40
L e to ot de r & F s tTo rtahv e l e d i t o r
www.panoramitalia.com www.panoramitalia.com
viaggio - voyage - travel
La Carrese : la passion de la tradition ! Par Gabriel Riel-Salvatore
Chaque année à la fin du mois d’avril et au début du mois de mai, les villages d e U r u r i , S a n M a r t i n o i n Pe n s i l i s, Portocannone et Chieuti célèbrent leur Saint Patron Protecteur de manière fort originale en organisant la Carrese, l’une des plus célèbres et plus authentiques traditions du Molise. a carrese, aussi appelée «carriera» ou «corsa dei carri,» consiste à parcourir un tracé tortueux de près de 9 km composé de routes de campagne en partie asphaltée avec un char tiré par une paire de bœufs spécialement entraînés. Dans une course effrénée, tels des purs sangs, ces bêtes accompagnées par une équipe de cavaliers, galopent à toute allure vers la ligne d’arrivée, atteignant une vitesse de pointe de 40 à 45 km à l’heure. Le parcours prend naissance dans la campagne environnante pour se terminer en plein centre ville, dans la piazza centrale du village, semant une explosion de joie chez les supporters de la faction victorieuse. Ainsi, l’équipe qui traverse la première la porte de la
L
cité remporte la course, souvent dans une ambiance de chaos, de délire, de pleurs, de rires et d’accolades. Lors des célébrations qui s’ensuivent, seuls les vainqueurs ont le droit de porter l’effigie du Saint Patron à bord de leur char pendant la sainte procession. Le village se plonge alors dans une ambiance de fête et de réconciliation. Tous ceux qui assistent pour la première fois à la carrese gardent un souvenir inoubliable de cette fête remplie d’émotions. Les décorations qui endimanchent les chars et habillent les villages pour l’occasion appuient ce sentiment d’euphorie qui habitent les villageois et qui envahit les visiteurs en les poussant à choisir leur camp. C’est ainsi que, depuis des siècles, on honore les reliques du Santo Legno della Croce le 2 mai à Ururi, le 3 mai celle de San Leo à San Martino in Pensilis, le dimanche de la pentecôte de la Madonna di Costantinopoli à Portocannone et le 22 avril celle de San Giorgio à Chieuti. C’est la bénédiction des chars lors de la messe sainte qui sonne le début des festivités qui s’échelonnent sur trois jours. Lors de la procession à laquelle participent tous les gens du village, les chars drapés de fleurs, de feuilles de laurier, de rameaux d’oliviers et de banderoles de couleurs sillonnent les rues du village ravivant la ferveur des équipes et les espoirs de victoire. Les soirées de fêtes sont animées par des spectacles de musiques et culminent par un feu d’artifices. De deux à quatre équipes (mais parfois plus) s’affrontent chaque année. Chacun des camps possède ses couleurs
traditionnelles que les supporters arborent fièrement lors du jour «j» en signe d’appui à leur équipe. À Ururi par exemple les Giovani et les Giovanotti, les deux rivaux ancestraux, portent respectivement des habits bleu et blanc et rouge et jaune. Chaque équipe est composée d’une vingtaine de cavaliers et de deux jockeys pour la plupart originaires du village. Afin d’éviter toute tricherie, les équipes sont régies par des normes et des règles enchâssées dans la constitution municipale et que les équipiers s’engagent à respecter scrupuleusement. Ces groupes qui sont en fait de véritables clans, bénéficient de l’appui de leur famille et de leurs amis. Inébranlables, ces allégeances sont pour la vie, ce qui, à l’instar des rivalités entre les contrade (quartiers) à Sienne, crée parfois de profondes divisions au sein des villages. Pour prévenir les fuites et se mettre à l’abri des mouchards et conserver secrètes les stratégies de chaque équipe, les villageois de chaque clan comptent leurs propres bars et leurs propres lieux de rencontre. La course requiert une minutieuse préparation qui s’échelonne sur l’année. Les bœufs de race Podolica sont attentivement sélectionnés selon leur attributs physiques et leur aptitude à la course et sont traités tels de vrais athlètes.