Rencontrer les nouveaux visages de l’innovation canadienne

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Jeff Dahn Halifax, Nouvelle-Écosse Candidature soumise par Universités Canada

J. Breanne Everett Calgary, Alberta Le Forum des politiques publiques travaille avec les gouvernements, les services publics, le secteur privé, les syndicats, les institutions postsecondaires, les ONG et les groupes autochtones dans le but d’obtenir de meilleurs résultats en matière de politiques pour les Canadiennes et les Canadiens. En tant qu’organisation non partisane, fondée sur ses membres, nous travaillons selon l’inclusion à conclusion, depuis l’organisation de discussions autour de thèmes politiques spécifiques jusqu’à l’identification d’approches aptes à jeter de la lumière sur les obstacles, les opportunités et les différentes options politiques. Depuis 30 ans, le Forum des politiques publiques a brisé les barrières entre les secteurs, contribuant à un changement judicieux et durable propice à bâtir un Canada plus fort.

Candidature soumise par Mitacs

Mark G. Torchia and Richard Tyc Winnipeg, Manitoba Candidature soumise par la Fondation des Prix Ernest C. Manning

Christi Belcourt Espanola, Ontario Candidature soumise par le Conseil des arts du Canada

Robert E. Burrell Edmonton, Alberta Candidature soumise par Universités Canada

Charles Deguire Boisbriand, Québec Candidature soumise par le Conseil national de recherches Canada

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Rencontrer les nouveaux visages de l’innovation canadienne Le Forum des politiques publiques et ses partenaires sont honorés d’accueillir une grande discussion et réflexion avec les premiers gagnants des Prix du Gouverneur général pour l’innovation. Chacun des lauréats partagera avec nous ses réussites, ses obstacles et ses exploits ainsi que son point de vue sur le rôle et l’avenir de l’innovation au Canada.

Nos sincères remerciements à nos partenaires :

Merci à notre hôte :


Les récipiendaires de la première édition annuelle des Prix du Gouverneur général pour l’innovation nous donnent un aperçu de la passion et la persévérance nécessaires pour bâtir l’avenir de l’économie canadienne. Plusieurs d’entre eux se décrivent comme des individus naïfs, voulant dire par là qu’ils se considèrent comme intrinsèquement incapables de capituler face à la sagesse conventionnelle. Ce sont bien souvent les personnes en marge de la société qui nous montrent comment avancer vers le futur. Le Forum des politiques publiques est fier de donner la parole à ce premier groupe d’innovateurs et d’innovatrices récompensé(e)s, à la fois dans ce livret et durant notre assemblée. Notre pays se trouve au début d’une période d’activisme politique. Il est essentiel de bien faire les choses, tant pour notre cohésion et notre prospérité nationale que pour permettre aux futurs gouvernements de continuer à financer les programmes sociaux et à offrir des possibilités aux jeunes. La croissance économique n’est plus si facile. Il faut la mériter à travers l’imagination et la détermination des entrepreneurs et des entreprises, ainsi que par le biais d’une mise en œuvre intelligente des politiques publiques. L’innovation n’est pas tout équivalente à un partenariat mais elle nécessite une coalition d’acteurs privés et publics, chacun d’entre eux jouant un rôle dans le développement. Les récipiendaires proposent des pistes quant à la manière d’atteindre ce but plus rapidement. Ils parlent de l’importance des modèles et des mentors, mais aussi de dépasser les limites. Plusieurs d’entre eux identifient des obstacles dans les règles régissant l’appui financier apporté à leurs entreprises en démarrage, de même que certaines frustrations liées aux systèmes de passation de marchés à risque zéro. « Je dis aux politiciennes et politiciens qu’ils devraient arrêter de m’accorder des subventions et, à la place, me passer des commandes », affirme l’un des lauréats. « Si vous voulez promouvoir une nation d’innovation, votre acheteur le plus important doit être innovant. » Les individus dont les profils sont présentés sur ces pages forment un groupe créatif et bienveillant. Ils ont identifié un défi, trouvé une solution et accompli le nécessaire pour concrétiser leur vision. Ils ont ouvert une voie pour le changement qui n’existait pas. Ils sont nos nouveaux héros de l’économie, une source d’inspiration incitant d’autres personnes à en faire autant et encourageant les gouvernements à élaborer les politiques nécessaires pour une croissance réelle. Joignez-vous à moi pour féliciter les récipiendaires 2016 des Prix du Gouverneur général pour l’innovation. Edward Greenspon Président-directeur général du Forum des politiques publiques


Jeff Dahn Halifax, Nouvelle-Écosse

Candidature soumise par le Conseil des arts du Canada

La puissance du risque Les journées sont longues au laboratoire de Jeff Dahn à l’Université Dalhousie, à Halifax. En M. Dahn, qui est professeur de physique et de chimie, et son groupe de 25 chercheurs de premier et deuxième cycles ainsi que de niveau postdoctoral se trouve l’un des centres d’expertise les plus renommés dans le monde en matière de technologie pour les piles au lithium-ion. Ne dites pas à M. Dahn que ses travaux constituent de la recherche d’appoint, cela le met en colère! En effet, ses découvertes ont permis d’améliorer la qualité des piles et des batteries utilisées dans les ordinateurs portatifs, les outils et les voitures électriques, et bien d’autres. Les prochaines avancées devraient contribuer aux réseaux électriques intelligents, qui sont essentiels pour stocker l’énergie que génèrent les sources d’énergie renouvelable.

« Les universités fournissent les immeubles, le chauffage et l’électricité; les ressources dont elles disposent leur permettent tout juste d’assurer une formation de premier cycle… » Avec un financement stable de l’industrie, « on peut explorer un domaine que l’on connaît très peu et prendre des risques ».

— Jeff Dahn

« Le travail de recherche signifie se demander quels sont les problèmes et ce que nous devons faire pour s’y attaquer », indique Jeff Dahn, dont les travaux se concentrent sur trois enjeux essentiels associés aux piles au lithium-ion : relever la densité énergétique, hausser la durée de vie et réduire le coût. M. Dahn s’est d’abord penché sur les propriétés des piles au lithium pendant ses études supérieures en physique à la fin des années 1970. Il a commencé à mettre l’accent sur les piles au lithium-ion chez Moli Energy à Burnaby, en ColombieBritannique, à la fin des années 1980. Devenu enseignant à l’Université Simon Fraser, puis à l’Université Dalhousie, il a travaillé à améliorer les cellules au lithium-ion. La longévité est au centre de ses préoccupations. M. Dahn explique que, de manière habituelle, les piles que l’on trouve dans les téléphones et les ordinateurs portatifs cessent de fonctionner après trois ans. Il aimerait que la batterie d’une voiture électrique ait une durée de vie aussi longue que la voiture elle-même. Et les piles qui emmagasinent l’énergie renouvelable devraient fonctionner pendant au moins 30 ans, aussi longtemps que la garantie d’un panneau solaire, dit-il. « La durée de vie est cruciale. » Depuis 20 ans, 3M Canada et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) du Canada financent la chaire de recherche industrielle de M. Dahn sur les matériaux pour les piles de pointe à l’Université Dalhousie. En juin s’amorcera un nouveau partenariat de recherche de cinq ans avec Tesla Motors, la première collaboration du genre pour l’entreprise de voitures électriques et de stockage d’énergie. Jeff Dahn affirme qu’un tel soutien est essential pour l’innovation. « Les universités fournissent les immeubles, le chauffage et l’électricité; les ressources dont elles disposent leur permettent tout juste d’assurer une formation de premier cycle, dit-il, ajoutant qu’avec un financement stable de l’industrie, « on peut explorer un domaine que l’on connaît très peu et prendre des risques ».


Jeff Dahn et son équipe de chercheurs dévoués ont introduit la méthode de coulométrie de haute précision pour quantifier la durée de vie des cellules lithiumion en quelques semaines de tests. Ces avancées ont non seulement permis aux chercheurs du monde entier d’accélérer le processus de recherche et développement et de créer des piles lithium-ion plus fiables et durables, mais elles contribueront aussi à faciliter le passage des sources d’énergie fossiles aux sources d’énergie renouvelables.

Crédit Photo : Nick Pearce, Dalhousie University

Certains professeurs d’université sont trop centrés sur la publication d’articles dans des revues à grandes retombées qui « sont en fait du marketing; vous devez raconter une belle histoire attrayante, relate-t-il. Nous n’envisageons pas la science de cette façon. » Parmi les nombreux jalons de sa carrière se trouve l’invention, de concert avec un collègue de niveau postdoctoral, Zhonghua Lu, d’une nouvelle électrode positive faite de nickel, de manganèse et de cobalt, moins coûteuse. Certaines variantes de cette électrode ont été brevetées par 3M en 2005 et aujourd’hui, environ le tiers des cellules au lithium-ion dans le monde comprennent cette combinaison nickel-manganèse-cobalt. Un soir, en 2008, alors qu’ils étaient au laboratoire, Jeff Dahn et Aaron Smith, un étudiant aux études supérieures, ont trouvé une manière d’examiner la durée de vie des cellules au lithium-ion avec grande précision. Cet élément est crucial pour la recherche sur les piles, l’autre option consistant à recharger ou à décharger continuellement les piles pendant des années, ou même des décennies, jusqu’à ce qu’elles cessent de fonctionner, explique Jeff Dahn. « Il faut être en mesure de modifier la chimie de la cellule et observer le résultat dans un court laps de temps. » Son équipe de Dalhousie a été la première à recourir à une méthode diagnostique de pointe afin de mesurer avec précision « l’efficacité coulombique » des piles en quelques semaines à peine. Ce travail, qui a reçu l’appui du Partenariat automobile du Canada, une initiative de cinq organismes fédéraux de recherche et de subventions, y compris le CRSNG, a mené à une entreprise dérivée, Novonix. L’entreprise de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, que dirige Chris Burns, un ancien étudiant de Jeff Dahn, a commencé à fabriquer et à vendre un peu partout dans le monde des appareils de vérification des piles de grande précision, conçus à l’Université Dalhousie. La capacité de quantifier plus rapidement la détérioration d’une pile, et peut-être limiter celle-ci, contribuera à relever sa densité énergétique et hausser sa durée de vie. Cela revêt une importance pour Tesla, qui construit une giga-usine au Nevada, laquelle vise à accroître considérablement la production mondiale de batteries au lithium-ion d’ici 2020. Cela lui permettra de baisser le prix de ses voitures pour le marché de masse et de produire des dispositifs pour le stockage de l’énergie renouvelable, ce qui aura une incidence sur la société dans son ensemble. « Au bout du compte, si nous ne voulons pas que notre planète s’envole en fumée, nous devons cesser de brûler des combustibles fossiles », ajoute Jeff Dahn, que le magazine Fortune a défini comme étant « la nouvelle arme de Tesla ». Il conseille aux chercheurs de « prendre le taureau par les cornes, de consacrer du temps et, peut-être, de réaliser quelque chose d’utile », ce qui veut dire, tout particulièrement, « vous ne pouvez craindre de prendre des risques ». L’un des obstacles auxquels se bute M. Dahn réside dans ses propres capacités; voilà pourquoi il s’en tient à un maximum de 25 étudiants en physique, en chimie et en génie des matériaux. « Si on m’offrait plus d’espace et d’argent, je refuserais, souligne-t-il. En recherche, vous devez être en mesure d’examiner les résultats, de réfléchir à ceux-ci et de songer à la prochaine étape. » Il est fier qu’à l’échelle mondiale, 50 des étudiants aux études supérieures et postdoctorales qui sont passés par son laboratoire sont aujourd’hui des acteurs clés dans l’industrie de la pile au lithium-ion. « Ce sont comme mes propres enfants », indique Jeff Dahn. Qu’à cela ne tienne, son fils Jackson, un ingénieur mécanique, travaille chez Novonix.


J. Breanne Everett Calgary, Alberta

Candidature soumise par Mitacs

L’importance de prendre les choses en main

« En tant que fournisseurs de soins de première ligne, nous voyons les défis et les carences. Qui de mieux pour déterminer les besoins en innovation? Mais nous n’avons pas fait progresser les choses. »

— Dre Breanne Everett

La plupart des résidents en médecine sont à bout de souffle, avec les demandes constantes et les longues heures passées à suivre leur formation comme spécialistes, à effectuer les tournées à l’hôpital et prodiguer les soins aux patients. Au cours de sa résidence en chirurgie plastique et reconstructive, la Dre Breanne Everett a fait monter la pression un peu plus avec l’invention d’une nouvelle technologie médicale, le démarrage d’une entreprise et l’obtention d’un MBA. La docteure Everett a eu envie de faire le saut dans le monde des appareils médicaux, après avoir constaté le fardeau que les complications aux pieds, une situation courante chez les diabétiques, représente dans la vie des gens et pour le système de santé, en particulier la population vieillissante. À partir de ses recherches et de ses traitements des blessures, elle a mis au point une semelle spéciale pour les chaussures munies de capteurs, afin d’aider les personnes ayant subi une perte de sensation dans leurs pieds en raison de maladies neuropathiques à prévenir les ulcères et autres blessures liées à la pression. Ainsi, le patient répond aux signaux et aux alertes qui lui parviennent au moyen d’une montre intelligente, par exemple pour lui indiquer que la chaussure est trop serrée ou que la présence d’un corps étranger pourrait entraîner une irritation. « Voilà un enjeu majeur », affirme la Dre Everett. Parmi les 8 p. 100 des patients aux prises avec le diabète, un quart développera des ulcères de pied, et un sur cinq sera amputé. La neuropathie et les problèmes vasculaires viennent exacerber la détérioration des tissus, indique-t-elle. « Il est difficile d’enregistrer des progrès. » Afin de s’attaquer au problème, elle était résolue à conjuguer les soins podiatriques pour les diabétiques et la neuroplasticité; aussi, a-t-elle pris congé de sa résidence en 2011 afin d’entreprendre un MBA ainsi que de cofonder son entreprise, Orpyx, et d’en devenir la présidente. Le nom constitue une anagramme du mot anglais « proxy » (en français, témoin), car son produit, appelé SurroSense Rx, agit comme témoin de la sensation qui a été perdue, explique la Dre Everett. Cette femme de 31 ans est reconnaissante envers ses parents qui l’ont encouragée à exploiter ses talents créatifs et entrepreneuriaux. Elle est une boursière Loran et, à ce titre, reçoit une aide financière pour son baccalauréat en biochimie à l’Université McGill de la Fondation Boursiers Loran. De même, elle a tiré profit du programme de mentorat continu de la Fondation et de son accent sur l’apprentissage permanent.


Breanne Everett a conjointement fondé Orpyx Medical Technologies pour mettre au point des semelles intérieures munies de capteurs, qui incitent les patients diabétiques ayant une affection du pied à bouger leurs pieds pour améliorer leur circulation sanguine. Cette technologie portable unique a amélioré la qualité de vie des utilisateurs et diminué le coût des soins de santé en réduisant les risques de lésion, d’infection et d’amputation dus aux atteintes nerveuses et à la mauvaise circulation causées par le diabète.

Crédit Photo : Colin Way

Elle affirme qu’il existe une résistance au changement au sein du corps médical, où la culture de l’innovation et de l’entrepreneuriat est peu présente. « En tant que fournisseurs de soins de première ligne, nous voyons les défis et les carences. Qui de mieux pour déterminer les besoins en innovation?, souligne-t-elle. Mais nous n’avons pas fait progresser les choses. » L’une des premières de son programme à mettre de côté sa résidence, elle a été fortement encouragée à concrétiser son idée. Elle croyait qu’elle pouvait y arriver, même en tant que nouvelle venue. « Il n’est pas nécessaire de faire carrière en médecine pour cerner les problèmes qui sont si omniprésents au sein du système de santé, ajoute-t-elle. Je regardais les choses avec un scepticisme entremêlé d’une énergie naïve » au moment de déterminer les secteurs où des changements pourraient être apportés. « Vous devez tirer profit de cette énergie. »

Elle espère avoir créé un précédent; et de fait, trois autres personnes ont mis leur résidence sur la glace afin de démarrer des entreprises dans leur propre domaine. « C’est stimulant », précise la Dre Everett, qui fait du bénévolat pour Joule, une société qu’a créée récemment l’Association médicale canadienne en vue d’encourager et de soutenir financièrement les travaux en innovation que mènent les médecins. La direction d’Orpyx « entraîne énormément de travail, mais c’est très enrichissant », affirme la Dre Everett. Il y a peu, elle a fondé une famille et adore passer du temps avec ses deux garçons âgés respectivement de 1 et 2 ans. Elle compter retourner faire sa résidence. Aujourd’hui, l’entreprise compte 12 employés. Au total, 75 p. 100 de son financement provient d’investisseurs, et le reste est le fruit de bourses et de prix d’organisations comme le Programme d’aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches Canada et Mitacs Canada, qui encourage les partenariats entre le milieu universitaire et l’industrie. « Nous soumettons des demandes partout où nous le pouvons. »

Elle estime que les modèles de soins intégrés dans les systèmes provinciaux de soins de santé appuient les innovations comme la sienne, avec une relation directe pour l’organisation entre la technologie qu’elle met en œuvre et les économies qu’elle en tire. De même, l’aspect préventif du produit devrait tout particulièrement constituer un argument convaincant pour un système de santé avec des ressources poussées à la limite afin de soigner les gens avec des maladies chroniques. « Il me semble que cela va de soi. » Son conseil pour les innovateurs médicaux en devenir? « Prenez les choses en main. Si vous décelez un problème, si vous avez une solution en tête et si vous savez que cela doit être fait, alors pourquoi n’iriez-vous pas de l’avant? » Tout aussi important, il faut élaborer un solide argumentaire économique et sanitaire. La docteure Everett croit que la technologie portable, comme les moniteurs pédestres, « a fait son temps », principalement parce que les gens se lassent des données recueillies et se disent «et alors?» « Si cela ne permet pas solutionner un problème, il n’y a pas de raison de l’utiliser ad vitam æternam », indique-t-elle, alors que son appareil « s’attaque à un vrai problème, qui est présent, et prévient l’amputation ». Les résultats des essais cliniques du SurroSense Rx « ont vraiment dépassé nos attentes », dit-elle, par exemple avec un taux réduit de nouveaux ulcères. Le produit est déjà sur le marché, et la Dre Everett souhaiterait que « toutes les personnes dont les pieds pourraient potentiellement en bénéficier puissent le faire », et qu’il soit couvert par les polices d’assurance ou les régimes gouvernementaux. « D’importantes économies peuvent être réalisées. » L’appareil, qui peut mesurer et quantifier précisément le mouvement, peut être utilisé par toute personne dont l’état de santé nuit à sa démarche et à son équilibre, par exemple la sclérose en plaques et autres maladies dégénératives, et où le patient doit souvent recourir prématurément à un fauteuil roulant en raison de ses problèmes d’équilibre, ajoute la Dre Everett. D’autres applications comprennent l’optimisation de la performance sportive et la prévention des blessures.


Mark G. Torchia and Richard Tyc Winnipeg, Manitoba

Candidature soumise par la Fondation des Prix Ernest C. Manning

De la table à dîner à la table d’opération On ne compte plus les innovations qui ont commencé avec un concept griffonné sur une serviette de table. Pour le Dr Mark Torchia et l’ingénieur Richard Tyc, l’aventure a été longue entre ce moment où ils ont lancé une idée lors d’un dîner dans la cafétéria d’un hôpital de Winnipeg, en 1990, et le produit final.

« Si le Canada a pour but ultime d’être un pays d’innovation, nous devons fixer les résultats que nous entendons obtenir, quels seront les indicateurs pour mesurer la réussite, puis élaborer des programmes, des processus et des politiques qui concordent. »

— Dr. Mark Torchia

Mark Torchia, un professeur de chirurgie à l’Université du Manitoba, et Richard Tyc, un ingénieur en mécanique, sont les cofondateurs du système NeuroBlate, une sonde à laser qui est insérée dans le cerveau et, à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique (IRM), permet de tuer les cellules d’une tumeur, et ce, avec une intervention à effraction minimale. Leur invention a connu son lot de défis, qu’il s’agisse d’un financement inadéquat, des obstacles réglementaires, des carences dans le développement de nouvelles technologies ou de la résistance du corps médical à adopter le système. « Il y a eu des moments de grande frustration, qui ont été suivis par des moments de joie extraordinaire, se souvient le Dr Torchia, qui est maintenant directeur exécutif du Centre for the Advancement of Teaching and Learning de l’Université. Ça ne s’est pas concrétisé d’un seul coup. » Il a commencé à discuter de l’idée du système NeuroBlate lors d’un dîner avec un collègue neurochirurgien qui parlait d’une nouvelle méthode à effraction minimale pour réaliser des biopsies de lésions cérébrales. Pourquoi ne pas concevoir un outil qui pourrait chauffer et tuer les tissus cancéreux, a suggéré le Dr Torchia, en particulier dans le cas de tumeurs qui sont jugées comme étant inopérables? « Tu embarques dans ce genre de truc presque avec naïveté », dit-il. De fait, cela a pris tout près de 10 ans avant qu’un tel dispositif soit techniquement réalisable, compte tenu des avancées dans le domaine de l’IRM et de la fibre optique. « Ç’a été toute une évolution », souligne Richard Tyc, qui s’est joint au projet en 1999 et a travaillé avec le Dr Torchia sur plusieurs autres projets. M. Tyc, qui est vice-président de la technologie et du développement de pointe chez Monteris Medical Inc. une entreprise de Winnipeg fondée en 2003 afin de commercialiser le système NeuroBlate, indique que le travail d’équipe est crucial pour la réussite. « Plusieurs têtes sont nécessaires pour collaborer et relever un tel défi. » La technologie a d’abord servi à traiter des patients aux prises avec une tumeur au cerveau et « avec aucune autre option », affirme le Dr Torchia. Cela veut dire une tumeur logée trop profondément dans le cerveau pour qu’une craniotomie ouverte soit possible, ou


Mark Torchia et Richard Tyc sont les créateurs du système NeuroBlate, un appareil médical qui allie un système de sonde laser novateur et le guidage par l’image en temps réel. Grâce à l’imagerie par résonance magnétique et un logiciel de pointe, l’outil permet à des neurochirurgiens au Canada et à l’étranger de traiter les tumeurs cérébrales et autres cibles intracrâniennes avec effraction minimale et réduit également les soins post-opératoires et les coûts liés aux soins de santé.

Crédit photo : Katie Chalmers-Brooks

dans un cas de récidive de cancer, par exemple un glioblastome, qui ne répond plus à une thérapie normale. Alors que l’évolution du produit suivait son cours, les deux « ont dû faire preuve d’ingéniosité pour obtenir du financement », admet le Dr Torchia, car de manière générale, les organismes de subventions appuient la science de base et la découverte, plutôt que la recherche appliquée. « Ils ont également tendance à viser la réussite, plutôt qu’à soutenir des projets qui connaissent des ratés pendant leur évolution, dit-il. Les taux de réussite pour certains concours de subventions sont en-deçà de 30 p. 100, ce qui peut être catastrophique pour des projets d’innovation exigeant un financement continu et toujours plus important.

« Nous avons trouvé plusieurs moyens créatifs d’amasser de l’argent », rapporte le Dr Torchia, à commencer par une campagne de financement local à l’Hôpital général de Saint-Boniface à Winnipeg, laquelle a permis de payer le prototype original du système NeuroBlate. Cela a entraîné d’autres capitaux de risque en vue de soutenir son développement. « Sincèrement, je ne crois pas que le système aurait vu le jour si nous avions dû être tributaires des sources de financement traditionnelles en science, souligne le Dr Torchia. Si le Canada a pour but ultime d’être un pays d’innovation, nous devons fixer les résultats que nous entendons obtenir, quels seront les indicateurs pour mesurer la réussite, puis élaborer des programmes, des processus et des politiques qui concordent. »

En matière d’appui au projet, Richard Tyc est d’avis qu’il faut donner crédit aux patients ayant pris part aux premiers essais cliniques. « Ils devaient vouloir participer à une nouvelle technologie qui, à l’origine, n’avait aucun antécédent en neurochirurgie. » L’obtention de fonds a été particulièrement difficile à la suite de l’éclatement de la bulle technologique, au début des années 2000, dit-il, soulignant qu’il est essentiel de créer un solide modèle d’affaires. « Si vous croyez en votre idée, et que vous pouvez démontrer son potentiel commercial et un besoin réel d’innovation, vous pouvez réussir », affirme M. Tyc. Au pays, l’un des obstacles principaux réside dans le fait que les nouvelles technologies mettent du temps à être adoptées. À ce jour, le système NeuroBlate a été implanté dans plus de 35 hôpitaux aux États-Unis, certains parmi les meilleurs, mais on le trouve dans un seul établissement canadien, l’Hôpital général de Vancouver. Au Canada, la nécessité d’obtenir davantage de données probantes sur le recouvrement de coûts constitue un enjeu, affirme Richard Tyc, soulignant que les techniques à effraction minimale peuvent être beaucoup moins onéreuses que les chirurgies traditionnelles — sans compter améliorer la capacité des patients de se rétablir rapidement. « Une chirurgie du cerveau peut représenter un événement assez traumatisant. Grâce au système NeuroBlate, plusieurs patients rentrent à la maison le jour suivant l’intervention, sans aucun point de suture », indique-t-il, ajoutant qu’un autre obstacle pour de telles évolutions est l’opposition des chirurgiens. « Il faut donner du temps au système et davantage de données cliniques avant de modifier les pratiques. » Il affirme qu’il existe un vaste marché pour le système NeuroBlate. Plus de 650 000 personnes vivent avec une tumeur du cerveau aux États-Unis, et plusieurs états de santé peuvent tirer profit de cette procédure à effraction minimale. La FDA a approuvé un essai visant à évaluer sa faisabilité pour l’épilepsie réfractaire aux traitements médicaux, laquelle provoque des crises incontrôlées. À l’heure actuelle, près de un million de patients en Amérique du Nord vivent avec des crises que les médicaments ne peuvent empêcher. Au début, on avait recours au système NeuroBlate pour seulement quelques procédures par mois, mentionne le Dr Torchia. Maintenant, on en compte plus de 750 au total, avec l’objectif d’effectuer une vingtaine de procédures par semaine au cours de la prochaine année. « C’est un incroyable sentiment de satisfaction de savoir que nous avons été en mesure d’influer sur la vie des patients, ajoute-t-il. Je ne suis même pas certain de pouvoir décrire ce que cela signifie. »


Christi Belcourt Espanola, Ontario

Candidature soumise par le Conseil des arts du Canada

Utiliser la technologie pour amener des changements positifs L’innovation prend toutes sortes de formes. Pour Christi Belcourt, elle présente des couleurs et des textures diverses et plusieurs sens.

« Les artistes peuvent être des innovateurs … J’ai vu la façon dont les arts et les artistes amènent des changements positifs au sein de leurs collectivités. »

— Christie Belcourt

Âgée de 49 ans, madame Belcourt est une auteure et une artiste en arts visuels métis connue à l’échelle internationale; ses travaux s’intéressent grandement à la nature, à sa beauté et à sa valeur utile. Plus récemment, son travail a débouché sur des partenariats créatifs novateurs, qui conjuguent le savoir traditionnel, les arts appliqués et le design de pointe, en ayant recours à la technologie et à l’art au profit de la justice et des changements sociaux. « Les artistes peuvent être des innovateurs », affirme Christi Belcourt, qui fait partie d’une importante famille métis et d’artistes accomplis. Le travail de cette intervenante et animatrice communautaire intègre plusieurs médias et a touché un nombre incalculable de gens. « J’ai vu la façon dont les arts et les artistes amènent des changements positifs au sein de leurs collectivités. » Pour Christi Belcourt, sa nomination aux côtés d’autres innovateurs constitue un honneur, même si elle se montre souvent réticente à accepter les prix. « À bon droit, nous célébrons les réalisations et le caractère humanitaire du travail de mes collègues lauréats; cela étant, pour moi, je n’ai pas l’impression que mon travail peut être dissocié du travail des centaines de milliers d’autres personnes issues des nations et des peuples autochtones, qui travaillent afin de contribuer à la santé et à la guérison de leurs communautés, ou d’y apporter de la lumière, et qui passent inaperçues. » Elle souligne que les jeunes ont participé récemment aux efforts visant à attirer l’attention sur la crise des suicides au sein des communautés autochtones. « Cela s’ajoute à l’état perpétuel de crise et de deuil auxquels font face les gens de nos nations. À maintes occasions, les jeunes et d’autres ont lié ces crises aux 150 années de dépossession, aux pensionnats, au colonialisme continu et aux politiques d’assimilation des différents gouvernements canadiens. » En tant que personne, mère et artiste autochtone, « j’estime qu’il y a du travail tellement plus important à accomplir. J’exhorte tous les Canadiens à se joindre à moi en vue d’appuyer les jeunes qui demandent des changements fondamentaux, sans compter le travail de qualité que réalisent déjà les peuples autochtones afin d’améliorer la vie de nos gens. »


Christi Belcourt utilise les arts appliqués et une esthétique de pointe ainsi que les nouvelles technologies pour accroître la sensibilisation et donner une impulsion au changement sociétal novateur, tout en respectant les protocoles traditionnels et les traditions culturelles ancestrales. Elle a lancé des initiatives liées à divers enjeux sociaux et encourage les collaborations porteuses d’avenir qui favorisent les partenariats respectueux et l’intégration raisonnée de l’influence de la culture autochtone.

En grande partie, le travail de Christi Belcourt célèbre la nature et en explore les dimensions symboliques, et expose des points de vue traditionnels sur la spiritualité et la médecine naturelle. Dans la tradition du perlage floral métis, elle se sert du sujet comme d’une métaphore sur la vie humaine afin de transmettre des messages aux sens divers, qui touchent à des préoccupations relatives à l’environnement, à la biodiversité, à la spiritualité et aux droits des Autochtones. Connue avant tout pour son travail en peinture, elle a aussi touché aux perles, au cuir, à l’argile, au cuivre, aux tissus de laine et à d’autres matériaux tels que l’écorce de bouleau, les fibres végétales et l’ocre. Christi Belcourt a été lauréate 2014 du Prix du Conseil des arts de l’Ontario pour les arts autochtones et a été présélectionnée en 2014 et 2015 pour les Prix de la première ministre pour l’excellence artistique. Ses travaux font partie des collections publiques du Musée des beaux-arts du Canada (Ottawa), de l’Institut Gabriel Dumont (Saskatoon), du Musée des beaux-arts de l’Ontario (Toronto), de la collection d’art autochtone (Gatineau, Québec), de la Thunder Bay Art Gallery et du Musée canadien des civilisations (Gatineau, Québec). En 2011, elle a créé une œuvre, intitulée Giniigaaniimenaning (Regarder vers l’avenir), afin de commémorer la résilience et la force des survivants des pensionnats et de leurs descendants. Cette œuvre a été retenue afin d’être installée comme vitrail permanent au-dessus de l’entrée principale des députés de l’édifice du Centre de la Colline du Parlement, à Ottawa. De même, Christi Belcourt a conçu les médailles des Jeux panaméricains et parapanaméricains de 2015 à Toronto, et sa collaboration avec le designer de vêtements italien la Maison Valentino a attiré l’attention des médias.

Chisti Belcourt a cocréé et codirigé le Willisville Mountain Project, une exhibition-concours avec 40 artistes qui ont utilisé l’art afin d’attirer l’attention sur Willisville Mountain, que l’on destinait à devenir une carrière. Ce projet et les pressions politiques et médiatiques qui ont suivi ont contribué à faire en sorte que l’entreprise Vale Corp. décide de ne pas procéder à l’extraction du quartz sur la montagne. Christi Belcourt est l’auteure de Medicines To Help Us (2008) et Beadwork (2011), et a coécrit Jeremy and the Magic Ball (2008). Son travail artistique a été reproduit dans de nombreuses publications et sur la couverture de multiples livres. En 2014, elle a participé à la mise sur pied d’une entreprise collective, appelée Onaman Collective, qui a mis en œuvre un programme ambitieux d’activités culturelles fondées sur la terre, afin de recréer un lien entre la jeunesse autochtone et le savoir et les langues menacées de disparition. Sa grande réalisation est l’installation commémorative itinérante Walking With Our Sisters, un projet destiné à honorer la vie des femmes et des filles autochtones assassinées au Canada et aux États-Unis. Le projet est devenu une incroyable œuvre commémorative en tournée mondiale de sept ans, comportant la participation de plus de 1 500 artistes et de milliers de bénévoles. Le projet présente une utilisation visionnaire des médias sociaux, qui rassemble des artistes afin de sensibiliser le public à la valeur de la vie des femmes autochtones assassinées et disparues et de créer un élan en faveur de profonds changements sociaux. Au cours de la tournée, Walking With Our Sisters sera présentée dans des dizaines de collectivités un peu partout en Amérique du Nord. Christi Belcourt se réjouit que des milliers de visiteurs de tous horizons culturels auront ainsi l’occasion de comprendre cet hommage, d’en faire l’expérience et de « se mobiliser au sein du mouvement visant des changements sociaux, au nom de toutes les femmes autochtones ».


Robert E. Burrell Edmonton, Alberta

Candidature soumise par Universités Canada

Valoriser les heureux hasards — et l’échec Des notes biographiques sur Robert Burrell le présentent comme un nanotechnologue, mais ne comptez pas sur lui pour en faire autant.

« Louis Pasteur a dit que “dans les champs de l’observation, la chance ne favorise que les esprits préparés”. Je crois que j’étais préparé à la découverte de par l’étendue de ma formation. »

— Dr. Robert Burrell

M. Burrell, qui enseigne la chimie et le génie des matériaux à l’Université de l’Alberta, est l’un des plus grands spécialistes dans le monde en ce qui a trait aux films métalliques de pointe avec des propriétés thérapeutiques. Il décrit sa carrière comme ayant été « tumultueuse ». Enfant, il rêvait de devenir vétérinaire; mais après deux années d’études en zoologie, il est passé à la philosophie, puis à la biologie végétale. Il a complété une maîtrise en microbiologie du sol et un doctoral en écotoxicologie, et obtenu une bourse postdoctorale en génie chimique. Puis, sa recherche d’un emploi en enseignement n’a pas porté ses fruits, et ce, en raison de l’importance accordée à la spécialisation. « Je suis allé dans un sens tout à fait opposé », explique Robert Burrell, qui préside à présent la Chaire de recherche du Canada sur les biomatériaux nanostructurés. « Le milieu universitaire n’arrivait pas à comprendre ma feuille de route — l’intérêt de ces gens se portait davantage vers la connaissance fine et approfondie que vaste et multidisciplinaire. » Mais ses antécédents diversifiés se sont avéré exactement ce qu’il fallait pour un poste dans l’industrie — et pour une vie en tant qu’innovateur. Un emploi particulièrement significatif a été celui chez Alcan International, où il a travaillé sous la direction de mentors visionnaires comme Larry Morris et Harry Sang dans l’un des laboratoires sur les matériaux les plus perfectionnés dans le monde. « Ces débuts m’ont permis de développer les technologies que je possède, et qui m’influencent encore aujourd’hui. » Par exemple, il a appris que « les matériaux retenus aux fins biomédicales étaient sélectionnés parce qu’ils avaient déjà servi ». Ces contraintes n’ont pas impressionné Robert Burrell; de fait, avec des antécédents dans ce qu’il appelle « la science de la résolution de problèmes », les heureux hasards ont joué un rôle dans ses travaux de recherche. « Louis Pasteur a dit que «dans les champs de l’observation, la chance ne favorise que les esprits préparés». Je crois que j’étais préparé à la découverte de par l’étendue de ma formation. » En particulier, M. Burrell a mis l’accent sur l’activité biologique de l’argent, qui possède d’importantes propriétés thérapeutiques mais qui peut devenir inactif au fil du temps, par exemple. Il avait pour objectif de mettre au point des pansements avec des propriétés anti-inflammatoires et antimicrobiennes au moyen de la nanotechnologie, des matériaux structurés qui sont extraordinairement petits.


Crédit photo : Ernest C. Manning Awards Foundation

Le pansement Acticoat développé par Robert Burrell est le premier pansement pour brûlures capable de tuer simultanément les bactéries et de réduire l’inflammation. Cette approche révolutionnaire du traitement des plaies augmente le taux de guérison, diminue le recours à des greffes de peau et réduit les problèmes de traitement des cicatrices à long terme. Grâce à son innovation, M. Burrell a sauvé des milliers de vies et de membres dans le monde entier.

À l’emploi de Westaim Technologies Inc. une initiative de recherche conjointe comprenant Sherritt Gordon Ltd., la province de l’Alberta et le gouvernement fédéral, Robert Burrell a eu recours à un pulvérisateur pour créer des nanostructures en argent, des films cristallins aux propriétés uniques. « Cette idée ne recueillait essentiellement aucun appui », précise-t-il, et chaque nouvelle version qu’il créait s’éloignait de la pensée dominante. Au début, plusieurs essais ont échoué, mais cela lui a simplement permis de « retourner à la planche à dessin et de réfléchir à la question, ajoute-t-il. Les expériences qui ne produisent pas les résultats escomptés constituent les plus grandes sources d’apprentissage. » Après chaque essai, « nous devions cerner les causes de l’échec, les prouver et déterminer la voie à suivre pour la suite, se rappelle-t-il. Un bien meilleur produit a découlé des échecs. » De manière particulière, il a choisi les pansements pour brûlures car il s’agissait d’un « secteur où les besoins étaient grands »; au fil du temps, il a mis au point Acticoat, le premier pansement capable de tuer simultanément les bactéries et de réduire l’inflammation. Sur le plan mondial, Acticoat a constitué la première application commerciale de la nanotechnologie. En 2009, Smith & Nephew PLC, l’une des plus importantes entreprises spécialisées dans le soin des plaies dans le monde, en a fait l’acquisition; depuis sa création, les ventes mondiales atteignent 1 milliard de dollars dans quelque 50 pays. Robert Burrell possède plus de 300 brevets et demandes de brevets à l’échelle internationale, dont Acticoat. Son incidence « me réjouit passablement, affirmet-il. C’est vraiment assez extraordinaire de pouvoir guérir les gens et de changer leurs vies grâce à la technologie. »

Il est reconnaissant envers les mentors dans sa vie, qui l’ont « aidé dans les bons et moins bons moments… Vous travaillez sur le long terme, et vous devez garder la tête froide. » Actuellement, il travaille sur de nouvelles initiatives, par exemple un moyen visant à permettre aux médecins de poser rapidement des diagnostics, une nouvelle approche eu égard aux cellules souches et des pansements pour contrôler les cicatrices. Les produits qui contribuent au traitement d’états chroniques, tels les soins des plaies au sein d’une population de plus en plus vieillissante et qui permettent de réduire la durée des séjours à l’hôpital, sont cruciaux, dit-il. Même si la recherche médicale est coûteuse, « les technologies les plus onéreuses sont celles qui ne fonctionnent pas. » Les travaux de recherche comme les siens visent à « choisir des problèmes qui ont des conséquences pour les gens et trouver des solutions ». Le financement gouvernemental et les organismes subventionnaires ont contribué à ses travaux, même si par moments, « les attentes pour que nous réussissions étaient très élevées ». Il ajoute qu’il importe de financer la recherche appliquée; mais « s’il n’existe aucune analyse de rentabilité, vous ne devriez pas continuer à y investir de l’argent ». De même, il est important de s’engager dans un processus jalonné, avec une réduction des risques à chaque étape afin de poursuivre. « Les gouvernements et les organismes subventionnaires voient les choses d’un autre œil », précise-t-il; ils s’inquiètent des coûts irrécupérables et continuent souvent d’investir en recherche en vue de préserver un investissement, même s’il y a peu de chances que la technologie connaisse un succès clinique ou commercial. « Il y a toujours des échecs; mais les échecs doivent réduire vos risques, sinon il y a un problème. Vous devez leur permettre d’échouer », insiste-t-il. « Nous devons cesser de chercher à choisir des gagnants et des perdants — personne ne réussit cela vraiment bien. Laissons le marché et les utilisateurs déterminer les gagnants et les perdants. Ne gaspillez pas d’argent en vue d’éviter les coûts irrécupérables, vous perdrez encore beaucoup plus. »


Charles Deguire Boisbriand, Québec

Candidature soumise par le Conseil national de recherches Canada

En quête d’inspiration Charles Deguire, qui a grandi avec trois grands-oncles que la dystrophie musculaire a confinés à un fauteuil roulant, a appris ce que l’ingéniosité pouvait permettre. En dépit de leur handicap, ils ont vécu au maximum, se procurant des fauteuils roulants toujours plus puissants au fur et à mesure des avances technologiques et de la détérioration de leur état qu’entraînait leur maladie. Or, Charles Deguire a constaté qu’il existait peu pour pallier à la perte de mobilité des membres supérieurs, bien qu’un de ses grands-oncles, Jacques, ait procédé lui-même à des ajustements.

« Si nous voulons que la technologie soit notre sauveur, il faut lui faire de la place. Il faut supprimer les obstacles… Je dis aux politiciens qu’ils devraient cesser de me subventionner et qu’ils devraient plutôt me donner des commandes. »

— Charles Deguire

Connu de tous comme Jaco, cet homme, dont l’état s’est détérioré le plus rapidement, était aussi l’inventeur de la famille. Avec une 5e année pour toute éducation, Jaco a confectionné un bras robotisé, qu’il a appelé le « manipulo », à partir d’articles trouvés dans la maison et à la quincaillerie locale. « Il y avait un câble pour vélo, un cadre de lampe, des essuie-glaces et des pinces à hot dog. Le matériel électronique se trouvait dans un contenant Tupperware », se rappelle Charles Deguire. L’appareil fonctionnait et permettait à Jaco, par exemple de s’alimenter. « Cela a changé sa vie. » Alors âgé de 10 ans, la vie de Charles Deguire a aussi changé en voyant son oncle confectionner ces articles rudimentaires de robotique. « J’étais fasciné, dit-il. Cela m’a ouvert les yeux et fait réaliser qu’il est possible d’améliorer sa qualité de vie avec les objets qui se trouvent autour de soi. » M. Deguire était aussi un inventeur. « Je désassemblais tout ce qui comportait des composantes électroniques. Déjà, j’avais pris quelques chocs », admet-il. Il a obtenu un baccalauréat en génie électrique à l’École de technologie supérieure à Montréal, et a travaillé sur différents projets personnels avec son camarade de classe Louis-Joseph Caron L’Écuyer. En troisième année, ils ont tenté de construire un bras robotisé. « En une fin de semaine, nous avons réussi, souligne Charles Deguire, agacé par l’absence de robots pour aider les personnes en fauteuil roulant. « J’ai dit : «Nous envoyons des robots dans l’espace, des robots remplacent les humains dans les usines, mais nous n’utilisons pas les robots pour aider les gens.» Ça m’empêchait de dormir. » Les deux hommes ont nommé leur invention Jaco et ont fondé une entreprise, Kinova Robotics. Située à Boisbriand, au nord de Montréal, celle-ci compte à présent 65 employés, et on projette de doubler l’effectif et d’ouvrir une nouvelle installation d’ici 2017.


Fondée en collaboration par Charles Deguire, la compagnie Kinova aide les gens à repousser leurs limitations physiques et accroît l’efficience et la sécurité de l’environnement de travail en milieu industriel. Les bras robotiques élégants et efficaces sur le plan énergétique de Kinova sont légers, silencieux, discrets et résistants aux intempéries. Depuis son lancement en 2010, le bras JACO procure plus d’autonomie, de contrôle et d’amplitude du mouvement aux Canadiens ayant une mobilité réduite du haut du corps et améliore également leur bien-être mental.

Crédit Photo : Kinova Robotics

Parallèlement au Jaco, il y a le Mico, une version réduite qui permet, par exemple, de prendre des articles sur le plateau d’un fauteuil roulant. Les deux sont faciles à manipuler grâce aux manettes de contrôle des fauteuils roulants. Outre cette robotique d’assistance, Kinova collabore avec des organisations comme la NASA et Google dans le domaine de la robotique de service, comme pour la neutralisation d’explosifs ou la gestion de déchets toxiques. L’entreprise se concentre tout particulièrement sur la robotique chirurgicale, un vaste marché lucratif et inexploré. Charles Deguire a réussi à obtenir un soutien gouvernemental et d’investisseurs providentiels, sans compter les produits de la vente, et pour la première fois, il compte obtenir du financement pour du capital de risque. « Il faut être convaincant », souligne-t-il. Une grande source de frustration, compte tenu du vieillissement de la population, réside dans le fait que le Canada « ne possède aucune orientation définie en vue d’intégrer l’innovation dans le système de santé, indique-til. Si nous voulons que la technologie soit notre sauveur, il faut lui faire de la place. Il faut supprimer les obstacles. » Autrement dit, s’il a obtenu du financement pour le développement de Jaco, il reste qu’il n’existe à peu près aucun programme pour financer des projets-pilotes et aider les utilisateurs à payer pour l’appareil. Après tout, cela pourrait réduire ce qu’il en coûte au gouvernement eu égard aux personnes soignantes, et renforcer l’indépendance des gens et améliorer leur bien-être. « Je dis aux politiciens qu’ils devraient cesser de me subventionner et qu’ils devraient plutôt me donner des commandes. Si vous désirez un pays d’innovation, votre plus grand acheteur doit être innovateur. »

En Europe, on trouve de nombreux acheteurs, qui bénéficient d’une pleine couverture d’assurance. Charles Deguire est heureux d’entendre combien le produit a changé leur vie. En Allemagne, un homme est fou de joie de pouvoir porter une bière à ses lèvres et la boire, plutôt que de recourir à une paille; en Suisse, un utilisateur s’est remis à son travail de peintrepaysagiste. « Il peut s’alimenter et a pu se remettre à sa passion », précise avec enthousiasme Charles Deguire. Il poursuit sa collaboration avec M. L’Écuyer, à présent le dirigeant principal de la technologie chez Kinova. Pour Charles Deguire, posséder un tel partenaire depuis le début est inestimable pour l’innovation. « Une aventure exigeante t’attend et tu ne veux pas te retrouver seul, explique-t-il. La motivation vient plus rapidement, tu apprends à mettre des idées en commun et à accepter les idées des autres. De cette façon, tu iras plus loin. » Pour se lancer dans une aventure comme la sienne, « il faut être un peu naïf. Si les gens savaient tout ce que nous avons dû réaliser pour réussir, cela en découragerait plus d’un. » De fait, messieurs Deguire et L’Écuyer ont vu leurs amis diplômés se trouver de très bons emplois dès la fin de l’université, alors « que nous bûchions 90 heures par semaine dans un soussol », mentionne Charles Deguire. Il souhaiterait qu’on donne du crédit aux innovateurs, même lorsqu’ils échouent; ainsi, ils pourraient peut-être retenir l’attention d’employeurs potentiels. « Les leçons apprises sont plus précieuses que n’importe quel diplôme. » À son avis, son oncle Jacques, aujourd’hui décédé, serait fier de ses réalisations. Mais M. Deguire sera satisfait seulement lorsque les appareils d’assistance permettront aux personnes handicapées de fonctionner aussi bien que les personnes sans handicap. Le développement d’applications chirurgicales auxquelles Kinova travaille actuellement appuiera la recherche à venir sur l’intelligence artificielle et de nouvelles interfaces pour le bras robotisé.


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