Arquitectura popular dominicana

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Juste espaces privés et canaux de circulation à minima. Il n’y a plus un arbre ni un bout de terre où faire pousser ou élever quoique ce soit, les stratégies de développement et de croissance deviennent impossibles, plus d’espace où projeter une extension hormis la hauteur alors que les terrains sont instables, malgré cela le quartier pousse en étages de plus en plus improbables, les maisons s’emmurent les unes les autres, l’insalubrité, la violence et la dépendance de l’extérieur sont maximales. Beaucoup des « anciens », des premiers venus, préféreront alors partir, ils vendront leur emplacement21 et s’inséreront dans des circuits plus formels de la ville. Les réseaux de solidarité forgés lors de la conquête vont alors s’affaiblir et les parcours deviendront individuels par la force des choses22. L’embryon de communauté cède au repli des « simulations de participation23 » encore à l’œuvre aujourd’hui. Apparaissent ici deux pistes qu’il me semble intéressant d’explorer: a. Le phénomène des « bidonvilles » est pratiquement simultané partout dans le monde dans l’immédiate après-guerre24, lors du triomphe mondial de « l’american way of life » en tout cas, l’ampleur du phénomène est sans commune mesure avec ce qui existait auparavant. Et il est particulièrement remarquable de constater que l’espace urbain généré par cet exode rural planétaire est toujours le même. Sans doute les matériaux disponibles (débuts du commerce mondial) sont les mêmes partout (caisses en bois, palettes, fûts) et les nouveaux matériaux industrialisés sont alors standardisés mais le fait remarquable reste que la forme et figure des cases et des espaces urbains générés est fort similaire où qu’on se trouve. b. Par ailleurs, cette forme de la figure urbaine est sensiblement la même que celle produite lors de l’apparition des faubourgs dans l’Europe du Moyen-Âge, embryons de la ville bourgeoise moderne. Et cette similitude est d’autant plus à remarquer que le parallèle n’est pas que formel mais relève d’un même processus social. En effet, au XIIIème siècle on assiste en Europe à une révolution industrielle générant des surplus alimentaires, des améliorations des conditions de vie et une forte croissance de la population ; à 346

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la pacification de la société et au développement des réseaux commerciaux ; à la fixation de noyaux urbains auprès des centres du pouvoir25. Ces foris burgus étaient aussi des sociétés « informelles » et « marginales ». Ainsi de Volga, où l’économie pour « informelle » n’est pas moins développée. On pourrait évoquer le sou-sou26, les coups-demain qui articulent les logiques de l’échange avec celles du don que nos sociétés modernes ont oublié, les très nombreuses activités artisanales lies à la situation précaire du quartier ou la place centrale qu’occupe la « boutique », sas de décompression qui articule la vie du quartier en faisant du crédit et en veillant à la solvabilité de chacun. Mais aussi, où le droit et la justice sont respectés selon des règles internes propres mais collectives, et où la religion «traditionnelle des gadé-zafé27 tient encore le choc devant la poussée des sectes adventistes. Et il est tout aussi important de signaler que si beaucoup des habitants du quartier choisissent de « vivre ensemble », peu d’entre eux se marient. Il y a en revanche une forte tendance chez les hommes à chercher compagne à l’extérieur du quartier, témoignage tout caractéristique de l’échange primordial et quête de reconnaissance vis-à-vis de la ville. L’espace domestique. La case au temps de la conquête28: l’appropriation (1960-1968). La case est une boîte sommaire de bois lorsqu’on arrive à la fermer, sur le modèle des cases de base, sorte de coffre dans lequel on protège ce qu’on possède et notamment sa famille la nuit. Dans ce premier temps où l’espace dehors est encore possible, l’on cuisine à l’extérieur et dès qu’on le peut on ajoute au fur et à mesure une véranda et une deuxième pièce. La cellule de base est alors ce module standard déjà éprouvé à la campagne où l’espace public de la rue (ou du sentier) s’articule à la case par la véranda, lieu privilégié de l’échange social et de la vie diurne. Suit le « salon » avec son « séjour » d’un côté et sa « salle à manger » de l’autre. Espace éminemment symbolique où l’on reçoit rarement et où se met en scène la cosmovision de la maisonnée29. Pour finir, derrière, la chambre à coucher, espace restrictivement privatif. Ce temps durera entre 7 et 8 ans, jusqu’à la « grande invasion ».


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