Ton premier enfant

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Ton premier enfant

Sans droit à l’avortement, il n’y a pas de véritable liberté des femmes, pas d’égalité des sexes, pas de droit au corps, pas de société évoluée.

Mais personne ne parle jamais de la douleur d’un père. Et personne n’est là pour le réconforter dans son deuil.

Isabelle Steenebruggen
Collection POURPANSER

La reproduction de tout ou partie de cette œuvre, de quelque manière que ce soit, à des fins de propagande anti-avortement est strictement interdite.

À mon ami D.C.

« C’est la douleur la plus ancienne et la plus inévitable de l’humanité »

Isabel Allende

Un soir de confidence, un ami m'a dit: « Je n’aurai jamais de premier enfant. »

Sa douleur m’a bouleversée, sans doute parce qu’elle faisait écho à la mienne. Nous nous sommes dit ces mots en nous serrant fort dans les bras l’un de l’autre. Lui désenfanté de son premier enfant, moi désenfantée de mon deuxième.

Le droit à l’avortement est fondamental, et si toute ma vie je dois me battre pour que ma fille et ses filles après elle le conservent, je le ferai.

Sans droit à l’avortement, il n’y a pas de véritable liberté des femmes, pas d’égalité des sexes, pas de droit au corps, pas de société évoluée.

Mais personne ne parle jamais de la douleur d’un père. Et personne n’est là pour le réconforter dans son deuil.

Cette collection est la plus belle destinée que ce texte pouvait avoir. Je suis heureuse qu'il puisse servir à guérir.

Bonne lecture à vous, en espérant qu'il puisse vous réconforter un peu, vous réchauffer un peu, et merci à Aline pour sa générosité à toute épreuve.

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« Je n’aurai jamais de premier enfant. »

Tu m’as dit cela un soir et ta douleur m’a bouleversée. Sans doute parce qu’elle faisait écho à la mienne. Nous nous sommes dit ces mots en nous serrant fort dans les bras l’un de l’autre. Toi désenfanté de ton premier enfant, moi désenfantée de mon deuxième. Mais mon sentiment d’impuissance n’avait rien à voir avec le tien. Moi, je ne pouvais m’en remettre qu’au soi-disant divin, à une sélection naturelle injustement fréquente, à je ne sais quoi, peu importe comment on le nomme, à la Vie sur laquelle on n’a aucune emprise.

Toi pas.

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Le droit à l’avortement est fondamental et si toute ma vie je dois me battre pour que ma fille et ses filles après elle le conservent, je le ferai.

Sans droit à l’avortement, il n’y a pas de véritable liberté des femmes, pas d’égalité des sexes, pas de droit au corps, pas de société évoluée.

Mais personne ne parle jamais de la douleur d’un père. Et personne n’est là pour le réconforter dans son deuil.

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Ce soir-là, elle avait pourtant l’air plutôt enjouée au moment où elle te l’a annoncé. Tu allais être papa. Bon, elle ne l’avait pas formulé comme cela. Elle avait dit « Je suis enceinte ». Mais c’est comme ça que ça avait résonné en toi : « Je vais être papa ».

Et c’était toutes les plus belles musiques du monde et toutes les plus belles lumières de l’univers qui s’unissaient dans une symphonie merveilleuse. La plus belle des nouvelles. Mais elle avait ajouté juste après : « ça me stresse terriblement ».

La fausse note. Tout de suite.

Tu l’avais prise dans tes bras. Elle avait pleuré. Tu l’avais laissée se vider de ses sanglots contre toi, tu lui avais dit des mots bienveillants, doux, rassurants, amoureux, et elle s’était calmée. Du moins l’avais-

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tu cru. Mais les blessures étaient plus présentes, plus profondes que tu ne le pensais. Les abîmes en elle étaient difficile à atteindre pour toi. Bien plus que tu ne l’avais imaginé.

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« Ce n’est pas toi qui l’as dans le ventre ».

Non. Ce n’était pas toi.

Mais bon Dieu qu’est-ce que tu n’aurais pas donné, à cet instant, pour que ce soit toi qui l’aies dans le ventre. Toi qui la protèges et l’abrites, cette petite vie. Toi qui la chérisses, qui la rassures, toi qui prennes soin d’elle patiemment pendant neuf mois, toi qui vomisses, qui aies mal au dos, aux pieds, à l’estomac, qui aies la vessie tendue, le ventre gonflé et les jambes lourdes. Oui, tu aurais pris tout cela, et dix fois plus encore, pour garder la petite vie en toi. Si tu avais pu. Si ça avait été toi.

Mais c’était elle.

Trois ans déjà que tu partageais sa vie. Que vous aviez décidé de vivre ensemble dans un

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appartement de cette ville folle, trop chère, trop étriquée, mais que vous aimiez pourtant tous les deux. Trois ans que vous envisagiez l’avenir tout entier à rester aussi proches l’un de l’autre que vous l’étiez maintenant. Sans promesse, sans mariage, parce que ce genre de choses, ce n’était pas pour vous. Mais vous aviez quand même parlé, à plusieurs reprises, d’être parents ensemble. Toi, ça te tentait. Elle aussi, mais pour plus tard. Elle avait encore des choses à régler, disait-elle. Des choses à fixer dans sa propre vie avant de se consacrer à une autre, trop petite, trop fragile, trop exigeante.

Tu lui répétais ce que tes parents t’avaient toujours dit. Que si on attend le bon moment, on passe sa vie à attendre. Que le moment parfait, c’est jamais. Que le moment idéal, c’est quand l’envie est là, peu importe le contexte autour. Le reste, tout le reste, ça vient tout seul car la seule chose qui compte pour l’enfant, c’est de savoir, de sentir, qu’il est désiré, attendu. Elle disait qu’elle savait tout ça. Mais qu’elle voulait encore attendre. Qu’elle était sûre que l’envie était là, mais pour plus tard. Pas encore. Et pour elle, ce bébé-ci, c’était un accident.

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Pour toi c’était une belle surprise.

Toi, tu avais déjà son prénom. Julieta.

Elle pas.

Pour elle, c’était un être étrange et inconnu qui n’avait pas forme humaine et que la morale lui dictait d’accueillir et d’aimer. Une forme de vie qui s’était imposée de l’intérieur, qui allait bientôt lui déchirer les entrailles pour clamer son droit d’exister, et qui, dans quelques mois, allait lui hurler ses besoins impérieux, absolument non-négociables, vitaux, tellement plus importants que les siens propres.

Un enfant qui venait prendre toute sa place bien à lui dans sa vie à elle alors qu’elle n’était même pas sûre de toi, son père. Qu’elle se demandait si tu serais bien là pour l’enfant ou si tu allais disparaître

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comme tant d’hommes avaient disparu de sa vie avant toi, comme son père avait disparu de la vie de sa mère. Pour elle ce n’était pas pareil que pour toi.

Pour toi c’était ta petite Julieta. Peu t’importaient les nuances terminologiques, embryon, fœtus, stade de développement. Toi, tu la voyais déjà comme un petit être humain entièrement constitué, pur, vulnérable, que tu allais chérir et protéger, que tu allais accompagner pas à pas, que tu tiendrais dans tes bras pour qu’elle s’endorme sans avoir peur, à qui tu raconterais la vie, que tu encouragerais lors de ses premiers pas, ses premiers mots, qui vous donnerait, à sa mère et à toi, tout le courage et toute la joie nécessaires à ne jamais vous faire regretter de l’avoir accueillie. Ses victoires seraient les tiennes, ses chagrins tes malheurs. Tu étais prêt à te consacrer corps et âme à cette petite vie en devenir.

Pour elle ce n’était pas pareil que pour toi.

Vous n’arriviez pas à vous entendre l’un et l’autre. Tu sentais que tes paroles n’arrivaient pas à germer en elle. Elles lui tombaient à l’intérieur comme

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dans un puits sans fond. Aucune attache, rien où s’accrocher, se retenir, freiner la chute. Tu avais l’impression de parler à un mur qui barricadait ses croyances à elle. Tu lui disais « je ne t’abandonnerai jamais », elle entendait son père claquer la porte après une dispute. Une de plus. La dernière. Elle disait que tes mots ne voulaient rien dire et tu lui répondais que tu n’en avais pas d’autres.

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Tu savais qu’elle avait pris le premier rendezvous. Tu avais supplié, tu avais pleuré. Pas pour qu’elle n’y aille pas. Mais pour qu’elle réfléchisse. Tu avais sangloté « ne fais pas ça ». Elle avait répondu, en sanglots aussi, « j’ai besoin que tu me soutiennes ».

Tu ne l’avais pas accompagnée à ce rendezvous. C’était au-dessus de tes forces. Inconsciemment, tu voulais, par ton absence, prouver à ton futur enfant que tu étais de son côté, que tu le soutenais, que tu étais un allié. Tu aurais sans doute dû y aller. Peut-être que tu aurais pu empêcher ça. C’est ce que tu te dis aujourd’hui. Et ça te torture. Tous les jours. Toutes les nuits.

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Tu avais été sincère : tu lui avais dit que ce serait difficile pour toi de poursuivre la relation avec elle si elle décidait de se débarrasser de l’enfant. Parce que tu ne te sentais pas la force de faire survivre votre lien après une telle trahison. Trahison, c’est ce mot-là qui était sorti, qui l’avait atteinte comme un coup de poing. Tu l’avais aussitôt regretté. Tu la comprenais, tu ne pouvais pas lui en vouloir. Mais tu te sentirais tellement trahi que tu ne pourrais plus continuer à partager sa vie. Tu voulais qu’elle comprenne que tu n’aurais pas les ressources pour l’aider à surmonter cela alors que toi, tu étais impuissant face à cette décision que tu ne souhaitais pas.

Elle a entendu un chantage, une atteinte à sa dignité physique : une femme ne serait-elle libre de vivre avec l’homme qu’elle aime que si elle se soumettait à une grossesse non désirée ? Quelle liberté que celle-là ? une attitude réactionnaire, rétrograde, inacceptable au XXIème siècle en Europe. Serais-tu

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un dégénéré ? Se serait-elle trompée sur toi ?

Non !

Tu voulais être avec elle, la soutenir, l’accompagner, l’admirer et l’aimer dans tout ce qu’elle était. Mais ça, tu n’en étais pas capable. Te retirer l’enfant dont tu rêvais, l’assassiner, ça c’était trop. Tu te sentais étouffer en y pensant.

L’assassiner ?

Oui, tu avais bien utilisé ce terme. Elle était devenue pâle à mourir. Ne t’avait-on jamais appris la différence entre un embryon et un être humain ? N’étais-tu qu’un pauvre con de facho qui traitait de criminelles les femmes qui avortaient ?

Non ! Tu n’avais pas voulu utiliser ce terme. Mais tu n’y pouvais rien s’il était venu. C’était comme ça que toi, tu le vivais, point barre. Ton enfant avait besoin de toi pour que tu le protèges. Tu te sentais déjà tellement investi de ce rôle : tant pis si le protéger revenait à affronter sa mère.

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L’impuissance est sans doute le sentiment humain le plus cruel.

Elle est partie quelques jours chez une amie. Elle t’a dit qu’elle partait parce qu’elle étouffait avec toi, parce que tu la mettais sous une pression insupportable. Elle a dit qu’elle avait besoin d’air frais. De s’oxygéner. De se changer les idées. De parler à d’autres personnes. De recevoir du soutien d’amis qui la comprendraient. Parce que toi, tu ne pouvais pas la comprendre, ni l’aider.

Tu as approuvé. Tu t’es dit qu’elle avait raison, que ça vous ferait du bien à tous les deux de prendre un peu de distance. Qu’elle était pleine de sagesse et que tu aimais ça, chez elle. Qu’elle soit capable de prendre de la distance pour mieux réfléchir.

Elle est revenue toute seule.

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Toute seule.

Toute seule dans un corps vide, le ventre vide.

Vidé. Elle a pris sa décision sans toi, sans te le dire. Tu t’es senti chuter tellement bas, tellement profond, que tu ne savais plus si tu tenais encore debout. D’ailleurs tu as dû t’appuyer sur le mur, et tu t’en souviens bien, de la sensation du mur froid sous la paume de ta main. Tu n’as plus jamais posé ta main à plat sur un mur depuis. Cela te rappelle trop le froid de la mort.

Elle était dans un état !

Elle avait tellement pleuré que tout son visage était boursouflé. Elle ne savait plus si elle avait eu raison ou tort. Elle ne savait plus si elle avait vraiment voulu ce qu’elle avait fait. Elle saignait encore. Elle voulait des bras, des mots, des mains, de la tendresse, du réconfort. Tu comprenais bien cela, et tu voulais les lui offrir, mais tu n’y arrivais pas. Elle voulait tout ce que tu étais incapable de donner. Elle voulait sans doute juste s’endormir contre toi en se disant que nulle part elle n’était plus en sécurité que dans tes bras. Tu avais essayé. Tu t’étais approché mais pour toi,

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toucher ce corps vide était impossible. Tu te surprenais à la regarder avec horreur. Elle te révulsait. Comme si c’était elle qui était morte. Morte, c’est le mot qui te venait. Car deux vies moins une, ça fait bien une vie qui meurt.

Jamais la distance entre vous n’avait été si grande. Les larmes qui s’étaient asséchées chez elle sortaient de tes yeux à toi, comme si, même tellement loin l’un de l’autre, vous étiez des vases communicants. Tu criais. Tu disais des mots qui allaient lui faire du mal, et tu essayais de freiner ces mots, de les contenir, mais tu n’arrivais pas.

Alors tu étais sorti.

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Et puis, elle a parlé du bruit de l’aspirateur.

Ce bruit que, une seconde avant qu’elle le mentionne, tu n’avais même pas imaginé exister, soudain tu l’entendais. Et à cet instant tu savais que tu l’entendrais toujours. Qu’il serait présent chaque jour de ta vie. Et chaque nuit.

Cet aspirateur qui, dans un bruit de succion un peu baveuse, emportait la seule vie qui était une partie de toi. Ce morceau de toi. Cet impitoyable aspirateur qui avalait ta vie à toi aussi.

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Tu as fini par partir.

Elle t’en a voulu, mais tu l’as quittée.

Tu as essayé de continuer à vivre avec elle, avec ses peines, avec ses remords, mais tu n’y es pas arrivé. Elle t’a dit si souvent qu’elle s’était trompée, qu’elle n’aurait jamais dû faire ça, qu’elle ne s’en remettrait jamais, que c’était bien plus horrible qu’elle ne l’avait imaginé. Tu arrivais d’autant moins à lui pardonner l’immense gâchis.

Elle a si souvent dit que c’était un dilemme cornélien : oser passer à l’acte et assumer ce sacrifice en sachant que toute la vie un ange resterait tout près d’elle, ou se résigner à accepter cette vie en se sachant incapable de lui donner l’amour qui correspond à sa juste valeur d’être humain. Elle voulait que tu entendes à quel point la décision avait été réfléchie et difficile pour elle. Elle te voulait sensible à sa souffrance, car c’était une

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souffrance réelle, palpable, d’avoir opté pour la solution qui la détruirait le moins des deux, celle de sacrifier cette petite vie.

Jamais elle n’arrivait à vraiment affirmer qu’elle avait pris la bonne décision, jamais elle n’arrivait à vraiment affirmer qu’elle s’était trompée.

Tu savais à quel point elle souffrait. Tu voyais son courage. Elle cherchait en elle la force de faire front, d’assumer, même si ce n’était pas facile. Et elle avait tellement besoin d’en parler. Et toi tu étais tellement bloqué dans ta souffrance à toi, incapable de l’écouter, incapable de répondre à ce qu’elle avait besoin de te dire.

Un soir, elle l’a dit une fois de trop.

Tu avais tout fait, tu étais allé racler au plus profond de tes forces pour pouvoir continuer à la soutenir, cette femme que tu aimais. Mais tu n’étais pas capable d’entendre encore une fois ces mots qui enfonçaient le couteau chaque fois plus profondément dans tes blessures.

Tu n’avais plus d’autre solution que de la quitter. Pour ton équilibre à toi. Parce que toi aussi tu devais survivre. Il te fallait te reconstruire, apprendre à vivre avec la blessure ouverte, purulente, insaisissable. Pour toujours, tu aurais près de toi ce petit ange, ce petit ange qui aurait

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dû être de chair et d’os si elle, si seulement elle…

Non, tu ne lui reprocheras jamais cela. Elle a fait le choix qu’elle devait faire. Cet enfant, qui qu’il soit, n’aurait pas été aimé comme il le méritait. Il aurait eu besoin de l’amour d’un père et d’une mère, et toi seul, même avec toute la bonne volonté du monde, tu n’aurais pas pu suffire à en faire un humain heureux, épanoui. Pas sans elle.

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Le Bouddha a dit qu’il faut accepter ce qui est. Ce qui implique, forcément, d’accepter ce qui n’est pas. D’accepter que l’enfant n’est pas. Le Bouddha dit que toutes les souffrances humaines viennent de la difficulté à accepter ce que la vie nous réserve. Tu entends ça à une séance de médiation avec ta thérapeute. Tu le sais. Ces mots font sens pour toi. Mais tu sais aussi que la route sera longue pour accepter, pour ne plus avoir mal.

Tu sauras toujours quel âge Julieta aurait eu aujourd’hui. Tu traverseras toujours cette journée du 20 septembre comme un deuil, et cette date de mars qui aurait sans doute été celle de son anniversaire. Tu auras toujours le cœur qui se serre quand, le matin, tu passeras devant une école et que tu verras les petits, cartable au dos, bonnet, écharpe, moufles qui pendent des manches et main au creux de celle de leur papa.

Tu devras vivre avec. Ou plutôt vivre sans.

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Comme l’a dit le Bouddha. Apprendre à lâcher prise. Mais pas à tout lâcher. Tu ne lâcheras jamais cette petite fée perchée sur ton épaule et qui te souffle à l’oreille que tout ira bien. Qu’elle va bien. Qu’elle est une forme de vie, mais que, simplement, elle n’est pas incarnée comme tous les enfants que tu vois autour de toi.

C’est elle, ton premier enfant. Une autre forme de vie.

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Nous recevons certains textes que nous aimons et qui nous semblent importants, mais pour lesquels il n’est pas aisé de trouver un équilibre économique.

Plutôt que de les laisser dans les tiroirs faute de solution à cet équilibre, avec les auteur-e-s de cette collection

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ISBN : 978-2-37176-218-3

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