lettre fdg agri n°5

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LA
LETTRE DU
FRONT
DE
GAUCHE
DE
L’AGRICULTURE N°
5

–
1er
décembre
2011

Présentation
le
1er
décembre
à
l’Assemblée
nationale
 d’une
loi
visant
à
encadrer
les
prix
des
produits
alimentaires

Le 1 er décembre prochain, le député André Chassaigne (PCF) présentera avec ses collègues du Front de gauche une proposition de loi visant à encadrer les prix des produits alimentaires. En 1957, l’article 39 du Traité de Rome avait donné comme ambition à la PAC d’assurer un revenu décent aux agriculteurs et d’assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs. Les agriculteurs français sont pourtant confrontés à une dégradation durable des prix d’achat de leur production, ne leur permettant pas d’en couvrir les coûts. Ces dernières années, la faiblesse des prix d’achat a provoqué une accélération des cessations d’activité. Cette situation hypothèque par ailleurs la survie de plusieurs milliers d’autres exploitations à moyen terme comme l’installation de jeunes agriculteurs. Parallèlement, les prix alimentaires pour les consommateurs n’ont cessé de croître ces dernières années, à un rythme de 2 % en moyenne annuelle, et jusqu’à 13,5 % pour les produits frais. Cette double évolution trouve ses racines dans la dérégulation des marchés agricoles à l’échelle mondiale et européenne. Elle est accentuée, au plan national, par une évolution législative offrant toutes les garanties aux distributeurs pour faire pression à la baisse sur les prix d’achat, et favoriser un accroissement des marges, au détriment des consommateurs. Les distributeurs organisent par ailleurs une politique active d’importation et de promotion, en fonction de l’arrivée des productions françaises sur les marchés, pour faire pression à la baisse sur les prix d’achat. L’exemple le plus remarquable de cette stratégie est mis en oeuvre chaque année, au cours de l’été, sur les productions de fruits et légumes, avec des producteurs contraints d’écouler leur production auprès de la grande distribution à des prix très bas, largement inférieurs aux coûts de production. Cette proposition de loi s’appuie sur un double constat : d’une part, la dégradation durable des prix d’achat des productions agricoles issues de l’agriculture française ; de l’autre, l’augmentation constante des prix de vente des produits alimentaires aux consommateurs. André Chassaigne avait déposé, il y a deux ans, une proposition de loi sur le « droit au revenu des agriculteurs », dont beaucoup d’articles avaient retenu l’intérêt des parlementaires de toutes sensibilités. La principale objection, notamment de M. Le Maire, était l’inopportunité d’un tel texte à quelques mois du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (LMAP). Puisque celui-ci allait, nous disait-on, régler tous les problèmes, il était urgent d’attendre. Aujourd’hui, force est de constater que les problèmes demeurent, et que la question des prix et des revenus agricoles est la grande oubliée de notre politique agricole et alimentaire. La crise des fruits et légumes de l’été 2011 en est l’une des preuves les plus flagrantes. En 2011, les producteurs de melons, de poires, de prunes, de tomates ou encore de concombres ont connu une nouvelle année noire. Les prix d’achat étaient inférieurs de 15 à 45 % à la moyenne des cinq dernières années, provoquant des situations dramatiques pour des agriculteurs déjà touchés par des années de crise. Il n’était pas rare de voir les producteurs de pêches et de nectarines du Roussillon contraints de vendre à un euro leurs produits, lesquels se retrouvaient à 2,50 euros, voire plus de 3 euros, sur les étals des hypermarchés de la côte, à quelques kilomètres de là. Nous aurions tort de penser que, pour la filière des fruits et légumes, cette mauvaise année 2011 tient aux fluctuations conjoncturelles des marchés : il s’agit d’un problème structurel qui affecte l’agriculture française dans son ensemble. Les prix d’achat de la production agricole subissent de fortes pressions à la baisse, alors que les coûts des consommations intermédiaires, eux, ne cessent d’augmenter, qu’il s’agisse des prix de l’énergie, des engrais ou des produits phytosanitaires. Cette double évolution ne peut qu’avoir des conséquences dramatiques. Quelques chiffres permettront de mesurer l’ampleur de la crise qui affecte ce secteur essentiel pour notre pays. Si l’on en juge par les moyennes triennales, le revenu agricole, tous secteurs confondus, n’a pas évolué depuis 1995. Les revenus des exploitations familiales et de taille modeste ont même baissé, plongeant des milliers de paysans et leurs familles dans la pauvreté. Comment en sommes-nous arrivés là ? S’agissant de la formation des prix, nous ne disposons pas de données aussi précises qu’il le faudrait : le premier rapport annuel de l’Observatoire des prix et des marges des produits alimentaires, publié le 27 juin 2011, souligne le manque d’informations fournies par les distributeurs. Il a néanmoins le mérite de mettre en lumière certaines pratiques. Ainsi, sur plusieurs produits, les marges de la grande distribution ont presque doublé en dix ans. L’exemple de la longe de porc l’illustre. En 2000, 45 % du prix final de ce produit revenait à l’éleveur, contre seulement 36 % aujourd’hui. La part de l’industriel chargé de l’abattage a également chuté de 11 à 8,8 %. En revanche, le distributeur a considérablement augmenté sa marge, puisqu’il touche aujourd’hui 55 % du prix final, contre 39 % en 2000. Cette domination sans partage sur la valeur ajoutée au sein des filières a été facilitée par les évolutions législatives récentes, en particulier la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs et la loi du 4 août 2008, dite de modernisation de l’économie. La déréglementation des relations commerciales entre producteurs et distributeurs, notamment par la consécration du principe de libre négociation des conditions générales de vente, a affaibli les producteurs dans la négociation : tous les responsables du monde agricole en conviennent. Les pratiques contractuelles de la grande distribution – politique active d’importation en fonction de l’arrivée des productions françaises sur les marchés, par exemple – maintiennent une pression à la baisse des prix d’achat, obligeant les producteurs à vendre bien en deçà de leurs coûts de production. Dans ces conditions, comment s’étonner que les exploitations agricoles connaissent autant de difficultés ? De 2000 à 2010, le nombre d’exploitations a diminué de 26 %, et l’emploi agricole de 22 %. Ce sont évidemment les petites et moyennes exploitations, les exploitations familiales, qui ont payé le plus lourd tribut, alors que le nombre de très grandes exploitations s’est accru. L’extrême concentration du nombre d’exploitations sur le territoire national doit nous interpeller sur les caractéristiques du tissu rural en ce début de XXIe siècle, et sur la capacité de notre pays à maintenir, dans les prochaines décennies, une agriculture diversifiée, de qualité, à dimension humaine. Pourtant, pour les consommateurs, les prix alimentaires ont crû de 2 % par an, avec des hausses allant jusqu’à 13,5 % pour les produits frais. Certes, la part du budget des ménages consacrée à l’alimentation est passée de 20 % dans les années 1960 à 13 % aujourd’hui, mais la consommation de fruits et légumes frais n’a pas progressé depuis cinquante ans. On le sait, la consommation de produits frais est directement liée au pouvoir d’achat des ménages et à leur catégorie socioprofessionnelle. Une politique de l’alimentation ambitieuse suppose donc, en priorité, de soutenir la demande de produits frais pour les foyers les plus modestes. Pour toutes ces raisons, il paraît indispensable de réguler les marges et les pratiques de la grande distribution, avec la double ambition d’une alimentation de qualité accessible à tous et d’une rémunération digne du travail paysan. C’est précisément l’objectif du texte présenté par André Chassaigne, qui propose trois outils pour cela. L’article 1 er applique un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de vente des produits agricoles. L’objectif est d’étendre l’application d’un dispositif qui a existé de 1945 à 1986, avant d’être réintroduit en droit français en 2005 pour le secteur des fruits et légumes, sans toutefois être mis en œuvre. Le coefficient multiplicateur tend en fait à limiter les taux de marge des distributeurs. Le principe en est simple : l’État fixe un coefficient, sous la forme d’un taux plafond, entre le prix d’achat au producteur et le prix de vente au consommateur. Pour une efficacité optimale, cette mesure s’appliquerait évidemment à toute la chaîne des intermédiaires. L’article 2 propose de définir un prix minimum – indicatif, afin de ne pas contrevenir à la réglementation européenne – pour chacune des productions. Ce prix serait défini au niveau interprofessionnel, via une concertation au sein de l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, FranceAgriMer. L’article 3 institue une conférence annuelle par production, regroupant l’ensemble des acteurs des différentes filières – fournisseurs, distributeurs et producteurs –, en élargissant le champ de la représentativité syndicale agricole aux organisations minoritaires. Cette conférence annuelle donnerait lieu à une négociation interprofessionnelle sur les prix, et fixerait un plancher pour les prix d’achat aux producteurs. Les auditions que j’ai menées me conduisant à penser qu’un consensus est possible ; je défendrai, en séance publique, un amendement tendant à modifier la rédaction de cet article. Une véritable logique articule donc les articles 2 et 3 : celui-ci complète celui-là en créant un prix plancher qui pourra servir de référence à la définition du prix minimal indicatif, avec l’objectif de modérer les marges de la distribution. Les produits agricoles et alimentaires ne sont pas des biens de consommation comme les autres : on ne peut les échanger sur des marchés mondialisés où la spéculation règne en maître, mettant en péril tant la survie de nos exploitations que l’autosuffisance alimentaire de l’Europe et, in fine, l’équilibre alimentaire mondial. Les grands groupes de la distribution ne doivent pas se voir confier les pleins pouvoirs dans leurs relations avec les agriculteurs, sous peine de mettre en péril des pans entiers de notre agriculture, tandis que s’opère un véritable racket sur les consommateurs, captifs des hypermarchés. Les mesures présentées ne visent qu’à rétablir un juste équilibre entre tous les acteurs de la filière, au bénéfice des consommateurs. Cette proposition de loi n’entend évidemment pas résoudre, à elle seule, tous les problèmes du monde agricole, mais apporter une première réponse concrète à la question des prix et des revenus. Elles redonneraient un véritable espoir à des agriculteurs à bout de souffle, et ce sans pénaliser les consommateurs.


Le Front de gauche rejoints par ailleurs les aspirations des Français : selon un sondage réalisé par la TNS Sofres du 27 au 30 mai 2011, à la question : « l’État doit-il aider les producteurs à fixer leurs prix face aux distributeurs ? », 77 % des personnes interrogées se sont déclarées favorables, contre 14 % qui estiment qu’il faut laisser les prix se fixer librement. Les raisons invoquées pour expliquer les principales difficultés du monde agricole français sont, dans l’ordre, la difficulté de vendre les produits agricoles au juste prix, la concurrence d’autres pays et le faible pouvoir de négociation des agriculteurs face aux distributeurs industriels. Le temps d’une autre politique a sonné !. http://www.andrechassaigne.org/Encadrement-des-prix-alimentaires.html http://andrechassaigne.org/Dossier-special-sur-les-prix.html

Nos
propositions
pour
une
juste
rémunération
du
travail Pour une politique agricole reconnaissant le droit à une juste rémunération du travail Du fait de la libéralisation de l’agriculture, de l’injuste répartition des aides de la PAC et de la captation d’une partie croissante de la valeur ajoutée par la grande distribution, une grande partie de la paysannerie ne réussit pas à dégager un revenu acceptable et se trouve en situation de grande précarité. Cette situation est à la source du processus de concentration de l’agriculture. Au contraire, les objectifs de production de produits de qualité, de transition écologique de l’agriculture, d’inversion du processus de concentration de la production et de maillage du territoire par un grand nombre d’exploitations agricoles paysannes nécessitent une juste rémunération du travail agricole. Celle-ci doit avant tout être basée sur l’existence de prix rémunérateurs. Du point de vue de l’intérêt général, il n’y a aucune raison d’aligner les prix aux producteurs sur le « marché mondial », lequel ne reflète souvent en réalité que le coût de production d’excédents exportables de pays disposant de conditions de production particulièrement avantageuses. En cohérence avec le principe de souveraineté alimentaire, il convient donc de gérer le marché intérieur et de le protéger du marché mondial. Les aides et rémunérations directes de la PAC doivent venir en complément, en fonction d’objectifs spécifiques : rémunération de services d’intérêt général, compensation de situations difficiles, soutien à des productions ou modes de production particuliers. Afin de limiter les inégalités de revenus, les volumes de productions bénéficiant de prix garantis et le montant des aides devront être plafonnés par actifs. Enfin, la France prendra sans tarder des mesures nationales en vue de lutter contre la captation de la valeur ajoutée par la grande distribution. Au niveau national : 1 - En attente d’une évolution plus globale de la politique européenne relative au droit à la concurrence (voir ci-dessus), la France instaurera immédiatement :  une loi cadre encadrant les pratiques et les marges de la grande distribution ; il s’agit, dans un certain nombre de secteurs, de contrôler la répartition de la valeur ajoutée dans les filières de commercialisation (mise en place de prix minimums garantis aux producteurs et encadrement des marges de la grande distribution par un coefficient multiplicateur, quelle que soit l’origine de la production) ;  des critères dans les appels d'offre de l’Etat et des collectivités territoriales et autres collectivités imposant, chaque fois que cela est possible, la fourniture de produits issus de circuits courts de proximité et répondant à des normes environnementales et sociales particulières, ou issus du commerce équitable ;  la possibilité pour des organisations de producteurs de négocier collectivement des prix avec des transformateurs ou distributeurs, même s'il n'existe pas de transfert de propriété entre les producteurs et l'organisation. Ces mesures sont contraires au droit européen de la concurrence alors même qu'elles peuvent être appliquées au nom de l'article XXIII de la déclaration des droits de l'Homme (« Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la dignité humaine »). Il convient par ailleurs d'étendre la règle aux produits importés sur le territoire national, afin que ces mesures ne se traduisent pas par une augmentation des importations à bas prix. 2 - La France utilisera pleinement les actuelles marges de manœuvre nationales pour l’utilisation des aides de la PAC pour soutenir l’emploi agricole et les petites exploitations (ainsi que la transition écologique de l’agriculture). Au niveau européen, la France défendra auprès de ses partenaires européens les principes suivants : 1- Garantie de prix agricoles rémunérateurs (protection douanière, maîtrise des productions et gestion des marchés) pour des volumes plafonnés par actif, couvrant les coûts moyens de production et une juste rémunération du travail, y compris la couverture sociale. La mise en place d'Organisations Communes de Marché (OCM) doit permettre d'y associer les paysans, en garantissant la reconnaissance du pluralisme syndical. Le plafonnement des volumes bénéficiant d'une garantie des prix est une condition pour éviter la production d'excédents et le dumping sur le marché mondial. Le plafonnement des volumes par actif agricole permet de contribuer à stopper la concentration de la production et de lutter contre les inégalités de revenu dans le monde agricole. Pour certaines productions, des mécanismes seront mis en oeuvre permettant aux agriculteurs les plus productifs de produire aussi pour l'exportation, en évitant le dumping. 2 - Instauration au niveau européen de règles de répartition de la valeur ajoutée -prix minimums aux producteurs et coefficients multiplicateurs pour les productions non concernées par les mécanismes d'intervention (fruits et légumes notamment). 3 - Reconnaissance explicite des services d'intérêt général rendus par les agriculteurs en matière d'aménagement du territoire et de protection de l'environnement, au moyen d'une rémunération publique. Une partie du budget de la PAC sera utilisée pour ces rémunérations de services. 4 - Aides spécifiques au revenu : d’une part pour les agriculteurs en situation moins favorable du fait des conditions naturelles ou économiques de leur activité (montagne, etc.) ; d’autre part en fonction d’objectifs spécifiques : soutien ou développement de certaines productions (notamment protéines végétales ou systèmes fourragers à l'herbe) et modes de production spécifiques (notamment transition écologique de l'agriculture), investissements (notamment circuits courts de proximité). Ceci implique de re-coupler un certain nombre d’aides en fonction de ces objectifs. 5 - Limitation du revenu agricole par actif, afin de contribuer à la diminution des inégalités dans le monde agricole : d’une part, en plafonnant par actif les volumes de production pouvant bénéficier d'une garantie de prix rémunérateurs ; d’autre part, en plafonnant par actif l’ensemble de la rémunération perçue au titre des services d'intérêt général rendus par les agriculteurs et des aides allouées au titre d’objectifs spécifiques (voir ci-dessus). Les actifs salariés seront pris en compte dans le plafonnement jusqu’à hauteur de deux actifs par exploitation, afin de tenir compte des apports possible du travail salarié à l’agriculture paysanne tout en donnant la priorité à cette-dernière par rapport à l’agriculture capitaliste. 6 - Amélioration des bas revenus agricoles, au moyen de :  la politique de soutien par les prix ;  la réaffectation des économies budgétaires réalisées du fait du remplacement des actuelles aides directes par une politique de prix rémunérateurs, au profit de la rémunération des services d'intérêt général et des aides perçues au titre de situations particulières ;  la réaffectation des économies réalisées du fait du plafonnement des rémunérations et aides par actifs. 8 - Révision du droit européen de la concurrence de façon à rendre possible :  l’institution de prix minimums garantis aux producteurs et l’encadrement des marges des intermédiaires ;  l’instauration de critères dans les appels d’offre des Etats et collectivités favorisant –ou imposant- la fourniture de produits issus de circuits courts de proximité et répondant à des normes environnementales et sociales particulières, ou issus du commerce équitable ;  la négociation collective des prix par les organisations de producteurs avec des transformateurs ou distributeurs, même s’il n’existe pas de transfert de propriété entre les producteurs et l’organisation.

Retour
sur
l’actualité A
l'occasion
de
la
visite
de
Jean­Luc
Mélenchon
sur
une
ferme
laitière
bio
dans
le
Morbihan,
le
27
novembre
2011


Dimanche 27 novembre, Jean-Luc Mélenchon visitait une ferme laitière en bio à Plouay, Morbihan. L’occasion tout d’abord de saluer le 25 ème anniversaire du Groupement des agriculteurs bio du Morbihan. Si la bio a longtemps été à contre courant de tout ce qui est recommandé par les autorités, tout leur donne raison aujourd’hui, a fortiori en Bretagne où la crise écologique est poussée à l’absurdité, et où la crise laitière a fait tant de dégâts parmi les producteurs conventionnels. Certains ont voulu expliquer cette crise, sans précédent dans le secteur laitier, par de simples facteurs conjoncturels : une récession économique mondiale, une chute de la demande en Chine et la concurrence en Océanie, et le tour est joué pour s’exonérer de toute responsabilité ! En vérité une approche honnête laisse à penser que le schéma de sortie des quotas enclenché en 2003, et sans plus de proposition de régulation publique alternative, ne pouvait pas rimer avec douceur mais plutôt avec douleur. Certains considèrent que les quotas laitiers ont empêché le secteur de se restructurer pour devenir plus compétitif au bénéfice des fermes les plus performantes, en permettant aux fermes les moins efficaces de se maintenir. En limitant la production européenne, les quotas laitiers auraient profité aux producteurs de lait de la Nouvelle-Zélande, pour leur assurer le tiers des échanges mondiaux de produits laitiers, à peine plus d’ailleurs que la part tenue par l’Union européenne. Mais ce n’est pas cela que porte le Front de Gauche ! Le Front de Gauche se bat pour des producteurs nombreux, nous voulons des exploitations sur tout le territoire, et nous voulons des revenus stables et satisfaisants pour les producteurs. C’est pour la souveraineté alimentaire européenne et française que s’engage le Front de gauche. Une souveraineté alimentaire aujourd’hui mise à mal par la Commission européenne, qui à travers ses propositions de la nouvelle Politique agricole commune bafoue les principes fondateurs de préférence communautaire et de stabilité des revenus. Si le secteur laitier avait été épargné jusque là, les libéraux de Bruxelles ont tout d’abord saboté le système en autorisant un niveau supérieur de 10% aux besoins du marché intérieur, un volume que l’UE a dû exporter grâce à un dumping élevé. C’est aujourd’hui la casse du système, alors que nos voisins suisses connaissent toutes les difficultés depuis le démantèlement de leurs quotas, alors même que les Etats-Unis deviennent régulationnistes pour stabiliser leurs prix. Les autorités européennes montrent un entêtement absurde pour démanteler un outil qui a su faire ses preuves. Et ces mêmes irresponsables arguent aujourd’hui qu’il appartient au « Marché » de s'autoréguler lui-même, par la mise en place d'un système de contractualisation, où un industriel serait sensé négocier à armes égales avec les producteurs. Ce système, nous le connaissons : c’est créer des oligopoles tout puissants face au travailleurs, et c’est concentrer la production vers des produits de masse et uniformisés. Cette dynamique dont le Ministre de l’agriculture s’est fait le chantre est en contradiction avec les valeurs du Front de gauche, qui souhaite relocaliser la production et s’oppose aux oligopoles industriels aux dépends des producteurs. Nous voulons un cadre réglementaire, défini avec l’ensemble des parties, qui protège et renforce l’autonomie des petites structures. Quand la droite et les socialistes nous parlent de partenariat et de contractualisation, le Front de gauche répond régulation ! Dans le cadre d’une réelle politique agricole de souveraineté alimentaire, il est urgent de revaloriser les avantages d’une Organisation commune de marché (OCM) lait qui garantit l’adéquation entre l’offre et la demande européennes. Certes le système des quotas est perfectible, et doit être adapté régulièrement et avec souplesse pour répondre aux aléas du marché. Mais il a su faire preuve d’efficacité pour éviter la volatilité des prix, et pour maintenir des éleveurs sur l’ensemble des territoires. Par ailleurs, notons qu’à ce jour rien n’est prévu dans les projets de contrats pour prendre en compte la spécificité du bio, notamment la possibilité de conversion. Sur la formation des prix, le Front de gauche s’oppose à ces contrats supposés équitables, où les industriels auront toujours la part belle face à la multitude des producteurs, toujours menacés de n’être tout simplement pas collectés si le mal nommé « partenariat » ne leur convient pas ! Comme s’en est alarmée la Fédération nationale des producteurs de lait il y a une quinzaine de jours, les propositions contractuelles proposées par les entreprises privées sont extraordinairement déséquilibrées… Le Front de gauche s’engage quant à lui à défendre le droit au revenu (voir ci-dessus la proposition de loi déposée par André Chassaigne). On nous parle de mérites de la libre-concurrence qui serait avantageuse pour le consommateur… Mais la libéralisation, on a vu ce que c’est, ici même en Bretagne dans le secteur du porc ou de la volaille. La libéralisation, c’est la concentration des productions et l'élimination des producteurs ! Et le processus est toujours le même : réduction de la valeur ajoutée pour le paysan et baisse des prix payés aux producteurs, augmentation de la production pour compenser ces pertes, élimination des plus fragiles financièrement, et finalement concentration de l’outil de production qui va à son tour conduire à une surproduction et une chute des prix, dans un cycle sans fin préjudiciable aux hommes comme à l’environnement… L’absence de certitudes quant au contexte laitier à venir n’est sûrement pas favorable aux vocations alors que, historiquement, la contrepartie à la pénibilité du travail d’éleveur était une certaine forme de stabilité par la régularité de la paie mensuelle. L’instabilité des prix et l’incertitude sont aujourd’hui des facteurs de concentration de l’outil de production, en complète opposition avec l’objectif du Front de gauche de recréer de l’emploi agricole, avec un objectif de 300 000 emplois supplémentaires en agriculture, soit prés du double d’aujourd’hui.

Le
compte­rendu
de
la
visite
de
Jean­Luc
Mélenchon
sur
une
ferme
laitière
bio
dans
le
Morbihan (extrait
du
"carnet
route...
en
Bretagne",
rédigé
par
Céline
Meneses
­ Pour
accéder
au
carnet
de
route
en
Bretagne
complet
:
http://www.jean­luc­melenchon.fr/carnet­de­route­en­bretagne/)

Lorient – 10H50 Après une grasse matinée particulièrement bienvenue en ce dimanche, nous nous retrouvons tous en bas de notre hôtel pour prendre le bus vers une nouvelle aventure. Il règne une ambiance de colonie de vacances. Les militants locaux, l'équipe de Serge Moati (qui nous suit depuis hier matin), et la petite équipe qui accompagne Jean-Luc, tout le monde est enjoué malgré le ciel un peu maussade ce matin. Nous partons découvrir l'exploitation laitière de Gérard et Annick Lucas à Plouay au lieu-dit Le Gouelo. Durant le trajet, Jean-Luc apprend une bonne nouvelle : les grévistes du centre de tri de la Poste que nous avions rencontré à Brest ont obtenu gain de cause! La direction s'est finalement engagée à mettre en place des effectifs supplémentaires et à remplacer les absences pour cause de maladie. Un minimum. Mais de nos jours il faut se battre pour obtenir le droit de travailler dans des conditions acceptables… Les employés ont regagné leur poste de travail dès 20h hier soir, faisant preuve d'un professionnalisme exemplaire.

Plouay – 11H10 Le bus marque une pause. Il faut laisser la priorité au camion du laitier. Le chemin qui mène à l'exploitation est top étroit pour laisser passer le camion et le bus à la fois. Maryvone, la responsable du Parti de Gauche Morbihan, appelle l'exploitation pour vérifier qu'on peut y aller. Pendant ce temps, Jean-Luc en profite pour discuter des paysanneries rouges avec les camarades du coin.

Plouay – 11H30


Nous arrivons à l'exploitation de Gérard en France et qu'en tout, pas moins de dizaine d'années, le nombre de petites une vitesse vertigineuse un peu partout

et Annick Lucas. Il faut savoir que la Bretagne est la première région productrice de lait 48% des productions laitières sont concentrées dans le Grand-Ouest. Mais depuis une et moyennes exploitations laitières diminue aux profit des plus grosses exploitations à en Europe. En France, 26% d’entre elles ont disparu en dix ans.

Cela fait 10 ans que plusieurs exploitants ont décidé de se reconvertir dans l’agriculture bio, la demande de bio étant en forte augmentation. La Bretagne compte à ce jour environ 1400 exploitations bio soit 4,2% des structures agricoles. Gérard et Annick sont ainsi passés au bio en 1997, 20 ans après l’installation de leur exploitation. Sur place nous sommes attendus. Une trentaine de personnes au milieu desquelles une équipe de LCP qui nous a rejoint, caméra et micro en main. Gérard est le premier à venir saluer Jean-Luc. Chacun et chacune se présente à tour de rôle. Certains ont déjà rencontré Jean-Luc au salon Marjolaine. Les retrouvailles sont enthousiastes. Gérard raconte son parcours. Il voulait être cuisinier mais les aléas de la vie l'on conduit à faire de la mécanique générale. Mais comme il y avait "un peu de terre sur les cailloux" il a décidé de s'installer, sans diplôme. Pas facile nous explique-t-il. "Ce qui m'a poussé a faire du bio? On ne s'immunise pas contre les pesticides. Si je suis passé au bio, ça peut paraître égoïste, c'est avant tout pour ma santé" explique Gérard. "Avant on disait qu'un agriculteur ne s'empoisonnait jamais avec ses mains, aujourd'hui, si on ne fait pas du bio, non seulement on s'empoisonne soi-même mais on empoisonne les autres" explique-t-il "le lait c'est d'abord les enfants qui le consomment, on n'a pas le droit d'empoisonner les enfants". Jean-Luc parle de la nécessité que les paysans soient mieux rémunérés et que les prix des aliments soient aussi accessibles. Il faut donc réduire les marges des intermédiaires. Il explique que tout le monde a le droit de manger correctement et qu'il faut cesse de considérer l'agriculture bio comme du folklore. "Tout le monde a le droit de manger sainement". On parle aussi de la limite à porter à la taille des exploitations, d'aller à une surface maximale d'installation par actif. L'assistance est particulièrement attentive. On discute du métier, de la formation des agriculteurs. "Il faut valoriser le métier de paysans, aujourd'hui il y a une installation pour trois départs" s'exclame quelqu'un. "L'enseignement public agricole manque de moyens alors que l'enseignement privé est axé sur le productivisme" dit un autre "ça ne peut pas durer". Jean-Luc insiste sur le fait qu'il faut effectivement modifier les modes de production et les modes de formation. Une dame prend la parole. Elle raconte comment l'abattage de volailles est délocalisé au Brésil. Une absurdité. Des emplois en moins et une empreinte écologique démultipliée… Le marché agricole marche sur la tête!

Plouay – 11H50 On part visiter l'exploitation. Les vaches, des normandes croisées, ne semble pas stressées. On traverse la salle de traite. Surprise : la radio tourne à fond. "Je met la radio en permanence comme ça, quand il y a des visites, les vaches ne sentent pas la différence. Elles ne sont stressées que quand Sarkozy parle à la radio" plaisante-t-il. Un débat se lance. "Binage", "tournage", "round up", faut-il "biner" ou "herser"… Jean-Luc maîtrise. Moi je n'y comprends strictement rien… "Débat d'experts" rit un camarade qui s'y connaît un peu en voyant ma mine abasourdie. On nous présente la fameuse "bineuse". C'est une grosse machine qui ressemble à un petit tracteur. Elle permet de mettre zéro produit pour désherber (ça y est je commence à comprendre). Problème : ça coûte plus cher car on y passe plus de temps qu'avec des pesticides. Mais c'est sain au moins. "Ça pourrait créer des emplois les binages" s'exclame Gérard. En plus "un binage ça vaut deux arrosages" dit l'un,"on a moins besoin d'arroser quand on aère la terre, donc on économise de l'eau" explique Gérard.

Gérard nous explique que son exploitation est autonome en nourriture du bétail. Pas besoin d'acheter. Pas besoin d'importer. Tout est produit localement. On s'arrête un instant face aux vaches qui paissent. Jean-Luc se paie la tête des photographes qui se sont plantés au beau milieu des vaches pour mieux photographier la scène. La scène est cocasse. Les vaches observent les photographes et les caméramen, l'air ébahi. Quelle pagaille ! La discussion vire sur une proposition de loi qui sera débattue demain, lundi, à l'Assemblée Nationale. "Ils veulent nous interdire de re-semer notre propre production et nous obliger à acheter des semences" explique Albert, paysan retraité et membre du Front de Gauche. Des amendes sont prévus pour ceux qui ne suivraient pas, nous explique-t-on.


Plouay – 12H20 On rentre pour une séance d'interviews. Jean-Luc et Gérard s'assoient contre le mur en granit de la bâtisse principale. Tous les micros sont tendus vers Jean-Luc. On l'interroge : "pourquoi venir voir la paysannerie, c'est un électorat qui ne vous est pas acquis". Jean-Luc rappelle qu'il existe une paysannerie de Gauche, insiste sur le Front de Gauche de l'agriculture, le plus développé des différents Fronts de Gauche thématiques, et parle surtout du rôle crucial d'une agriculture saine pour l'intérêt général. Gérard est d'accord. Il nous raconte "quand j'ai commencé dans le bio on m'a demandé si c'était rentable. J'ai répondu : est-ce que la santé est monnayable ?". L'assistance approuve. L'interview n'en est plus une depuis quelques minutes. C'est devenu une discussion collective pour le plus grand plaisir de tous, à commencer par Gérard.

Débat
«
Osons
la
bio
!
»
entre
les
représentants
des
candidats
à
l'élection
présidentielle,
organisé
par
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FNAB Le 24 novembre 2011, au colloque « osons la bio !», la Fédération nationale de l"Agriculture Biologique (FNAB) et les associations Terre de liens et Bio consomm'acteurs ont présenté leurs "20 propositions pour 20% de bio en 2020". Devant une salle comble de paysannes et paysans bio, de professionnels et citoyens, 5 représentants des candidats déclarés ou supposés à l'élection présidentielle de 2012, dont Laurent Levard pour le Front de Gauche, ont débattu de l'agriculture bio et des moyens d'atteindre cet objectif du Grenelle de l'environnement dans la prochaine mandature. Dans le cadre de ce débat, Laurent Levard a notamment déclaré que le Front de Gauche se retrouvait dans l'essentiel des 20 propositions, même si, sur certains points, ils nous semblait qu'il fallait aller plus loin en termes d'ambition pour une transition écologique de l'agriculture et qu'il fallait parfois porter la cohérence plus à fond. Ce débat a également mis en évidence que le Front de Gauche était la seule force politique à : - souligner que le libéralisme et la transition écologique de l'agriculture étaient incompatibles, - à aborder la question de la rémunération du travail et des prix agricoles, - à proposer, au delà de principes généraux, des mesures concrètes en matière de politique foncière pour stopper et inverser le processus de concentration de la production, - à s'engager à faire respecter la diversité syndicale dans l'ensemble des instances ou la profession agricole est représentée (y compris Chambres régionales d'agriculture et APCA), mais aussi à ce que les pouvoirs publics, en tant que porteurs de l'intérêt général, aient la responsabilité effective des décisions finales, notamment en matière de politique foncière, après concertation des différents acteurs. Sur la recherche agronomique, Laurent Levard a souligné que le Front de Gauche ne peut se contenter de la proposition d'affecter 20% des fonds de la recherche publique à l'agriculture biologique. C'est l'ensemble de la recherche agronomique publique qui doit être réorientée au service de la transition écologique de l'agriculture qui, pour cela, doit être libérée des lobbies privés. Retrouvez l'ensemble des diverses parties du débat sur http://www.fnab.org/index.php?option=com_content&view=article&id=270:24-novembre-2011journee-nationale.

Le Front de Gauche de l’agriculture vous invite à diffuser largement cette lettre et à nous envoyer des témoignages de la campagne pour les prochaines lettres du FdG de l’agriculture... Coordonnées du Front de Gauche de L’Agriculture : http://www.placeaupeuple2012.fr/agriculture/
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