Magazine #52

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MAGAZINE Décembre 2009 / Janvier 2010

MAGAZINE #52



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Décembre 2009 / Janvier 2010

MAGAZINE #52 L’époque est bavarde, elle répète, ressasse et surajoute du signe pour conjurer la solitude de l’objet et sa fonction initiale. Le design et la déco ne sont pas les derniers dans cette course à l’abondance. Mais le manège a eu une conséquence inattendue : rendre davantage visible le basique, le minimal, l’objet dépouillé du superflu. Et au-delà d’une visibilité, il lui a conféré une valeur : l’objet intrinsèque, la fonction, rien que la fonction. Ce sont les tenants du Bauhaus qui vont être contents. Les meubles d’Ikea, les jeans d’Uniqlo, les rangements de Muji… ces objets sont passés de fétiches à basiques. Et le temps de shopping disponible a baissé en proportion. Éditorial


digital lab

janvier.fr


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Brèves

Cinq magazines

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Frame Abitare The Volume Icon Creative Review

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Interview

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Beaubourg, le CAPC puis le Louvre, Marie-Laure Bernadac a un parcours dans les institutions françaises qui mérite qu’on s’y arrête. par Emmanuelle Lequeux.

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Points de vue

Il faudra s’y mettre à quatre pour faire le tour du dernier Prix Marcel Duchamp. par Angelo Cirimele et Géraldine Miquelot.

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Agenda

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Adresses

Off record

Alors qu’on ne parle que d’écologie, de low cost et de basiques, c’était le moment de faire le point sur la pratique du design aujourd’hui et sa diffusion dans l’espace public. À visage couvert, bien sûr. par Angelo Cirimele.

Pin Up

Portfolio de Sébastien Bonin.

Pop Castle

Portfolio de Sarah Eechaut.

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Rencontre

Pour une fois, le photographe mondain Foc a été chassé, et non l’inverse. Par Mathias Ohrel.

Images

Des bijoux ? (ou du scotch). Des cadres d’époque ? (ou du scotch). Des ballons de foot ? (ou du scotch). Pas de design, juste le dessin. par Céline Mallet.

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Projection

Si « the video killed the radio star », qui tuera la télévision et quelles seront les conséquences du méfait ? Par Sylvain Ohrel.

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Sommaire

Logo

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Le magazine d’une marque de café qui ne traite que de création artistique, c’est normal?

Biographie

L’industrie automobile perd ses marchés et son identité en prend un coup, nouveau logo de Chrysler à l’appui. par Yorgo Tloupas.

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Design

Consummer

Marx, Luxe, Design ; cherchez l’intrus, serait-on tenté de dire. Mais il n’y en a pas, du moins dans la combinaison qu’en proposent Enzo Mari et Gabriele Pezzini, dans leur exposition « Che fare ». par Pierre Doze.

Pékin Backstage

Charlotte Perriand, ou le design au féminin, dans l’ombre du Corbusier puis au grand jour. par Marlène Van de Casteele.

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Inspiration

L’époque est pop, orange et ronde ? Pas de doute, on est dans les années 60, ou alors les mood boards ont largement puisé à cette source. par Florence Tétier.

Portfolio d’Olivier Cornil.

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Difficile de coller une étiquette à Hervé Van der Straeten, puisqu’il passe des bijoux à l’ébénisterie, en passant par la déco et le packaging. par Cédric Saint André Perrin.

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Commissariat


Directeur éditorial Angelo Cirimele Directeur artistique de ce numéro pleaseletmedesign Photographes Sébastien Bonin, Olivier Cornil, Sarah Eechaut Contributeurs Pierre Doze, Emmanuelle Lequeux, Céline Mallet, Géraldine Miquelot, Mathias Ohrel, Sylvain Ohrel, Cédric Saint André Perrin, Florence Tétier, Yorgo Tloupas, Marlène Van de Casteele Design original Yorgo Tloupas

COLOPHON

Remerciements Monsieur X, (le châtelain) Traduction Kate van den Boogert Secrétaire de rédaction Anaïs Chourin Editeur Angelo Cirimele Retouches Janvier Imprimeur SIO 94120 Fontenay-sous-Bois email magazinemagazine @gmail.com Issn n° 1633 – 5821 correspondance ACP 32, bd de Strasbourg 75010 Paris T 06 16 399 242 Ce numéro de Magazine est designé par pleaseletmedesign, un collectif réunissant Damien Aresta et Pierre Smeets (Bruxelles, BE), rejoints depuis peu par Morgan Fortems (Nancy, FR). Souvent sollicités par des acteurs culturels pour réaliser des livres, des programmes ou une signalétique, ils signent aussi le design du magazine The Word, avec Face to Face, et ne dédaignent pas l’enseignement. www.plmd.me

You are what you read

Couverture Sarah Eechaut

Abonnement/Subscription Magazine est gratuit, mais vous pouvez aussi le recevoir chez vous ou au bureau Abonnement France 1 an / 5 numéros / 40 euros Abonnement Hors France 1 an / 5 numéros / 50 euros Envoyez votre règlement en chèque à l’ordre d’ACP à l’adresse suivante : ACP – Magazine 32, boulevard de Strasbourg 75010 Paris © Magazine et les auteurs, tous droits de reproduction réservés. Magazine n’est pas responsable des textes, photos et illustrations publiées, qui engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.


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La revue L’Architecture d’Aujourd’hui renaît de ses cendres sous la houlette de Jean Nouvel et d’un comité de rédaction tout ce qu’il y a de plus installé : Gehry, Lacaton & Vassal, Donnedieu de Vabres et Starck lui-même. Une nouvelle formule qui reprend avec le numéro 374, beau signe de continuité. The review L’Architecture d’Aujourd’hui (Architecture of Today) rises from its ashes under the leadership of Jean Nouvel and an editorial committee of very established figures: Gehry, Lacaton, and Vassal, Donnedieu de Vabres and Starck himself. A new format with begins with issue number 374, a good sign of continuity.

BRÈVES

Du mouvement à L’Ensad (École nationale supérieure des arts décoratifs) : Emmanuel Fessy, ex-directeur de l’Ensci (École nationale supérieure de création industrielle) devient directeur des études auprès de la nouvelle directrice Geneviève Gallot. There’s movement at the Ensad (National School of Applied Design): Emmanuel Fessy, the former director of the Ensci (National School of Industrial Design) becomes Director of Studies alongside the new Director, Geneviève Gallot.

Des nouvelles d’Hedi Slimane ? Il dirige un numéro hors série de Trois Couleurs, le magazine gratuit des cinémas MK2, consacré à la contre-culture américaine, et a sélectionné 11 films sur l’adolescence pour un coffret DVD à paraître également chez MK2. News from Hedi Slimane. He’s edited a special issue of Trois Couleurs, the free mag published by the MK2 cinema chain, dedicated to American counter culture, and has also selected 11 films on adolescence for a DVD box set, also published by MK2.

Le salon Meuble Paris quitte Le Bourget pour Villepinte à partir de l’édition de septembre 2010 : il rejoindra ainsi les autres halls de Maison & Objet. The trade fair Meuble Paris leaves Le Bourget for Villepinte starting with the September 2010 edition, joining the other halls of Maison & Objet.

Répercutions concrètes de la crise du côté des magazines : le luxueux semestriel américain Tar ne répond plus, L’Européen est en liquidation, FHM (Mondadori) cesse sa parution, le site Bakchich et son hebdo sont en redressement judiciaire, tout comme Citizen K .

Le magazine finlandais Kasino A4 vient de faire paraître son 10 e et dernier numéro, avec une magnifique pierre tombale en couverture. Pas une victime de la crise pour autant, plutôt une volonté de travailler différemment sur un autre projet, annoncé pour 2010. À suivre…

Concrete consequences of the Crisis for magazines: the luxury biannual American mag Tar is no longer answering, L’Européen is in liquidation, FHM (Mondadori) ceases publication, the website Bakchich and it’s weekly paper are in receivership, as is Citizen K .

The Finnish magazine Kasino A4 has just published its tenth and last issue, with a magnificent gravestone on the cover. Not a victim of the Crisis however, it’s the result of a desire to work differently on a different project, for 2010. To be continued…

Mais la situation n’est pas désespérée, puisque Marie Claire prépare Envy, un hebdomadaire « mode et people » adapté du britannique Look (sortie début 2010), et que Lagardère continue de tester son projet d’hebdo baptisé Be.

Inez van Lamsweerde et Vinoodh Matadin signeront la prochaine campagne Sandro ; signe que les codes de la grande famille de la mode sont déjà adoptés.

But the situation is not without hope as Marie Claire is developing Envy, a weekly ‘fashion and celebrity’ magazine adapted from the UK’s Look (out at the beginning of 2010), and Lagardère continues to test its weekly project known as Be.

La dernière extension à la mode pour les magazines se nomme « augmented reality », ou AR. Une application chargée sur son ordinateur, on présente certaines pages du magazine devant son écran et, miracle, une animation se déclenche : série mode animée ou one man show du journaliste. Esquire US et Colors sont les premiers à s’être lancés dans l’aventure. esquire.com, colorsmagazine.com The latest fashionable add-on for magazines is called ‘augmented reality’, or AR. An application is downloaded to a computer, you hold pages from the magazine in front of your screen, and miraculoulsy, an animation sequence unfolds: animated fashion shoots or a one man show from a journalist. Esquire US and Colors are the first to embark on the adventure. esquire.com, colorsmagazine.com

Une nouvelle boutique Surface to Air devrait ouvrir dans la capitale en décembre, dans un lieu encore tenu secret. A new Surface to Air store should open in Paris in December, at an address still held secret.

Inez van Lamsweerde and Vinoodh Matadin will shoot Sandro’s next campaign; a sign that the codes of fashion’s big family have already been adopted.

Deux nouvelles galeries rejoignent Belleville (20e) et la rue Jouye-Rouve : Crèvecœur (Axel Dibie), qui y déménage, et Marcelle Alix (Isabelle Alfonsi et Cécilia Becanovic) qui y emménage. Two new galleries hit Belleville (20th) and the rue Jouye-Rouve: Crèvecœur (Axel Dibie) moves there from the 11th, and Marcelle Alix (Isabelle Alfonsi and Cécilia Becanovic) sets up there.

Courrier International fera paraître son 1 000 e numéro le 30 décembre, soit près de dix-neuf ans après sa création, période pendant laquelle le titre a donné lieu à des versions japonaise et portugaise ; il n’y a pas que les magazine de mode… Courrier International will publish its 1,000th issue on 30 December, almost 19 years after its creation, a period during which the title has given birth to Japanese and Portugese versions; there are not only fashion magazines…


If Hermès is no longer partner of the Prix de Diane, the brand has not forsaken equitation, since Saut Hermès, an obstacle course event, has been announced for the beginning of April. Open to the public and with a capacity of 4,000 guests, the event will be held at the Grand Palais.

Une curiosité : la parution de Francmaçonnerie magazine, un bimestriel au titre non équivoque, qui succède à Initiations magazine, qui lui n’était vendu que par abonnement. A curiosity: the publication of Francmaçonnerie (Freemasonry) magazine, a bi-annual with an unequivocal title, which takes over from Initiations magazine, which was only sold on subscription.

Le GQ français s’offrira les compétences d’un conseiller artistique en la personne de Yorgo Tloupas pour repenser la charte et la grille du magazine. French GQ is calling on the skills of an artistic consultant in the form of Yorgo Tloupas in order to rethink the magazine’s design.

Rayon bonnes surprises, parution de Dorade, « revue galante, photographie et formes critiques », dirigée par les Suisses Philippe Jarrigeon et Sylvain Menétrey, et de Candy, magazine de mode consacré au travestissement, proposé par le Madrilène Luis Venegas, qui a déjà commis Fanzine 137 et Electric Youth. A couple of nice surprises with the publication of Dorade – “an artistic periodical of photographic discoveries and forms of criticism”, directed by the Swiss people Philippe Jarrigeon and Sylvain Menétrey – and of Candy, a fashion magazine dedicated to transvestism, set up by the Madrid native Luis Venegas, who’s already behind Fanzine 137 and Electric Youth.

Le nouveau Visionaire (57) ressemble à une exposition : 52 commissaires internationaux sélectionnent 7 artistes… pour 365 images réunies dans un calendrier électronique ; au diable le papier ! The latest Visionaire (57) resembles an exhibition: 52 international curators select 7 artists… for 365 images reunited in an electronic calendar; to hell with paper!

Le président du jury édition du Club des directeurs artistiques, édition 2010, sera Marc Ascoli. Tandis que le livre de l’édition 2009, designé par Thomas Lenthal, vient de paraître. Marc Ascoli is president of the jury of the publishing category for the Artistic Directors’ Club 2010. And the catalogue of the 2009 edition is just out, designed by Thomas Lenthal.

Maria Inés Rodriguez quitte le Point d’ironie d’agnès b pour devenir commissaire en chef du Musac (Musée d’art contemporain de Castille) à Leon (Espagne).

Un nouveau venu aux commandes d’une marque renaissante : Guillaume Henry (ex-Givenchy et Paule Ka) est le nouveau directeur artistique de Carven, qui lance une ligne de prêt-àporter pour l’été 2010.

Maria Inés Rodriguez leaves agnès b’s publication le Point d’ironie to become head curator of the Musac (The Contemporary Art Museum of Castilla), in Leon (Spain).

A newcomer at the helm of a brand revival: Guillaume Henry (ex-Givenchy and Paule Ka) is the new DA of Carven, which is launching a ready-to-wear line for summer 2010.

Après avoir collaboré avec Ezra Petronio ( Self Service), Chanel a fait appel à Olivier Zahm ( Purple Fashion) pour concevoir 31 rue Cambon, le magazine de marque, disponible dans ses boutiques.

À l’approche des fêtes, les stylistes sortent leurs produits dérivés rayon alcools forts : le whisky Ballantine’s est habillé par Jean-Baptiste Rautureau, le Chivas se pare en Lacroix, le Ricard s’est choisi l’artiste Stéphane Calais, et le gin Tanqueray apparaîtra en Jeremy Scott.

After collaborating with Ezra Petronio ( Self Service ), Chanel has called on Olivier Zahm ( Purple Fashion) to create 31 rue Cambon, a brand magazine, available via Chanel stores.

Claude Boltanski est l’artiste qui investira le Grand Palais pour l’exposition « Monumenta ». Succédant à Richard Serra, il proposera une œuvre intitulée Personnes, du 13 janvier au 21 février 2010. It’s Claude Boltanski who will invest the Grand Palais for the exhibition ‘Monumenta’, following on from Richard Serra. He will present a piece called Personnes, from 13 January to 21 February 2010.

Pour ses 15 ans, Eurostar s’offre un livre : Génération Eurostar. Designé par Nicolas Hoffmann et dirigé par l’agence Leg, on y retrouve les principales campagnes publicitaires de la marque. To celebrate their 15th birthday, Eurostar has published a book Generation Eurostar. Designed by Nicolas Hoffmann and directed by Leg agency, the publication includes all the brand’s major advertising campaigns.

With Christmas fast approaching, fashion designers decorate the liquor aisle: Ballantine’s whisky is dressed by Jean-Baptiste Rautureau, Chivas by Lacroix, Ricard has chosen the artist Stéphane Calais, and Tanqueray gin will appear in Jeremy Scott.

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Si Hermès n’est plus partenaire du Prix de Diane, la marque n’en délaisse pas pour autant l’équitation, puisque le Saut Hermès, une épreuve de saut d’obstacles, est annoncé pour début avril. Ouverte au public et pouvant accueillir 4 000 spectateurs, la manifestation se déroulera au Grand Palais.


Extrait

Fiche Pays-Bas Bimestriel 240 p. N° 70 230 x 295 mm 19,95 euros Office Jobs Editor-in-chief Robert Thiemann

Now that we believe offices make us creative, how should we design them?

Managing editor Merel Kokhuis Editors Jane Szita, Femke de Wild Art direction Roelof Mulder Publisher Frame Publishers

Un temps, Frame s’est fait voler la vedette par Mark , son petit frère davantage consacré à l’architecture, mais la maison mère néerlandaise a rapidement retrouvé sa place, celle d’un bimestriel de référence. Les 240 pages de ce magazine, qu’on pourrait presque qualifier de « B to B » (20 euros), font la part belle aux actualités de la profession : projets et dernières créations en aménagement intérieur, complétés de quelques produits innovants par leur technique ou leur esthétique. Mais c’est dans le cadre de dossiers que Frame apporte sa plus-value. Paradoxalement, la crise a remis le travail au centre, du moins dans les sujets des magazines, et Frame n’y coupe pas : le bureau, l’espace de travail ouvert ou privé, l’épure ou la charge visible du designer sont quelques-uns des sujets traités dans ce numéro. Le magazine aime aussi voyager et expose comment l’équation espace de travail/espace de création se résout pour des entreprises japonaises, espagnoles ou chinoises. Enfin, la couleur, annoncée en couverture, se décline en analyses et expériences, technique et psychologie. L’âme de Frame tient dans son logo (le « E » renversé), une idée simple et efficace, à laquelle il manque parfois un peu de vie.

Frame

MAGAZINE

framemag.com

Office interiors have not, traditionally, garnered much positive publicity in the mainstream press. Quite the opposite, in fact. When Fortune ran an article on office design in 2006, it was entitled ‘Cubicles: the Great Mistake’ and included a public apology from one of the first cubicle designers. So the reams of positive coverage (in such nonspecialist publications as the magazine of UK Sunday newspaper The Observer) devoted to the new Red Bull HQ in London, completed a year later, came as a breath of fresh air – or, in this case, as a glug of highly caffeinated soda. Designed by Jump Studios, its adrenaline – inspired architecture raised the bar for corporate spaces – showing how they could be a valuable marketing force and potent branding exercise, as well as a tool enabling creativity. In other words, it showed how much our concept of the office has changed. ‘There’s this old idea of the office as being the embodiment of solid business processes,’ says Simon Jordan of Jump Studios. ‘The Red Bull HQ is one of the new offices that are counter to that conception. The whole idea of the design was to create an exhilarated experience. In this case, we had a twofold brief. The first part of it entailed amalgamating what had been two offices, and ensuring real exchange and collaboration. The second part was to embody the Red Bull brand.’

p. 46/47

p. 108/109

Jordan believes the success of the project comes down to having found a single solution for both aspects of the brief by creating a new, dramatic circulation system for the building, incorporating a giant slide and a floating staircase, which encouraged interaction while conveying the giddy feeling of excitement that the drinks-maker wished to communicate. ‘Some aspects of the eye-catching interior seem dreamed up by 12-yearolds,’ commented Architecture Week, underlining the fact that play themes are an intrinsic feature of the new, creative office – however self-consciously, literally or clumsily referenced. Once seen as the antithesis of work, now play is found to validate it. […] Jane Szita, p. 112

p. 112/113


Cover

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Extrait

Fiche

E ora entriamo in Casa Mainella

Italie Mensuel 196 p. N° 496 240 x 290 mm 12 euros

In ogni puntata di SOS Abitare un progetto è sottoposto al parere di una coppia di architetti esperti, scelti tra i protagonisti della scena contemporanea. Approfittiamo di un momento di pausa – la rubrica riprenderà nei prossimi mesi – per pubblicare il primo «progetto SOS» portato a termine, e ora abitato.

Editor-in-chief Stefano Boeri Co-editor & art director Mario Piazza

Casa «di design» con aria condizionata Milano, 29.7°C, luglio 2006. GermaniaItalia 0-2.

Managing editor Maria Giulia Zunino

Filippo è un buon amico. Lo chiamo per invitare anche lui, tra gli altri, a vedere la semifinale di Coppa del Mondo a casa mia. Saremo pochi intimi, una pasta e qualcosa da bere. Subito dopo avere chiuso la telefonata ricevo un suo messagio. «Stasera partita in casa ‘di design’ con aria condizionata. Porta chi vuoi». Filippo è solito invitare ad aperitivi e cene tutta la sua mailing list. Aveva appena invitato anche me, tra gli altri, a vedere la partita a casa mia.

Publisher Abitare

Le centre de gravité du design est à Milan, salon du meuble oblige et dès lors que toutes les tentatives pour le concurrencer se sont avérées vaines. Si cette situation géosémantique n’est pas nécessairement productrice de jeunes talents, elle cultive la fonction de berceau pour les publications spécialisées. Ainsi en est-il d’Abitare qui, mensuellement depuis 48 ans et 496 numéros, combine tours d’horizon et mises en perspective, plus volontiers autour de l’aménagement intérieur que du product design et l’architecture stricto sensu, restant fidèle en cela à son titre. Si le vrai travail d’édition consiste à inventer des formes, alors Abitare se pose là : un cours de photographie appliquée avec Gabriele Basilico sur l’architecture et l’urbanisme moscovites ; le remake expérimental de chaises classiques par Alessandro Mendini et Jerzy Seymour ; le « SOS Abitare », dans lequel un architecte d’intérieur critique le travail d’un autre… Beaucoup de premières personnes donc, mais aussi des dossiers très documentés sur l’espace du bureau à New York par exemple, ou encore l’analyse de bâtiments récents, publics ou privés. Les images sont souvent produites par le magazine, ce qui participe à construire sa personnalité sur ce segment richement fourni. Une section « musée du design » donne un peu de distance à ce magazine bilingue qui, grâce à l’arrivée de transfuges de Domus , tient son rang, et plutôt dans les premières places.

Abitare

MAGAZINE

abitare.it

p. 26/27

Come trovare clienti Edoardo, fratello di Filippo. Disegnare interni è un mestiere intimo. Si disegnano le case a persone a cui si è stati presentati direttamente, con cui si è cenato, con cui si è parlato a lungo. Poi, finito un progetto, se magari è anche riuscito bene, il cugino-fratello-amicocoganto del cliente sarà il prossimo. Passaparole. Non credo che gli studi di architettura abbiano insegme. Il numero di telefonino è ciò che serve. Durante il primo goal dell’Italia stavo preparando une pasta alla carbonara. Durante il secondo goal stavo servendo delle penne al pistacchio. I miei 35 invitati sconosciuti avevano fame. A tre di loro, in seguito, ho ristrutturato un appartamento. Uno è Edoardo.

p. 38/39

Casa Mainella Rino, padre di Edoardo. Milano, maggio 2007. Milan-Liverpool 2-1. Alle 20:00 il cliente mi aspetta nella casa paterna, per discutere della ristrutturazione del suo novo appartamento. È il nostro primo incontro ufficiale. Edoardo non è ancora arrivato e io attendo in salotto circondato da guaches d’epoca tutte raffiguranti il Vesuvio. Suo padre, gentilissimo, mi intrattiene come può, a disagio per il ritardo del figlio. Mi offre un bicchiere di mirto. Io accetto. […] Anna Foppiano, Matteo Poli, p. 31

p. 54/55


Cover

p. 78/79

p. 154/155


Extrait

Fiche Pays-Bas Semestriel 160 p. N° 20 200 x 265 mm 22 euros

All’s Fair in Love and War Once upon a time, fairy tales were primarily conceived of as adult entertainment. Whether metaphorically implicit or graphically explicit, they contained a wide range of allusions to desire, perversion and violence. Playing on two classic tropes of virtue – Prince Charming and the Damsel in Distress – Volume debunks some assumptions about the sterility and irrelevance of fairy tale content.

Editor-in-chief Arjen Oosterman Contributing editors Ole Bouman, Rem Koolhaas, Mark Wigley Project Archis, AMO, C-Lab

Pedophilia Publisher Stichting Archis

The Pied Piper sounded his fife in the streets, but this time it wasn’t rats that came to him, but children: a great number of boys and girls, from their fourth year on. The swarm followed him, and he led them into a mountain, where he disappeared with them forever.

Volume est un magazine d’architecture, plus précisément d’interrogation et de réflexion sur l’architecture et l’habitat. La publication fonctionne comme une revue, avec peu de showcase des dernières productions marchandes, par conséquent peu de publicité, mais des financements publics, de la Mondrian Foundation d’Amsterdam notamment. Quand il s’interroge sur l’architecture aujourd’hui, Volume constate que le sujet est prisonnier d’une réalité plus vaste, qui nous est livrée sous une forme narrative et non plus factuelle ou analytique. Et le magazine décide donc de consacrer son 20e numéro au storytelling, c’est‑à‑dire à la manière dont on agence les éléments pour fabriquer une réalité, mais aussi comment le symbolique peut parfois s’y glisser. Poursuivant sa logique, Volume va jusqu’à interroger la production d’informations à travers des entretiens de plumes du New Yorker ou du Harper’s magazine. L’iconographie est lunaire, new age ou enfantine ; la typographie, réglée et élégante, comme souvent aux Pays-Bas. Pourtant, il est bien question d’architecture dans Volume, mais au prix d’un détour qui donne un autre relief au sujet et aborde sa part politique, sociale, anthropologique ; des mots qu’on n’avait plus employés depuis longtemps, depuis que l’écologie est devenue la nouvelle religion, pardon, idéologie. Le magazine a aussi compris dans quelle périodicité il s’inscrit – et le recul qu’elle lui permet –, nous informant davantage sur notre temps que beaucoup d’autres publications.

p. 8/9

Rape

Volume

MAGAZINE

volumeproject.org

When the king beheld Sleeping Beauty, he called her, but she remained unconscious. Crying aloud, he beheld her charms and felt his blood course hotly through his veins. He lifted her and carried her to a bed, where he gathered the first fruits of love. Interspecial sex And for all Little Red’s clothes – her bodice, her dress, her petticoat, and her shoes and stockings – she asked where she should put them, and the wolf replied, ‘Throw them into the fire, my child. You won’t need them anymore.’

p. 40/41

Necrophilia The prince saw the coffin upon the mountain, with the beautiful Snow White lying within it. He said to the dwarfs, ‘Let me have the coffin, I will give you whatever you want for it.’ Carnage Out of spite he killed all the women of that place whom he could get into his hands. Now after hundreds had been led thither by their ill-luck, only to lose their lives, there chanced a beautiful maiden named Porziella, and the king could not help falling in love with her. But he was so cruel and spiteful to women that, after a while, he would kill her like the rest. […] Volume, p. 14

p. 64 + Supplement 1


Cover

Supplement 12/13

p. 108/109


Extrait

Fiche Angleterre Mensuel 140 p. N° 77 235 x 300 mm 7,95 euros

“We’re well on the way to having architects as hairdressers”,

Editor-in-chief Justin McGuirk

warns architect and writer Neil Spiller. He’s talking about style. Exactly a century after Adolf Loos’ seminal text Ornament and Crime, architects are using digital technology to generate elaborate decoration.

Deputy editor Johanna Agerman Senior editor William Wiles Art editor Emma Chiu

But what are they trying to say with all their filigreed and tessellated patterns? Now that anything is possible, how do you choose what to do? And how do you know what’s radical anymore when radicals are “going baroque”?

Publisher Media 10 limited

p. 32/33

Icon

MAGAZINE

iconeye.com

Dans le panorama de la presse design, il faut définir son propre territoire et Icon a choisi une approche autant culturelle que professionnelle. En clair : on « couvre » le London Design Festival et la Biennale de design de Lisbonne, mais on nourrit aussi un dossier sur la manie décorative qui guette les architectes, sur fond de Ornament and Crime de Loos. Icon est donc ouvert sur l’architecture (entretien avec le Japonais Chiaki Arai) mais aussi sur la mode, avec le créatif Aitour Throup. Un portfolio de mosquées en construction à Téhéran achève de nous dérouter. On trouvera bien sûr des chroniques des nouveaux objets et bâtiments dignes d’être photographiés, mais Icon aime décidément la prospective puisqu’il s’est mis en tête d’organiser des symposiums publics, réunissant des designers mais aussi d’autres praticiens : auteurs, directeurs de musée ou journalistes. Ça se passe à Londres (où le magazine est basé), mais on peut aussi suivre les épisodes à distance, sur le site du magazine.

“Aesthetic discourse is the hot button issue for the next few years,” says Greg Lynn, one of the most prominent digital architects of the last decade. You don’t have to look very hard to see what he means. Take Foreign Office Architects’ John Lewis department store in Leicester, a glass box covered in floral swirls that wouldn’t be out of place in a William Morris pattern book, or Francis Soler’s Ministry of Culture in Paris, based on Hector Guimard’s art nouveau Metro stations. Caruso St John is building a contemporary art museum in Nottingham with lace patterns embossed into its concrete surface, making reference to extinct local industry. Perforated facades, a feature fast becoming ubiquitous on new buildings, are sometimes fractilinear and abstract and sometimes figurative. BIG’s Mountain housing in Copenhagen has a façade laser-cut to depict a mountain.

p. 34/35

This decorative tendency is even more apparent at London’s architecture degree shows. There are patterns everywhere, classical orders, hyper-baroque and, most strangely, caryatids, human bodies and organic structures. Oliver Domeisen teaches a design studio at the Architectural Association which looks back, of all things, to rococo, that most ornate and some might say vulgar of styles. For him, “abstraction is a retreat”; we have to reintroduce the notions of beauty and figuration to architecture in order to give it meaning again. Domeisen wants architecture that is “voluptuous and eloquent”, and he regularly uses words such as “beautiful” or “sensual” to describe it. […] Douglas Murphy, p. 59

p. 50/51


Cover

p. 90/91

p. 94/95


Extrait

Fiche Angleterre Mensuel 158 p. October 2009 280 x 280 mm 12 euros Editor-in-chief Patrick Burgoyne Deputy editor Mark Sinclair Art director Paul Pensom Design, A to Z

Publisher Centaur communications limited

Creative Review est le mensuel de la profession pour les graphistes anglais – et même parfois au-delà. Un format carré, un logo carré (avec ses initiales « CR », qui valent de diminutif) et un contenu tout aussi carré : l’actualité de la pub, du graphisme et de la production livresque en la matière. Mais éditer un magazine sur la création graphique oblige à un certain standard créatif, sans aller jusqu’à voler la vedette à ceux qu’on met en avant. CR a trouvé le truc : là où certains invitent des rédacteurs en chef ou des DA (!), le magazine invite une typo à chaque numéro. Dans le même esprit, il organise des « Annual Photo Awards » et en fait un portfolio de 90 pages, justement dans ce numéro. Il existe bien le D&AD (design and art direction) qui fait déjà autorité à Londres, mais ce n’est pas une raison, et un magazine professionnel comme Creative Review peut aussi choisir ses règles et ses élus. Après les chroniques, les interviews et les comptes rendus de symposiums, le magazine se clôt sur quelques pages d’annonces classées : freelances, DA, photographes… Et on se souvient de l’hexagonal Étapes et on se dit que 2 h 15, c’est proche et c’est loin…

Creative Review

MAGAZINE

creativereview.co.uk

Graphic Design: A User’s Manual is an attempt to look at the non-designing aspects of being a designer. It’s a book that contains entries on topics ranging from Copyright to Writing Proposals; Awards to Wayfinding; Rejection to Japanese Design. This is the second of our exclusive extracts.

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In last month’s Creative Review, I looked at Accessibility and Clients. In this issue, the subjects are Envy and New Business. Both are part of the graphic designer’s daily life. Most of us gaze enviously at the work of others, and on the surface, Envy seems like a destructive emotion. But is it? Perhaps we stop feeling envy when we have stopped feeling anything about graphic design. Perhaps we need the sting of envy to keep us motivated and alert. As for New Business – don’t let anyone tell you that they never have to worry about finding new clients and new sources of work. Everyone does. And never more so than over the last year, when we have experienced one of the most bitter and punishing economic meltdowns in living memory. Design might have suffered less than other sectors – but there can’t be many graphic designers who haven’t held their heads in their hands and thought ‘How do I find the new clients and new projects that I need to survive?’.

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Regardless of whether it’s a big studio with 40 people, or a freelance designer starting out solo, the need to find, win and cultivate new clients is a never-ending struggle. And wouldn’t you know it, it’s one of the many things that designers rarely get any training in. […] Adrian Shaughnessy, p. 17

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Cover

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J’ai un doigt sur plusieurs choses. J’ai commencé par créer des bijoux en métal. Le métal m’a fait évoluer vers des objets décoratifs et par la suite des meubles. Je dessine également des flacons de parfum, mais je consacre 80 % de mon temps au mobilier. Vous vous définissez comme designer ? Je ne suis pas designer au sens industriel du terme, mais designer tout de même… Un designer dessine des objets qui ont une fonction, c’est mon cas – même si je suis un peu décalé, étant à la fois créateur, éditeur et distributeur de mes pièces. J’ai toutes les casquettes… Vous vous inscrivez davantage dans une tradition d’arts décoratifs à la française ?

Hervé Van der Straeten

INTERVIEW Créateur des bijoux en métal martelé qui marquèrent les années 80, Hervé Van der Straeten est aujourd’hui surtout réputé pour son mobilier. Des pièces éditées en série limitée dans ses ateliers de Bagnolet et diffusées par sa galerie du Marais. Si cet ancien étudiant des Beaux-Arts se distingue par l’éclectisme de ses activités, puisqu’il dessine aussi des flacons de parfum (J’adore de Dior, par exemple), une dynamique graphique définit l’ensemble de ses réalisations.

Quels sont vos domaines d’activité ?

Dans mon outil de travail, oui, car mon approche passe par l’artisanat – j’ai un atelier de bronze et un autre d’ébénisterie. Je travaille le parchemin, l’inox, le marbre… Mais je ne m’inscris pas dans une tradition d’ensembliers déclinant un univers cohérent. Je ne propose pas de salle à manger avec table et buffet coordonnés, comme Christian Liaigre ou Catherine Memmi – qui sont les ensembliers d’aujourd’hui. Les gens viennent davantage chercher chez moi des accents, des pièces fortes. À quel type de clientèle vous adressez-vous ? Des particuliers qui veulent de la déco sympathique ; un bougeoir ou un miroir. Des collectionneurs plus exigeants, qui sélectionnent dans mon travail les pièces uniques, rares. Et, enfin, les décorateurs qui viennent chercher des choses pointues pour « pimenter » leurs chantiers. Longtemps, les décorateurs furent très liés aux antiquaires, quand ils n’avaient pas double casquette. Depuis une décennie, un glissement s’est opéré vers les champs du design ? J’ai l’impression que l’engouement pour l’art contemporain a modifié la donne. Une photo contemporaine au-dessus d’une commode Louis XV c’est très beau, mais il faut avoir beaucoup de goût pour mêler cela harmonieusement. Le public dans son ensemble tend vers des choses homogènes. Les gens considèrent que du mobilier moderne avec de l’art contemporain font un tout.


Petit à petit, les collectionneurs d’art contemporain se sont intéressés au mobilier moderne. Nombre de designers se sont donc mis à produire des objets en série limitée pour répondre à cette demande. Les galeries d’art ayant la clientèle adéquate, c’est dans ce circuit commercial que s’écoulent ces pièces. On a l’impression que beaucoup d’aménagements de restaurants, palaces et autres boutiques de luxe sont aujourd’hui confiés à des designers – comme Patrick Jouin ou Philippe Starck – davantage qu’à des décorateurs… Tout dépend de l’idée qu’on se fait d’un décorateur. Dans les années 70, des gens comme Michel Boyer ou François Catroux proposaient des choses tout en inox archimodernes. Il est vrai que niveau déco, les années 80 étaient surtout néo : néo-baroques, néo-gustaviennes, néo-barbares… Question de mode et d’époque ; mais la décoration intérieure n’est pas qu’histoire de reconstitution d’époque. Nombre d’architectes modernistes du début du xx e siècle (des gens comme Mackintosh, par exemple) pensaient également le mobilier de leur intérieur. C’était assez radical d’ailleurs ! On a parfois du mal à déterminer les contours exacts du métier de décorateur, entre architecture d’intérieur et simple choix de couleur des rideaux. Ça a toujours été le cas… Quel avenir prédisez-vous à ce métier ? À vrai dire, je ne me pose jamais ce genre de questions. Quand je suis sorti des Beaux-Arts, dans les années 80, j’ai fait des bijoux en métal martelé. Je ne me suis pas demandé si c’était la mode des gros bijoux dorés. J’en ai fait, c’est tout ! De même quand j’ai décidé, il y a douze ans, de proposer du mobilier en édition limitée, c’était parce que les objets que je dessinais nécessitaient une fabrication artisanale, pas parce que je pressentais l’émergence d’un marché. Quand on commence à réfléchir au lieu de créer, on n’est pas sur la bonne route. À trop penser aux clients, aux tendances du moment, on devient un styliste. On picore, on amalgame et l’on recrache quelque chose plus ou moins de l’époque.

Comment travaillez-vous ? J’apporte une grande importance au dessin. Je remplis des carnets entiers de croquis qui préfigurent les futures pièces. Mais bien souvent je retiens des dessins que je gribouille inconsciemment en répondant au téléphone. Je leur trouve une grande force. Une certaine dynamique définit votre style ? Que ce soit mes bijoux ou mon mobilier, mes créations demeurent toujours graphiques et efficaces. Très visuelles de loin, avec pourtant, à les regarder de plus près, un certain raffinement dans les matières et la façon. Je cherche aussi une sorte de tension visuelle. Un jeu de contrastes. Une de mes dernières tables, pas exemple, est composée de blocs de marbre empilés. Le marbre, c’est une matière solide qui dégage un esprit atemporel, mais la superposition des blocs semble désaxée et on se demande si ça ne va pas se casser la gueule.

Quand je dis que je suis designer, que je fais du mobilier, on me répond poliment : ah oui, très bien ! Quand je dis que j’ai dessiné le flacon de J’adore, l’intérêt est tout autre…

Comment avez-vous vu évoluer l’univers de la décoration ? Entre le moment où j’ai commencé à faire des bijoux pour le prêt-à-porter, dans les années 80, et celui où j’ai décidé d’arrêter, dans les années 90, la donne avait radicalement changé. Les rapports entre les maisons de luxe et leurs fournisseurs s’étaient tendus, de par l’industrialisation des griffes. L’univers de la déco demeure relativement intimiste. Ça dépend ! Pour ce qui est des grands décorateurs, effectivement, cela reste un artisanat destiné à une clientèle feutrée. Après, il y a l’industrie du meuble. En Italie, on a vu se profiler de grands groupes comme dans la mode. Je pense à Charmes, regroupant des marques comme Capellini, Cassina, Poltrona Frau et Thonet. Ces dix dernières années, on a vu l’émergence d’une école stylistique néerlandaise assez expérimentale. NDLR : Martin Bass, Studio Job et autres Front Design.

C’est assez excitant dans les pages des magazines. Assez frais, même. Après, ces chaises constituées d’un assemblage de 1 000 modèles de récup, ça fait un peu « workshop ». C’est conceptuellement intéressant, mais de là à ce que les gens aient envie d’avoir cela chez eux…

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L’art contemporain ne s’est pas contenté de modifier la donne stylistique…


Quelle influence a la presse déco sur votre activité ? À titre personnel, j’aime beaucoup regarder les magazines. Mais leur influence sur mon business demeure toute relative. Les parutions ont moins d’impact que l’aura des objets eux-mêmes. Les gens qui viennent à la galerie ont souvent vu des pièces chez des amis. De Arik Levy pour Issey Miyake à Ora-ïto pour Guerlain, les parfumeurs font de plus en plus appel à des designers de renom pour signer les flacons. Serait-ce pour asseoir la communication des jus ?

Hervé Van der Straeten

INTERVIEW

Que les créateurs soient médiatiques, c’est la cerise sur le gâteau pour les industriels. Un plus mais certainement pas un but en soi. L’essentiel demeurant que l’objet parle de lui-même. Qu’il soit fort et lisible internationalement. Et comment opérez-vous ? Comme pour tous mes objets, à travers des « micro signes ». Pour J’adore, de Dior, l’empiècement de métal du bouchon peut faire penser à un collier. Une goutte de verre en haut du col du bouchon métallique donne une grande préciosité à l’objet. On croirait que cette goutte est le bouchon ; ce genre d’illusion d’optique crée une tension. La sophistication ne saute pas à la figure, l’objet reste calme, mais il dégage quelque chose d’un peu mystérieux. Vous avez aussi dessiné les rouges à lèvres Kiss Kiss pour Guerlain, le dernier parfum d’Helena Rubinstein. Qu’est-ce qui vous intéresse dans ces projets ? C’est amusant de faire des objets planétairement connus. Quand je dis que je suis designer, que je fais du mobilier, on me répond poliment : ah oui, très bien ! Quand je dis que j’ai dessiné le flacon de J’adore, l’intérêt est tout autre… Mais bon, travailler pour l’industrie cosmétique oblige à composer avec beaucoup de contraintes. Les enjeux s’avèrent importants, cela crée parfois des situations de tension pas tout à fait normales… À vrai dire, c’est à l’opposé de mon travail quotidien dans le mobilier. Quand je dessine un flacon, j’ai à persuader cinquante personnes du bien-fondé de mon projet. Chez moi, je n’ai qu’une personne à décider de la mise en production d’une pièce : moi-même.

Jusqu’au milieu des années 90, vous dessiniez et produisiez des collections de bijoux pour des griffes de mode, pourquoi avoir arrêté ? La mode m’intéresse toujours, mais en tant que spectateur… Oui, mais pourquoi y avoir renoncé ? Parce que les gens sont cinglés ! J’aime bien les gens cinglés mais pas dans le travail… La mode est une industrie de vampires. Quand on débarque dans ce milieu plein de spontanéité, avec le désir de faire partager ses envies, on peut très vite se retrouver dépossédé, vidé et comprimé. C’est quasi physique ! En période de collection, on finit à plat. La mode vous vide… Dans l’industrie de la mode, les problèmes sont de deux natures. Primo : l’offre est devenue trop importante par rapport à la demande. Secundo : le rythme du business s’est trop accéléré – il faut cracher de nouvelles collections tous les trois mois maintenant. Du coup, les gens cavalent comme des souris de laboratoire prises dans un labyrinthe. S’ils ne saisissent pas les bonnes opportunités, s’ils se trompent de sortie, s’ils tournent à gauche au lieu d’aller à droite : paf, ils se prennent une décharge dans les pattes ! Ce qui a pour effet de rendre tout le monde un peu nerveux… Dans la déco, on peut certes être un peu stressé, il y a des chantiers à livrer en temps, mais rien de comparable. Le milieu du design serait moins cruel ? Oui, les gens se respectent. Je connais quasiment tous les designers parisiens, chacun sait ce que font les autres. On échange des points de vue, on se parle. Il n’y a pas cette compétition aiguë qui existe entre créateurs de mode, car le rapport au temps est différent. Un meuble doit durer, tenir des décennies. Moi, c’est un peu extrême, mais quand j’élabore une pièce, j’appréhende même sa restauration ; je conçois des panneaux de porte démontables pour être réparés dans cent cinquante ans. C’est assez différent d’un sac à main destiné à n’exister qu’une saison… Aujourd’hui, tout s’accélère, tout est jetable, remplaçable – on vit tous dans l’attente fébrile de la dernière version de l’iPhone. La technologie ne semble conçue que pour être immédiatement dépassée. Certains ont voulu faire glisser cette pseudo-modernité vers les domaines du luxe, mais ce n’est pas possible ! Le luxe, le vrai, est avant tout histoire de lenteur. Lenteur à tous les niveaux : la conception, la mise en œuvre, la réalisation. C’est le seul moyen pour prendre en compte la qualité et


La crise a-t-elle eu des répercutions, économiques autant qu’esthétiques, sur votre activité ? Économiquement, cela n’a pas touché et encore moins influencé ma façon de travailler. Même, cela m’a encouragé à aller encore plus loin dans mes choix. Dans ma prochaine collection, il y aura de l’ébène, du parchemin et une console en argent massif. Quand les temps sont difficiles, il faut vraiment montrer ce que l’on sait faire. Si on commence à être timide, c’est foutu. Mais les clients sont-ils encore au rendez-vous ? Les gens qui ont encore de l’argent à dépenser font plus attention à ce qu’ils achètent. À quoi répond cette volonté de tout gérer en interne : création, fabrication et distribution ? Si j’ai des amis à dîner, je cuisine. J’aime faire, voilà tout ! Quand j’ai commencé à créer des bijoux, je m’y suis mis avec des pinces, mon marteau et un fer à souder. Après, j’ai monté un atelier, les choses ont grandi petit à petit… J’apprécie l’aspect organique des choses. J’aime voir les gens transformer les matériaux autour de moi quand je dessine à mon bureau. Cela crée une espèce de chaîne, on travaille tous dans la même direction. Cela donne du sens au travail, pour les ouvriers comme pour moi. Vous éditez des objets de luxe. Dessiner des collections de meubles plus commerciales ne vous a jamais effleuré ? Je pourrais le faire, n’ayant aucun souci à intégrer des contraintes industrielles et financières pour mes projets de cosmétique, mais cela ne m’intéresse pas pour mon mobilier. Pourquoi augmenter sa diffusion ? Je ne cherche pas à vendre du canapé au kilomètre… Pour l’argent ? Mais je ne suis pas dans une galère financière, je vis très bien ! Si je devais me développer, ce serait davantage pour améliorer mes pièces, me donner la possibilité d’explorer de nouvelles techniques, d’expérimenter d’autres matériaux. L’important pour moi, c’est d’avoir une société économiquement fiable me permettant de continuer à faire exactement ce que je veux. S’il faut mettre deux mille heures de travail sur une armoire, je peux. L’autonomie est mon vrai luxe.

Quand on commence à réfléchir au lieu de créer, on n’est pas sur la bonne route. À trop penser aux clients, aux tendances du moment, on devient un styliste. On picore, on amalgame et on recrache quelque chose plus ou moins de l’époque […]

Seriez-vous dans une logique slow life ? Oui, si vous voulez… Mais je me méfie des étiquettes. Ces dernières années, on a qualifié n’importe quoi de luxe, aujourd’hui, le terme étant usé on cherche de nouvelles appellations. Reste que les étiquettes m’importent moins que la vérité des objets.

Propos recueillis par Cédric Saint André Perrin

donner sens à ce que l’on fait. On ne peut pas faire les choses vite et bien !


PEKIN BACKSTAGE










Photographie : Olivier Cornil www.oliviercornil.be


1903 Naissance à Paris, d’un père savoyard coupeur dans une maison de couture anglaise, d’une mère bourguignonne couturière gaie luronne. 1913 Tandis qu’elle entre à l’hôpital des Enfants-malades se faire extirper l’appendice, elle découvre entre ses quatre murs blancs aliénants le dépouillement minimal, « le vide tout-puissant parce qu’il peut tout contenir ».

Charlotte Perriand

BIOGRAPHIE

1920 Le bac en poche, bien que peu encline aux études, elle entre à l’École de l’union centrale des arts décoratifs. Au risque de se faire tirer les oreilles par ses professeurs, Charlotte l’effrontée préfère de loin griffonner des croquis d’animaux au jardin des plantes ou croquer des nus aux cours d’André Lhote. Au pied du mur, elle participe à des concours d’Art et d’Industrie, à des décors de théâtre, tout en suivant les cours du soir de Maurice Dufrêne, président du Salon des Artistes décorateurs et directeur artistique de la maîtrise des Galeries Lafayette. 1925 Sélectionnée par son école pour discourir sur la composition d’un salon de musique lors de l’Exposition internationale des Arts décoratifs, elle découvre, relégués avec mépris dans un coin, le pavillon de l’URSS et le pavillon de l’Esprit nouveau. Une onde sismique lui fait pressentir les limites d’expression des modes de l’art décoratif… 1927 Alors qu’elle décide de se marier – seule voie possible vers l’émancipation – et de railler les « survivances du passé », elle fait fureur au Salon d’automne avec sa Salle à manger minimale, revêtue d’acier chromé, et son Bar sous le toit en cuivre nickelé : non plus rejetée au fond du couloir, la maîtresse de maison trône au cœur de son foyer. Encensée par la presse, bien que « jeune, sans programme et sans projet », elle pense à s’inscrire dans une école d’agriculture quand un ami qui lui veut du bien lui offre deux livres de chevet : Vers une architecture et L’Art décoratif d’aujourd’hui, d’un certain Le Corbusier. « Un éblouissement… Ils me faisaient franchir le mur qui obstruait l’avenir. » Bravant les mises en garde de ses professeurs, elle se dirige dans la foulée vers l’ancien couvent

du 35, rue de Sèvres, se retrouvant nez à nez avec les grosses lunettes de Le Corbusier : « Ici, on ne brode pas de coussins », lui jette-t-il, avant de la reconduire à la porte. Le lendemain, il se ravise. Associée au programme immobilier « des casiers, des sièges et des tables », Charlotte Perriand se voit chargée de « l’équipement intérieur de l’habitation », en communion spirituelle avec le maître et son cousin Pierre Jeanneret. Dans une obsession de rationalisation de l’espace et de réforme des pratiques domestiques, elle expérimente sur une chaise longue de grand repos, un fauteuil Grand Confort ou Pivotant, de nouveaux matériaux industriels, comme les toiles tendues amovibles, les bois contreplaqués et le tube d’acier. « Par leur plasticité, nous apportions la preuve que les produits nouveaux, tels le tube d’acier, appliqués à l’ameublement, pouvaient sortir du ghetto du siège dit pour “bistrots” ou “hôpitaux”, tout en étant aussi différents en un sens de ceux du Bauhaus. » 1930 Démissionnaire de la conservatrice Société des artistes décorateurs, elle fonde, avec René Herbst, Pierre Chareau et Robert Mallet-Stevens, l’UAM (l’Union des artistes modernes), une unité de choc réunissant des artistes aux affinités esthétiques modernistes, désireuse de lutter contre l’académisme ambiant. « L’académisme avait fourbi ses armes, il veille, agit, bondit, et tue ! » enrageait Corbu qui, après avoir initié sa petite protégée à l’architecture – « ce jeu savant, correct et magnifique des volumes assemblés sous la lumière » –, la fait plancher sur l’étude du logis minimum : un maximum de rendement pour un minimum d’espace, telle est la question. Un principe de générosité sociale et de modularité que l’apprentie architecte applique à la lettre pour sa Salle de séjour à budget populaire (Salon des Arts ménagers, 1936), meublée selon un budget de classe moyenne frappée par la crise, sa Maison de week-end segmentée par des cloisons coulissantes, ou son Refuge Bivouac en préfabriqué, niché sur le col savoyard du Mont-Joly. « L’architecture est fonctionnelle par définition, sinon, qu’est-ce que c’est ? De la saloperie ! » lui rabâche Corbu. 1937 Après dix années de fusionnelle et conflictuelle collaboration, elle claque la porte du prieuré de la discipline. « J’aurais dû savoir qu’entrer dans l’atelier au 35, rue de Sèvres c’était


De retour sur sa terre natale dévastée, sa fille et un nouveau mari en bandoulière, elle part se ressourcer en Savoie, pourvoir à l’aménagement de la nouvelle station de ski de Méribel-les-Allues. Quelques années plus tard, irrémédiablement, ses pas la reconduisent au 35, rue de Sèvres… Sommée par Corbu de participer, en « free-lance », à l’équipement intérieur de la cellule type de la « Maison radieuse », caractérisée par une nouvelle manière d’habiter en collectivité, elle perfectionne son concept de « cuisine-bar » intégrée tandis qu’elle brevette des WC suspendus, normalise le plus petit élément de rangement : le tiroir, devient membre fondateur du mouvement Formes Utiles, et réalise, en collaboration avec les ateliers Jean Prouvé, de nombreux programmes d’équipements collectifs (des chambres d’étudiants de la Cité universitaire de Paris et la Maison de la Tunisie). « L’harmonie de l’habitat ne peut être résolue indépendamment de l’architecture et de l’urbanisme… Non seulement l’habitat doit réaliser les données matérielles, mais créer les conditions de l’équilibre humain et de la libération de l’esprit. » 1962 Entre deux jeux-concours pour le futur complexe des Ménuires et pour la résidence de l’ambassadeur du Japon à Paris, la citoyenne du monde prend un bain de jouvence à Rio de Janeiro, où son mari, délégué général d’Air France pour l’Amérique latine, a élu domicile. Ici, ses créations puristes, comme les sièges et tables empilables conçus lors de son dernier séjour au pays du Soleil Levant, ne conviennent pas à l’exotisme

1968 Face à la démocratisation des sports d’hiver de M. Tout-le-monde, et par amour invétéré pour la montagne, la militante écolo est appelée en renfort pour l’élaboration d’une « usine à skis intégrée » en Haute-Tarentaise, la station de ski des Arcs 1600 et 1800. Fidèle à ses idées yin & yang, l’architecte-urbaniste-décoratrice idéalise une station sans voiture, insère harmonieusement le complexe sous le manteau neigeux, privilégie le rapport architecture intérieure/ extérieure, normalise des cellules types d’habitation modulable de 16 à 55 m2, coulisse des salles de bains en polyester préfabriquées… Une odyssée de vingt années de construction marquant l’aboutissement de plusieurs décennies de recherches sur l’habitat collectif et l’aménagement d’intérieur. « L’architecture qui en résultait me laissait parfois sur ma faim. Peut-être n’ai-je pas assez lutté pour qu’aux Arcs elle fût exemplaire…” 1985 Le maître Corbu avait remplacé les mots « art décoratif » par « équipement de l’habitation », l’élève Perriand les remplace par « art d’habiter » – titre de son exposition au musée des Arts décoratifs –, puis par « art de vivre », titre de son livre autobiographique. 1999 Sacrée « Doctor honoris causa » par le Royal College of Art, décorée de la légion d’honneur, Charlotte Perriand part à jamais « méditer et rêver à un nouvel âge d’or tant attendu, tant espéré, bruissant du “dialogue des cultures” épanouies dans leur diversité et dans leur universalité ».

Charlotte Perriand, Une vie de création, Éd. Odile Jacob, 1998. Revue Technique et architecture, no 9-10, août 1950 (numéro spécial sur l’équipement intérieur de l’habitation).

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1946

luxuriant de sa nouvelle terre d’adoption. Inspirée par les techniques vernaculaires brésiliennes, elle conçoit un mobilier « exotique » spécifique, substituant à ses matériaux de prédilection – le sapin et l’aluminium – le cannage (panneaux de jonc tressés) et le jacaranda (bois tendre local). « Il y a des lieux, des matériaux, des techniques, des coutumes, des conditions de production, de diffusion, pour s’affirmer différemment. »

Par Marlène Van de Casteele

comme franchir la porte d’un couvent – en respecter les règles et s’y plier. » Invitée, en 1940, par le gouvernement japonais pour orienter la production d’art industriel et l’adapter aux usages occidentaux, elle fuit son pays en pleine débâcle militaire pour s’exiler « au bout du monde ». Bien que totalement dépaysée, elle rencontre une pensée exaltée par la religion du vide – le théisme – et une architecture ancestrale conforme aux préceptes corbuséens de cohésion et d’harmonie. Conférencière, enseignante, commissaire d’exposition, imprégnée de la philosophie et de l’art de vivre japonais, elle fait l’expérience du « tout bambou » – allant jusqu’à transposer sa chaise longue et son fauteuil pliable en bambou –, avant de s’investir dans le développement de la production artisanale indochinoise, suite à l’entrée du Japon dans le conflit mondial.


Chrysler, le Pentastar n’est plus au firmament

LOGO Le déclin de l’empire automobile américain a été analysé, décortiqué et débattu sous beaucoup d’angles, et presque tous les responsables ont été blâmés pour la débâcle d’une industrie qui était jadis la fierté de la nation. Une liste non exhaustive comprendrait : les banquiers et leurs manigances…

…les ingénieurs et leur retard technologique, les industriels et leur inertie, les ouvriers et leurs syndicats, les Américains eux-mêmes et leur manque de discernement en matière automobile, les Mexicains et leur sombreros, etc. Aujourd’hui, on est tenté d’ajouter un coupable à cette liste de mécréants : le graphiste.

pentagone et d’une étoile, le symbole est unique, purement géométrique et lisible dans n’importe quel sens, déclinable à loisir (l’immense fenêtre du dernier étage des quartiers généraux de la marque est en forme de Pentastar), et possède même un nom (« pentagon + star = Pentastar »), qui est devenu avec les années synonyme de la marque.

Chrysler est l’un des « Big Three » de Detroit. Moins légendaire que Ford, moins gigantesque et tentaculaire que GM, la marque a néanmoins joué un rôle primordial dans la culture américaine depuis sa création par Walter P. Chrysler en 1925. Que ce soit via l’une de ses filières satellites, Jeep et Dodge, via sa légendaire division Mopar, qui a fait rêver des générations de fans de dragsters et autres véhicules bruyants, ou via son building new-yorkais, qui fut longtemps le plus haut du monde, Chrysler fait autant partie de l’imaginaire collectif du pays que le fermier en salopette ou la veste rouge de Sarah Palin.

Avec le rachat teuton de 1998, Chrysler effectue un retour en arrière surprenant – peut-être initié par les responsables de Mercedes craignant la concurrence d’une deuxième étoile –, et remet au goût du jour le sceau et ses rubans, l’intégrant pour bonne mesure dans une sorte d’aile chromée. Si l’utilisation d’un symbole ancestral est louable, la perte d’identité est spectaculaire. Impossible de reconnaître la marque à plus de cinq mètres, impossible de reproduire le logo en noir et blanc ou en relief.

Mais les dernières décennies n’ont pas été tendres avec la marque. Racheté en 1998 par Daimler-Benz et remanié à la germanique, Chrysler n’a pas réussi à stimuler le succès de sa marque mère Mercedes, et a souffert plus encore lors de la récente crise financière – jusqu’à la banqueroute en 2009. C’est donc avec curiosité que l’industrie automobile – et le monde – a observé le rapprochement entre Chrysler au plus bas de sa forme et une marque italienne tout juste sortie de sa torpeur des années 90 : Fiat. Les flamboyants Italiens (je parle en connaissance de cause, ayant maintes fois complimenté Giovanni Perosino, directeur marketing de Fiat, pour ses costumes à rayures espacées) ont donc établi un accord commercial avec Chrysler en 2009, et annoncé un partenariat destiné à apporter l’expertise transalpine en matière de petites autos au pays du pick-up surdimensionné. Et ce qui devait arriver arriva : pour signifier le changement et l’avancée vers un nouveau futur radieux et profitable, Chrysler a dévoilé un nouveau logo. L’identité de la marque n’a jamais eu la force ni la stabilité de l’ovale bleu de Ford, des anneaux d’Audi ou de l’étoile de Mercedes. Ayant débuté avec un sceau et des rubans décoratifs, le constructeur s’est cherché un symbole fort pendant ses premières trente années, mais c’est en 1962 qu’une vraie forme naît. Dessiné par une vraie personne (et non pas un collectif marketing), Robert Stanley, le « Pentastar » est un pur coup de génie. Mélange d’un

Il faut un autre rachat, en 2007 par le groupe Cerberus, et le départ de Daimler, pour que le Pentastar revienne, agrémenté d’une typographie atroce au passage. Mais, au moins, la forme reste la même, n’a pas fondu à la chaleur du Macintosh comme beaucoup de ses contemporaines, et semble être là pour longtemps. Hélàs, une fois de plus, l’instabilité industrielle de la marque a eu raison de sa force visuelle et, lorsque Fiat et Chrysler ont révélé leur nouveau sigle, le monde automobile ne s’est pas exactement extasié. Le retour des ailes chromées – qui étaient déjà le lien le plus faible avec l’histoire des logos Chrysler – s’accompagne cette fois d’une typographie quasi illisible, minuscule, inscrite dans un cartouche bleuâtre et brillant. Impossible de lire le logo à plus d’un mètre cette fois-ci, et bien sur impossible de le décliner autrement qu’en quadrichromie. Et pour ce qui est du caractère unique et exclusif de la forme, il suffit de regarder les logos Aston Martin, Morgan, Mini et Bentley pour comprendre que Chrysler n’est pas prêt de réincarner l’un des « Big Three ».


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1998

Par Yorgo Tloupas

Avec le rachat teuton de 1998, Chrysler effectue un retour en arrière surprenant – peut-être initié par les responsables de Mercedes craignant la concurrence d’une deuxième étoile –, et remet au goût du jour le sceau et ses rubans, l’intégrant dans une sorte d’aile chromée […]

2007

2009


Design, entre fétiche et fonction

OFF RECORD Comment le rôle du designer se réévalue dans un monde occidental suréquipé ? Si la possession fait place au partage d’objets, à quoi ressembleront-ils ? Enfin, que penser de la multitude de déchets que l’industrie produit ? Voici quelques interrogations auxquelles notre interlocuteur répondra, à visage couvert.

Maintenant que, dans nos sociétés industrielles, on croule sous les objets, qu’achète-t-on en réalité quand on acquiert une chaise, un tirebouchon ou un vélo ? Il y a une chose importante, surtout pour le tire-bouchon : il faut que ça marche. La dimension d’usage est primordiale et plus on verse dans une certaine pratique, plus la précision de notre demande sera grande. Si vous écrivez ou dessinez, vous savez que tous les crayons, stylos ou feutres ne font pas les mêmes traits et donc ne permettent pas la même expression ou le même rendu. […] Ce qui est intéressant d’observer, c’est que quand des aspects sont techniquement bien résolus, cela participe aussi pleinement d’une esthétique. Les Grecs employaient le mot « technè » pour signifier à la fois la production artisanale des objets d’usage courant et les beaux-arts. Maintenant, pour ce qui est du « pourquoi les gens achètent », je crois que cela relève d’une sensibilité partagée avec les designers et que ces derniers ne se posent pas cette question – contrairement aux éditeurs. Revenons aux vélos : l’idée intéressante de Vélib’ – puisque ce n’est pas son design –, ne serait-ce pas la location, c’est-à-dire le détachement qu’il propose dans notre rapport à l’objet ? Absolument, et ça marche très bien de ce point de vue. Mais au-delà de ce détachement, ça propose un autre rapport à la ville, on perçoit les choses différemment : la topographie, mais aussi le froid ou le chaud, donc ça produit une autre expérience, et si on ajoute la dimension écologique, alors là… Cela dit, la manière dont les gens se sont appropriés le Vélib’ à ses débuts était particulièrement insupportable. On avait l’impression qu’en plein Paris tout le monde se croyait à l’île de Ré, que c’était un droit d’être à vélo et donc de ne pas faire attention aux bus, aux autres vélos ou aux piétons. Or, ce qui est intéressant dans le fait d’être à vélo ou de circuler en ville, c’est justement le fait d’être au milieu de plein d’autres choses. Mais la démocratisation d’une pratique ne passe-t-elle pas par ce type de comportement, irritant ou déplacé ? Sans doute, mais cela ne laisse pas de m’irriter. De même que la surfréquentation des musées m’est insupportable. J’ai beaucoup de mal à visiter une exposition au milieu d’une foule, qui plus est avec la présence d’enfants qui braillent. Je peux être indulgent en pensant qu’on a tous été enfant, et que c’est une bonne chose que de se confronter à l’art quand


Que signifie « qualité » aujourd’hui pour un objet ? Solidité, style indémodable, écologiquement correct, signe d’appartenance ? Je pense qu’il n’y a pas qu’une qualité d’objet. Il y a des qualités objectives, tangibles, et d’autres subjectives, qui dépendent même parfois de l’humeur de celui qui utilise l’objet. Pour moi, c’est la qualité esthétique de l’objet qui transcende toutes les autres. Pour un designer, est-ce dévalorisant ou ludique de dessiner un produit jetable ? C’est difficile de parler au nom de tous les designers, puisqu’on sait qu’ils ont tous la sensation d’être uniques, et qu’il n’y a pas une pratique du design mais plusieurs, et parfois même très différentes. Mais ce qui les relie tous, c’est la dimension de projet. En Italie, on emploie peu le terme « designer », et on lui préfère celui de « progettista » : quelqu’un qui développe un projet. Le mot design a une origine anglo-saxonne et est davantage relié à un métier, alors que « progettista » a à voir avec l’intention. Envisager la pratique du design sous cet angle me semble plus intéressant, car il s’inscrit moins dans une performance que dans une idée.

À l’horizon 2050, la moitié de la population sera urbaine, et probablement dans un espace réduit. Quelles conséquences cela induit-il sur les biens qu’on pourra posséder et la dématérialisation ? Si le rapport aux objets va changer, ce sera peut-être sur le mode posséder ou emprunter. Car pour ce qui est de la dématérialisation, j’observe qu’elle concerne finalement peu de biens : la musique, avec les disques, CD, etc., les machines pour la jouer, et l’écrit domestique, qui existe sous forme de fichier numérique et non plus de papier imprimé. Mais la grande famille des objets n’a pas été affectée par la dématérialisation : marteau, casserole, cintre, armoire… Et on oublie aussi que, parallèlement à la dématérialisation de certains objets, d’autres sont apparus : ordinateurs, consoles de jeu, téléphones portables… donc je pense que ça s’équilibre. Le vrai changement réside dans la miniaturisation et l’ergonomie, car pour le reste, on aura toujours ce besoin de se confronter aux objets, à la matérialité du monde construit. Je reviens sur cette question de posséder ou d’emprunter : quels objets seront concernés et quelles conséquences pour celui qui les conçoit ? Pour l’automobile, il y a des débuts d’expérience, les gens commencent à se faire à l’idée et ça me semble irrémédiable à moyen terme. Pour ce qui est du design de l’objet, ça emmènera peut-être vers quelque chose de plus basique, d’archétypal, une caisse sur quatre roues qui permet de se déplacer. Peut-on dire que cette démarche s’inscrirait dans la poursuite du Bauhaus, et privilégierait la fonction pour le plus grand nombre ? Pour ce qui est du Bauhaus, c’est resté à l’état de projet, de laboratoire, de modèle théorique de la modernité ; c’est l’école d’Ulm qui a vraiment fait accéder les idées à la réalité. Pour une voiture archétypale, il y aura probablement de ça, avec sans doute la dimension « héroïque » en moins.

[…] Aujourd’hui, les designers vendent des idées et des signes ; les objets sont davantage des prétextes pour transmettre autre chose que l’objet lui-même.

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on est enfant, mais je pense que quelque chose a été manqué dans cette volonté d’ouvrir la culture au plus grand nombre. Si la démocratisation est au prix d’une relation aux œuvres qui relève de la consommation, alors je n’en comprends pas le sens. Cela pose la question de la culture comme divertissement plutôt que comme facteur d’émancipation, de dépassement de soi. Au musée, je veux pouvoir contempler des choses, réfléchir et accéder à un autre niveau de pensée que celui du shopping. Si on ne va pas au musée pour se confronter à plus grand que soi, à quelque chose que l’on ne comprend pas forcément d’emblée, alors mieux vaut aller faire un tour au Luna Park, là, au moins, on est au centre et il n’y a aucune ambiguïté. […] Aujourd’hui, le majeur sens de l’art est dans sa diffusion et tout le monde s’y retrouve : institutions, galeries, artistes, médias, public… La multiplication et la médiatisation des foires d’art contemporain est intéressante de ce point de vue : ce n’est pas tant pour étendre un marché que pour créer un événement.


Design, entre fétiche et fonction

OFF RECORD

Ce qu’on essaye de définir comme un objet usuel et non gadget, libéré de la fétichisation qu’il provoque, n’existe-t-il pas déjà avec le low cost ? Je pense à la Renault Logan, qui recycle des pièces éprouvées dans un design daté. C’est d’ailleurs une voiture qui a beaucoup de succès, au-delà de ce que l’industrie imaginait. Ce qu’elle pensait comme une demande a minima, une voiture par défaut, se trouve être ce que beaucoup de gens attendent d’une voiture : un système simple et éprouvé. Cela dit, c’est du point de vue du design que la voiture pèche : qu’elle soit belle ou moche n’est pas tant le problème, mais elle n’est pas « juste ». La Logan aurait pu être l’occasion de mettre en place un design qui arrive à exprimer exactement ce qu’est cet objet : la voiture basique. Or, sa forme ne cherche pas à traduire cette dimension et évacue la question du sens. […] Pour faire un peu d’histoire, la première Fiat Panda raconte exactement ce qu’elle est : il y a une grande cohérence entre son design et son statut de voiture pratique, économique, sans fausse sophistication, jusqu’aux videpoches, qui étaient un tissu tendu de part et d’autre du tableau de bord ; on est à l’opposé du faux cuir et du simili ronce de noyer. Mais dans la mesure où la fonction des objets est majoritairement remplie, la plus-value ne réside-t-elle plus uniquement dans un design, relevant du coup davantage du décoratif que du sens ? L’enjeu du design dans l’industrie est effectivement devenu majoritairement celui de la diversification des produits : on n’est plus sur du sens, mais on cherche à provoquer de la fétichisation chez l’acheteur. Le projet est de continuer de maintenir les gens dans le cercle de la consommation, y compris ceux qui ont de plus en plus de mal à s’y maintenir. L’écologiquement correct est-il une nouvelle stratégie pour déculpabiliser la consommation qui est aujourd’hui devenue sale ? Même si on est conscient des urgences en la matière, l’écologie est aussi en train de devenir le nouvel argument marketing. On suscite un minimum de conscience mais pas au point de ne pas consommer et de remettre vraiment en question nos propres comportements. Et surtout en évacuant la question « consommer comme ça, c’est mieux pour moi ou pour les autres ? » […] Je pense qu’aujourd’hui, la conscience écologique dans notre

rapport à la consommation n’en est qu’à ses balbutiements – même si une conscience est en train de naître. Tout comme la conscience des problèmes posés par le low cost et la recherche à tout prix des bas prix. À quelles conditions ? sur le dos de qui ? Pour ce qui concerne l’écologie, il y a fort à parier que c’est lorsque nous serons vraiment face à la catastrophe que des changements profonds s’opéreront. Là, les mesures à prendre devront être beaucoup plus drastiques, peut-être même de façon totalitaire, comme l’interdiction absolue de certains comportements. Des musées doivent-ils conserver ce que le design produit, ou bien ne faudrait-il pas chercher à garder ce que la vie quotidienne détruit ? Il y avait, à Paris, le musée des Arts et traditions populaires, un très beau lieu qui a fermé et dont les collections vont déménager à Marseille. L’idée du lieu était de conserver les objets, du monde paysan jusqu’à aujourd’hui. Ça permettait de comprendre ce qu’était la civilisation paysanne à travers la variété de ses objets, la manière dont ils étaient produits, etc. Là, c’était davantage la dimension anthropologique des objets qui était mise en avant plutôt que des considérations purement esthétiques. J’ai eu la chance de le visiter après sa fermeture, au moment de l’inventaire des pièces, et j’ai découvert qu’il recelait des objets qui appartiennent au monde contemporain : par exemple tout ce qui avait à voir avec la rue, y compris le skate ou encore les récipients pour l’eau, bouteilles, brocs, carafes… Ce qui était frappant devant cette accumulation, c’est à quel point ces objets industriels, qui avaient été utilisés, étaient en réalité des déchets. Qu’en déduisez-vous ? Que le monde industriel, dont on pense qu’il s’était fixé comme tâche de créer des objets, a en réalité programmé leur obsolescence ; il ne crée que des objets voués à disparaître, au mieux à être recyclés, mais très rarement pour durer. Si on revient aux outils ou objets des paysans, on constate un choix de matériaux qui supportaient le vieillissement, des objets qui pouvaient être réparés et avaient finalement des cycles de vie plus longs. Ce qui n’existe plus : c’est neuf, puis utilisé et jeté. Au point que le « vieux », devenu vintage ou néo, est même redevenu à la mode. […] L’objet industriel a quelque chose de terrifiant : il est magnifique quand il vient d’être produit, aussi dans sa froide abstraction ; c’est une machine qui le crée, il peut être d’une précision implacable, il n’y a plus d’humain visible,


mais dès que ça commence à exister, que ça entame son cycle de vie, on entrevoit déjà son devenir déchet. Et tout cela est réfléchi, pensé, programmé ; l’industrie doit sans cesse inventer sa propre survie.

Le cycle ultra rapide d’obsolescence des objets que vous décriviez s’accompagne aussi de l’inflation du nombre de designers. Quel avenir prédisez-vous aux nombreux futurs diplômés des écoles de design ? Un avenir radieux ou orageux ? Si le modèle qu’on vend dans ces écoles est celui du designer star façon Starck ou Newson, cela produira beaucoup de déception et de frustration. Mais on peut s’inventer ses propres pratiques : micro ou autoproduction, collectifs de designers ou encore collaboration avec la petite entreprise locale… C’est une formation qui normalement invite à inventer des formes et des procédures, y compris pour sa propre vie professionnelle. […] Peut-être même que demain, chez le commerçant du coin, un designer viendra un jour par semaine pour repenser les dispositifs de présentation des objets ! Au fond, c’est aux designers de faire ce qu’est le design et non au design de faire ce que sont les designers !

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C’est effectivement une lecture possible ; la signature d’un objet est aujourd’hui devenue un enjeu essentiel. Mais, au-delà de la signature même de l’auteur, il existe aujourd’hui une signature peut-être encore plus forte, qui est celle de l’objet « design » ; on parle même de « style design ». On programme un peu partout l’ouverture de « musées du design », dans lesquels on met le plus souvent en avant la notion d’auteur, les noms des designers, sur le modèle du musée des Beaux-Arts. Le musée des Arts décoratifs à Paris, qui conserve des objets qui ont une signature, en est un exemple et s’inscrit dans une certaine continuité : maintenir cette idée d’auteur. Certains objets ont aussi une valeur pour ça, ils revendiquent une histoire qui est plus complexe que la stricte dimension de la valeur d’usage de l’objet qui a peutêtre à voir avec la pensée, avec l’esthétique, avec le symbolique. […] Aujourd’hui, les designers vendent des idées et des signes ; les objets sont davantage des prétextes pour transmettre autre chose que l’objet lui-même.

Propos recueillis par Angelo Cirimele

Pourrait-on dire que, après les objets pérennes des paysans et les objets jetables des années 60 à aujourd’hui, c’est un troisième temps qui se dessine : celui des auteurs ?

L’objet industriel a quelque chose de terrifiant : il est magnifique quand il vient d’être produit […] mais dès que ça commence à exister, on entrevoit déjà son devenir déchet. Et tout cela est réfléchi, pensé, programmé ; l’industrie doit sans cesse inventer sa propre survie.


LE BLANC








www.sebastienbonin.com

Photographie : Sébastien Bonin Make-up : Miaou Stylisme : Jennifer Defays


Au début des années 70, vous étiez documentaliste, pas encore commissaire d’exposition. Comment avezvous franchi le pas ?

Marie-Laure Bernadac

COMMISSARIAT Marie-Laure Bernadac est l’une des grandes figures de l’art contemporain en France depuis les années 70. Du Centre Pompidou au CAPC de Bordeaux, en passant par le musée Picasso de Paris, elle a travaillé pour les plus fameuses institutions avant de développer aujourd’hui la programmation art contemporain du musée du Louvre. Récemment, on lui doit la rétrospective Louise Bourgeois à Pompidou et l’exposition au Grand Palais « Picasso et les maîtres ».

Elle revient avec nous sur ses engagements, son amour de la littérature, et sur la malheureuse polémique qui frappe aujourd’hui une de ses expositions les plus importantes, « Présumés innocents ». Portrait d’un esprit sans concession, toujours en quête de nouvelles aventures.

J’ai commencé à travailler au Cnac (Centre national d’art et de culture), rue Berryer, en participant à l’organisation d’une exposition consacrée au poète russe Maïakovski, en 1974. Elle abordait aussi bien la littérature que la politique, avec beaucoup de documents, tout Rodtchenko, mais aussi le théâtre. D’après des documents photographiques, nous avions complètement reconstitué l’exposition qu’il avait organisée en 1930, peu avant son suicide, avec ses vitrines bizarres. Le catalogue lui-même était un vrai objet constructiviste, réalisé par le graphiste Roman Cieslewicz. Je n’étais encore que documentaliste, mais cette première exposition a été très émouvante, une exploration de l’inconnu. J’ai à cette occasion rencontré Lili Brik, la veuve de Maïakovski et la sœur d’Elsa Triolet, j’étais très touchée. Vous avez depuis toujours une passion pour l’art russe. Quelle en est l’origine ? J’avais même fait un an de russe pour déchiffrer les documents d’époque ! Cela vient bien sûr de l’influence de Mai 68 et du climat de l’époque. J’ai fait toutes mes études sur l’avant-garde russe. Il est facile d’imaginer qu’en 1974 les autorités russes ne vous ont guère facilité le travail, étant donné leur mépris pour les avant-gardes des années 20 et 30. Effectivement, nous avons rencontré beaucoup de difficultés, mais le travail a été un peu facilité par l’association France-URSS. Maïakovski était alors à la fois un chantre officiel et une figure très controversée, sur laquelle reposait un interdit presque total. Mais comme il appartenait au monde de la littérature, les autorités se sont montrées plus souples que s’il s’agissait d’art plastique. En revanche, ils voulaient à tout prix éviter qu’on évoque son suicide.


Vous avez ensuite participé aux premières aventures du Centre Pompidou, en travaillant sur l’exposition culte « Paris-Berlin » en 1977. Comment avez-vous vécu cette expérience ? Le directeur du Centre, Pontus-Hulten, voulait en fait au début faire une exposition Paris-Berlin-Moscou, et il a fait appel à moi en tant que documentaliste spécialiste de l’Europe de l’Est. Comme les Soviétiques ont refusé de travailler avec nous et Berlin, nous avons donc d’abord réalisé « Paris-Berlin », puis « Paris-Moscou ». À cette occasion, j’ai travaillé avec Werner Spies et JeanHubert Martin, et je me suis surtout occupée du catalogue, également réalisé avec Cieslewicz, et de tout ce qui était lié au théâtre. Cette exploration d’une vision globale d’une société m’a beaucoup inspirée dans mon goût pour les expositions historiques, qui travaillent sur le contexte. Cette exposition, et celles qui lui ont succédé, « Paris-Moscou » et « Paris-New York », sont rapidement devenues mythiques. Aviez-vous alors conscience de la place qu’elles prendraient dans l’histoire du genre ? On ne se rendait pas compte que cela deviendrait culte, mais on travaillait dans une ambiance extraordinaire, et aussi dans l’urgence : l’exposition a été montée en six mois ! L’atmosphère était très collective, avec de passionnants collègues berlinois, avec qui je suis restée liée jusqu’à aujourd’hui. Et on s’amusait comme des fous. « ParisMoscou » a été formidable aussi, mais bien plus compliquée. Vous avez ensuite passé le concours de conservateur du patrimoine et vous avez quitté le Centre Pompidou. Pourtant, Pontus-Hulten ne cessait de me répéter que ce concours ne me servirait à rien et que j’allais désormais faire partie des ringards ! Mon premier poste a été la direction du tout nouveau musée Picasso. Un artiste qui n’était alors pas du tout de mon goût, mais c’était le seul poste qui s’offrait à moi. Et c’était passionnant de participer à la création d’un nouveau musée.

Pourtant, très vite, vous avez développé une vraie passion pour Picasso. Quel en a été le déclic ? J’exagère un peu quand je dis mon peu de goût pour lui, car je me souviens très bien d’une exposition que j’avais visitée avec mon père à 16 ans, en 1966, au Grand Palais : j’avais alors eu un véritable coup de foudre pour le cubisme. Je trouvais incroyables toutes ces facettes, et j’aimais même le cubisme des années 30. Ce qui m’insupportait, c’était le côté monstre sacré, que je trouvais complètement ringard. Mais je n’ai pas renâclé longtemps. J’ai notamment découvert grâce à lui l’univers de la tauromachie, autour de laquelle j’ai organisé l’exposition « Picasso y los toros ». Mais ce qui m’a définitivement séduite, c’est quand j’ai commencé à travailler à une exposition sur ses poésies et ses écrits. C’était tout à fait dans la lignée de mon intérêt de toujours pour la littérature. J’ai réalisé beaucoup de recherches à cette occasion, et j’ai adoré approfondir cet aspect méconnu du monstre sacré. Mon ultime exposition liée à ce musée, en 1987, a été consacrée au dernier Picasso, alors complètement méprisé. Mais pour moi elle a été très importante, car elle m’a permis de mieux comprendre le renouveau de la peinture contemporaine et le retour au figuratif. Que retenez-vous de ces années Picasso en termes de commissariat ? J’ai appris sur le tard qu’une exposition ce n’est pas seulement un savoir scientifique, c’est avant tout une mise en espace de ce savoir dans un lieu. En fait, je ne l’ai compris qu’en 1983, quand on m’a invitée à réaliser une exposition sur Picasso et la Méditerranée à la Villa Medicis, à Rome. Je voulais d’abord tout montrer, j’avais fait des listes énormes. Mais en découvrant l’espace difficile de la Villa, je me suis vue contrainte de faire des tris, et de créer un véritable parcours visuel. J’ai alors compris que tout est dit par l’accrochage, c’est lui qui fait l’exposition. Vous êtes ensuite retournée au Centre Pompidou, au cabinet des arts graphiques plus précisément. Qu’y avezvous appris ? Je suis revenue à de petits modèles d’expositions, souvent thématiques. Et c’est surtout à ce moment-là que j’ai pu réaliser mon grand projet personnel avec Bernard Marcadé, l’exposition « Masculin/Féminin », en 1995. Notre désir était de montrer des artistes femmes qui émergeaient, mais surtout d’évoquer les questions de genre, le queer, le sida…

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J’ai appris sur le tard qu’une exposition ce n’est pas seulement un savoir scientifique, c’est avant tout une mise en espace de ce savoir dans un lieu […]


Je trouve plutôt régressif de ne réaliser une exposition qu’avec des artistes femmes, même si le résultat est très intéressant. Il me semble qu’on a atteint un certain stade qui aurait dû permettre d’aller ailleurs : toutes les artistes disent qu’elles n’ont plus besoin de cela aujourd’hui. Pas sûr que cela serve ni aux artistes ni à l’histoire de l’art. Mais la France a toujours été en retard sur la question des gender studies. Même en 1995, nous étions déjà en retard. Je n’ai jamais voulu enfermer les artistes femmes dans cette catégorie, pour moi tout est question de féminin-masculin : Kapoor se considère comme très féminin, de même que Duchamp, voire Picasso. Cette bipolarité est constamment à l’œuvre, c’est ce que nous voulions démontrer en 1995, et qui nous semblait plus riche que de réunir des artistes femmes. Elisabeth Leibovici nous a alors reproché de faire une exposition hétéro. Nous avions pourtant cherché à démontrer que nous connaissions toutes les théories en cours autour de la question queer. Enfin, peut-être la nouvelle génération a-t-elle besoin de repenser à nouveau tout cela, même si nous avions l’impression de l’avoir déjà fait. Vous avez ensuite participé à l’aventure du CAPC de Bordeaux, dont Jean-Louis Froment avait fait un des hauts lieux de l’art contemporain européen. Étiez-vous déjà lasse de la grosse machine Pompidou ? Non, j’adorais mon poste, mais le Centre fermait pour deux ans. Je ne me voyais pas attendre et je comprenais mal ces travaux mirifiques qui ne nous faisaient même pas gagner d’espace d’exposition. Comme j’ai un côté aventurier, j’ai voulu relever le challenge de succéder à Froment. En outre, j’étais tentée par ce lieu magique, porté par des expositions mythiques. Et je travaillais dans une liberté totale. J’y ai réalisé de grandes monographies, d’Anish Kapoor, Louise Bourgeois avec ses grandes araignées, Jenny Holzer, Rebecca Horn… C’étaient mes premières grandes monographies.

Alors que vous n’aviez plus affaire qu’à un artiste, votre méthode de travail a-t-elle changé ? Dans le cas d’une monographie, tu es vraiment entre l’artiste et les contraintes, ton rôle consiste à le laisser le plus libre possible, au maximum l’aider à gérer ses limites. Dans ces cas-là, on est plus médiateur que créateur. C’est un dialogue, mais surtout beaucoup de gestion administrative et technique. Dans le cas des expositions thématiques, le travail est très différent : on instrumentalise les œuvres de manière beaucoup plus dirigiste, il faut le reconnaître, mais jamais à leur détriment. Il faut simplement qu’elles aient un sens dans le parcours autant que dans l’œuvre de l’artiste. Pour en revenir au cas particulier du CAPC, il est beaucoup plus facile d’envisager le lieu de façon spatiale avec un seul artiste, ce qui est plus difficile avec les expositions thématiques.

Marie-Laure Bernadac

COMMISSARIAT

Treize ans après, le Centre Pompidou s’inscrit dans votre sillage en réalisant à partir des œuvres de sa collection réalisées par des femmes l’exposition « Elles ». Considérez-vous cela comme une avancée ou comme un retour en arrière ?

Arrive alors l’épisode « Présumés innocents », qui fait jusqu’à aujourd’hui des vagues. Quand vous avez conçu l’exposition avec Stéphanie Moisdon, aviez-vous conscience qu’elle pourrait vous emmener jusqu’au procès ? Comme je l’ai dit, j’aime les sujets à caractère anthropologique, et j’avais commencé à travailler sur l’enfance avec « Masculin/Féminin ». Elle me semblait tout simplement un sujet brûlant d’actualité, lié à la création autant qu’aux sciences sociales. J’ai demandé à Stéphanie de travailler avec moi, car j’adore travailler en équipe, ce qui permet, quand cela se passe bien, d’enrichir une exposition de différents points de vue. Nous avons travaillé sur l’exposition avec beaucoup de passion, sans imaginer une seconde qu’il pourrait nous arriver d’être accusées de montrer des images pornographiques à des enfants. D’autant plus que nous nous étions nous-mêmes censurées – en écartant par exemple l’œuvre des frères Chapman, que nous n’aimions ni l’une ni l’autre. Il n’y avait rien de morbide ni de pornographique dans cette exposition ; il était hors de question pour nous de se retrouver avec des images d’enfants coupés en morceaux.

Oui, [l’autocensure] a gagné beaucoup de terrain. Quand on pense que la police est venue à la Tate Modern retirer l’image de Brooke Shield enfant ! Comme s’ils n’avaient pas des choses plus importantes à faire. C’est très significatif du retour de l’ordre moral […]


Quand aura lieu le procès ? Aucune date n’est fixée, il est pour l’instant repoussé pour vice de forme. En attendant, nombre de commissaires échaudés par cette histoire avouent pousser l’autocensure toujours plus loin. Oui, elle a depuis gagné beaucoup de terrain. Quand on pense que la police est venue à la Tate Modern retirer l’image de Brooke Shield enfant ! Comme s’ils n’avaient pas des choses plus importantes à faire. C’est très significatif du retour de l’ordre moral. Mais c’est un vrai combat, et il ne faut surtout pas lâcher sur ce terrain. On est dans une période en régression totale quant à tout ce que la psychanalyse nous a appris sur l’enfance. Aujourd’hui, on est dans l’époque de l’enfant roi/ enfant victime. Après avoir nié l’enfant, puis reconnu sa créativité grâce à Freud ou Dolto, on en arrive à ne plus oser le montrer nu, ou le toucher. À en faire un tabou, ce qui est très dangereux. Votre exposition est restée dans l’ombre de ce scandale alors qu’elle posait des questions essentielles. Tout enjeu intellectuel en a effectivement été effacé. Et la presse n’en a retenu que le scandale, sauf le quotidien La Croix. En insistant sur la non-venue d’Alain Juppé au vernissage, les médias ont donné l’alerte et suscité la curiosité de l’association La Mouette. Ensuite, cela a fait boule de neige. Heureusement, aujourd’hui, le maire de Bordeaux Alain Juppé nous soutient complètement.

C’est un exercice de style qui ne rime pas avec facilité. Avant mon arrivée, l’art contemporain avait très peu de place au Louvre, si ce n’est à la fin de grandes expositions thématiques. Mais cela se faisait sans concertation aucune avec les artistes. Avant de diriger le Louvre, Henri Loyrette avait déjà invité des artistes vivants à Orsay, il a donc souhaité tout naturellement poursuivre dans cette voie. Mais cela reste compliqué à tous les niveaux : il faut faire déplacer des œuvres, trouver un dialogue qui ait du sens, convaincre ses collègues conservateurs. Pendant un temps, je me suis amusée à trouver des affinités, des correspondances entre art ancien et contemporain, avec la série des « Contrepoints ». C’est un exercice que les artistes adorent. Parce qu’il leur permet d’entrer dans l’histoire de l’art d’un seul coup ? Bien sûr, il y a chez eux une certaine fierté, notamment chez Ming ou chez Jan Fabre. Mais c’est surtout qu’ils ne sont pas habitués à de telles invitations, qui leur permettent de renouer avec leur passion d’étudiants pour le musée et les obligent à créer différemment, avec peu de moyens. En général, c’est toujours eux qui choisissent leur lieu. Au début, c’était difficile. Aujourd’hui, c’est mieux considéré. Notamment parce que cela attire un autre public, plutôt jeune. Ce que j’aime, c’est que même dans l’équipe, chez les gardiens par exemple, ces interventions rendent les gens fous de joie. Quant aux conservateurs, ils demeurent peu intéressés par les enjeux intellectuels que cela pourrait soulever, mis à part Loyrette. Il est pourtant essentiel de montrer que le Louvre n’est pas un lieu fossile, mais offre un perpétuel renouvellement du regard contemporain.

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Nous l’avons vécue comme quelque chose de complètement irréel, une grande atteinte à la liberté, dont on espère qu’elle se terminera de manière positive. Il s’agit aujourd’hui de mener un combat pour que ces articles de loi soient supprimés. Sinon, on finira par éradiquer la moitié des images de l’histoire de l’art ! L’enjeu du procès consiste donc pour nous à tenter de mettre fin à cette hystérie sécuritaire. Car ces gens sont effrayants, ils ne lâcheront pas.

Viennent ensuite « Africa Remix », « Louise Bourgeois », « Picasso et les maîtres »… et bien sûr le Louvre, où vous avez pour charge de défendre la création contemporaine. Ce combat est-il difficile ?

Propos recueillis par Emmanuelle Lequeux

Comment avez-vous vécu votre mise en accusation, provoquée par une plainte de l’association de mouvance d’extrême-droite bordelaise La Mouette ?


Chaise Bofinger BA 1171, Helmut Bätzner, 1966.

Mobilier 60

INSPIRATION

Chariot à matériel à dessin, Joe Colombo, 1970.

Fauteuil Globe, Eero Aarnio, 1963.

Table basse, France, 1970.


Miroir Psyche, Legal Roger, 1970.

Fauteuil aluminium EA215, Ray et Charles Eames, fin 60.

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Illustrations par Florence TĂŠtier

Molar sofa, Wendell Castle, 1969.


2.

Encore raté. J’ai cent ans. Je suis percé de griefs, ça fuit de partout, amertume héritée, jamais content. Irrécupérable. Je ne parviens à traduire que mon aversion des choses, à griffer encore une face b dont les rayures finissent par composer des boucles insupportables. Le public est agacé, le lecteur s’ennuie, il sait désormais à quoi s’attendre, il prévient : si la position est prévisible, elle devient inévitable, et l’inévitable est imbécile. Mais l’actualité m’attrape, voyez vousmêmes : deux designers, Enzo Mari et Gabriele Pezzini, proposent une exposition nommée « Che Fare » « Que faire ». L’absence de point d’interrogation pourrait distinguer ce projet du Que faire ? de Lénine (1902), suivant lui-même le Que faire ? de Nicolaï Tchernychevsky (1863), héritier à son tour d’un plus ancien Quoi faire ? (Gracchus Babeuf, 1795). Paternité pesante. Un obèse assis à côté de vous en classe éco. Une vraie question insistante – Mari est coutumier du titre « Che fare », il omet de prévenir quiconque de ses propriétés. Ou peutêtre que tout le monde s’en cogne, juste une formule de plus. Mais au vu des impétrants, on aurait tort de se priver d’une interrogation.

3.

Design & Capital

DESIGN « C’est Montherlant, je crois, qui a dit que le bonheur s’écrit en blanc : il n’apparaît pas sur la page. Nous le savons tous. La lettre au timbre étranger qui nous parle de beau temps, de bonne nourriture et de logement confortable est bien moins amusante à lire ou à écrire que celle qui raconte des chalets pourris, la dysenterie et la pluie. » 1

Je me suis promis l’optimisme, mime du bonheur. J’ai voulu simuler l’extase et ne plus entendre « l’atroce clameur du monde », abandonner Benjamin Fondane à sa douleur splendide Se consacrer aux délices saisonniers du cadeau, songer au luxe, savoir les caresses. Jouer sur un air de fête la mélodie sans aigreur, pour voir.

À peu près personne n’a lu ces textes, et pas plus ne semblent se souvenir de leur existence même. Ce serait moins provocant, parce que banalement indécent, si le titre programmatique d’aujourd’hui émanait, par exemple, de l’un de ces fabricants de kitsch environnementaliste très réclamés (Lehanneur, Tricoire), embrassant une nouvelle doxa conformiste pour tenter de recomposer une éthique. Ici, ce serait du lourd, parce qu’annoncé par Enzo Mari – figure de designer et marxiste fidèle –, qui compte très peu d’entailles au contrat presque unique élaboré sur quarante années. Il est associé à Gabriele Pezzini, designer et directeur artistique pour Hermès. Oh oui, bien sûr, cette association aussi est intéressante – je tente de retrouver le cadeau, l’amour, le luxe, pourquoi pas ? – ou comment faire entrer le Capital dans un Kelly. « Que faire », décidément, en changeant d’intonation, en expirant. Y ajouter des points de suspension. Les bras tombant.


Alors, « il faut rêver, j’écris ces mots et tout à coup j’ai peur », propose Lénine, de manière un peu plus engageante – enfin, c’est selon. Et c’est peut-être de ce côté-là qu’il faudrait plutôt regarder. L’exposition est avant tout le lieu où se traduiraient un adoubement et une transmission. Regardez la photo noir/ blanc de l’invitation (pas de distraction) : le père Mari est assis. Barbe du vénérable, posture légèrement diagonale sur un siège brutaliste, sévérité amusée, sandales innocentes. Le fils Pezzini se tient debout, légèrement en retrait, jambes écartées (stabilité du gardien), bras croisés et regard droit (détermination). Une passation de pouvoir (celui du design ?), une succession (et s’il n’y avait que des dettes ?), la proposition de poursuivre un engagement (avoir les épaules larges). Étrange et touchant à la fois. Pezzini est une belle personnalité. Il donne le sentiment d’un caractère entier, mystérieusement épargné par les gènes de la servitude volontaire, encore habité d’une perspective qui ne dessine pas l’étalage en seul point de fuite. Certainement, il œuvre au vaste bûcher des

Le faux poulet, la fausse tomate, la fausse plage. La fausse chaise, la fausse lampe, la fausse voiture. Ce design spéculaire a des jours prospères devant lui. Chaque année en dessine les échos futurs, la cascade des influences mâchées en produits vendables. À force de se nourrir d’images, nul doute que l’on devienne transparent. Encore ? « S’il ne vous plaît pas de m’écouter, je me vois dans l’obligation de remettre la suite de mon récit à un temps où vous accepterez de l’entendre. J’espère que ce sera bientôt. » Un peu larmoyant, et puis vu la suite que Lénine a donnée à cette conclusion, nous éviterons. À propos de cette exposition qui ne montrera rien de nouveau, objets que pourtant nous ne connaissons pas toujours, Pezzini propose : « Ce sont des particules, des micro-cellules, mais c’est déjà le tout qu’elles contiennent. Comme une toute petite goutte de vin, ou d’eau, des embryons de design. » Modeste et sans pathos, mieux que moi.

4.

1.

London Fields, Martin Amis, Ed. Christian Bourgois, 1992.

2.

«B enjamin Fondane ». Exposition, Mémorial de la Shoah, jusqu’au 31 janvier 2010.

3.

« Che faré », Enzo Mari & Gabriele Pezzini. Galerie Alain Gutharc, du 9 janvier au 20 février 2010.

4.

Dernière phrase du Que faire ? de Nicolaï Tchernychevsky, Éd. des Syrtes, 2000.

La fausse chaise, la fausse lampe, la fausse voiture. Ce design spéculaire a des jours prospères devant lui. Chaque année en dessine les échos futurs, la cascade des influences mâchées en produits vendables. À force de se nourrir d’images, nul doute que l’on devienne transparent […] 57

vanités : la distance qui sépare l’hélicoptère Hermès de la critique sociale peut sembler incommensurable. Il pourrait pourtant se trouver que la belle entreprise de luxe traduise plus d’intégrité et de service que la multitude de ces sociétés concourant à entretenir le grand mensonge de l’abondance démocratique. De ces actives fourmi­lières délocalisées qui, à différents degrés, ne seront capables de vous délivrer la chose que lorsqu’elle sera entièrement vidée de force, de goût, de sens, muée en reflet lointain d’un modèle ancien dont d’ailleurs vous ignorez tout.

Par Pierre Doze

Pour la généalogie, Nicolaï Tchernychevsky tente dans son roman la réconciliation de trois éléments fondamentaux de l’orthodoxie communiste : la promesse de perfection de l’utopie, la violence rédemptrice et la sacralisation de la connaissance du mouvement historique. Lénine a été visiblement très amoureux de ce Nicolas-là (« il m’a labouré de fond en comble », dit-il, et ça, si ce n’est pas une déclaration…) et nomme tout pareil son texte de 1902. Dans ce dernier Que faire ?, il définit notamment cette « troisième période » de l’évolution de la social-démocratie russe, au moment où il écrit. « C’est la période de dispersion, de désagrégation, de flottement. Il arrive que, chez des adolescents, la voix mue. Eh bien, la voix de la social-démocratie russe de cette période commençait à muer, à sonner faux (...) » Le design, toutes proportions gardées, pourrait bien se trouver dans le cadre de cette troisième période, dans cette époque transitoire qui semble ne finir jamais, vague et indécise, pleine de malentendus. Des feux follets s’échappent du marais, de temps à autres. Mais sa voix devrait-elle pour autant sonner faux, autoriser autant d’impostures ? À la question « que faire ? » vis-à-vis de cette troisième période, Lénine répond comme Lénine doit répondre : « La liquider. » On se doute qu’un appel à la violence révolutionnaire résonnerait étrangement aujourd’hui s’il trouvait son origine dans une galerie parisienne.


POP CASTLE









Photographie : Sarah Eechaut Thanks to :Remie, Kenneth, Dirk (designandthecity@hotmail.com - varingstraat 23, 9090 Melle, Gent) www.saraheechaut.be



Foc

RENCONTRE Quelques jours plus tôt, dans l’espace qu’inaugurait Maria Luisa au Printemps, nous avions pris rendez-vous avec lui pour déjeuner au Wepler. Foc Kan, photographe pour Voici, avait été clair : il fallait que le couvert soit bien dressé si l’on voulait qu’il se mette à table. Angelo se joindrait à nous, paierait la note de frais et relancerait la conversation. J’espérais bien que ce serait l’occasion de révéler que l’éditeur de Magazine est presque un criminel, comme le suggère son nom de famille : un ancien paparazzi de l’école de Capri.

Il faut sérieusement tendre l’oreille pour comprendre ce que raconte Foc, photographe chinois des soirées parisiennes. Enfin, Chinois comme toi et moi : immigré du Vietnam à Paris à l’âge de 5 ans, au moment de Dien Bien Phu, il y a cinquante-cinq ans. Ce n’est donc pas son accent (« je n’ai jamais appris un mot de pékinois ») mais son élocution paresseuse et sa bouche pleine qui rendent ses propos parfois mystérieux. Ou très clairs : « Le Bal Jaune, c’est une belle bande de salauds quand même, parce que Ricard a du pognon, et moi je mange avec le personnel en sous-sol, avec une bouteille d’eau et une bouteille de Coca. Alors que les rédacteurs du journal et leurs bobonnes sont bien placés à table avec les grands et les puissants. J’ai gueulé et on est allé me chercher une bouteille de rouge, un vin australien. Je suis journaliste, putain, j’ai une carte de presse, je suis pas larbin. » Foc fait des études de philosophie et de littérature américaine à Paris-VIII quand la fac doit être rasée. Après une très courte carrière de « gratte papier » – « un gars à qui j’avais dit que je cherchais des vieux papiers dans les couloirs du CNRS a écrit que j’étais chercheur, j’ai laissé faire » –, il reprend ses études avec Deleuze. Pour empocher sa bourse de doctorat, Foc n’écrit que le titre de sa thèse : La prise de c… et le phénomène de pouvoir. Il précise entre deux lampées d’huitre : « On m’a demandé de remplir les points de suspension ; j’ai mis “courant” et le père Deleuze m’a traité de social clown. » Puis Foc se met à dessiner dans la marge. Il a très envie de se frotter au cinéma et commence par faire des bandes dessinées comme des storyboards. « Je fais huit pages de pastiche sur Corto Maltese, Hugo Pratt veut me coller un procès. Un jour, je le vois, il dessinait des mouettes sur les bouquins pour ses admirateurs, et je lui dis : “Alors, Monsieur Pratt, on attaque les petits dessinateurs ?” et il me dit : “Faites ce que vous voulez”. Je les ai publiées chez Pilot. C ’était Corniau Balèze, avanies en Nanazonie, avec des nanas qui kidnappent des mecs pour piquer leur sperme… Beaucoup de cul, pas d’érection et rien d’obscène, mais c’était dans le texte, tu vois. » On voit, oui. Et puis on lui demande comment Deleuze et Corto Maltese ont fait de Foc LE photographe des soirées à Paris, spotté dès la fin du Palace de Fabrice Emaer par les copines festives, en planque à terrain découvert sur les tapis rouges de Cannes depuis 87, engagé par les marques pour couvrir les fêtes à gift bags, aperçu donnant la réplique à Lambert Wilson et


Mais la loi Evin et quelques stratégies de communication importées d’outreAtlantique chamboulent son rêve de cinéphile. Trois postillons sont projetés sur mon pull par un Foc contrarié par la tournure que prend son métier de photographe : « Maintenant, dans les photocall, t’es à 5 mètres, t’as un cordon et si tu t’avances tu te fais engueuler, donc pas de profondeur de champ, t’es obligé de fermer à mort, t’as pas le verre, t’as rien… Il reste le Bal Jaune, où après le repas tu peux encore shooter à bout portant. » « Quand j’ai commencé la photo, le Leica c’était trop cher, j’ai donc commencé avec le 24 mm grand angle de Nikon, en shootant les gens dans la rue, à l’instinctive, l’appareil coincé à la hanche, les yeux en l’air. Dans le lot, t’avais un tiers de bon. » Foc est inspiré par « Weegee, le père des paparazzi, réfugié de Hongrie à Brooklyn. Il avait acheté un âne pour shooter les enfants dessus, puis il s’était mis à faire toute la vie de quartier : les suicides, les crimes, les travestis, des amoureux qui se bécotent à l’infrarouge sur la plage ou au cinéma. Il dormait branché sur la radio des flics, le premier arrivé sur toutes les scènes, et il allait faire les interviews des gangsters blessés à l’hôpital, déguisé en infirmier ». Foc se met lui aussi à « faire des SDF », du pur voyeurisme, de son propre aveu : « À la limite, en noir et blanc c’est du reportage social, mais je shootais carrément les mecs dans la rue au flash,

Sur la censure, Foc ne se prend pas trop la tête : « Qui oserait publier les photos de X se faisant sauter par Y à Versailles ?! T’as immédiatement un contrôle fiscal… » Il fait son métier (« les plans poitrine ou en pied pour voir comment elle est fringuée »), se bat avec le sourire contre les mecs sans scrupules qui lui raflent le marché des Janet Jackson et Rihanna chez Jean Roch, passe parfois ses nuits à chercher sur Internet la gueule de jumeaux rugbymen, publie les auréoles de Laetitia Casta en pull gris quand elle refuse qu’il la prenne au Nikon (« parce que son contrat avec la marque ne spécifie pas ce modèle »), ne rentre jamais assez tôt pour voir sa copine styliste et n’envisage pas de prendre sa retraite un jour. Il voudrait juste réaliser un film, et qu’on arrête de lui proposer d’être photographe de plateau. Adriano Paparazzo, le photographe qui ne lâche pas Mastroianni dans la Dolce Vita, a baptisé un métier dans la fontaine de Trevi. Antonello Zappadu est son héritier, qui fait trembler Berlusconi et son ami Topolanek, Premier ministre tchèque aperçu la verge au vent dans les jardins du président italien. Foc, lui, n’a pas fini de shooter à bout portant la vie semi-privée et total-mondaine des célébrités à Paris. En fredonnant Lady Gaga et en rêvant à son prochain métier : cinéaste italien.

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Fabricant d’images armé de quelques principes simples – « c’est comme la peinture : les proportions c’est deux tiers de ciel/un tiers de terre, ou l’inverse. Très peu de plans en pied. En largeur parfois, mais il y a toujours des crétins qui veulent se mettre sur la photo, donc c’est des plans de poitrine ; l’idéal, c’est la nana penchée sur le cendrier, deux trois coupes de champagne, un paquet de clope dans le décolleté, et si possible le tout en plongée » –, Foc fait rentrer petit à petit ses intérêts dans le cadre serré des corsages.

beurrés, avec le rouge qui ressort, le litron de vin à côté, un plaid de toutes les couleurs… En attendant qu’ils dorment, je faisais des tours dans le trou des Halles, j’allais aux Bains-Douches et, après quelques mescal-champagnes, j’allais les shooter. » Voyeur ou pas, celui qui ne se revendique pas paparazzi parce qu’il ne « planque » pas et n’a pas d’autre informateur que les attachés de presse, est un jour appelé par Jean-François Bizot pour couvrir une fête Nova : « Je tape dans le tas et je me plante, trois rouleaux noirs. Au labo, ils me disent que j’ai mal enroulé le film. Les fois d’après, j’ai réussi. » Foc devient la silhouette obligée des soirées pour Actuel et Photorevue, l’œil de Globe, pilier du Caca’s Club et pote de Beigbeder, qui l’emmène dans ses bagages au Voici. Il a maintenant un Leica bourré de chatterton noir : « Les mecs se mettent au garde-à-vous, ils sont babas devant l’appareil. » Foc fait deux rouleaux par soirée, puis scanne les diapos qu’on lui rend, mais « quasi plus personne ne fait de l’argentique, alors les bains ne sont plus renouvelés, je me retrouve avec une dominante de magenta ou de jaune, je te dis pas la prise de tête… ».

Par Mathias Ohrel

Ornella Muti dans les films d’Onteniente sur la jet set, indéboulonnable du carnet nocturne de Voici et globalement passé des bulles de Corniau Balèze à celles du champagne en trois décennies. Foc explique : « J’avais dessiné un scénario sur un tueur à gages ; le mec à un moment est en haut du pont Mirabeau. Je n’avais pas de photo du pont pour dessiner le revolver qui tombe en contreplongée, alors j’ai pris d’abord un polaroïd pour regarder à la loupe la naïade et les Ray Ban du mec, puis mon beau-frère m’a appris la photo en une après-midi. »

« Maintenant, dans les photocall, t’es à 5 mètres, t’as un cordon et si tu t’avances tu te fais engueuler, donc pas de profondeur de champ, t’es obligé de fermer à mort, t’as pas le verre, t’as rien… »


Azumi and David, Body Tapes.

cristal & miscellanées.

in Tangible, Gestalten, 2008.

I love Sticky Tapes

IMAGES Thomas Hirschhorn ose le chatterton pour ses monuments radicaux, mais moi, mon cœur est une midinette. Ma dernière acquisition, c’est un ruban collant à paillettes, trois fois rien de cristaux Swarovski, cheap but chic !

Adrien Rovero, Swarovski 2006,

[…] zip, tac, tchaaaac. Formidable, je tire, je coupe, je colle, j’organise les raccords et les faux raccords, je compose des surfaces, je décompose, je recommence.


Le glamour à portée de main. Quoi faire ? Surligner l’agenda, anticiper les paquets de Noël, anonymer les filles du Vogue, customiser les plinthes du double salon ?

Marti Guixé, Do Frame, 2000.

Marti Guixé, Football Tape, 2000.

in Libre de contexte, catalogue de l’exposition

ibid.

éponyme au Mudac de Lausanne.

Donc, apéro mondain, ambiance chic et festive, petites causeries esthétiques en perspective… Youpi ! Je prolonge le jeu. D’ailleurs, inutile de trop s’apprêter, pourquoi surfaire l’opulence, mais au contraire pratiquer l’austérité de manière ludique, pince-sans-rire : tchaaac, une bande collante impression ancienne montre de luxe au poignet et moi, maître facétieux, pointant discrètement à mes invités le dérisoire de leurs petites vanités – penser ici à disserter nonchalamment sur la vacuité, l’apparat, la prééminence du signe, préparer quelques aphorismes warholiens pour la mélancolie. Brûler un ou deux canapés ? Prévoir la réconciliation en fin de partie ? Peut-être. Cure de jouvence pour tout le monde, allez hop ! on improvise un terrain de jeu collectif à même le parquet, rien de plus simple, on froisse en boule deux, trois Monde, on prend le scotch Guixé « impression ballon de foot », on dit que les buts c’est le Cappellini, shoooooot — Ah. Ces messieurs les designers savent être magnanimes.

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Aurais assez fait le mort dans un catalogue parfait, moi modèle stylé dans un écrin stylé, attention, pas bouger : marre, je reprends mon souffle. Désormais je quémande un zest d’autonomie de légèreté, d’irrévérence ; moi aussi j’ai droit au loisir créatif. Les gamins persistent à me provoquer en graffitant l’alcôve que j’ai pourtant fait repeindre en dix nuances successives ? Je reste souple et je jalouse d’ailleurs secrètement ces trésors de subversion malhabile. Un rien narquois je sors de mon chapeau le scotch signé Guixé, impression cadre baroque et j’opère une sélection plastique au mépris de leur silence consterné. Moment d’intuition inouï, j’intronise une section inconnue du Louvre – et ce micro happening aura bien mérité son vernissage.

Par Céline Mallet

Me suis ruinée pour du Prouvé, battue pour des éditions limitées, prostituée pour la tendance et là, révélation, l’outil a minima, la philosophie du do it yourself condensée en quelques gestes : zip, tac, tchaaaac. Formidable, je tire, je coupe, je colle, j’organise les raccords et les faux raccords, je compose des surfaces, je décompose, je recommence, j’agglutine, j’assemble, je cautérise, j’improvise des totems à l’éclectisme précaire.


La disparition de la télévision

PROJECTION Pendant quelques décennies, les enfants comme les adultes partagèrent une unique source d’information, de rêve et de voyage. C’est seulement une fois qu’elle eût disparu, corps et biens, que sa valeur rétrospective sautât aux yeux de ceux qui avaient rêvé d’un destin partagé. Après l’ère du programme familial vint l’heure du divertissement choisi et, avec lui, la fin de toute représentation commune.

Le temps de son éphémère règne, la télévision avait inspiré la quasi-totalité des publicistes disponibles. Chacun avait son idée sur sa fonction et son éventuel dévoiement, ses possibilités et ses limites. La place de l’écran dans le foyer, celle du programme de la veille dans les bouches des collégiens, des collègues de bureau, et même des camarades de chantier, étaient longuement discutées et analysées par des spécialistes, dont rien n’indiquait s’ils tenaient leur sapience d’une pratique assidue ou au contraire d’une forme d’abstinence. La distance que l’on prétendait entretenir avec elle était devenue le marqueur le plus banal de la distinction, si bien qu’on l’avait naturellement désignée comme le nouvel opium du peuple. Tous lui prédisaient sinon un avenir éternel, au moins un Reich de mille ans. Mais elle n’avait en définitive été que le particularisme de quelques générations, un bref moment dans l’histoire de l’inconscient collectif, une parenthèse vite refermée. Dans un premier temps, les chaînes prirent difficilement la mesure de l’explosion inéluctable des sources d’images. Et quand la production et la diffusion d’images animées devinrent largement répandues, il était déjà trop tard. Engagées pour l’essentiel dans une politique éditoriale catégorielle, qui ne faisait qu’appliquer les règles d’un marketing toujours plus segmentant, les chaînes avaient préparé leur acte de décès avant ce choc exogène. Car, finalement, la chute de « la télévision » ne tenait pas tant à l’arrivée de nouvelles technologies médiatiques qu’à la favorisation quasi exclusive d’une catégorie du public au détriment des autres. Avant même Internet, le règne de la ménagère, imposé par la structure capitalistique de l’industrie, avait compromis l’idée d’un programme, tout ou partie, public. Les objectifs du divertissement de masse s’étaient avérés distincts de ceux d’une édification générale. Seuls quelques hurluberlus s’en étonnaient encore quand l’époque passa à autre chose. Le fait que la télévision proposât des récits fragmentés et souvent médiocres n’était pourtant pas le fruit d’une évolution récente. Certes, on trouvait facilement, et même au sommet de la société, de nombreuses voix pour défendre le bon vieux temps et les programmes de jadis. Mais, au bout du compte, n’eût été le charme particulier des messieurs en collants, rien n’indiquait que Thierry La Fronde fût un meilleur héros que Joséphine Ange Gardien, qui ne maniait pas de lance-pierre, mais dont les qualités d’empathie n’étaient pas nulles. Au bout du compte, l’un comme l’autre devinrent


Le vrai changement tint donc non pas à la qualité, mais à la destination des programmes. Non pas au contenu, ni même au contenant, mais aux conséquences d’une pratique qui cessa d’être partagée. Non pas à la pertinence des sujets abordés, mais à la régularité défunte du rendez-vous. Non pas au temps de cerveau disponible, mais à la (dé)synchronisation des cerveaux. On avait dit que le cinéma était la continuation de la littérature par d’autres moyens, la télévision avait, elle, entraîné un retour au stade précédant : celui de la veillée et des bonnes grosses histoires et anecdotes qui avait édifié des générations d’hommes, de femmes et d’enfants. Ce qui est certain, c’est que la disparition de la TV n’entraîna pas d’augmentation sensible du nombre d’achats de livres. Et que si les vases devaient communiquer, c’était pour se déverser dans de nouveaux flacons. Disparue, il apparut rapidement que la seule valeur, l’unique force de la télévision, avait été d’être regardée ensemble. Certes, le multiprogramme convenait à l’ère de l’individu. Et il connut aussi des succès d’audience. Mais ceux-ci étaient articulés autour d’événements particuliers et de l’algorithme chaotique de la société spectaculaire décentralisée. Mort de pop star, émeute de gueux périphériques, dérapage verbal d’homme politique : autant d’occasions de générer du trafic d’information, mais plus de rendez-vous quotidien devant la lanterne magique. Ainsi l’image animée évolua-telle brutalement d’une fonction prescriptive à une fonction représentative. On ne disait plus « vu à la TV », mais – sur le réseau – les vidéos disaient « vu dans la vraie vie ». Cet aller-retour inédit vers le spectateur avait ses vertus. Il donnait notamment l’illusion de voir la société en montrant des individus. Et l’horizontalité de l’information offrait le grisant mirage d’une nouvelle démocratie participative. Malheureusement, le prix à payer était élevé : outre l’embouteillage et l’invasion

Toutes ces heures passées devant les plus mauvais Louis La Brocante ou autre Dynasty avaient eu en réalité une valeur supplétive qu’on avait mésestimée. À l’époque, on ne faisait plus la guerre, mais au moins on regardait la télé ensemble. Et le déversement lacrymal des soaps les plus affligeants avait progressivement construit une intelligence émotionnelle commune. La fiction partagée, même dans sa forme la plus médiocre, était devenue sans qu’on y prenne garde le dernier lien psycho-cognitif face à la cruauté de la mécanique médiatique. Le pouvoir du regarder-ensemble était celui de la contagion émotionnelle. À force mascara dégoulinant, petit orphelin sans défense mais courageux, veuve de guerre héroïque et dévouée, paysan escroqué par de vils promoteurs, ouvriers sans emploi mais tellement solidaires, couche après couche, une génération française avait appris à pleurer et rire d’un même mouvement. En temps de paix et de prospérité relatives, la télévision s’était avérée le plus puissant facteur d’intégration que la France ait connu depuis les défunts hussards noirs de la République, qui par ailleurs offraient un abondant sujet de mythification télévisuelle et réservait de belles audiences à France3. Une fois cette page tournée, il fut beaucoup plus difficile d’apprendre InRealLife à inspirer l’amour, la convivialité glacée des open spaces n’offrant guère de niche à l’altruisme, ni à la construction d’un sentiment de communauté. Jour après jour, la télévision avait usé jusqu’à la corde les situations mettant en scène le caractère universel des six grands états : joie, colère, tristesse, peur, dégoût et surprise. Jour après jour, elle avait délivré les conditions de l’imitation des expressions, le sel de toute vie sociale. Car avant même le récit partagé, avant l’unification par le mythe, il y avait l’apprentissage du visage de l’autre. Après la télévision, il ne restait ni l’un, ni l’autre. Ainsi, au-delà de la question des contenus, l’éclatement de la télévision avait été avant tout la parcellisation de son public. Désormais livré à lui-même, il lui fallait retourner dans la rue pour voir comment se comporter en groupe.

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Lorsque le divertissement animé se déplaça de la télévision vers d’autres supports en réseaux, on glosa beaucoup sur l’appauvrissement des contenus. Mais dès lors que l’impact de l’image animée sur les comportements restait jusqu’à nouvel ordre sans équivalent, l’industrie et les annonceurs se déplacèrent comme un seul homme de l’écran classique vers la Toile.

du c’est-mon-choix-isme, le foisonnement narratif au plus près de l’individu pesait lourdement dans la dissolution de l’inconscient collectif. Face à ce désarroi, certains avaient même brandi le fantasme d’un grand débat sur l’identité. Il n’y avait déjà plus de conscription depuis longtemps quand, la télé disparue, on constata rapidement qu’on n’avait vraiment plus rien à se dire.

Par Sylvain Ohrel

des « collectors », des objets livrés à la nostalgie, un marché particulier comme les autres, et qui se portait bien.

Ainsi l’image animée évolua-t-elle brutalement d’une fonction prescriptive à une fonction représentative. On ne disait plus « vu à la TV », mais – sur le réseau – les vidéos disaient « vu dans la vraie vie » […]


Fiche Italie 48 p. N° 26 230 x 270 mm gratuit Managing editor Ariella Risch Art director Carlo Bach Design and layout Pietro Corraini Production Danielle Verheul & Famke Visser Publisher Illycaffè spa

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Nespresso a aussi un consumer magazine… mais singeant un magazine de kiosque, avec Clive Owen en couverture et diffusant à 2,2 millions d’exemplaires en 17 langues ; j’ai choisi de ne pas choisi le chroniquer. Ce qui est intéressant est ce qui nous trahit, la culture d’entreprise par exemple. Et au moment de donner forme à un projet éditorial, les choix de sujet, de papier, de ton et d’image nous disent plus de l’ADN d’une marque que n’importe quelle publicité. Car éditer consiste à se dévoiler, y compris à son insu.

Illywords donc. Gratuit et trouvé à la Pointe de la Douane à Venise. Pas de tasse à café ni de logo rouge en couverture, mais des pages de « gâche », les essais d’imprimerie avant le bon calage des couleurs, avec ce titre « Ré-évaluer l’erreur ». On apprendra dans l’édito qu’un texte commandé pour le numéro précédent a mystérieusement « sauté », et l’interrogation sur cette erreur a fourni le thème du présent numéro. Professeurs, journalistes et professionnels sont ensuite invités à alimenter la thématique de leurs réflexions et expériences. On est loin d’un thème « valeur de la marque » ou se prêtant à la célébration ; l’erreur en appelle à l’humilité, l’introspection et à l’ouverture d’esprit pour saisir ce que le négatif recèle de positif. On ne cite pas Hegel, mais de peu.

Illywords

CONSUMER

illy.com

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De fait, Illy occupe une place à part dans le marché du café : indépendant, haut de gamme et prisé des connaisseurs. Mais ce qui est un art de vivre en Italie n’est souvent qu’une fin de repas en France et dans beaucoup d’autres pays. La marque va alors opter pour une visibilité sélective : l’art contemporain. Elle édite chaque année une collection de tasses décorées par un artiste et est partenaire de certaines expositions – c’est dans ce circuit que le magazine est distribué, malheureusement trop parcimonieusement. Poursuivant cette relation avec l’art, Illywords invite dans chaque numéro une école d’art européenne à illustrer le thème, mettant ainsi en avant une dizaine de jeunes illustrateurs dans ce numéro. Illywords a donc intégré ce paradoxe : plus je parle de l’extérieur, plus je parle de moi.

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Cover

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Œuvre

La médiatrice

Un promeneur

Vice de Forme : In search of mélodies.

Ce que vous avez ici, c’est une invitation, comme un point de départ, pour découvrir une œuvre qui ne se perçoit pas d’un seul coup d’œil. Ce n’est pas comme une sculpture ou une peinture qui serait là, qui serait une œuvre à elle toute seule. Là, l’artiste a tenu à impliquer différents éléments, il a sollicité plusieurs personnes ; il y a une sculpture, une affiche, enfin plusieurs composants de l’œuvre pour qu’elle dépasse le simple jeu de l’exposition, vous savez ce truc : « je viens, je pose ma pièce et je m’en vais ». Pour cette œuvre, il y a eu plusieurs étapes ; des critiques et des artistes ont été invités à parler d’une précédente sculpture de l’artiste, et l’artiste s’est inspiré de tous ces commentaires pour en tirer de la musique, qui a été jouée lors d’une performance. Elle a été jouée par un ami de l’artiste, philosophe et pianiste, je crois. Mais l’œuvre n’est pas le morceau au piano – d’ailleurs le morceau était peu ou pas écrit –, et ce n’est pas non plus la performance. L’œuvre c’est l’ensemble : l’invitation, le cartel, la sculpture que vous pouvez voir à la galerie, l’ambiance du soir de la performance aussi, et tout ce qui découlera de la performance. Vous pouvez y aller, la performance a eu lieu, mais le piano continue de jouer tout seul le morceau tel qu’il a été joué ce soir-là, parce qu’il a été joué sur un piano mécanique et que le programme a enregistré le jeu de l’interprète, alors toutes les fautes, les ruptures, les fausses notes… ont aussi été enregistrées, et elles sont répétées depuis la performance. Donc là, pendant qu’on parle, l’œuvre continue si vous voulez. Et pendant que le piano réitère l’interprétation de la partition, la sculpture initiale tourne sur elle-même, là-bas, dans la galerie, inlassablement, comme si elle dansait dans la musique inspirée des commentaires qui ont été faits pour elle. C’est beau, non ?

Et là, c’est vide… Tous construisent des espaces et les remplissent alors que celui-là ne montre rien, juste l’affiche au fond. Il aurait pu louer plus petit… d’ailleurs, je me demande combien ça peut coûter un stand ici ? 1 000 ? 10 000 ? Tout de même pas plus que le prix d’un deux-pièces au mois ; c’est un beau quartier, mais quand même… Ce n’est pas que ce soit moche, ou beau d’ailleurs, mais je ne comprends pas, et le cartel est plus bavard que l’œuvre elle-même. Ah, voilà la vendeuse… elle est jolie mais parle beaucoup. Je n’ai pas tout suivi sinon qu’il faudrait que j’aille voir une autre exposition et un concert aussi ? Moi qui n’aime pas les foules agglutinées et qui viens voir de la peinture, me voilà servi ! C’est quand même une drôle d’idée que d’engager une médiatrice, que j’avais prise pour une vendeuse tout à l’heure ; quelqu’un pour nous dire ce qu’on ne voit pas et pour nous émoustiller les sens, artistiques s’entend… Elle nous explique le vide, l’ailleurs, le plus tard, bref, bien loin du hic et nunc de Benjamin qui m’a fait aimer la peinture. Ils sont tordus, ces jeunes artistes. Mais lucides, puisque ça s’appelle Vice de forme.

Piano Yamaha Disklavier, sculpture en inox sur plateau tournant, poster sérigraphie, partitions et textes originaux imprimés sur papier, texte mural en lettres vinyles adhésives, cartel gravé sur plexiglas. 2009

Vice de forme

POINTS DE VUE

Saâdane Afif


Ça reste ce qu’il y a de plus solide pour le prix. Note que Moulin aussi c’est du solide, et c’est construit, mais dans un sens plus littéral. Ça m’ennuie, j’ai l’impression d’avoir déjà vu ça chez Afif ; comme si c’était la même œuvre, mais en plus construite. On verra. Si je suis de bonne humeur, c’est de l’achèvement, sinon, de la répétition, du tourne-enrond. On retrouve ce côté composé d’œuvre faite à plusieurs, avec le recours à d’autres veines créatives qui parfois m’agace, mais je dois dire qu’il a une manière d’intégrer les pratiques et de ne pas les superposer qui est bluffante. Il faut que je me dégage du fait qu’il est sympathique. Je m’en fous qu’il soit sympathique, ça n’en fait pas un bon artiste. C’est vrai, les artistes sont maintenant commissaires, les critiques jouent de la musique, les musiciens font des photos… et personne n’est choqué que l’on change de rôle régulièrement, comme dans un Feydeau mal subventionné. Au moins, Afif combine les rôles, et peu importe de savoir si ce sont des artistes, des graphistes, des musiciens ou n’importe quoi d’autre. En réalité, ce qui m’est étrange, c’est qu’il n’y a pas de désinvolture chez lui, il se pose comme le chef d’orchestre d’une séquence qu’il a pensée, mais qui peut lui échapper. Il en a d’ailleurs accepté l’idée, au point de figer les éventuelles imperfections. Bon, je vais essayer de sonder le jury, je ne vais quand même pas snober un prix Duchamp, ce serait la deuxième fois en deux ans.

Hmm… Si j’ai bien compris, j’achète l’affiche du concert, l’annonce d’un moment passé… Ah si, je peux y assister puisque c’est demain ! Ce serait ma première œuvre vraiment abstraite, le témoin d’un dispositif. À la fois, ça fait une histoire à raconter, pour peu que l’un de mes visiteurs me pose la question. C’est vrai, les gens restent toujours interdits devant les œuvres, ils n’osent pas questionner, ni le projet de l’artiste, ni celui de l’œuvre, tout juste le nom. D’ailleurs… Vice de forme, en voilà un qui a de l’humour ! Il faut aussi que je voie à quoi ressemble la sculpture, et surtout sa taille, car j’ai peu d’espace. À moins que l’œuvre soit la combinaison des trois : affiche, sculpture et piano mécanique. Alors là, non, impossible. À moins d’y consacrer une pièce entière. Ce qui se tient. Et si le jury a la bonne idée de lui filer le prix, sa cote ne fera que monter. Sans compter l’expo à Beaubourg qui va avec et qui ne gâchera rien. Résumé, il vaudrait mieux l’acheter maintenant, avant le concert, comme ça, au moins, j’aurai une invitation au premier rang.

Ça m’ennuie, j’ai l’impression d’avoir déjà vu ça chez Afif ; comme si c’était la même œuvre, mais en plus construite. On verra. Si je suis de bonne humeur, c’est de l’achèvement, sinon, de la répétition, du tourneen-rond […]

77

Un collectionneur

Par Angelo Cirimele & Géraldine Miquelot

Un critique



Ma 1.12

Sa 5.12

Je 10.12

Art. Tacita Dean.

Braderie. Aides.

Design. Grandi Legni.

Derniers jours de l’installation de l’artiste anglaise

L’association fête ses 25 ans et la braderie bian-

Exposition du designer Andrea Branzi (Archizoom),

composée de six films autour du chorégraphe

nuelle s’annonce avantageuse puisque les rabais

qui rassemble des pièces uniques à la fois objets

Merce Cunningham, dans le cadre du Festival

sont à la fête en temps de crise…

usuels et installations d’architecture.

d’Automne.

Passage du Désir, >20h, >6/12.

Galerie Azzedine Alaïa, >19h, >17/01.

Vide grenier. Art. Vernissages.

Courts. Carte blanche au GREC.

Chantal Akerman chez Marian Goodman, Jean-

Films courts d’Ange Leccia, Jean-Claude Taki,

Charles Hue chez Michel Rein, et une expo de

Arnaud Gerber et Frédéric Compain.

groupe chez Martine et Thibault de la Châtre.

Centre Pompidou, 20h, 4/6 e.

Le 104, >20h. >4/12

Me 2.12 Mode. Approche historique et sociologique des bureaux de style.

Marais, 18h.

Design. Il était une fois Playmobil.

Le chercheur Thierry Maillet (EHESS) viendra donner une conférence à l’Institut français de la mode sur ce

Quincaillerie générale.

À 35 ans et avec plus de 2,2 millions de personna-

sujet encore assez secret.

Le bureau de presse QG organise une vente mode,

ges produits, le Playmobil est devenu un genre. Du

IFM, 18h, 5 e. sur inscription.

accessoires et mobilier.

chantier aux indiens et aux chevaliers, les situations

QG, 11>19h.

seront complétées par les films et catalogues

Design. Les années Staudenmeyer.

d’époque.

Di 6.12

Design, photo et graphisme rassemblés au cours

Les Arts décoratifs, 18h, 6,50/8 e., >9/05.

d’une vie de collectionneur et de galeriste (Re puis Mouvements modernes).

Art. Keren Cytter.

Passage de Retz, >19h, 5/8 e., >15/01.

Vernissage de l’exposition consacrée à l’artiste

Ve 11.12

israélienne, dont la vidéo est le médium de prédilec-

Graphisme. Sport Hit Paradise.

Cinéma. The Limits of Control.

tion, utilisé aux confins de la fiction et du documen-

Exposition des illustrations qu’Elisabeth Arkhipoff a

De Jim Jarmush, 2009, 114’. L’aventure mentale et

taire, installant une tension, miroir d’autres conflits.

composées autour d’un groupe musical imaginaire :

espagnole d’un type qui une mission. Avec Isaach de

Le Plateau, 15>20h, >14/02.

Sport Hit Paradise. Vernissage. 12 Mail, 18h, >12/02.

Bankolé, Alex Descas et Jean-François Stévenin.

Foire. Art Basel/Miami. L’occasion d’aller voir si la crise de l’autre côté de l’océan est une réalité virtuelle, une œuvre abstraite ou une représentation figurative bien fidèle.

AGENDA

Je 3.12

Série de projections autour de la question art et

Braderie. Hôtel Bohême.

cinéma. Réflexions et expérimentations par de

45 créateurs (mode, bijoux, accessoires, design…)

jeunes artistes de 60 pays.

pour une sélection de Noël dans un hôtel particulier.

Jeu de Paume, 11h + 16h30, 3 e., >9/12.

Hôtel Bohême, 12>20h, >13/12.

Lu 7.12

Architecture. MMW. Showroom de l’agence norvégienne fondée en 1997,

Projection. Au bout de 8 jours, on va reprendre notre place.

qui recycle des espaces (containers) ou installe des

Édition. Les ateliers de la presse.

À mi-chemin entre fiction et documentaire, un film de

La galerie d’architecture, >19h, >16/01.

Organisé par la Fédération nationale de la presse

l’artiste Laurent Tixador (77’) en forme de téléréalité

française, un salon de deux jours composé d’ate-

militaire.

liers, de rencontres et de tables-rondes.

Fondation Ricard, 18h30.

Miami, >6/12.

structures en rupture avec le cadre existant.

Sa 12.12 Art. Vernissages.

ateliersdelapresse.com

Ma 8.12

Espace Pierre Cardin, >4/12.

Alain Séchas chez Chantal Crousel, Vik Muniz chez Xippas et Lamarche et Ovize chez Carlos Cardenas.

Photo. Inauguration.

Courts. Bref + Radi.

La galerie de photographie L’Œil ouvert inaugure un

Pour fêter les 20 ans du Radi (réseau alternatif de

nouvel espace dans le Marais. Vernissage.

diffusion), le magazine Bref présente un florilège de

Projection. Inventaire avant disparition.

L’Œil ouvert, 19h.

courts métrages récents et plus anciens.

Un montage à partir du fonds d’Albert Kahn, tour du

Mk2 Quai de Seine, 20h30, 6,70 e.

monde des contrées lointaines et de leurs pratiques

Ve 4.12

Marais, 18h.

vernaculaires mises en musique par Laurent Garnier.

Me 9.12

Louvre, 20h30, 9,50/12 e., >13/12.

Édition. Artistbook International. Di 13.12

rama du livre d’artiste depuis les années 60.

Cinéma. Louise Bourgeois : l’araignée, la maîtresse et la mandarine.

Centre Pompidou – Forum, >21h, >6/12.

Documentaire de Amei Wallach et Marion Cajori

Art. Xavier Veilhan.

(2008, 99’) sur l’artiste new-yorkaise : son parcours,

Dernier jour de l’installation de l’artiste français au

Art. This place you see has no size at all…

son enfance, ses traumatismes.

château de Versailles.

Proposition de la commissaire Jennifer Teets, suite

En salles.

Château de Versailles, >19h.

50 éditeurs venus de 15 pays composent un pano-

à sa résidence à la fondation. 12 artistes appelés à

Lu 14.12

participer à un jeu de réalité alterné qui allait donner corps à une exposition. Vernissage et performance. Kadist Foundation, 18h, >7/02.

Cinéma. Redacted. De Brian de Palma (2007, 90’). De la manière

Marché. Noël danois.

de filmer la guerre et d’en rendre compte dans

Un marché bio danois qui rassemble gastronomie,

un média, le tout dans le cadre du cinéclub de

mode, jouets, design et produits de beauté.

Jean Douchet.

Maison du Danemark, 13>20h, >13/12.

Cinémathèque, 19h30, 5/6,50 e.

79

Cinéma. Rencontres Paris/Berlin/Madrid.

En salles.


Sa 19.12

Ma 15.12

Lu 28.12

Photo. Bourse du Talent.

Art. Conte de Noël.

Art. La subversion des images.

Exposition des jeunes photographes lauréats 2009

Une exposition en forme d’idées de cadeaux

L’image dans toutes ses acceptions, par le mouve-

de la Bourse du Talent.

multiples : de Monica Bonvicini à David Shrigley, en

ment qui l’a le plus expérimentée : le Surréalisme.

BNF, >20h, >21/02.

passant par Anri Sala ou Fichli & Weiss.

Derniers jours.

Galerie de multiples, >19h, >23/12.

Centre Pompidou, >21h, 10/12 e., >11/01.

Performance. « La », concert de porcelaine.

Cinéma. Be with me.

Concert de musique concrète, création de

D’Eric Khoo (2005, 93’). La nouvelle vague singa-

Nicolas Frize et Jean-Pierre Drouet, jouée avec

pourienne à travers un film emblématique. Dans le

Art. Fellini, la grande parade.

des instruments en porcelaine.

cadre d’un festival Singapour/Malaisie.

Visite de l’exposition à travers le thème « L’Italie et

Beaux-Arts de Paris, 21h30, entrée libre sur réser-

Centre Pompidou, 14h30, 4/6 e.

la fiction ».

vation.

Ma 29.12

Jeu de Paume, 19h, 2,50/5 e., >17/01.

Di 20.12 Me 30.12

Cinéma. Le Pont des arts. D’Eugène Green (2003, 126’). Années 80, quatre

Style. Art Nouveau 1900, 1933, 1966, 1974.

personnages dans un conte amoureux baroque et

Quatre époques et de nombreuses incursions de

Cinéma. Contes + Chanel.

audacieux.

ce style dans l’ameublement, la mode, la publicité,

Contes de l’âge d’or de Cristian Mungiu,

Forum des Images, 16h30, 4/5 e.

le cinéma.

Ioana Uricaru, Hanno Höfer, Razvan Marculescu

Musée d’Orsay, >18h, 7/9,50 e., >4/02.

Me 16.12 Ma 22.12 Design. Via design 3.0.

laires et oniriques. Coco Chanel & Igor Stravinsky de Jan Kounen (2009, 118’) ; la rencontre de deux

Pour les 30 ans du Via (Valorisation de l’innovation

Design. L’observeur du design 10.

créateurs au début du siècle, avec Anna Mouglalis.

dans l’ameublement), l’exposition présente 40 proto-

10 e édition de cette exposition qui présente les

En salles.

types représentatifs du design français.

184 réalisations d’une année de création en design.

Centre Pompidou, >21h, 10/12 e. >1/02.

La Villette – Cité des Sciences, >18h, >21/02.

Me 23.12

Cinéma. Cinenordica.

AGENDA

et Constantin Popescu (2009, 138’) ; portrait de la Roumanie de Ceausescu à travers des contes popu-

Je 31.12 Photo + Graphisme. Delpire. Derniers jours de l’exposition arlésienne montée

Festival de cinéma consacré aux films produits en Suède, Norvège et Danemark, souvent inédits

Design. Dessiner le design.

à Paris : photographies, publications et films pour

en France.

Derniers jours de l’exposition qui présente

rendre compte du travail de Robert Delpire, des

Cinéma du Panthéon, >20/12.

200 dessins de 12 grands designers (Paulin, Bou-

années 50 à aujourd’hui.

roullec, Morrisson, Grcic…), études préparatoires,

MEP, >20h, 3,50/6,50 e., >24/01.

Je 17.12

recherches formelles ou dessins de communication.

À venir

Les Arts décoratifs, 18h, 3/6 e., >10/01.

Design. Valeurs refuges 1. Ve 25.12

Exposition de 4 artisans rennais autour de la question du « comment produire aujourd’hui ? ». Pièces,

Noël.

textes et livres.

Cinéma. Décor et délires. Cycle de films dans le cadre de l’exposition sur l’art nouveau et dont les décors sont l’un des sujets du film : Judex de Georges Franju, Hibernatus d’Édouard

FR66, >19h, >26/01.

Sa 26.12 Design. Marteen Baas.

Molinaro, Le Voleur de Louis Malle, Quoi de neuf

Pussycat ? de Clive Donner et Richard Talmadge…

Mini rétrospective consacrée au « designer de

Art. Soulèvements.

l’année » à Design/Miami l’année passée. Pas de

Derniers jours de l’exposition consacrée à Jean-

pièces nouvelles mais une sélection représentative.

Jacques Lebel, autour d’écrits, d’objets et de pièces

Tools galerie, >19h, >23/01.

d’autres artistes avec lesquels il dialogue ; dans le

Christian Boltanski présente « Personnes ».

cadre du Festival d’Automne.

Grand Palais, >19h, >21/02.

Ve 18.12

Musée d’Orsay, 4,50/6 e., 8>27/01.

Art. Momumenta.

Maison Rouge, >19h, 5/7 e., > 17/01.

Graphisme. Thonik. Attractions. Jours de fêtes.

Photo + Cinéma. Delpire.

Exposition du bureau de design basé à Amsterdam,

Une fête foraine sous la nef du Grand Palais : grande

En marge de l’exposition « Delpire », projection

dont le travail est très présent dans l’espace public

roue, manèges et musique gitane.

de Henri Cartier-Bresson, Point d’interrogation ?

hollandais.

Grand Palais, 11>0h, 3/5 e. >01/01.

(1994, 38’), documentaire rare réalisé par Sarah

Galerie Anatome, 22/01>20/03.

Moon avec Robert Delpire, + Qui êtes-vous Polly

Cinéma. Les Idoles.

Maggoo ? (1966, 100’), réalisé par William Klein et

Lecture. Fiction/Lectures performées.

De Marc’O (1968, 104’). L’énergie des années 68 à

produit par Delpire.

Lydie Salvayre et Alex Cecchetti sont les invités de

travers trois chanteurs fabriqués par leur imprésario.

MEP, 17h + 18h, 3,50/6,50 e.

cette session, qui sera précédée de la projection

Forum des Images, 14h30, 4/5 e .

d’un film court de Jean-Baptiste Bernardet.

Di 27.12

Fondation Ricard, 25/01, 19h.

De Jia Zhang-Ke (2007, 81’). Ce film hongkongais

Cinéma. Un état du monde… et du cinéma 2010.

envisage l’industrie du textile de différents points

Festival de films reliés à l’actualité politique et

de vue : une usine, une créatrice de mode et une

sociale dans le monde à travers le cinéma.

boutique de tailleurs.

Projections, débats, rencontres…

Cinémathèque, 11h, 5/6,50 e.

Forum des Images, 29/01>7/02.

Cinéma. Useless.


preview, photo © Fred Leveugle - paravent/folding screen: Jean Boggio for Franz - fleur/flower & toucan © Fotolia

Ici, plus qu’ailleurs, naissent les plus beaux projets déco... 22-26 janvier 2010 Here, more than anywhere else, the most beautiful decoration projects are born … January 22-26, 2010 Paris Nord Villepinte, hall 5B www.scenesdinterieur.net Le salon des grandes griffes internationales de la déco Salon réservé aux professionnels The trade show for the major international brands in decoration. Trade only Organisation SaFi, filiale des ateliers d’art de France et de Reed Expositions France Tél. : + 33 (0)8 11 09 20 09. Fax : + 33 (0)1 30 71 46 95 maison-objet@expandsolutions.fr


ADRESSES

12 Mail 12, r. du Mail 2e

Colette 213, r. Saint-

Galerie Carlos Cardenas

Galerie Eva Hober

Galerie Léo Scheer

M° Etienne-Marcel

Honoré 1er M° Tuileries

43, r. Quincampoix 4 e

9, r. des Arquebusiers 3 e

14-16, r. de Verneuil 7e

10, bd de La Bastille 12e

104 104, r. d’Auber-

01 55 35 33 90

M° Rambuteau

M° Saint-Sébastien-

M° Saint-Germain

M° Quai-de-la-Rapée

villiers 19 e M° Riquet

De la Ville Café

01 48 87 47 65

Froissart 01 48 04 78 68

01 44 55 01 90

01 40 01 08 81

01 53 35 50 00

34, bd de Bonne-Nouvelle

Galerie

Galerie du Jour

Galerie Schleicher +

Musée d’art moderne

Agnès b. 1, r. Dieu 10 e

2e M° Bonne-Nouvelle

M & T de La Châtre

44, r. Quincampoix 4 e

Lange 12, r. de Picardie 3e

11, av. du Président-

M° République

01 48 24 48 09

4, r. de Saintonge 3 e

M° Rambuteau

M° République

Wilson 16 e M° Iéna

01 42 03 47 99

Espace Louis Vuitton

M° Saint-Sébastien-

01 54 54 55 90

01 42 77 02 77

01 53 67 40 00

Artazart 83, q. de Valmy

60, r. de Bassano 8 e

Froissart

Galerie Jousse Entreprise

Galerie Vallois

MEP 5-7, r. de Fourcy 4 e

10 e M° République

M° George-V

01 42 71 89 50

24/34, r. Louise-Weiss 13e

36, r. de Seine 6 e

M° Pont-Marie

01 40 40 24 00

01 55 80 33 80

Galerie Philippe Chaume

M° Bibliothèque

M° Saint-Germain

01 44 78 75 00

Les Arts décoratifs

Espace Pierre Cardin

9, r. de Marseille 10 e

01 45 83 62 48

01 46 34 61 07

Mk2 Quai de Seine

107, r. de Rivoli 1er

1, av. Gabriel 8 e

M° République

Galerie Yvon Lambert

Galerie Vieille du Temple

14, q. de la Seine 19 e

M° Palais-Royal

M° Concorde

01 42 39 12 60

108, r. Vieille-du-Temple 3e

23, r. Vieille-du-Temple 3e

M° Jaurès

01 44 55 57 50

01 42 66 17 81

Galerie Chez Valentin

M° Filles-du-Calvaire

M° Saint-Paul

Musée d’Orsay

Art Process

Fat galerie 1, r. Dupetit-

9, r. Saint-Gilles 3 e

01 42 71 09 33

01 40 29 97 52

62, r. de Lille 7e

52, r. Sedaine 11e

Thouars 3 e M° Temple

M° Chemin-Vert

Galerie Serge Le Borgne

Galerie Anne de Villepoix

M° Solférino

M° Voltaire 01 47 00 90 85

01 44 54 00 84

01 48 87 42 55

108, r. Vieille-du-Temple 3e

43, r. de Montmorency 3e

01 40 49 48 14

La Bank 42, r. Volta 3 e

Fondation Cartier

Galerie Lucile Corty

M° Filles-du-Calvaire

M° Arts-et-Métiers

L’Œil ouvert

M° Arts-et-Métiers

261, bd Raspail 14 e

2, r. Borda 3 e

01 42 74 53 57

01 42 78 32 24

74, r. François-Miron 4 e

01 42 72 06 90

M° Denfert- Rochereau

M° Arts-et-Métiers

Galerie LHK

Galerie Xippas

M° Saint-Paul

Beaux-Arts de Paris

01 42 18 56 50

01 44 78 91 14

6, r. Saint-Claude 3 e

108, r. Vieille-du-Temple 3e

09 52 58 72 88

13, q. Malaquais 6 e

Fondation HCB

Galerie Crèvecœur

M° Saint-Sébastien-

M° Filles-du-Calvaire

New Galerie de France

M° Saint-Germain

2, imp. Lebouis 14 e

4, r. Jouye-Rouve 20 e

Froissart 01 42 74 13 55

01 40 27 05 55

54, r. de la Verrerie 4 e

01 47 03 54 58

M° Gaîté 01 56 80 27 00

M° Pyrénées 09 54 57 31 26

Galerie Loevenbruck

Grand Palais 3, av. du

M° Hôtel-de-Ville

BNF-Mitterrand

Fondation Ricard

Galerie Chantal Crousel

40, r. de Seine 6 e

Général-Eisenhower 8 e

01 42 74 38 00

q. François-Mauriac 13 e

12, r. Boissy-d’Anglas 8 e

10, r. Charlot 3 e

M° Saint-Germain

M° Champs-Elysées-

Palais de Tokyo

M° Bibliothèque

M° Concorde

M° Filles-du-Calvaire

01 53 10 85 68

Clemenceau

13, av. du Président-

01 53 79 59 59

01 53 30 88 00

01 42 77 38 87

Galerie Madé

01 44 13 17 17

Wilson 16 e

Bétonsalon

Forum des images

Galerie Magda Danysz

48, r. de Lancry 10

Hôtel Bohême

M° Iéna 01 47 23 54 01

9, espl. Pierre-Vidal-

porte Saint-Eustache 1er

78, r. Amelot 11e

M° République

6, r. Beauregard 2e

Passage du Désir

Naquet 13 e

M° Halles 01 44 76 63 00

M° Filles-du-Calvaire

01 53 10 14 34

M° Bonne-Nouvelle

85/87, r. du Faubourg-

M° Bibliothèque

FR66 25, r. du Renard 4 e

01 45 83 38 51

Galerie Kamel Mennour

IFM 36, q. d’Austerlitz 13e

Saint-Martin 10 e

01 45 84 17 56

M° Hôtel-de-Ville

Galerie Patricia

47, r. Saint-André-des-

M° Gare-d’Austerlitz

M° Château-d’eau

Centre culturel suédois

01 44 54 35 36

Dorfmann

Arts 6 e M° Saint-Michel

01 70 38 89 89

01 56 41 36 04

11, r. Payenne 3 e

French Trotters

61, r. de la Verrerie 4 e

01 56 24 03 63

Institut finlandais

Passage de Retz

M° Saint-Paul

30, r. de Charonne 11e

M° Hôtel-de-Ville

Galerie de Multiples

60, r. des Écoles 5 e

9, r. Charlot 3 e

01 44 78 80 20

M° Bastille

01 42 77 55 41

17, r. Saint-Gilles 3 e

M° Saint-Michel

M° Filles-du-Calvaire

Centre culturel suisse

01 47 00 84 35

Galerie

M° Saint-Paul

01 40 51 89 09

01 48 04 37 79

32 + 38, r. des Francs-

Galerie Martine Aboucaya

Les Filles du Calvaire

01 48 87 21 77

Institut culturel mexicain

Le Plateau

Bourgeois 3 e

5, r. Sainte-Anastase 3 e

17, r. des Filles-du-

Galerie Nuke

119, r. Vieille-du-Temple 3e

33, r. des Alouettes 19 e

M° Rambuteau

M° Filles-du-Calvaire

Calvaire 3 e

11, r. Sainte-Anastase 3 e

M° Filles-du-Calvaire

M° Jourdain

01 42 71 44 50

01 42 76 92 75

M° Filles-du-Calvaire

M° Filles-du-Calvaire

01 44 61 84 44

01 53 19 84 10

Centre Pompidou

Galerie Azzedine Alaïa

01 42 74 47 05

01 42 78 36 99

Institut néerlandais

Point Éphémère

piazza Beaubourg 4 e

18, r. de la Verrerie 4 e

Galerie Paul Frèches

Galerie Emmanuel Perrotin

121, r. de Lille 7e

200, q. de Valmy 10 e

M° Rambuteau

M° Hôtel-de-Ville

12, r. André-Barzacq 18 e

76, r. de Turenne 3 e

M° Assemblée Nationale

M° Jaurès 01 40 34 02 48

01 44 78 12 33

01 42 72 19 19

M° Abbesses

M° Filles-du-Calvaire

01 53 59 12 40

QG 71, r. de la Fontaine-

Centre Wallonie-Bruxelles

Galerie Anatome

01 53 90 21 12

01 42 16 79 79

Jeu de Paume - Concorde

au-Roi 11e M° Goncourt

127, r. Saint-Martin 4 e

38, r. Sedaine 11e

Galerie des Galeries

Galerie Praz-Delavallade

10, p. de la Concorde 8 e

01 43 38 80 70

M° Rambuteau

M° Bastille 01 48 06 98 81

40, bd Haussmann 9 e

28, r. Louise-Weiss 13 e

M° Concorde

Reflet Médicis

01 53 01 96 96

Galerie Air de Paris

M° Chaussée-d’Antin

M° Bibliothèque

01 47 03 12 50

3, r. Champollion 5 e

Chambre avec vues

32, r. Louise-Weiss 13 e

01 42 82 34 56

01 45 86 20 00

Kadist Art Foundation

M° Saint-Michel

3, r. Jules-Vallès 11e

M° Bibliothèque

Galerie gb agency

Galerie Vanessa Quang

19bis, r. des Trois-

01 43 54 42 34

M° Charonne

01 44 23 02 77

20, r. Louise-Weiss 13 e

7, r. des Filles-du-

Frères 18 e M° Abbesses

Spree

01 40 52 53 00

Galerie Art Concept

M° Bibliothèque

Calvaire 3 e

01 42 51 83 49

16, r. La Vieuville 18 e

Cinéma du Panthéon

16, r. Duchefdelaville 13 e

01 53 79 07 13

M° Filles-du-Calvaire

Le Laboratoire

M° Abbesses

13, r. Victor-Cousin 5 e

M° Bibliothèque

Galerie Laurent Godin

01 44 54 92 15

4, r. du Bouloi 1er

01 42 23 41 40

M° Odéon 01 40 46 01 21

01 53 60 90 30

5, r. du Grenier-Saint-

Galerie Almine Rech

M° Louvre 01 78 09 49 50

Surface to Air

Cinémathèque

Galerie d’architecture

Lazare 3 e M° Rambuteau

19, r. de Saintonge 3 e

The Lazy Dog

68, r. Charlot 3 e

51, r. de Bercy 12e

11, r. des Blancs-Man-

01 42 71 10 6

M° Filles-du-Calvaire

25, r. de Charonne 11e

M° République

M° Bercy 01 71 19 33 33

teaux - 4 e M° Saint-Paul

Galerie Marian Goodman

01 45 83 71 90

M° Bastille 01 58 30 94 76

01 49 27 04 54

Cité de l’Architecture

01 49 96 64 00

79, r. du Temple 3 e

Galerie Michel Rein

Maison de la culture du

Tools galerie

1, pl. du Trocadéro 16 e

Galerie E.L Bannwarth

M° Rambuteau

42, r. de Turenne 3 e

Japon 101, q. Branly 15 e

119, r. Vieille-du-Temple 3e

M° Trocadéro

68, r. Julien-Lacroix 20 e

01 48 04 70 52

M° Chemin-Vert

M° Bir-Hakeim

M° Filles-du-Calvaire

01 58 51 52 00

M° Belleville 01 40 33 60 17

Galerie Alain Gutharc

01 42 72 68 13

01 44 37 95 01

01 42 77 35 80

Cneai

Galerie Anne Barrault

7, r. Saint-Claude 3 e

Galerie Thaddaeus Ropac

Maison du Danemark

La Villette

Ile des impressionnistes

22, r. Saint-Claude 3 e

M° Saint-Sébastien-

7, r. Debelleyme 3 e

142, av. des Champs-

211, av. Jean-Jaurès 19 e

78400 Chatou

M° Saint-Sébastien-

Froissart

M° Filles-du-Calvaire

Élysées 8 e M° Étoile

M° Porte-de-Pantin

01 39 52 45 35

Froissart 01 44 78 91 67

01 47 00 32 10

01 42 72 99 00

01 56 59 17 40

01 40 03 75 75

e

Maison Rouge


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22-26 janvier 2010. salon international du design pour la maison January 22-26, 2010. international home design exhibition Paris Nord Villepinte, hall 7. www.nowdesignavivre.com Salon réservé aux professionnels. Trade only. Organisation SAFI, filiale des Ateliers d’Art de France et de Reed Expositions France - SAFI - 4, passage Roux. 75850 Paris Cedex 17. France Tél. : + 33 (0)8 11 09 20 09. Fax : + 33 (0)1 30 71 46 95. maison-objet@expandsolutions.fr


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