Le minimum théorique

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Le MI N I MU M T H é O R I QUE



Le M INIM UM THé ORIQU E t ou t C e qu e vou s av e z besoin d e s avo i r p ou r co mmenc er à fa i r e d e l a p h y siqu e

Leonard Susskind george hrabovsky Traduit de l’anglais par André Cabannes

Presses polytechniques et universitaires romandes


Cet ouvrage paraît dans une collection placée sous la responsabilité scientifique du professeur Philippe A. Martin.

Autres ouvrages disponibles chez le même éditeur: Comprendre la physique David Cassidy, Gerald Holton, James Rutherford De l’atome antique à l’atome quantique A la recherche des mystères de la matière Christian Gruber, Philippe-André Martin L’Odyssée du Zeptoespace Un voyage au cœur de la physique du LHC Gian F. Giudice La face cachée de la Lune La science et les coïncidences François Rothen

Couverture : Nicole Caputo Photographie : Rick Schwab

La Fondation des Presses polytechniques et universitaires romandes (PPUR) publie principalement les travaux d’enseignement et de recherche de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), des universités et des hautes écoles francophones. Presses polytechniques et universitaires romandes, EPFL – Rolex Learning Center, CH-1015 Lausanne E-Mail ppur@epfl.ch, téléphone (0)21 693 41 40, fax (0)21 693 40 27. http://www.ppur.org Version originale The Theoretical Minimum What you need to know to start doing physics Copyright © 2013 by Leonard Susskind and George Hrabovsky. All rights reserved. Published by Basic Books, a member of the Perseus Books Group. Première édition ISBN 978-2-88915-115-8 © Presses polytechniques et universitaires romandes, 2015 Tous droits réservés Reproduction, même partielle, sous quelque forme ou sur quelque support que ce soit, interdite sans l’accord écrit de l’éditeur. Imprimé en Italie


` nos ´epouses – A celles qui ont choisi de nous supporter, et aux ´el`eves des cours pour adultes du Professeur Susskind



Table des mati` eres

Pr´eface

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Le¸ con 1

La nature de la physique classique

1

Interlude 1

Espaces, trigonom´etrie, et vecteurs

17

Le mouvement

33

Le calcul int´egral

53

Le¸ con 2 Interlude 2 Le¸ con 3

Lois de la dynamique

65

Diff´erentiation partielle

81

Le¸ con 4

Syst`emes a ` plus d’une particule

93

Le¸ con 5

L’´energie

105

Le¸ con 6

Le principe de moindre action

117

Le¸ con 7

Sym´etries et lois de conservation

141

Le¸ con 8

M´ecanique hamiltonienne et invariance par translation dans le temps

159

Le¸ con 9

Le fluide de l’espace des phases et le th´eor`eme de Gibbs-Liouville

177

Le¸ con 10

Les crochets de Poisson, le moment angulaire, et les sym´etries

191

Le¸ con 11

Forces ´electriques et magn´etiques

209

Appendice

Forces centrip`etes et orbites plan´etaires

233

Interlude 3

Index

249



Pr´ eface J’ai toujours aim´e expliquer la Physique. Pour moi c’est beaucoup plus qu’enseigner. C’est une fa¸con de penser. Mˆeme quand je suis `a mon bureau en train de faire de la recherche, un dialogue se d´eroule dans ma tˆete. Trouver la meilleure fa¸con d’expliquer quelque chose est presque toujours la meilleure fa¸con de la comprendre soi-mˆeme aussi. Il y a une dizaine d’ann´ees quelqu’un m’a demand´e si je voulais enseigner un cours pour un public d’adultes. Il se trouve que dans la r´egion de Stanford beaucoup de gens ont dans leur jeunesse voulu ´etudier la physique, mais les al´eas de la vie les en ont empˆech´es. Ils ont eu toutes sortes de carri`eres, cependant ils n’ont jamais oubli´e le goˆ ut qu’ils avaient eu pour les lois de l’univers. Maintenant, apr`es une carri`ere ou deux, ils aimeraient y revenir, au moins au niveau d’amateur ´eclair´e. Malheureusement, il n’y avait pas beaucoup de possibilit´es pour ces gens de suivre des cours. La r`egle `a Stanford comme dans les autres universit´es est de ne pas accepter de personnes qui ne soient pas ´el`eves, et pour la plupart de ces adultes retourner `a l’´ecole et s’inscrire comme ´etudiant `a plein temps n’est pas une option r´ealiste. Cela me troublait. Il devait y avoir un moyen pour qu’ils puissent satisfaire leur int´erˆet en rencontrant des scientifiques en activit´e. Mais lequel ? C’est `a ce moment-l` a que j’ai entendu parler pour la pre´ mi`ere fois du programme d’Etudes continues `a Stanford. Ce programme propose des cours pour les habitants de la r´egion qui n’ont pas de lien avec l’universit´e. Alors j’ai pens´e que ¸ca pouvait correspondre ` a mon d´esir de faire connaˆıtre ma discipline `a ce public ´eclair´e, que ¸ca pouvait r´epondre `a leur d´esir


x

Le minimum th´ eorique

d’en apprendre plus, enfin que ¸ca pouvait ˆetre amusant d’enseigner un cours sur la physique moderne. Pour un trimestre en tout cas. C’´etait effectivement tr`es amusant, et procurait une satisfaction que l’enseignement ` a des ´el`eves niveau undergraduate ou graduate n’apportait pas toujours. Ces ´etudiants ´etaient l`a pour une seule raison : non pour obtenir des cr´edits ou un diplˆome, ni pour passer des examens, mais seulement pour apprendre et satisfaire leur curiosit´e. En outre, ayant acquis l’assurance de personnes qui avaient d´ej` a fait des choses dans leur vie, ils ne craignaient pas de poser des questions, si bien qu’il r´egnait dans les cours une animation qu’il n’y a pas toujours dans les classes plus scolaires. J’ai d´ecid´e de le refaire. Puis de le refaire encore. Ce qui devint clair au bout de quelques trimestres, c’est que les ´etudiants n’´etaient pas totalement satisfaits par le niveau trop ´el´ementaire de ce que j’enseignais. Ils voulaient plus que le Scientific American. Beaucoup d’entre eux avaient quelques connaissances, ils avaient fait un peu de physique, avaient des souvenirs vagues mais pas totalement disparus de calcul int´egral et diff´erentiel, et une certaine exp´erience de r´esolution de probl`emes techniques. Ils ´etaient prˆets ` a essayer d’apprendre la vraie physique – avec des ´equations. Le r´esultat a ´et´e une s´erie de cours cherchant ` a amener ces ´etudiants jusqu’aux premi`eres loges de la physique moderne et de la cosmologie. Par chance, quelqu’un (pas moi) eut la bonne id´ee de filmer les cours. Ils sont accessibles sur Internet, o` u ils semblent extrˆemement populaires : Stanford n’est pas le seul endroit o` u des gens ont soif d’apprendre la physique. Du monde entier, je re¸cois des milliers de messages par mail. L’une des demandes r´ep´et´ees est de savoir si j’ai l’intention de transformer un jour ces cours en livres ? Le Minimum Th´eorique est la r´eponse. Je n’ai pas invent´e le terme minimum th´eorique (MT). Il est dˆ u au grand physicien russe Lev Landau (1908-1968). Le


Pr´ eface

xi

MT en Russie voulait dire tout ce qu’un ´etudiant avait besoin de savoir pour travailler avec Landau lui-mˆeme. Landau ´etait un homme tr`es exigeant : son minimum th´eorique repr´esentait `a peu pr`es tout ce qu’il savait lui-mˆeme, ce que naturellement personne d’autre ne pouvait savoir. J’emploie le terme diff´eremment. Pour moi, le minimum th´eorique est tout ce que vous avez besoin de savoir pour passer au niveau sup´erieur. Cela veut dire non pas des livres ´epais et encyclop´ediques qui expliquent tout, mais des livres minces qui expliquent tout ce qui est important. Les livres de la s´erie Le Minimum Th´eorique suivent de pr`es les cours par Internet que vous trouverez sur le web. Bienvenue donc au Minimum Th´eorique – M´ecanique classique, et bonne chance ! Leonard Susskind Stanford, Californie, juillet 2012 J’ai commenc´e ` a enseigner les maths et la physique `a moi-mˆeme quand j’avais onze ans. C’´etait il y a quarante ans. Beaucoup de choses se sont pass´ees depuis – je suis une de ces personnes que les al´eas de la vie ont ´eloign´ee de la physique. Cependant j’ai appris beaucoup de maths et de physique. Pourtant, bien que des gens me paient pour que je fasse de la recherche pour eux, je n’ai jamais cherch´e ` a d´ecrocher un diplˆome. En ce qui me concerne, ce livre a commenc´e par un e-mail. Apr`es avoir regard´e sur Internet les le¸cons sur la m´ecanique classique, j’ai ´ecrit ` a Leonard Susskind lui demandant s’il voulait les transformer en livre. Une chose menant `a l’autre, voici o` u nous en sommes aujourd’hui. On ne pouvait pas mettre tout ce que nous aurions voulu dans le livre, ou alors ¸ca n’aurait plus ´et´e Le Minimum Th´eorique – M´ecanique classique. Ce serait devenu le-gros-manuelde-la-m´ecanique. C’est ` a ceci que sert Internet : utiliser la large


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Le minimum th´ eorique

bande pour diffuser des choses qui n’ont leur place nulle part ailleurs. Vous pouvez trouver du contenu suppl´ementaire sur le site www.madscitech.org/tm. Cela inclut des r´eponses aux probl`emes, des d´emonstrations et d’autres choses qu’on ne pouvait inclure ici. J’esp`ere que vous aimerez lire ce livre autant que nous avons aim´e l’´ecrire. George Hrabovski Madison, Wisconsin, juillet 2012


Le¸ con 1 : La nature de la physique classique

Quelque part au pays de Steinbeck deux hommes fatigu´es sont assis au bord de la route. Lenny passe la main dans sa barbe et dit : « Parle-moi des lois de la physique, George. » George regarde par terre un moment, puis fixe Lenny par dessus ses lunettes. « D’accord, Lenny, mais seulement le minimum. »

Qu’est-ce que la physique classique ? Le terme physique classique s’applique `a la physique avant l’av`enement de la physique quantique. La physique classique inclut les ´equations de Newton d´ecrivant le mouvement des corps, la th´eorie de Maxwell-Faraday sur les champs ´electromagn´etiques, et la th´eorie de la relativit´e g´en´erale d’Einstein. Mais la physique classique est plus qu’une collection de th´eories sp´ecifiques sur des ph´enom`enes particuliers ; c’est un ensemble de principes et de r`egles – avec une logique sous-jacente – qui gouverne tous les ph´enom`enes dans lesquels l’incertitude quantique ne joue aucun rˆ ole. Ces r`egles g´en´erales forment ce que l’on appelle la m´ecanique classique.


2

Le minimum th´ eorique

L’objectif de la m´ecanique classique est de pr´edire l’avenir. Le grand physicien et math´ematicien du xviiie si`ecle PierreSimon Laplace l’a dit dans une phrase c´el`ebre : Nous devons donc envisager l’´etat pr´esent de l’univers comme l’effet de son ´etat ant´erieur et comme la cause de celui qui va suivre. Une intelligence qui, pour un instant donn´e, connaˆıtrait toutes les forces dont la nature est anim´ee, et la situation respective des ˆetres qui la composent, si d’ailleurs elle ´etait assez vaste pour soumettre ces donn´ees ` a l’Analyse, embrasserait dans la mˆeme formule les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus l´eger atome : rien ne serait incertain pour elle et l’avenir, comme le pass´e, serait pr´esent a ` ses yeux. En physique classique, si vous avez une connaissance compl`ete d’un syst`eme ` a un moment donn´e, et si vous connaissez aussi les lois qui gouvernent l’´evolution du syst`eme, vous pouvez pr´edire l’avenir. C’est ce que l’on veut dire par « les lois classiques de la physique sont d´eterministes ». Si c’est encore vrai avec le pass´e et l’avenir interchang´es, les mˆemes ´equations vous renseignent aussi totalement sur le pass´e. Un tel syst`eme est dit r´eversible.

Syst`emes dynamiques simples et espace des ´etats Une collection d’objets – particules, champs, ondes, ou quoi que ce soit – est appel´e un syst`eme. Un syst`eme qui est soit l’univers entier, soit suffisamment isol´e du reste pour se comporter comme si rien d’autre n’existait, est un syst`eme ferm´e .


La nature de la physique classique

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´ Exercice 1 : Etant donn´ e que cette notion est tr` es importante en physique th´ eorique, pensez ` a ce qui pourrait constituer un syst` eme ferm´ e. Discutez de la possibilit´ e que de tels syst` emes existent effectivement. Quelles hypoth` eses implicites sont faites quand on traite d’un syst` eme ferm´ e ? Qu’est-ce qu’un syst` eme ouvert ?

Pour mieux comprendre ce que d´eterministe et r´eversible signifient, nous allons commencer par des syst`emes ferm´es extrˆemement simples. Ils seront beaucoup plus simples que ce qu’on ´etudie habituellement en physique, mais ils seront r´egis par des r`egles qui seront des versions rudimentaires des lois de la m´ecanique classique. Nous commen¸cons par un exemple tellement simple qu’il en est trivial. Imaginez un objet concret ou abstrait qui a un seul ´etat. Pensez ` a une pi`ece de monnaie coll´ee sur cette table, et montrant pour toujours le cˆot´e face. Dans le jargon de la physique, la collection des ´etats possibles dans lesquels peut se trouver un syst`eme est appel´ee son espace des ´etats. L’espace des ´etats n’est pas l’espace ordinaire ; c’est un ensemble math´ematique dont les ´el´ements consistent en les ´etats possibles du syst`eme. Dans notre premier exemple l’espace des ´etats a un seul ´el´ement – face, qu’on notera H 1 – car le syst`eme n’a qu’un seul ´etat. Pr´edire l’avenir du syst`eme est particuli`erement simple : rien ne changera jamais et le r´esultat de n’importe quelle observation sera toujours H. Le deuxi`eme exemple dans l’ordre de simplicit´e a un espace des ´etats form´e de deux ´el´ements. Maintenant nous avons un objet et deux ´etats possibles. Imaginez une pi`ece qui peut mon1. Face, pour une pi`ece de monnaie, se dit « head » en anglais. (Toutes les notes de bas de page sont du traducteur.)


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Le minimum th´ eorique

H

T Figure 1 Un espace des ´etats ` a deux ´etats.

trer face ou pile (qu’on notera H ou T 2 ). Voir la figure 1 cidessus. En m´ecanique classique on fait l’hypoth`ese que les syst`emes ´evoluent de mani`ere continue, sans sauts ni interruptions. Manifestement on ne peut pas passer de pile `a face de mani`ere continue. Le mouvement dans ce cas se d´eroule par sauts discrets. Supposons que le temps lui-mˆeme s’´ecoule non pas de mani`ere continue, mais par pas discrets passant d’un temps au suivant, index´es par les nombres entiers. Un monde dont l’´evolution est discr`ete pourrait ˆetre appel´e stroboscopique. Un syst`eme qui change avec le temps est un syst`eme dynamique. Pour le d´ecrire, un espace des ´etats n’est pas suffisant ; il faut aussi une loi d’´evolution, ou loi de mouvement, encore appel´ee parfois loi dynamique. La loi de mouvement est une r`egle qui nous dit quel sera le prochain ´etat du syst`eme quand on sait dans quel ´etat il se trouve maintenant. Un exemple de loi de mouvement particuli`erement simple est celle qui dit que quel que soit l’´etat du syst`eme `a un instant donn´e, l’´etat de l’instant suivant sera le mˆeme. Il y a alors deux chronologies possibles : H H H H H H... et T T T T T T... Une autre loi de mouvement est celle qui dit que quel que soit l’´etat pr´esent, le suivant sera l’autre ´etat. On peut faire des 2. Pile, pour une pi`ece de monnaie, se dit « tail » en anglais.


La nature de la physique classique

5

diagrammes pour illustrer ces deux lois. La figure 2 repr´esente la premi`ere loi : la fl`eche qui part de H aboutit `a H, et la fl`eche qui part de T aboutit ` a T. Il est facile, r´ep´etons-le, de pr´evoir l’avenir : si vous partez de H, le syst`eme restera dans H ; si vous partez de T, le syst`eme restera dans T. H

T Figure 2 Une loi d’´evolution dans espace `a deux ´etats.

Un diagramme de la seconde loi est montr´e dans la figure 3, o` u les fl`eches vont de H vers T, et de T vers H. Par exemple, si vous partez de H la chronologie est H T H T H T... Si vous partez de T la chronologie est T H T H T H... H

T

Figure 3 Une deuxi`eme loi d’´evolution dans un espace `a deux ´etats.

On peut mˆeme ´ecrire ces lois de d’´evolution (encore appel´ee lois de mouvement) ` a l’aide d’´equations. Les variables d´ecrivant un syst`eme s’appellent ses degr´es de libert´e . Notre pi`ece de monnaie a un degr´e de libert´e, qu’on peut noter avec la lettre grecque sigma, σ. Sigma ne peut prendre que deux valeurs possibles ; par exemple choisissons σ = 1 pour H, et σ = −1 pour T. Il nous faut aussi un symbole pour prendre en compte le temps. Quand on ´etudie un syst`eme o` u le temps est continu, on utilise en g´en´eral le symbole t. Ici nous ´etudions des ´evolutions discr`etes et nous utiliserons le symbole n. L’´etat


6

Le minimum th´ eorique

au temps n est d´ecrit par le symbole σ(n), qui veut dire σ `a l’instant n. ´ Ecrivons les ´equations d’´evolution pour les deux lois. La premi`ere dit que rien ne change avec le temps. Sous forme d’´equation, on ´ecrit σ(n + 1) = σ(n) Autrement dit, quelle que soit la valeur de σ au n-i`eme instant, cette variable aura la mˆeme valeur ` a l’instant suivant. La deuxi`eme loi d’´evolution a la forme σ(n + 1) = −σ(n) signifiant que l’´etat change pour son oppos´e quand on passe d’un instant au suivant. Puisque dans chaque cas le comportement `a venir est compl`etement d´etermin´e par l’´etat initial, ces deux lois sont d´eterministes. Toutes les lois fondamentales de la m´ecanique classique sont d´eterministes. Pour rendre les choses plus int´eressantes, ´etudions un syst`eme ayant un plus grand nombre d’´etats possibles. Au lieu d’une pi`ece de monnaie, nous pouvons utiliser un d´e `a six faces, ce qui donne six ´etats possibles (voir fig. 4).

1 6

2

5

3 4

Figure 4 Un espace ` a six ´etats.


La nature de la physique classique

7

On peut `a pr´esent imaginer beaucoup plus de lois possibles. Et elles ne sont plus aussi faciles ` a d´ecrire avec des mots – ni mˆeme avec des ´equations. Le mieux est de continuer `a utiliser des diagrammes comme dans la figure 5. Celle-ci ´edicte qu’´etant donn´e l’´etat num´erique du d´e au temps n, nous accroissons l’´etat d’une unit´e au temps n + 1. La loi va ainsi jusqu’`a 6, ensuite le diagramme dit de revenir `a 1 et de recommencer la progression. Une progression de genre qui se r´ep`ete ind´efiniment s’appelle un cycle. Par exemple, si nous d´emarrons `a 3, la chronologie est 3, 4, 5, 6, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 1, 2,... Nous appellerons cette loi la Loi d’´evolution no 1. 1 6

2

5

3 4

Figure 5 Loi d’´evolution no 1 pour un espace `a six ´etats.

La figure 6 montre une autre loi, la Loi d’´evolution no 2. Elle a l’air plus compliqu´ee que la loi pr´ec´edente, mais en r´ealit´e elles sont logiquement ´equivalentes : dans les deux cas le syst`eme ´evolue ind´efiniment dans un cycle parcourant six ´etats possibles. Si nous changions les num´eros des ´etats de la figure 6, la Loi d’´evolution no 2 deviendrait identique `a la Loi d’´evolution no 1. Toutes les lois d’´evolution ne sont pas logiquement ´equivalentes. Regardez par exemple la loi de la figure 7. La Loi d’´evolution no 3 a deux cycles. Si vous d´emarrez dans l’un, vous ne pouvez pas atteindre l’autre. N´eanmoins, cette loi est totalement d´eterministe. D’o` u qu’on d´emarre, l’avenir est d´etermin´e. Par exemple, si vous d´emarrez dans l’´etat 2, la chronologie sera


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Le minimum th´ eorique

2, 6, 1, 2, 6, 1,... et vous n’arriverez jamais `a 5. Si vous partez de l’´etat 5, la chronologie sera 5, 3, 4, 5, 3, 4,... et vous n’atteindrez jamais l’´etat 6. 1 2

6 5

3 4

Figure 6 Loi d’´evolution no 2.

1 6

2

5

3 4

Figure 7 Loi d’´evolution no 3.

La figure 8 pr´esente la Loi d’´evolution no 4, qui a trois cycles. 1 2

6

3 5

4

Figure 8 Loi d’´evolution no 4.


La nature de la physique classique

9

Cela prendrait beaucoup de temps de d´ecrire toutes les lois d’´evolution possibles pour un syst`eme dont l’espace des ´etats a six positions. Exercice 2 : Pouvez-vous concevoir une m´ ethode g´ en´ erale de classification des lois possibles pour un syst` eme ` a six ´ etats ?

Lois interdites : la Loi no -1 Dans le cadre de la physique classique, toutes les lois ne sont pas « constitutionnelles ». Il n’est pas suffisant pour une loi d’´evolution d’ˆetre d´eterministe, il faut aussi qu’elle soit r´eversible. Il y a plusieurs fa¸cons d’expliquer dans le contexte de la physique le mot r´eversible. La plus concise est de dire que si vous inversez toutes les fl`eches dans le diagramme montrant l’espace des ´etats et la loi d’´evolution d’un syst`eme, la nouvelle loi qui en r´esulte est encore d´eterministe. Une autre formulation est de dire que les lois sont d´eterministes dans le pass´e comme dans l’avenir. Rappelez-vous la remarque de Laplace :« Une intelligence qui, pour un instant donn´e, connaˆıtrait toutes les forces dont la nature est anim´ee, et la situation respective des ˆetres qui la composent, [...] rien ne serait incertain pour elle et l’avenir, comme le pass´e, serait pr´esent `a ses yeux. » Peut-on concevoir des lois qui soient d´eterministes dans l’avenir, mais pas dans le pass´e ? En d’autres termes, peut-on ´enoncer des lois irr´eversibles ? Eh bien, oui, c’est possible. Regardez la figure 9. O` u que nous soyons, la loi de la figure 9 nous dit bien o` u aller ensuite. Si vous d´emarrez ` a 1, allez ` a 2. Si vous ˆetes `a 2, allez `a 3. Si vous ˆetes ` a 3, allez ` a 2. Il n’y a pas d’ambigu¨ıt´e quant `a


10

Le minimum th´ eorique

2 1

3

Figure 9 Exemple de syst`eme irr´eversible.

l’avenir. Mais pour le pass´e, c’est une autre affaire. Supposez que vous soyez ` a l’´etat 2. O` u ´etiez-vous l’instant d’avant ? Vous pouvez ˆetre venu de 3 ou bien de 1. Le diagramme ne l’indique pas. Pire encore en termes de r´eversibilit´e, il n’y a aucun ´etat qui conduise `a 1 ; il n’a pas de pass´e ! La loi de la figure 9 est irr´eversible. Cela illustre le genre de situation prohib´ee par les principes de la physique classique. Notez d’ailleurs que si vous inversez toutes les fl`eches dans la figure 9, ce qui donne la figure 10, la nouvelle loi ne dit pas o` u aller dans l’avenir. 2 1

3

Figure 10 Exemple de syst`eme non d´eterministe dans l’avenir.

Il existe une r`egle tr`es simple pour v´erifier si un diagramme repr´esente une loi d´eterministe et r´eversible, ou pas. Si chaque ´etat a une seule fl`eche arrivant vers lui, et une seule fl`eche qui en part, alors il s’agit d’une loi l´egale d´eterministe r´eversible. Retenons cette devise : il doit y avoir une fl`eche vous disant o` u aller et une fl`eche vous disant d’o` u vous venez. Le principe selon lequel les lois dynamiques doivent ˆetre d´eterministes et r´eversibles est tellement fondamental dans toute


La nature de la physique classique

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la physique classique que nous en oublions parfois de le mentionner dans nos cours. Il n’a d’ailleurs mˆeme pas de nom. Nous pourrions l’appeler la premi`ere loi, mais il y a malheureusement d´ej` a deux premi`eres lois – celle de Newton, et la premi`ere loi de la thermodynamique. Il existe mˆeme une loi no 0 de la thermodynamique. Aussi il nous faut l’appeler la Loi no -1 afin de r´etablir la priorit´e de ce qui est sans aucun doute la loi la plus fondamentale de toutes les lois de la physique – la conservation de l’information. C’est simplement la r`egle selon laquelle chaque ´etat a une fl`eche entrante et une fl`eche sortante. Cela garantit que vous ne perdiez jamais de vue, mˆeme au bout d’un certain temps, d’o` u vous ˆetes parti. La conservation de l’information n’est pas une loi de conservation ordinaire. Nous reviendrons aux lois de conservation apr`es une digression vers les syst`emes ` a un nombre infini d’´etats.

Syst`emes dynamiques `a nombre infini d’´etats Jusqu’`a pr´esent, tous nos exemples ´evoluaient dans un espace des ´etats comportant seulement un nombre fini d’´etats. Mais un syst`eme peut aussi tout ` a fait avoir un nombre infini d’´etats possibles. Par exemple, imaginez une ligne avec un nombre infini de points discrets dispos´es le long de la ligne – comme une voie ferr´ee avec une suite infinie de gares dans chaque direction. Supposons qu’une sorte de pointeur marquant l’´etat du syst`eme puisse sauter d’un point ` a un autre selon une certaine r`egle. Pour d´ecrire un tel syst`eme, nous pouvons num´eroter les points le long de la ligne avec les nombres entiers de la mˆeme fa¸con que nous avons not´e les temps discrets dans les exemples pr´ec´edents (temps n = 1, n = 2, n = 3, etc.). Comme la notation n est d´ej`a utilis´ee pour les temps discrets, utilisons un N majuscule pour les points sur la voie ferr´ee. Une chronologie de la position du pointeur consisterait en une fonction N (n),


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Le minimum th´ eorique

nous indiquant ` a quel endroit N de la voie ferr´ee il se trouve au temps n 3 . Une partie de l’espace des ´etats est repr´esent´ee sur la figure 11. …

–1

0

1

2

3

Figure 11 Un espace des ´etats infini.

Une loi d’´evolution tr`es simple pour ce syst`eme est montr´ee sur le diagramme de la figure 12 : ` a chaque pas de temps d´eplacer le pointeur d’une unit´e dans la direction positive. …

–1

0

1

2

3

Figure 12 Un espace des ´etats infini.

C’est une loi autoris´ee par la physique car chaque ´etat a une fl`eche entrante et une fl`eche sortante. On peut facilement exprimer cette loi sous forme d’une ´equation. N (n + 1) = N (n) + 1

(1)

Voici d’autres lois possibles d’un point de vue math´ematique, mais toutes ne sont pas autoris´ees d’un point de vue physique. N (n + 1) = N (n) − 1

(2)

N (n + 1) = N (n) + 2

(3)

3. Par exemple N (4) = 10 signifie qu’au temps discret 4 le syst`eme est dans la gare no 10.


La nature de la physique classique

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N (n + 1) = N (n)2

(4)

N (n + 1) = (−1)N (n) N (n)

(5)

Exercice 3 : Identifiez parmi les ´ equations (2) ` a (5) ci-dessus quelles sont les lois d’´ evolution autoris´ ees.

Avec la loi repr´esent´ee par l’´equation (1), d’o` u que vous partiez, vous atteindrez au bout d’un certain temps n’importe quel autre point en progressant vers l’avenir ou vers le pass´e. On dit qu’il y a un cycle unique infini. Avec l’´equation (3), en revanche, si vous partez d’une position N impaire, vous n’atteindrez jamais une position paire, et vice versa. On dit dans ce cas qu’il y a deux cycles infinis. Nous pouvons aussi ajouter librement d’autres ´etats au syst`eme, et d´etailler en mˆeme temps la loi d’´evolution concernant ce nouveau point, afin de cr´eer davantage de cycles, comme l’illustre la figure 13. … A

–1

0

1

2

3

B

Figure 13 Fractionnement d’un espace des ´etats infini en deux cycles, l’un fini, l’autre infini.

Si nous d´emarrons depuis un nombre, alors nous continuerons `a progresser le long de la ligne sup´erieure, comme c’´etait le cas dans la figure 12. Tandis que si nous d´emarrons depuis une


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Le minimum th´ eorique

lettre, nous alternerons dans un cycle entre l’une et l’autre. Ainsi nous pouvons avoir des situations mixtes o` u `a partir de certains ´etats nous tournons dans un cycle fini, et `a partir d’autres nous nous ´eloignons vers l’infini.

Cycles et lois de conservation Quand l’espace des ´etats est s´epar´e en plusieurs cycles, le syst`eme reste dans le cycle dans lequel il a d´emarr´e. Chaque cycle a sa propre loi d’´evolution, mais ils font tous partie d’un mˆeme espace des ´etats global car ils d´ecrivent le mˆeme syst`eme dynamique. Consid´erons un syst`eme avec trois cycles. Chacun des ´etats 1 et 2 forme son propre cycle, tandis que les ´etats 3 et 4 appartiennent ` a un troisi`eme cycle, figure 14 ci-dessous. 2

4

3

1 Figure 14 S´eparation d’un espace des ´etats en plusieurs cycles.

Quand une loi d’´evolution s´epare l’espace des ´etats en plusieurs cycles distincts, il existe en quelque sorte une m´emoire du cycle dans lequel le syst`eme a d´emarr´e. Une telle m´emoire s’appelle une loi de conservation ; elle nous dit qu’un certain aspect du syst`eme est pr´eserv´e pour toujours. Pour rendre la loi de conservation quantitative, attribuons `a chaque cycle une valeur num´erique Q d´ependant du cycle. Dans l’exemple de la figure 15, les trois cycles ont re¸cu les valeurs respectives Q(premier cycle) = +1, Q(deuxi` eme cycle) = −1, et Q(troisi` eme cycle) = 0. On peut aussi voir Q comme une fonction de l’´etat dans lequel se trouve du syst`eme, puisqu’`a


La nature de la physique classique

15

chaque instant le syst`eme est dans un ´etat et donc un cycle donn´e. Alors quelle que soit la valeur de Q quand le syst`eme d´emarre, elle restera toujours la mˆeme au cours du temps car la loi d’´evolution n’autorise pas le syst`eme `a sauter d’un cycle `a un autre. Dit plus simplement, Q est conserv´ee dans le temps. +1

0

0

–1 ` chaque cycle est attach´ee une certaine quantit´e Q. Figure 15 A

Dans les chapitres qui suivent nous aborderons le probl`eme d’un mouvement continu dans lequel ` a la fois le temps et l’espace des ´etats sont continus. Tous les faits que nous venons de discuter pour des syst`emes simples discrets ont leurs analogues dans des syst`emes plus r´ealistes, mais cela prendra plusieurs le¸cons avant qui nous voyions comment tout cela s’organise.

Les limites de la pr´ecision Laplace a peut-ˆetre ´et´e indˆ ument optimiste sur la possibilit´e de pr´edire l’´evolution du monde, mˆeme en physique classique. Il aurait certainement reconnu que pr´edire l’avenir exige une connaissance parfaite des lois dynamiques gouvernant l’´evolution du monde, ainsi qu’une capacit´e de calcul ph´enom´enale – ce qu’il appelait « une intelligence [...] assez vaste pour soumettre ces donn´ees ` a l’analyse. » Mais il y a un autre aspect qu’il a peut-ˆetre sous-estim´e : la possibilit´e de connaˆıtre les conditions initiales avec une pr´ecision presque parfaite. Imaginez un d´e avec un million de faces, chacune portant un symbole similaire ` a nos chiffres, mais avec suffisamment de l´eg`eres diff´erences entre eux pour qu’il y ait un


16

Le minimum th´ eorique

million de signes distincts. Si quelqu’un connaissait la loi d’´evolution, et s’il pouvait connaˆıtre le symbole initial, il pourrait pr´edire la chronologie d’´evolution du d´e-` a-un-million-de-faces. Cependant, si la « vaste intelligence » dont parle Laplace souffrait d’un l´eger d´efaut de vision, de sorte qu’elle soit dans l’incapacit´e de distinguer des symboles se ressemblant, sa capacit´e de pr´evision en serait limit´ee. Dans le monde r´eel, la situation est encore pire : l’espace des ´etats a non seulement un nombre infini de points, mais il s’agit d’une infinit´e continue 4 . Autrement dit, ses ´etats possibles sont num´erot´es par une collection de nombres r´eels, comme par exemple les coordonn´ees de chaque particule. Les nombres r´eels sont tellement denses que chacun d’eux est arbitrairement proche en valeur d’une infinit´e de nombres voisins. La capacit´e de distinguer les valeurs voisines de ces nombres est la « capacit´e de r´esolution » d’une exp´erience, et pour n’importe quel observateur celle-ci est limit´ee. Il est impossible, pour des raisons de principe, de connaˆıtre les conditions initiales avec une pr´ecision absolue. Dans la plupart des cas, de minuscules diff´erences dans les conditions initiales – l’´etat de d´epart du syst`eme – conduisent au bout d’un certain temps `a de grandes diff´erences dans l’´evolution du syst`eme. Ce ph´enom`ene porte en math´ematiques le nom de chaos. Si un syst`eme est chaotique (comme le sont la plupart des syst`emes dans la r´ealit´e), cela a pour cons´equence que quel que soit le pouvoir de r´esolution des appareillages utilis´es, la dur´ee pendant laquelle le syst`eme sera pr´evisible est restreinte. La pr´edictibilit´e parfaite n’existe pas, tout simplement car notre pouvoir de r´esolution est limit´e.

4. L’infini continu est encore plus grand que l’infini d´enombrable, et il n’y a pas de distance minimale entre les ´el´ements.


Interlude 1 : Espaces, trigonom´ etrie et vecteurs

« O` u sommes-nous, George ? » George sortit sa carte et la d´eplia devant Lenny. « Nous sommes exactement ici Lenny, coordonn´ees 36.60709 Nord, – 121.618652 Ouest. » « Euh ? C’est quoi des coordonn´ees George ? »

Coordonn´ees Pour d´ecrire des points de mani`ere quantitative, nous avons besoin d’un syst`eme de coordonn´ees. La construction d’un syst`eme de coordonn´ees commence par le choix d’un point de l’espace qui sera l’origine. G´en´eralement elle est choisie afin de rendre les ´equations les plus simples possible. Par exemple, la th´eorie du syst`eme solaire a l’air plus compliqu´ee si nous mettons l’origine ` a un autre endroit qu’au point o` u se trouve le soleil. Strictement parlant, l’origine peut ˆetre choisie arbitrairement – placez-la o` u vous voudrez – mais une fois choisie ne la modifiez plus.


18

Le minimum th´ eorique

L’´etape suivante consiste ` a choisir trois axes perpendicu` nouveau, leur emplacement est plus ou moins arbilaires. A traire, pourvu qu’ils soient perpendiculaires. Les axes sont souvent nomm´es x, y, et z ; parfois on les nomme x1 , x2 , et x3 . Un syst`eme form´e d’une origine et de trois axes perpendiculaires s’appelle un syst`eme de coordonn´ees cart´esiennes, comme dans la figure 1. y

x z Figure 1 Syst`eme de coordonn´ees cart´esiennes `a trois dimensions.

Nous voulons d´ecrire un certain point situ´e dans l’espace : appelons-le P . On peut savoir sans ´equivoque o` u il se trouve si on a ses trois coordonn´ees x, y, et z. Autrement dit, nous pouvons identifier le point P avec le triplet ordonn´e de nombres (x, y, z), voir figure 2. y P x z Figure 2 Un point dans l’espace cart´esien.

La coordonn´ee x repr´esente la distance entre P et le plan d´efini par x = 0, voir figure 3. La mˆeme chose est vraie pour


Espaces, trigonom´ etrie et vecteurs

19

les coordonn´ees y et z. Comme les coordonn´ees repr´esentent des distances, elles sont exprim´ees en unit´e de longueur, par exemple en m`etre. y

P x z

Figure 3 Plan d´efini par x = 0 et distance du point P au plan.

Quand nous ´etudions un mouvement, nous devons aussi suivre le temps. L` a encore, nous avons besoin de partir d’une origine – c’est-` a-dire d’un temps z´ero. Nous pouvons prendre le Big Bang comme temps z´ero, ou la naissance du Christ, ou simplement le d´ebut de l’exp´erience. Mais une fois qu’on a choisi l’origine, on n’en change plus. Ensuite il faut fixer une direction du temps. La convention habituelle est que les temps positifs correspondent `a l’avenir apr`es l’origine, et les temps n´egatifs au pass´e avant l’origine. On pourrait faire autrement, mais nous ne le ferons pas. Enfin, nous avons besoin d’une unit´e pour mesurer le temps. La seconde est l’unit´e la plus fr´equemment utilis´ee par les physiciens, mais l’heure, la nanoseconde, ou l’ann´ee feraient aussi bien l’affaire. Une fois l’origine et l’unit´e de temps choisies, nous pouvons rep´erer n’importe temps – au sens de date – `a l’aide d’un nombre t. Il y a deux hypoth`eses implicites concernant le temps en m´ecanique classique. La premi`ere est que le temps s’´ecoule de fa¸con uniforme : un intervalle d’une seconde a exactement le


20

Le minimum th´ eorique

mˆeme sens aujourd’hui qu’` a n’importe quelle autre ´epoque. Par exemple, le poids que Galil´ee a laiss´e tomber du haut de la Tour de Pise au xviie si`ecle a mis exactement le mˆeme nombre de secondes pour atteindre le sol que si on reproduisait l’exp´erience aujourd’hui. Une seconde veut dire la mˆeme chose `a cette ´epoque-l` a et aujourd’hui La deuxi`eme hypoth`ese est que les temps `a diff´erents endroits peuvent ˆetre compar´es. Cela veut dire que deux horloges ´ distantes l’une de l’autre peuvent ˆetre synchronis´ees. Etant donn´e toutes ces hypoth`eses, le syst`eme de quatre coordonn´ees (x, y, z, t) d´efinit un rep`ere. N’importe quel ´ev`enement dans le rep`ere doit avoir une valeur pour chacune des quatre coordonn´ees. Soit la fonction f (t) = t2 , on peut dessiner des points correspondant `a cette fonction dans un syst`eme de coordonn´ees. Nous allons utiliser l’un des axes pour le temps t, et l’autre pour la fonction f (t) (voir fig. 4).

f(t) 15 10 5 t Figure 4 Dessin de quelques points de f (t) = t2 .

Nous pouvons aussi connecter les points entre eux avec des traits interm´ediaires afin de remplir les espaces entre les points (voir fig. 5). De cette mani`ere on peut visualiser des fonctions.


Espaces, trigonom´ etrie et vecteurs

21

f(t) 15 10 5 1

2

3

4

t

Figure 5 Le graphe de f (t) compl´et´e avec des traits interm´ediaires.

` l’aide d’une calculette graphique Exercice 1 : A ou d’un programme comme Mathematica, dessinez le graphe de chacune des fonctions suivantes. Reportez-vous ` a la section suivante si nous n’ˆ etes pas familier avec les fonctions trigonom´ etriques. f (t) = t4 + 3t3 − 12t2 + t − 6 g(x) = sin x − cos x θ(α) = eα + α ln α

x(t) = sin2 t − cos t

Trigonom´etrie Si vous n’avez jamais ´etudi´e la trigonom´etrie, ou si vous l’avez ´etudi´ee il y a longtemps, cette section est pour vous. En physique on l’utilise constamment ; elle est partout. Aussi devez-vous ˆetre familier avec quelques id´ees, symboles et m´ethodes employ´es en trigonom´etrie. Tout d’abord, en physique, on ne travaille g´en´eralement pas avec les degr´es pour mesurer les angles. On utilise les radians ; on dit qu’il y a 2π


22

Le minimum th´ eorique

radians dans 360˚, ou 1 radian = 180/π˚; ainsi 90˚= π/2 radians, et 30˚= π/6 radians. Un radian est approximativement ´egal `a 57˚(voir fig. 6).

un radian

rayon

Figure 6 Le radian est l’angle qui intercepte un arc dont la longueur est ´egale au rayon.

Les fonctions trigonom´etriques sont d´efinies `a l’aide de propri´et´es des triangles. La figure 7 montre un triangle rectangle, son hypot´enuse c, sa base b et sa hauteur a. La lettre grecque thˆeta, θ, est utilis´ee pour noter l’angle oppos´e `a la hauteur, et la lettre grecque phi, φ, pour noter l’angle oppos´e `a la base. f

c

a

q b Figure 7 Un triangle rectangle, avec les notations habituelles pour ses cˆ ot´es et ses angles.

Nous d´efinissons les fonctions sinus, cosinus et tangente de l’angle θ (not´ees respectivement sin θ, cos θ et tan θ) comme des ratios de diff´erents cˆ ot´es entre eux.


Espaces, trigonom´ etrie et vecteurs

23

Les d´efinitions sont les suivantes :

a c b c a sin θ = b cos θ

sin θ = cos θ = tan θ =

On peut dessiner ces fonctions pour voir comment elles varient quand varie l’angle θ (voir fig. 8 ` a 10). sin q 1

p –1

2

p

3p 2

q 2p

Figure 8 Graphe de la fonction sinus.

cos q 1

p –1

2

p

3p 2

2p

q

Figure 9 Graphe de la fonction cosinus.


24

Le minimum th´ eorique

tan q

p 2

p

3p 2

q 2p

Figure 10 Graphe de la fonction tangente.

Il y a un certain nombre de choses utiles `a connaˆıtre sur les fonctions trigonom´etriques. La premi`ere est que nous pouvons dessiner un cercle, centr´e ` a l’origine du syst`eme de coordonn´ees et de rayon quelconque, et un triangle rectangle `a l’int´erieur du cercle, comme montr´e dans la figure 11. y P c a V b

x

Figure 11 Un triangle rectangle dessin´e dans un cercle.

Ici le segment reliant le centre du cercle ` a n’importe quel point P sur la circonf´erence forme l’hypot´enuse c du triangle rectangle. Et les coordonn´ees du point P sont la base b et la hauteur a du triangle rectangle. On a donc : abscisse de P = b = c cos θ et ordonn´ee de P = a = c sin θ


Espaces, trigonom´ etrie et vecteurs

25

C’est une relation tr`es utile entre les triangles rectangles et les cercles. Supposez qu’un certain angle θ soit la somme ou la diff´erence de deux autres angles. En utilisant les lettres grecques alpha, α, et bˆeta, β, on peut ´ecrire cet angle, θ, comme α ± β. Il y a des formules exprimant les fonctions trigonom´etriques de α ± β `a l’aide des fonctions trigonom´etriques de α et β. sin(α + β) = sin α cos β + cos α sin β sin(α − β) = sin α cos β − cos α sin β

cos(α + β) = cos α cos β − sin α sin β cos(α − β) = cos α cos β + sin α sin β Enfin une derni`ere identit´e tr`es utile est sin2 θ + cos2 θ = 1

(1)

(La notation sin2 θ signifie (sin θ)(sin θ), c’est-`a-dire (sin θ) au carr´e.) Cette ´equation est en fait le th´eor`eme de Pythagore sous une forme d´eguis´ee. Si dans la figure 11 nous choisissons un cercle de rayon 1, les longueurs des cˆ ot´es a et b sont les sinus et cosinus de l’angle θ, et l’hypot´enuse, c = 1. L’´equation (1) n’est donc rien de plus que la relation famili`ere entre les trois cˆot´es d’un triangle rectangle : a2 + b2 = c2 .

Vecteurs La notation vectorielle est un autre sujet math´ematique que vous avez sans doute d´ej` a vu, mais – juste pour ˆetre complet dans nos r´evisions – passons en revue l’utilisation des vecteurs dans l’espace ordinaire ` a trois dimensions.


26

Le minimum th´ eorique

Un vecteur est un objet math´ematique qui a, `a la fois, une longueur (ou magnitude 5 ) et une direction dans l’espace. Un exemple typique est un d´eplacement. Si on d´eplace un objet d’un endroit vers un autre, ce n’est pas suffisant de connaˆıtre son point de d´epart et la distance dont on l’a d´eplac´e pour savoir o` u il est arriv´e. Il faut aussi savoir dans quelle direction on l’a d´eplac´e. Un d´eplacement est l’exemple le plus simple d’une quantit´e vectorielle. Graphiquement, un vecteur est repr´esent´e par une fl`eche avec une longueur et une direction, comme l’illustre la figure 12. y rx

ry

ry

r

rz z

rx

rz

rx x

Figure 12 Un vecteur �r en coordonn´ees cart´esiennes.

On repr´esente symboliquement les vecteurs avec des lettres surmont´ees d’une petite fl`eche. Ainsi le symbole pour un d´eplacement est �r. La magnitude, ou longueur, d’un vecteur est exprim´ee avec la mˆeme notation que pour valeur absolue. Ainsi, la longueur de �r est not´ee |�r|.

Voici quelques op´erations qu’on peut faire avec les vecteurs. Tout d’abord, on peut les multiplier par des nombres r´eels ordinaires. Dans le contexte des vecteurs, un nombre r´eel est souvent appel´e un scalaire. Multiplier un vecteur par un nombre positif multiplie simplement la longueur du vecteur par 5. D’autres termes ´equivalents a ` magnitude sont norme ou module.


Espaces, trigonom´ etrie et vecteurs

27

ce nombre et ne change pas sa direction. On peut aussi multiplier un vecteur par un nombre n´egatif, auquel cas la longueur du vecteur est multipli´ee par la valeur absolue du nombre, et la direction du vecteur r´esultat est l’oppos´ee de celle du vecteur initial. Par exemple −2�r est le vecteur qui a une longueur double de �r mais pointe dans la direction oppos´ee. � et On peut additionner les vecteurs. Pour additionner A � B, placez-les comme montr´e sur la figure 13 pour former un quadrilat`ere (de cette mani`ere les directions des vecteurs sont � et B � est le vecteur diapr´eserv´ees). La somme des vecteurs A � � gonal A + B . B A A+B

Figure 13 Addition de deux vecteurs.

Puisque les vecteurs peuvent ˆetre additionn´es et qu’ils peuvent ˆetre multipli´es par un nombre n´egatif, ils peuvent aussi ˆetre soustraits. Exercice 2 : Explicitez la r` egle g´ eom´ etrique pour la soustraction des vecteurs.

On peut aussi d´ecrire et manipuler les vecteurs `a l’aide de leurs composantes. Consid´erons pour commencer trois axes perpendiculaires x, y, z. Ensuite, d´efinissons trois vecteurs unitaires, chacun le long d’un des axes, et ayant pour longueur l’unit´e. Les vecteurs unitaires le long des axes de coordonn´ees


28

Le minimum th´ eorique

s’appellent les vecteurs de base. Ils sont traditionnellement noˆ t´es ˆi, ˆj et k. y

^j ^k

^i

x

z Figure 14 Vecteurs de base d’un syst`eme de coordonn´ees cart´esiennes en trois dimensions.

Plus g´en´eralement, nous ´ecrivons eˆ1 , eˆ2 et eˆ3 quand nous faisons r´ef´erence ` a un autre triplet de vecteurs perpendiculaires entre eux et chacun de longueur unit´e. Le symbole ˆ (appel´e « chapeau »), quand il est utilis´e ` a la place de la fl`eche habituelle, signale par convention qu’il s’agit de vecteurs unitaires (ou de base). Les vecteurs de base sont utiles car un vecteur quelconque V peut toujours ˆetre ´ecrit ` a l’aide des vecteurs de base de la mani`ere suivante : � = Vxˆi + Vy ˆj + Vz kˆ V

(2)

Les quantit´es Vx , Vy et Vz sont des coefficients num´eriques n´ecessaires devant chaque vecteur de base afin que la somme dans � . On les appelle les composantes de V � 6. l’´equation (2) donne V On peut dire que le terme de droite dans l’´equation (2) est ˆ », car l’utilisation 6. On pr´ecise parfois « relatives a ` la base (ˆi, ˆj, k) � ne sont alors plus d’une autre base est possible, et les composantes de V les mˆemes.


Espaces, trigonom´ etrie et vecteurs

29

une combinaison lin´eaire des vecteurs de base. C’est le terme math´ematique pour de dire que nous additionnons les vecteurs de base, chacun multipli´e par un facteur appropri´e. Les composantes d’un vecteur peuvent ˆetre positives ou n´egatives. Une notation habituelle est aussi d’´ecrire un vecteur comme la liste ordonn´ee de ses composantes – dans le cas ci-dessus (Vx , Vy , Vz ). La longueur d’un vecteur peut ˆetre calcul´ee `a partir de ses composantes en appliquant le th´eor`eme de Pythagore en trois dimensions. � � |= V 2 + V 2 + V 2 |V (3) x y z Nous pouvons multiplier, comme on l’a vu, un vecteur par un scalaire. Exprim´e en termes de composantes, les composantes � sont simplement les trois composantes de V � chacune de αV multipli´ee par α. � = (αVx , αVy , αVz ) αV Nous pouvons ´ecrire la somme de deux vecteurs comme la somme des composantes respectives. � � �+B � A = (Ax + Bx ) � �x �+B � = (Ay + By ) A y � � �+B � = (Az + Bz ) A z

Peut-on multiplier deux vecteurs ? Oui, et il y a plus d’une fa¸con de faire. L’un des types de multiplication – le produit vectoriel – a pour r´esultat un autre vecteur. Pour l’instant nous ne nous occuperons pas du produit vectoriel, mais seulement de l’autre type de multiplication, le produit scalaire.


30

Le minimum th´ eorique

Le produit scalaire de deux vecteurs a pour r´esultat, comme ´ � son nom le sugg`ere, un scalaire. Etant donn´e deux vecteurs A � et B, leur produit scalaire, not´e avec un point entre les deux (mais on l’omet parfois quand il n’y a pas d’ambigu¨ıt´e), est d´efini comme suit : �B � =| A � || B � | cos θ A. o` u θ est l’angle entre les deux vecteurs. En langage ordinaire, le produit scalaire de deux vecteurs est le produit de leurs magnitudes et du cosinus de l’angle entre les deux. Le produit scalaire peut aussi ˆetre d´efini en termes de composantes, et les deux m´ethodes donnent le mˆeme r´esultat : �B � = Ax Bx + Ay By + Az Bz A. Cela rend facile le calcul du produit scalaire de deux vecteurs quand on connaˆıt leurs composantes.

Exercice 3 : Montrez que la magnitude d’un vecteur satisfait la propri´ et´ e suivante : 2 � � � | A | = A.A

Exercice 4 : Soit (Ax = 2, Ay = −3, Az = 1) et (Bx = −4, By = −3, Bz = 2). Calculez les magnitudes de � et de B, � leur produit scalaire, et l’angle entre les A deux.

Une propri´et´e importante du produit scalaire de deux vecteurs est qu’il est ´egal ` a z´ero si et seulement si les deux vecteurs


Espaces, trigonom´ etrie et vecteurs

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sont orthogonaux (un autre mot pour perpendiculaires). Gardez cela `a l’esprit car nous aurons l’occasion de l’utiliser pour montrer que des vecteurs sont orthogonaux. Exercice 5 : D´ eterminez quelles paires de vecteurs sont orthogonaux parmi les suivants : (1, 1, 1) (2, −1, 3) (3, 1, 0) (−3, 0, 2).

Exercice 6 : Pouvez-vous expliquer pourquoi le produit scalaire de deux vecteurs orthogonaux est ´ egal ` a 0?



Le¸ con 2 : Le mouvement Lenny se plaignait, « George, cette histoire de temps stroboscopique qui saute d’un instant ` a un autre me stresse. Le temps est-il r´eellement aussi saccad´e ? Les choses ne pourraient-elles pas ˆetre un peu plus fluides. » George r´efl´echit un moment tout en effa¸cant le tableau. « D’accord, Lenny, aujourd’hui ´etudions les syst`emes qui ´evoluent de fa¸con continue. »

Interlude math´ematique : le calcul diff´erentiel Dans ce livre nous nous occuperons principalement de la fa¸con dont diverses quantit´es changent avec le temps. La plus grande partie de la m´ecanique classique traite de choses qui, au fur et `a mesure que le temps s’´ecoule, changent de mani`ere fluide – continue est le terme math´ematique. Le temps lui-mˆeme s’´ecoule de mani`ere continue. Les lois d’´evolution qui gouvernent la fa¸con dont un syst`eme change devront tenir compte de ce passage continu du temps, contrairement aux changements stroboscopiques de la premi`ere le¸con. Nous allons par cons´equent nous int´eresser aux fonctions de la variable ind´ependante t. Pour traiter math´ematiquement les changements continus, nous utilisons les math´ematiques du calcul diff´erentiel et int´egral. Un concept central y est celui de limite, alors commen¸cons par expliquer de quoi il s’agit. Supposons que nous ayons une suite de nombres, l1 , l2 , l3 ,...., qui s’approchent de plus en plus d’une certaine valeur L. Par exemple : 0,9 0,99 0,999 0,9999,...


34

Le minimum th´ eorique

La limite de cette suite est 1. Aucun des termes de la suite n’est ´egal `a 1, cependant ils s’en approchent de plus en plus pr`es quand on va plus loin dans la suite. Pour indiquer cela nous ´ecrivons lim li = L i→∞

Exprim´e en fran¸cais : la limite des li quand i tend vers l’infini est L. On peut appliquer la mˆeme id´ee aux fonctions. Supposons que nous ayons une fonction, f (t), et que nous voulions d´ecrire comment elle varie quand t s’approche de plus en plus d’une valeur donn´ee a. Si f (t) s’approche aussi pr`es qu’on veut de L quand t s’approche suffisamment pr`es de a, alors on dit que la limite de f (t) est L quand t tend vers a. On le note lim f (t) = L

t→a

Soit f (t) une fonction de la variable ind´ependante t. Quand t varie, f (t) varie aussi. Le calcul diff´erentiel ´etudie le taux de variation d’une telle fonction. L’id´ee est de partir de la valeur de f (t) `a un certain instant donn´e, ensuite de faire bouger un peu le temps t autour de cet instant et de regarder comment bouge f (t). Le taux de variation ` a l’instant donn´e est d´efini comme le ratio entre la variation de f (t) et la variation de t. Nous notons la variation d’une quantit´e avec la lettre grecque delta majuscule, ∆. La variation de t est not´ee ∆t. On l’appelle aussi l’accroissement de t. (Il ne s’agit pas du produit de ∆ par t ; c’est une notation pour une petite variation de t.) Sur l’intervalle ∆t, f passe de f (t) a` f (t + ∆t). L’accroissement de f , not´e ∆f , et qui peut ˆetre positif ou n´egatif, est donn´e par ∆f = f (t + ∆t) − f (t) Pour d´efinir le taux de variation pr´ecis´ement au temps t, nous devons faire diminuer ∆t jusqu’` a z´ero. Bien sˆ ur pour une


Le mouvement

35

fonction lisse, quand nous faisons cela, ∆f va aussi diminuer jusqu’`a z´ero, mais si nous divisons ∆f par ∆t, le ratio va en g´en´eral tendre vers une limite. Cette limite est la d´efinition de la d´eriv´ee de f (t) par rapport ` a t, df (t) ∆f f (t + ∆t) − f (t) = lim = lim ∆t→0 ∆t ∆t→0 dt ∆t

(1)

Un math´ematicien rigoureux froncera les sourcils `a l’id´ee que df (t) erentielles, car une d´eriv´ee est la dt est le ratio de deux diff´ limite du ratio de deux accroissements, mais n’est techniquement pas elle-mˆeme un ratio. Toutefois vous ferez rarement une erreur en calculant les d´eriv´ees ainsi. Calculons quelques d´eriv´ees. Tout d’abord nous allons regarder des fonctions d´efinies comme des puissances de t. En particulier, illustrons la m´ethode en calculant la d´eriv´ee de f (t) = t2 . Nous appliquons l’´equation (1) et commen¸cons par examiner f (t + ∆t) : f (t + ∆t) = (t + ∆t)2 En d´eveloppant (t + ∆t)2 nous obtenons f (t + ∆t) = t2 + 2t∆t + (∆t)2 Maintenant on soustrait f (t) : f (t + ∆t) − f (t) = t2 + 2t∆t + (∆t)2 − t2 = 2t∆t + (∆t)2 L’´etape suivante est de diviser par ∆t : f (t + ∆t) − f (t) ∆t

=

2t∆t + (∆t)2 ∆t

= 2t + ∆t


36

Le minimum th´ eorique

` pr´esent il est facile de calculer la limite quand ∆t → 0. Le A premier terme ne d´epend pas de ∆t est reste tel quel, tandis que le second terme tend vers z´ero et disparaˆıt. C’est un point `a retenir : quand on calcule une d´eriv´ee, dans le d´eveloppement de f (t + ∆t) − f (t) les termes o` u ∆t est `a une puissance plus grande que 1 peuvent ˆetre ignor´es. Ainsi lim

∆t→0

f (t + ∆t) − f (t) = 2t ∆t

Et donc la d´eriv´ee de la fonction f qui a` t fait correspondre t2 est une deuxi`eme fonction qui ` a t fait correspondre d(t2 ) = 2t dt Consid´erons maintenant une puissance quelconque, f (t) = tn . Pour calculer sa d´eriv´ee, nous avons besoin de calculer f (t + ∆t) = (t + ∆t)n . Ici nos souvenirs de lyc´ee vont nous servir : le r´esultat est donn´e par la formule du binˆome de Newton. Soit deux nombres a et b, nous voulons calculer (a+b)n . La formule du binˆome donne n(n − 1) n−2 2 a b + 2 n(n − 1)(n − 2) n−3 3 a b + 3 ... + bn

(a + b)n = an + nan−1 b +

Quelle est la longueur de l’expression ? Si n est un entier, il y a n + 1 termes. Mais la formule du binˆ ome est plus g´en´erale : en fait, n peut ˆetre n’importe quel nombre r´eel ou complexe. Si n n’est pas un nombre entier cependant, l’expression n’a pas de terme final ; c’est une s´erie infinie. Heureusement, en ce qui nous concerne, seuls les deux premiers termes sont importants.


Le mouvement

37

Pour calculer (t + ∆t)n , tout ce que nous avons `a faire est de remplacer a par t et b par ∆t. Nous obtenons f (t + ∆t) = (t + ∆t)n = tn + ntn−1 ∆t + ... Tous les autres termes contiennent en facteur ∆t `a une puissance plus grande que 1. Quand, apr`es avoir soustrait f (t), on divisera par ∆t, ils seront encore l` a `a une puissance plus grande que 0 et tendront vers z´ero, donc on peut d´ej`a les ignorer, et voir quelle est la d´eriv´ee. Faisons n´eanmoins les calculs en d´etail. Nous commen¸cons par soustraire f (t), c’est-`a-dire tn , ∆f

= f (t + ∆t) − f (t) n(n − 1) n−2 = tn + ntn−1 ∆t + t (∆t)2 + ... − tn 2 n(n − 1) n−2 = ntn−1 ∆t + t (∆t)2 + ... 2

Puis nous divisons par ∆t, ∆f n(n − 1) n−2 = ntn−1 + t ∆t + ... ∆t 2 et faisons tendre ∆t → 0. Cela donne la d´eriv´ee d(tn ) = ntn−1 dt

Un point important, sur lequel nous voulons insister, est que cette fonction ntn−1 est la d´eriv´ee de tn mˆeme quand n n’est pas un nombre entier ; n peut ˆetre un nombre r´eel ou complexe. Voici quelques exemples particuliers de fonctions d´eriv´ees. Commen¸cons par les puissances de la variable ind´ependante : f (t) = tn . Si n = 0, alors f (t) est juste le nombre un. Sa


38

Le minimum th´ eorique

d´eriv´ee vaut z´ero quel que soit t. C’est le cas pour n’importe quelle fonction qui ne change pas. Si n = 1, alors f (t) = t, et sa d´eriv´ee est 1 quel que soit t. Ceci est toujours vrai quand vous prenez la d´eriv´ee d’une quantit´e variable, par rapport `a elle-mˆeme. Maintenant les d´eriv´ees de puissances plus grandes : d(t2 ) dt

= 2t

d(t3 ) dt

= 3t2

d(t4 ) dt

= 4t3

d(tn ) dt

= ntn−1

En voici quelques autres qui nous serviront plus tard : d(sin t) = cos t dt d(cos t) = − sin t dt d(et ) = et dt

(2)

d(ln t) 1 = dt t Un commentaire sur la 3e formule dans le groupe d’´equations t) t t (2), d(e dt = e . Quand t est un entier, le sens de e est clair. 3 (Pour m´emoire, e = 2, 7182...). Par exemple e = e × e × e. Mais pour des valeurs non enti`eres de t, son sens est moins clair. Essentiellement, la fonction et est d´efinie par la propri´et´e


Le mouvement

39

que c’est la fonction qui est ´egale ` a sa d´eriv´ee, et qui vaut 1 quand t = 0. Donc la 3e formule du groupe d’´equations (2) est en r´ealit´e une d´efinition. Il y a quelques r`egles utiles ` a retenir sur les d´eriv´ees. Vous pouvez les d´emontrer toutes vous-mˆeme si vous voulez vous lancer dans un exercice d’epsilonite. La premi`ere dit que la d´eriv´ee d’une fonction constante vaut z´ero quelle que soit la valeur de la variable ind´ependante. Cela va de soi ; en effet, la d´eriv´ee est un taux de variation, or une constante ne change jamais, donc dc =0 dt La d´eriv´ee d’une fonction multipli´ee par une constante est la constante multipli´ee par la d´eriv´ee de la fonction : d(cf ) df =c dt dt Supposons que nous ayons deux fonctions, f (t) et g(t). Leur somme est aussi une fonction et sa d´eriv´ee est donn´ee par d(f + g) d(f ) d(g) = + dt dt dt On l’appelle la r`egle de la somme. Le produit de f et g est une autre fonction, et sa d´eriv´ee est

d(f g) d(g) d(f ) = f (t) + g(t) dt dt dt

Sans surprise, on l’appelle la r`egle du produit. Passons `a la r`egle concernant les fonctions compos´ees. Soit une fonction g(t), d´ependant de la variable t, et une fonction f (g) d´ependant de la valeur de g. Cela fait de f une fonction implicite de t. Si vous voulez connaˆıtre la valeur de f pour une certaine valeur de t, vous commencez par calculer g(t).


40

Le minimum th´ eorique

Puis, connaissant g, vous calculez f (g). Il est ais´e de calculer la d´eriv´ee de f par rapport ` a t. Elle est donn´ee par la formule df df dg = dt dg dt Cela s’appelle la r`egle de d´erivation des fonctions compos´ees. Ce serait ´evident si les d´eriv´ees ´etaient effectivement des ratios ; dans ce cas, les termes dg au num´erateur et au d´enominateur, `a droite, pourraient simplement ˆetre ´elimin´es. Il se trouve n´eanmoins que c’est un des exemples o` u la manipulation na¨ıve des d´eriv´ees comme des ratios de diff´erentielles donne un r´esultat correct. Le point important ` a retenir sur cette r`egle est qu’elle est souvent utile pour d´eriver une fonction f (t) qui de prime abord paraˆıt compliqu´ee. On passe par une fonction interm´ediaire g(t), pour simplifier f (t) en en faisant f (g). Par exemple, voyons f (t) = ln(t3 ) et cherchons sa d´eriv´ee df a l’int´erieur du logarithme dt . Le cube ` n´ep´erien peut poser un probl`eme. (Oublions momentan´ement que ln(t3 ) = 3 ln(t).) Alors on passe par la fonction g(t) = t3 , afin de parvenir ` a f (g) = ln(g). Ensuite on peut appliquer la r`egle de d´erivation des fonctions compos´ees. df df dg = dt dg dt Nous nous reportons ` a nos formules de diff´erentiation (un autre df 2 terme pour d´erivation) et notons que dg = g1 et dg dt = 3t ; il s’ensuit que df 3t2 = dt g On remplace g par t3 , et nous obtenons df 3t2 3 = 3 = dt t t


Le mouvement

41

C’est une illustration de l’emploi de la r`egle de d´erivation des fonctions compos´ees. A l’aide de ces r`egles, vous pouvez calculer un grand nombre de fonctions d´eriv´ees. C’est essentiellement tout ce qu’il y a `a savoir sur le calcul diff´erentiel.

Exercice 1 : Calculez les d´ eriv´ ees de chacune de ces fonctions. f (t) = t4 + 3t3 − 12t2 + t − 6 g(x) = sin x − cos x θ(α) = eα + α ln α

x(t) = sin2 t − cos t

Exercice 2 : La d´ eriv´ ee d’une d´ eriv´ ee est appel´ ee d2 f (t) la d´ eriv´ ee seconde et est not´ ee dt2 . Calculez la d´ eriv´ ee seconde de chacune des fonctions de l’exercice 1.

Exercice 3 : Utilisez la r` egle de d´ erivation des fonctions compos´ ees pour calculer les d´ eriv´ ees des fonctions suivantes. g(t) = sin(t2 ) − cos(t2 )

θ(α) = e3α + 3α ln(3α) x(t) = sin2 (t2 ) − cos(t2 )


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Le minimum th´ eorique

Exercice 4 : D´ emontrez la r` egle de la somme (tr` es facile), la r` egle du produit (facile si vous connaissez l’astuce), et la r` egle de d´ erivation des fonctions compos´ ees (tr` es facile).

Exercice 5 : D´ emontrez toutes ces formules d(sin t) = cos t dt d(cos t) = − sin t dt d(et ) = et dt d(ln t) 1 = dt t Conseil : r´eviser les identit´es trigonom´etriques et les propri´et´es des limites dans un manuel.

Mouvement d’une particule Le concept de particule ponctuelle est une id´ealisation. Aucun objet ne peut ˆetre tellement petit qu’il soit un point – pas mˆeme un ´electron. N´eanmoins dans de nombreuses situations on peut ignorer l’extension spatiale de certains objets et les traiter comme des points. Par exemple la plan`ete Terre n’est manifestement pas un point, cependant quand on calcule son orbite autour du soleil, on peut ignorer la taille de la Terre tout en conservant une grande pr´ecision.


Le mouvement

43

La position d’une particule est sp´ecifi´ee en donnant la valeur de chacune de ses trois coordonn´ees spatiales, et le mouvement d’une particule est d´efini par sa position `a chaque instant. Math´ematiquement, on peut d´ecrire une position en mouvement en donnant trois coordonn´ees spatiales, elles-mˆemes fonctions de t : x(t), y(t), z(t). On peut aussi penser ` a la position comme `a un vecteur �r(t) dont les composantes sont x, y, z au temps t. Le chemin parcouru par la particule – sa trajectoire – est sp´ecifi´e par �r(t). L’objectif de la m´ecanique classique est de d´eterminer �r(t) a` partir de certaines conditions initiales et d’une loi d’´evolution (ou loi de mouvement ou loi dynamique). Apr`es sa position, la caract´eristique la plus importante d’une particule est sa v´elocit´e. C’est aussi un vecteur. Pour la d´efinir nous avons besoin d’un peu de calcul diff´erentiel. Voici comment on proc`ede : Consid´erez le d´eplacement de la particule entre le temps t et un petit peu apr`es, au temps t + ∆t. Durant cet intervalle de temps, la particule se d´eplace de x(t), y(t), z(t) a` x(t + ∆t), y(t + ∆t), z(t + ∆t), ou, en notation vectorielle, de �r(t) a` �r(t + ∆t). Le d´eplacement est d´efini par ∆x = x(t + ∆t) − x(t) ∆y = y(t + ∆t) − y(t) ∆z = z(t + ∆t) − z(t) ou ∆�r = �r(t + ∆t) − �r(t) Le d´eplacement est la petite distance couverte par la particule en mouvement durant le bref intervalle de temps ∆t. Pour arriver `a la v´elocit´e, nous divisons le d´eplacement par ∆t et prenons la limite quand ∆t tend vers z´ero. Par exemple, ∆x vx = lim ∆t→0 ∆t


44

Le minimum th´ eorique

Il s’agit bien sˆ ur de la d´efinition de la d´eriv´ee de x par rapport au temps t. dx vx = = x˙ dt vy =

dy = y˙ dt

vz =

dz = z˙ dt

Un point plac´e au dessus d’une quantit´e est la notation standard pour sa d´eriv´ee par rapport au temps. Cette convention peut ˆetre employ´ee pour noter la d´eriv´ee par rapport au temps de n’importe quelle mesure, pas seulement la position d’une particule. Par exemple, si T repr´esente la temp´erature d’un bain chaud, alors T˙ repr´esentera le taux de variation de la temp´erature avec le temps. Nous l’utiliserons de fa¸con r´ep´et´ee, donc il est important que vous vous familiarisiez avec cette notation. Comme c’est, ` a la longue, lassant d’´ecrire chaque fois x, y, z, nous utiliserons souvent une notation condens´ee. Les trois coordonn´ees seront not´ees collectivement xi , et les composantes de la v´elocit´e vi : dxi vi = = x˙ i dt o` u les xi parcourent les valeurs x, y, z, ou encore, en notation vectorielle, d�r �v = = �r˙ dt Le vecteur de la v´elocit´e a une magnitude | �v | donn´ee par la formule � | �v |= vx2 + vy2 + vz2


Le mouvement

45

Elle repr´esente la rapidit´e avec laquelle la particule se d´eplace, sans consid´eration de direction. En physique c’est ce qu’on appelle la vitesse de la particule 7 . L’acc´el´eration est la mesure qui vous dit comment la v´elocit´e change. Si un objet se d´eplace avec un vecteur de v´elocit´e constant, il ne subit aucune acc´el´eration. Une v´elocit´e constante implique non seulement une vitesse constante, mais aussi une direction constante. Vous ressentez une acc´el´eration seulement quand le vecteur de votre v´elocit´e change, en magnitude ou en direction. L’acc´el´eration est la d´eriv´ee par rapport au temps de la v´elocit´e : ai =

dvi = v˙ i dt

soit, en notation vectorielle, �a = �v˙ Puisque vi est la d´eriv´ee temporelle de xi , et ai est la d´eriv´ee temporelle de vi , il en d´ecoule que l’acc´el´eration est la d´eriv´ee seconde par rapport au temps de xi , ai =

d2 xi =x ¨i dt2

o` u le double point au dessus de xi signifie la d´eriv´ee seconde par rapport au temps. 7. En r´esum´e, la v´elocit´e d’une particule est une grandeur vectorielle. Sa vitesse est la magnitude de sa v´elocit´e, sans consid´eration de direction ; c’est une grandeur scalaire.


46

Le minimum th´ eorique

Exemples de mouvement Supposons qu’une particule commence ` a se d´eplacer au temps t = 0, selon les ´equations suivantes x(t) = 0 y(t) = 0 1 z(t) = z(0) + v(0)t − gt2 2 Cette particule n’a clairement pas de mouvement dans les directions x et y, elle se d´eplace seulement le long de l’axe des z. Les constantes z(0) et v(0) sont les valeurs initiales de la position et de la v´elocit´e dans la direction de l’axe des z au temps t = 0. Nous consid´erons aussi que g est un nombre positif constant. Calculons la v´elocit´e en diff´erentiant par rapport au temps. vx (t) = 0 vy (t) = 0 vz (t) = v(0) − gt Les composantes x et y de la v´elocit´e restent ´egales `a z´ero. La composante z de la v´elocit´e d´emarre, au temps t = 0, avec la valeur v(0). Autrement dit, v(0) est la condition initiale concernant la v´elocit´e. Au fur et ` a mesure que le temps s’´ecoule, le terme −gt ` devient de plus en plus grand (vers les valeurs n´egatives). A supposer que v(0) ´etait positive, ` a un moment donn´e n´eanmoins −gt en valeur absolue va d´epasser la v´elocit´e initiale, et la particule commencera ` a se d´eplacer dans la direction n´egative de l’axe des z.


47

Le mouvement

Maintenant calculons l’acc´el´eration en diff´erentiant `a nouveau par rapport au temps. ax (t) = 0 ay (t) = 0 az (t) = −g L’acc´el´eration le long de l’axe des z est constante et n´egative. Si l’axe des z repr´esentait l’altitude, la particule acc´el`ererait vers le bas comme un caillou lanc´e en l’air. Dans l’exemple suivant nous consid´erons une particule qui oscille de part et d’autre d’un point donn´e, le long de l’axe des x. Comme il n’y a pas de mouvement dans les deux autres directions, nous les ignorerons. Un mouvement oscillatoire simple est repr´esent´e par la fonction trigonom´etrique : x(t) = sin ωt o` u la lettre grecque om´ega minuscule, ω, est une constante. Plus ω est grand, plus l’oscillation est rapide. Ce type de mouvement s’appelle une oscillation harmonique simple (fig. 1). x

t

Figure 1 Oscillation harmonique simple.

Calculons la v´elocit´e et l’acc´el´eration. Pour cela, nous devons diff´erentier x(t) par rapport au temps. La d´eriv´ee premi`ere est vx =

d sin ωt dt


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Le minimum th´ eorique

Nous avons le sinus d’un produit. On va utiliser la technique de d´erivation des fonctions compos´ees. Introduisons b = ωt. Alors on a d vx = sin b dt et d’apr`es la r`egle de d´erivation des fonctions compos´ees, on peut aussi l’´ecrire � � d db vx = sin b db dt ou encore vx = (cos b)

d(ωt) dt

et finalement vx = ω cos ωt L’acc´el´eration se calcule de mani`ere similaire, en diff´erentiant une nouvelle fois. On obtient ax = −ω 2 sin ωt Observons certaines choses int´eressantes. Quand la position x est `a son maximum ou ` a son minimum, la v´elocit´e est ´egale `a z´ero. L’oppos´e est vrai aussi : quand la v´elocit´e est `a son maximum ou `a son minimum, la particule est en train de passer par la position x = 0. On dit que la position et la v´elocit´e sont en d´ecalage de phase de 90˚. On peut voir cela sur la figure 2, repr´esentant x(t), et la figure 3, repr´esentant v(t), o` u au lieu de mettre le temps t en abscisse, on a mis θ = ωt. La position et l’acc´el´eration sont aussi li´ees par une relation, toutes les deux ´etant proportionnelles `a sin ωt. Observez n´eanmoins le signe moins devant l’acc´el´eration. Ce signe moins a pour cons´equence que quand la position x est positive, l’acc´el´eration a est n´egative, et vice versa. Autrement dit, o` u que


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Le mouvement

x(t) 1

U

2

U

3U 2

2U

V

–1 Figure 2 Position de la particule.

v(t) 1

U 2

U

3U 2

2U

V

–1 Figure 3 V´elocit´e de la particule.

soit la particule, elle est acc´el´er´ee vers l’origine. En termes techniques, la position et l’acc´el´eration sont en d´ecalage de phase de 180˚– on dit aussi qu’elles sont en opposition de phase.

Exercice 6 : Combien de temps met la particule oscillante pour parcourir un cycle complet ?

Pour finir, consid´erons une particule se d´epla¸cant en un mouvement circulaire uniforme autour de l’origine. Cela signifie qu’elle d´ecrit un cercle ` a vitesse constante. Dans ce cas, nous


50

Le minimum th´ eorique

pouvons ignorer l’axe des z et penser ` a ce mouvement dans le plan x, y. Pour le d´ecrire nous avons besoin de deux fonctions, x(t) et y(t). Pour ˆetre sp´ecifique nous consid´erons un mouvement dans le sens contraire des aiguilles d’une montre (appel´e aussi en math´ematiques, le sens positif). Appelons R le rayon de l’orbite. Il est utile de visualiser le mouvement en le projetant sur chacun des deux axes. Tandis que la particule tourne autour de l’origine, son abscisse x(t) oscille entre x = −R et x = +R. La mˆeme chose est vraie de son ordonn´ee y(t). Mais les deux coordonn´ees sont en d´ecalage de phase de 90˚; quand x est maximum, y est ´egal ` a z´ero, et inversement. Le mouvement circulaire uniforme autour de l’origine le plus g´en´eral a la forme math´ematique suivante x(t) = R cos ωt y(t) = R sin ωt Le param`etre ω s’appelle la fr´equence angulaire (ou pulsation). On peut le d´efinir comme le nombre de radians dont l’angle s’accroˆıt par unit´e de temps. Il est aussi li´e au temps que prend la particule pour faire une r´evolution compl`ete, appel´ee p´eriode du mouvement – le temps que nous avons trouv´e en faisant l’exercice 6 : 2π T = ω ` pr´esent il est facile de calculer, par diff´erentiation, les comA posantes de la v´elocit´e et de l’acc´el´eration : vx = −Rω sin ωt vy = +Rω cos ωt ax = −Rω 2 cos ωt ay = −Rω 2 sin ωt

(3)


Le mouvement

51

Cela r´ev`ele une propri´et´e int´eressante du mouvement circulaire, que Newton a utilis´ee quand il a analys´e le mouvement de la lune : l’acc´el´eration d’un corps en orbite circulaire est un vecteur colin´eaire (c’est-` a-dire parall`ele) ` a son vecteur-position, mais dans la direction oppos´ee. En d’autres termes, le vecteuracc´el´eration est radial et pointe vers l’origine. Exercice 7 : Montrez que les vecteur-position et vecteur-v´ elocit´ e de la section pr´ ec´ edente sont orthogonaux.

Exercice 8 : Calculez la v´ elocit´ e, la vitesse, et l’acc´ el´ eration pour chacun des vecteurs-position suivants. Si vous avez un logiciel de graphisme math´ ematique, dessinez chaque vecteur-position, chaque vecteur-v´ elocit´ e et chaque vecteur-acc´ el´ eration. �r = (cos ωt, eωt ) �r = (cos(ωt − φ), sin(ωt − φ)) �r = (c cos3 t, c sin3 t)

�r = (c(t − sin t), c(1 − cos t))



Interlude 2 : Le calcul int´ egral « George, j’aime beaucoup faire les choses `a l’envers. Est-ce qu’on peut diff´erentier ` a l’envers ? » « Tout `a fait, Lenny. Ca ¸ s’appelle l’int´egration. »

Le calcul int´egral Le calcul diff´erentiel s’occupe de taux de variation. Le calcul int´egral s’occupe de sommes d’un grand nombre de petites quantit´es incr´ementielles. Il n’est pas ´evident a priori que ces deux techniques aient un rapport l’une avec l’autre, mais nous allons voir que c’est le cas. Commen¸cons avec le graphe de la fonction f (t) ci-dessous : f (t) 15 10 5 1

2

3

4

5

t

Figure 1 Visualisation du comportement de f (t).

Le probl`eme central du calcul int´egral est d’´evaluer la surface sous la courbe d´efinie par f (t). Pour qu’il n’y ait pas d’ambigu¨ıt´e, nous consid´erons la fonction entre deux valeurs qu’on


54

Le minimum th´ eorique

appelle les bornes d’int´egration, t = a et t = b. La surface que nous voulons calculer est la portion gris´ee sous la courbe dans la figure 2. f (t) 15 10 5

a

b 1

2

3

4

5

t

Figure 2 Les bornes d’int´egration, a et b, et la surface `a ´evaluer.

Pour effectuer ce calcul, on d´ecoupe la r´egion en fins rectangles verticaux et on additionne leurs surfaces comme sur la figure 3. f (t) 15 10 5

a

b 1

2

3

4

5

t

Figure 3 D´ecoupage de la surface en fins rectangles verticaux.

Bien sˆ ur cela donne une valeur approximative, mais elle est de plus en plus pr´ecise quand on fait tendre la largeur des rectangles vers z´ero. Pour mettre en œuvre explicitement cette proc´edure, commen¸cons par diviser l’intervalle entre t = a et t = b en un nombre N de petits intervalles – chacun de largeur ∆t. On obtient une collection de points t1 = a, t2 = t1 + ∆t,


C

et ouvrage exceptionnel s’adresse à ceux qui ont toujours regretté de ne pas avoir suivi de cours en physique, ou qui souhaitent apprendre à penser comme un physicien. Dans ce livre – véritable phénomène d’édition aux Etats-Unis avec plus de 40 000 exemplaires vendus – les physiciens Leonard Susskind et George Hrabovsky prennent le lecteur par la main et l’emmènent progressivement, sans jamais le perdre, à la découverte des bases essentielles de la physique. A l’arrivée, celui-ci est tout étonné d’avoir compris si facilement les notions présentées. Le secret des auteurs ? Privilégier la clarté sur la brillance et la simplicité sur l’exhaustivité. Les ouvrages de la collection Le Minimum Théorique, qui donne aussi son nom à ce premier volume, sont issus d’un cours public donné à l’Université de Stanford par le professeur Leonard Susskind et ont aujourd’hui acquis une notoriété mondiale. Ils s’adressent à tous ceux désireux de comprendre la physique contemporaine, quelque soit leur bagage scientifique de départ. « Un sens pédagogique remarquable. Leonard Susskind pourrait bien être le Feynman du 21e siècle. »—Vincent Faye, professeur de physique au lycée Victor Bérard (Morez) « Le livre que tous ceux qui souhaitent enfin comprendre la physique doivent se procurer. » —Sean Carroll, physicien, Institut Californien de Technologie, auteur de Higgs, le boson manquant (The Particle at the End of the Universe) « Des explications parfaitement claires de choses notoirement difficiles. »—Wall Street Journal « Un tour de force, qui rend désormais la physique théorique accessible à tous. »—Science News

Leonard Susskind est professeur en physique théorique à l’Université de Stanford depuis 1978. Auteur de nombreux ouvrages, il vit actuellement à Palo Alto, en Californie.

George Hrabovsky est président de l’association Madison Area Science and Technology (MAST), une organisation à but non lucratif spécifiquement dédiée au soutien de la recherche et de l’enseignement scientifique et technique. Il vit à Madison, dans le Wisconsin.

Presses polytechniques et universitaires romandes


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