
lorfque
le
fans ê t r e t r o p maîtrjfé d u
couranr. L ' A c a d é m i c i e n fe crut d a n s u n n o u v e a u m o n d e à Borja. a> t o u t «douce
«Il
s'y
trouvait,
commerce humain , au m i l i e u
dit-il, fur
éloigné
une
mer
d'un l a b y r i n t h e d e l a c s ,
» rivières & d e c a n a u x , qui pénètrent d e
de
d'eâu de
toutes
» parts u n e i m m e n f e f o r ê t , q u ' e u x feuls r e n d e n t » » a c c e u i b l e . Il r e n c o n t r a i t d e n o u v e l l e s
plantes,
» d e n o u v e a u x animaux & d e n o u v e a u x h o m m e s . o> Ses y e u x , a c c o u t u m é s d e p u i s f e p t ans à v o i r d e s »? m o n t a g n e s f vaient
fe
e
perdre dans
lafTer d e faire
a> fans autre o b f t a c l e q
u e
les nues , ne le tour d e
pou
l'horizon
les c o l l i n e s d u P o n g o
t
qui
« a l l a i e n t b i e n t ô t ciifparaittre à fa v u e . A c e t t e f o u l e » d'objets v a r i é s , q u i diverfifient l e s c a m p a g n e s » cultivées des environs d e Q i u
t o
}
fijccédait
ici
» l'afpeCt l e p l u s u n i f o r m e . D e q u e l q u e c ô t é qu'il
Y
iv
Pérou.
344
GÉNÉRALE
H I S T O I R E
» fe t o u r n â t , il n ' a p p e r c e v a i t q u e d e l'eau & d e Pérou.
« la v e r d u r e .
O n f o u l e la t e t r e a u x p i e d s fans la
3 3 v o i r , e l l e eft fi c o u v e t t e d ' h e r b e s t o u f f u e s ,
de
33 plantes d e l i a n e s & d e b r o f f a i l l e s , qu'il faudrait a» un l o n g travail p o u r e n d é c o u v r i r l'efpace d'un 33 p i e d .
A u - d e i ï o u s d e B o r j a , & quarre à
cinq
33 c e n s l i e u e s plus l o i n , e n d e f c e n d a n t l e
fleuve,
33 u n e p i e r r e , u n fîmple c a i l l o u eft auffi rare q u ' u n » d i a m a n t . Les S a u v a g e s d e c e t t e r é g i o n n'en
ont
« p a s m ê m e l ' i d é e . C'eft u n f p e c l a c l e d i v e r t i t l a n t 33 q u e
l'admiration
» lorfqu'ils
en
de
ceux
rencontrent
» fois. Ils s ' e m p r e f f è n t «chargent comme
de
q u i v o n t à Borja , pour
la
première
l e s ramalïer.. l i s
s'en
d'une marchandife précieufe,
93 & n e c o m m e n c e n t à les m é p r i f e r q u e lorfqu'ils « les v o i e n t fi c o m m u n s . »> M . d e la C o n d a m i n e était a t t e n d u à B o t j a par l e P. M a g n i n , Millionnaire Jéfuite. Après avoir obfervé
la l a t i t u d e d e
quatte degrés
c e l i e u , qu'il t r o u v a
vingt-huit
minutes
de
d u Sud , il
p a t t i t l e 1 4 d e J u i l l e t , a v e c c e P e r e , p o u r la L a guna. L e
15 ,
chure
Mocona,
du
ils laifïerenr
au
Nord
qui defcend
l'embou
du volcan
de
S a n g a y , d o n t l e s c e n d r e s traverfant l e s P r o v i n c e s d e Macas & delà
de
de Quito, volent
Guayaquil.
Plus
c ô t é , ils r e n c o n t r è r e n t
loin
quelquefois &
du
les t r o i s b o u c h e s
au-
même de
la
r i v i è r e d e Paftaca , fi d é b o r d é e alors , qu'ils
ne
D E P A R T ; MÇNTALEb GÜYA.NE
J
D E S •purent
V O Y A G E S .
mefurer
cipale
la
vraie
largeur
345
d e fa
b o u c h e -, m a i s ils l ' e f t i m e r e n t d e
prin quatre
c e n s t o i f e s , & p r e f q u e auffi l a r g e q u e l e M a ragnon. Le
1 9 , ils a r r i v è r e n t à la L a g u n a , o ù M . d e
la C o n d a m i n e par
était
D o n Pedro
a t t e n d u d e p u i s iix i e m a i n e s
Maldonado ,
Gouverneur
la P r o v i n c e d ' E f m e r a l d a s , q u i s'était comme
lui
de
déterminé
à p r e n d r e la r o u t e d e la r i v i è r e
d e s A m a z o n e s p o u r repafler
en Europe , mais,
ayant fuivi l e f é c o n d d e s trois c h e m i n s q u i c o n duifent d e Quito à Jaën
i l était arçivé l e p r e
m i e r au r e n d e z - v o u s . L a L a g u n a eft u n e g r )lTe bourgade
d e plus d e m i l l e
habitans
raiîemblés
d e d i v e r f e s N a t i o n s . C'eft la p r i n c i p a l e d e t o u t e s l e s M i l l i o n s d e M a y n a s . E l l e eft iituée d a n s u n terrain fec & é l e v é ,
fituation
rare dans c e P a y s ,
& fur l e b o r d d'un g r a n d lac , c i n q l i e u e s a u deftus d e l ' e m b o u c h u r e
d u Guallaga , q u i a fa
f o u r c e , c o m m e le M a r a g n o n , dans les m o n t a g n e s à l'Eft
de
Lima.
Il partit d e l nado , dans
a
Laguna le 2} , a v e c M . M a l d o
deux
canots d e 42, à 4 4 p i e d s
de
l o n g , fur trois f e u l e m e n t d e l a r g e , & f o r m é s c h a c u n d'un fenl tronc d'arbre. L e s r a m e u r s y
font
placés d e p u i s la p r o u e j f q u e v e r s l e m i l i e u . L e u
V o y a g e r eft à la p o u p e , a v e c f o n é q u i p a g e , à l'abri d e la p l u i e , f o u s un t o i t l o n g , d ' u n tiflu
Pérou.
346
H I S T O I R E
G É N É R A L E
! d e feuilles d e palmiers entrelacés, q u e l e s A m é Pérou.
ricains c o m p o f e n t a v e c allez d ' a n . C'eft u n e efp c c e d e b e r c e a u i n t e r r o m p u & c o u p é au m i l i e u de
l'efpace , p o u r d o n n e r d u j o u r au c a n o t , &
p o u r e n faire l ' e n t r é e . U n t o i t v o l a n t , d e m ê m e m a t i è r e , & q u i g l i f l e fur l e toit fixe , fert à c o u v r i r c e t t e o u v e r t u r e , & rient lieu tout-à-la-fois > d e p o r t e & d e fenêtre. L a r é f o l u t i o n Voyageurs
d e s deux;
afTociés , était d e m a r c h e r
nuit
&
j o u r , p o u r a t t e i n d r e , s'il était p o f f i b l e , l e s b r i gantins e u grands c a n o t s , q u e les Millionnaires P o r t u g a i s d é p ê c h e n t t o u s l e s ans au P a r a , p o u r e n f a i r e v e n i r leurs p r o v i f i o n s . L e s A m é r i c a i n s r a maient
l e jour , & d e u x f e u l e m e n t faifaient
la
g a r d e p e n d a n t la nuit , l'un à la p r o u e , l'autre à
la p o u p e , p o u r
contenir
le canot
dans l e
fil d u c o u r a n t . L e 15 , il laiflà au N o r d qu'il
la r i v i è r e d u T i g r e ,
j u g e plus g r a n d e q u e l e
fleuve
d'Afie d u
m ê m e n o m , & l e m ê m e j o u r il s'arrêta, d u m ê m e côté , dans u n e n o u v e l l e Million d e S a u v a g e s , r é c e m m e n t fortis d e s b o i s , & n o m m é s Y a m é o s . L e u r ' L a n g u e efl: d ' u n e difficulté i n e x p r i m a b l e , &
leur
manière
d e p r o n o n c e r efl: e n c o r e
e x t r a o r d i n a i r e . Ils p a r l e n t e n
l e i n e , & n e f o n t former p r e f q u ' a u c u n e Une
partie d e
leurs
mots
plus
retirant l e u r h a voyelle.
ne pourraient
être
écrits , m ê m e i m p a r f a i t e m e n t , fans y e m p l o y e r
DES moins
de
V O Y A G E S .
n e u f o u dix
347
fyllabes , & c e s m o t s ,
p r o n o n c é s par e u x , f e m b l e n t n'en a v o i r q u e t r o i s o u q u a t r e . Poettarrarorincouroac Langue
le nombre d e
lignifie d a n s l e u r
trois. Ils n e f a v e n t p a s
compter au-delà d e c e nombre. C e s Peuples font d'ailleurs fort adroits à faire d e l o n g u e s f a r b a c a n e s , qui
font l e u r s a r m e s o r d i n a i r e s d e chalfe , a u x
quelles
ils ajuftent d e petites flèches d e b o i s d e
p a l m i e r , g a r n i e s , au l i e u d e p l u m e s , d'un p e t i t bourlet vide
d e c o t o n , qui remplie
exactement
d u t u y a u . Ils l e s l a n c e n t d u
feul
le
fouffle,
à t r e n t e & q u a r a n t e pas , & r a r e m e n t ils m a n q u e n t leur
c o u p . U n i n f t r u m e n r li l i m p l e f u p -
p l é e a v a n t a g e u f e m e n t , dans t o u t e c e t t e c o n t r é e ; au défaut d e s armes à feu. La pointe d e ces p e tites
flèches
eft t r e m p é e d a n s u n p o i f o n fi actif,'
q u e lotfqu'il
eft r é c e n t , il t u e e n m o i n s
m i n u t e , l'animal à q u i la
flèche
d'une
a tiré d u f a n g ,
& fans d a n g e r p o u r c e u x q u i e n m a n g e n t la c h a i r , parce
qu'il n'agit p o i n t , s'il n'eft m ê l é d i r e c t e
ment
avec l
f
e
a n
g m ê m e . Souvent en mangeant
du gibier tué d e ces
flèches,
l ' A c a d é m i c i e n ren-;
c o n t r a i t la p o i n t e d u trait fous la d e n t . L e c o n t r e poifon
pour
les h o m m e s
eft le fel , & p l
U s
fû
c e m
qui e n font bleflés ,
e n t l e f u c r e pris i n t é
rieurement. L e î.6 , MM. d e la C o n d a m i n e & M a l d o n a d o rencontrèrent,
du c ô t é du Sud ,
l'embouchure
Peroni,
348/
H I S T O I R E
G É N É R A L E
d e r U c a y a l e , u n e d e s plus g r a n d e s r i v i è r e s q u î Pérou.
groffiflenr
le
Maragnon.
M. de
la C o n d a m i n e
d o u r e m ê m e l a q u e l l e d e s d e u x eft l e t r o n c p r i n cipal , n o n - f e u l e m e n t
p a r c e qu'à l e u r
rencontre
m u t u e l l e , l ' U c a y a l e fe d é t o u r n e m o i n s , eft
plus
l a r g e q u e le f l e u v e d o n t il p r e n d l e n o m , m a i s encore
parce qu'il tire fes f o u r c e s d e plus l o i n ,
& qu'il r e ç o i t l u i - m ê m e plufieurs g r a n d e s r i v i è r e s . L a queftion n e peut être
entièrement décidée ,
q u e lorfqu'il fera m i e u x c o n n u . M a i s les M i l l i o n s établies fur fes
bords , furent abandonnées
en
1 6 9 5 , après l e f o u l é v e m e n t d e s C u n i v o s & d e s P i r o s , q u i m a l l a c r e r e n t leurs M i l l i o n n a i r e s . A u delfous croît
de
l ' U c a y a l e , la l a r g e u r d u
fenfibleraent
,
& le n o m b r e
Maragnon
d e fes
Mes
augmente. Le
17
,
les d e u x
la M i l l i o n d e
Voyageurs abordèrent
à
Saint-Joachim , c o m p o f é e de p l u
fieurs N a t i o n s , fur-tout d e c e l l e d e s O m a g u a s > autrefois bords
du
puiflante , q u i p e u p l a i t l e s
Ifles & l e s
f l e u v e , d a n s l'efpace d ' e n v i r o n
deux
c e n s l i e u e s au-defïous d e l ' e m b o u c h u r e d u N a p o . O n les c r o i t d e f c e n d u s du n o u v e a u R o y a u m e d e Grenade ,
par
prennent leur des
Efpagnols
conquête. même,
quelqu'une fource , pour
des
rivières
fuir la
dans l e s p r e m i e r s
qui
y
domination
temps
de
la
U n e a u t t e N a : i o n , q u i fe n o m m e
de
& q u i h a b i t e v e r s la f o u r c e d ' u n e
de ces
D E S
V O Y A G E S .
349
r i v i è r e s , l'ufage d e s v ê t e m e n s établi c h e z les f e u l s O .naguas parmi t o u s les p e i p l e s q u i p e u p l e n t les b o r d s d e l ' A m a z o n e , q u e l q u e s v e r t i g e s d e la c é rémonie du baptême , & q u e l q u e s traditions défi g u r é e s , confirment
la c o n j e c t u r e
d e leur tranf-
m i g r a t i o n . Ils a v a i e n t été c o n v e r t i s t o u s à la F o i c h r é t i e n n e v e r s la fin d u d e r n i e r liécle , & l ' o n c o m p t a i t alors marqués mais ,
dans leur
pays > t r e n t e
villages
d e l e u r n o m , fur la carte d u P. Fritz -,
effrayés
brigands
du
par les
Para , q u i
incuriîons
de
quelques
venaient
les
enlever ,
p o u r les faire e f c l a v e s , ils fe font difperfés d a n s l e s b o i s & dans les M i l l i o n s E f p a g n o l e s & P o r tugaifes. Leur n o m d ' O m a g u a s , c o m m e celui d e C a m b e r a s , q u e les P o r t u g a i s d u Para leur
don
n e n t e n L a n g u e Rrafilienne , lignifie rête plate. Et» effet, ils o n t le b i z a r r e u f a g e d e prefler e n t r e d e u x p l a n c h e s le crâne d e s enfans qui v i e n n e n t d e n a î t r e , 8c d e leur' applatir l e f r o n r , p o u r l e u r p r o c u r e r cette étrange ient-ils ,
à j
figure, pi i„
a
e
a u c u n rapport Bréfil q u ' o n
q u i les fait r e f f e m b l e r , die
à celle p
a r
i
Lune.
Leur
L a n g u e n'a
d u P é r o u , ni à c e l l e d u
, l ' u n e a u - d e i T u s , l'autre
e
deflous de leur p y a
S
au-
, l e l o n g d e la r i v i è r e d e s
A m a z o n e s . C e s P e u p l e s font un g r a n d u f a g e d e d e u x fortes d e
p l a n t e s , l'une q u e l e s Efpagnels
n o m m e n t F l o r i p o n d i o , d o n t la fleur a la d'une
cloche renverfée , &
qui
a
été
figure décrite
Pérou,
350
H I S T O I R E
G É N É R A L E
! ci-deffus ; l'autre q u i fe n o m m e e n l a n g u e d u pays» Pérou.
Curupa , toutes deux purgatives. Elles leur p r o curent u n e i v r e l ï e de vingt-quatre h e u r e s , pendant l a q u e l l e o n p r é t e n d qu'ils o n t d ' é t r a n g e s v i f i o n s . La
curupa fe prend
en poudre , c o m m e
p r e n o n s l e t a b a c , m a i s a v e c plus d ' a p p a r e i l . Omaguas miné
nous Les
fe f e r v e n t d'un t u y a u d e r o f e a u , t e r
e n f o u r c h e , & d e la figure d'un y g r e c j
d o n t ils i n f è r e n t c h a q u e
branche dans u n e d e s
narines. C e t t e opération , fuivie d'une v i o l e n t e , l e u r fait faire d i v e r f e s
afpiration
grimaces. L e s
P o r t u g a i s d u Para o n t a p p r i s d ' e u x à faire d i v e r s uftenfiles d ' u n e réfine fort
élaftique ,
fur l e s b o t d s d u M a r a g n o n , & forte d e
commune
qui reçoir t o u t e
f o r m e s d a n s fa f r a î c h e u r , entr a u t r e s ,
c e l l e d e p o m p e s o u d e f e r i n g u e s , q u i n'ont pas b e f o i n d e pifton. L e u r f o r m e eft c e l l e d ' u n e p o i r e creufe , l'on
p e r c é e d'un p e t i t trou à la p o i n t e ,
où
a d a p t e u n e c a n n u l e . O n les r e m p l i t d'eau 3
& , p r e l f é e s , l o r f q u ' e l l e s fonr p l e i n e s , e l l e s f o n t l'effet
des feringues ordinaires. C e
meuble
eft
fort e n h o n n e u r c h e z l e s O m a g u a s . D a n s t o u t e s l e u r s a f f e m b l é e s , l e m a î t r e d e la m a i f o n n e m a n q u e p o i n t d'en p r é f e n t e r u n à c h a c u n d e s allîftans , 8c f o n
u f a g e p r é c è d e t o u j o u r s , l e s repas d e cé-'
rémonie. E n partant d e réglèrent
Saint- J o a c h i m , les V o y a g e u t s
leur marche pour arriver à l ' e m b o u -
D E S
V O Y A G E S .
351
t n u r e d u N a p o , la n u i t d u t r o i s d ' A o û t , d a n s l e d e f i e i n d'y
obferver une
émerfion du
Pérou.
premier
S a t e i l i t e d e J u p i r e r . M . d e la C o n d a m i n e n ' a v a i t , d e p u i s f o n d é p a r t , a u c u n p o i n t d é t e r m i n é e n Ion» grtude ,
p o u r c o r r i g e r fes d i f t a n c e s e f t i m é e s
de
l'Elt à l ' O u e d . D ' a i l l e u r s l e s V o y a g e s d ' O r e l l a n a , d e T e x e i r a & du P. d'Acugna , qui ont rendu l e N a p o c é l è b r e , & la p r é t e n t i o n d e s P o r t u g a i s fur le domaine des bords de l'Amazone, depuis fon embouchure
jufqu'au N a p o , r e n d a i e n t c e p o i n t
i m p o r t a n t à fixer. L ' o b f e r v a t ï o n fe
fit
heureufe-
i n e n t , malgré les obftacles , a v e c u n e lunette d e 18
p i e d s , q u i n'avait pas c o û t é p e u d e
transporter micien
d a n s u n e fi l o n g u e
ayant d'abord
dienne
peine
à
route. L'Acadé-;
obfervé
la h a u t e u r m é r i
d u S o l e i l , d a n s u n e Ifle v i s - à - v i s d e la
g r a n d e e m b o u c h u r e d u N a p o , t r o u v a trois d e g r é s v i n g t - q u a t r e m i n u t e s d e l a t i t u d e auftrale. Il j u g e a la largeur t o t a l e d u M a r a g n o n , d e 9 0 0 t o i f e s a u deflbus de
l'Ifle ,
n'en ayanr p u m e f u r e r q u ' u n
bras
géométriquement ,
¿00
toifes a u - d e l l u s d e s
&
Napo
de
Ifles q u i p a r t a g e n t
celle
du
fes
b o u c h e s . L ' é m e r f i o n d u p r e m i e r S a t e l l i t e fut o b f e r v é e a v e c l e m ê m e f u c c è s , & la l o n g i t u d e d e c e poinr d é t e r m i n é e . Le
lendemain , premier
« m i t fur le
fleuve
jour d ' A o û t ,
, jufqu'à p
e
v
a
s
;
0
u
on fe
f n 0
prit
terre à dix ou d o u z e lieues d e l'embouchure du
t
352
H I S T O I R E
G É N É R A L E
N a p o . C'eft la d e r n i è r e d e s M i l l i o n s E f p a g n o l e s Pérou.
fur l e M a r a g n o n . Elles s'étendaient à plus d e 2 0 0 l i e u e s au-delà ; niais , e n 1 7 1 0 , l e s P o r t u g a i s fe f o n t m i s e n poffeffion d e la plus g r a n d e partie de cette
contrée.
Les Narions
(auvages ,
voilînes
d e s b o r d s d u N a p o , n'ayant jamais été fubjuguées par l e s E f p a g n o K , q u e l q u e s - u n e s ont maiTacré, e n d i v e r s t e m p s , l e s Gouverneurs & l e s M i l l i o n naires q u i a v a i e n t t e n t é d e l e s r é d u i r e . L e n o m d e P é v a s eft tout-à-la-fois c e l u i d ' u n e b o u r g a d e & d ' u n e N a t i o n , q u i fait partie d e fes babitans. M a i s o n y a r a f l e m b l é diftérens P e u p l e s , d o n t c h a c u n p a r l e u n e l a n g u e d i f f é r e n t e , c e q u i eft a l l e z o r d i n a i r e d a n s t o u t e s c e s C o l o n i e s , ou quelquefois la m ê m e l a n g u e n'eft e n t e n d u e q u e d e d e u x
ou
t r o i s f a m i l l e s , refte m i f é r a b l e d'un P e u p l e d é t r u i t &
dévote
par u n a u t r e . Il n'y a p o i n t a u j o u r
d'hui d ' a n t h r o p o p h a g e s fur l e s b o r d s d u M a r a g n o n ) m a i s il e n refte e n c o r e d a n s l e s t e r r e s , fur-tout vers
le N o r d ,
allure
qu'en
encore
& M . de
remontant
la
Condamine nous
l'Yupara ,
on
trouve
d e s A m é r i c a i n s qui m a n g e n t leurs p r i -
fonniers. E n t r e l e s b i z a r r e s ufages de
ces Nations
dans
leurs f e f t i n s , l e u t s d a n f e s , leurs i n f t r u m e n s , leurs a r m e s , l e u r s uftenfiles d e c h a l l e & d e p ê c h e , leurs o r n e m e n s r i d i c u l e s d'os d ' a n i m a u x & d e p o i l î o n s , paflés dans leurs narines & leurs lèvres, l e u r s
joues
D E S
V O Y A G E S ,
353
j o u e s c r i b l é e s d e t r o u s , q u i f e r v e n t d'étui à d e s p l u m e s d'oifeaux d e t o u t e s Couleuts , o n eft p a r t i c u l i è r e m e n t furpris d a n s q u e l q u e s - u n s , d e la nionftrueufe extenfion d u l o b e d e l'extrémité i n f é r i e u r e d e l e u r s o r e i l l e s , fans q u e l'épaiiTeur e n paraiflè
diminuée.
On
voit
d e ces bouts d'o
r e i l l e s , l o n g s d e q u a t r e à cinq p o u c e s , p e r c é s d ' u n trou d e dix-fept à dix-huit lignes d e diamètte,& c e f p e c l a c i e eft c o m m u n . T o u t l'art confifte à i n férer d'abord d a n s l e r r o u , u n p e t i t c y l i n d r e d e b o i s , a u q u e l o n e n fubftitue u n plus g r o s , à m e fure q u e l ' o u v e r t u r e
s'agrandit , jufqu'à c e q u e
l e b o u t d e l ' o r e i l l e p e n d e fur l'épaule. La g r a n d e parure d e c e s A m é r i c a i n s , efl d e remplir l e t r o u d'un g r o s b o u q u e t , o u d ' u n e touffe d'herbes & de
fleurs , q u i l e u r fert d e p e n d a n t
d'oteille.
O n c o m p t e fix o u fept j o u r n é e s d e P é v a s , d e r n i e t e d e s M i l l i o n s E f p a g n o l e s , jufqu'à S a i n t - P a u ^ première des Millions Portugaifes. Dans cet i n tervalle , les bords
du
fleuve
habitation. Là c o m m e n c e n t ciennement du feul
fleuve
n'offrent
aucune
d e g r a n d e s Ifles a n
h a b i t é e s par l e s O m a g u a s , & l e l i t
s'y élargie fi c o n s i d é r a b l e m e n t , q u ' u n
d e f e s bras a q u e l q u e f o i s h u i t à n e u f c e n s
toifes. Cette grande étendue donnant
beaucoup
d e prife au v e n t , il y e x c i t e d e vraies t e m p ê t e s , q u i o n t fou v e n t f u b m e r g é d e s c a n o t s . L e s d e u x V o y a g e u r s e n efluyerent u n e contre laquelle ils
Tome XII
Z
Pérou.
354
H I S T O I R E
G É N É R A L E
n e t r o u v è r e n t d'abri q u e d a n s l ' e m b o u c h u r e d ' i l * Pérou.
petit
ruiffeau. C'eft
l e feul
port
en
pareil Cas»
Auffi s ' é i o i g n e - t - o n r a r e m e n t d e s b o r d s d u Il Un
eft d a n g e r e u x
auili
de
s'en t r o p
fleuve»
approcher.!
d e s plus g r a n d s périls d e c e t t e n a v i g a t i o n ,
eft la r e n c o n t r e d e s t r o n c s d'arbres d é r a c i n é s , q u i demeurenr engravés
d a n s l e fable o u l e l i m o n
3
p r o c h e d u r i v a g e , & c a c h é s f o u s l'eau. E n f u i vaut d e rrop près l e s b o r d s , o n eft menacéaulTï de
chute
la
f u b i t e d e q u e l q u ' a r b r e , o u par ca-;
d u c h é , o u parce q u e l e terrain q u i le s'abîme
tout
d'un
c o u p , après
foutenait,
a v o i r été l o n g
t e m p s m i n é par les e a u x . Q u a n t à c e u x q u i f o n t e n t r a î n é s au couranr , c o m m e o n l e s a p p e r ç o i t d e l o i n , i l eft aifé d e s'en garantir. Q u o i q u ' i l n'y ait à p r é f e n t , fur l e s b o r d s dm M a r a g n o n , aucune Nation e n n e m i e des Européens, i l fe r r o u v e e n c o r e d e s l i e u x , o ù il ferait d a n gereux
de
pafTer la
nuit à t e r r e .
Le
fils
d'un
Gouverneur Efpagnol , c o n n u à Quito de M .
de
la C o n d a m i n e ,
la
ayant e n t r e p r i s d e d e f c e n d r e
r i v i è r e , fut furpris & mafïacré par d e s f a u v a g e s de
l'intérieur
des t e r r e s , qui
le
rencontrèrent,
fur la r i v e , o ù ils n e v i e n n e n t qu'à la d é r o b é e . Le deux
Millionnaire V o y a g e u r s un
de
Saint-Paul
nouveau
canot
fournit équipé
au* de
q u a t o r z e r a m e u r s , a v e c u n patron p o u r les c o m mander , &
un
guide
P o r t u g a i s dans un autre,
DES ^etit
V O Y A G E S .
355
canot. A u - l i e u d e maifons
& d'Eglifes d e
r o l e a u x , On c o m m e n c e à v o i r ,
d a n s c e t t e Mif-
fioti
, des Chapelles
çonnerie
de
terre
& d e s prefbyreres d e m a &
de brique , &
des m u
railles p r o p r e m e n t b l a n c h i e s . Il parut e n c o r e p l u s f u r p r e n a n t à M . d e la G o n d a m i n e , d e r e m a r * q u e r , au m i l i e u d e c e s défères , d e s c h ê n a i e s d e t o i l e d e B r e t a g n e à t o u t e s l e s f e m m e s , d e s coffres a v e c d e s ferrures
&
d e s c l e f s d e fer d a n s l e u r
m é n a g e , & d'y t r o u v e r d e s a i g u i l l e s , d e s p e t i t s miroirs, des couteaux, des cifeaux,des Se d i v e r s
peignes,
autres perits m e u b l e s d ' E u r o p e , q u e
l e s A m é r i c a i n s fe p r o c u r e n t t o u s l e s ans au P a r a , d a n s l e s v o y a g e s qu'ils y f o n t p o u r y p o r t e r l e c a c a o , qu'ils r e c u e i l l e n t fans c u l t u r e , fur l e b o r d du
fleuve.
C e c o m m e r c e l e u r d o n n e u n air d ' a i -
f a n c e , q u i fait d i f f i n g u e r au p r e m i e r c o u p - d ' œ i l les
Millions Portugaifes des Millions
CaffilLines
d u haut M a r a g n o n , dans l e f q u e l l e s t o u t fe r e l i e n t d e 1 impolTibilité o ù 1 e l o i g n e m è n t l e s m e t d e fe f o u r n i r d e s c o m m o d i t é s d e la v i e . E l l e s t i r e n t tout d e Q u i t o , o u à peine e n v o i e n t - e l l e s
une
fois
l'année , parce q u ' e l l e s e n font plus féparées p a r la C o r d e l i è r e , qu'elles n e
l e feraient par u n e
mer d e mille lieues. L e s canots gais , font modes
d e s A m é r i c a i n s fournis a u x P o r t u
beaucoup
plus
grands
& plus
com
q u e ceux des Américains Efpagnols. L e Z
ij
Péjpu.
356
H I S T O I R E
G É N É R A L E
t r o n c d'arbre , q u i fait t o u t Pérou,
le
corps des d e r
n i e r s , n e fait d a n s les autres q u e la c a r e n e . II eif, f e n d u p r e m i è r e m e n t , & creufé
a v e c l e fer. O n
l ' o u v r e e n f u i t e pat l e m o y e n d u feu , p o u r a u g m e n t e r fa l a r g e u r ; m a i s c o m m e l e c r e u x d i m i n u e d'autant , o n
l u i d o n n e p l u s d e h a u t e u r par l e s
b c r d a g e s qu'on
y a j o u t e , & q u ' o n l i e par d e s
c o u r b e s au c o r p s d u b â t i m e n t . L e g o u v e r n a i l placé
d e m a n i è r e q u e fon jeu n'embarraffe
la c a b a n e q u i e l t m é n a g é e
elt
point
à la p o u p e . O n l e s
h o n o r e du n o m d e brigantins. Quelques-uns ont f o i x a n t e p i e d s d e l o n g , fur f e p t d e l a r g e & t r o i s Se d e m i d e p r o f o n d e u r , & p o r t e n t jufqu'à q u a r a n t e r a m e u r s . La plupart o n t d e u x m â t s , & v o n t à
la v o i l e , c e q u i e l t
d'une grande
commodité
p o u r r e m o n t e r l e f l e u v e à la f a v e u r d u v e n t d ' E u S qui y régne depuis le mois d'Octobre , jufques vers le mois d e Mai. Entre Saint-Paul & C o a r i , on rencontre plufieurs
belles
dans celle pour ne
rivières ,
qui
des A m a z o n e s ,
viennent
p o u v o i r être r e m o n t é e s
bouchure, que
fe
perdre
toutes allez de
grandes leur
par u n e n a v i g a t i o n d e
em
plufieurs
m o i s . D i v e t s A m é r i c a i n s r a p p o r t e n t qu'ils o n t v u fur c e l l e d e C o a r i , dans l e h a u t d e s t e r r e s , u n pays découvert, des mouches à m i e l , & tité $ux,
d e bêtes
à corne ;
& dont on peut
objets
nouveaux
conclure que les
quan pour fources
D E S
V O Y A G E S .
357
tfe c e t t e r i v i è r e arrofent d e s p a y s fort différens d u l e u r , voilîns
fans d o u t e d e s C o l o n i e s
Éfpa-
g n o l e s d u haut P é r o u , o ù l ' o n fait q u e l e s b e f t i a u x f e font fort m u l t i p l i é e s . L ' A m a z o n e ,
dans
c e t i n t e r v a l l e , r e ç o i t auffi , d u c ô t é d u N o r d ' d'autres g r a n d e s r i v i è r e s . 'C'eft d a n s c e s q u a r t i e r s qu'était fîtué u n V i l l a g e
Américain , o ù T e x e i r a
remontant le fleuve e n 1 6 3 7 , reçut e n t r o c , d e s anciens h a b i t a n s , q u e l q u e s bijoux d'un or qui fut effayé à Q u i t o & j u g é d e 2 3 carats. Il e n d o n n a l e n o m d e Village d'or à c e l i e u , & d a n s r e t o u r , l e 2.6 d ' A o û t i6$p, Se e n p t i t poffeiTion tugal,
for»
il y planta u n e b o r n e
p o u r la C o u r o n n e d e P o r
par u n a c t e q u i fe c o n f e r v e dans l e s a r
c h i v e s d u P a r a , o ù M . d e la C o n d a m i n e l'a v u ; C e t a c t e , figné d e t o u s l e s Officiers d u d é t a c h e m e n t , p o r t e q u e c e fut f u t u n e terra h a u t e , v i s à - v i s d e s b o u ê h e s d e la r i v i è r e d ' o r . L e P . d ' A e u g n a & l e P . Fritz c o n f i r m e n t la réalité d e s r i chefïes d u pays & d u c o m m e r c e d e l'or q u i s'y faifait
entre
les Américains , f u r - t o u t
avec
la
nation d e s Manaves o u Manaous qui venaient à la rive S e p t e n t r i o n a l e d e l ' A m a z o n e , Se t o u s c e s l i e u x font placés f dant
le
fleuve,
Village d'or,
Ur
le l
j a c
attelles
a c
a
r
t
d u P . Fritz. C e p e n
e
, fo m i n e , la b o r n e & l e p
a
r
J
a
dépofition
d e tant
d e t é m o i n s , t o u t a d i f p a r u , & f u t les l i e u x m ê m e s , on en a p e r d u jufqu'à l a m é m o i r e . Z iij
Pérou.
358
HISTOIRE
GÉNÉRALE
D a n s le cours d e fa n a v i g a t i o n , il n'avait Pcrou.
celle d e demander aux Américains des N a r i o n s , s'ils a v a i e n t ces
femmes
quelque
belliqueufes
dont
pai
diverfeî
connarfîànce le
fleuve
de
a tiré
f o n n o m parmi l e s E u r o p é e n s , & s'il était v r a i , c o m m e le P . d ' A c u g n a le r a p p o r t e a v e c c o n f i a n c e qu'elles v é c u r e n t
éloignées
des
hommes ,
l e f q u e l s il n e leur a t t r i b u e d e c o m m e r c e f o i s l'année.
L'Académicien
t r a d i t i o n efl u n i v e r f e l l e m e n t
obferve
avec
qu'une
que
cette
répandue chez tou
tes les N a t i o n s qui habitent les bords d e l'Ama z o n e , d a n s l'intérieur d e s terres & fur les c ô r e s d e l'Océan
jufqu'à C a y e n r . e , d a n s u n e é t e n d u e
d o u z e à quinze cens
lieues
d e pays-, q u e
de plu
sieurs d e c e s N a t i o n s n'ont p o i n t e u d e c o m m u n i c a t i o n l e s u n e s a v e c l e s autres-, q u e t o u t e s s'ac cordent à indiquer le m ê m e c a n t o n , pour le lieu d e la r e t r a i t e d e s A m n z o n e s ; q u e l e s
différens
n o m s , par l e f q u e l s ils l e s d é f i g n e n t d a n s l e s dif férentes l a n g u e s ,
femmes
fignifient
excellentes;
qu'il
femmes fans
mari,
était q u e f l i o n
d'Ama
z o n e s d a n s c e s c o n t r é e s , avant q u e les E f p a g n o i s y e u î l è n t p é n é t r é , c e qu'il p r o u v e par la c r a i n t e q u ' u n C a c i q u e infpira d'elles e n 1 5 4 0 , lana , l e p r e m i e r fleuve.
Européen qui
U c i t e les a n c i e n s
à
Orel-
ait d e f c e n d u
Hiflotiens
&
ce
Voya
g e u r s d e d i v e r f e s N a t i o n s , a n t é t i e u r s au P . d ' A c u g n a , q u i difait, c o m m e o n l'a v u , e n 1641,
que
D E S
V O Y A G E S .
î e s preuves en faveur d e l'exiftence
359 des A m a - C
zones fur le b o r d d e cette riviete étaient telles q u e ce ferait m a n q u e r a la foi h u m a i n e q u e d e les rejetter. Il r a p p o r t e des t é m o i g n a g e s plus ré cens , auxquels il joint ceux q u e lui & D o n P e d r o M s l d o n a d o fon c o m p a g n o n d e v o y a g e , o n t recueillis dans le cours d e leur navigation. Il ajoute q u e fi jamais il a p u exifter une fociétê d e femmes i n d é p e n d a n t e s , & fans un c o m m e r c e habituel avec les h o m m e s , cela eft fur-tout fible
pof-
p a r m i îes N a t i o n s fauvages d e l'Amérique >
o ù les maris réduilent leurs femmes à la c o n d i tion d'efclaves & de bêtes d e fomme. Enfin
il
parait perfuadé, par la variété des t é m o i g n a g e s n o n concertés qu'il y a eu des A m a z o n e s A m é r i c a i n e s ; mais- il y a t o u t e a p p a r e n c e , d i t - i l » , qu'elles n'exiftent plus. I l partit d e C o a r i le \o d ' A o û t , a v e c u n nou-^ veau canot & d e nouveaux guides. La langue d u P é r o u , qui était familière à M . M a l d o n a d o , &C d o n t l'Académicien avait aufli q u e l q u e t e i n t u r e , leur avait fervi à fe faire e n t e n d r e dans toutes les unifions E f p a g l e s o ù l'on s'elt eftorcé d ' e n no
faire
une
langue générale. A S a i n t - P a u l , ils
avaient eu des interprètes Portugais q u i parlaient îa langue du Bréfil,
i n t r o d u i t e auffi
dans
les
Miffions Portugaifes. Mais n'en ayant point t r o u v é à - C o a r i , où. t o u t e leur diligence n e put les fairç.
Z iv
Pérou,»
360
rerou.
H I S T O I R E
G É N É R A L E
a r r i v e r , avant le d é p a r t d u g r a n d c a n o t d u
Mil
l i o n n a i r e p o u r l e P a r a , ils f e v i r e n t p a r m i
des
h o m m e s a v e c I e f q u e l s ils n e p o u v a i e n t c o n v e r f e r q u e par l i g n e s , o ù à l'aide d'un c o u r t v o c a b u l a i r e que
M . d e la C o n d a m i n e
avait
fait
de
divers
quelfions dans leur l a n g u e , mais qui m a l h e u r e u s e m e n t n e c o n t e n a i r pas l e s r é p o n f e s . C e s
Peu
p l e s c o n n a i f l e n t plufieurs é t o i l e s fixes, & d o n n e n t d e s n o m s d'animaux à diverfes conltellations. Ils a p p e l l e n t l e s h y a d e s , o u la t ê t e d u taureau d ' u n n o m q u i lignifie a u j o u r d ' h u i d a n s l e P a y s ,
mâ
c h o i r e d e b œ u f , p a r c e q u e > d e p u i s q u ' o n a tranfporté
des
bœufs
en A m é r i q u e ,
l e s Brafiliens j
c o m m e l e s naturels d u P é r o u , o n t a p p l i q u é à c e s a n i m a u x l e n o m qu'ils d o n n a i e n t d a n s l e u r l a n g u e m a t e r n e l l e à l ' E l a n , l e plus g r a n d d e s q u a d r u p è d e s qu'ils c o n n u l T e n t ,
avant
l'arrivée
des
Européens. Le
f é c o n d j o u r , après a v o i r q u i t é
Coari,
on
laifla d u c ô t é d u N o r d u n e e m b o u c h u r e d e l ' Y u p u r a , à cent fuivant,
l i e u e s d e la p r e m i è r e ; &
le jour
on rencontra du côté du Sud les
bou
Purus
c h e s d e la r i v i è r e n o m m é e a u j o u r d ' h u i
t
m a i s a n c i e n n e m e n t Cuchivara d u n o m d'un
Vil
lage
plus
voilin.
grandes
de
Elle
n'efi: pas
c
inférieure
c e l l e s q u i groflilTent l e
aux
Maragnon,
Sept ou huit lieues a u - d e f l o u s , M . de damine
voyant
le fleuve
fans
la s
Con e
Mes & h S
de
DES nulle qui
à ne
VOYAGES. douze
lui
cens
fit
toifes
,
pas t r o u v e r
361
y
jetta
la
fonde,
fond
à
cent
trois
brades. R i o - n é g r o o u la enrra l e 2 3 , douce que
eft,
rivière-noire dit-il, une
dans laquelle il autre m e r
d'eau
l'Amazone reçoit du côté du
Nord.
M a l g r é la C a r t e d u P . Fritz & c e l l e d e
Delifle,
q u i f o n t c o u r i r c e t t e r i v i è r e d u N o r d au
Sud,
il érablit fur l e t é m o i g n a g e d e fes p r o p r e s y e u x , qu'elle vient d e l ' O u e f t , & qu'elle court à l'Efl, e n inclinant un p e u vers le S u d , du m o i n s dans l'efpace d e plufieurs l i e u e s a u - d e i ï u s d e fon
em
b o u c h u r e d a n s l ' A m a z o n e , o ù e l l e e n t t e fi p a r a l l è l e m e n t q u e , fans la t r a n f p a r e n c e d e fes q u i l'ont fait n o m m e r drait p o u r
Riviere-Noire,
un bras d e c e
fleuve
eaux
o n la p r e n
féparé par
une
Ifle. Il la r e m o n t a d e u x l i e u e s jufqu'au fort q u e l e s P o r t u g a i s y o n t bâti fur l e b o r d S e p t e n t r i o n a l , à l ' e n d r o i t l e m o i n s l a r g e , qu'il t r o u v a
de
d o u z e c e n s t r o i s t o i f e s , & d o n t la l a t i t u d e q u ' i l n e m a n q u a p o i n t d ' o b f e r v e r , eft d e 3 d e g r é s
9
m i n u t e s S u d . C'efl l e p r e m i e r E t a b l i f l e m e n t P o r tugais q u ' o n t r o u v e au N o r d e n d e f c e n d a n t
l'A
mazone.
plus
d'un
Sa r i v i è r e
fiécle,
eft
fréquentée
depuis
par cette N a t i o n q u i y fait u n g t a n d
c o m m e r c e d'efclaves. U n d é t a c h e m e n t d e la g a r nifon du Para,
campé continuellement
b o r d s , tient e n refpecl i
e s
fur
fes
N a t i o n s qui les h a -
Pctou.
362
H I S T O I R E
G E N E R A L E
b i t e n t , p o u r favorifer le c o m m e r c e d e s F u ou.
efclavejjj
d a n s les b o r n e s prefcrites par l e s l o i x d u
Porru-
g a l , & c h a q u e a n n é e c e c a m p volanr à q u i l'or* d o n n e le n o m d e t r o u p e d u r a c h a t , p é n è t r e p l u s a v a n t dans l e s terres. T o u r c la partie d é c o u v e r r e d e R i o - n é g r o , eft
peuplée de
Millions
Portu-
g a i l e s , g o u v e r n é e s par d e s C a r m e s . E n r e m o n t a n t q u i n z e j o u r s o u t r o i s f e m a i n e s d a n s c e t t e rivière-, o n la t r o u v e e n c o r e plus l a r g e qu'à fon e m b o u chure ,
parce
d'Ifles &
q u ' e l l e f o r m e un
grand
nombre
d e lacs. L e t e r r a i n , dans t o u t c e t
p a c e , eft é l e v é fur fes b o r d s ; les b o i s y m o i n s f o u r r é s , & l e pays eft t o u t différent
effont des
bords de l'Amazone. M . d e la C o n d a m i n e t r o u v a au F o r t d e R i o n é g r o d e s p r e u v e s d e la c o m m u n i c a t i o n d e rénoque avec
cette rivière , &
a v e c l ' A m a z o n e , fur l e f q u e l l e s
par
l'O-
conféquent
il f e c r o i t
dif-
p e n f é d e s ' é t e n d r e d e p u i s la c o n f i r m a t i o n d e c e fait e n 1 7 4 4 . , par u n v o y a g e fur l e q u e l
il n e
p u t refter aucun d o u t e . C'eft dans la g r a n d e I f l e f o r m é e par l ' A m a z o n e & l ' O r é n o q u e , a u x q u e l l e s R i o - n é g r o fert de
l i e n qu'on a l o n g - t e m p s cher
c h é le lac d o r é d e P a r i m é & la V i l l e d e M a n o a o u El D o r a d o . M. d e la C o n d a m i n e t r o u v e la f o u r c e d e c e t t e e r r e u r , fi c'en reflemblance
de
nom
eft u n e , dans qui
a
fait
quelque
transformer
e n V i l l e d o n t les m u r s étaient c o u v e r t s d e pla-»
D E S
363
V O Y A G E S .
q t i e s d ' o r , le Village des Manaous > cette m ê m e N a t i o n d o n t on a parlé. L'hiftoire des découver tes du nouveau M o n d e fournit plus d'un e x e m p l e d e ces métamorphofes. Mais la p r é o c c u p a t i o n , obferve
l'Académicien , était
encore
fi
forte
e n 1 7 4 0 , qu'un V o y a g e u r n o m m é Nicolas Hortfm a n , natif d e H i l d e s h e i m , efpérant découvrir le lac d o r é & la Ville aux toits d ' o r , r e m o n t a
la
r i v i è r e d ' E l î e q u e b é , donr l ' e m b o u c h u r e eft dans l'Océan,
e n t r e la rivière d e Surinam & l ' O r é -
n o q u e . Après avoir traverfé des lacs & d e vaftes c a m p a g n e s , traînant ou portant
fon canot avec
d e s peines i n c r o y a b l e s , & fans avoir rien r r o u v é qui
r e f k m b l â t à ce qu'il c h e r c h a i t , il parvint
au b o r d d'une rivière q u i coule au S u d , & par laquelle il defeendit dans R i o - n é g r o , ou
elle
e n t r e du côté du N o r d . Les Portugais lui o n t -
d o n n é le n o m d e rivière blanche , les H o l l a n dais celui d'Effequebé & celui d e P a r i m é , fans d o u t e parce qu'ils ont cru qu'elle conduifait au lac d e ce
n o
m.
O n fait q u e M . d e Voltaire a
tire d e cette tradition incertaine , un
épifode
t r è s - a g r é a b l e d o n t il a orné fon R o m a n Philofophique de Candide. A peu d e diftance d e l'embouchure d u R i o n
» g r o , on rencontre du côté du
d'une autre rivière qui
' fr
n e
p n s
Sud , celle
moins fréquentée
des P o r t u g a i s , & qu'ils ont n o m m é e R i o d e
Pérou,
364
H I S T O I R E
G É N É R A L E
i Madera o u rivière du b o i s , apparemment parce Pciou.
qu'elle
c h a r i e q u a n t i t é d'atbres dans fes d é b o r -
demens. O n d o n n e une grande idée de l'étendue d e f o n c o u r s , e n aiïurant q u ' i l s la r e m o n t è r e n t , en
1741,
la
Sierra,
jufqu'aux e n v i r o n s d e S a n t a - C r u z d e Ville
iituée à d i x - f e p t
Epifcopale
du
degrés
demi
&
auftrale. C e t t e r i v i è r e p o r r e l e
haut-Pérou» de
latitude
nom de Manure
d a n s fa parrie f u p é r i e u r e , m a i s fa f o u r c e la p l u s é l o i g n é e eft v o i l î n e d u P o t o f i , & par c o n f é q u e n t d e celle le
d u P i l c o m a y o , q u i va fe j e t t e r
dans
g r a n d n e u v e d e la Plata. L'Amazone,
au-delTous de Rio-négro &
de
la M a d e r a , a c o m m u n é m e n t u n e lieue d e l a r g e . L o r f q u ' e l l e f o r m e d e s Ifles , e l l e a jufqu'à d e u x & trois l i e u e s , & dans l e t e m p s d e s i n o n d a t i o n s , e l l e n'a p l u s d e l i m i t e s . C'eft ici
q u e les
Por
t u g a i s d u Para c o m m e n c e n t à lui d o n n e r l e n o m d e r i v i è r e d e s A m a z o n e s , tandis ils n e
la c o n n a i f ï e n t
Solimocs , rivière
q u e plus h a u t
que fous celui de R i o
des Poifons ,
de
qu'ils lui o n t
d o n n é , v r a i f e m b l a b l e m e n t , parce q u e l e s
flèches
empoifonnées
de
font
la
principale
arme
fes
habitans. Le
18,
M . d e la C o n d a m i n e , ayant laitïé à
g a u c h e la r i v i è r e d e Jainundas q u e l e P . d ' A c u g n a n o m m e C u n u r i s , prit t e r r e u n p e u a u - d e f f o u s , d u m ê m e côté ,
au
pied
du
Fort P o r t u g a i s
de
D E S "Pauxis,
V O Y A G E S .
o ù l e lit d u
fleuve
365
eft refTerré d a n s u n
d é t r o i t d e n e u f c e n s c i n q t o i f e s . L e flux & l e reflux d e la m e r fe font fentir j u f q u ' i c i , par l e g o n f l e ment des
eaux , qui arrive d e d o u z e en
heures , &
douze
qui retarde chaque jour c o m m e
l e s C ô t e s . L a plus g r a n d e hauteur d u l'Académicien
mefur.a p r o c h e
du
fur
flux,
que
Para , n'étant
g u e r e s q u e d e d i x p i e d s & d e m i dans l e s g r a n d e s m a r é e s , i l c o n c l u t q u e le Jufqu'à la m e r ,
fleuve,
c'eft-à-dire,
depuis
Pauxis
fur plus d e d e u x
c e n s l i e u e s d e c o u r s o u fur trois c e n s f o i x a n t e , f é l o n le P. d ' A c u g n a , n e d o i t a v o i r dix pieds & demi de
qu'environ
pente , ce qui
a v e c la h a u t e u r d u m e r c u r e q u e
s'accorde
l'Académicien
t r o u v a , au Fort d e P a u x i s , q u a t o r z e toifes au-delïùs du
n i v e a u d e l'eau , d ' e n v i r o n
q u a r t m o i n d r e qu'au P a r a , 11
fait l à - d e l ï u s « On
une
ligne
un
au b o r d d e la m e r ,
les réflexions fuivantes. flux
qui
a» arrive au C a p d u N o r d , à l ' e m b o u c h u r e
conçoit bien , d i t - i l ,
que le
de
« l a rivière des A m a z o n e s , ne
au
peut parvenir
3» d é t r o i t d e Pauxis , c ' e f t - à - d i r e , «mer,
fi
loin
qu'en pl fieurs j o u r s , a u - l i e u u
» o u fix h e u r e s , q j u
e
delà
de
cinq
f t le t e m p s o r d i n a i r e q u e
» la m e r e m p l o i e à r e m o n t e r . E n effet , d e p u i s » l a C ô t e jufqu'à P a u i , il y x
s
a une
vingtaine
» d e parages q u i d é f î g n e n t , p o u r aiufi d i r e , ' « j o u r n é e s d e la m a r é e . En r e m o n t a n t l e
les
fleuve,
réioiw
Pérou.
366
HISTOIRE
« dans
tous
«mer
fe
GÉNÉRALE
ces e n d r o i t s ,
roanifefteà
l'effet
de
haute
la
la m ê m e h e u r e q u e fur la
« C ô t e , & fi l'on f u p p o f e q u e ces differens p a re r a g e s f o i e n t
é l o i g n é s l'un d e l'aurre d ' e n v i r o n
« d o u z e l i e u e s , le m ê m e effet d e s m a r é e s fe fera «remarquer
dans leurs i n t e r v a l l e s à t o u t e s
«heures intermédiaires,
les
favoir,danslafuppofuion
« d e s d o u z e l i e u e s , u n e h e u r e p l u s tard d e l i e u e » e n lieue, «de
en
même
s'éloignant
du
« d a n t e s . Au
d e la m e r . Il e n efl:
r e f l u x , aux
relie,
» n a t i f s , chacun en
heures
correfpon-
tous ces m o u v e m e n s fon l i e u , f o n t
alter-
fujets
aux
« r e r a v d e m e n s j o u r n a l i e r s , c o m m e fut l e s C ô t e s . « C e t r e e f p è c e d e m a r c h e d e s m a r é e s , par o n d u l a » tions , a v r a i f e m b l a b l e m e n t l i e u e n p l e i n e m e r , » & d o i t retarder d e plus e n p l u s , d e p u i s l e p o i n t « o ù c o m m e n c e l e r e f o u l e m e n t d e s e a u x j u f q u e s fur « l e s C ô t e s . La p r o p o r t i o n dans l a q u e l l e d é c r o î t la « v î t e f l e d e s m a r é e s e n r e m o n t a n t d a n s le « d e u x courans oppofés « t e m p s du »à
flux,
qu'on remarque
«s'accélère «du
« enfin «fe » des
le
long
,
randis
lit d e deux
la
dans l e
l'un à la furface d e l ' e a u , l'aurre
quelque profondeur,
» remonte
fleuve;
des que
rivière ,
d e u x autres d o n t bords
du
fleuve
l'autre , defeend
au &
l'un &
milieu
retarde ;
autres e n c o r e , o p p o f é s auffl , q u i
r e n c o n t r e n t fou v e n t p r o c h e d e la m e r , d a n s canaux
naturels d e
traverfe , o ù l e
flux;
D E S
V O Y A G E S .
367
c e n t r e à - l a - f o i s par d e u x côtés oppofés. T o u s » c e s faits ,
dont j'ignore que
plufieurs aient
» été obfervés, leurs différentes c o m b i u a i f o n s , d i » v e r s autres accidens des marées , fans d o u t e » plus fréquens
& plus variés qu'ailleurs dans
*>un_1euve o ù elles r e m o n t e n t vraifemblablement *>Vune plus g r a n d e diftance
d e la mer
qu'en
» aucun a u t r e e n d r o i t du m o n d e c o n n u , d o n as lieraient lieu à des r e m a r q u e s également c u » rieufes & nouvelles. » M a i s , pour s'élever au-de(Tus des c o n j e c t u r e s , il faudrait une fuite d'obfervations e x a c t e s , ce q u i demanderait
un
long
féjour dans c h a q u e
l i e u , & un délai q u i n e convenait point à l'im patience où M . d e la C o n d a m i n e était d e revoie fa patrie. Il fe r e n d i t en feize h e u r e s , d e Pauxis à T o p a y o s , autre forterefle P o r t u g a i f e , à l'en trée de la rivière d e m ê m e n o m , q u i en eft u n e d u p r e m i e r o r d r e . Elle defeend des mines du Bréiil, en
traverfanr des pays i n c o n n u s , mais habités
par des N a t i o n s fauvages & g u e r r i è r e s , q u e les Millionnaires s!eftôrcent d'apprivoifer. D e s débris du b o u r g d e T u p ¡ u n e g r a n d e Ifle ,
a
l i a m
b a r a , autrefois firué d a n s
l ' e m b o u c h u r e d e la rivière
d e M a d e r a , s'eft formé celui d e T o p a y o s , d o n t les
habitans font
pr fq e
u e
l'unique refte d e la
vaillante N a t i o n des T o p i n a m b o s ou T o p i n a m b o u x , d o m i n a n t e , il y a d e u x iiécles, dans le
l'vTOU»
368
H I S T O I R E
G É N É R A L E
Bréfil , o ù ils o n t laide l e u r L a n g u e . O n a vu l e u f Pérou.
H i f t o i r e & leurs différentes t r a n f m i g r a t i o n s d a n s la r e l a t i o n d u P . d ' A c u g n a . C ' e i t c h e z l e s T o p a y o s qu'on leurs ,
t r o u v e a u j o u r d ' h u i , plus f a c i l e m e n t qu'ail d e ces
pierres
vertes , connues
n o m d e pierres d e s A m a z o n e s ,
dont on
l ' o r i g i n e , & q u i o n t été l o n g - t e m p s
fous
recherchées
p o u r la v e r t u q u ' o n l e u r attribuait d e g u é t i r la
le
ignore
de
p i e r r e , d e la c o l i q u e n é p h r é t i q u e , d e l'épi—
lepfie.
Elles n e
différent
ni
en
d u r e t é , ni
en
c o u l e u r d u j a d e o r i e n t a l : e l l e s réfiftent à la l i m e , & l'on a p e i n e à s ' i m a g i n e r c o m m e n t l e s a n c i e n s habitans d u p a y s o n t p u les t a i l l e r , & l e u r d o n ner diverfes
figures
d ' a n i m a u x . C e t t e difficulté a
fait j u g e r à q u e l q u e s N a v i g a t e u r s , m a u v a i s P h y siciens , q u ' e l l e s n'étaient q u e d u l i m o n d e la r i vière , auquel
o n donnait aifément u n e
forme,
& q u i n e d e v a i t e n f u i t e f o n e x t r ê m e d u r e t é qu'à l'air. M a i s , q u a n d u n e f u p p o f i t i o n fi p e u v r a i f e m b l a b l e , n'aurait pas é t é d é m e n t i e par d e s e d a i s , il refterait l e m ê m e e m b a r r a s p o u r c e s é m e r a u d e s arrondies , polies
& percées , dont
d a n s l'article
anciens m o n u m e n s d u P é r o u .
M.
de
des
la C o n d a m i n e
vertes deviennent
obferve
que
on
a parlé
les pierres
plus rares d e j o u r e n j o u r ,
autant p a r c e q u e les A m é r i c a i n s q u i e n f o n t g r a n d c a s , n e s'en d é f o n t pas v o l o n t i e r s , q u e parce q u ' o n e n a fait p a d e r un fort g t a n d n o m b r e e n Le
Europe. quatre
D E S
V O Y A G E S .
369 L e quatre d e S e p t e m b r e , les deux V o y a g e u r s commencèrent
à découvrir des
côté du N o r d
à d o u z e ou q u i n z e lieues dans les
terres. C'était
s
montagnes
du
un fpectacle nouveau pour eux ,
après avoir navigué d e u x mois depuis le P o n g o , fans voir le m o i n d r e côreau. C e qu'ils a p p e r c e v a i e n t , était des collines antérieures d'une l o n g u e chaîne d e montagnes , qui s'étend l'Eït , & d o n t les fommets font
d e l'Ouelt à les points
de
p a r t a g e des eaux d e la Guiane. Celles qui p r e n n e n t leur pente du côté du N o r d , forment lés jivieres d e la côte d e C a y e n n e & d e Surinam , Se celles qui coulent vers le S u d , après un cours de
peu
d'étendue,
vont fe
p e r d r e dans
l'A-,
mazone. Le cinq au foir , la variation de l'aiguille, o b fervée au Soleil couchant , était d e cinq d e g r é s & d e m i du N o r d à l'Eit. U n t r o n c d'arbre d é r a ciné , que le courant avait pouflé fur le b o r d d u fleuve , ayant fervi d e théâtre pour cette obfervation , M .
d e la
C o n d a m i n e , furpris d e
fa
g r a n d e u r , eut la curiofué d e le mefurer. Q u o i q u e d e f l é c h é , & dépouillé m ê m e d e fon écorce , fa circonférence était de %\ pieds , & fa l o n g u e u r d e 8 4 , e n t r e les branches & les racines. O n peut j u g e r d e quelle hauteur & d e quelle beauté font les bois des bords d e l'Amazone & d e plufieuts autres rivières qu'elle reçoit. Le frx, à l'entrés
Tome X I I .
A 2
Pérou.
370 de .Pérou.
GÉNÉRALE
H I S T O I R E la
nuit , l e s d e u x
Voyageurs
lailïerent
le
g r a n d canal d u f l e u v e vis-à-vis d u F o r t d e P a r a , f u u é fur l e b o r d f e p t e n t r i o n a l , & rebâti d e p u i s p e u par l e s P o r t u g a i s , fur l e s r u i n e s d'un v i e u x F o r t o ù l e s H o l l a n d a i s s'étaient établis. L à , p o u r é v i t e r d e rraverfer l e X i n g u à f o n e m b o u c h u r e , o ù quantité
d e canots
fe f o n t p e r d u s , i l s e n
t r è r e n t d e l ' A m a z o n e d a n s l e X i n g u m ê m e , par u n canal naturel
dé communication. Les Mes ,
q u i d i v i f e n t la b o u c h e d e c e t t e r i v i è r e e n p l u sieurs c a n o t s , n e p e r m e t t e n t p o i n t géométriquemenr
de
mefurer
fa l a r g e u r ; m a i s , à la v u e ,
e l l e n'a pas m o i n s d ' u n e l i e u e . C'eft la m ê m e r i v i è r e q u e le P . d ' A c u g n a n o m m e Paranaïba , & l e P. Fritz , d a n s fa c a r t e , A o r i p a n a , d i v e r f i t é q u i vient
d e celle des Langues. X i n g u
eff. l e n o m
A m é r i c a i n d'un v i l l a g e , a c c o m p a g n é d ' u n e Mif-i l i o n fur l e b o r d d e la r i v i è r e , à q u e l q u e s l i e u e s d e fon e m b o u c h u r e . Elle defcend , c o m m e celle d e T o p a y o s . , d e s mines d u Brélîl, & quoiqu'elle a i t u n faut à fept o u h u i t j o u r n é e s d e l ' A m a z o n e , elle
n e lailTe pas d'être n a v i g a b l e , e n
remonr
t a n t plus d e d e u x m o i s j f e s r i v e s a b o n d e n t e n d e u x f o r t e s d'arbres a r o m a t i q u e s , d o n t l e s fruits f o n t à-peu-près d e la grofTeur d ' u n e o l i v e , f e r â pent c o m m e mêmes
la n o i x
mufeade , & fervent aux
u f a g e s . L ' é c o r c e d u p r e m i e r a la faveur
l'odeur d u
clou d e g i r o f l e , q u e l e s Portugais;
D E S nomment
V O Y A G E S .
371
cravo ; c e qui a fait d o n n e r ,
par l e s
Français d e C a y e n n e , l e n o m d e c r a b e , au b o i s qui
porte
cette
q u e , fi l e s
écorce.
épiceries
L'Académicien
orientales
en
defirer d ' a u t r e s , c e l l e s - c i feraient en
Europe.
Cependant
obferve
taillaient
plus
à
connues
il a fu , d a n s le pays „
q u ' e l l e s palTaient e n Italie & e n A n g l e t e r r e , o ù e l l e s e n t r e n t d a n s la c o m p o l i t i o n d e d i v e r f e s l i queurs
fortes.
L ' A m a z o n e d e v i e n t fi l a r g e , après a v o i r r e ç u l e X i n g U , q u e d'un b o r d o n
ne-pourrait
voir
l'autre , q u a n d l e s g r a n d e s I l l e s , q u i fe f u c c é d e n t e n t r ' e l l e s , p e r m e t t r a i e n t à la v u e d e s ' é t e n d r e ; I l eft fort r e m a r q u a b l e q u ' o n c o m m e n c e ici à n e p l u s v o i r ni m o u f t i q u e s , ni m a r i n g o i n s , ni d'au t r e s m o u c h e r o n s d e t o u t e e f p è c e , q u i font la p l u s grande fleuve.
incommodité Leurs
de
piquures
Américains mêmes
n'y
la n a v i g a t i o n
fur
ce
font fi c r u e l l e s , q u e
les
voyagent
un
p o i n t fans
p a v i l l o n d e t o i l e , p o u r fe m e t t r e à c o u v e r t p e n d a n t la
nuir. C'eft
f
J
ur
t r o u v e plus , car l
a
e
d'en être infecté. E n
r
ive
droite
bord oppofé
?
qu'il n e n e ceffe
e x a m i n a n t la
s en point
fituation
des
l i e u x , M . d e la C o n d a m i n e crut d e v o i r a t t r i b u e r c e t t e différence au c h a n g e m e n t d e d i r e c t i o n cours de vent -porter
du
la r i v i e r e . Elle t o u r n e au N o r d , & l e
d'Eft,
qui
V eft
prefque c o n t i n u e l ,
c e s i n f e c t e s fur la r i v e
Occidentale.
A a ijj
doit
Pérou.
372
H I S T O I R E
La Pérou.
G É N É R A L E
ForterefTe P o r t u g a i f e d e C u r u p a , o ù l e s
deux Voyageurs
arrivèrent
le 9 ,
fut b â t i e p a t
l e s H o l l a n d a i s lorfqu'ils é t a i e n t m a î t r e s d u Bréfil. E l l e eft p e u p l é e d e P o r t u g a i s , ricains q u e
leurs
efclaves.
fans a u t r e s A m é
L a fuuation
e n eft
a g r é a b l e , d a n s u n terrain é l e v é , fur l e Méridional
du
fleuve
, huit j o u r n é e s
bord
au-de(fus
d u .Para. D e p u i s c e t t e place ,011 l e flux & le reflux deviennent
très - f e n l i b l e s , l e s c a n o t s
ne
p l u s qu'à la faveur d e s m a r é e s . Q u e l q u e s au-deffous
du
même
l'Amazone , nommé
Fort ,
vont lieues
un p e t i t bras d e
Tajipura , le
détache
du
.grand canal q u i t o u r n e au N o r d , & p r e n a n t u n e r o u t e o p p o f é e v e r s l e S u d , il e m b r a l î e la g r a n d e Jfle d e J o a n e s o u M a r a j o , d é f i g u r é e d a n s t o u t e les Cartes. D e - l à
il r e v i e n t au N o r d
par l ' E u : ,
d é c r i v a n t u n d e m i - c e r c l e ; & b i e n t ô t il l e p e r d en quelque le
concours
f o r t e , dans u n e m e r , f o r m é e par d e plufieurs
r e n c o n t r e fucceffivement. font des deux
premièrement deux
g r a n d e s r i v i è r e s qu'il L e s plus
confidérables
R i o d e d o s Bocas , r i v i è r e
B o u c h e s , formée
d e la j o n c t i o n d e s
r i v i è r e s d e G u a n a p u & d e Pacajas , l a r g e
d e plus d e d e u x l i e u e s à f o n e m b o u c h u r e ,
&
q u e toutes les anciennes Cartes n o m m e n t , c o m m e L a c t , r i v i è r e d u P a r a , e n f é c o n d l i e u , la r i v i è r e d e s T o c a n t i n s , plus l a r g e
e n c o r e q u e la p r é c é
d e n t e , & qu'il faut p l u l i e u r s m o i s p o u r r e m o n t e r ,
D E S
V O Y A G E S .
373
defcendant c o m m e le T o p a y o s & le X l n g u , des m i n e s d a Bréfìl , d o n t fragmens
dans fon
elle
apporte
fable y enfin. la
M u j u , que l'Académicien
quelques
riviere
trouva large
cens quarante-neuf toifes, à
deux
de
de fept
lieues dans
l e s terres ,. & fur l a q u e l l e il r e n c o n t r a u n e f r é gate Portugaife qui remontait à pleines
voiles.,
p o u r aller c h e r c h e r , q u e l q u e s l i e u e s plus haut
Â
d e s b o i s d e m e n u i f e r i e , rares & p r é c i e u x d a n s d'aurres
régions.
C'eft fur fituée
le b o r d Oriental
d u M u j u , qu'eft
la V i l l e d u P a r a , i m m é d i a t e m e n t
au-defTus
d e l ' e m b o u c h u r e du C a p i m , qui v i e n t d e r e c e v o i r une
autre
fuivant M.
riviere
a p p e ' l é e Guamn.
d e la C o n d a m i n e ,
Il
n'y
a ,
q u e la v u e d ' u n e
C a r t e , q u i puifle
d o n n e r u n e julte i d é e d e la
pofition
Ville,
de
cette
fur l e
concours
d'un
li grand n o m b r e d e r i v i è r e s . « Ses habitans f o n t » f o r t é l o i g n é s , d i t - i l , d e fe c r o i r e fur l e b o r d o>de l ' A m a z o n e , d o n t il e l i m i m e
vraifemblable
» qu'il n'y a pas u n e f e u l e g o u t t e q u i b a i g n e l e » , p i e d d e leurs m u r a i l l e s , à - p e u - p r è s » o n peur d i r e q u l c
e s
e a
comme
u x d e la L o i r e n'arrivenc
t». p o i n t à P a r i s , q u o i q u e c e t t e r i v i e r e c o m m u » n i q u e a v e c la S e i i
n e
par l é canal d e Briare. » O n .
n e l a i d e - p a s , dans l e l a n g a g e r e ç u , d e d i r e q u e l e Para e l i fur l ' e m b o u c h u r e O r i e n t a l e d e la r i v i e r e des
Amazones*
A. a
iij
Pérou.
374
H I S T O I R E
G É N É R A L E
L ' A c a d é m i c i e n fut c o n d u i t d e C u r u p a au Para ; PCÏOU.
fans erre c o n f u l t é fur la r o u t e , e n t r e d e s par d e s
canaux é t r o i t s , r e m p l i s d e
Mes,
détours qui
rraverfent d ' u n e r i v i è r e à l ' a u t r e , & par l e f q u e l s o n é v i t e le d a n g e r d e l e u r s e m b o u c h u r e s .
Tous
f e s foins fe r a p p o r t a n t à dreffer fa C a r t e - , il fut o b l i g é d e r e d o u b l e r fon a t t e n t i o n , p o u r n e pas p e r d r e l e fil d e fes r o u t e s d a n s c e d é d a l e t o r t u e u x d'Ifles & d e c a n a u x fans n o m b r e . Le
¡9
de Septembre , c'eft-à-dire,
quatre m o i ; arriva fes
après fon
heureufement
Portugais
départ à la
de
vue
près d e
Cuença ,
du
Pata ,
il que
n o m m e n t le g r a n d P a r a , c ' e f t - à -
d i r e , la -grande r i v i è r e d a n s la l a n g u e d u B r é h l . Il piir terre dans u n e h a b i t a t i o n d e la d é p e n d a n c e du
Collège
des
J é i u i t e s , o ù il fur r e t e n u huir
j o u r s par le S u p é r i e u r d e c e t O r d r e , p e n d a n t q u ' o n l u i prépatait u n l o g e m e n t dans la V i l l e , e n v e r t u des ordres
d e Sa M a j e f t é
t o u s fes G o u v e r n e u r s . maifon
fort
commode
Portugaife
adreiTés à
11 y 'trouva , le xj &
richement
, une
meublée ,
a v e c u n jardin d ' o ù l'on d é c o u v r a i t l ' h o r i z o n la m e r , & d a n s u n e
fituation
d e l î r é e p o u r la c o m m o d i t é
de
telle qu'il fes
de
l'avait
obfervations.
« N o u s c r û m e s , d i t - i l , e n arrivant au P a r a , *tlâ
fortie des bois
»rran(portés a grande
de l'Amazone , nous
en Europe.
Ville ,
Nous
des rues b i e n
à
voir
trouvâmes
une
alignées ,
des.
D E S
V O Y A G E S .
375
s» maifons r i a n t e s , la plupart r e b â t i e s d e p u i s t r e n t e 5 » ans e n p i e r r e s & e n m o i l o n , d e s E g l i f e s m a g n i si fiques. L e c o m m e r c e d i r e c t d e s habitans
avec
» L i f b o n n e , d ' o ù il l e u r v i e n t t o u s l e s ans u n e DÌ flotte m a r c h a n d e , l e u r d o n n e la facilité d e fe « pourvoir d e toute «reçoivent
les
forte
de
marchandifes
commodités.
Us
de
en
l'Europe
* échange pour les denrées d u P a y s , qui f o n t , « o u t r e q u e l q u e or e n p o u d r e q u ' o n a p p o r t e d e « l ' i n t é r i e u r d e s terres, d u c ô t é d u Bréfil, l ' é c o r c e S Ì du b o i s
de
crabe ,
ou
de
clou ,
la
falfe-
« pareille , la v a n i l l e , l e fucre , l e café & fur-tout » l e cacao. » J a m a i s la l a t i t u d e d u Para n'avair é t é o b f e r v é e à t e r r e , & T o n alîura M . d e la C o n d a m i n e , à f o n a r r i v é e , qu'il était p r é c i f é m e n t fous la L i g n e É q u i n o x i a l e . Il t r o u v a , par d i v e r f e s o b f e r v a t i o n s , un d e g r é v i n g t - h u i t minutes d u Sud. A l'égard d e la l o n g i t u d e , u n e é c l i p f e d e L u n e , qu'il o b ferva, le premier d e N o v e m b r e
1741 , & deux
émerfions d u premier Satellite d e Jupiter , l u i firent
juger, p
a r
l e c a l c u l , la d i f f é r e n c e d u M é
r i d i e n d u Para à c e l u i d e P a r i s , d ' e n v i r o n
rrois
heures v i n g t - q u a t r e minutes à l'Occident. Il était néceffaire d e v o i r la v é r i t a b l e e m b o u chure d e l'Amazone ce
fleuve , &
p
0 U
r
a c h e v e r la C a r t e d e
d e fuivre m ê m e fa r i v e SepteiiT
A a iv
Pérou,
376
H I S T O I R E
G E N É R A L E
t r i o n a l e jufqu'au C a p d u Pérou.
N o r d , o ù fe t e r m i n e
f o n c o u r s . C e t t e , raifon íulfifait p o u r d é r e r u ù n e r M.
de
la C o n d a m i n e
à
prendre
la
route
de
C a y é h n e , d'où il p o u v a i t paffer droir e n F r a n c e . A i n l î , n'ayant pas p t o f i t é , c o m m e M . M a l d o n a d o , d e la flotte P o r t u g a i f e , q u i partit p o u r L i f b o n n e , l e 3 d e D é c e m b r e , il l e vit r e t e n u au Para , jufq u ' à la fin d e l'année , m o i n s c e p e n d a n t par l e s v e n t s c o n t r a i r e s , qui r é g n e n t q u e par la difficulté rameurs.
faifon ,
d e former un équipage
La p e t i t e v é r o l e avait m i s e n
plupart d e s que
en c e t t e
de
fuite
la
A m é r i c a i n s . O n r e m a r q u e , au P a r a ,
cette maladie
eft e n c o r e
plus
iunefte
aux
h a b i t a o s d e s M i l l i o n s n o u v e l l e m e n t tirés d e s b o i s , &
qui
v o n t n u d s , qu'à c e u x q u i v i v e n t
depuis
l o n g - t e m p s parmi l e s P o r t u g a i s , & qui p o r t e n t d e s habits. L e s p r e m i e r s , e f p è c e s d ' a n i m a u x p h i b i e s , auffi fou v e n t d a n s l'eau q u e endurcis ont
depuis
p e u t - ê t r e la
l'enfance
fur
am
terre,
aux injures d e l'air ,
p e a u plus c o m p a c t e q u e
celle
d e s autres h o m m e s , & M . d e la C o n d a m i n e eft p o r t é à c r o i r e q u e c e t t e f e u l e raifon p e u t r e n d r e p o u r e u x l ' é r u p t i o n plus difficile. D ' a i l l e u r s l ' h a bitude
rocou,
où de
font d e fe frorter genipa, & d e d i v e r f e s ils
le
corps
de
huiles graííes
& é p a i f f e s , p e u t e n c o r e a u g m e n t e r la
difficulté.
C e t t e d e r n i è r e c o n j e c t u r e f e m b l e c o n f i r m é e par
D E S
V O Y A G E S .
377
u n e autre r e m a r q u e : c'eft q u e îes e f c l a v e s N è g r e s , tranfportés d ' A f r i q u e même
& q u i n e fonr pas dans l e
u f a g e , réiiftent m i e u x au m ê m e mal q u e
les Naturels du Pays. U n Sauvage
nouvellement
f o r t i d e s b o i s . , eft o r d i n a i r e m e n r u n h o m m e m o r r , lorfqu'ii eft attaqué d e c e t t e m a l a d i e -, c e p e n d a n t une n'en
heureufe ferait
expérience a
pas
de
même
fait c o n n a î t r e d e la p e t i t e
qu'il vérole
a r t i f i c i e l l e , fi cerre m é t h o d e était u n e fois é t a b l i e d a n s les
Millions ,
& la
raifon d e c e t t e
diffé
r e n c e n'eft pas aifée à t r o u v e r . M . d e la C o n d a m i n e raconte q u e quinze o u fon
arrivée
voyant
tous
au
feize
ans
P a r a , un Millionnaire
les Américains
avant
Carme,
m o u r i r l'un
après
l ' a u t r e , & tenant d ' u n e G a z e t t e l e fecret d e l'i n o c u l a t i o n q u i faifait alors b e a u c o u p d e b r u i t e n Europe , jugea
qu'il
pouvait
rendre
au
moins
d o u t e u f e u n e m o r t , q u i n'était q u e t r o p c e r t a i n e a v e c les remèdes
o r d i n a i r e s . U n r a i f o n n e m e n t fi
( i m p i e avait d û fe préfenter à t o u s c e u x q u i e n t e n d a i e n t parler d e la n o u v e l l e o p é r a r i o n ; m a i s ce Religieux
f
ut
]
e
p r e m i e r en
Amérique
qui
eut l e c o u r a g e d e la t e n t e r . Il fit inférer la p e t i t e v é r o l e à t o u s l e s habirans d e la M i l l i o n q u i n'en a v a i e n t pas e n c o r e été a t t a q u é s , & d e c e m o m e n t i l n'en
p e r d i t plus BS féal
naire de
Un
Rio-négro fuivit.f
o n
autre
Million
e x e m p l e avec l e
m ê m e fuccès. A p r è s d e u x e x p é r i e n c e s fi « u t h e u -
Pérou.
378
H I S T Q I R E
G É N É R A L E
t i q u e s , o n s'imaginerait Pérou.
q u e , d a n s la c o n t a g i o u
q u i retenait M . d e la C o n d a m i n e au P a t a , t o u ? ceux à
qui avaient d e s efclaves ,
la m ê m e
croirait
recette pour les
lui - m ê m e , d i t - il ,
eutent
recours
conferver.
s'il n'avait
Il
le
été t é
m o i n d u c o n t r a i r e . O n n'y p e n f a i t p o i n t e n c o r e , lorfqu'il
partit d u Para.
11 s ' e m b a r q u a , le 29 D é c e m b r e , dans u n c a n o t d u Général a v e c u n é q u i p a g e d e 22 r a m e u r s
&
m u n i d e r e c o m m a n d a t i o n s pour l e s M i f f i o n n a i r e s Francifcains devaient
de
lui fournir
continuer
fa
4in
bot»
Pilote
PP.
où
'1744 ,
rifle J o a n e s
un nouvel
route ; mais dans
il a b o r d a l e
o u Marajo , équipage
n'ayant
qui pour
pu
ttouver
Villages
d e ces
premier jour d e
Janvier
quatre
& livré à l ' i n e x p é r i e n c e d e f e s A m é r i
c a i n s & à la t i m i d i t é d u M a m e l u s (a)
qu'on lui
a v a i t d o n n é p o u r l e s c o m m a n d e r , il m i t d e u x m o i s à faire
u n e route qui n e demandait pas
q u i n z e jours. Q u e l q u e s l i e u e s au-deiTous d u P a r a , il traverfa la b o u c h e oriertrale d e l ' A m a z o n e o u l e bras d u P a r a , féparé d e la v é r i t a b l e e m b o u c h u r e , q u i eft la b o u c h e o c c i d e n t a l e par la g r a n d e Ifle d e J o a -
( a ) Habitant d'une Peuplade indépendante, établie » Saint P a u l ,
air Brélil. On en .parlera, dans la fuite.
D E S
V O Y A G E S .
379
« e s , plus c o m m u n au Para fous l e n o m d e Ma rajo. C e t t e
Ifle
o c c u p e f e u l e p r e f q u e t o u t l'ef-
p a c e q u i fépare l e s d e u x e m b o u c h u r e s d u
fleuve.
E l l e a , dans u n e figure i r r é g u l i e r e , plus d e i ç o l i e u e s d e t o u r . T o u t e s l e s C a r t e s l u i fubftituent u n e m u l t i t u d e d e p e t i t e s Ifles. L e bras d u P a r a , c i n q o u fix l i e u e s au-delTous d e la V i l l e , a d é j à plus d e trois lieues d e large & c o n t i n u e d e s'é l a r g i r . M . d e la C o n d a m i n e c ô t o y a l ' I l l e , d u S u d a u N o r d , p e n d a n t t r e n t e l i e u e s , jufqu'à fa d e r n i è r e p o i n t e , q u i f e n o m m e Magnan,
très-dan-
g e r e u f e , m ê m e aux canots', par fes é c u e i l s . A u - d e là d e c e t t e p o i n t e , i l prit à l ' O u e f t , e n f u i v a n t t o u j o u r s la c ô t é d e l'Ille q u i c o u r t plus d e q u a r rante l i e u e s ,
fans p t e f q u e
s'écatter d e la l i g n e
E q u i n o x i a l e . Il e u t la v u e d e d e u x g r a n d e s Ifles q u ' i l lailla au N o r d ,
Se l'autre Caviana,
l'une a p p e l l é e
Machiana,
aujourd'hui déferres, ancien
n e m e n t h a b i t é e s par la N a t i o n d e s A r o u a s , q u i bien q u e difperfée
a u j o u r d ' h u i , a c o n f e r v é fit
l a n g u e p a r t i c u l i è r e . L e terrain d e c e s I f l e s , c o m m e c e l u i d'une g r a n d e partie d e c e l l e d e M a r a j o , eft e n t i è r e m e n t n o y é , & p r e f q u e i n h a b i t a b l e . E n quittant
la c ô t e J
e l l e fe r e p l i e v e r s l
M a r a j o , dans
e
e
l'endroit o â
S u d , l'Académicien
d a n s l e vrai l i t , où. l
e
c a i i a
l
retomba
principal d e l ' A m a
z o n e , vis-a-vis d u n o u v e a u F o r t d e M a c a p a ,
fitué
Pérou.
380
H I S T O I R E
G É N É R A L E
fur le b o r d o r i e n t a l du fleuve , & transféré par l e * Pérou,
Portugais d e u x lieues ferait le
impoiTible,
fleuve
au N o r d d e
l'ancien.
e n cet e n d r o i t , d e
Il
traverfer
d a n s d e s c a n o t s o r d i n a i r e s , fi le canal
n'était rétréci par d e p e t i t e s I f l e s ,
à l'abri
def-
q u e i l e s o n n a v i g u e a v e c plus d e sûreté , en p r e nant
fon
temps pour
palier d e l'une à l'autre.
D e la d e r n i è r e à Macapa , il refte e n c o r e de
deux
lieues.
C e fut dans c e
q u e M . d e la C o n d a m i n e la
dernière
fervation
fois
la
ligne
plus
dernier
trajet
repafia enfin & Equinoxiale.
d e la l a t i t u d e , au n o u v e a u
pont L'ob-
Fort
de
M a c a p a , lui d o n n a f e u l e m e n t trois m i n u t e s v e r s le
Nord. L e fol d e M a c a p a eft é l e v é d e d e u x o u .trois
t o i f e s a u - d e i l u s d u n i v e a u d e l'eau. I l n'y a q u e Je Le
bord
du
fleuve
, qui foît
couvert
d e d a n s d e s terres eft un P a y s
d'arbres.
u n i , le
pre
m i e r q u ' o n r e n c o n t r e d e c e t t e n a t u r e , d e p u i s la C o r d e l i è r e d e Q u i t o . L e s habitans aflurent continue Se
d e m ê m e e n a v a n ç a n t vers l e
que delà
on
p e u t aller à c h e v a l
qu'il
Nord,
jufqu'aux
f o u r c e s d e l ' O y a p o c , par d e g r a n d e s plaines d é c o u v e r t e s . D u P a y s voifin d e s f o u r c e s d e l ' O y a poc ,
on
voir
l'Aprouague diftinc.em.ent
,
au qui
en
mer
Nord
les
montagnes
s'apperçoivent , de
plufieurs
auffi lieues
de fort au
D E S Nord
V O Y A G E S .
d e la c ô t e -, à
plus
381
forte
raifon
fe
d o i v e n t - e l l e s d é c o u v r i r d e s hauteurs v o i l i n e s d e Cayenne. E n t r e M a c a p a & l e c a p d u N o r d , d a n s l'en droit o ù le grand reflerré
canal d u
fleuve
par l e s I f l e s , f u r - r o u t
grande bouche
efl le plus
v i s - à - v i s d e la
d e l'Araouari,
qui entre
dans
l ' A m a z o n e d u c ô t é d u N o r d , l e flux d e la m e t offre u n p h é n o m è n e f m g u l i e r . P e n d a n t trois jours l e s plus voifins d e s p l e i n e s & d e s n o u v e l l e s L u nes,
t e m p s d e s plus h a u t e s m a r é e s , la m e r au
lieu
d'employer
près d e fix h e u r e s à m o n t e r ,
p a r v i e n t e n u n e o u d e u x m i n u t e s à fa plus g r a n d e h a u t e u r . O n e n t e n d d'abord d'une o u d e d e u x l i e u e s d e d i f t m e e , u n bruit pororoca,
effrayant
q u i a n n o n c e la
c'eft l e n o m q u e l e s A m é r i c a i n s d o n n e n t
à c e terrible
flot.
A m e f u r e qu'il
approche, le
bruit a u g m e n t e & b i e n t ô t o n a p p e r ç o i t u n p r o m o n t o i r e d'eau d e d o u z e à q u i n z e p i e d s d e teur ,
p u
is
u
n
hau
a u t r e , puis u n t r o i f i e m e , & quel-;
q u e f o i s u n q u a t r i è m e , q u i f e fuivent
d e près,
Se q u i o c c u p e n t t o u t e la l a r g e u r d u canal. C e t t e l a m e a v a n c e a v e c u n rapidité p r o d i g i e u f e , brife Se rafe e n c o û t a n t t o u t c e q u i l u i réfifte. M . d e la C o n d a m i n e
v i t , en quelques
g r a n d terrain e m p o r t é par la g r o s arbres d é r a c i n é s , & d
e
s
endroits,
un
pororoca, d e trèsr a v a
g
e s
d e t^oute
Pérou.
Pérou.
382
H I S T O I R E
efpèce.
Le
rivage
G É N É R A L E
par-tout
où
elle pafle,
efl
auffi n e t , q u e s'il avait été f o i g n e u i e m e n t b a l a y é . L e s c a n o t s , l e s p i r o g u e s , l e s b a r q u e s m ê m e s 116 fe garantiiTent d e la fureur d e c e t t e b a r r e , q u ' e n m o u i l l a n t d a n s q u e l q u e e n d r o i t o ù il y ait b e a u * c o u p d e f o n d . L ' A c a d é m i c i e n fe c o n t e n t a n t d'in d i q u e r l e s caufes du f a i t , a r e m a r q u é d a n s fleurs
autres l i e u x ,
d i t - i l , où
plu-
il a e x a m i n é
les
circonftances d e c e p h é n o m è n e , « Q u e cela nar«rive
que
lorfque
le
flot
montant
«odans u n
canal é t r o i t , r e n c o n t r e e n
» m i n un
banc de fable o u
un
&
engagé fon
che-
haut fond
qui
» l u i fait o b l f a c l e , q u e c'eft l à , & n o n »que
commence
le m o u v e m e n t
ailleurs,
impétueux
» i r r é g u l i e r d e s e a u x , Se qu'il ceffe u n «delà
peu
d u b a n c , q u a n d l e canal r e d e v i e n t
& au
pro-
" » f o n d , o u s'élargit c o n f i d é r à b l e m e n r . » Il a j o u t e •qu'il a r r i v e q u e l q u e c h o f e d e f e m b l a b l e a u x I f l c s O r c a d e s , 8e à l'entrée d e la G a r o n n e , o ù
l'on
<lonne
des
le
nom
de
ma/caret
à
cet
effet
marées. Les
Américains
rie p o u v o i r
,
& leur C h e f ,
e n cinq jours
'qu'aux
grandes
marées
'Nord ,
q u i n'était
delà duquel on peut
yororoca
t
,
qui
arriver
craignant reliaient au
de juf-
Cap
du
&
au-
qu'à q u i n z e l i e u e s ,
t r o u v e r un abri courre la
r e t i n r e n t M . d e la C o n d a m i n e
dans
D E S
V O Y A G E S .
f i n e Ifle d é f e r t e , mettre
le
o ù il n e t r o u v a
383
pas d e q u o i
p i e d à fec , & o ù , m a l g r é
p r é f e n t a t i o n s , il fut r e t e n u
fes
Pérou*
re-
n e u f jours e n t i e r s ,
p o u r a t t e n d r e q u e là p l e i n e L ù i i e fut b i e n p a l l i e . De-là
il Ce r e n d i t a u C a p d u N o r d , e n m o i n s
d e d e u x j o u r s ; mais le l e n d e m a i n , jour d u d e r n i e r quartier
&
des
plus p e t i t e s m a r é e s , f o n
c a n o t é c h o u a fur u n b a n c d e vafe ; & e n baillant ,
s'en
flux
Enfin
n e parvint point
jufqu'au canot.'
pafla fept j o u r s dans c e t t e
fituation,
p e n d a n t lefquels fes r a m e u r s , d o n t avait
mer,
retira fort l o i n . L e j o u r f u i -
vant , le il
la
la f o n c t i o n
celle, n'eurent d'autre o c c u p a t i o n q u e d'aller
c h e r c h e r fort l o i n d e fonçant
l'eau
faumâtre, en
s'en-
dans la vafe jufqu'à la c e i n t u r e . E n f i n ,
aux grandes marées d e l à nouvelle L u n e fuivante, 'là barre
même
le remit à
flot,
mais
avec
un
n o u v e a u d a n g e r - , car e l l e e n l e v a l e c a n o t , & l e fit
l a b o u r e r dans
dité que
la
vafe
l'Académicien
avec
n'en
plus d e
rapi
avait é p r o u v é a u
Pongo. Après
deux
m o i s d'une navigation
par
mer
'Se par t e r r e , c o m m e M . d e la C o n d a m i n e croie p o u v o i r la n o m m e r
fans e x a g é r a t i o n
,
q u e la C o t e
pj
Q,p
Nord
&
gouvernail
eft
l
a
ne
fi
a t e
Cote
d
ceflait
p
^
e
n
t
r
e
Cayenne
e
a s
de
-\
e
>
fillonner
(parce
que dans
<j
e
} e
la
384
H I S T O I R E
vafe ) , Pérou.
il t o u c h a , l e
G É N É R A L E
16
d e F é v r i e r , au rivage;
de Cayenne. M . d e la C o n d a m i n e e u t la çuriofité à Cayenne,
file
d'effayer,'
v e n i n d e s flèches e m p o i f o n n é e s ,
qu'il gardait d e p u i s plus d'un an , c o n f e r v a i t c o r e i o n a c t i v i t é , & fi l e l u c r e était u n poifon
auffi. efficace
en
contre-
q u ' o n l'en avair allure. C e s
d e u x e x p é r i e n c e s f u r e n t faites f o u s l e s y e u x M.
d'Orvilliers,
de
plufieurs
Commandant
Officiers
de
de
la
la C o l o n i e
Garnifon , &
Médecin du Roi. U n e poule légèrement par u n e p e t i t e
fleclie,
mois,
A
du
bleffée
d o n t la p o i n t e était
d u i t e du venin d e p u i s treize
de
&
en
qui
lui
fut fournée a v e c u n e farbacane , v é c u t u n d e m i quart avec
d'heure. U n e une
des
t r e m p é e d«ns &
retirée
s'aiToupir
autre,
mêmes
flèches
le v e n i n
minute
quée
fucre ,
a v e c la
,
d a n s l'aile
nouvellement avec
d e la
après.
fuivirent bientôt , & , alors d u
délayé
fur-le-champ une
piquée
de
plaie ,
Les
l'eau, parut
cotivuliions
q u o i q u ' o n lui fit avaler
elle expira. U n e troifieme
même
flèche
retrempée
pi
dans
le
p o i f o n , ayant été f e c o u r u e à l ' i n f t a n t a v e c le m ê m e r e m è d e , n e d o n n a a u c u n figne d ' i n c o m m o d i t é . C e p o i f o n eft u n extrait tiré par l e f e u , d e s fucs d e diverfes
plantes,
particulièrement
lianes. O n avait afluré l ' A c a d é m i c i e n
de
certaines
qu'il
entre plus
D E S
385
V O Y A G E S
plus d e
trente fortes d ' h e t b e s , dans celui des
Tiatnas
, q..,i efl: le
Nations
des
rives
plus
célèbre
entre
les
d e l'Amazone , & ce
celui d o n t il fie l'épreuve. Il e(t allez
fu
furpre-
hant , dit - il , que, parmi des Peuples qui o n t fans celle un infiniment fi sûr & fi p r o m p r , pour &
fatisfaire
leurs
leurs
haines
,
leurs
jaloulies
v e n g e a n c e s , un poifon d e cette
tilité n e foit funefle
qu'aux linges &
fub-
aux
oi-
féaux. L'Académicien , retenu
à Cayenne
pat. di
vers obftacles , en partit , après un
réjour
fix
fournit l e
mots , dans un canot , q u e
C o m m a n d a n t , & fe r e n d i t était
invité
par
lui
à
de
Surinam où il
M. Mauricius
, Gouverneur
d e cette C o l o n i e Hollandaise, Il fit heureufe-; m e n t le trajet en foixante & quelques h e u r e s . Le
z7 d ' A o û t ,
il
entra
dans la
rivière
de
S u r i n a m , qu'il remonta l'efpace d e cinq l i e u e s , jufqu'à
Paramaribo , Capitale
de
la
Colonie.
Son obfervation d e la latitude d e cette Place , lui
donna
nutes du fion
cinq
degrés
N o r d . H ne
pour
reparler
q u a r a n t e - neuf
cherchait
qu'une
en E u r o p e . L e
plus p r o m p t à partir fut
mi occa-
navire
le
le meilleur pour lui.
Il s ' e m b a r q u a , le j d e S e p t e m b r e , fur u u e flûte Hollandaife que
de
quatorze canons ,
q u i n'avait
d o u z e h o m m e s d'équipage. Il courut
Tome
XIL
B b
un
Pérou,
386
H I S T O I R E
grand
Ttrou.
danger
à
GENERALE, Sa
l'atterrage ,
fur les C ô t e s
de*
H o l l a n d e . Enfin il e n t r a , l e 30 d e N o v e m b r e , dans
le
Février abltnce
Port 1745,
d'Amfterdam
j &
il fe r e v i t à
d'environ
dix
,
le
P a r i s , après
ans.
Fï/t du Livre
23
quatrième}
de une»
ABRÉGÉ D
L'HISTOIRE
E
GENERALE
DES
VOYAGES.
AMERIQUE. L I V R E
V.
Suite de l'Amérique Méridionale. Tierra-* Firme. Rio de la Plata. Guyane, Hijloire Naturelle.
C H A P I T R E
P R E M I E R ;
Tierr*-Firme.
IMPATIENS
d e fuivre l
a
marche
quérans du Nouveau - Monde , nous B b
des C o t > « ne nous iï
T i c r r a
" Firme.
388
H I S T O I R E
G É N É R A L E
f o m m e s arrêtés fur l e s détails defcriptifs q u ' a p r è s TierraTinne.
la
révolution
nous
du
Mexique
les Provinces
du
,
laiffant
Continent
derrière
dont
nous
a v o n s v u la p r e m i è r e d é c o u v e r t e & l e s p r e m i e r s Etabliffemens. Efpagbffls du
fur
Nord
ce
qui
Maintenant la
au
mérite
q u e les progrès d e s
mer du Sud nous
Midi , d'être
nous
ramènent
reviendrons
remarqué
iur
dans ces pre
m i è r e s p a r t i e s d u C o n t i n e n t o ù ils a b o r d è r e n t , & n o s r e g a r d s fe p o r t e r o n t d ' a b o r d v e r s la P r o
vince
d e Tierra- Firme ,
l'Ifthme
de
Darien
q u i s'étend
jufqu'à
depuis
Popayan.
O n fait q u e l'Ifthme d e P a n a m a fépare l e Cotvi líthme de rinent d e l ' A m é r i q u e e n d e u x parries , l ' u n e Panamá. S e p t e n t r i o n a l e , l'autre M é r i d i o n a l e . E n t r e l e s rivières d e C h â g r e
Se
celle
de
Pito ,
il
n'a
g u e r e s q u e quatorze lieues vers les d e u x extré m i t é s , -c'eft-à-dire , daus
le
pays d e
vers
Choco
Véraguaz
à
l'Orient
&
à l ' O c c i d e n t . Il eft
t r a v e r r é par la l o n g u e c h a î n e d e s A n d e s q u i j o i n t les
deux Amériques. La plus g r a n d e partie d e c e t t e C o n t r é e eft u n e
terre poire très-fertile , arrofée
pat d e s r i v i è r e s
q u i t o m b e n t d a n s l e G o l f e , 8c q u i r e n d e n t l e r i v a g e fi m a r é c a g e u x , qu'il e f t i m p o f f i b l e d'y v o y a ger.
A l'Oueft
de
la r i v i è r e d e
Chéapo
,
le
terrain d e v i e n t plus m o n t a g n e u x Se plus fec. O n y
t r o u v e d'agréables
vallées
jufqu'au - delà
de
D E S ïa
V O Y A G E S .
rivière, où
389
l'on n e r e n c o n r r e plus q u e
des cil
Tierra-
f e c , mais c o u v e r t d ' h e r b e s , p l e i n d e c o l l i n e s e n
Firme..
b o i s . Là c o m m e n c e l e p a y s d e s S a v a n e s , q u i
t r e m ê l é e s d e b o t s , & f e r t i l e s Jufqu'à leurs
f im
m e r s , q u i font c o u v e r t s d e b e a u x arbres fruitiers. Les montagnes font
plus
d'où
itériles
tombe
&
m
la
Rivière
produifent
d'Or . }
que
des
a r b r i f l e a u x . En g é n é r a l , l e s l i e u x fecs d e l ' î f t h m e n ' o n t pas les
mêmes
arbres
m i d e s : les premiers font gros
les lieux
hu
& p r e f q u e fans b r a n c h e s -, au l i e u q u e l e s
autres feaux
que
grands , e x t r ê m e m e n t
font ,
moins
tels
des
arbres
que des manglcs ,
que
des
arbrif
des ronces
&•
des bambous. L e s faifons d a n s l ' i i t h m e , c o m m e dans l e s a u t r e s p a r t i e s d e la Z o n e
t o r r i d e , à la m ê m e lati
t u d e , a p p r o c h e n t plus d e l'humidité q u e d e
la
féchereile.
en
Le temps des pluies y c o m m e n c e
Avril ou en Mai. Elles Juillet,
&
leur
continuent
grande
violence
en
Juin
efl; au
9c mois
d ' A o û t . La c h a l e u r efl e x t r ê m e , n a r - t o u t o ù l e S o l e i l p e r c e l e s n u e s , & l'air d'autant p l u s étouf fant , qu'il n'y
a
p o i n t d e vents p o u r l e rafraî
chir. Les pluies c o m m e n c e n t à d i m i n u e r dans le cours de Septembre ; jufqu'au m o i s d e
m
a
;
s
fouvent
elles durent
J a n v i e r . Ainlî , l'on
peut
dire
«qu'il p l e u t d a n s l'Iflhme p e n d a n t l e s t r o i s quarts B. b
iij
390 de
H I S T O I R E l'année.
Ticrra-
fulfureufe,
Fîrtnc.
les
L'air y qui fe
orages ,
on
froyable formé
infinité
fifflement
une
odeur
d a n s les b o i s .
toujours un
croaffement
des
Après
bruit
ef
grenouilles
du bourdonnement des
mou
d e s i e r p e n s , & d e s cris d ' u n e infectes.
quelquefois
fi
inonde
transformée
eft
quelquefois
répand
du
d'aurres
a
entend
& des crapauds, ches , du
G É N É R A L E
groffe ,
La
pluie
qu'une
même
plaine
tout-d'un-coup
eft
qu'elle en
lac.
Il n'eft pas rare d e v o i r d e s o r a g e s q u i d é r a c i n e n t l e s arbres & q u i l e s e n t r a î n e n t j u f q u e s d a n s l e s rivières. L a V i l l e la p l u s c é l è b r e d u G o l f e , eft Carthagcne.
gène
j
fituée
à dix
degrés v i n g t - c i n q
quarante-huit fécondes; à
minutes
Oueft un
de
d e u x cens q u a t r e - v i n g t
huit
du
trente-fix
Méridien
degrés
dix-neuf
de
minutes
latitude du
Nord,
trois d e g r é s
vingt-
fécondes de Paris , &
minutes
longitude
a trois
trente -
c o n d e s d u P i c d e Tenerife. T e l l e la c o n d u f i o n
Cartha-
cens
fix
fé
eft d u
moins
des Mathématiciens , qu'on
prend
i c i p o u r g u i d e s , d'après les o b f e r v a t i o n s qu'ils o n t p u b l i é e s . C e t t e d é t e r m i n a t i o n fi précife , p r o u v e q u ' e n a v a n ç a n t dans n o t r e r o u t e , n o u s r e n c o n t r o n s les progrès des connaillances. U n L e c t e u r , c u r i e u x d ' o r i g i n e s , fe rappellera» fans d o u t e
q u e la Baie d e C a r t h a g è n e 8c l e
Pays
DES
V O Y A G E S . Calamarl > furent
' anciennement nommé verts en
391 décou Tierra-
1 5 0 1 , par R o d r i g u e d e Baftidas. D e u x
Firme.
ans a p r è s , l e s E f p a g n o l s ayant e n t r e p r i s d e s'y éta blir , t r o u v è r e n t u n e rélîltance à l a q u e l l e
ils n e
s'étaient pas a t t e n d u s . L e s habitans étaient e x t r ê m e m e n t b e l l i q u e u x : l e u r s a r m e s é t a i e n t d e s fier c h e s c m p o i f o n n é e s , d o n t l e s plus l é g è r e s blerTures é t a i e n t m o r t e l l e s . A l p h o n f e d ' O j é d a , q u i v i n t e n l u i t e d a n s l e p a y s avec, la C o f a A m é r i c V e f p u c e , n'y I l fut
Se le
célèbre
o b t i n t pas plus d e f u c c è s .
r e m p l a c é par G r é g o i r e
Hemandez
d'O-,
v i é d o . Enfin l e s N a t u r e l s d u pays furent d o m p t é s par H é r é d i a , q u i établit £c p e u p l a la V i l l e d e C a t ; thagène en
1517.
L e s a v a n t a g e s d e fa rendue
fiorillànte,
fituation
l'ayant
bientôt
e l l e fut e x p o f é e , d è s l'an 1 5 4 4 »
à l'invafion d e q u e l q u e s a v e n t u r i e r s F r a n ç a i s ,
&,
q u a r a n t e ans a p r è s , à c e l l e d e F r a n ç o i s D r a k , Anr g l a i s , q u i la réduilît e n c e n d r e -, réparée & d e p u i s e x p o f é e à d e n o u v e l l e s d i f g r a c e s , p i l l é e par
les
Français
les
e n 1597
Anglais eu
, & attaquée
1741,
e l l e était
envain
par
au plus haut
point
d e f p l e n d e u r q u e l q u e t e m p s avant cette d e r n i è r e époque ,
lorfque D o n A n t o i n e
vifiter. R i e n n'eft
p
l
u
s
d'Ulloa vint
la
a d m i r a b l e q u e ("a v u e -, d u
c ô t é d e la c a m p a g n e & d e la c ô t e , e l l e n'a r i e n q u i la b o r n e . . La V i l l e & f n 0
Fauxbourg, B b
iv
quQ
392
H I S T O I R E
d'autres n o m m e n t la Tierra-
G É N É R A L E
lajfe- Ville, f o n t fortifies r é
gulièrement.
yirme.
T o u s l e s V o y a g e u r s c o n v i e n n e n t , qu'après M e x i c o , C a r r h a g è n e efl: la p l u s b e l l e V i l l e d e l ' A m é r i q u e . E l l e efl: c o m p o f é e
d e cinq
grandes
rues,
d r o i r e s & b i e n p a v é e s , d o n t c h a c u n e a p l u s d'un d e m i - m i l l e d e l o n g : l e s m a i f o n s font d e & fort b i e n
bâties ; toutes avec
pierres
des balcons
d e s j a l o u f i e s d e b o i s , m a t i è r e plus d u r a b l e
&
pour
c e s o u v r a g e s , q u e l e f e r , q u i ferait b i e n t ô t r o u i l l é & d é t r u i t par l ' h u m i d i t é & par d e s v e n t s n i t r e u x d o n t l e s m u r a i l l e s m ê m e s fe r e f î e n t e n t . U n e r u e p l u s l o n g u e & plus l a r g e q u e t o u t e s l e s a u t r e s , traverfe
la V i l l e
entière , & forme
une
grande
P l a c e a u c e n t r e . La C a t h é d r a l e s'élève au - d c l l ù s de
t o u s l e s autres édifices , & n e r e n f e r m e
pas
m o i n s d e r i c h e f l e s d a n s f o n fein , q u ' e l l e étale d e m a g n i f i c e n c e a u - d e h o r s . L e s édifices f o n t g é n é r a l e m e n t d ' u n e b e a u t é e x t r a o r d i n a i r e . O n fait "monter l e n o m b r e d e fes habitans à v i n g t - q u a t r e
mille,
d o n t plus d e q u a t r e m i l l e f o n t E f p a g n o i s & l e r e f l e d e race A m é r i c a i n e , o u N è g r e s & M u l â t r e s -, la p l u p a r t fi a i f é s , qu'ils pafleraient p o u r r i c h e s d a n s t o u t e autre contrée du m o n d e . L e G o u v e r n e u r fait fa r é f i d e n c e o r d i n a i r e d a n s la V i l l e . Il était i n d é p e n d a n t , p o u r l e m i l i t a i r e -avant 1 7 3 ?
.
j m a i s , d e p u i s l ' é l e c t i o n d'un Officier
D E S
V O Y A G E S .
Vice-Roi
f u p r é m e , fous le n o m d e
393
d e la
Nou
v e l l e - G r e n a d e , il e n r e l è v e d a n s les affaires
de
cette n a t u r e , c o m m e on peut appeller, pour
les
TierraFirme,
affaires c i v i l e s , à l ' A u d i e n c e d e Sanca-Fé. La J u r i f d i c t i o n fpirituelle d e l ' E v ê q u e s'étend auiîi l o i n que
le
Gouvernement
militaire
&
civil.
Elle
f o r m e u n T r i b u n a l , c o m p o f é d u Prélat & d e f o n C h a p i t r e , m a i s q u i n'a rien d e celui d e l'Inquiiirion , d o n t
commun
la J u r i f i i é t i o n
avec ren
f e r m e Tifie E f p a g n o l e , o ù il fur d ' a b o r d é t a b l i , Tierra-Firme
& Santa-Fé. O u t r e c e s T r i b u n a u x ,
Ç a r t h a g è r i e a (a M a g i f t r a r u r e f é c u l i e r e , c o m p o f é d e Régidors , deux
p a r m i l e f q u e l s o n élit
tous
les ans
A l c a d e s ; c e s d e u x e m p l o i s font o r d i n a i r e
m e n t r e m p l i s par d e s habitans d e la p r e m i è r e diftinction.
La C h a m b r e
d u T r é f o r eft
également
c h a r g é e d e la p e r c e p t i o n & d e la d i f t r i b u t i o n d e t o u s l e s d e n i e r s R o y a u x . Enfin C a r t h a g è u e n'étant pas m o i n s u n e P l a c e d e g u e r r e q u e d e c o m m e r c e , elle a f o
n
A u d i t e u r m i l i t a i r e , q u i eft le C h e f d ' u n e
cfpèce d e j u r i f d i c r i o n . C'eft galions
dans
l
Baie d e
a
arrivent , p o u r y
dille du Pérou A u premier
f
e
f; 0
c
avis q u ' ^
n e n t la r o u t e d e
Carthagène attendre que
rendue e i l
r e
que
les
l'Arma-
devant Panama.
ç i v e n t , ils p r e n 0
P o r t o - B e l l o , o ù fe t i e n t
une
f o i r e , après l a q u e l l e ils r e v i e n n e n t f a i r e , dans la B a i e , les proviiîons neceflaires à leur r e c o u r , &
394
H I S T O I R E
G É N É R A L E
b i e n t ô t ils fe h â t e n t d e r e m e t t r e a la v o i l e . D a n s Tierraïirme.
l e u r a b f e n c e , la B a i e eft e x r r ê m e m e n t
bclandres
A peine y voit-on quelques ques du
pays,
qui
déferte. ou f e l o u
n e s'y a r t ê t e n t q u e p o u r l e
carénage o u le raboub. Carthagène tendent
érant la p r e m i è r e
échelle o ù
fe
les g a l i o n s , o n d o i t fe faire u n e h a u t e
i d é e d u c o m m e r c e d ' u n e V i l l e , q u i r e ç o i t l e s pré-, mices
de
tout
ce
qui
palïe
d'Efpagne
l ' A m é r i q u e M é r i d i o n a l e , E n effet ,
les
dans
ventes,
q u o i q u e dépouillées des formalités qui s'obfcrvent à
P o r t o - B e l l o , y font o r d i n a i r e m e n t
fort c o n f i -
dérables. Les N é g o c i a n s des Provinces intérieures Méridionales , telles &
Quito , y apportent
que
Santa - F é ,
leurs
c e u x q u ' o n leur a confiés p o u r à-dire , pour employés
en
Yencorniada
}
des commiffions. marchandifes
Popayan
p r o p r e s f o n d s , 8c c'efl-
Ces
fonds font
en
provifions.
&
Santa-Fé & P o p a y a n n e p o u v a n t r e c e v o i r l e s u n e s &
les
autres q u e
par
la v o i e d e C a r t h a g è n e
leurs marchands v i e n n e n t
,
dans cette V i l l e a v e c
d e l'argent 8c d e l'or , m o n n o y é s , e n l i n g o t s & en
poudre,
ils a p p o r t e n t
autii d e s c m e r a u d e s ,
q u i font l e s p i e r r e r i e s les plus e f t i m é e s d a n s c e s régions , à
&
d o n t il fe t r o u v e d e r i c h e s m i n e s
Santa-Fé. Cependant , depuis
raudes
ont
beaucoup
E u r o p e , fur - t o u t
en
perdu
que
de
Efpagne
,
les
éme-
leur
prix
où
elles
en
D E S ront
prefque
V O Y A G E S .
plus r e c h e r c h é e s , c e
395
commerce,
q u i était a u t r e f o i s c o n f i d é r a b l e , efl: e x t r ê m e m e n t
Firme.
déchu. Pendant
le temps
q u e les galions
partent à
C a r t h a g è n e , & q u e D o n d ' U l l o a n o m m e la p e t i t e f o i r e , on y voit quantité d e boutiques o u v e r t e s , {bit au profit d e s E f p a g n o l s arrivés fur l e s g a l i o n s , foit
à celui
d e s marchands
C a r g a d o r e s favorifent
de
la V i l l e .
Les
les uns & les autres, e u
leur fourniflant d e s m a r c h a n d i f e s à m e f u r e q u ' e l l e s fe vendent. Dans cet intervalle , tout le m o n d e gagne. Les uns donnent à louage d e s chambres & d e s b o u t i q u e s , l e s autres t i r e n t u n prix a v a n t a g e u x des ouvrages d e leur profeflïon. Ceux q u i o n t d e s e f c l a v e s , profitent d e l e u r t r a v a i l , d o n t l e falaire a u g m e n t e à p r o p o r t i o n d u b e f o i n q u ' o n a
d ' e u x . L'argent
c i r c u l e d e t o u t e s parts. Il e n
refte à q u a n t i t é d ' e f c l a v e s p s u r a r h e t c r
leur l i
b e r t é , après a v o i r p a y é à l e u r s m a î t r e s c e q u ' i l s doivent pour l'occupation journalière. C e s avan t a g e s s'étendent j u f q u aux p l u s d e la d é p e n d a n c e prix
Tierra-
raiférables
de- Carthagène,
d e s denrées , q u i a u g m e n t e
villages
par l e feui naturellement
a v e c la c o n f o r m a t i o n . Mais ce m o u v e m e n t n e dure q u e pendant le féjour d e s g a l i o n s d a n s la B a i e . A p r è s leur part , t o u t
rentre dans l e lilence &
dé
l'inaction.
A u d i c e t e m p s eft-il n o m m é l e temps mort. L e
396 HISTOIRE GÉNÉRALE commerce Tierraïirme.
avec
particulier
t o u s l e s autres
prefqu a
rien. E l l e
Havane
&
que
fait
alors
G o u v e r n e m e n s , fe
réduit
reçoit
la
Ville
d e la T r i n i t é , d e la
de S a i n t - D o m i n g u e ,
Jandres c h a r g é e s d e
tabac & d e
quelques
bé-
fucre , qui r e
p r e n n e n t p o u r c a r g a i f o n d u cacao d e la M a g d e l è n e , d e s vafes d e t e r r e , d u riz & d'autres
mar-
c h a n d i f e s rares
trois
dans
c e s Ifles. Il fe parte
m o i s , fans q u ' o n v o i e paraître lin d e c e s b â t i i n e n s . Oh
n'en
fair
pas partir b e a u c o u p plus d e C a r -
thagène. Quelques-uns vont à Nicaragua, à VéraCruz ,
à Honduras, &
plus
Couvent à
Porro-
B e l l o , à C h a g r e o u à Sainte - M a r t h e •, m a i s c e commerce de
efb très-faible , p a r c e
ces lieux
q u e la p l u p a r t
étant p o u r v u s d e c e s m ê m e s
den
r é e s , o n a p e u d'occafions d e trafiquer a v e c e u x . C e qui foutieut C a r t h a g è n e ,
en tiempo muerto
y
a u t e m p s m o r t , c e f o n t l e s b o u r g a d e s d e fa j u r i f d i d i o n , d ' o ù l'on a p p o r t e t o u t c e qui eft n é . c e f l a i r e à la fdbfiftance d e l e s h a b i t a n s , d a n s d e s canots,
o u dans u n e e f p è c e d e b a t e a u x , q u ' i l s
nomment
champanes.
Les premiers côtoient t o u -
j o u r s le r i v a g e d e la m e r , Se les f é c o n d s nent
par
la
rivière d e
vien
la M a g d e l è n e , o u par
celle d e Z e n u . En échange
d e s d e n r é e s , ils fe
c h a r g e n t d e q u e l q u e s etoties , d o n t l e s b o u t i q u e s d e s N é g o c i a n s font p o u r v u e s par l e s g a l i o n s , o u q u e l q u e f o i s par l e s prifes d e q u e l q u e s c o r f a i r e s .
D E S
V O Y A G E S ,
397
T o u s l e s a l i m e n s d u pays n e p a i e n t aucun droir. rr.
Tierra 1 il croit p o u v o i r v e n d r e la chair Fit rat;
C h a c u n a la l i b e r t é d e t u e r , d a n s fa m a i f o n , l e s animaux
dont
dans
jour , car c e l l e m ê m e
un
de
p o r c ne Te
m a n g e p o i n t falée à C a r t h a g è n e , & l e s c h a l e u r s ne
permettent
fraîche.
pas d e
la
garder
Les denrées qu'on
l o n g - remps
apporte d'Efpagne ,
t e l l e s q u e l'eau d e - v i e , l e v i n , l ' h u i l e , l e s d e s & les raifms f e c s , p a i e n t u n d r o i t &
fe v e n d e n t e n f i a t e
vendent
e n détail ,
cavale
droit
,
d'entrée,
librement. Ceux ne
impofé
font fur
aman
qui
l'ai-,
alTujétis qu'à
les
échopes
les
&
les
boutiques. O u t r e l e s m a r c h a n d j f e s , q u i f o n t l'entretien d e c e petit
c o m m e r c e i n t é t i e u r , la V i l l e a
l'Affluite
l o n g - t e m p s un bureau pour Nègres , que
les vaiiïeaux
y
depuis
des efclaves
apportent.
Ils
y
reftent c o m m e e n d é p ô t , jufqu'à c e qu'ils f o i e n t a c h e t é s p o u r l e s P r o v i n c e s i n t é r i e u r e s , o u ils f o n t e m p l o y é s aux p l a n t a t i o n s , q u e l e s E f p a g n o l s n o m ment
ha-^endas.
Mais ce bureau
&
ceux
finances r o y a l e s , établis à C a r t h a g è n e , n e
des pro-
d u i f e n t pas m ê m e affez p o u r l ' e n t r e t i e n d e s f o r tifications , d u G o u v e r n e u r , d e d e s autres O f f i c i
e r s
du
la g a r n i f o n
R o i . O n y fupplée
l e s d e n i e r s r o y a u x d e Santa-Fé & d e i
& par
Quito.
A C a r t h a g è n e , c o m m e d a n s t o u t e s les a u t r e s
Colonies
de l'Europe, l
e s
habitans font
divifés
398
H I S T O I R E
G É N É R A L E
e n différentes races. L e s Blancs f o r m e n t , TicrraFinnc.
comme
1
a i l l e u r s , d e u x e f p c c e s ; c e l l e des E u r o p é e n s , q u ' o n y appelle Chaperons, & celle des C r é o l e s , ou des b l a n c s nés d a n s l e p a y s . L e n o m b r e d e s p r e m i e r s efl: p e u c o n f i d é r a b l e , p a r c e q u e la plupart r e t o u r n e n t e n E u r o p e , après a v o i r g a g n é q u e l q u e c h o f e , o u patient plus l o i n , p o u r a u g m e n t e r leur tune. C e u x
qui
fe
font
fixés
à
for
Carthagène , y
poiré-
f o n t p r e f q u e t o u t le c o m m e r c e . L e s C r é o l e s
d e n t les terres. O n en c o m p t e q u e l q u e s familles d'une grandediftinctian , c ' e f t - à - d i r e descendues d ' A y e u x N o b l e s q u i fe f o n t établis dans la V i l l e > après
y avoir e x e r c é les
plupart fe font
premiers emplois.
La
m a i n t e n u e s d a n s l e u r luftre-, e n
s'alliant d a n s l e P a y s a v e c l e u r s é g a u x , o u
avec
des
Il f e
Européens
e m p l o y é s fur les
galions.
t r o u v e q u e l q u e s f a m i l l e s d e Blancs p a u v r e s , e n t é e s fur d e s f a m i l l e s A m é r i c a i n e s , o u d u m o i n s alliées a v e c elles. Quand
la c o u l e u r n e l e s rrahit p a s ,
ils fe c r o i e n t h e u r e u x d'être c o m p t é s au n o m b r e d e s Blancs. Mais
la
divifion
efl: plus difficile
entre
les
e f p è c e s q u i d o i v e n t l e u r o r i g i n e au m é l a n g e d e s Blancs é k d e s N o i r s . A p r è s l e s N o i r s o u l e s N è g r e s > & les M u l â t r e s , q u i v i e n n e n t d'un Blanc & N o i r e , o u d'un N o i r fieme
efpèce ,
d'une
& d ' u n e B l a n c h e , la t r o i -
provenue des Blanches avec
les
M u l â t r e s , o u d e s M u l â t r e f l e s a v e c l e s B l a n c s , fc
D E S
399
Tercerons. L a q u a t r i è m e e f l c e l l e TierraQuarterons j q u i v i e n t d u m é l a n g e d e s
"homme des
V O Y A G E S .
les
Firme.
T e r c e r o n s a v e c l e s Blancs. Enfin la c i n q u i è m e , q u i vient du mélange des Quarterons & d e s B l a n c s , efl
celle
d e s Quinterons.
s'éclaircilTent
fënfiblement
Comme
l e s nuances
à chaque
d e g r é , il
n'efl plus q u e f l i o n d e race N è g r e a u c i n q u i è m e " ; on n e diflingue point les Quinterons des B l a n c s , n i p o u r l e s m a n i è r e s , n i pour la c o u l e u r . L e s enfans d ' u n Blanc le
& d'une Q u i n r e r o n e
n o m d'Efpagnols.
I l font
lî j a l o u x
portent de cet
h o n n e u r , q u e fi par hafard on s'y m é p r e n d , & qu'on
l e s fuppofe
d'un d e g r é
p l u s b a s , ils f e
c r o i e n t injuriés. M a i s , a v a n t q u e d'arriver à c e t t e c l a f l e , il y a d e s obftacles q u i p e u v e n t
les en
éloigner. Entre le Mulâtre & le N è g r e , on dift i n g u e u n e race i n t e r m é d i a i r e , n o m m é e Sambo , q u i p r o v i e n t d u m é l a n g e d e c e s d e u x races a v e c l e fang
Américain ,
ou des deux
races é n -
f e m b l e . L a race d u P e r e fait u n e autre d i f t i n c t i o n . E n t r e l e s T e r c e r o n s & les M u l â t r e s , l e s "Quarterons & l
e s
ceux
Tente en el Àyre , c ' e f t - à - d i r e
qui fe nomment Enfans d e l'Air
Tercerons, on compte
t
p
a r c e
qu'ils n'avancent
ni
t
ne
reculent. L e s enfans, é s du mélange d e s Quar n
t e r o n s o u d e s Q u i n t e r o n s a v e c l e fang
Mulâtre
Salto atras, c'eft-àd i r e , Saut - e n - A r r i è r e , parce qu'au l i e u d'avance?
o u T e r c e r o n , font n o m m é s
400
H I S T O I R E
G É N É R A L E
& d e d e v e n i r Blancs, ils onr reculé
s
en fe rap--
TIERRA-
prochanr d e la race des N è g r e s . D e m ê m e , t o u s
HRMET
les enransfortis du mélange a v e c l e f a n g Américain depuis le N è g r e jufqu'au Q u i n t e r ó n font n o m m é s Ssimbos
de N è g r e s de Mulârre, de T e r c e r ó n , & c ' }
T e l l e s font les races les plus c o m m u n e s : n o n qu'il ne s'en t r o u v e b e a u c o u p d'autres qui v i e n n e n t d e diverfes unions -, mais les efpcces en font iî obicures , q u e fouvenr
ils ne favent pas e u x -
m ê m e s à quelle clalîe
ils a p p a r t i e n n e n t .
Ces
caftes ou r a c e s , à c o m p t e r depuis les Mulâtres julqu'aux Q u i t t e r o n s , font, toutes vêtues à
l'Ef-
p . g n o l e , & d'habits fort l é g e r s , fans autre raifon q u e la chaleur d u climat. Leurs e x e r c i c e s , dans la
Ville
y
fe réduifent aux
arts
mécaniques i
a u - l i e u q u e les C h a p e r o n s & les Créoles
3
re
g a r d e n t ces occupations c o m m e indignes d'eux., s'attachent u n i q u e m e n t préférer
au c o m m e r c e ,
jufqu'à
la mifere à l'humiliation d'exercer
les
métiers -qu'ils ont appris en E u r o p e . E n t r e toutes ces races , celle des Nègres n'eft pas la moins n o m b r e u f e . Elle eft divifée en d e u x .claffes, celle des N è g r e s l i b r e s , & celle dès efc l a v e s , qui fe fubdivifenr encore en créoles & e n bocales,
ou nouveaux-venus. U n e partie d e ces
d e r n i e r s eft occupée à la culture des plantations. Ceux qu'on
retient dans la Ville , y font e m
ployés aux travaux les plus r u d e s , q u i leur font allez
DES VOYAGES.
401
pliez gagner pour payer , chaque jour, à leurs maîtres ,> une partie d e leur falaire , & pour fe
Tierra-
nourrir d u r e f t e .
Firme,
La chaleur les difpenfant
de
p o r t e r aucune forte d'habics, ils vont nus c o m m e en A f r i q u e , à la réferve
d'un petit pagne d e
coton , d o n t ils fe couvreur le milieu du corps. Les
efclaves Négrelles
ne font
pas a u t r e m e n t
vêtues, Elles font mariées à la c a m p i g n e , avec les N è g r e s qui cultivent les champs , ou fans c è d e occupées dans la Ville à v e n d r e des fruits, des confitures , des gâteaux d e maïs ou d e caffave , &
d'autres
alimens. Celles
qui ont
de
petits
enfans , les p o r t e n t fur les épaules , pour fe c o n ferver la liberté des b r a s , & les leur
lait , fans les faire
L e u r s mamelles , la N a t u r e , leur
riourriffent
changer d e
de
fitnation.
donr elles laifïent le foin à pendant quelquefois
jufqu'au.-
deffbus du v e n t r e , il n'eit pas furprenanr qu'elles puilTent
les
préfenter
pardefious
l'aidelle
ou
pardelïus l'épaule, aux enfans qu'elles p o r t e n t fur le d o s . L'habillement des blancs .eft peu différent
à
Carthagène , d e celui q u e fes Fondateurs y o n t a p p o r t é d'Efpagne.
L'étoffe en eft feulement fort
l é g è r e . Les veftes,
p a r
fine d e Bretagne , l
e s
p o u r p o i n t s d e taffetas
e x e m p l e , font d e toile culottes d e m ê m e , & les U
n
i , d o n t l'ufage eft g é
néral , fans aucune exception d e rang. Les p e r -
Tome
XII,
C ç
TierraFirme.
402
H I S T O I R E
ruques
y
étaient
q u ' o n n'en ques
G É N É R A L E
encore
fi
rares
en
17 3 Ç 5
v o y a i t qu'au G o u v e r n e u r &
à quel
Officiers : au-lieu d e cravates , o n
tente de
fermer
le
col
fe
con
d e la c h e m i f e a v e c
un
g r o s b o u t o n d'or , & l e plus f o u v e n t o n le laifTe o u v e r t . Plufieurs v o n t n u e t ê t e , & les c h e v e u x coupés
au
c h i g n o n -,
b o n n e t blanc d e
roilc
mais
la plupart
fine.
Ils p o r t e n t , p o u r fe
rafraîchir , d e s é v e n t a i l s tiffus d'une palme avec
fine & un
bout
déliée , en forme d e la m ê m e
ont
efpèce
un
de
d e croifTant ,
p a l m e , q u i fett d e
manche. L e s f e m m e s blanches ont une forte d e nommée &
pollera,
jupe,
1
q u ' e l l e s attachent à la c e i n t u r e ,
q u i p e n d jufqu'aux t a l o n s , d e taffetas u n i
&
fans d o u b l u r e . U n p o u r p o i n t l e u t c o u v r e l e refte du
c o r p s ; m a i s e l l e s n e l e p o r t e n t q u e d a n s la
faifon
qu'elles n o m m e n t hiver , & n'ont en été
qu'un
cotfet
elles
lacé fur
n e fortent
jupe. Leur
la
poitrine.
M a i s jamais
d u l o g i s fans la m a n t i l l e &
u f a g e eft d'aller à l'Eglife d è s
la
trois
h e u r e s d u m a t i n , pour é v i t e r la c h a l e u r d u j o u r . Celles
qui
mettent
ne
font pas
pardelTus
la
exactement
pollera ,
une
blanches, jupe
de
t a f f e t a s , d e l à c o u l e u r qu'elles a i m e n t , à l ' e x c e p r tion
de
jupe
eft
la n o i r e , qui leur eft i n t e r d i t e . toute
percée d e
petits trous
,
Cette pour
laifler v o i r c e l l e q u i eft d e f l o u s . E l l e s fe c o u v r e n t
D E S
V O Y A G E S ;
403
l a t ê t e d'un b o n n e t d e t o i l e b l a n c h e , d e la f o r m e d'une m i t r e , & fort garni d e d e n t e l l e s . Il eft t e r m i n é
Tierra-
par u n e p o i n t e , q u i r é p o n d p e r p e n d i c u l a i r e m e n t
Firme,
au
front. Jamais
elles
ne
coëfture. L e s f e m m e s d e
paraiflent fans
condition ne
cette
portent,
pour chaulfùre , qu'une efpèce d e petites mules , o ù il n'entre q u e la p o i n t e d u p i e d . D a n s l e u r s maifons , elles n e quittent
p o i n t leurs
hamacs,
Se l e u r o c c u p a t i o n eft d e s'y b e r c e r , p o u r fe r a f r a î c h i r . L e s h o m m e s a i m e n t auflr c e t t e ( î t u a t i o n , q u e l q u e i n c o m m o d e q u ' e l l e paraiile par la diffi c u l t é d'y b i e n é t e n d r e l e c o r p s . O n n e v a n t e ni l'application , ni l e f a v o i r d e s h a b i t a n s d e C a n h a g è n e -, m a i s i l n'eft pas f u r p r e n a n t qu'il y ait p e u d ' é m u l a t i o n , d a n s u n p a y s o ù l'on n e p e u t fe
propofer aucun avancement
par l ' é t u d e d e s S c i e n c e s : l'efprit & la p é n é t r a t i o n n e laiflent
pas d'y ê t r e d e s
m u n e s dans les d e u x
qualités
fort
com
f e x e s . O n c o m p t e auffi la
c h a r i t é e n t r e leurs p r i n c i p a l e s v e r t u s , f u r - t o u t à l'égard
des Européens ,
l'expreffion
d u Pays ,
qui pour
venant ,
fuivant
brujquer f o r t u n e
n e t r o u v e n t f o u v e n t q u e la m i f e r e , l e s m a l a d i e s , &
m ê m e la m o r t . L e s v a i i f e a u x E f p a g n o l s n'ar
r i v e n t jamais fans a p p o r t e r u n e e f p è c e qu'on
nomme
fans b i e n , riers, qui
Pulido ns
3
gens
d'hommes, fans
emploi ,
fans r e c o m m a n d a t i o n , vrais a v e n t u viennent
chercher
fortune C
c
dans ij
un
404 HISTOIRE GÉNÉRALE p a y s o ù ils n e font c o n n u s d e p e r f o n n e , & q u i , après Tierra-
a v o i r l o n g - t e m p s c o u r u l e s rues d e la V i l l e , fans
firme,
r i e n t r o u v e r q u i r é p o n d e à leurs e f p é r a n c e s , o n t , ' pour dernière reffource, le Couvent
des C o r -
d e l i e r s , o ù ils r e ç o i v e n t d e la b o u i l l i e d e caff a v e , m o i n s p o u r appaifer l e u r les
empêcher de
mourir.
faim,
que pour
L e coin d'une
place
o u la p o r r e d ' u n e E g l i f e , eft leur g î t e p o u r la nuit.
On
qu'il n'y
l e s laiffe a
confiance à
point
dans
cette mifere , parce
d'habitant q u i o f e
leurs f e r v i c e s .
prendre
Quelquefois un N é
g o c i a n t , q u i palfe dans l e s P r o v i n c e s i n t é r i e u r e s , &
q u i a b e f o i n d e groffir fa fuite , choifit u n
d e ces malheureux
Chapetons,
qu'il
a v e c l u i . L e c h a g r i n d ' u n e fi trifte
emmené
fituation, &
la m a u v a i f e qualité d e l e u r n o u r r i t u r e , l e s j e t t e n t enfin dans u n e m a l a d i e , q u i a pris d ' e u x l e n o m de
Chapetonade.
fuge
Us n'ont plus alors d'autre r e
q u e la P r o v i d e n c e -, car o n
ne
reçoit
à
l'Hôpital d e Carthagène , q u e ceux qui paient l e s fecours qu'ils d e m a n d e n t , & par c o n f é q u e n t la
mifete
eft
u n titre
d'exclufion.
C'eft
à ce
p o i n t q u e l e P e u p l e l e s attend , p o u r faire éclater fa c h a r i t é . L e s N é g r e l T e s & l e s Mulâtrefles l i b r e s s'emprelTent alors d e les retirer d a n s leurs m a i fons ,
o ù elles
les affilient
&
l e s font
guétir
à leurs d é p e n s ; s'ils m e u r e n t e n t r e leurs m a i n s , e l l e s l e s font e n t e r r e r
?
& leur zèle
va jufqu'à
D E S
V O Y A G E S .
405
Faire d i r e p o u r e u x d e s P r i è r e s & d e s M e f f e s . finifîent
Tierra-
à la famé , par u n
Firme.
A la vériré l e s t é m o i g n a g e s d e c o m p a f f i o n pour
ceux
mariage
qui reviennenr
avec
leur bienfaitrice,
ou avec
quel
q u ' u n e d e fes filles. L e s P u l i z o n s q u i n'ont p a s l e b o n h e u r d'être
affez
la
pitié d e s f e m m e s d e
à
la fin l e
de
fe
malades pour intérefler
parti d e fe
retirer
dans
Carthagène, prennent faire
quelques
Canotiers ,
ou
villages , pour y
v i v r e d e la c u l t u r e d e s rerres & d u fruit d e l e u r travail. L'eau-de-vie,
l e c h o c o l a t , l e s confitures & l e
m i e l , font la paflion d e tous l e s états & d e t o u t e s l e s r a c e s , dans la V i l l e d e C a r t h a g è n e , C e l l e tabac à f u m e r eft e n c o r e plus v i v e .
du
Là t o u t l e
m o n d e f u m e , h o m m e s , f e m m e s & e n f a n s , fans d i f t i n é t i o n d'âge ni d e rang. L e s D a m e s & l e s f e m m e s blanches
n e f u m e n t q u e d a n s l'intérieur
d e leurs m a i f o n s , m a i s c e t t e r e t e n u e imitée
d e s autres caftes. L e s l i e u x
n'eft
pas
n e fonr pas
plus d i f t i n g u é s q u e l e s t e m p s . La m é t h o d e c o m m u n e eft d e f u m e r d e p e t i t s r o u l e a u x d e tabac e n f e u i l l e . U n e f e m m e t i e n t e n t r e fes l è v r e s
l'extré
m i t é d'un b o u t d e tabac a l l u m é e , d o n t e l l e
tire
affez l o n g - t e m p s la f u m é e . f a n s l ' é t e i n d r e , & fans ê t r e i n c o m m o d é e du f e u . L e s f e m m e s d e la p l u s h a u t e d i f t i n & i o n , s ' a c c o u t u m e n t à f u m e r dès l'en» C
c
iij
•
406
HISTOIRE
GÉNÉRALE
f a n c e . U n e d e s plus g r a n d e s m a r q u e s d ' e f t i m e TierraFirme.
d'amitié
qu'elles
puiflent d o n n e r
aux
&
hommes,
c'eft d ' a l l u m e r p o u r e u x d u tabac , & d e l e u r e n p r é f e n t e r d a n s l e s vifites q u ' e l l e s r e ç o i v e n t . ferait auffi l e s o f f e n f e r b e a u c o u p , q u e d e
Ce
refufer
c e t t e g a l a n t e r i e d e leur m a i n . Enfin la d a n f e eft en c o r e u n e paffion d e s d e u x f e x e s à C a r t h a g è n e . L e s bals c o m m e n c e n t par q u e l q u e s d a n f e s d ' E f p a g n e , & finiflent par c e l l e s d u p a y s , q u i n e font pas fans a g r é m e n t p o u r les é t r a n g e r s , fur-tout a v e c les c h a n fons dont elles font a c c o m p a g n é e s . L e c l i m a t eft e x c e f f i v e m e n t c h a u d . D a n s l e s o b f e r v a t i o n s d u T h e r m o m è t r e , l e 19 d e N o v e m b r e l
1 7 5 5 , ta l i ]
u e u r
f
e
f o u t i n t à 1 0 2 5 \ , fans a u t r e
v a r i a t i o n , e n différentes h e u r e s , q u e d e p u i s 1 0 2 4 jufqu'à i c 2 c î . La m ê m e a n n é e , à P a r i s , la l i q u e u r d u T h e r m o m è t r e monta , le
16 J u i l l e t ,
à trois
h e u r e s d u f o i r , & le 10 d ' A o û t , à t r o i s h e u r e s & d e m i e , jufqu'à chaleur
1025 ï > &
c
e
f
llt
l a
P'
u s
grande
q u ' o n y f e n t i t c e t t e a n n é e ; par confis
q u e n t la c h a l e u r d u j o u r l e plus c h a u d d u c l i m a t d e Paris eft c o n t i n u e l l e à C a r t h a g è n e . M a i s la n a t u r e d u c l i m a t fe fait e n c o r e m i e u x fenrir d e p u i s l e m o i s d e M a i jufqu'à la fin d e N o v e m b r e , q u i eft la faifon q u ' o n
y
nomme
l'hiver,
parce q u ' a
l o r s l e s p l u i e s j les t o n n e r r e s & l e s éclairs y f o n t fi f r c q u e n s q u e , d'un i n f t a n t à l ' a u t r e , o n v o i t l e s
D E S
V O Y A G E S .
407
o r a g e s fe f u c c é d e r . L e s rues d e la V i l l e font i n o n d é e s , & l e s c a m p a g n e s f u b m e r g é e s . O n profite d e c e s occafions
p o u r r e m p l i r l e s c i r e m e s , q u i fup-
p l é e n t au défaur d e r i v i è r e & d e f o u r c e . O u r r e c e l l e s d e s m a i f o n s p a r t i c u l i è r e s , il y e n a d e fort l a r g e s f o u s l e s t e r r e s - p l e i n s d e s b a t t i o n s . O n a d e s puits e n grand n o m b r e , mais d'une eau f a u m a c h e , q u i n'eu: pas p o t a b l e , & q u i n e fert qu'aux u f a g e s d o meftiques. D e p u i s l e m i l i e u d e D é c e m b r e jufqu'à la fin d ' A v r i l , la c h a l e u r eft u n p e u d i m i n u é e par l e s v e n t s d u N o r d , q u i rafraîchiiïenr alors la terre. C'eft néanmoins cet efpace d e t e m p s qu'on n o m m e l'été,
c o m m e o n d o n n e l e n o m d e petit été à c e
l u i q u i eft v e r s la S a i n r - J e a n , p a r c e q u e l e s p l u i e s y
celïent pendant un mois , & font
place
aux
m ê m e s v e n t s : m a i s , en g é n é r a l , les chaleurs font c o n r i n u e l l e s , a v e c p e u d e d i f f é r e n c e e n t r e la n u i t Se l e j o u r ; d ' o ù il a r r i v e q u e la tranfpiration d e s c o r p s l'étant a u i î i , t o u s l e s habitans o n t u n e c o u l e u r fi p â l e Se fi l i v i d e , q u ' o n l e s croirait r e l e v é s d e quelque grande maladie. Leurs actions m ê m e s s'en r e f f e n t e n t ,
p
a
t o n d e leur v o i x p
r
u
n
a r
f
mollefïe
e
a
finguliere,
& le
lenteur. C e u x qui arrivent
d e l ' E u r o p e c o n f e r v e n t , p e n d a n r trois o u quarre m o i s , leurs
forces & j
d e g r é s , ils d e v i e n n e n t
e
u
r
c o u
l e u r -, m a i s . par
femblables C
c
aux anciens iv
TierraFirme.
408
H I S T O I R E
G É N É R A L E
habitans , c'eft à - d i r e , q u ' a v e c u n e a l l e z bonne!' Tierraturne.
r
f a n r é , ils p a a i f l e n t
en manquer.
Ils ( o n t fujers d'ailleurs à plufîeurs fortes d e maladies.
Celle
q u i m e n a c e les E u r o p é e n s ,
q u ' o n a déjà n o m m é e Chapetonade
&
, par allufîon
au n o m d e C h a p e t o n , d o n t o n n e n o u s a p p r e n d pas l ' o r i g i n e , e m p o r t e é q u i p a g e s , après
fouvent
u n e partie d e s
l'arrivée d e s vaiffeaux. Sa n a
t u r e "eft p e u c o n n u e . E l l e v i e n t à
quelques-uns
d e s'être t r o p r e f r o i d i s ; à d ' a u t r e s , d e q u e l q u e i n d i g e f t i o n , d ' o ù fuit u n v o m i f l e m e n t m o r t e l a c c o m pagné
q u e l q u e f o i s d'un Ci furieux d é l i r e , q u ' o n
eft o b l i g é d é l i e r le m a l a d e , pour l'empêcher d e f e d é c h i r e r e n p i è c e s . Il e x p i r e a u m i l i e u d e f e s tranfports, c o m m e dans u n e efpèce d e rage. U n e a u t r e m a l a d i e , fort c o m m u n e à C a r t h a g è n e & dans t o u t e fa J u r i f d i c t i o n , c'eft la l è p r e , q u ' o n y n o m m e mal
de faint
Lazare.
Ceux
qui
l'attribuent à la chair d e p o r c , q u i eft la n o u r r i t u r e o r d i n a i r e d u p a y s , n e font pas a t t e n t i o n q u e c e t a l i m e n t n'eft pas m o i n s c o m m u n dans d'autres c o n t r é e s d e l ' A m é r i q u e , & par c o n f é q u e n t qu'il e n faut c h e r c h e r la caufe dans la n a t u r e d u c l i m a t . O n a f o n d é , p o u r e n arrêter la c o m m u n i - i c a t i o n , un g r a n d H ô p i t a l h o r s d e la V i l l e , p r o c h e d ' u n e c o l l i n e , o ù eft l e C h â t e a u , q u i e n tire l e n o m d e San La\aro. Tous.ceux q u ' o n c r o i t a t t a a
D E S
V O Y A G E S .
409
qués d e la lèpre y font r e n f e r m é s fans d i f t i n c t i o n d e f e x e , d ' â g e ni d e r a n g , & s'ils r e f u f e n t aller d e b o n n e g r â c e , o n e m p l o i e
d'y
la force p o u r
TierraFirmej
l e s y c o n d u i r e . Mais le mal n e fait q u ' a u g m e n t e r e n t r ' e u x , parce q u ' o n leur p e r m e t d e s'y m a r i e r , & qu'il fe p e r p é t u e d i n s leurs e n f a n s , fans c o m p t e r q u e les r e v e n u s d e l ' H ô p i t a l étant m é d i o c r e s ; o n laiiïe aux p a u v r e s la l i b e r t é d'aller d a n s la V i l l e , au rifque d ' i n f e c t e r
mendier
c e u x q u i s'en
laiflent a p p r o c h e r . Auffi le n o m b r e d e s
malades
eft-il fi g r a n d , q u e l ' e n c e i n t e d e leur d e m e u r e a l'étendue d'une petite V i l l e . Chacun y jouit d'une petite
portion de
terrain , q u ' o n lui m a r q u e
à
f o n e n t r é e . 11 y b â t i t u n e c a b a n e p r o p o r t i o n n é e à fa f o r t u n é , o ù il vit fans t r o u b l e jufqu'à la fin d e f e s jours. L e s fouffrancesinféparables d e la l è p r e n ' e m p ê c h e n t p o i n t q u e c e u x q u i e n font attaqués n e v i v e n t l o n g t e m p s . O n r e m a r q u e auffi
qu'elle
e x c i t e v i v e m e n t "le f e u ' d e s p a l l i o n s f e n f u e l l e s , & c'eft l ' e x p é r i e n c e
des défordres qu'elles p e u v e n t
caufer , q u i f i c p e r m e t t r e l e m a r i a g e a u x ma-* a
lades. La galle & \
3
r o
g n e font e n c o r e des c o n t a i
g i o n s particulières à C a r t h à g è n e , d u m o i n s par; leur malignité & l
e u r
abondance. Ces deux maux
y d e v i e n n e n t i n c u r a b l e s , p o u r p e u qu'ils f o i e n t n é g l i g é s - L e fpécifiqué
i
«erre d u c a n t o n , n o m m é e
e
p
i
u s
e f f i c a c e , eft u n e
maqulmaqui, q u i
corn
410
H I S T O I R E
G É N É R A L E
f e r v e la m ê m e v e n u d a n s l e s l i e u x o ù e l l e e f t Tierra-
tranfponée.
Firme.
Enfin u n e m a l a d i e e n c o r e
bien plus étrange J
m a i s m o i n s c o m m u n e , eft c e l l e q u i f e n o m m e la
culebrilla o u le ferpenteau. E l l e confifte dans u n e t u m e u r , q u i fe f o r m e e n t r e l e s m e m b r a n e s d e la peau , & qui augmente
fans c e l l e , jufqu'à
ce
q u ' e l l e o c c u p e la c i r c o n f é r e n c e d e la partie q u i e n eft a t t a q u é e . E l l e f e l o g e p a r t i c u l i è r e m e n t a u x bras , a u x cuiffes & a u x j a m b e s . S e s d e faire
marques
extérieures
font
l'enflammer
& d ' y caufer d e s m o r t i f i c a t i o n s . La,
e n f l e r la p e a u ,
de
m a n i e r e d e g u é r i r c e m a l , eft d ' a p p l i q u e r d e s fuppuratifs à l ' e n d r o i t o ù l ' o n c r o i t d é c o u v r i r c e q u ' o n a p p e l l e Za
tete du ferpenteau; 8c
l o r f q u e la
p e a u c o m m e n c e à s ' o u v r i r , il e n fort u n e e f p è c e de
petit n e r f b l a n c , q u i paffe p o u r u n animal*
O u l'aide à fortir a v e c u n e carte r o u l é e , à l a q u e l l e o n l'attache a v e c un fil d e f o i e , &
tous
l e s j o u r s o n p r e n d foin d e l ' e n t o r t i l l e r autour d e la c a r t e , jufqu'à c e qu'il n'en refte plus r i e n d a n s la t u m e u r , q u i n e t a r d e p o i n t e n f u i t e à fe d i f i ï per d'elle-même. C e t t e opération d e m a n d e b e a u c o u p d e p a t i e n c e & d'adreiïe : m a i s , m a l g r é l ' o pinion paraît
établie
à Carthagène , D o n d'Ulloa
pas p e r f u a d é
que le
ferpenteau foit
ne un
animal. PortoBello.
L a V i l l e d e S a i n t - P h i l i p p e d e P o r r o - B e l l o s eft
D E S
V O Y A G E S .
411
fìtuée à 9 d e g r é s 3 4 m i n u t e s 35 f é c o n d e s d e lati tude d u N o r d , & à 277
d e g r é s 50 m i n u t e s d e
l o n g i t u d e d u M é r i d i e n d e Paris , o u 2 9 6
degrés
4 1 m i n u t e s d u P i c d e Tenerife. C e t t e V i l l e d o i t f o n o r i g i n e à la b o n t é de v o i t q u ' e l l e t i r e fon
fon Port , d o n t
nom. Nombre
de
on
Dios,
après a v o i r e l ï u y é d i v e r f e s f o r t u n e s d e p u i s l ' a n n é e 151 o , o ù l'on a r a p p o r t é fa
fondation,
fut a b a n
d o n n é en 1 5 8 4 , par l'ordre de P h i l i p p e I I , & fes habitansfurenr e m p l o y é à former Porto-Bello dans une
firuation
plus, a v a n t a g e u f e p o u r l e
commerce
d'Efpagne. L a V i l l e eft ïe p e n c h a n t
fituée
d'une
en forme montagne
d e c r o i t ï a n t , fur qui environne
le
P o r t . L e s m a l f o n s y font d e b o i s , à l ' e x c e p t i o n d e q u e l q u e s - u n e s , d o n t le p r e m i e r é t a g e eft pierre.
On
n'en
compte
gucres
plus d e
de cent
t r e n t e j mais g r a n d e s & c o m m o d e s . E l l e s f o r m e n t e n f e m b l e u n e r u e p r i n c i p a l e , q u i fuit la
figure
d u Port a v e c q u e l q u e s r u e l l e s q u i la t r a v e r f e n t , du p e n c h a n t d e la m o n t a g n e au r i v a g e . D e d e u x p l a c e s fort fpacieufes , l'une eft v i s - à - v i s d e la C h a m b r e d e s F i n a n c e s , q u i eft" u n b e l édifice d e p i e r r e , & q u i t o u c h e au m ô l e o ù fe font les d é barquemens i l ' a u
t r e
e
ft
proche de
l'Eglife
Pa
r
r o i f f i a l e , d o n t o n v a n t e a l l e z la g r a n d e u r & l e s ornemens
p o u r u n e fi p
e t
;
t e
Ville,
quoiqu'elle
l i e f o i t d e f f e r v i e q u e par u n V i c a i r e &
quelques
TierraFirme.
412
H I S T O I R E
G É N É R A L E
autres Prêtres d u p a y s . Il y a d e u x autres E g l i f e s J TierraFirme.
l'une d e s P P . d e la M e r c i , & l'autre d e SaintJ e a n - d e - D i e u , q u i a p p a r t i e n n e n t aux R e l i g i e u x d e c e s d e u x o r d r e s : mais c e s d e u x C o u v e n s m é ritent à p e i n e c e n o m , fur-tout c e l u i d e la M e r c i q u ' o n r e p r é f e n t e forr p a u v r e & p r e f q u ' e n r u i n e ; l ' a u t r e , q u i d e v r a i t ê t r e u n H ô p i t a l , n'a pas d e fonds pour l'entretien d e s m a l a d e s , & ne reçoit que ceux
q u i font
e n état d e p a y e r
raffiffance
qu'ils y c h e r c h e n t . E n a v a n ç a n t à l'Eft , v e r s l e b o u t d e la V i l l e q u i c o n d u i t à P a n a m a , o n t r o u v e u n Quartier q u i fe n o m m e la petite
Guinée,
parce
qu'il r e n f e r m e t o u s l e s N è g r e s libres. Il eft fort p e u p l e à l'arrivée d e s g a l i o n s .
La plupart d e s ha-!
bitans d e la V i l l e , t r o u v a n t d u ptofit à
louer
l e u t s m a i f o n s a u x E u r o p é e n s d e la flotte , fe reti r e n t dans c e t t e e f p è c e d e F a u x b o u r g , o ù ils n e f o n t pas difficulté
d e fe r é d u i r e a u x c a b a n e s d e s
N è g r e s . D u côté
d e la
m e r , d e n s u n terrain
f p a c i e u x e n t r e la V i l l e & l e C h â t e a u de la
Gloire,
o n dreflè d e s b a r a q u e s p o u r les m a t e l o t s ,
qui fe
f o n t , d e leur c ô t é , d e s b o u t i q u e s , o ù ils é t a l e n t t o u t e s f o r t e s d e d e n r é e s & d e fruits d'Efpag n e : mais la F o i r e n'eft pas plutôt finie , q u e t o u t difparaît a v e c l e s v a i l T e a u x , & la V i l l e t e d e v i e n t déferre. L e feul n o m d u Port e n fait c o n n a î t r e l e s avan t a g e s . L ' e n t r é e e n eft l a r g e , mais aflez b i e n d é -
D E S
VOYAGES
Fendue par un C h â t e a u , n o m m é de
Todo-Fiéro,
compte
Saint-Pkilippe
& fitué à la p o i n t e , d u N o r d . O n
environ
fix
cens
ï'autre, c'eft-à-dire, lieue.
413
toifes
d'une p o i n t e à
un p e u m o i n s d'un quart d e
L e c ô t é d u S u d n'a pas b e f o i n d'autre dé-
f e n f e q u e l e s p o i n r e s & l e s r o c h e r s q u i font à f l e u r - d ' e a u , & q u ' o n n'évite q u ' e n d é r i v a n t v e r s l e N o r d , o ù l'on t r o u v e plus d e fond-, q u o i q u ' e n effet la v é r i t a b l e e n t r é e foit par le m i l i e u d u ca n a l , o ù l'on a t o u j o u r s d e p u i s q u i n z e jufqu'à d i x b r a d e s d'eau , f o n d d e vafe & d e craie , m ê l é d e f a b l e . A la c ô t e q u e l e P o r t f o r m e au S u d , & v i s - à - v i s d e la r a d e , eft un F o t t f p a c i e u x , q u i fe n o m m e Saint
Jacques
de la Gloire.
C'eft à l'Eft
d e c e F o r t , à la d i f t a n c e d ' e n v i r o n c e n t que
toifes,
la V i l l e c o m m e n c e ; e l l e a d e v a n t e l l e u n e
p o i n t e d e t e t r e q u i s'avance d a n s l e P o r t ,8c q u i c o n t e n a i t a u t r e f o i s un p e t i t Fort n o m m é Jérôme
j à
d i x toifes
o u v r a g e s furent
des maifons.
Saint-
Tous
ces
d é m o l i s e n 1 7 4 0 , par l ' A m i r a l
V e r n o n , q i J s trouva également dépourvus d e U
e
d é f e n f e u r s Se d'artillerie. L e m o u i l l a g e vaiffeaux eft
a
des gros
N o r d - O u e f t du Fort d e l à G l o i r e ,
u
c'eft-à-dire, p r f q ' a u milieu d u Port. e
U
Entre les monragnes qui e n v i r o n n e n t
Porto-
B e l l o , d e p u i s la p o i e d e T o d o - F i é r o , d o n t l e n t
F o r t eft à m i - c ô t e d e I
a
p r e m i è r e , jufqu'à celle
<iui eft à l ' o p p o f ï t e , o n e n d i f t i n g u e u n e
fort
Tierra-" Firme,
TierraFirme,
414
H I S T O I R E
G É N É R A L E
haute,
q u i fert
d e T h e r m o m è t r e à là
comme
V i l l e . E l l e d o n n e , d'un c ô t é , fur l e c h e m i n q u i c o n * duit à Panama,
Se d e l'autre fur l e P o r t . O n la
voit prefque toujours couverte d e n u a g e s , f o m b r e s & épais , q u ' o n a p p e l l e Capello , o u de la Montagne,
Bonnet
d ' o ù l u i eft v e n u
apparemment
par c o r r u p t i o n l e n o m d e Capiro.
Si c e s n u a g e s
f e c o n d e n f e n t & s ' é p a i i ï i f l e n t , ils b a i l l e n t d e l e u r h a u t e u r o r d i n a i r e , & c'eft un l i g n e d ' o r a g e : au c o n t r a i r e , s'ils s ' é l è v e n t & s ' é c l a i r c i l f e n t , ils a n n o n c e n t l e b e a u t e m p s . C e s c h a n g e i n e n s fe fucc è d e n t a v e c tant d e p r o m p t i t u d e , q u ' o n d é c o u v r e , r a r e m e n t l e f o m m e t d e la m o n t a g n e , d o n t l'état o r d i n a i r e eft u n e p r o f o n d e o b f c u r i t é . L'air d e P o r r o - B e l l o eft d ' u n e m a l i g n i t é q u i na fe fait pas m o i n s
fentir a u x a n c i e n s habirans d e
la V i l l e , q u ' a u x étrangers. Il p r o d u i t d e s m a l a d i e s m o r t e l l e s o u c a p a b l e s d'affaiblir l e s m e i l l e u r s terri-: p é r a m e n s . O n était p e t f u a d é a u t r e f o i s , qu'il était fort dangereux pour l'accouchement d e s f e m m e s , ' &
cette opinion
l e s faifait partir d e u x
ou trois
m o i s avant l e t e r m e , p o u r aller faire leurs c o u c h e s à Panama. U n e f e m m e d e diftinction ayant h e u reufement bravé
l e d a n g e r , par affection
pour
f o n m a r i , à q u i fes affaires n e p e r m e t t a i e n t p o i n t d e q u i t t e r P o r t o - B e l l o p o u t la fuivre , la p r é v e n t i o n s'eft d i f i i p é e . L e s habitans o n t l e s i d é e s l e s p l u s d é f a v a n t a g e u f e s d e l e u r c l i m a t , Ils a l l u r e n t q u e
D E S
V O Y A G E S ;
415
l e s a n i m a u x d e s autres p a y s c e f l e n t d e m u l t i p l i e r lorfqu'ils font tranfportés d a n s l e u r V i l l e ; q u e l e s p o u l e s 5 par e x e m p l e , q u i v i e n n e n t d e &
d e Carthagène , font
ftériles
Panama
après l e u r a r r i
v é e , & q u e les b œ u f s , amenés d e "Panama, viennent
fi
maigres , qu'on
n'en
peut
de
prefque
p l u s m a n g e r la c h a i r , fans q u e les p â t u r a g e s , d o n c les m o n t a g n e s & les vallons abondent aux envi r o n s d e la V i l l e , puilTent arrêter c e d é p é r i l T e m e n t . L a m ê m e raifon e m p ê c h e q u ' o n n'y e n t r e t i e n n e d e s haras d e c h e v a u x & d ' â n e s . L e s chaleurs f o n t e x c e f f i v e s à P o r t o - B e l l o .
On
e n r e j e t t e p a r t i c u l i è r e m e n t la caufe fur l e s h a u t e s m o n t a g n e s qui l'entourent
& q u i f e r m e n t l e paf-
f a g e au v e n t . L e s arbres épais , d o n t couvertes , ne permettant
vapeurs ,
qui
féché le
à le
continuelle
redefcendent
p l u i e s a b o n d a n t e s , après l e f q u e l l e s commence
font
p o i n t aux r a y o n s d u
S o l e i l d e f é c h e r la t e r r e , il e n fort m e n t d'épaifles
elles
le Soleil
en re
m o n t r e r -, m a i s auffi-tôt qu'il a
f e u i l l a g e d e s arbres & la fuperficie
du
t e r r a i n , il fe t r o u v e e n v e l o p p é d e n o u v e l l e s v a peurs , qui
l'obfcurciflent. Il f u r v i e n t
pluies fubites, & i
e
c e
alors
des
m p s s'éclaircit e n c o r e a v e c
la m ê m e p r o m p t i t u d e , fans q u e t o u s ces c h a n g e m e n s e n fafïent jamais é p r o u v e r dans la c h a l e u r . L e s pluies f o n t d e s o n d é e s v i o l e n t e s , qui paraif'fent c a p a b l e s d e t o u t f u b m e r g e r . Elles f o n t a c c o m -
Tierra^ Firme»
416
H I S T O I R E
G É N É R A L E
p a g n é e s d e t o n n e r r e s & d ' é c l a i r s , a v e c u n fracas Tierra-
fi t e r r i b l e , q u e les plus b r a v e s e n font effrayés,!
Firme.
L e P o r t étant au m i l i e u d e s m o n t a g n e s , r i e n n e p e u t d o n n e r u n e i d é e d u r e t e n t i f l e m e n t q u i s'y f a i t , & q u i e f l e n c o r e a u g m e n t é par l e s cris d e s linges & des animaux d e toute e f p è c e ,
fur-tout
l e foir & l e m a t i n , l o r f q u e l e s vaifleaux t i r e n t l e c o u p d e la retraite o u d u réveil. L ' i n t e m p é r i e d u c l i m a t , q u i fait n o m m e r P o r t o B e l l o , le tombeau
des EJpagnols,
n e laifle g u e r e s
e f p é r e r q u e c e t t e V i l l e foit jamais fort p e u p l é e . L e n o m b r e d e fes h a b i t a n s efl p r o p o r t i o n n é à fa p e t i t e f ï e , & la plupart f o n t N è g r e s o u M u l â t r e s . O n n'y c o m p t e pas plus
d e trente familles d e
B l a n c s , d o n t l e s plus riches n'y partent q u e l e t e m p s d e la F o i r e & fe retirent e n f u i t e à P a n a m a : a i n f i , l'on n e d o i t c o m p t e r d e Blancs.à Porto-Bello,' q u e l e s Officiers retenus p a r l e u r d e v o i r , tels q u e l e G o u v e r n e u r , l e s C o m m a n d a n s d e s F o r t s , l e s Alca d e s & la G a r n i f o n , q u i e f l o r d i n a i r e m e n t d e c e n t y i n g t - c i n q h o m m e s , e n v o y é s d e Panama. L e s ufages d e s habitans différent p e u d e c e u x d e C a t t h a g è n e ; m a i s f e f p r i t d'intérêt efl plus v i f à P o r t o B e l l o , c o m m e fi la paffion d e s richertes r é p o n d a i t a u x d a n g e r s dans l e f q u e l s o n s ' e n g a g e p o u r l e s a c q u é r i r . L e s v i v r e s font r a r e s , & par c o n f é q u e n t t r è s - c h e r s dans l e p a y s , fur tour p e n d a n t le féjour d e s g a l i o n s . O n t i r e alors d e C a r thagènç
D E S thagène
V O Y A G E S .
417
d u m a ï s , d u riz , d e la cafTave , d e s
p o r c s , d e la v o l a i l l e , &
route forte d e
racines.
L e s b e f t i a u x v i e n n e n t d e P a n a m a ; m a i s la
Côte
f o u r n i t d ' e x c e l l e n t p o i f l o n , c o m m e la c a m p a g n e donne
toutes
fortes d e fruits , & b e a u c o u p d e
c a n n e s d o u c e s , d o n t o n fait d u m i e l & d e l ' e a u d e - v i e . L'eau n e m a n q u e
p o i n t d a n s le
canton.
E l l e d e f c e n d d u haut d e s m o n t a g n e s e n t o r r e n s , q u i arrofent les d e h o r s d e la V i l l e o u q u i la t r a v e r s e n t . O n v a n t e la q u a l i t é d e s e a u x p o u r a i d e r à la d i g e f t i o n -, mais c e t t e v e r t u , q u i les ferait e f t i m e r d a n s u n autre c l i m a t , l e s r e n d ici fort nuifibles , p a r c e q u e tant d'activité n e c o n v i e n t p o i n t à d e s e f t o m a c s aufli faibles q u e c e u x d e s h a b i t a n s . E l l e s l e u r caufent d e s d y f f e n t e r i e s , d o n r il eft rare q u ' i l fe d é l i v r e n t ; & c'eft le t e r m e o r d i n a i r e d e t o u t e s leurs autres m a l a d i e s . C e s e a u x , q u i
defcendent
e n c a f c a d e s , f o r m e n r d e petits r é i e r v o i r s dans l e s c a v i t é s d e s r o c h e r s , & l e u r fraîcheur eft a u g m e n t é e par l e f e u i l l a g e d e s a r b r e s , q u i n e p e r d e n r ja m a i s leur v e r d u r e . L'ufage d e s h a b i t a n s , d e l'un & d e l'autre f e x e , &
d e rous l e s â g e s ,
eft
de
s'y aller b a i g n e r c h a q u e j o u r à o n z e h e u r e s d u m a t i n , p o ù r f e rafraîchir d e l ' e x c e f i i v e c h a l e u r q u i b r û l e l e fang. Les montagnes couvertes d e bois &
peuplées
d'animaux f é r o c e s , t o u c h e n t d e fi près aux m a i f o n s d e la V i l l e , qu'il n'y
Tome
XII.
a
p o i n t d e fureté l e
D d
Tierra-, Firme.
418
H I S T O I R E
G É N É R A L E
foir dans les r u e s , pour les poules & les c h i e n s , Tierra-
ni m ê m e p o u r les e n f a n s . U n t i g r e , q u i
Jarme.
u n e fois g o û t à c e t t e c h a f l e , f e m b l e celle des
montagnes. O n
prend
dédaigner
leur t e n d
des
pièges
à l'entrée d e s m u r s . L e s N è g r e s & l e s M u l â r r e s qu'on emploie
louvent à couper
du bois,
autant d'adrelfe q u e d e c o u r a g e à s'en
ont
défendre
d a n s l e s f o r ê t s , & l e s attaquent m ê m e a v e c u n e i n t r é p i d i t é furprenant'e. Ils o n t , p o u r c e reux combat, de long,
un
dange
é p i e u d e fept o u h u i t
pieds
& d'un b o i s f o r t , d o n t la p o i n t e e f t
d u t c i e au f e u , a v e c u n e e f p è c e d e c o u t e l a s . L e Combattant &
fon
tient
coutelas
le tigre
l'épieu
de
d e l'autre
s'élance
fur l e
la
main
gauche ,
m a i n . Il a t t e n d
bras
dont
p i e u , & q u i eft e n v e l o p p é d'une p i è c e Quelquefois l'animal
paraît
d e m e u r e r c o m m e fur
que
il tient
fentir le
l'é
d'étoffe.
péril ,
fes g a r d e s . M a i s f o n
& en
n e m i ne craint pas d e l e p r o v o q u e r , eu le t o u chant l é g è r e m e n t d e l ' é p i e u , p o u r t r o u v e r m i e u x l-'occafion
d'affurer
fon
c o u p . Auffi-tôr
que
fier animal fe v o i t i n f u l t é , il laifit l ' é p i e u de
fes g r i f f e s , Se d e
l'autre patte il
Je bras q u i
tient cette arme.
du
effort,
premier
C'eft
Il l e
(ans l'obftacle
l'inftant d o n t l e
Nègre
le
d'une
empoigne déchirerait
du
manteau.
fe h â t e
de
pro
fiter , p o u r lui d é c h a r g e r fur la j a m b e un c o u p d u c o u t e l a s qu'il tient d a n s la m a i n
droite,
Se
D E S
V O Y A G E S ;
419
sqù'il a e u la p r é c a u t i o n d e c a c h e r d e r r i è r e f o i . D e c e c o u p il lui t r a n c h e l e j a r r e t , & lui fait
Tierra-
abandonner
Firme,
l e bras
qu'il
avait
faifi.
L'animal
f u r i e u x fe r e t i r e e n a r r i è r e , fans l â c h e r l ' é p i e u , Se v e u t r e v e n i r a u f f i - t ô t p o u r faifir l e bras» d e f o n autre patte. M a i s f o n a d v e r f a i r e lui d é c h a r g e u n f é c o n d c o u p , q u i l u i t r a n c h e e n c o r e u n jar ret & q u i l e m e t à fa d i f e r é t i o n .
Après
avoir
a c h e v é d e l e t u e r , il l ' é c o r c h e , & r e v i e n t ttiom-i pliant aVec fa p e a u , fes pattes 8t fa t ê t e . Quoique
les
mauvaifes
la (Virilité
du terroir
s'oppofent
invinciblement
Ville de
&
Porto-Bello,
qualités la rareté aux
elle
du
Climat»
des
vivres,
progrès
devient,
de
la
au t e m p s
d e s G a l i o n s , u n e d e s plus p e u p l é e s d e l ' A m é r i q u e M é r i d i o n a l e . Sa
fituation,
d a n s l'Infime q u i f é -
p a r e la m e r d u S u d * d e c e l l e
du N o r d ,
l'ex
c e l l e n c e d e fon P o r t , & l e v o i l i n a g e d e P a n a m a l'ont fait c h o i l i r
pour le rendez-vous des d e u x
C o m m e r c e s d e l'Efpagne & d u P é r o u , & pour le
théâtre
d'une
d e s plus
fameufes
Foires d u
Monche. Auuì-to.t q u ' o n a p p r e n d la F l o t t e d u P é r o u
s
' fl e
à Carthagène, que
déchargée à
Panama,
l e s G a l i o n s m e t t e n t à la v o i l e p o u r P o r t o - B e l l o , avec caufe
l'impatience
q u e la crainte
aux Equipages.
Le
des
concours
maladies des
Mar
c h a n d s d e l ' u n e & d e l'autre F l o t t e d e v i e n t D
d
ij
fi
420
H I S T O I R E
; grand
G É N É R A L E
à P o r t o - B e l l o , cjue" la c h e r t é d e s
loge^
Tierr.i-
m e n s y eft e x c e f f i v e . U n e c h a m b r e d e m é d i o c r e
Fkxric.
g r a n d e u r , a v e c u n c a b i n e t p r o p o r t i o n n é , fe l o u e , p o u r l e t e m p s d e la F o i r p , jufqu'à m i l l e écus*, &
le
prix
quefois
des
porté
moindres
à cinq
ou
maifons h'x
mille.
eft
quel
Les
vaif-
i e a u x f o n t à p e i n e a m a r r é s d a n s le P o r t ,
qu'on
d r c f l e , p r o c h e d e la R o u r f e , u n e g r a n d e
tente
pour chaque
chargement,
d e c h a q u e vaifleau. L e s ç h a n d i f e s • font
lots les
aux
brouettes
lorfqu'on
pour
feuls
&
qui
qui
les
reconnaître
marques qui les
Marelots
voiles
Propriétaires des mar-
préfens,
dans ces magafïns,
compofée des
apporte
leurs
diftinguent.
les
chargent
partagent
entr'eux
bal
Ce
font
fur
des
le
falaire.
P e n d a n t l e travail d e s G e n s d e m e r & d e s C o m m e r ç a n s , on
voit
caravanes , d e
arriver
cenr
mules
d e Panama
plufieurs
chacune ,
chargées
d e caillons qui contiennent P é r o u . L e s u n s font a u t r e s âu m i l i e u la
confufion
jamais Don
de
d'une
d'Ulloa ,peint
& l'argent
du
d é c h a r g é s à la B o u r f e ,
de
v o l , de
l'or
la P l a c e , fi
grande
les
fans
que,
foule,
il
d'autre
défordre.
perte
ou
fort
vivement
la
dans arrive
furprife
d e c e u x q u i , ayant v u c e t t e V i l l e li p a u v r e , Ci folitaire, en
temps
& li t r i f t e , y v o i e n t breufe,
les maifons
mott,
fon r i v a g e li
défert
e n f u i t e u n e f o u l e Ci n o m occupées,
les
rues
&
le
s
D E S
V O Y A G E S .
421
Places remplies d e ballots, d e marchandifes, d e caifes
d'or
&
d'argent,
ou
monnoyé,
b a r r e s , o u travaillé-, f o n P o r t ' c o u v e r t
en
Tierra-
navi
Firme»
ou de
r e s & d e b a r q u e s , d o n t l e s u n e s a p p o r t e n t , par la r i v i è r e d e C h a g r e , t o u t e s f o r t e s d e difes du
Pérou, &
les aurres, d e
d e s v i v r e s p o u r la fublîftance empreffés. Cette V i l l e qu'on
marchan
Carthagène,
d e tant fuit
autres t e m p s quand on aime
d'acteurs
dans tous
la v i e ,
les
prend un
afpeét tout dirlérenr,
en devenant le dépôt des
richeffes d e l'Ancien
& du
Nouveau-Monde.
Après le déchargement des G a l i o n s , &
l'arri
v é e d e s m a r c h a n d i f e s d u P é r o u , q u i font a c c o m pagnés du
Prélîdent d e Panama , on procède à
l'ouverrure
d e la F o i r e . L e s D é p u t é s d e s
deux
C o m m e r c e s s'affemblent à b o r d d u G a l i o n
Ami
r a l , p o u r traiter d e l e u r s affaires c o m m u n e s régler
l e prix d e s m a r c h a n d i f e s , fous l e s
du
Commandant
de
Panama ; l e premier
vateur
des
intérêts
& le fécond trois
ou
ventions
de
l'Efcadre
du
font
fait p u b l i e r ,
Pérou.
Aflemblées
lignées & la F o i
du
Prélîdent
d'Efpagne,
Ordinairement
fuffifent.
Les
des deux
parts.
s'ouvre
fur c e
c e
ment. Les emplettes & les v e n t e s , les de
marchandifes
d e s Courtiers
&
venus
d'argent , d'Efpagne
yeux
Juge-Confer-
Commerce
d e celui d u
quatre
&
comme
&
fe-
con
On
les
fonde changes
font
&
du
D d
iij
par Pérou-
422
H I S T O I R E
pour
c e t office.
Tierra-
qui
Rrme.
qu'on
eft
chés de
Les
à vendre , veut
font
ce
G É N É R A L E uns &
acheter.
ont
les
conclus , chacun
des
que
de
les
entre en &
c o m m e n c e ; celui des cailles
lui
lifte
de
ce
mar
pofteiîion
rembarquement d'argent
dans
les N é g o c i a n s E f p a g n o l s ,
marchandifes
ce
autres c e l l e d e
Auffi-tôt
q u i lui appartient ,
g a l i o n s , pour
la
l'Europe ,
les
&
ce
dans
les
chat as & l e s bongos j p o u r r e m o n t e r par la ri vière de Chagre, où
la
Flotille
paffer d e C r u c è s à P a n a m a ,
les attend
&
les ttanfporte
au
Pérou. A u t r e f o i s l e t e m p s d e c e t t e F o i r e n'était pas l i m i t é . M a i s l ' e x p é r i e n c e ayant appris q u e dans un
long
qualité
féjour , à
du climat
m e r ç a n s , la durerait ter
P o r t o - B e l l o , la
nuifait
b e a u c o u p aux
C o u r d'Efpagne
pas plus d e
d e celui d e
mauvaife Gom-
a réglé qu'elle
quarante j o u r s , à
l'entrée
des
galions
P o r t -, & fi, dans c e t e f p a c e , o n c o r d fur t o u s l e s p r i x , il eft
dans
n'eft pas
permis
ne
comp ce
d'ac
aux
Né
g o c i a n s d ' E f p a g n e d e palier plus l o i n a v e c leurs marchandifes , Commandant une
permiffion
donné
&
même
des
galions
jufqu'au en
formelle dont
Pérou.
apporte
toujours
l'ufage
eft aban
à fa p r u d e n c e . D a n s c e c a s , l e s
retournent
à
C a r t h a g è n e -, m a i s
eft d é f e n d u à t o u t
Êfpagnol
Le
de
galions
autrement
»1
vendre
fes
DES. maïchandifes les
hors
aux
S,
423
de
Porto
Bello,
plus
loin
pour
les faire
part , il
n'eft
pas
envoyer
D'autre
V O Y A G E
permis
ou
de Ti e r i a -
vendre.
non
M a r c h a n d s d u P é r o u , d e faire d e s
Finire.
plus
remifes<
d'argent e n E f p a g r . e , p o u r d e s achats d e
mar-
chandife3. E n t e m p s m o r t , c e f t - à - d t r e , après la F o i r e , l'ec o m m e r c e d e P o r t o - B e l l o t o m b e prefqu'autant q u e c e l u i d e C a r t h a g è n e . Il fe r é d u i t alors au d é b i t d e s v i v r e s , q u ' o n y a p p o r r e d è C a r t h a g è n e m ê m e , au c a c a o , q u ' e n e m b a r q u e fur la C h a g r e ^ & au q u i n quina.
L e cacao eft tranfporté d a n s d e s b é ' a n -
dres à V é r a - C r u z . les
magafins
fur
les
de
vaifteaux
palier d ' E f p a g n e
Le quinquina d e m e u r e Porto - Belio , ou qui
ont
la
permiilion
p e t i t s b â t i m e n s d e l'Ifle
de
Cuba,
& de Saint-Domingue,
pour lequel de-vie
de
de
aux P o r t s d e H o n d u r a s &
N i c a r a g u a . Il v i e n t auffi à P o r t o - B e l i o
nité
dans>
s'embarque-
de*
quelques
de
la T r i
c h a r g é s de- t a b a c ^
ils p r e n n e n t d u c a c a o & cannes. Pendant
i
de
l'Aulente
l'eau-
des
Nè
g r e s , a v e c les Français o u l e s A n g l a i s , c e Porr était
le
Gomme
principal c'eft
comptoir
par c e t t e
voie
de
ce
que
commerce. non-feule
m e n t P a n a m a , mais, t o u t l e P é r o u fe f o u r n i t d e N è g r e s , il l'Afiiente.,
eft p e r m i s à ceux: qui j o u i f ï e n t d'apporter
u n e certaine quantité
D d iv
de der
Ticvra-
424
H I S T O I R E
vivres
pour leur
Efclaves
1-iime.
On
qu'ils
va
G É N É R A L E
fubfiftance
&
pour celle d e s
amènent.
d e P o r t o - B e l l o à Crucès en r e m o n
tant la rivière d e C h a g r e , & d e Crucès o n par
terre
jufqu'à
Panama.
Toutes
les
va
monta
g n e s & les f o r ê t s , q u i r é g n e n t d e s d e u x
côtés
d e la C h a g t e , font r e m p l i e s d ' a n i m a u x , fur-tout de
l i n g e s , d o n t l e s N è g r e s , les C r é o l e s &
les
E u r o p é e n s m ê m e n e f o n t pas difficulté d e m a n ger
la
chair.
très-vive
Don
d'Ulloa
du fpectacle
fait
urne
peinture
q u e les t i v i e r e s
de
ce
p a y s offraient à la v u e : « - T o u t c e q u e l'art, d i t 3 3 i l , peut imaginer d e » che point
de
plus i n g é n i e u x n ' a p p r o -
la b e a u t é d e
cette
perfpective
3 > r u ( H q u e , f o r m é e d e s m a i n s d e la N a t u r e . L ' e mpailleur des » Ions ,
les
bocages qui
arbres
de
ombragent
différentes
les
val-
grandeurs ,
» q u i c o u v r e n t l e s c o l l i n e s , la variété d e
leurs
» feuilles & d e
celle
leurs
rameaux,
jointe
Î > d e leurs c o u l e u r s , f o n t u n c o u p - d ' œ i l » l'imagination «une
ne
peut
atteindre.
à
auquel
Ajoutons-y
p r o d i g i e u f e q u a n t i t é d ' a n i m a u x , qui -
» m e n t d'autres n u a n c e s , l e s l i n g e s d e
for-
diverfes
» e f p è c e s , q u i v o l t i g e n t par t r o u p e s , d'un a r b r e =04 l ' a u t r e , q u i » s'unifient
fept
s'attachent ou
huit
œla rivière; les mères
aux
branches,
enfemble
pour
qui
palier
p o r t a n t ieurs p e t i t s fur
D E S
V O Y A G E S .
» le d o s , avec
425
cent grimaces & cent geftes
ri-
w d i c u l e s - , l e s o i f e a u x p r o p r e s au p a y s , d o n t » nombre na
eft
ceux de
incroyable-, l'Europe,
si m o n t a g n e s ,
des
33 d e s r o u r t c r e l l e s 3>efpcces,
les
d'aurres ,
rels
paons &
uns
que
des
femblables
les
royaux,
paons
des
hérons d e
tout-à-fait
»au
cou,
&
cette
couleur
dans tous les
Firme.
de
faifans,
blancs j
d'aurres
rougeâtres
endroits du
paraît p l u s
Tierra-
différentes
» blancs a u f f i , m a i s a v e c d e s p l u m e s
jîoÙ
le
vive \
corps
d'autres,
« a v e c l e c o u & l e b o r d d e s a i l e s b l a n c s ; d'au»tres »8c
encore, tous
de
bigarrés
de
différentes
couleurs
diverfes ,
grandeurs. C e u x d e
la
» p r e m i è r e e f p è c e font les plus p e t i t s . L e s b l a n c s »&
n o i r s f o n t t o u t - à - l a - f o i s les plus g r a n d s
» les plus d é l i c a t s à m a n g e r .
&
les
35 faifans f o n t d'un g o û t d é l i c i e u x . Enfin l e s
ar-
ssbres d e
cette
Les
r i v i è r e font
paons
&
chargés
» f o r t e s d e fruits, entre lefquels ticulièrement 33'qui
l e s p i g n e s , ou
furpaiTent
celles
des
de
toutes
on vante
pommes
autres
lieux
par
de
pio,
par
la
3 5 g r o f l e u r , l ' o d e u r & l e g o û t , & q u e c e t t e rai-* 33fon
fait r e c h e r c h e r d a n s r o u t e s l e s
Panama nom,
eft
f
près d ' u n e
d
U u e e
p] g a
la m e r d u S u d . Sa p o f u i nutes
48
fécondes
a
n
l'Ifthme
s
baignée
e
o n
&
N o r d . L e s o p i n i o n s font
e
Indes.» du
par l e
même flot
ft à 8 degrés 57
demie
de
latitude
de mi du
d i î é r e n t e s fur la l o u -
Panama.
426
H I S T O I R E
G É N É R A L E
g i t u d e , p a r c e q u ' o n n'a pu s'en affurer
par des
1
Tierra- o b f e r v a r i o n s . O n d o u t e e n c o r e fi Panama eft F i l m e . plus o r i e n t a l o u plus o c c i d e n t a l q u e P o r t o - B e l l o . D o n d ' U l l o a r e m a r q u e q u e l e s G é o g r a p h e s Fran çais le
croient
plus o r i e n t a l , & l e placent
aihfi
-
d a n s leurs C a r t e s , m a i s l e s E l p a g n o l s étant d'un a v i s c o n t r a i r e , qu'ils f u i v e n t auffi d a n s les l e u r s , il croir q u e l e s f r é q u e n s v o y a g e s
qu'ils f o n t d e
l ' u n e d e c e s V i l l e s à l ' a u t r e , Se par c o n f é q u e n t l'occafion çais
de
faire
qu'ils o n t plus f o u v e n t q u e l e s vérifier
donner
la
leur
Fran
fentimeht , doivent
préférence.
Il
ajoure
leur
qu'à
la
v é r i t é , d e t o u s l e s E f p a g n o l s q u i f o n t le v o y a g e , il n'y
en a prefque
faite
des
qu'il
eft
aucun qui
obfervations impoffible
foit e n état
d e cette
néanmoins
nature ;
mais
q u e ce ne
foit
p a s fur c e l l e s d e q u e l q u e s P i l o t e s h a b i l e s s'eft d é t e r m i n é . D ' a i l l e u r s
il
de
juge
ce
qu'on
fentiment
c o n f i r m é , par la r o u t e qu'il v e n a i t d e faire a v e c Ces affociés. Vafco N u g n e z d e m e r du Sud en devables
de
la
Balboa ayant d é c o u v e r t
1 5 r 3 , les E f p a g n o l s furent première
connoidance
la*, re
qu'ils
e u r e n t d e P a n a m a , au C a p i t a i n e T e l l o d e
Guf-
m a n , q u i s'y a v a n ç a d e u x ans a p r è s , p o u r
ob-
f e r v e r q u e l q u e s cabanes d e P ê c h e u r s A m é r i c a i n s , d'où l e l i e u tirait fon n o m ; car Panama lignifie» dans leur
langue , un lieu
poiflonneux,
Oa
z>
D E S v u qu'en
V O Y A G E S .
1518,
Pédrarias d ' A v i l a ,
427
Gouverneur
q u ' o n d o n n a i t à c e t t e Tierrapartie d e T i e r r a - F i r m e , y établit u n e C o l o n i e , Firme, d e la Caftille d ' o r , n o m
&
qu'en
1511
de Ville, forme Elle
cette
avec
ans,
quelques
obtint
le
nom
c h a n g e m e n s dans
& des avantages convenables à ce s'accrut &
fon
Peuplade
pendant
rien
ne
commerce,
plus d e
manquait lorfqu'en
cent
à
cinquante
la f p l e n d e u r
.1670
fa
titre.
elle
fut
de
pillée
& b r û l é e par d e s Pirates A n g l a i s , fous la c o n duite du gnols, cette
f a m e u x M o r g a n Flibuftier. L e s
obligés
vue,
Efpa-
d e la r e b â t i r , c h o i f i r e n t , occupe
aujourd'hui,
é l o i p n é e d'une lieue & d e m i e d e
fon a n c i e n n e
place
&
d'un
mur
par
une
le lieu qu'elle
dans
bien
plus a v a n r a g e u x . E l l e
de
p i e r r e s fort large ,
forte
Garnifon, dont
eft
&
on
ceinte
défendue
envoie
des
d é t a c h e m e n s p o u t la g a r d e d e D a r i e n , d e C h a gre & de Porto-Bello. La
plupart
des maifons d e Panama ne font
q u e d e b o i s , d'un feul é t a g e , a v e c u n toit t u i l e s -, mais
elles
Fauxbourg, q ¡
font
grandes
&
belles.
eft h o r s d e l ' e n c e i n t e , &
U
de Un plus
g r a n d q u e la
ville m ê m e , n'eft bâti auffi q u e
d e bois.
r y s d e la V i l l e & d u
font
Les
e
droites , l a r g
e s
&
pavées
Fauxbourg
d e pierres.
s'y c r o y a i t à c o u v e r t d e l ' i n c e n d i e , parce le bois des
édifices
paiTë p
0
u
r
On que
jncombuftible,
428
H I S T O I R E
ou du
moins
G É N É R A L E
que le
feu q u i t o m b e deflus ntf
Tierra-
fait q u e
Fiime.
& s'éteint dans fa c e n d r e . M a i s la V i l l e n'a p a s laifîé
le
p e r c e r , fans l e m e t t r e e n
d'are
qu on
ravagée
par
le
a t t r i b u e à la n a t u r e
feu
en
du feu
flamme,
1757;
ce
même,
qui
a y a n t c o m m e n c é d a n s u n e c a v e p l e i n e d e brai , de
goudron
&
d'eau-de-vie,
laquelle cette
finguliere
prit une
force
efpèce d e bois ne
i
put
réfîfter. T o u t e s l e s m a i f o n s b r û l é e s o n t été r e b â ties e n p i e r r e s . P a n a m a eft l e l î é g e d ' u n e dont le
Préfident
d e la V i l l e de
&
eft
Audience
tout-à-la-fois
de
Gouverneur
C a p i t a i n e - g é n é r a l d e la P r o v i n c e
T i e r r a - F i r m e ; m a i s fon
celui
Royale,
Prélîdenr.
Certe
titre
ordinaire
n'eft
dignité
eft
jamais
r e m p l i e q u e par d e s E f p a g n o l s d ' u n e h a u t e
dif-
r i n c t i o n . La V i l l e r e ç o i t 'Un
fon
autre luftre d e
E v ê q u e , q u i fe qualifie P r i m a t d e T i e r r a - F i r m e . S e s T r i b u n a u x font l ' A y a n t a m i e n t o , o u l e C o n feil
de Ville,
compofé
d o r s , la C h a m b r e
d'Alcades &
de
Régi-
d e s cailles R o y a l e s , &
d e l'Inquifition , d o n t
le Tribunal
de
celle
Cartha-
g è n e n o m m e l e s Officiers. L a C a t h é d r a l e & t o u s les
Couvens
font
ait d e s H a b i t a n s un
qui
nous
n'y
allure
mène que
de
pierre.
riches & une vie l'opulence
répond point à l'opinion
Quoique
qu'il aifée,
Panama
n'y e n ait Don
d e cette
pas
d'Ulloa Ville
qu'on a d e fon
Se com-
D E S
V O Y A G E S .
429
m e r c e . L'arrivée des Galions à Porto-Bello d é c i d e d u principal c o m m e r c e d e P a n a m a .
Non-feule
m e n t c'eft d a n s c e t r e V i l l e q u e l ' A r m a d i l l e
du
P é r o u v i e n t d é b a r q u e r f o n t r é f o r , m a i s e l l e fert aufli d ' e n t r e p ô t a u x m a r c h a n d i f e s q u i r e m o n r e n t la Chagre-, & c e trafic eft d'un g r a n d
avantage
p o u r l e s H a b i t a n s . C e p e n d a n t l e u r profir n e c o n fitte q u e d a n s l e l o y e r d e s m a i f o n s , le frais d e s b â t i m e n s , & la
fourniture
des mules & des N è
g r e s , qui v o n t p r e n d r e les marchandifes à C r u c è s , p o u r les tranfporter à P a n a m a par u n c h e min coupé
à p i c fur p i e r r e v i v e , q u i
l e s C o r d e l i è r e s , fi reflerré e n d i v e r f e s
traverfe endroits,
q u ' u n e b ê t e d e c h a r g e y paiTe à p e i n e l e c o r p s &
n'y m a r c h e
extrême
point
avec u n e charge
un
danger.
D a n s d'autres t e m p s , P a n a m a de
fans,
voir aborder
quantité
n e Iaifie
d'Etrangers
dans
m u r s ; l e s u n s q u i arrivenr d ' E f p a g n e p o u r dans les Ports
d e la m e r
du
Sud,
point fes
palier
&
d'autres
qui reviennent des mêmes Ports, pour
retour
n e r e n E u r o p e . Il faur y j o i n d r e l'abord
conti
n u e l d e s bathvieiis q u i a p p o r t e n t l e s d e n r é e s d u P é r o u , telles q u
e
des f a r i n e s , d e s v i n s , d e s e a u x -
d e - v i e , du fucre, d
u
favori, du f a i n - d o u x , de^
h u i l e s , d e s o l i v e s , 8cc. & l e s vailTeaux d e G u a y a quil
qui
apportent du
cacao,
& d'autres p r o d u c t i o n s d e l
a
du
quinquina,
Province de Quito.
TierraFirme.
430
H I S T O I R E
G É N É R A L E
L e prix d e c e s d e n r é e s varie b e a u c o u p . Quel*? Tieita-
q u e f o i s l e s P r o p r i é t a i r e s en p e r d e n t u n e p a r t i e ,
Firme.
& d'aurres fois ils g a g n e n t trois p o u r u n , v a n t l e plus o u m o i n s d ' a b o n d a n c e .
fui-
L e s farines
f o n t fujettes à fe c o r r o m p r e , par la t r o p g r a n d e chaleur-, l e s v i n s §c les e a u x - d e - v i e dans
les j a r r e s ,
poix : le
&
contractent
f a i n - d o u x fe f o n d
s'échauffent
une
& fe
odeur
de
convertit
en
t e r r e . E n u n m o t , h" les profits font g r a n d s , les r i f q u e s l e f o n t e n c o r e plus. Il v i e n t suffi à P a n a m a , par l e s b a r q u e s d e la c ô t e , d u p o r c , d e la v o l a i l l e , d e la v i a n d e falée & appelle d'autres poutvue
Tajfajo,
des
platanes,
alimens , dont par
cette
f l o t t e s , l e s vaifîeaux
féchée,
la V i l l e
voie.
Hors
qu'on
des racines, eft du
fort
bien
temps
du Pérou & d e
&
des
Guayaquil
s'en r e t o u r n e n t o r d i n a i r e m e n t à v i d e . Q u e l q u e f o i s ils p e u v e n t c h a r g e r d e s N è g r e s . P a n a m a
eft
e n pofielTion d'un C o m p t o i r p o u r ce- c o m m e r c e , o ù l e s N è g r e s font a m e n é s l o r f q u e l'Afîiente eft ouverte,
& d ' o ù ils font diftribués
l e s patties d e T i e i r a - F i r m e & du
dans
toutes
Pérou.
C'eft
une prérogative du Préfident, de pouvoir m e t t r e tous l e s ans à un o u d e u x vaift'eaux, p a l i e r à S o n f o n a t e , à R é a l e j o , o u dans
per de
d'autres
P o r t s d e Guatimala & d e la N o u v e l l e - E f p a g n e , fous p r é t e x t e d'y c h a r g e r d e la p o i x , d u G o u dron
&
des
cordages
pour
les
bâiimens
q"*
D E S
V O Y A G E S .
431
trafiquent à P a n a m a , & d'y tranfporter l e s d e n r é e s d u P é r o u , d o n t ' o n n'a p u t r o u v e r l e d é b i r .
Tierra-
M a i s il eft rare q u e c e u x à q u i c e t t e p e r m i f f i o n
Finuc.
eft a c c o r d é e , r e v i e n n e n t d i r e c t e m e n t à P a n a m a . La m e i l l e u r e partie d e l e u r c a r g a i f o n c o n l i f t e o r d i n a i r e m e n t e n i n d i g o , qu'ils p o r t e n t à G u a y a q u i l , o u d a n s d'autres
P o r t s plus au S u d .
U n d e s plus g r a n d s a v a n t a g e s d e Panama eft la p ê c h e d e s p e r l e s , q u i fe fait a u x Ifles d e f o n Golfe , fur-tout à celles d u R o i & d e
Taboga.
Il y a p e u d habitans q u i n ' e m p l o i e n t un c e r tain n o m b r e d e N è g r e s à c e t t e p r é c i e u f e La
méthode
Golfe elle
n'eft
Perfique
eft
plus
pas différente
de
pêche.
celle
du
& d u C a p d e C o m o r i n -, m a i s dangereufe
par la
multitude
de
m o n f t r e s , q u i f o n t la g u e r r e a u x P ê c h e u r s . C'eft d a n s les l i e u x o ù fe fait c e t t e p ê c h e q u e fe t r o u v e n t t o u j o u r s e n plus g t a n d n o m b r e l e s Requins
,
q u i d é v o r e n t e n un inftant l e s m a l h e u r e u x P l o n g e u r s qu'ils p e u v e n t
faifir.
L e s Mantas,
autre
e f p è c e d e m o n f t r e s , o n t l'art d e les e n v e l o p p e r de
leurs
corps & d e les étouffer,
écrafer c o n t t e l e
fond,
ou de les
en fe lailîanr t o m b e r fur
e u x d e t o u t e leur pefanteur. C e poilTon v o r a c e , qui tire f o n n o m d e f tend
en effet
joint
un h o m m e ,
l'enveloppe
a
figure
eft l a r g e , & s'é
c o m m e u n e p i è c e d e draps. S'il o u quelqu'autre
animal , il
& l e roule dans f o n c o r p s
comme
432
H I S T O I R E
G É N É R A L E
dans une couverture , &
bientôt
Tierra-
f o r c e d e l e prefîer. Il r e f i e m b l e
Firme.
il- eft i n f i n i m e n t
plus
gros.
il l'étouffé
â
à la r a i e , m a i s
P o u r fe
défendre
c o n t r e d e s e n n e m i s ii r e d o u r a b l e s , c h a q u e P l o n g e u r eft fort
armé
d'un
grand
coureau
tranchanr.
Dès
qu'il a p p e r ç o i t
poinru , un d e
& ces
m o n f t r e s , il l'attaque par q u e l q u e e n d r o i t
dont
il n'ait p o i n t à c r a i n d r e d e b l e l l u r e , & l u i e n fonce
fon
couteau
dans l e
corps. Le
monftre
n e fe fent pas p l u t ô t b l e f ï é , qu'il p r e n d la fuiteL e s Caporaux N è g r e s , qui ont l'infpection l e s autres
efclaves,
l'approche
de
veillent
de
leur
fur
barque
ces cruels a n i m a u x , &
ne
à
man
q u e n t p o i n t d'avertir les P l o n g e u r s , e n
fecouant
une
Souvent
corde
qu'ils o n t autour d u
u n C a p o r a l fe j e t t e
corps.
l u i - m ê m e dans les
flots»
a r m é aufîi d'un c o u t e a u , p o u r f e c o u r i r l e P l o n g e u r qu'il v o i t e n d a n g e r : m a i s c e s n'empêchent
point
qu'il
n'en
précautions
périlîe
toujours
q u e l q u e s - u n s , & q u e d'autres n e r e v i e n n e n t
ef-
t r o p i é s d ' u n e j a m b e o u d'un bras. L e s E f p a g n o l s cherchent le m o y e n d e rendre cette pêche fure,
par q u e l q u e
m a c h i n e qui puifle
l e s p ê c h e u r s , o n les m e t t r e à c o u v e r t .
défendre Jufqu'à
p r é f e n t t o u t e s les i n v e n t i o n s o n t m a l réuffi. perles d u Golfe de Panama font
figure.
Les
ordinairement
d e très-belle eau. Il s'en t r o u v e d e par l e u r g r o i î e u r & l e u r
plus
remarquables
U n e parrie
eft
tranfportée
D E S tranfportée ble
V O Y A G E S .
433
e n E u r o p e - , m a i s la p l u s
palle à
Lima , o ù elles
recherchées , &
dans les
font
confidéra-
extrêmement
Provinces
intétieures
du Pérou. Aurrefois
on
tirait
de
Tierra F i r m e , ce qui
l'or
des
n'augmentait
mines
dô
pas peu. l e s
r i c h e l l e s d e P a n a m a . L e p l u s fin v e n a i t d u
Da-
r i e i r , m a i s , d e p u i s la r é v o l t e d e s A m é r i c a i n s q u i fe font r e n d u s m a î t r e s d e la plus g r a n d e
partie
d e c e t t e P r o v i n c e , l e travail efl a b a n d o n n é ,
ou
fe réduit à q u e l q u e s mines des frontières. C e l l e s de
Veraguas
&
du
quoique
moins
f o n t pas
poulïées
pays
expofées
même aux
de
Panama ,
incurfions ,
a v e c plus d e
vigueur,
n'en parce
q u e l'or y eft m o i n s a b o n d a n t qu'au D a r i e n ,
&
d'un
aloi fort
i n f é r i e u r , fans
là
mer
produifant
beaucoup de
comprer perles,
que
les
habi
tans d u pays o n t plus d e g o û t p o u r c e t t e p ê c h e , dont
l e s frais
font
moindres
&
l e profit
plus
certain. O u t r e l'argent Ville
de
que le c o m m e r c e
Panama,
attire
il s'y fait a n n u e l l e m e n t
remile conlidérable d e
deniers Royaux ,
à" la une qu'on
y e n v o i e d e L i m a p o u r le p a i e m e n t d e s t r o u p e s , des ciers tire
Officiers d e l ' A u d i e n c e , & des autres du de
Roi.
Les
revenus
Panama m ê m e ,
n
e
que
ce
f [nfent
pas
u
tant d e m o n d e e m p l o y é à f o n f e r v i c e .
Tome
XII.
Offi
Monarque
E e
pour
Tierra» Firme.
434
H I S T O I R E '
G É N É R A L E
L e s V o y a g e u r s r e m a r q u e n t q u e c'eft à P a n a m a Tierra-
qu'on
Firme.
C e p e n d a n t l ' h a b i l l e m e n t d e s f e m m e s eft d i f t i n g u é
c o m m e n c e à fuivre les m o d e s du Pérou.
par q u e l q u e s
ufages qui leur
eft c o m p o f é , l o r f q u ' e l l e s rues , d'une
mante
&
font propres.
Il
v o n t à p i e d dans l e s
d'une
jupe
affez
fem-
b l a b l e s à celles' d ' E f p a g n e . M a i s , d a n s leurs m a i f o n s , & d a n s l e u r s vifites , chemife
elles n'ont
que
d e p u i s la c e i n t u r e jufqu'au c o u .
la.
Cette
c h e m i f e a d e g r a n d e s m a n c h e s , o u v e r t e s par l e bas,
&
ces o u v e r t u r e s ,
comme
celle
du
col,
fonr g a r n i e s d e m a g n i f i q u e s d e n t e l l e s . E l l e s p o r t e n t d e s ceintures a u - d e l l u s des h a n c h e s , & cinq
ou
fix c h a p e l e t s d e d i f i é r e m e e f p è c e , r é g u l i è r e m e n t pendus corail
au c o u , l e s uns d e p e r l e s , d'autres mêlé
d e g r a i n s d'or ;
ont
deux
des
reliquaires. Leurs
& pardeffus
o u trois c h a î n e s d ' o r ,
d'où
poignets
b r a f f e l e t s , d'or o u d e t o m b a c ,
font
de
elles
pendent ornés
au-delTus
de def-J
«quels e l l e s o n t u n a u t r e bralTelet d e p e r l e s , d e corail
o u d e jais. L e u r j u p o n , q u i p r e n d
la c e i n t u r e , n e l e u r mollets.
defcend
q u e jufques
D e - l à , jufqu'aflèz près d e la
d u pied , régne un cercle
fouliers.
peuvent
à
aux
cheville
d e larges d e n t e l l e s ,
q u i p e n d e n t d e la j u p e d e d e f f o u s . des
ou
Les Métives &
Elles portent
les N é g r e f l e s
p o r t e r la m a n t e , ni la j u p e .
Ce
ne font
d e s h a b i l l e m e n s r é f e r v é s a u x E f p a g n o l e s , à q u i ce
D E S privilège
V O Y A G E S .
donne
celui
S'ignora j q u a n d
elles
de
435
prendre le
ne
l'auraient
titre point
de par
l e u r rang o u l e u r naiflance.
Firme.
L e c l i m a t d e P a n a m a dirlere plus d e c e l u i d e C a r t h a g è n e , q u e l'on n e pourrait le p e n f e r
d e (i
p e u d ' é l o i g n e m e n t . L'été y c o m m e n c e plus tard & finit
plus
t ô t , parce q u e les brifes y f o n t
plus
tardives & qu'elles durent moins. Il f e m b l e être
que le
extrêmement
terroir
de
Panama d e v r a i t
f e r t i l e . Auflî
h attribue-t-on
la d i f e t t e , q u i o b l i g e l e s habitans d e tirer t o u t e s l e u t s p r o v i s i o n s d u P é r o u , qu'à leur a v e r f i o n p o u r t o u t autre e x e r c i c e q u e l e n é g o c e . O n n ' a p p e r ç o i t p o i n t d'autres traces d e c u l t u r e , aux e n v i r o n s d e c e ' t e V i l l e , q u e c e l l e s d o n t la N a r u r e v e u t
bien
faire les frais. L'intérieur
de
l'Ifthme
contient
peu
d'bsbi-
tans i n d i g è n e s . C'eft d u c ô t é d e la m e r d u N o r d , fur-tout
aux b o r d s
des rivières, qu'on en voie
l e p l u s g r a n d n o m b r e . C e u x d e la C ô t e dd S u d , qui
n'ont pas
mieux
a i m é fe
été
détruits
par l e s a r m e s ,
retirer v e r s l e s Pays p l u s
dionaux , que de f
e
foumettre
C e p e n d a n t il n'y a p : 0
n t
Tierr?.-
ont
Méri
au j o u g E f p a g n o l .
d e partie
de l'Ifthme,
o ù l'on n e t r o u v e d e s A m é r i c a i n s difperfés ,
&
l e u r s u f a g e s différant p e u d e c e u x d e s autres P r o vinces d e T ï è r r a - F i r m e , peuvent être compris tous Fous l e m ê m e article.
Ee
ij
436
H I S T O I R E
G É N É R A L E
L a taille o r d i n a i r e d e s h o m m e s eft e n t r e - c i n q 'TierraFirme.
& fix p i e d s . Ils f o n t d r o i t s & d ' u n e portion.
La
plupart
poitrine large. O n
belle
pro
ont les os fort gros &
n e leur r e m a r q u e jamais a u
c u n e a p p a r e n c e d e d i f f o r m i t é naturelle•; c e l e s a fait a c e u f e r d ' a b o r d , geurs , de narïïent
fe d é f a i r e
par
d e leurs
connaît , cette
enfans
barbarie
p r o u v é e . Ils f o n t l o u p l e s , la
courfe. L e s
g r a d e s dès
lorfqu'ils
n'a
depuis pas
été
vifs & fort l é g e r s à
f e m m e s font p e t i t e s &
leur j e u n e d e ,
qui
quelques Voya
a v e c q u e l q u e s d é f a u t s •-, m a i s ,
qu'on les
la
épailles-,
mais b i e n faites d a n s
l e u r e m b o n p o i n t , q u i n'ôte t i e n à la beauté leur
taille.
Elles
ont
l'œil v i f ,
Se l e
de
regard
a g r é a b l e . En g é n é r a l , les d e u x f e x e s o n t le v i f a g e r o n d ; l e n e z c o u r t & é c t a f é ; les y e u x g r o s fort b r i l l a n s , q u o i q u e
gris -, le f r o n t é l e v é -, l e s
dents blanches & b i e n r a n g é e s ; les lèvres 1a b o u c h e p e t i t e , & l e
menton bien
Ils o n t t o u s l e s c h e v e u x fi
l o n g s , qu'ils
jufqu'au
milieu
fines;
formé.
n o i r s , très-forts
leur d e f e e n d e n t
longueur.
&
ordinairement
d u d o s . L e s F e m m e s fe l e s a t
t a c h e n t a v e c un c o r d o n , fur la n u q u e d u c o l "& les h o m m e s
Se
3
l e s laideur p e n d r e d e t o u t e leur
L e s d e u x fexes o n t , p o u r fe p e i g n e r ,
u n i n f i n i m e n t d e b o i s c o m p o f é d e plufieurs petits b â t o n s , l o n g s d e cinq à fix p o u c e s , 8: p o i n t u s d e s d e u x c ô t é s , c o m m e les bâtons d e nos gantiers :
D E S ils e n l i e n t
V O Y A G E S .
dix
437
o u d o u z e e n f e m b l e par
le
mi
l i e u -, & l e s e x t r é m i t é s s'écartant a v e c les- d o i g t s ,
Tieira-j
chaque
Firme..
bout
l e u r fért d e
peigne.
O n juge
dù
plailîr qu'ils p r e n n e n t à fé p e i g n e r , par l e t e m p s qu'ils y e m p l o i e n t -, c'ëft u n e x e r c i c e qu'ils pètent la
piufieurs fois l e j o u r . M a i s ils s'arrachent-
barbe &
paupières partage entre
ré
tout autre
&
téfèrve
des
d e s fourcils. C e t t e o p é r a t i o n eft
des
deux
p o i l , à la
femmes.
Elles
petits b â t o n s ,
adroirement. Les
prennent
&
hommes
les
les
arrachent
fe f o n t
le
poils fort*
couper
auffî
l e s c h e v e u x dans q u e l q u e s o c c a f i o n s , t e l l e s q u ' u n e victoire
fut
quelque
ennemi
qu'ils o n t tué
dë
l e u r p r o p r e m a i n . Ils y a j o u t e n t u n e a u t r e m a r q u e * d'honneur, de
qui'eft
noir. U n
d e fe
homme
p e i n d r e t o u t le
corps?
n o i r c i , & fans c h e v e u x ,
palîe entr'eux p o u r un H é r o s . Mais c e g l o r i e u x état n e d u r e q u e d e p u i s l e j o u r d e l ' e x p l o i t j u f qu'à la p r e m i è r e L u n e -, & l e V a i n q u e u r d é s h o n o r é , s'il ne faifait p a s d i f p a r a i t t e fa n o i r c e u r ,
&
s'd
n
e
laillait
pas
ferait
aulïï-tôt
croître
fes,
cheveux. L e u r t e i n t naturel eft c o u l e u r d é c u i v r e c l a i r ^ o u d ' o r a n g e f e c h e . L e u r s fourcils o n t la n o i r c e u r , d u jais. Ils n e l e s t e i g , frottent,
c o m m e leurs
l e n c
p i 0
n t
-, m a i s ils fe l e s
cheveux , avec une
d ' h u i l e q u i les r e n d fort l u i f
a n s
forte,
. Wafter , Zaratç-
& d'autres V o y a g e u r s , p a r l e n t d ' u n e race d'Ame? E
e
ii$
438
H I S T O I R E
G É N É R A L E
ricains-blancs , & a t t e l l e n t tous c e u x q u i ont fait TierraFirme.
l e v o y a g e d e l'>fthme. A la v é r i t é , l e n o m b r e d e c e s blancs n'eft pas c o m p a r a b l e à c e l u i d e s h o m m e s c o u l e u r d e c u i v r e . D ' a i l l e u r s leur p e a u n eft pas d'un b l a n c d e c a r n a t i o n
c o m m e celle des E u r o
p é e n s , c'eft plutôt u n b l a n c d e lait , & c e qu'il y a d e plus furprenant , c'eft qu'ils o n t totir c o u v e r t &
Ci fin ,
p e a u (a)
le
corps
d'un d u v e t d e la m ê m e b l a n c h e u r , qu'il
n'empêche
point
de
voir
la
L e s h o m m e s auraient la barbe b l a n c h e ,
s'ils la laiiïaient c r o î t r e . Ils Ce l'arrachent -, m a i s j a m a i s ils n ' e n t r e p r e n n e n t d ' ô t e r le d u v e t . Us o n t les
fourçils
peau ;
&
&
pouces ,
les
c h e v e u x auffi blancs
leurs c h e v e u x paraiilent
frifés.
longs
de
Ces
fept
q u e la à huit
Américains
font
m o i n s gros que lesautres. W a t l e r a j o u t e , c o m m e Un autre fujet d ' é t o n n e m e n t , q u e leurs f o u r c i l s f o n t c o u r b é s e n arc , & f o r m e n t un croiflant q u i a la p o i n t e e n - b a s . Il n e f a i t , d i t - i l , Ci c'ell par cette
raifon qu'ils
nuit,
pour
peu
voient
que
fort
clair p e n d a n t
la l u n e j e t t e d e
lumière;
m a i s ils o n t alors la v u e fi b o n n e , qu'ils guent
(a) Albinos, langes.
un
o b j e t d e fort l o i n . A u l E l e u r
C'eft
l'efpcce
dont M.
DE
nommée
par
VOLTAIRE
la
diftindonne»
les Efpagnols ,
parle dans tes M.ô>
D E S
439
V O Y A G E S.
t-on » d a n s l e p a y s , u n n o m q u i (ïgnifie yeux la Lune. tenir
Leurs y e u x
de
f o n t t r o p faibles p o u r f o u -
Tierra-
la l u m i è r e d u S o l e i l ; & l'eau q u i e n d é
g o u t t e fans c e f f e , l e s o b l i g e d e fe t e n i r r e n f e r m é s dans
leurs
m a i f o n s , d ' o ù i l s n e forrent qu'à la
fin d u j o u r . Ils n e f o n t pas fi robulf es q u e l e s autres. A m é r i c a i n s , n i c a p a b l e s d'aucun e x e r c i c e v i o l e n t ; c e p e n d a n t , l o r f q u e la nuit a p p r o c h e , ils r e n o n c e n t à leur i n d o l e n c e , p o u r aller c o u r i r dans l e s bois. O n vante
b e a u c o u p leur
l é g è r e t é . Si l e s
h o m m e s c o u l e u r d e c u i v r e , f o n t p e u d e cas d ' e u x , ils r e n d e n t l e c h a n g e à c e u x q u i l e s m é p r i f e n t s c e q u i n ' e m p ê c h e p o i n t q u e les d e u x races n'aient quelquefois
des
communications
fort
intimes,
.Waffer v i t u n fruit d e c e c o m m e r c e . . T o u s l e s habitans d e c e t t e c o n t r é e a i m e n t à f e peindre le corps d e diverfes d e n t pas m ê m e
figures,
& n'atten
q u e leurs enfans f o i e n t e n état
d e m a r c h e r , p o u r l e s parer d e c e t o r n e m e n t . I l s f e f o n t deffiner lement
fur t o u t e s l e s parties , p r i n c i p a
fur l e v i f a g e , d e s o i f e a u x , d e s h o m m e s
& d e s a r b r e s . C'eft d e l e u r s f e m m e s qu'ils r e ç o i v e n t ce fervice. L e s couleurs qu'elles font le rouge , l une
forte
e
j
d'huile
s
a U
emploient,
n e & le b l e u , délayés
avec
dont elles o n t toujours u n e
p r o v i f ï o n . Elles o n t d e s p i n c e a u x , q u i l e u r f e r v e n t à
tracer
fe
foutienc
d e s figures f
Ur
i
a
pendant q u e l q
p
e a u
u e s
. Cette
peinture
f e m a i n e s , & 112. E
e
iy
Firme.
440
H I S T O I R E
G É N É R A L E
d e m a n d e q u e d'être rafraîchie , lorfqu e l l e c o m Tierra-
mence
Firme.
dangereufe ,
à fe
ternir. ne
fit
W a r i e r , dans u n e pas difficulté d e
occafion fe
laiffer
p e i n d r e à la m a n i è r e d e s A m é r i c a i n s , p o u r fe c o n c i l i e r leur a m i t i é . N o u s partie d e
fa
rranfcrirons ici
relation , qui joint
une
à l'intérêt d e s
é v é n e m e n s , q u e l q u e s détails c u r i e u x fur l e s p r o priétés
du
pays , & les divers ufages des
ha
bitans. W a f t e r , Chirurgien deprofeffion , & du n o m bre des avanturiers,
q u i a v a i e n t fuivi
Sharp
du
dans
la
mer
Sud ,
le pirate
jugea ,
comme
D a m p i e r r e & q u e l q u e s autres d e leurs c o m p a g n o n s , q u ' i l valait m i e u x repalier l'Ifthme au travers d e m i l l e d a n g e r s , q u e d e d e m e u r e r fous la c o n d u i t e d'un C h e f a u q u e l ils n'avaient
pas r e c o n n u plus
d e capacité q u e d e c o u r a g e . A p r è s q u e l q u e s j o u r s d e marche j un accident fâcheux prélude
de beaucoup
fut p o u r lui le
d'infortunes. Mais on
re
g r e t t e r a i t d e n e l e s pas l i r e d a n s l e récit m ê m e du
Voyageur. u C'était, d i t - i l , le
waffis
fur
la
5 de
Mai 1687.
t e r r e , près d'un d e n o s
J'étais
Anglais,
» q u i faifait f é c h e r d e la p o u d r e à c a n o n fur u n e w a f h e t t e d'argenr. Il s'entendait fi mal à m a n i e r » la
poudre ,
q u e l e feu y
prit , & m e
brûla
* ! e g e n o u x jufqu'à d é c o u v r i r l'os. J'y a p p l i q u a i • auffi-tôt d e s r e m è d e s ; & , n e v o u l a n t pas d e -
D E S
V O Y A G E S .
441
w m e u r e r d e r r i è r e m e s c o m p a g n o n s , j e l e s fuivis d o u l e u r s . Tierra33 M a i s n o s efclaves s ' e n f u i r e n t , après n o u s a v o i r Firmc. » pendant deux
jours
avec d e vives
» v o l é s •, & l e N è g r e q u i m e fervair , ayant e m > » porré m e s d r o g u e s a v e c m e s h a r d e s , je m e v i s » p r i v é d e s fecours nécefTaires 33 m a l a u g m e n t a , & m e
à m a plaie. M o n
m i t b i e n t ô t dans l'ini-
33 puiflance d e fuivre les autres. N o u s a v i o n s d é j à » perdu
deux
nSpratlin
&
s> a v a i e n t
de
nos
compagnons
Guillaume
Bowman
,
q u i t t é s . T o u t e la C o m p a g n i e
D> fariguée
q u e , p o u r s'encourager
» autres , o n r é g l a q u e
ceux
Robert
, qui
nous
étair fi
les uns les
qui ne pourraient
33 c o n t i n u e r la r o u t e , feraient tués fans p i t i é , d a n s » la crainte q u e , s'ils t o m b a i e n t e n t r e l e s m a i n s » d e s E f p a g n o l s , o n n e l e u r arrachât , par d e s wfupplices, l e f e c r e t d e notre marche. Mais cette so r i g o u r e u f e o r d o n n a n c e n e fut p o i n t e x é c u t é e , » & l'on fe c o n t e n t a d e m ' a b a n d o n n e r à la m e r c i w d e s S a u v a g e s , a v e c M . Gobfon a» n o m m é Jean Hinglon oo c o m m e m o i , à l
a
3
, & un m a t e l o t ,
qui avaient
fuccombé,
fatigue d u c h e m i n .
» Quelques Américains, dont nous nous vîmes 33 forcés
d'implorer
le fecours,
entreprirent d e
si guérir m a plaie. Ils m â c h è r e n t d i v e r f e s h e r b e s , » d o n t ils firent u n e e f p è c e d e pâte , qu'ils é r e n » d i r e n t fur u n e f e u i l l e d e plantain ; Se c e c a t a .•plafme
fut a p p l i q u é fur l e m a l . D a n s
l'efpace
442
H I S T O I R E
»de TierraFirme.
G É N É R A L E
d e u x jours , je m e trouvai foulage. Mais i
» fi n o s h ô t e s a v a i e n t
marqué
d e l ' h u m a n i t é fur
33ce p o i n t , n o u s é t i o n s p e u fatisfaits d e s a l i m e n s a» q u e n o u s r e c e v i o n s d ' e u x . Ils n e n o u s
faifaient
» m a n g e r q u e d e s platanes v e r d s . C e p e n d a n t «jeune
Américain
un
fe d é r o b a i t q u e l q u e f o i s à la
» vue des autres, pour nous en donner de mûrs. » Il avait é t é pris d a n s f o n e n f a n c e , par l e s 3>pagnols , a v e c l e f q u e l s il avait d e m e u r é 3 3 l o n g - t e m p s , pour 33 l'amour
de
3> m o y e n 53 n o u s
de
apprendre leur langue-,
fa f a m i l l e l u i fe
favions
fauver d e un
Efallez
peu
avait fait t r o u v e r leurs mains.
d'Efpagnol
&
& le
Comme quelques
» m o t s d e fa l a n g u e , q u e n o u s a v i o n s appris e n sa n o u s
r e n d a n t d e la m e r d u N o r d
» S u d , il n'eut pas 33 t e n d r e
à nous
faire
du en-
q u e fes c o m p a t r i o t e s n'étaient pas auiTt
»méchans 33 &
de peine
à celle
que nous
q u e , s'ils n o u s
pouvions nous
l'imaginer,
traitaient
un peu
avec
de
33 r i g u e u r , c'était p o u r n o u s punir d ' a v o i r e n l e v é s» plufieurs h a b i t a n s d a n s n o t r e p r e m i e r palTage , a) & d e l e s a v o i r f o r c é s d e n o u s fervir d e g u i d e s » pendant les
p l u i e s . En
s» n'alla
jufqu'à
33 m a
point
effet,
leur
vengeance
l e s faire c e l f e r d e
panfer
plaie avec les m ê m e s h e r b e s , & ce r e m è d e
u r n e guérilîait à v u e 33 J'étais aoSpradin
en
état
de
d'œil. me
promener , lorfque
Se B o w m a n , q u i n o u s a v a i e n t l a i l l é s ,
D E S
V O Y A G E S .
© n o u s furprirent agréablement a» Ils
nous dirent q u e ,
443
par l e u r a r r i v é e ,
rebutés d e
m a r c h e r fans
» g u i d e s , au rravers d e s b o i s , & d e n e fubfifter »que
TierraFirme.
d e q u e l q u e s platanes , q u e l e hafard l e u r
» faifait
rencontrer ,
ils
s'étaient
déterminés
à
» p r e n d r e u n c h e m i n qu'ils a v a i e n t r e c o n n u , a u wrifque
de
tous les
mauvais
traitemens
qu'ils
» pouvaient craindre des Américains. Je leur réx> p o n d i s
qu'ils
ne
devaient
pas
efpérer
d'être
» m i e u x traités q u e n o u s , & q u e l e u r v i e m ê m e , » non
plus q u e
la n ô t r e , n'était p a s e n fureté ,
» parce q u ' o n n'avait pas e n c o r e e u d e n o u v e l l e s s>des g u i d e s q u e n o s A n g l a i s avaient e n l e v é s . «En
effet , t o u s les h a b i t a n s
» voyant » tendu
du
canton
ne
pas r e v e n i r leurs a m i s , après a v o i r a t long-remps
te t i e n c e , &
tinrent
59 v e n g e a n c e qu'ils
leur r e t o u r , perdirent pâ plufieurs f o i s c o n f e i l fur
devaient
tirer
de nous.
la Les
a » u n s p r o p o s a i e n t d e n o u s ô t e t la v i e , les a u t r e s » de
nous
garder parmi
s>de nous livrer «naiffaient l
a
& d'autres , dont
enfin
ils c o n -
h a i n e p o u r n o u s . M a i s , c o m m e ils
» n e l e s haïfïaienr
j>rejette,
eux,
aux E f p a g n o l s
pas m o i n s , c e d e r n i e r avis fut
& l e réfultat d e l e u r s d é l i b é r a t i o n s fut
s> d e n o u s a c c o r d e r
e n c o r e d i x j o u r s , après
lef-
a» q u e l s ils r é f o l u r e n t d e n o u s b r û l e r v i f s , fi l e u r s «amis • parut
n e reparaiffaient -
pas. N o t r e
perte
c e r t a i n e , car n e u f j o u r s s'étant
nous
écoulés,
444
H I S T O I R E
« f a n s qu'ils TierraI'irme.
G É N É R A L E
e n t e n d i r e n t parler d e s g u i d e s ,
»ne
dourerent point
que
»les
euffenc a f l a i ï ï n é s , &
nos
ïfs
compagnons
ne
l e b û c h e r fut préparé
» p o u r l e j o u r fuivant. Ils d e v a i e n t l'allumer après » l e c o u c h e r d u S o l e i l , & n o u s y j e t t e r auffi-tôr. s» H e u r e u f e m e n t
leur
Chef , nommé
Lacenta
,
« f u t informé d e leur réfolution , & les détourna » d e c e t t e c r u a u t é . II l e u r c o n f e i l l a d e n o u s faire w d e f c e n d r e v e r s la c ô t e , a v e c d e u x A m é r i c a i n s , » q u i s ' i n f o r m e r a i e n t d u fort d e s autres. C e t a v i s » fut a p p r o u v é . O n n o u s a c c o r d a d e u x
hommes,
» avec lefquels nous nous mimes joyeufement en 33 chemin , » nos
parce q u e n o u s é t i o n s p e r f u a d é s q u e
c o m p a g n o n s ^n'avaient
fait
aucun
mal à
» leurs guides. » P e n d a n t rrois j o u r s , n o u s n e fîmes q u e tra* »verfer
des
marais
bourbeux , avec une
pluie
» c o n r i n u e l l e . Il fallut palier l e s d e u x p r e m i è r e s » nuits fous d e s a r b r e s , d o n t c h a q u e f e u i l l e était •» u n . r u i f ï e a u q u i c o u l a i t fur n o u s , & la t r o i i î e m e , 5 0 f u r u n e p e t i t e m o n t a g n e , q u e la g r a n d e q u a n » tiré d ' e a u , d o n t n o u s n o u s v î m e s e n v i r o n n é s fe to l e n d e m a i n , n o u s
fit
prendre pour
une
Ifle.
» N o s p r o v i l î o n s d e v i v r e s , q u i n'étaient q u ' u n e 33 p o i g n é e s» t r o i l î e m e 3>aufîî
de
maïs ,
jour.
preflés
furent c o n f u m é e s
Alors
que nous
les
deux
dès
le
Américains ,
par la f a i m , p r i r e n t Tè
a» parti d e n o u s a b a n d o n n e r ;
D E S
V O Y A G E S .
445
» N o u s d e m e u r â m e s dans un m o r t e l embarras. < s> La p l u i e c é d a le j o u r fuivant ; & l e s e a u x n'ayant
Tierra»
» pas tardé à s'écouler , n o u s m a r c h â m e s d u c ô t é
Firaie.
m d u N o r d , jufqu'au to . p r o f o n d e ,
b o r d d'une
rivière
& large d'environ quarante
trèspieds.
v> Il était fix h e u r e s d u m a t i n -, n o u s a p p e r ç û m e s » f u r îa r i v e , u n g r a n d a r b r e , q u i paraidait a v o i r a» été n o u v e l l e m e n t abattu à c o u p s d e h a c h e , Se « q u i s'étendant d'un b o r d d e la r i v i è r e à l ' a u t r e , » formait «Nous
u n e e f p è c e d e p o n t p o u r la t r a v e r f e r . jugeâmes
que
c'était
l'ouvrage d e
nos
» c o m p a g n o n s , o u q u e d u - m o i n s ils a v a i e n t f u i v i «cette
route. N o t r e première
» palier
la
rivière , &
de
r é f o l u t i o n fut d e
marcher
fur
leurs
3-> traces. N o u s pafsâmes à la file , fur u n p o n t q u e »Ies
p l u i e s a v a i e n t r e n d u fi gliflant , q u e n o u s
s) e û m e s
beaucoup
de
peine
à n o u s f o u t e n i r -,
« m a i s envain cherchâmes-nous quelques vertiges » de
nous avaient
p r é c é d é s ; la t e r r e
33 était c o u v e r t e d e b o u e , &
ceux qui
toute inondée des
35 d e r n i è r e s
pluies. N o u s
n'en f û m e s
pas m o i n s
sa forcés d e parler la nuit dans c e l i e u -, & , l e l e n » d e m a i n , n o u s reparlâmes la r i v i è r e , p o u r f u i v r e 33 f o n c o u r s , q u i n o u s parairtait d e f e e n d r e v e r s la » m e r d u N o r d . N o u s e û m e s à t r a v e r f e r , jufqu'à j»la fin d u j o u r ,
des bois
de bambous
&
de
» r o n c e s . L e f o i r , n o u s n o u s t r o u v â m e s dans u n » accablement
de
fatigue
&
d e faim ,
auquel
446
H I S T O I R E
i> n o u s a u r i o n s TierraFiímc.
G É N É R A L E
infailliblement
f u c c o m b é , fi l é
» C i e l , q u i v e i l l a i t à n o t r e v i e , n e n o u s e û t fait » d é c o u v r i r un arbre d e M a c a , c h a r g é d e fruits : 33 n o u s
en mangeâmes
avidement , & nous e n
33 f î m e s u n e p r o v i l î o n , q u i n o u s d o n n a d e rrieilasleures e f p é r a n c e s p o u r l e j o u r f u i v a n t . » Après avoir marché d e p u i s l e lever d u Soleil,' « n o u s a r r i v â m e s , v e r s q u a t r e h e u r e s après m i d i , 9>fur l e b o r d d ' u n e
autre r i v i è r e , qui r e c e v a i t
33 c e l l e d o n t n o u s a v i o n s 33elle paraiffait c o u l e r 33 r é f o l û m e s
fuivi
la r i v e .
Comme
auiîî v e r s l e N o r d ,
nous
d e faire d e u x r a d e a u x p o u r la d e f -
B3cendre. L e s bambous creux , q u e nous
avions
3 3 a u t o u r d e n o u s , f a v o r i f a i e n t c e deff'ein. N o u s 33
en coupâmes quelques-uns, & , les
taillant
dans
« t o u t e leur l o n g u e u r , n o u s les liâmes e n f e m b l e joavec
d e s branches
de
divers
arbrifleaux. L a
3>nuit n o u s furprit avant la fin d e n o t r e t r a v a i l ; a»mais l e s fruits n e n o u s m a n q u a n t p o i n t e n c o r e , s, n o u s
é t a b l î m e s n o t r e l o g e m e n t fur u n e p e t i t e
v é m i n e n c e , c o u v e r t e d'arbres d ' u n e p r o d i g i e u f e 33grofieur. Il n o u s fut aifé d e ramaffér a l l e z d e 33 b o i s , p o u r
allumer
as m e n c i o n s
nous
wlorfqu'il
à
furvint
d u feu ; &
endormir
nous
com
tranquillement
j
u n li f u r i e u x o r a g e , q u e l e
33 c i e l & la t e r r e f e m b l a i e n t prêts à f e c o n f o n d r e . 33 L a p l u i e fut a c c o m p a g n é e d e t o n n e r r e s » clairs , a v e c
une odeur
& d'é-
d e foufre , d o n t n o u s
D E S s> n o u s
fentîmes
» entendîmes
de
V O Y A G E S . prefque toute
447
étouffés. B i e n t ô t part
l'effroyable
nous bruit
» d e s e a u x , q u i r o u l a i e n t a v e c la d e r n i è r e i m » p é t u o ( ï t é , & la l u m i è r e d e s éclairs n o u s fit a p » percevoir
qu'elles
commençaient
à nous
en-
& tourer. En m o i n s d'une d e m i - h e u r e , elles e m s> p o r t è r e n t l e b o i s q u e n o u s a v i o n s a l l u m é . N o u s »ne
p e n f â m e s alors qu'à
la
fuite ,
&
chacun
D> c h e r c h a q u e l q u ' a r b r e fur l e q u e l il pût m o n t e r } » m a i s la c o l l i n e n'en a y a n t q u e d e fort g r o s , & » p r e f q u e fans a u c u n e b r a n c h e , il fallut r e n o n c e r » à c e t e f p o i r . J'eus l e b o n h e u r d'en » un qui
était c r e u x
» verture
à trois ou
rencontrer
d'un c ô t é , a v e c u n e
ou-
q u a t r e p i e d s d e terre. J ' y
» entrai , & j e m'afîis fur u n n œ u d qui s'y t r o u » vait.
Là , m'abandonnant
»> flexions , j'attendis l e » mens
que
je
ne
puis
a u x plus trilles
jour avec
des
ré-
mouve-
r e p r é f e n t e r -, d a n s
la
39 c r a i n t e c o n t i n u e l l e q u e m o n arbre n'eût l e fort vde
plufieurs a u t r e s , q u i é t a i e n t e m p o t t é s par la
s> v i o l e n c e
des eaux , & dont
s, t r e m b l e r . Enfin », d u j o u r ,
l e c h o c m e faifait
j'apperçus l e s p r e m i e r s r a y o n s
j e f e n t i s r e n a î t r e la j o i e d a n s m o n
» c œ u r . En effet, l
a
p l u i e & l e s éclairs c e f l e r e n t ,
» les e a u x s ' é c o u l è r e n t a l l e z v i t e , & l e S o l e i l fe » l e v a , j e fortis alors d e m a retraite , p o u r c h e r » c h e r l'endroit o ù n o u s a v i o n s fait d u f e u , d a n s »l'efpérance
d'y
retrouver
quelqu'un
de
mes
TierraFirme.
448
H I S T O I R E
«compagnons } Ticrra-
«les
échos
Firme.
« p o u t l a i pour « lî
vive , croyais
« & ,
mais
feuls
»je
G É N É R A L E je n e vis
pérfonne ,
répondirent aux
les appeïler. Ma douleur
q u e j'enviai entraînés
le
fort
de
dans c e t a c c è s d e d é f e f p o i r ,
ceux
j e m e lai fiai
par
«Gobfou
& l e s trois a u t r e s , q u i a v a i e n t leur
falut
dans
mort.
des
Cependant
arbres
,
«pcller
à
vinrent la
vie.
me
joindre
Nous
nous
&
aulîî
creux
» & q u i e n a v a i e n t été q u i t t e s p o u r l e s ai alarmes
que eaux;
«tomber
«trouvé
je
devint
par la fureur d e s
terre, comme
âi
cris q u e
t
mêmes
me
rap-
embrafsâmes
j
« l e s larmes aux y e u x , en remerciant le C i e l d e « n o t r e c o n f e r v a t i o n . N o s r a i f o n n e m e n s fur l ' i n o n » d a t i o n n o u s firent c o n c l u r e q u e , p e n d a n r
les
« g r a n d e s p l u i e s , la p e n t e d e s m o n t a g n e s f o r m a i t « d e s t o t r e n s , qui grofiiflaienr auffi-tôr les r i v i è r e s
}
« & q u e , par la m ê m e r a i f o n , l'eau n'était pas l o n g « t e m p s à difparaitre. » Nous » avions «arbre.
cherchâmes attachés
Ils
étaient
nos radeaux , que
fur la
rive ,
enfoncés
au
tronc
dans la
nous d'un
boue,
8c
« r e m p l i s ; c e q u i n o u s fir reconnairre q u e n o u s « l e s a v i o n s mal c o n f l r u i t s , car l e b a m b o u c r e u x « fe f o u t i e n t o r d i n a i r e m e n t fur l'eau. C e n o u v e a u «chagrin
n o u s ôta
l ' e n v i e d'en faire d'autres
t
« p o u r d e f e e n d r e la r i v i è r e - , 8c n o u s r é f o l û m e s , s>à t o u t e s fortes d e rifques , d e r e t o u r n e r c h e z «les
Américains,
D E S
V O Y A G E S .
"
449
w> les A m é r i c a i n s . Q u e l l e g r â c e n e r e n d î m e s - n o u s s> pas au C i e l d e n o u s a v o i r infpiré » lution , lorfcjue
nous
apprîmes enfuite
» r i v i è r e allait fe j e t t e r d a n s c e l l e » & que nous
cette réfo-
ferions
q u e la
de Chéapo ,
par c o n f é q u e n t
tombés
»au milieu des Efpagnols, dont nous ne devions » a t t e n d r e a u c u n quartier ! N o u s r e p r î m e s d o n c 53 l e c h e m i n par l e q u e l n o u s é t i o n s v e n u s . C o m m e » n o t r e u n i q u e n o u r r i t u r e , d e p u i s fept j o u r s , était » l e fruit d e maca,
& la m o e l l e d'un arbre q u e
33 les habitans n o m m e n t r> faifait c h e r c h e r 33 être
propre
bibles
,
la
faim
nous
des y e u x tout c e qui pouvait
à la l o u l a g e r . N o u s
apperçûmes
33 un d a i m q u i d o r m a i t . U n d e n o s C o m p a g n o n s , 03 d é t a c h é p o u r
l e tuer , s'en a p p r o c h a d e
fort
-
33 près , mais e n t i r a n t , u n faux pas lui fir m a n q u e r 33 fon c o u p . L ' a n i m a l , é v e i l l é
par l e b r u i t , s ' é -
33 l o i g n a l é g è r e m e n t . D a n s l e d e f l e i n d e c h e r c h e r 33 l e s h a b i t a t i o n s , il fallait s'écarter d e la r i v i è r e , 33 & c e t t e néceffité
nous expofait à nous égarer,
33 H e u r e u f e m e n t la trace d'un d e c e s p o r c s f a u 3 3 v a g e s , q u ' o n n o m m e peccarls,
nous
conduifît
33 v e r s u n e plantation. A v a n t q u e d e n o u s m o n t r e r 33 a u x habitans , d 33 mal r e ç u s ,
o n C
no
U s
nous appréhendious nous
arrêtâmes
pour
d'être tenir
w c o n f e i L O n réfolut d ' e n v o y e r vers e u x u n feul „ h o m m e , q u i ferait tiré au fort , & fljfévénememr.
Tome XII,
Le
d'attendre
fort t o m b a fur m o i - m ê m e ,
F f
TierraFirme.
450
H I S T O T R E
«qui
avais
propofé
G É N É R A L E
cette o u v e r t u r e ,
&
j'allai
Tierra-
» t r o u v e r l e s A m é r i c a i n s a v e c allez
Firme.
« fur l e t r a i t e m e n t q u e j'en r e c e v r a i s . M a i s » fut b i e n t ô t diffipée
d'incjuiémde
par l e u r a c c u e i l . U s
elle m'of-
» frirent l e u r s m e i l l e u r s a l i m e n s , 8c n ' e u r e n t pas 3 3 p l u t ô t appris l'embarras d e m e s « q u ' i l s leur envoyèrent
le
Compagnons,
jeune-homme
dont
» n o u s a v i o n s é p r o u v é l ' a m i t i é . Il les a m e n a . N o u s » s û m e s d e lui la caufe d e cet h e u r e u x c h a n g e m e n t . «Les
guides
étaient
revenus ,
«fort
de
ttoupe
A n g l a i f e , qui leur
la
« f a i t o u b l i e r , par fes
careifes
3 3 la v i o l e n c e qu'ils a v a i e n t
&
8c
fe
fes
d'abord
louaient avait
préfèns,
efluyée.
« N o u s p r î m e s fix o u fept j o u r s d e r e p o s d a n s e> c e t t e p l a n t a t i o n , après q u o i , « n o u s a p p r o c h e r d e la m e r d u 33 mit en
l'impatience Nord,
de
nous re-
marche. Les Américains , remplis alors
33 de b o n n e v o l o n t é , nous donnèrent pour g u i d e s « quatre
jeunes h o m m e s
robuffes , q u i m a r c h e -
» rent d e v a n t n o u s a v e c a f f e c t i o n . Us n o u s m e n e « renr , e n u n j o u r , au b o r d d e la r i v i è r e , o ù « n o u s e n a v i o n s m i s trois à n o u s r e n d r e . «y
t r o u v â m e s u n c a n o t , fur l e q u e l ils n o u s
Nous firent
« e m b a r q u e r ; m a i s c e fur c o n t t e l e c o u r a n t qu'ils » r a m e r e n r jufqu'au foir.
A
l ' e n t t é e d e la n u i t ,
« ils n o u s m i r e n t à t e r r e , p o u r n o u s faire
loger
3 3 dans u n e c a b a n e . L e l e n d e m a i n , n o u s p a r t î m e s «avec
deux nouveaux
rameurs , qui
s'offrirent
D E S .
V O Y A G E S .
451
« p o u r f o u l a g e r l e s p r e m i e r s . En lix j o u r s , ils n o u s « r e n d i r e n t au p i e d d'une g r a n d e h a b i t a t i o n , q u i « était la d e m e u r e & c o m m e
le Château d e La-
» c e n t a , c e m ê m e C a c i q u e à q u i n o u s a v i o n s obli" » g a t i o n d e la v i e . « Elle o c c u p e l e
fommet
d'une petite monta-
s i g n e , fur l a q u e l l e il l e t r o u v e d e s a r b r e s , d o n t « l e t r o n c a d e p u i s fix juiqu'à d i x & o n z e p i e d s » d e d i a m è t r e , a v e c u n e b e l l e allée d e p l a t a n e s и & u n fort joli b o c a g e . C e l i e u ferait d e s
plus
« a g r é a b l e s d u m o n d e , fi l'art y avait f é c o n d é la « n a t u r e . D a n s fa c i r c o n f é r e n c e , la m o n t a g n e c o n « t i e n t e n v i r o n cent arpens. C'elt une
péninfule
« d e forme o v a l e , prefque
de
environnée
deux
« g r a n d e s r i v i è r e s , d o n t l'une v i e n t d e ГЕН , l'au«tre
d u c ô t é o p p o f é , & q u i n e fonr
pas
éloi-
» g n é e s enrr'elles d e plus d e quarante p i e d s . C e r t e « l a n g u e d e t e r r e , feul c h e m i n q u i
conduit,au
« C h â t e a u , eft t e l l e m e n t embarralTée d e b a m b o u s « & d e d i v e r f e s fortes d'arbriiïeaux , q u ' e l l e р а да raît i m p é n é t r a b l e à c e u x q u i n'y font pas r e ç u s ю volontairement.
C'était
dans ce lieu q u e
La-
« c e n r a faifair fa d e m e u r e , a v e c c i n q u a n t e d e fes » p r i n c i p a u x Sujets. T o u s les S a u v a g e s d e . l a C ô t e « d u N o r d , Se c e u x q u i t o u c h e n t à l ' I f t h m e v e r s « l e S u d , n e reconnaiffaient pas d'autre S o u v e r a i n . « Auffi-tôt q u e n o u s e û m e s q u i t t é n o t r e c a n o t , a» i l r e n v o y a
nos Guides à leurs habitations. F f
ij
Il
TierraFirme.
452
H I S T O I R E
33 n o u s offrit u n
G É N É R A L E
logement ,
pour attendre
une
Tierra-
j j f a i f o n plus c o m m o d e , e n n o u s r e p r é f e n t a n t q u e
Firme.
n celle des
p l u i e s avait r o m p u l e s
chemins ; &
33 n o u s é p r o u v â m e s , a v e c j o i e , q u e c e s P e u p l e s 35 favent o b f e t v e r l e s l o i x d e r h o f p i t a l i t é . U n i n 33cident
fort
fimple
augmenta-la bonne opinion
35 qu'ils a v a i e n t c o n ç u e d e n o u s , fur
le
témoi-
« g n a g e d e n o s G u i d e s , 8c m e m i t t o u t - d ' u n - c o u p a» d a n s u n e h a u t e r é p u t a t i o n . U n e d e s f e m m e s d u Ca3> c i q u e avait la fièvre , & d e v a i t ê t r e f a i g n ë è . C e t t e 33 o p é r a t i o n
eft fort
finguliere
p a r m i l e s habitans
35 d e l ' i f t h m e . E l l e fe fait e n p u b l i c .
Le
malade
9 3 f e t i e n t affis fur u n e p i e r r e , t o u t n u ,
devant
«3 u n h o m m e armé* d'un fort petit a r c , q u i lui tire 35 fur t o u t e s l e s parties d u c o r p s d e
très - p e t i t e s
33 flèches , a v e c u n e p r o m p t i t u d e f u r p r e n a n t e . L e s 35 flèches f o n t a r r ê t é e s par un p e t i t c e r c l e d e
fil,
sa q u i l e s e m p ê c h e d e p é n é t r e r r r o p . O n les retire w e n f u i t e a v e c la m ê m e v î t e l f e . Si , par
hafard,
3»elles ont percé quelque v e i n e , & q u e le 93 paraifTe fortir
g o u t t e - à - g o u t t e , les
fang
fpectateurs
33 a p p l a u d i r e n t à l'habileté d u C h i t u r g i e n , & mar«. 33 q u e n t l e u r j o i e par d e s fauts & par d e s
cris,
n L e s r i d i c u l e s apprêts q u e j e vis faire p o u r ' fai35 g n e r la f e m m e d u C a c i q u e , m e p o r r e r e n t à l u i » offrir m e s f e r v i c e s . Il parut c u r i e u x d ' a p p r e n d r e 33 c o m m e n t
la f a i g n é e
fe
faifait e n
Europe.
Je
a» tirai d e m a p o c h e u n e b o c t e d ' i n f t r u m e n s , f e u !
D E S
V O Y A G E S .
453
» b i e n q u e m o n N è g r e n e m'avait p o i n t e n l e v é ; « j e fis u n e b a n d e d ' é c o r c e s d'arbre d o n t j e liai si l e bras d e la f e m m e , & j e lui o u v r i s la v e i n e « a v e c ma l a n c e t t e . J e m'attendais à d e s f é l i c i t a 03 t i o n s fur u n e
m é t h o d e fi p r o m p t e ; m a i s
La
os c e n t a j v o y a n t fortir l e fang a v e c v i o l e n c e , j u 33 g e a q u e j ' a v o i s b l e i l é
fa
femme , & devint
« f u r i e u x , qu'il prit fa l a n c e p o u r m'en
fi
frapper.
33 C e p e n d a n t la t r a n q u i l l i t é a v e c l a q u e l l e j e r e ç u s 33 fes m e n a c e s , e n lui offrant m a v i e p o u r c a u t i o n 33 d u f u c c è s , m e fit o b t e n i r la l i b e r t é d e finir. J e 33tirai à la M a l a d e e n v i r o n d o u z e o n c e s d e
fang,
» & la fièvre la quitta d è s l e l e n d e m a i n . U n é v é 33 n e m e n t fi n o u v e a u p o u r l e s A m é r i c a i n s , m'at» tira d ' e u x t o u t e s f o r t e s d ' h o n n e u r s . L e C a c i q u e 33 parut à l e u r t ê t e , l e bailla d e v a n t m o i , & m e sibaifa la m a i n , avant q u e j e
puffe
l'empêcher.
« T o u s l e s autres m'embrarTerent l e s g e n o u x , Se «me «me
mirent portèrent
enfuite
dans
comme en
un hamac , o ù triomphe
fur
ils
leurs
33 é p a u l e s . « M a faveur n'ayant fait q u ' a u g m e n t e r , par l e s 3>fervices q u e j e c o n t i n u a i d e leur r e n d r e , oj c e n t a m e
» u n e d e fes plus f o r t e s p a l l i o n s . J e « gnai une
La-
m e n a i t fou v e n t à la c h a l ï e , q u i é t a i t l'accompa-
fois v e r s fes Etats d u S u d , &
« paflàmes près d'une r i v i è r e
d ' o ù les
nous
Efpagnols
» tirent d e l'or. J e la pris p o u r u n e d e c e l l e s q u i F f
iij
,
Tierra-. Firme.
454
H I S T O I R E
G É N É R A L E
33 v i e n n e n t d u S u d - E f t , & q u i v o n t fe d é c h a r g e r Tierra-
« d a n s le Golfe de Saint-Michel. N o u s
ïuime.
» mes quelques
Efpagncls
apperçû*
qui travaillaient,
&
« n o u s étant gliflés a u f l i - t â t dans un b o i s v o i f i n , 33 la c u r i o l i t é n o u s y fit o b f e r v e r d e q u e l l e m a 33 n i e r e ils t i r e n t
l'or. Ils o n t d e petits plats
de
» b o i s c r e u x qu'ils e n f o n c e n t d a n s l ' e a u , & qu'ils 33 r e t i r e n t
p l e i n s d'eau & d e f a b l e . Us f e c o u e n t
s>le plat-, l e fable s'élève d e l u i - m ê m e aiï-deftus 33 d e l'eau , & l'or q u i s'y t r o u v e m ê l é , d e m e u r e » au f o n d : e n f u i t e ils f o n t f é c h e t l'or au S o l e i l , » & , pour achever
d e l e féparer d u f a b l e , i l s
3 i b r o i e n t l e s parties f e c h e s dans u n m o r t i e r - , e n 33fuite ils l e s é t e n d e n t fur d u p a p i e r , ils partent 33 u n e p i e r r e
d'aimant p a r - d e f l u s , a p p a r e m m e n t
3 3 p o u r l e s n e t t o y e r , & , fans a u t r e p r é p a r a t i o n , 33 ils l e s m e t t e n t
d a n s d e s calebartes. C e
travail
« n e fe fait q u ' e n é t é & n e d u r e q u e t r o i s m o i s , « L a r i v i è r e , q u i n'a pas alors plus d'un p i e d d e »3profondeur,
eft inacceffible d a n s l e t e m p s
« p l u i e s . T o u t l'or q u ' o n a tiré p e n d a n t la
des belle
» faifon e f t t r a n f p o r t é à S a i n t e - M a r i e dans d e petits «bât-ii-nens; & , l o r f q u e n o u s p r î m e s c e t t e ] V i l l e «avec
le Capitaine Sharp, nous y en trouvâmes
* p l u s d e t r e n t e m i l l e marcs. 33 P e n d a n t n o t r e v o y a g e , j e pris occafîon
du
» m a u v a i s fuccès d e la charte d u C a c i q u e , p o u r w l u i vanter
l'excellence des c h i e n s
d'Angleterre.
D E S
V O Y A G E S .
455
» J e m'étais a p p e r ç u q u e f o n d e f f e i n était d e
me
» retenir auprès d e lui', m a i s il n e put réfilfer à
Tierra-
» l'offre
Firme,
q u e j e lui fis
de
lui a m e n e r
» b e a u x c h i e n s d e m o n p a y s , s'il m e » d'y r e t o u r n e r
pour quelques m o i s .
quelques permettait Cependant
» il n e m ' a c c o r d a cetre g r â c e , qu'après ao fait p r o m e t t r e q u e j e r e v i e n d r a i s
m'avoir
avant la
fin
33 d e l'année & q u e j'épouferais u n e d e fes f œ u r s . 33 J e fis c e f e r m e n t fans y
croire ma
cbnfcience
33 fort e n g a g é e . Il m e c o n g é d i a d è s l e l e n d e m a i n , v fous l ' e f c o r t e d e f e p t j e u n e s A m é r i c a i n s . J'étais 33 nu c o m m e e u x , & j'avais c o n f e n t i , p o u r l e u r 33 p l a i r e , à m e laitier p e i n d r e l e c o r p s par l e u r s 33 f e m m e s . C e p e n d a n t j'avais c o n f e t v é m o n h a b i t , 33pour m e ptéfenter
a v e c plus d e
décence
aux
33 p r e m i e r s E u r o p é e n s q u e j e p o u v a i s r e n c o n t r e r . 33 L a c e n t a c h a r g e a q u a t r e f e m m e s d e t r a n f p o r t e r x» c e p e t i t é q u i p a g e a v e c m e s p r o v i f i o n s ,
&
me
33 dit j e n m ' e m b r a f f a n t , q u e j e ferais furpris, à m o n w r e t o u r , d e t o u t c e qu'il
v o u l a i t faire e n
33 faveur. Q u i n z e jours d e m a r c h e m e
firent
ma arri-
33 v e r à f o n h a b i t a t i o n , o ù m e s c o m p a g n o n s a p 3 3 p r i r e n r , a v e c d e s tranfports d e 33 vais o b t e n u l e u r l i b e r t é & •3 q u e l q u e s j o u r s d e
joie , q u e j'a-
la m i e n n e . J e pris
r e p o s , après l e f q u s l s
nous
33 n o u s m î m e s e n m a r c h e v e r s la m e r d u N o r d , s s e f c o r t é s par un g r a n d n o m b r e d ' A m é r i c a i n s b i e n . 33 a r m é s . F f
iv.
456
H I S T O I R E
G É N É R A L E
» Ils n o u s m e n è r e n t par d e s c h e m i n s t r è s - r u TierraFirme.
*> des & par d e (î hautes m o n t a g n e s , qu'il y
en
« e u t o ù n o u s e û m e s b e f o i n d e q u a t r e j o u r s err ai) tiers p o u r arriver au Commet. E n y a r r i v a n t , j e «fus
pris d'un
« crus d e v o i r
étourdiflement de t ê t e , que atrribuer à l ' e x t r ê m e
» l'air. Elle m e parut b e a u c o u p p l u s
je
fubtilité élevée
de que
« c e l l e s d o n t M . D a m p i e r r e a d o n n é la d e f c r i p » n o n , & que n o u s a v i o n s traverfées e n f e m b l e , « f o u s le C a p i t a i n e Sharp. La c i m e d e t o u t e s l e s « autres
était au - defïùs
« d e s n u é e s épailTes
de
nous
nous ,
&
empêchaienr
fouvent de
« l e s r e r r e s baffes qui n o u s e n v i r o n n a i e n t *
voir Nous
« n ' e û m e s pas m o i n s d e p e i n e à d e f e e n d r e d e c e t t e « étrange hauteur-, m a i s , e n d e f e e n d a n r , m o n c e r « v e a u fe d é g a g e a i t ,
par d e g r é s , d e s v a p e u r s q u i
•s m'avaient é t o u r d i . «Nous
t r o u v â m e s , au p i e d d e la m o n t a g n e ,
« u n e r i v i è r e q u i c o u l a i t v e r s la m e r d u »&
Nord,
q u e l q u e s m a i f o n s fur fes r i v e s . O n n o u s
y
» fit u n a c c u e i l q u i n o u s fit o u b l i e r fix jours d ' u n e « c r u e l l e fatigue , pendant lefquels nous n'avions « e u , p o u r le r e p o s d e la n u i t , qu'un h a m a c fuf« p e n d u e n t r e d e u x a r b r e s , a v e c un p e u d e m a ï s « pour unique nourriture. N o u s arrivâmes b i e n os t ô t au b o r d d e la m e r , o ù n o u s f û m e s
furpris
« d e r e n c o n t r e r quarante d e s p r i n c i p a u x d u p a y s , «qui
nous
félicitèrent
fur
le
fuccès
de
notre
D E S 33 v o y a g e .
V O Y A G E S .
N o u s i g n o r i o n s qu'un d e
03 avait éré déraché 93 a r r i v é e .
Loin
457 nos Guides
p o u r les informer
d'être nus , c o m m e
d e norre les A m e r i -
*>cains d e s m o n t a g n e s , ils a v a i e n t d e fort b e l l e s 93 r o b e s b l a n c h e s & b o r d é e s d e f r a n g e s , q u i l e u r 93 d é p e n d a i e n t jufqu'à la c h e v i l l e d u p i e d . C h a c u n 93 était a r m é d'une d e m i - p i q u e . L e u r s careïTes f u 33 r e n t v i v e s . N o u s l e u r d e m a n d â m e s s'ils n ' a v a i e n t 9» pas v u q u e l q u e s v a i l l e a u x d e l ' E u r o p e . Ils r e 9 3 p o n d i r e n t , qu'il n'y e n avait p o i n t fur la c ô t e > 93 mais q u e fi n o u s f o u h a i t i o n s d'être m i e u x
inf-
9J t r u i t s , il était aifé d e n o u s fatisfaire. 33 Ils firent a p p e l l e r auffi-tôt
quelques-uns
de
» leurs D e v i n s . Il e n v i n t t r o i s o u q u a t r e , a u x 93 q u e l s o n n'eut pas p l u t ô t d é c l a r é c e
qu'on at-
*> t e n d a i t d ' e u x , qu'ils firent d e s préparatifs p o u r 93 leur c o n j u r a t i o n . Ils c o m m e n c è r e n t par fe r e n 93 fermer dans u n e
partie
de
la c a b a n e o ù
nous
93 é t i o n s , p o u r y faire plus l i b r e m e n t l e u r s c é r é » monies 3 &
fi n o u s n ' e û m e s pas l e
plailir
de
93les v o i r , nous e û m e s du moins celui d e l e s e n 93tendre.
Tantôt
ils p o u f f a i e n t
d e grands c r i s ,
93 e n contrefaifanr c e u x d e d i v e r s a n i m a u x ,• tan93 tôt c'étaient d e s p i e r r e s & d e s c o q u i l l e s qu'ils 33 faifaient
heurter
l'une
33 g n a i e n t à c e b r u i t I 93bout, &
d'un
e
contre
l'autre. I l s j o i -
fou d'une efpèce d e tam-
autre i n f i n i m e n t
compofé
» d e b ê t e s Se d e c o r d e s . D ' e f f r o y a b l e s
d'os
hurlemens
TierraFirme.
458
H I S T O I R E
G É N É R A L E
« fuccédaienc par i n t e r v a l l e s , & , d e t e m s e n r e m s ; Tierra-
» t o u t e c e t t e infernale m u d q u e
Firme.
pu p u e par le plus p r o f o n d
était
filence.
interrom
La c o n j u r a t i o n
« avait déjà d u r é "plus d ' u n e h e u r e ,
lorfque les
» D e v i n s , furpris d e n e r e c e v o i r a u c u n e «conclurenr que le
filence
réponfe,
d e leur D i v i n i t é
« n a i t d e n o t r e p r é f e n c e dans la m ê m e « I l s n o u s o b l i g è r e n t d'en fortir , &
ve-
maifon.
l'opération
» fut r e c o m m e n c é e . L e fuceès n'en étant pas p l u s «heureux , »bane
u n e n o u v e l l e r e c h e r c h e dans la c a -
l e u r fit d é c o u v r i r q u e l q u e s - u n e s d e n o s -
» h a r d e s p e n d u e s au m u r , ils les j e t t e r e n t bruf» q u e m e n t ^ d e h o r s . Enfuite , r i e n
ne
s'oppofant
« plus à l e u r s d e h r s , ils parurenr fatisfaits ; & n o u s » l e s v î m e s b i e n t ô t fortir d e l e u r r e r r a i t e , e n fueur » 8c fort agités. Ils allèrent d ' a b o r d fe l a v e r d a n s « l a r i v i è r e ; e n f u i t e , v e n a n t à n o u s , ils n o u s d i re r e n t , q u ' a v a n t d i x j o u r s il arriverait d e u x vaif« féaux 5 q u e n o u s e n t e n d r i o n s tirer d e u x c o u p s « d e c a n o n , & qu'un d e n o s C o m p a g n o n s » drait la v i e .
En e f f e t ,
le
matin d u
per-
dixième
« j o u r , nous entendîmes les deux c o u p s , & nous « d é c o u v r î m e s d e u x vaifïeaux qui s'arrêtèrent a u « Q u a i d e la S o n d e .
Notre
impatience
nous
» e n t r e r f u r - l e - c h a m p d a n s un c a n o t , p o u t
fit
nous
« r e n d r e au Q u a i . E n traverfant la b a r r e , l e c a n o t » fe renverfa , &
M . Gobfon
» N o u s n ' e û m e s pas p e u d e
t o m b a dans l'eau. p e i n e à l'en tirer y
D E S
V O Y A G E S .
459
« m a i s e n f i n , l'ayant repris à b o r d , n o u s efpérâ» r n e s q u e la p r é d i c t i o n ne s'accomplirait pas fur TierraFirme. » l u i . C e p e n d a n t il avait avalé tant d ' e a u , qu'a-, » près a v o i r l a n g u i trois o u q u a t r e j o u r s , t o u s n o s 33 foins n e p u r e n t l ' e m p ê c h e r
d e m o u r i r au Q u a i
33 d e la S o n d e . 33 N o u s n o u s a p p r o c h â m e s d e s d e u x »3 C'était u n e f e l o u q u e
vaiffeaux.'
Anglaife , avec une tar-
»3 rane E f p a g n o l e , q u e l e s
Anglais avaient enle-
33vés d e p u i s q u e l q u e s j o u r s . La
forme
d e la tar
is rane n o u s e f f r a y a , & n e caufa pas m o i n s d ' é p o u 9» v a n t e à q u e l q u e s A m é r i c a i n s
qui nous a c c o m -
w p a g n a i e n t . Ils r e g a r d a i e n t les E f p a g n o l s c o m m e » leurs plus g r a n d s e n n e m i s : m a i s , q u o i q u e n o u s n e 33 les cruffions pas m o i n s l e s n ô t r e s , & q u e n o u s 30 i g n o r a f f i o n s e n c o r e l e q u e l d e s
deux-bâtimens
» était fournis à l'autre , n o u s e û m e s l'audace d e 3 3 n o u s a v a n c e r jufqu'au vaifïeau A n g l a i s o ù n o u s 33 r e c o n n û m e s M . D a m p i e r r e , & p l u l i e u r s . d e n o s »3 anciens C o m p a g n o n s . Ils n o u s r e ç u r e n t a v e c d e s wrranfports d e j o i e : je fus l e feul qu'ils n e r è c o n v> n u r e n t pas t o u t - d ' u n - c o u p . C o m m e j étais p e i n t «3 à la
manière
des
Américains &
nu
comme
3 3 e u x , à réferve d e m o n h a u t - d e - c h a u f f e , 93 j'avais r e p r i s
aptes a v o i r
3> v o u l u s m e d o n n e r l
e
quitté
que
Lacenta , je
plailir d e v o i r fi m e s
an-
ssciens amis m e reconnaîtraient dans c e d é g u i f e 9 9 m e n t , & j e pris la p o f t u r e o r d i n a i r e d e s N a t u -
460
H I S T O I R E
G É N É R A L E
» rels d u p a y s , qui eft d e fe t e n i r affis fur
les
Tierra-
« j a r r e t s . O n fût plus d'une h e u r e à m e c o n f i d é -
Fiurie.
« r e r , fans p o u v o i r fe r a p p e l l e r qui j'étais.
Enfin
» q u e l q u ' u n s'écria : E h ! c'eft n o t r e D o c f e u r W a f ï e r , » c'eft l u i - m ê m e -, & rout l e m o n d e ouvrir aulîi-tôt « les y e u x . J e m e lavai , j e n'épargnai
rien pour
-
« e f f a c e r les rraces d e ma p e i n r u r e , mais le S o l e i l « l e s a v a i t f é c h é e s d e p u i s lî l o n g - t e m p s , q u e j e n e « p u s l e s ô t e r tout-à-fait q u ' a v e c u n e partie d e m a » peau. » L o r f q u e les h a b i t a n s d e l ' I f l h m e d o i v e n t p a r t i r p o u r la g u e r r e , ils fe p e i g n e n t l e v i f a g e d e r o u g e , les é p a u l e s & l ' e f l o m a c d e n o i r , & l e r e l i e d u c o r p s d e jaune , o u d e q u e l q u ' a u t r e c o u l e u r . Q u e l q u e s - u n s , mais e n petit n o m b r e , r e n d e n t c e s traits i n e f f a ç a b l e s , en fe faifant p i q u e r la p e a u d'une pointe d ' é p i n e , pour appliquer les couleurs fur l e s parties p i q u é e s . Ils n e p o r t e n t o r d i n a i r e m e n r a u c u n e forre d'habits. L e s f e m m e s o n t feu l e m e n t à la c e i n t u r e
pièce
d e toile ou d e
d t a p , qui l e u t t o m b e jufqu'aux
g e n o u x ; mais
les
une
h o m m e s font absolument tout n u s ,
f e r v e n t la b i e n f é a n c e n s t u t c l l e q u ' e n d'une
& n'ob-
fe c o u v r a n t
feuille de p l a t a n e , tournée en forme d'en
t o n n o i r & f o u t e n u e par un c o r d o n qu'ils f e l i e n t autour du corps. C e t t e nudité habituelle n'empê c h e p o i n t qu'ils n'eftiment l e s h a b i t s . U n A m é r i cain q u i o b t i e n t u n e v i e i l l e c h e m i f e d e m a t e l o t
D E S
V O Y A G E S .
la p o r t e a v e c affectation
461
, & paraît en
devenir
ont même
Tierra-
d e l o n g u e s robes d e c o t o n , qu'on ne peut m i e u x
FirmC
plus fier. C e u x d e la C ô t e d u N o r d
c o m p a r e r qu'aux fracs d e n o s v o i t u r i e r s , e x c e p t é q u e les m a n c h e s e n font l a t g e s
& ouvertes ,
Se
q u ' e l l e s n e v o n t qu'à la m o i t i é d u b r a s ; mais i l s n ' e n f o n t u f a g e q u e d a n s l e s occafions f o l e m n c l l e s . < L e u r s f e m m e s l e s leur p o r t e n t d a n s d e s c o r b e i l l e s jufqu'au l i e u d e l'aftemblée. Ils s'en parent
avec
f o i n , & fe p r o m è n e n t e n f e m b l e d a n s c e t é q u i p a g e autour d e l'habitation. U n autre o r n e m e n t d e s h o m m e s , eft u n e pla q u e d'or o u d ' a r g e n t , qu'ils p o r t e n t c h e . C e s plaques font
d e forme
c e n d e n t fi bas , q u ' e l l e s
fur la b o u
ovale , &
c o u v r e n t la l è v r e
des infé
r i e u r e . Elles fonr é c h a n c r é e s au - d e l ï u s , c e q u i forme
u n e e f p è c e d e croiflant , d o n t
pointes aboutilfent
au n e z . O n
les deux
ne n o u s d i t pas
c o m m e n t e l l e s t i e n n e n t à c e t t e partie d u v i f a g e ; m a i s on a j o u t e q u e la m a n i è r e d o n t e l l e s f o n t p o fées fur la b o u c h e , leur d o n n e u n m o u v e m e n r con t i n u e l . C e t t e parure n'eft e m p l o y é e q u e l e s j o u r s d e fête o u d e C o n f e i l . L e s p l a q u e s q u i fe p o r t e n t d a n s d'autres t e m p s , font plus p e t i t e s , & n e c o u vrenr point les lèvres. Au lieu d e plaque, les femmes ont u n anneau q u i leur p e n d d e m ê m e & d o n t la g r a n d e u r eft p r o p o r t i o n n é e au rang d e leurs maris ; l e s plus
462
H I S T O I R E
G É N É R A L E
maffifs font d e l'épaifleur d'une p l u m e d ' o i e , Se Tierra-
leur forme eft exactement r o n d e . Elles fe les atta
Hune.
chent fur le nez , qui s'abailïe
infenfiblement
fous le poids ; d'où il arrive q u e , dans un â g e a v a n c é , le nez leur defcend jufqu'à la boucheLes plaques & les anneaux font ôtés pour m a n ger , mais on fe les r e m e t auffi-tôt ; & , q u o i qu'ils branlent fans c è d e fur les l è v r e s , ils ne d i minuent
point
la liberté d e parler. Les
Chefs
p o r t e n t un anneau à chaque oreille , dans les o c casions d'éclat •, & d e u x grandes plaques d ' o r , l'une fur l'eftomac , l'autre au d o s . Ces p l a q u e s , q u i ont dix huit pouces d e long Se la figure d'un c œ u r , font percées par le haut , & tiennent par des fils aux anneaux d e chaque oreille. Lacenta portait fur la tête , les jours d e C o n f e i l , un d i a d è m e compofé d'une feuille d ' o r , large de huit à neuf p o u c e s , dentelée par le h a u t , c o m m e nos feies, & doublée d'un réfeau d e petites cannes. T o u s ceux qui l'accompagnaient avaient autour d e la tête un réfeau d e c a n n e s , d e la m ê m e for m e , c'eft-à-dire, dentelé , mais fans feuille d ' o r , peint d e r o u g e , Se furmonté de longues p l u m e s d e diverfes
couleurs , qui
formaient
un
beau panache, Le diadème d e Lacenta était fans plumes. O u t r e ces o r n e m e n s p a r t i c u l i e r s , il y en a d e c o m m u n s aux deux fexes. C e font des c o r d o n s
DES
VOYAGES.
463 J
OU des chaînes d e dents & de c o q u i l l e s , qu ils s'attachent au col , Se qui leur defeendent fur la
Ticrra-
p o i t r i n e . Les chaînes d e d e n t s , qui pafTent p o u r
Firmc.^
des dents d e tigre , font faites avec
beaucoup
d ' a r t , & fi bien r a n g é e s , qu'on les prendrait p o u r u n e malle d'os continue. O n n'en voit q u ' a u x principaux habitans ; ceux d u c o m m u n
portent
des cordons d e c o q u i l l e s , d o n t ils ont q u e l q u e fois trois ou quatre cens autour du col ,
fans
o r d r e , & les unes fur les autres. Les f e m m e s , en général , les portent en un feul monceau. O n n e voit jamais plus d e deux c o r d o n s aux enfans : au r e f t e , cette parure n'elt en ufage q u e les jours d e fêtes. Aux cordons d e c o l , les femmes j o i g n e n t des bracelets d e m ê m e m a t i è r e ; & tous ces ajufte-] m e n s , d o n t elles font quelquefois chargées, leur d o n n e n t u n e forre d e grâce. Leurs cabanes font o r d i n a i r e m e n t écartées les u n e s des a u t r e s , fur-tout dans les nouvelles habi tations , & font toujours au b o r d d'une r i v i è r e . En quelques endroits néanmoins , il s'en t r o u v e affez pour former d e petites V i l l e s , s'il y avait plus d ' o r d r e dans leur fituation ; mais elles font difperfées, fans aucune forme d e rues. Ils c h a n g e n t d e c a n t o n , lorfqu'ils jugent q u e celui qu'ils habitent eft t r o p iranfmigrations
connu des Efpagnols.
leur
caufent
parce qu'ils n'ont point d e
Leurs
peu d'embarras , fondemens
à jetrer
464
H I S T O I R E
p o u r leurs édifices.
G É N É R A L E
Ils font f e u l e m e n t
quelque
Tierra-
t r o u dans la t e r r e , ils y e n f o n c e n t d e s p i e u x d e
Firme.
fept à h u i t p i e d s d e haut , & les e n t r e l a c e n t d e b â t o n s qu'ils e n d u i f e n t d e
t e r r e . L e s roits f o n t
c o m p o f é s d e p e t i t s c h e v r o n s , allez b i e n
rangés
& c o u v e r t s d e f e u i l l e s . O n n e r e m a r q u e d'ailleurs aucune
forte
de
régularité
dans c e s c a b a n e s :
e l l e s font l o n g u e s d ' e n v i r o n v i n g t - c i n q p i e d s , fur huit ou n e u f d e large. U n Commet d u toit ,
t t o u q u ' o n laille au
fert d e c h e m i n é e ; &
le f e u ,
q u i n'eit jamais b i e n g r a n d dans u n e c o n t r é e Ci c h a u d e , fe fait fur la t e r r e , a u m i l i e u d e la c a « b a n e . Il n'y a p o i n t d e féparations
ni
d'étages.
T o u t e la f a m i l l e eft l o g é e dans le m ê m e l i e u , & c h a c u n a fon h a m a c f u f p e n d u a u t o i t , p o u r l e r e p o s d e la nuit. Les
habitations,
qui
l'autre , o n t u n e e f p è c e d'environ
cinq , dont
d e Fort c o m m u n , l o n g
les m u r s n'en ont pas plus d e d i x ils font p e r c é s , d e toutes parts,,
grand nombre
peur voir approcher des
de
cent trente p i e d s , & large d e v i n g t -
d e hauteur , m a i s d'un
font proches l'une
flèches.
de
t r o u s , par l e f q u e l s
on
l ' e n n e m i , & lui d é c o c h e r
Les Peuples
d e c e t t e r é g i o n n'ont
pas d'autre m a n i è r e d e fe d é f e n d r e . C e p e n d a n t , s'il y a q u e l q u e défilé qui puille fcrvir à f e r m e r Fourrée d'une h a b i t a t i o n , ils y m e t t e n t u n e b a r rière ,
&
dans q u e l q u e s
endroits , c o m m e
au
Château)
D E S
V O Y A G E S .
465
C h â t e a u d e Lacenta , ils plantent d e s arbres à fi peu
d e diftance
l e s u n s d e s autres , q u e c e t t e
c l ô t u r e eft fort difficile choifie p o u r faire chargée
à pénétrer.Une
famille,
fa d e m e u r e d a n s l e Fort , eft
d'y é n t r e t e m e la p r o p r e t é , parce
qu'il
ferr aullî p o u r l e s AiTèmblées d u C o n f e i l . La
terre
maifon.
n'eft c u l t i v é e
Lorfqu'une
qu'aurour d e c h a q u e
habitation change d e lieu >
l e p r e m i e r foin d e c h a c u n , eft d e d é f r i c h e r I o n c h a m p , & d'abattre ¡es arbres , q u i d e m e u r e n t couchés
d e u x o u trois
ans dans la place o ù ils
t o m b e n t , jufqu'à c e qu'ils f u i e n t affez fecs p o u r être brûlés. O n n e prend
pas m ê m e la p e i n e d e
-
d é r a c i n e r l e s f o u c h e s , mais la terre étant r e m u é e d a n s l e s i n t e r v a l l e s , o n y fait d e s trous a v e c l e s d o i g r s , & , d a n s c h a q u e trou , o n m e t d e u x trois grains d e mais. L e remps d e femer
ou
eft au
m o i s d'Avril , p o u r r e c u e i l l i r e n S e p t e m b r e . L e s é p i s l o n t arrachés a v e c la main : o n fait fécher l e b l e d ; o n l e réduit e n p o u d r e , e n l e c r a f a n t
avec
d e s p i e r r e s fort u n i e s . C e n'eft pas p o u r e n faire d u páin o u dt-s g â t e a u x ,< mais d i v e r i e s f o r t e s d e b o i f t o n s , donr la p r i n c i p a l e fe n o m m e
chica-copa,
& fe fait e n laillanr t r e m p e r la p o u d r e d e m a ï s pendant
p h i h e u t s jours. Ils e n fonr u n e autre ,
n o m m é e mijla,
& l'on e n d i l l i n g u e d e u x lottes-,
J ' t m e c o m p o l é ' j d e plaranes f r a î c h e m e n t
cueillis,
èu'ora fait r e n i r d a n s l e u r s g o u f l e s , & q u ' o n é c r a f e
Tome
XII,
'3 g
TierraFirme.
466
H I S T O I R E
G É N É R A L E
d a n s u n e g o u r d e , après l e s a v o i r p e l é s ; le ]us q ù ï TierraFirme.
en fort fe m ê l e a v e c u n e c e r t a i n e q u a n t i t é d'eau : la f é c o n d e mifla eft c o m p o f e e d e
platanes
duits e n g â t e a u x .
Fruit
C o m m e ce
(ces , r é
ne
peut fe
c o n f e r v e r l o n g - t e m p s , lorfqu'il eft. c u e i l l i
dans
fa m a t u r i t é , o n le fait fécher a petit feu fur u n e m a c h i n e d e b o i s , d e la foi m e d e n o s g r i l s ,
&
l'on e n fait d e s g â t e a u x , d o n t o n g a t d e u n e p r o v i f i o n . C'eft c e qui fert d e pain aux A m é r i c a i n s d e l'Ifthme. Us e n m a n g e n t a v e c l e u r s v i a n d e s , ils e n p o r t e n t d a n s leurs v o y a g e s , fur-rout
lors
qu'ils n'efperent p o i n t t r o u v e r d e platanes m û r s . L e s y a m s , l e s parâtes & la caflave font e m p l o y é s au m ê m e u f a g e . Il n'y a p o i n t d'habitations ,
où
c e s d i v e t s a l i m e n s n e fe t r o u v e n t e n a b o n d a n c e -, m a i s o n n'y v o i t a u c u n e h e r b e p o t a g è r e . f o n n e m e n t c o m m u n eft l e piment, c a b a n e eft t o u j o u r s b i e n Les régions
L'aflai-
donr chaque
pourvue.
hommes , moins paielîeux que plus M é r i d i o n a l e s ,
fe
dans
chargent
les
ici
de
n e t t o y e r les p l a n t a t i o n s , d'abattre les arbres ,
&
d e faire tout c e q u ' o n a n o m m é le g r o s o u v r a g e ; c e qui n ' e m p ê c h e p o i n t q u e le travail d e s f e m m e s ne le
loit forr
p é n i b l e . Elle? planteur le m a ï s ,
n e r t o y e n t . Elles préparent
plaranes ,
les boiflons ,
les y a m s & l e s autres a l i m e n s .
l e s v o y a g e s , elles g i v r e s . Mais ,
portenr les uftenlrles
& les
Dans &
les
q u o i q u ' e l l e s fallent ainli Jes p l u ;
D E S
V O Y A G E S .
467
viles fonctions d e chaque famille , elles n'en font pas plus méprifées d e leurs m a r i s , q u i , loin de les traiter Tierra.-* en efclaves,les aiment & les carefîent beaucoup. F i r m e . Jamais on n e voit un Améticain d e l'Ifthme b a t t r e fa f e m m e , ni. lui dire une parole d u r e , q u o i q u e la plupart foient querelleurs dans l'ivrefîe.
D'un
autre c ô t é , les femmes fervent leurs maris avec aHe&ion, & font généralement d'un bon naturek Elles o n t d e la complaifance Tune p o u r l'autre
t
Se beaucoup d'humanité pour les étrangers'. Lorfqu'une femme eft accouchée ^ fes amies & fes voifines la p o r t e n t aufii-tôt à la rivière : elle & fon enfant j & les lavent tous deux d a n s l'eau courante* L'enfanr eft enveloppé dans u n e écorce d ' a r b r e , qui lui fert d e lange > & c o u c h é dans un petit hamac. O n continue d e le n e t t o y é e foigneufement > & toujours avec d e l'eau froide; v
Les pères & les mères font idolâtres d e
leurs
enfans. L ' u n i q u e éducation des garçons eft d ' a p p r e n d r e à nager ••> à tirer d e l'arc , à jetter la lance 5 & leur Tadrefte eft admirable à ces exer* cices. Dès l'âge d e dix ou d o u z e ans pagnent leurs pères à la chafïe &
>
ils a c c o m dans
leurs
voyages : les filles d e m e u r e n t dans l'habitation avec les vieilles femmes. Ils vont n u s , les und & les a u t r e s , jufqu'à l a g e d e treize ou q u a t o r z e ans. Alors les filles mettent leur pagne » & le* g a r ç o n s leur
entonnoir..
G g ij
468
HISTOIRE
Les Tierrafirme.
filles
GÉNÉRALE
font formées d e
bonne-heure
au«
offices d o m e f t i q u e s . E l l e s aident leurs m è r e s d a n s l e u r travail. E l l e s t i r e n t d e s c o r d o n s - d ' é c o r c e , elles font
d e la f o i e
d'herbe , elles
épluchent
l e c o t o n , & le filent p o u r leurs m è r e s
}
qui e n
f o n t d e fort b o n n e t o i l e . L e u r i n f i n i m e n t , p o u r trefTer j eft u n
rouleau d e
pieds , qui tourne
entre
bois, long de deux
poteaux.
trois Elles
m e t t e n t a u t o u r d u rouleau , d e s fils d e c o t o n d e la g r a n d e u r q u ' e l l e s
v e u l e n t d o n n e r à la t o i l e ,
car e l l e s n'en f o n t jamais d a n s l e deffièin d e la couper.
E l l e s t o r d e n t le fil a u t o u r d ' u n e
petite
p i è c e d e b o i s , e n t a i l l é e d e c h a q u e c ô t é , 8c,
pre
nant d'une
elles
m a i n t o u s l e s fils d e la t r a m e ,
c o n d u i f e n t l e travail d e l'autre. M a i s , p o u r ferrer les
fils,
e l l e s f r a p p e n t le m é t i e r , à c h a q u e t r o u ,
a v e c u n e l o n g u e p i è c e d e b o i s m i n c e 8c r o n d e , q u i c r o i f e e n t r e l e c o r d o n d e la t r a m e . L e s
filles
t r e l f e n t auffi l e c o t o n , p o u r en faire d e s f r a n g e s , «Se p r é p a r e n t l e s c a n n e s d o n t fe font les paniers* C e font l e s h o m m e s q u i a c h è v e n t l ' o u v r a g e . U s t e i g n e n t d ' a b o r d les c a n n e s , d e différentes c o u l e u r s -, e n f u i t e une
propreté
les m ê l a n t pour l e s trefTer, finguliere,
ils e n
font,
avec
non-feu
l e m e n t d e s paniers & d e s c o r b e i l l e s , mais m ê m e d e s c o u p e s , fi f é r i é e s & fi f e r m e s , q u e , fans ê t r e revêtues d e laque ou d e . v e r n i s , elles j e n i r toute forte
de
peuvent
liqueur. Ces coupes
leijg
D E S
V O Y A G E S .
469
f e r v e n t poux b o i r e , c o m m e l e u r s calebalTes. Enfin l e s p a n i e r s , qu'ils f o n t a v e c l e m ê m e a r t , fi forts q u ' o n n e Lorfque
les
peut les
filles
font
écrafer.
entrent
dans l'âge dans
leur
nubile,
elles demeurent
enfermées
jufqu'à c e q u ' o n
les d e m a n d e en mariage 5
famille, &
l e u r v i f a g e efl c o u v e r t d'un p e t i t v o i l e d e c o t o n , q u ' e l l e s p o t t e n t d e v a n t leur p e r e m ê m e . Le n o m b r e d e s f e m m e s n'efï fixé par a u c u n e L o i . WafTer donne
fepr
à Lacenta , qui
en
n'allait Jamais à la
c h a f f e , n i a la g u e r r e , fans e n t r o u v e r u n e d a n s l e l i e u o ù il d e v a i r paffer la n u i t . M a i s fi la p o l y g a m i e eft p e r m i f e a u x habitans d e l ' I f t m e , dultère
eft
puni avec beaucoup d e rigueur.
l'a La
m o r t fuit d e près le c r i m e . C e p e n d a n r fi la f e m m e Jurequ'on l a forcée , elle obtient g t a c e , & l ' h o m m e f e u l p o r r e la p e i n e -, m a i s fi l e c r i m e eft p r o u v é , lorfqu'elle le nie ,
e l l e eft
b r û l é e v i v e . Ils o n e
d'autres l o i x d e la m ê m e févérité. U n condamné
fans p i t i é . L e
qui débauche une
fille
voleur eft
f u p p l i c e d'un v i e r g e , eft d e
f o n c e r dans l'urêtre u n p e t i t b â t o n
homme lui
en
h é r i i î é d'é-*
p î n e s , q u ' o n y t o u r n e plufieurs fois. C e r o u r m e n t eft fi
d o u l o u r e u x , qu'il c a u f e o r d i n a i r e m e n t la
m o r t ; mais o n
l a i d e au c o u p a b l e la l i b e r t é de?
f e g u é r i r , s'il le peur. Les
m a r i a g e s font
TierraFirme.
p r é c é d é s d'une
cérémonie
fort bizarre. L e p e r e , o u , dans fou abfence , l e
G g
iij
470
H I S T O I R E
G É N É R A L E
plus p r o c h e parenr d e la fille , d o i t la tenir e n * Tima-
fermée
Firme,
p o u r lui marquer apparemment
p e n d a n t fept nuits f o u s fa f e u l e g a r d e » le regtet
a d e la q u i t t e r . E n f u i t e il la l i v r e
qu'il
à fon
mari.
T o u s l e s habitans d u c a n t o n font i n v i t é s à la f ê t e . L e s h o m m e s a p p o r t e n t d e s h a c h e s p o u r l e travail ; êc
l e s f e m m e s , c h a c u n e leur d e m i - boiffeau
maïs : les garçons apportent
des
dç
fruits 8c
des
r a c i n e s , & les filles d u g i b i e r 8c d e s œ u f s . P e r f o n n e n'arrive
fans u n p r é f e n t . C h a c u n
l i e n d e v a n t la c a b a n e n u p t i a l e , &
met
s'en
le
écarte
jufqu'à la fin d e c e t t e p r o c e f f i o n . A l o r s les h o m m e s e n t r e n t l e s p r e m i e r s d a n s la c a b a n e -, 8c le m a r i é les reçoit
l'un après l'autre , e n l e u r
préfentant
u n e c o u p e remplie d e q u e l q u e boifîon forte. L e s f e m m e s f u c c è d e n t i m m é d i a t e m e n t » 8c r e ç o i v e n t aulîi u n e c o u p e
de
l i q u e u r . E n f u i t e les g a r ç o n s
8c l e s j e u n e s filles font introduirs d e m ê m e . . Lorf-, que
tous les convives font ralfemblés, on
paraître
les
pères
des
deux
g a r ç o n fait u n a l l e z l o n g
i l c o m m e n c e à danfer , a v e c jufqu'à
parties. C e l u i
d i f c o u r s , après
mille
voit du
lequel
contorfîons „
p e r d r e h a l e i n e . Enfuite f e m e t t a n t à g e
n o u x , il p r é f e n t e fon fils à la m a r i é e ,
dont
le
p e r e eft auffi à g e n o u x , & la tient par u n e m a i n . A l o r s c e l u i - c i fe l e v é cette d a n f e ,
3
& danfe à fon t o u r . A p r è s
l e s d e u x é p o u x s ' e m b r a f f e n t , 8c
le
J e u n e - h o m m e r e n d la fille à f o n p e r e , A u i l ï - tôt,
D E S
V O Y A G E S ,
471
les hommes , armés d e leur h a c h e , courent , e n (autant, vers u n e petite portion d e terre qui eft alîignée pour la plantation d e s d e u x é p o u x , &
Tierra-
ferme
c o m m e n c e n t à travailler en leur faveur. Us abat tent les arbres & femmes
défrichent le
terrain.
Les.
& les enfans y femenr d u maïs , o u
d'aurres grains convenables à la faifon. T o u s en-femble
y bâtilïent u n e cabane q u i doir être la'
d e m e u r e des jeunes mariés. Après les en avoir mis en pofteilion, chacun penfe à faire du chica* copa. O n en fait beaucoup ,.& l'on, en boit fanS. m o d é r a t i o n ; m a i s , avant la chaleur d e l ' i v r e f t e , le marié p r e n d
les haches & toutes
les a r m e s
ofrenlîves , qu'il pend au plus haut c h e v r o n
de
la cabane. C e t t e fête d u r e auilî l o n g - t e m p s qu'il refte d e quoi b o i r e , c ' e f t - à- d i r e , o r d i n a i r e m e n t trois ou q u a t r e j o u r s . Il fe fait des feftins
dans d'autres occafions
telles q u e l'Aficmblée d'un Grand - Confeil. L e s . Américains parlent peu dans ces parties d'amu-» fement.
Us b o i v e n t
à la
fanté
les uns des
autres , & fe préfentent la c o u p e , après
avoir
b u . Mais ils ne paraiiTent faire aucune attention à leurs f e m m e s , qui fe tiennent d e b o u t p o u r les, fervir. Elles prennent la c o u p e
d e s mains d e
ceux qui viennent d e b o i r e , Se ne la r e n d e n t qu'après l'avoir rincée. Jamais elles n e b o i v e n t ^ ni ne danfent p u b l i q u e m e n t , avec les h o m m e s ,
G g iv
472
H I S T O I R E
G É N É R A L E
E l h s attendent , pour Tierra-
leurs maris fe f o i e n t
Firme.
prennent
fe réjouir e n t r ' e l l e s , retirés •, & l e foin
qui
qu'elles
d ' e u x eft e x t r e m e , loríqu'ils
ont
bu
jufqu'à l'ivrefle. E l l e s s'entr'aident p o u t l e s p o r t e r d a n s leurs h a m a c s , o ù e l l e s l e u r j e t t e n t d e l'eau p o u r l e s r a f r a î c h i r , & n e les q u i t t e n t p o i n t qu'ils n e foi e n I b i e n e n d o r m i s . A l o r s e l l e s v o n t fe d i vertir e n f e m b l e , & s'enivrera leur tour. U n e d e s principales occupations des eft d e auffi
faire
des
fleches
&
quelques infttumens d e
VU- e f p è c e d e flûtes
C'eft
mufique,
fur-tout
de bambous creux ,
ils a i m e n t à j o u e r , & q u i concert.
hommes
d e s lances. Us f o n t
au f o n
forment un
d e ces
flûtes
dont
étrange
qu'on
les
Voit d a n f e r . Us fe j o i g n e n t e n r o n d , l e s m a i n s étendues
fur
leurs
é p a u l e s , & fe t o u r n e n t
t o u s c::tés a v e c u n e furieufe adroits
fe
fauts &
détachent
d'aurres
aiiemblce
du
cercle pour
tours d e
n o m b r e u f e , la
de
a g i t a t i o n . L e s plus
fouplelîe. danfe
dure
faire
des
Dans
une
un
jour
e n t i e r . E n f u i t e ils fe j e t t e n t t o u s dans la r i v i è r e p o u r s'y
rafraîchir.
M a i s leur plus c h e r e x e r c i c e , Us p r e n n e n t âge,
tant d e
ils n e f a u t a i e n t
lui d é c o c h e r u n e quent
leur
coup.
plailîr
c'eft la
chalîè.
à t i r e r , qu'à
tout-
v o i r v o l e r u n o i f e a u fans
fleche
, & r a r e m e n t ils
Jamais
ils n e
man
s'écattent
l e u r s cabanes , fans être a r m é s d e l e u r arc»
de &
D E S
V O Y A G E S
473
d'une lance o u d'une hache. Outre leurs p a r t i c u l i è r e s , qu'ils r e c o m m e n c e n r
chaffes
lorfque
leur
p r o v i l i o n d e v i a n d e eft é p u i f é e , ils f o n t f o u v e n t d e s chaffes f o l e m n e l l e s , p o u r l e f q u e l l e s ils femblent en grand nombre. U n dinairement ils
fuivi
fixent l e
fois
vingt
qu'ils
d ' u n e partie
jour. C e s
Les
ce
font
des
la quanrité
paniers
eft o r
chaffe
durent
femmes
m a i s p o u r fervir l e s h o m m e s vifions,
de
patries
j o u r s , fuivant
rencontrent.
Confeil
en
s'af-
dont
quelque du
gibier
font
aufïï,
& porter les p r o de
platanes,
de
b a n a n e s , d ' y a m s , d e patates & d e racines rôties." D a n s l e s b o i s , e l l e s t r o u v e n t d e s platanes v e r d s , ' q u ' e l l e s a p p r ê t e n t f u r - I e - c h a m p . L a farine d e m a ï s n'eft p o i n t o u b l i é e , p o u r e n faire d u chica c o p a ; L'ufage c o m m u n , pour le gibier que les Chaffeurs r u e n t ,
eft
q u e la c h a l e u r
de
manger
fur-le-champ
peut c o r r o m p r e ,
&
ce
d'emporter
c e q u i p e u r être g a r d é . C h a q u e n u i r , ils d a n s l e l i e u o ù ils fe t r o u v e n t vers l e
logent coucher
d u S o l e i l , p o u r v u q u e c e f o i t près d ' u n e r i v i è r e , o u d'un r u i f f e a u , o u fur l e p e n c h a n t d ' u n e m o n - ' t a g n e . Ils p e n d e n t leurs h a m a c s e n t r e d e u x bres , &
font
ur» f e u q u i
dure
toute
la
ar nuit.
O n a t t r i b u e u n e p r o p r i é t é fort f î n g u l i e r e à l e u r s chiens. Quand ces
animaux
ont
laffé u n
porc
f a u v a g e , ils l ' e n t o u r e n t , & , n o t a n t fe j e t t e r fur lui,
ils l e
tiennent
e n f e r m é au
milieu
d'eux,'
TierraFirrne._
TierraFirme.
474
H I S T O I R E
Jufqu'à
l'arrivée
de
retirent t o u s p o u r
G É N É R A L E
'
leurs maîtres-, alors , ils Ce fe garantir
des
flèches.
Un
A m é r i c a i n q u i a blefifé u n e b ê t e f a u v a g e , &
l'achevé
d'un
coup de
court
lance. Après
l'avoir
t u e e , il l e v e n r r e , j e t t e fes e n t r a i l l e s , lui c r o i f e les j a m b e s ,
dans l e s q u e l l e s il
paflè un
bâton ,
«Se la p o r t e fur fes é p a u l e s à fa f e m m e . O n
ob-
ferve
fans
qu'ils n e m a n g e n t d'aucun
animal ,
l'avoir fait f a i g n e r . S'ils p r e n n e n t un o i f e a u i l s le p e r c e n t a v e c la p o i n t e d ' u n e
flèche,
en tirer t o u t le f a n g . Lorfqu'ils v e u l e n t
vif, pour
confer-
v e r la chair d e s b^tes f a u v a g e s , ils la font fécher
fur le
fuccès
que
feu
les
d e préparations.
e n p l e i n a i r , a v e c autant
Boucaniets ,
quoiqu'avec
coupent
des
de
moins
C e t t e v e n a i f o n , q u i "refiemble
à n o t r e b œ u f f u m é , fe g a r d e en
def-
tranches ,
long-temps.
qu'ils
mettent
Us dans
Un vailîèau de terre a v e c d e s racines & q u a n t i t é d e p i m e n t . Jamais ils n e f o n t b o u i l l i r c e t t e c o m position,
elle demeure c o u v e r t e ,
pendant
o u h u i t h e u r e s , fur la c e n d r e c h a u d e . O n leur voit
pas m a n g e r d e chair
l e j o u r , m a i s ils m a n g e n t , à platanes
&
d'autres
plus d ' u n e
fept ne fois>
toute h e u r e , des
fruits. C h a q u e
cabane
elt
p o u r v u e d ' u n e groll'e p i è c e d e b o i s q u i leur f e r t d e table , & d e
petits t t o n c s fut l e f q u e l s ils
fe
placent à l'entour. D a n s les f ê t e s , ils d r e f l e n t u n e . l o n g u e t a b l e , ils y
é t e n d e n t d e g r a n d e s feuilles.
D E S
V O Y A G E S .
i î e plataniers ,
qui leur
fervent
475
de nappe,
&
c h a c u n a près d e f o i , par t e r r e , à la d r o i t e , u n e calebatïe
p l e i n e d ' e a u . Ils y a v a n c e n t l e p o u c e &
l ' i n d e x d e la m a i n d r o i t e , l e s p o r t e n t au p l a t , & ,
p o u r c h a q u e m o r c e a u qu'ils
m a n g e n t , ils
t r e m p e n t c e s d e u x d o i g t s d a n s la calebafle d ' e a u . Us n e m a n g e n t a u c u n e f o r t e d e pain a v e c
leur
v i a n d e -, mais ils o n t u n e p e t i t e m a l l e d e f e l , d o n t ils fe f r o t t e n t d e t e m p s e n t e m p s la l a n g u e , p o u r * 5'exciter l e g o û t . Dans leurs V o y a g e s ,
le
S o l e i l l e u r fert
de
g u i d e : mais li l'épailTeur d e s n u a g e s , o u quel-, q u ' a u t r e a c c i d e n t , leur caufe d e l ' e m b a r r a s , i l s ont
r e c o u r s aux
arbres d o n t ils o b f e t v e n t
Ici
c o r c e , & le c ô t é l e plus épais l e u r fait c o n n a î t r e celui du Midi,
ils m a r c h e n t o r d i n a i r e m e n t
l e s b o i s , les m a r é c a g e s
& les rivières , plutôt
q u e par les c h e m i n s b a t t u s , de
rencontrer des
p o u r l'avantage
pat
foit
par la c r a i n t e
E f p a g n o l s , foit
uniquement
d e leur c h a l l e . L e s h o m m e s
les f e m m e s , jufqu'aux e n f a n s ,
traverfent l e s
& ri
v i è r e s à la n a g e ; m a i s ils fe f e r v e n t d e c a n o t s , o u d e radeaux
pour les defcendre.
t
leur d e m a n d e l
e
Lorfqu'on
c h e m i n , ils o n t u n e
d e l'enfeigner qui l
e u r
o ù l'on v e u t a l l e r , i l
s
manière
eit p r o p r e : e n a p p r e n a n t font t o u r n e r l e v i f a g e a u
V o y a g e u r du m ê m e côté-, & , pour lui marquer q u a n d il y arrivera » ils lui f o n t
fixet
les
yeux
TierraFirme,
476
HISTOIRE
G É N É R A L E
fur q u e l q u e parrie d e l'arc q u e le Soleil décrit Tierra-
dans leur hémffphere. Suivant qu'il eft plus bas
•Fii m e i
ou plus élevé , à l'Orient c o m m e à l'Occident du Méridien , ils a n n o n c e n t , n o n - feulement l e Jour auquel on peut arriver -, mais fi c'elr l e m a t i n , ou l ' a p r è s - m i d i , & l'heure m ê m e d e l'un ou d e l'autre. Ils ne diftinguent les f e m a i n e s , l e s jours & les heures , q u e par d e s figues , qu'ils favent faire e n t e n d r e à ceux m ê m e s qui i g n o r e n t leur langue
A
& le temps p a i l é , q u e par les Lunes. L e u r m a n i è r e d é c o m p t e r eft par unités & par d i x a i n e s , Jufqu'à
cent 5 mais ils n e vont
point
au-delà.
En allant dans la M e r du Sud , le Capitaine Sharp avait t r e n t e - t r o i s h o m m e s fous fes o r d r e s . L e s Américains v o u l u r e n t c o m p t e r ce n o m b r e . U n d'entr'eux s'affit , en tenant
d e u x poignées d e
grains d e maïs , d o n t il mettait
un dans fon
panier à chaque Anglais qu'il voyait palier. Il en avait déjà compté u n e g r a n d e partie , l o r f m ' u n accidenr renverfa le panier & fit t o m b e r les grains ; il parut e x t r ê m e m e n t fâché qu'on eût t r o u b l é f o n calcul. U n a u t r e , s'écartant un peu du chemin , enrreprir auffi le m ê m e compte & crut l'avoir fait ; mais fes C o m p a g n o n s lui ayant demandequel était le n o m b r e des E t t a n g e r s , il n e put l e d i r e . Enfin quelques jours a p r è s , vingt ou t r e n t e des plus graves r e c o m m e n c è r e n t le calcul, & n'y;
D E S fcéuffîtent
V O Y A G E S .
477
pas mieux , a p p a r e m m e n t parce qu'il
excédait leur A r i t h m é t i q u e . Ils fe mirent
alors
â,d»fputer avec beaucoup d e c h a l e u r , jufqu'à cé q u ' u n d ' e n t r ' e u x , pour t e r m i n e r la d i f p u t e , prit e n main tous fes c h e v e u x , & les r e m u a devant l'aflemblée. C'était faire e n t e n d r e q u e le c o m p t é était i m p o f f i b l e , & cette déclaration les mit tous d'accord. Us n'ont'ni T e m p l e , ni C u l t e . O n y e n v o i e d e s Miffionnaires, qui c o n v e r t i r e n t , dit-on., des fept o u huit cens h o m m e s à-la-fois-, d e forte q u e depuis qu'ilsy vont, tous ces Pays devraient être a b l o l u m e n t Chrétiens : c e p e n d a n t , dit C o r r é a l , le Chriftianifme d e T i e r r a - F i r m e ne fait pas grand bruit dans le m o n d e . G o m a r a fait confifter la p r i n c i pale Religion d e l'Ifthme & des Peuples voilins," dans la crainte du diable , qu'ils p e i g n e n t , d i t - i l , fous diverfes figures, telles qu'il les p r e n d q u e l quefois pour fe m o n t r e r . Il eft aflez étrange q u e , dans u n long féjouf avec e u x , Warïer n'ait re m a r q u é aucune apparence d e cérémonie r e l i g i e u f e , d'adoration ou de facrilice , & qu'il ne parle q u e d e la confiance qu'ils ont pour leurs D e v i n s , fans nous a p p r e n d r e même quelle idée ils fe forment d e s puifiances ou des efprits qu'ils invoquenr & fans paraître d o u t e r lui m ê m e , c o m m e on l'a v u , d e la r
v é r i é de leurs prédictions. Il parait qu'ils n'ont a u cune idée d'une vie f u t u r e , & q u e toutes leurs vues
TierraJFitme.
TierraJfirrne.
478 H I S T O I R E G É N É R A L E , êcel font bornées a l'ufage de leurs facultés naturelles* S'ils éraient autrefois Anthropophages, fuivant le reproche des Efpagnols, qui prirent ce prétexte pour les ttaiter avec la dernière cruauté , il ne parait point qu'il leur refte la moindre trace de cette barbare inclination, ou du moins W aller ne les en foupçonne que dans leurs guerres, qui fe renouvellent quelquefois c o n t r e leurs anciens deftrudteurs.
Fin du douzième Volume,
479
T A B L E DES C H A P I T R E S dans ce Volume.
Contenus L I V R E IV.
Pérou ,
Page I
I I . Defcription du Pérou ,
CHAPITRE
Ibid. CHAP.
III.
Origine des Incas, moeurs
des Péruviens modernes & des Créoles , 113 CHAP.
IV.
Détails fur
Péruviens
,
les anciens 160
C H A P . V.
Mines & Montagnes , 1 8 0
C H A P . VI.
Voyage des Mathématiciens
Français & Efpagnols aux montagnes de Quito.
Retour
de M. de la Conda-
fiine par la rivière des Amazones , 212
480
TABLE
L I V R E V.
dionale. Plata.
DES
CHAPITRES.
Suite de l'Amérique Tierra-Firme.
Rio
Guyane. Hiftoire
Méride
la.
Naturelle , 387
CHAPITRE
PREMIER.
Tierra-Firme , Ibid,
Fin de la Table des Chapitres
481
ERRATA
DU
DOUZIEME
VOLUME.
PA GE 3 , ligne 11 , Chachapuya ; li[e\ , Chachapoyas. Page 16, ligne dernière, par des nouvelles; life[, par de nouvelles. Page zo, ligne première , confidérabel ; lifi{, ils confidérable. Page 43, ligne zs > ils le ferment ; lijè[, ils les ferment. Page Hz , ligne 4 , finie; lifi{, lîtuée. Page ¿4, ligne première, venues; UJ'e\, venues. Page 114 , ligne zs , nommé ; lijè{ , nommée. Page iz7, ligne zi , cinquante-un ; lifii, cinquante-une. Page 2 ¡o , ligne 4 , le fermentent ; efface^ le. Page 17S) ligne lâ, bâties; lijt\, bâtir.
Tome
XII.
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