Poly 162 – Novembre 2013

Page 25

(Flesh) et celui qui souffre (Trash). L’un perturbe l’autre, amène de l’ambivalence et surtout accentue l’effet de groupe puisque ce sont les douze mêmes comédiens sur scène. On passe de la tête de l’un à celle de l’autre dans des allers-retours. On suit plus le parcours de Joe dans Trash, celui de Flesh venant par découpage, comme les jump cuts2 du film. Une longue scène avec le travesti Holly Woodlawn qui l’héberge chez elle dans une petite pièce est au centre du spectacle. Tout s’enchaîne comme s’il avait des flashs : Trash se veut ainsi plus mental. La drogue est pour lui comme un moyen de revisiter des moments passés de sa vie. Quelles armes utilisez-vous pour empoigner ces films ? Le plan séquence est éminemment théâtral mais comment rendre la sensualité de la peau, les gros plans charnels ? Il y aura très peu de vidéo. J’aurais pu faire des projections sur les corps à la manière de Warlikowski. Mais je trouve compliqué de faire des films sur des films. Les noirs répondent au jump cut, mais c’est surtout dans le jeu que cela passera. La sensualité des films vient de la manière dont les acteurs – qui n’en étaient pas – avaient de ne pas jouer, mais d’être. Ils sont là, dans toutes les situations avec une manière de s’en foutre. J’espère que nous arriverons à cela.

Et puis la nudité au théâtre est souvent gratuite, ou tend vers une noirceur et une provocation. Ici, il y a de la beauté. À nous de faire croire que l’on vit sur le plateau. Devrez-vous désapprendre votre métier de comédien pour être comme eux ? C’est le challenge, d’autant qu’à l’inverse d’eux, nous ne menons pas ce type de vie ! Et ce n’est pas rien à faire, ce sont des partitions compliquées. Mais là où Morrissey est très intelligent c’est qu’il cadre les choses, leur donne une histoire. Il n’aurait peut-être pu capter cette énergie et dresser un tel portrait de ces personnes incroyables dans un documentaire. Tous ces travestis, Holly Woodlawn, Jackie Curtis, Candy Darling sont bigger than life, pas banals tout en ayant des problèmes communs. Quelle musique entendrons-nous ? Le Velvet ? Makin’ Wicky Wacky down in Waikiki comme en ouverture de Flesh ? Je me suis instauré une règle : il fallait ne faire que des reprises, comme ce qu’est la pièce par rapport aux films. Du coup il y aura Sweet Jane, Walk on the wild side par le groupe pop Coming Soon, Patti Smith interprétant Nirvana… La seule exception est pour Sunday morning du Velvet !

Morrissey filme comme Cassavetes, en s'intéressant à une population encore plus marginale

Poly 162 Novembre 13

25


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.