Tiré à part LE FESTIN - Centre Pompidou Mobile

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À

Libourne

Cercles et Carrés

un parcours dans l’histoire de l’art des xxe et xxie siècles au Centre Pompidou mobile

Entre ciel et terre une exposition du Frac Aquitaine et du musée des beaux-arts de Libourne

Du 24 octobre 2012 au 20 janvier 2013

Extrait de la revue le festin n°83, septembre 2012.

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Regards croisés Alain Rousset Député de Gironde Président du Conseil Régional d’Aquitaine

Philippe Buisson Maire de Libourne

Alain Seban Président du Centre Pompidou

le festin : De quelle manière la venue du Centre Pompidou mobile soutientil l’art contemporain ? Comment s’intègre-t-il et complète-t-il la politique culturelle régionale ?

le festin : Quelles opportunités le Centre Pompidou mobile représente-t-il pour la ville de Libourne ?

le festin : Quel est le principe du Centre Pompidou mobile ?

Alain Rousset : La Région a souhaité accueillir l’étape du Centre Pompidou mobile à Libourne afin de permettre à tous les Aquitains de se confronter aux œuvres modernes et contemporaines, à travers l’expérience sensible d’un parcours atypique au sein d’un musée itinérant, en dialogue avec l’exposition de notre Frac et du musée des beauxarts de Libourne. La présence du Centre Pompidou mobile renforce notre politique culturelle régionale, qui encourage les « expérimentations artistiques » comme pratique de liberté nourrissant l’espace public de nouveaux repères et signes artistiques. Permettre aux personnes, par la rencontre artistique, de mieux déterminer leur place dans la cité, impose à la politique culturelle de combattre toutes les formes de conformismes qui fabriquent les « replis identitaires » et de construire les références culturelles communes pour le bien vivre ensemble. Si la richesse d’une politique culturelle peut ainsi s’apprécier à la qualité des interconnexions qu’elle rend possible entre les citoyens, alors j’espère que l’expérience du Centre Pompidou mobile favorisera le partage des passions, source d’émancipation et condition du renforcement de la citoyenneté culturelle.

Philippe Buisson : Le Centre Pompidou mobile est à la fois une opportunité et une reconnaissance. Reconnaissance de l’identité culturelle que Libourne s’est forgée avec son musée des beaux-arts, sa saison théâtrale ou bien encore avec son festival international des arts de la rue. Opportunité pour ancrer Libourne comme pôle culturel régional de choix à l’intersection des territoires d’Aquitaine, à l’intersection des grandes infrastructures routières et ferroviaires du Sud-Ouest. Enfin, aux confins des vignobles prestigieux du libournais, le Centre Pompidou mobile sera également un formidable vecteur de développement œnotouristique, à quelques encablures de Saint-Émilion ou de Pomerol. Libourne va vivre pendant trois mois au rythme de ce beau symbole de déconcentration culturelle et il appartiendra à notre territoire de faire vivre cette ambition d’attractivité économique et événementielle bien au-delà de cette prestigieuse manifestation.

Alain Seban : Permettre au plus grand nombre de partager l’expérience de la rencontre avec les arts visuels et la création de notre temps, c’est la mission du Centre Pompidou depuis 1977. Aujourd’hui, le Centre Pompidou mobile, premier musée nomade au monde, se rend partout en France au devant de ceux qui ne vont jamais au musée, à la rencontre du public. À l’intérieur de la structure du Centre Pompidou mobile, démontable et transportable, vous pénétrerez dans un vrai musée. À travers une sélection de grands chefs-d’œuvre de la collection du Centre Pompidou réunis autour du thème du cercle et du carré, vous êtes invités, gratuitement, à faire un voyage artistique depuis le début du xxe siècle jusqu’à nos jours, en compagnie de maîtres de l’art moderne, comme Fernand Léger, Vassily Kandinsky, Josef Albers, Marcel Duchamp, ou Victor Vasarely, mais aussi avec des figures majeures de l’art actuel, comme Daniel Buren, Dan Flavin, ou François Morellet… Venez partager un moment de rencontre privilégié avec les œuvres originales des plus grands artistes de notre époque.

Visuels de couverture : en haut : Identité visuelle du Centre Pompidou mobile, conception graphique : c-album, Astrid de la Chapelle, Clémence Passot. en bas, à gauche : Ann Veronica Janssens, L’Été (chapeau), 2011. © Collection Frac Aquitaine. en bas, à droite : Anonyme (Italie, xive siècle), Vierge à l’Enfant entre deux anges, musée des beaux-arts de Libourne. Cl. J.-C. Garcia.

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Le musée

ambulant par

Dominique Godfrey

À partir d’octobre 2012, le Centre Pompidou mobile plante sa tente à Libourne pour trois mois. L’occasion de découvrir une sélection des plus grands chefs-d’œuvre de la collection du Centre Pompidou, du xxe siècle à nos jours autour du thème « Cercles et Carrés ». Pour accompagner cet événement, le Frac Aquitaine et le musée des beaux-arts de Libourne proposent « Entre ciel et terre », une exposition où dialogueront pièces maîtresses de l’art classique et de l’art contemporain.

Comme un cirque ambulant, trois chapiteaux de couleurs vives imaginés par l’architecte Patrick Bouchain se déploient à l’ESOG, l’ancienne école de sous-officiers de gendarmerie désaffectée. Pour sa quatrième étape en France, ce musée nomade, conçu à l’initiative d’Alain Seban, Président du Centre Pompidou, pour aller à la rencontre du public, s’installe à Libourne avec une sélection de chefs-d’œuvre du Centre Pompidou. Une initiative dont ont déjà bénéficié les villes de Chaumont-sur-Marne, Cambrai et Boulogne-sur-Mer. La collection du Centre Pompidou, l’une des premières au monde, compte des dizaines de milliers d’œuvres qui ont écrit l’histoire de l’art du début du xxe siècle à nos jours. Parmi elles, une quinzaine de chefs-d’œuvre a été sélectionnée par Jean-Paul Ameline, conservateur au Centre Pompidou / Musée national d’art moderne, autour d’un nouveau thème : « Cercles et Carrés ».

Des clés pour l’art

Il s’agit de proposer à un public non initié de vivre une rencontre avec des œuvres d’art originales, des peintures, des sculptures, des installations : un « concentré » de l’art moderne et contemporain. Chaque œuvre est une clé pour comprendre l’art moderne et contemporain. La découverte des 650 m2 est gratuite et une médiation est organisée pour

accompagner des visites de groupes, notamment scolaires. Cette découverte est accompagnée par des comédiens qui savent transformer la visite en un moment festif. Le Centre Pompidou mobile s’arrête pour trois mois en Aquitaine, avec cette offre d’initiation à l’art bien rodée, très prestigieuse et adossée à une collection exceptionnelle d’art moderne, une période peu représentée dans les collections de la région. Mais elle ne s’implantera pas ex nihilo sur une terre vierge de l’art. Libourne possède son propre musée et des expositions d’art contemporain y sont organisées régulièrement par son directeur Thierry Saumier. La ville n’est en outre qu’à 40 km de Bordeaux où a vu le jour le CAPC, l’un des tout premiers centres d’art contemporain hors Paris. Quant au Frac Aquitaine, il est doté lui aussi d’une riche collection qui rayonne même au-delà de ses propres frontières, grâce au dynamisme de sa directrice Claire Jacquet. Cette dernière s’est associée à Thierry Saumier pour créer à Libourne une exposition importante, titrée « Entre ciel et terre », destinée à rebondir sur la proposition du Centre Pompidou mobile. Composée d’œuvres plus nombreuses et ouvrant l’éventail sur l’art ancien et l’ultra contemporain, elle offrira un prolongement aux nouveaux initiés qui le souhaitent, et permettra aux amateurs avertis de participer eux aussi à la fête. • le festin • 3

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© Ville de Boulogne © Ville de Boulogne

© Ville de Boulogne

Visite du parcours « La couleur » dans le Centre Pompidou mobile à Boulogne-sur-Mer.

« Cercles et Carrés » Parcours du Centre Pompidou mobile

Pousser la porte d’un musée, se confronter à l’œuvre telle que l’artiste l’a créée est une expérience irremplaçable. Aucune visite virtuelle sur Internet, aucune visualisation numérique, aucune reproduction sur quelque support que ce soit ne peut égaler le contact avec l’unique et l’émotion qu’il procure. Le Centre Pompidou mobile est né de cette idée. Sachant qu’un Français sur deux n’est jamais entré dans un musée, le Président du Centre Pompidou, Alain Seban, a voulu qu’une structure nomade, légère, puisse aller à la rencontre de ce public pour lui proposer de découvrir quelques-uns des chefs-d’œuvre de la collection de cette grande institution culturelle nationale. Le fonds ne manquait pas. Avec plus de 75 000 œuvres du début du xxe siècle à nos jours, dont de nombreuses pièces majeures de l’histoire de l’art, le Centre Pompidou peut être fier de conserver la première collection d’art moderne et contemporain d’Europe. Mais pour ne pas intimider ou accabler les nouveaux venus par l’ampleur de cette collection et favoriser l’accès à l’art pour tous, une sélection d’une quinzaine d’œuvres – peintures et installations – a été opérée. Le premier accrochage, déjà montré dans trois villes du nord de la France, portait sur le thème de la couleur. L’étape de Libourne inaugure un nouveau parcours intitulé : « Cercles et Carrés ».

Quand l’art se passionne pour la géométrie

Ces deux formes géométriques simples ont été explorées par des artistes du début du xxe siècle lorsqu’ils ont voulu rompre avec la tradition de représentation

de la nature. Ces pionniers ont eu depuis une généreuse descendance. C’est à Jean-Paul Ameline, conservateur au Centre Pompidou et spécialiste de l’art abstrait, qu’a été confié le choix des œuvres et leur organisation dans l’espace. Il a opté pour des pièces montrant « comment les questions de l’abstraction sont apparues très tôt dans le xxe siècle et comment elles se retrouvent à différents moments et de manières diverses selon les différents courants qui ont traversé l’époque ». Ce n’était ni le lieu ni l’heure de présenter une exposition qui fasse le point sur l’abstraction avec des centaines d’opus et un matériel théorique conséquent, comme le Centre Pompidou pourrait le faire dans ses murs. Il s’agit de donner à voir et à connaître quelques œuvres majeures avec l’appui d’une médiation culturelle solide, pour que ce nouveau public puisse ensuite approcher l’art sans timidité ni a priori. Pour rendre l’expérience plus suggestive, Jean-Paul Ameline a varié les thématiques. C’est ainsi que l’on peut voir aussi bien Disques de Newton. Étude pour fugue à deux couleurs (1911-1912) de Kupka, artiste inspiré par le cosmos et la musique, que la célébrissime Roue de bicyclette (1913 / 1964) de Marcel Duchamp, intéressé, lui, par le mouvement de l’œuvre. Ou encore Theo Van Doesburg qui se dit influencé par l’arithmétique et Vassily Kandinsky pour qui la peinture exprime la « nécessité intérieure » de l’artiste. Avec Le Pont du remorqueur (1920), de Fernand Léger, c’est la célébration de la machine et de la vie urbaine qui est abordée, puis le cinétisme des années 1950 avec Vasarely, ou une œuvre plus tardive de Soto pour montrer « comment la question de la géométrie est complètement transformée par l’idée de mouvement, le mouvement de l’œuvre et le mouvement optique et physique ».

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cl. Philippe Migeat/Centre Pompidou, MNAM-CCI/Dist. RMN-GP. © Adagp, Paris

L’expérience artistique

La fin du parcours, avec quelques grandes figures contemporaines comme Daniel Buren, Carl Andre ou Dan Flavin, permet d’appréhender une nouvelle période où la géométrie n’est plus seulement une figure à regarder sur un mur mais une expérience que l’on traverse physiquement. Ainsi, les lumières de Flavin créent une sorte d’alcôve lumineuse, la cabane de Buren est un espace dans lequel on peut circuler, et l’œuvre de Carl Andre un sol sur lequel il est possible de marcher.

Dan Flavin, Untitled (to Donna) 5a, 1971, œuvre en 3 dimensions 244 x 244 x 139 cm. Don de Leo Castelli par l’intermédiare de la Georges Pompidou Art and Culture Foundation, 1977. Collection, Centre Pompidou/MNAM-CCI

Si quelques œuvres que l’on se serait attendu à trouver dans ce contexte comme le Carré noir (1915) de Malévitch ou certains Delaunay sont absents de la présentation, c’est parce que leur fragilité leur interdit de quitter la maison mère. Pour le reste, la richesse de la collection du Centre Pompidou a permis d’opérer une sélection exigeante. Le très beau Kupka a été choisi parmi les quelque 75 que possède le musée (dont beaucoup, il est vrai, sont de sa période figurative). La Roue de bicyclette de Duchamp est un objet emblématique, un ready made avant • le festin • 5

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Cl. Jacqueline Hyde/Centre Pompidou, MNAM-CCI/Dist. RMN-GP. © Adagp, Paris

Fernand Léger, Le Pont du remorqueur, 1920, huile sur toile, 96,5 x 130 cm. Legs de Baronne Eva Gourgaud en 1965. Collection, Centre Pompidou/MNAM-CCI.

Pour une meilleure lisibilité, moderne et contemporain ont été répartis dans deux espaces différents

la lettre. L’œuvre de Kandinsky, l’un des fondateurs de l’art abstrait, figurait en bonne place dans l’exposition internationale consacrée à l’artiste en 2009. La Cabane éclatée n°6 (1985) est la plus monumentale des œuvres de Buren que possède le Centre Pompidou. L’œuvre de Soto a été peu vue puisqu’elle n’est entrée dans les collections que l’année dernière. « Certains visiteurs vont trouver que la Cabane de Buren ou l’œuvre de Carl Andre ne correspondent pas à l’art moderne tel qu’ils l’imaginaient. C’est volontaire. Notre travail, c’est aussi de montrer des œuvres qui surprennent », explique Jean-Paul Ameline.

L’art à la portée de tous

lequel la plupart des œuvres se déploient dans l’espace. Un dispositif de médiation inédit, adapté à cette nouvelle structure comme à la diversité des publics attendus, a été imaginé par les équipes du Centre Pompidou. Priorité est donnée au rapport direct avec l’œuvre, sans intervention technologique sophistiquée, en privilégiant l’accompagnement humain, et l’implication des professionnels locaux préalablement formés par les équipes du Centre Pompidou. Le partenariat développé entre le conseil régional d’Aquitaine, la Ville et le Centre Pompidou est un exemple de décentralisation culturelle permettant de donner accès au plus large public à l’art de notre temps. Mais au bout du compte, le succès tel que le souhaite le commissaire est avant tout une expérience intime : « Je voudrais que les gens soient surpris. On ne sait jamais ce qui se passe dans la tête de quelqu’un qui voit une œuvre d’art. C’est bien ce qui est le plus important ».

Le revers des tentes colorées ménage le « White Cube », la « boîte blanche », cet espace immaculé où sont exposées les œuvres dans les musées d’art contemporain. Pour une meilleure lisibilité, moderne et contemporain ont été répartis dans deux modules différents, l’un dans lequel les œuvres sont protégées par une vitrine, l’autre dans 6 • le festin •

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© Patrick Bouchain, 2011

© Patrick Bouchain, 2011

© Nicolas Valode /Let’s Pix

Croquis de Patrick Bouchain. Projet Centre Pompidou mobile.

Le Centre Pompidou mobile à Chaumont.

Un musée nomade À expérience inédite, architecte hors-norme. Avec Patrick Bouchain, le Centre Pompidou n’a pas choisi le plus conformiste des hommes de l’art pour monter son chapiteau. Depuis longtemps, l’architecte flirte avec le monde du théâtre et du cirque, plus proche des saltimbanques que de la finance internationale. On lui doit le théâtre Zingaro à Aubervilliers, le chapiteau du théâtre du Centaure à Marseille, l’académie Fratellini à SaintDenis, notamment. Pour le Centre Pompidou mobile, son projet s’est maintenu strictement dans l’enveloppe impartie, avec un coût de construction plutôt modéré pour ce type d’équipement, environ 2 000 e au m2. Les contraintes de montage et de démontage ont été prises en compte, de sorte que les pièces nécessitant un renouvellement puissent être trouvées dans n’importe quelle ville.

Patrick Bouchain, inventeur de chapiteaux

Depuis le départ, l’homme sait imaginer des solutions inédites. C’est ainsi qu’il y a trente ans, sollicité par le ministre Jack Lang pour transformer à moindre frais une friche industrielle grenobloise en centre d’art, il a fait

appel à un constructeur de supermarchés. Depuis, beaucoup d’opérations à succès ont porté sa marque, comme le Lieu Unique à Nantes, la Condition Publique à Roubaix, ou la fête populaire du passage à l’an 2000 aux ChampsÉlysées. Ses créations s’accompagnent souvent d’un brin de fantaisie, d’une poésie légère, comme pour le musée international des arts modestes de Sète ou la réhabilitation de la piscine de Bègles, près de Bordeaux. Pour le tour de France du Centre Pompidou mobile, il a opté pour la technique de la tente, construite avec une toile armée de câbles d’acier. Il a divisé les 650 m2 jugés nécessaires en trois modules accompagnés de quelques conteneurs pour les bureaux et les nécessités pratiques, de sorte que ce « village » puisse s’adapter aux configurations diverses des places d’accueil. Fidèle à une approche ludique, il n’a pas ménagé les effets colorés avec des bâches rouges, orange et bleues. Les mécènes de l’opération sont la Fondation Total, GDF Suez, le Groupe Galeries Lafayette, La Parisienne Assurances. Quant au public visé, avant de découvrir les œuvres dans des intérieurs blancs, on peut espérer qu’il y verra un encouragement joyeux à la découverte. • le festin • 7

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© Collection Frac Aquitaine

Otmar Thormann, Grande nature morte, 1980, photographie contact, virage aux sels métalliques.

« Entre ciel et terre » Exposition du Frac Aquitaine et du musée des beaux-arts de Libourne

Une exposition réalisée sur place avec des collections locales et régionales vient prolonger, enrichir et approfondir l’accrochage du Centre Pompidou mobile. Thierry Saumier, directeur du musée de Libourne et Claire Jacquet, directrice du Frac Aquitaine sont à l’initiative de la proposition « Entre ciel et terre », construite à partir de leurs collections respectives. Inspirée elle aussi par « Cercles et Carrés », elle s’en démarque sensiblement. Elle est hébergée dans un espace à l’atmosphère intemporelle, la chapelle du Carmel, où le musée de Libourne, fort d’une collection qui s’étage du xive au xxe siècle, a déjà organisé des expositions d’art contemporain. De son côté, le Frac Aquitaine, constitué à partir de 1982 grâce à des dotations de l’État et de la Région, est à la tête de près de 1100 œuvres datées de 1929 à nos jours. Vidéos, installations et cinéma viennent en complément de peintures, dessins et œuvres en volume, dont certaines commandées tout récemment aux artistes. D’un certain point de vue, ces deux collections encadrent chronologiquement celle du Centre Pompidou.

Anciens et modernes réunis

Mais « Entre ciel et terre » a surtout la particularité de confronter travaux anciens et contemporains autour d’un thème interprété en toute liberté. C’est une sorte de marelle impertinente qui rebondit entre sensualité terrestre et spiritualité, plaisir esthétique et désir intellectuel, souffle vivant et esprit de géométrie. Un propos original et complexe, voulu par des organisateurs désireux d’offrir en parallèle à « Cercles et Carrés », une proposition généreuse d’une quarantaine d’œuvres, à l’intention des amateurs d’art éclairés ou des nouveaux initiés demandeurs d’aventures supplémentaires. Formellement, la géométrie des ronds et carrés, du vertical et de l’horizontal sert de fil conducteur, dans la composition interne des œuvres comme dans leur découpage spatial. Mais elle est aussi traitée de manière métaphorique, en s’appuyant sur l’architecture d’un espace religieux dont la nef est supposée être au plus près du ciel. Le cercle, qui n’a ni début ni fin, fait écho au divin et à la transcendance. Il a traditionnellement un sens en relation avec le Créateur et l’Éternité. Le carré est supposé terrestre, solide, rationnel et… humain. Arrimé à ce fil d’Ariane, le visiteur est armé pour suivre développements, méandres et surprises, et retrouver avec plaisir certains chefs-d’œuvre des collections locales ou se confronter à des petits trésors plus confidentiels.

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© Collection Frac Aquitaine Cl. Jean-Christophe Garcia © Collection du musée des beaux-arts de Libourne

Jeanne-Louise Brieux, Le Goûter au soleil, vers 1920, huile sur toile.

Des œuvres éclectiques

Deux œuvres monumentales du Frac ponctuent le cœur de la déambulation entre les cimaises. Il s’agit du Teapot blanc (2005) de Karina Bisch, qui réinterprète la fameuse théière de Malévitch. Son statut ambigu, entre objet vernaculaire magnifié, icône de l’histoire de l’art contemporain et répertoire de formes cachées reconstituées par la force de l’esprit, en fait une œuvre importante. La seconde est le cercle de pierre de Richard Long, placé au croisement du transept et du chœur. Il offre un carrefour méditatif entre terre et ciel et joue le rôle de redistribution des regards. Le fond de l’abside est lui aussi occupé par une œuvre contemporaine, les Ronds de fumée (2007) de Vincent Ganivet, des explosions de couleurs évanescentes et intenses comme une lumière intérieure. L’exposition s’ouvre sur une jolie toile de la peu connue Mathilde Arbey. Fin de journée, autoportrait dans l’atelier, peint en 1928, montre une femme aux traits lisses que la fatigue du travail accompli laisse droite et sereine, tandis que, derrière elle, l’obscurité du soir envahit le décor, et peut-être ses songes. La poésie du thème s’accompagne dans la composition d’une géométrie ferme et d’un fort contraste entre lignes horizontales et verticales. Cette stature de l’humain, base enracinée et tête dans les étoiles, se retrouve dans la confrontation d’une copie de La Source d’Ingres, par Edmond Battachon, et une photographie noir et blanc pleine d’élan d’Helmut Newton, intitulée Lisa Lyon chez elle, Venice, Californie (1981).

Josef Sudek, Bread, Egg and Glass, 1950, photographie contact noir et blanc.

Retour à l’humain oblige, l’exposition explore aussi les bonheurs du jour et de la nuit

En prolongement de cette géométrie vivante, que l’on retrouve aussi dans une célèbre photo d’Edward Weston, Mr and Mrs Fry of Texas (1941) alliant raideur des postures et poids du vécu, une place est faite aux lignes plus ou moins sèches de l’architecture avec Lee Friedlander, Didier Vermeiren ou Thomas Ruff. Un contrepoint adouci est ménagé par deux huiles sur toile dans la manière d’Hubert Robert, peintes par un anonyme italien du xviiie siècle, et une photo couleur de Luigi Ghirri exploitant dans des tonalités subtiles la courbure des arcs, l’alignement des colonnes et les mystères de la lumière qui joue sur le construit.

Une géométrie vivante

Retour à l’humain oblige, l’exposition explore aussi les bonheurs du jour et de la nuit : les délices de la table et les joies de l’amour charnel. Les premiers se subliment avec un charmant Goûter au soleil de Jeanne-Louise Brieux, inondé de clarté estivale, une fascinante nature morte de Josef Sudek, ou encore les froides captures d’objets d’Otmar Thormann. Les secondes sont évoquées par une petite scène galante du xviiie dans la forme arrondie du tondo, les Bacchanales de Louis Félix de La Rue et le contrepoint • le festin • 9

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Cl. Alain Béguerie © Collection Frac Aquitaine

Cl. Jean-Christophe Garcia © Collection du musée des beaux-arts de Libourne

Louis de Boulogne (attribué à), Uranie. Muse de l’Astronomie, fin du xviie siècle, huile sur toile.

Richard Long, A 21/2 Day Circular Walk In The Scottish Highlands, Clockwise 1979, 1979, texte en noir et rouge sérigraphié sur papier.

Anonyme, Scène galante, xviiie siècle, gouache sur papier.

Cl. Jean-Christophe Garcia © Collection du musée des beaux-arts de Libourne

ironique du Télescope (1998) d’Alain Séchas, avec son astronome ému par ses fantasmes lunaires. Uranie, la muse de l’astronomie, réunit, sous les traits d’une agréable jeune femme aux formes pleines, la sensualité du corps et l’envolée de l’esprit dans deux belles toiles de la fin du xviie et du xviiie siècle dues à Louis de Boulogne et Anton Raphaël Mengs. L’écho religieux pouvait être trouvé sans difficulté dans la multitude d’auréoles, absides, arcades en plein cintre et coupoles qui, depuis les temps reculés, accompagnent les cultes. De ses collections, le musée de Libourne a extrait deux Vierge à l’Enfant ruisselantes de pourpre et d’or, l’une d’un hiératisme tout médiéval, l’autre tendrement incarnée, déjà Renaissance. Elles trouvent un répondant laïque dans une œuvre contemporaine d’Ann Veronica Janssens, une capeline toute d’or vêtue comme une auréole profane.

Elles s’accompagnent aussi d’aquarelles de Léo David reproduisant la légende de sainte Catherine peinte à la Collégiale de Saint-Émilion, une martyre qui, comme chacun sait, mourut sur la roue. L’Épreuve du feu, extraite de Scènes de la vie de saint Dominique, poursuit cette veine cruelle qui rapproche souvent foi extrême et vice humain. Là encore, l’humour de Séchas détend l’atmosphère avec un vieillard barbu aux yeux ronds baptisé insolemment God. Voici donc une exposition où la forme sait dialoguer avec un fond porteur d’étonnement, de curiosité, de sensualité, de rire, de sensibilité, de la plénitude du contact avec les œuvres. Où la sévérité des entités géométriques n’abolit pas le jeu complexe du vivant. Dominique Godfrey est journaliste.

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Documentaires et films d’artistes de la collection du Centre Pompidou à la médiathèque Condorcet Lorsqu’on parle d’abstraction, on pense rarement au cinéma, plutôt à la peinture, à la sculpture. Il existe pourtant, depuis le début du xxe siècle, des films abstraits. En écho au parcours « Cercles et Carrés », une programmation de huit de ces films est à découvrir dans l’auditorium de la médiathèque de Libourne. Les films de cette programmation sont tous réalisés par des pionniers de ce que l’on nomme tout d’abord le cinéma d’avant-garde, puis le cinéma expérimental. Ils abandonnent ce sur quoi repose la popularité des films : l’acteur, le récit. Il ne s’agit plus de raconter une histoire, de l’interpréter, de la mettre en scène, mais d’inventer de nouvelles visions et de jouer avec les éléments proprement constitutifs de leur art : la lumière, le mouvement, la pellicule, le collage, le montage... D’une durée de quelques minutes chacun, il ont été réalisés entre 1923 (cinq d’entre eux datent des années 1920) et 1971. En complément de ces films, seront également proposés la diffusion de documentaires sur certains des artistes dont les œuvres sont présentées au sein du Centre Pompidou mobile : Kandinsky, Duchamp, Daniel Buren, Fernand Léger, Soto et Morellet. Médiathèque Condorcet Horaires des projections : Tous les samedis : 14 h 00 : Documentaire 15 h 30 : Films d’artistes Ainsi que les mardis, mercredis et vendredis des vacances scolaires, aux mêmes horaires.

Partenariat Bordeaux 3 Centre Pompidou mobile Région Aquitaine L’université Bordeaux 3, à l’initiative d’Elisabeth Spettel, doctorante en artsplastiques, en partenariat avec le Centre Pompidou et la Région Aquitaine, organise une journée d’étude intitulée : « Utopies concrètes : les figures du cercle et du carré dans l’art, l’architecture et les sciences », le 10 décembre 2012, dans la salle plénière de l’hôtel de Région à Bordeaux à partir de 9 h 30. Cette manifestation se déroulera en deux temps (conférences et table ronde) et réunira JeanPaul Ameline, conservateur au Centre Pompidou, commissaire du parcours « Cercles et Carrés » et Thierry Saumier, conservateur du musée des beaux-arts de Libourne, cocommissaire de l’exposition « Entre Ciel et Terre », ainsi que des enseignants-chercheurs. Ceux-ci questionneront l’utopie dans une visée transdisciplinaire (histoire de l’art, architecture, littérature, mathématiques). Du 3 au 31 décembre, l’exposition « Tangentes » qui réunit les travaux de jeunes plasticiens, sera présentée dans le hall de l’Hôtel de la Région Aquitaine, en écho au parcours proposé par le Centre Pompidou mobile, « Cercles et Carrés ». Ces figures géométriques, revisitées à travers divers médiums, nous inviteront au voyage et à la rêverie.

Exposition « Un château, une œuvre » En complément du Centre Pompidou Mobile, quatre grands crus classés de Saint-Émilion présentent un circuit à travers le vignoble. Ces châteaux font partie du patrimoine vivant de notre région et bénéficient d’une aura internationale grâce à la qualité de leurs vins. Entrée gratuite ••••••••••••••••••••••••••••

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« Les Ailes du serpent », Federica Matta Château Quinault L’Enclos Grand Cru Classé Saint-Émilion Chemin de Videlot 33 500 Libourne T. 05 57 55 55 55 Entrée libre

« Soucoupes Volantes », Alexander Calder Château de Ferrand Grand Cru Classé Saint-Émilion Saint-Hippolyte 33 330 Saint-Émilion T. 05 57 74 47 11 Entrée sur rendez-vous

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« Of His Mind », Pierre Clerck Château Canon La Gaffelière 1er Grand Cru Classé Saint-Émilion 33 330 Saint-Émilion T. 05 57 24 71 33 Entrée sur rendez-vous ••••••••••••••••••••••••••••

« Bronzes », Wang Du Château Dassault Grand Cru Classé Saint-Émilion 33 330 Saint-Émilion T. 05 57 55 10 00 Entrée libre Visite et dégustation sur rendez-vous

contact : elisabeth.spettel@gmail.com Entrée libre et gratuite Hôtel de Région 14, rue François-de-Sourdis 33 077 Bordeaux T. 05 57 57 80 00

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Informations pratiques Du 24 octobre 2012 au 20 janvier 2013 Entrée libre et gratuite

Centre Pompidou mobile « Cercles et Carrés »

Exposition « Entre ciel et terre »

ESOG (École de Sous-Officiers de la Gendarmerie) 15, place du Maréchal-Joffre

Chapelle du Carmel 45, allées Robert-Boulin

Horaires

Horaires

• Samedis, dimanches et jours fériés : de 10 h à 20 h

• Du mardi au vendredi : de 9 h à 19 h Du samedi au dimanche : de 10 h à 20 h

Visite famille (parents et enfants de 5 à 10 ans) à 10 h 30 : sans réservation, 30 personnes maximum

• Samedis, dimanches et vacances scolaires : à 15 h 30 visite commentée pour tous

Visite guidée animée par un comédien à 14 h : sans réservation, 30 personnes maximum

• Dimanches 18 novembre et 9 décembre à 14 h 30 : visite en langue des signes

• Hors vacances scolaires : Du mardi au vendredi : de 12 h 30 à 14 h et de 17 h 30 à 19 h • Vacances scolaires : Du mardi au vendredi : de 11 h 30 à 19 h Visite guidée animée par un comédien à 14 h : sans réservation, 30 personnes maximum Groupes : sur réservation

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ESOG Centre Pompidou mobile « Cercles et Carrés » École de Sous-Officiers de la Gendarmerie 15, place du Maréchal-Joffre T. 05 57 84 75 50

Place R. Beauchamp

Théâtre Le Liburnia

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Libourne •••••••••••••••

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NORD

Place Princeteau

Place Abel-Surchamp

Hôtel de Ville Musée des Beaux-Arts

< Bordeaux

Chapelle du Carmel « Entre ciel et terre » 45, allées Robert-Boulin T. 05 57 55 33 44

Chapelle du Carmel Esplanade F. Mitterrand Place Decazes

Médiathèque Condorcet Place des Récollets T. 05 57 55 33 50

Médiathèque Condorcet Place des Recollets

Gare

Place du Mal. de-Lattrede-Tassigny

La Dordogne

> Saint-Émilion Place Joffre Square du 15e Dragon

ESOG

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Théâtre Le Liburnia 14, rue Donnet T. 05 57 74 13 14 T. 05 57 74 13 15 Musée des Beaux-Arts Hôtel de Ville Place Abel-Surchamp T. 05 57 51 91 05

www.lefestin.net

Pompidou.indd 12

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