Journal Socialisme & Souveraineté n°6

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Socialisme&Souveraineté et ses collaborateurs, patriotes, républicains, communistes, font équipe pour la rédaction d'un journal mensuel de gauche républicaine qui se veut à la fois pédagogique, afin d'être accessible au plus grand nombre, tout en étant force d'analyse et de proposition, afin d'éviter de tomber dans le simplisme et la critique facile. Ce journal se construit autour de deux grands axes d'idées, qui forment l'ossature de la ligne politique de l'organisation Socialisme&Souveraineté : la proposition d'une alternative socialiste, d'un nouveau projet de société face au système capitaliste, pour plus de justice et moins d'inégalités économiques mais aussi plus d'efficacité, et la défense de la souveraineté de la France face à l'UE et aux organismes supranationaux, afin que le peuple français puisse choisir librement et démocratiquement sa voie politique. De gauche républicaine, ce journal se veut pourtant différent des autres journaux de gauche de par : -sa force de proposition, là où les autres se contentent bien souvent de critiquer sans avoir en tête aucune alternative crédible au capitalisme ; -son refus du simplisme, du manichéisme et de la diabolisation de l'adversaire, là où la gauche a souvent la sensation d'avoir le "monopole du cœur" ; -son souhait d'aborder tous les sujets, là où des Torquemadas imposent un certain nombre de tabous sur des thèmes "sensibles" dont le traitement serait réservé à la droite -son ouverture au dialogue politique et à la contradiction, qui sont les bases mêmes de la démocratie et qui doivent être défendues coûte que coûte à une époque où la dépolitisation menace et où la culture du débat s'éteint.

Notre objectif final est d'utiliser ce journal comme un outil pour favoriser le développement d'une nouvelle alternative politique dont nous pensons qu'elle correspond aux attentes profondes de nombre de nos concitoyens, sans qu'ils en aient nécessairement conscience.

Editorial

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Dossier : La Gauche Française Quid du clivage Droite-Gauche ?

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Panorama de la Gauche Française

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Les mythes fondateurs de la Gauche Page 5 Pourquoi nous sommes différents

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La Nation aux travailleurs !

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Faut-il se sentir de gauche ?

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Egalité chérie

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Editorial

par Pablito Waal

Dans ce numéro, nous avons décidé de laisser à la place à la libre expression des membres de notre organisation, et d’inviter des contributeurs extérieurs, dont l’Organisation Socialiste Européenne, qui publie le journal Rébellion. Notre sujet ? La critique de la gauche en France, tout simplement, parce que c’est ce qui a généré notre existence. Certains d’entre nous sont des anciens membres de partis structurés et connus, PCF ou NPA, d’autres sont passés par des formations moins connues et plus proches du marxisme-léninisme… Socialisme & Souveraineté est née de ce double constat : aucun mouvement de gauche ne propose d’alternative crédible au capitalisme étatisé que nous connaissons, à part une lourde social-démocratie ou une variante inavouée de modèle soviétique, et trop peu de mouvements reconnaissent que sans souveraineté nationale, donc sans rupture avec l’Union Européenne et l’OTAN, rien ne sera possible. On nous reproche parfois de créer encore une nouvelle structure, et que nous devrions rejoindre une existante… C’est justement parce que nous avions cru que le débat était possible dans les « grands » partis de la gauche française que nous avions commencé par y entrer, avant de comprendre que très souvent, les lignes politiques partent du sommet, que seuls des pointsvirgules dans les plateformes sont négociées à la base, et que les rares amendements profonds sont rapidement rendus inopérants… Trop de tabous, de positions toutes faites : face à cela, Socialisme & Souveraineté offre la possibilité d’un dialogue vraiment ouvert. Nous sommes peu nombreux, certes, mais c’est justement quand l’aventure commence qu’il faut y prendre part. Pour rappel, n’hésitez pas à consulter les propositions de Socialisme & Souveraineté pour un nouveau modèle économique, afin de comprendre notre orientation : http://www.socialisme-etsouverainete.fr/categorie-11234814.html

Socialisme et Souveraineté – Numéro 6 – Février 2011

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DOSSIER : LA GAUCHE FRANCAISE Quid du clivage droite-gauche ? Par Aequitas

D'où est né le clivage gauche-droite ? Tout d'abord, historiquement, c'est en France que le clivage gauche-droite s’est dessiné. Il fait son apparition lors de la Révolution Française et plus particulièrement le 28 août 1789, date à laquelle l'Assemblée constituante entama à Versailles un débat sur le droit de veto du roi. Il s’agissait de savoir si, dans le régime de monarchie constitutionnelle qui était en train de s’instaurer, le monarque pourrait ou non disposer d’un droit de décision supérieur à la souveraineté nationale, c’est-à-dire d’un pouvoir primant celui des représentants du peuple réunis en corps politique pour ce qui concerne l’expression de la loi. Pour manifester leur choix, les partisans du droit de veto royal allèrent se placer dans la salle (qui n’était pas un hémicycle) à la droite du président du bureau, tandis que leurs adversaires s’installaient à gauche. La distinction droite-gauche, était née. Elle se confirma par la suite avec l'affrontement entre Montagnards et Girondins. Puis elle se répandra progressivement dans toute l’Europe, puis dans le monde entier, s’implantant de façon durable dans les pays latins, de façon plus circonstancielle dans les pays germaniques et surtout anglo-saxons. Le clivage gauche-droite existe il encore aux yeux des Français? En mars 1981, 33 % des Français considéraient que les notions de droite et de gauche étaient dépassées et ne permettaient plus de rendre compte des positions des partis et des hommes politiques. Selon un nouveau sondage Sofres publié en février 2002, 60 % des Français, toutes catégories confondues, estimaient désormais que le clivage droite-gauche est dépassé. Quant à l’opinion inverse, selon laquelle ce clivage conserve encore un sens, elle n’était plus soutenue dès 1991 que par 33 % des personnes interrogées, contre 43 % en 1981. Ainsi on peut constater que le clivage gauche droite parait de plus en plus dénué d'intérêt selon les citoyens Français. Reste à déterminer les causes de cet affaiblissement: Pourquoi cet affaiblissement ? Plusieurs raisons : Ce déclin du clivage gauche droite s'explique pour plusieurs raisons : - La raison historique : en effet, suite à la Révolution Française, il fallait fixer de nouvelles institutions. C'est pourquoi il y a eut d'un côté les partisans d'une monarchie constitutionnelle ou de droit divin (à droite) et de l'autre ceux d'une République (à gauche). Cette opposition entre monarchistes et républicains a fait rage jusqu'à la fin du XIXème siècle. Aujourd’hui, la suprématie du régime républicain n'est plus remise en cause. La question de la place de la religion dans la société a été également facteur d'antagonismes. Enfin le dernier "grand" débat fut celui de l'ordre social qui résulte de la Révolution Industrielle et de l'essor du capitalisme. Nous dépassons la question du type de régime puisqu'il y a l'introduction du marxisme puis la séparation entre socialistes et communistes. - La montée de l'Individualisme particulariste : il se définit comme le repli sur la sphère privée de la part d'un individu. Ce qui a pour but le désintérêt de la sphère publique et ce qui va favoriser l'abstentionnisme. Cette individualisme se développe notamment grâce à la montée du salariat de services, l'urbanisation et la perte de conscience de classe ; -La montée du consensus gauche/droite : ce point est à mettre en relation avec l'historique puisque aujourd'hui, sur de nombreuses questions sociétales la droite s'est rapprochée de la gauche sur des sujets comme la peine de mort, la contraception etc. Pourtant ce consensus semble déplaire puisque nous assistons à une montée des extrêmes et des votes marginaux. On constate qu’un Français sur quatre vote désormais en dehors du système, et que les « partis de gouvernement » ne représentent plus que la moitié de l’électorat inscrit aux élections législatives (2007). Pourquoi cet affaiblissement du clivage gauche droite est-t-il dangereux? Les clivages ouvertement exprimés différencient les régimes démocratiques des régimes totalitaires. La définition de démocratie est en accord avec celle de clivage parce qu’elle implique la pluralité des partis, du moins la diversité des opinions et des choix, et un affrontement entre eux. Or, si les partis ne sont plus séparés que par des différences programmatiques insignifiantes, si les factions concurrentes mettent en œuvre fondamentalement les mêmes politiques, si les unes comme les autres ne se distinguent plus ni sur les objectifs ni même sur les moyens de les atteindre, bref si les citoyens ne se voient plus présenter d’alternatives réelles et de véritables possibilités de choix, alors le débat n’a plus de raison d’être et le cadre institutionnel qui lui permettait d’avoir lieu n’est plus qu’une coquille vide dénuée de sens.

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DOSSIER : LA GAUCHE FRANCAISE Panorama de la Gauche française Par Pablito Waal

Récapitulatif sur les partis de gauche en France : Pour commencer ce numéro, faisons un peu le tour de l’actuelle offre politique de la gauche française : SFIO : fondée en 1905, la Section Française de l’Internationale Ouvrière se divisera en 1920, deviendra un parti de gouvernement, et se transformera en Parti Socialiste en 1969. Parti Socialiste : fondé en 1969, élargi au congrès d’Epinay en 1971, revendique plus de 200.000 adhérents en 2010. Parti Communiste Français : fondé en 1920 suite au Congrès de Tours, où la SFIO se scinde. Les sociaux-démocrates avaient accepté l’union sacrée avec les autres partis pour mener la France dans la Première Guerre Mondiale, tandis que les communistes soutiennent le soulèvement antiguerre et son application en Russie par les bolcheviks. Les communistes conservent le journal l’Humanité. Mouvement Républicain Citoyen : mouvement constitué autour de Jean-Pierre Chevènement, devenu un parti politique en 1993 comme Mouvement des Citoyens, puis Pôle Républicain en 2002 alors que les sondages ont accordé jusqu’à 10% des voix à Chevènement (qui fera 5% au final), puis MRC en 2003. Il défend une ligne souverainiste, mais pas hostile à l’Union Européenne. Parti des Radicaux de Gauche : héritier, sur le flanc gauche, de l’ancien Parti Radical, qui fut l’un des premiers partis français avant 1940. Divisé par le programme Commun de 1972 (réunissant PS et PCF), il a quasiment disparu en tant que force électorale, si ce n’est avec Bernard Tapie en 1994, puis Christiane Taubira en 2002 (2%). Défendant la laïcité, il est aussi partisan d’une Europe fédérale. Nouveau Parti Anticapitaliste : prend la suite, en 2009, de la Ligue Communiste Révolutionnaire, créée en 1967 par Alain Krivine. Mouvement trotskyste, elle reprend le flambeau de ceux qui, dans le mouvement communiste, refusaient la fidélité à l’URSS, même après la mort de Staline, et se réclament du leader bolchévik Trotski, dont ils estiment qu’il était le véritable successeur de Lénine, mort en 1924 (Trotski a été assassiné sur ordre de Staline en 1940). Ayant émergé de son quasi-néant en 2002 (elle n’avait que 2000 membres) avec la candidature d’Olivier Besancenot, la LCR gagne quelques milliers d’adhérents, mais échoue à percer au-delà de 5% dans toutes les élections suivantes. Lutte Ouvrière : autre mouvement trotskyste (l’unité n’a jamais été le fort des trotskystes) créé en 1940, et ayant fait irruption sur la scène politique avec la candidature d’Arlette Laguiller en 1974, où elle fait 2% des voix, se représentant à toutes les présidentielles jusqu’en 2007 où, après son 5% de 2002, elle s’effondre à 1%. Sa successeure est Nathalie Artaud. Parti Ouvrier Indépendant : héritier du Parti des Travailleurs, autre formation trotskyste, elle-même issue de l’Organisation Communiste Internationaliste des années 1970, dont Lionel Jospin avait été membre. Il est hostile à l’Union Européenne, mais fermement attaché à une vision étatiste de l’économie et sans réel modèle alternatif. Europe Ecologie-Les Verts : les Verts se sont créés en 1984, dix ans après la campagne présidentielle de René Dumont. Initialement sur une ligne « ni gauche ni droite » avec Antoine Waechter, ils ne passeront de fait que des alliances avec le PS. Outre l’écologie, leur ligne est eurofédéraliste et globalement sociale-démocrate (même si Daniel Cohn-Bendit, qui emmène les listes aux européennes de 1999 et 2009, est nettement plus favorable aux privatisations et déréglementations des services publics). Suite aux européennes de 2009, et la liste Europe-Ecologie emmenée par Daniel Cohn-Bendit, ils deviennent Europe Ecologie-Les Verts.

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DOSSIER : LA GAUCHE FRANCAISE Les mythes fondateurs de la Gauche Par Pablito Waal

Les gauches françaises partagent toutes certains points communs : certains constats sont partagés par quasiment tous les partis de gauche de taille non négligeable, et tous admettent l’existence de certains « clivages » qui n’en sont pas dans la réalité. Les constats communs ? D’abord l’idée que notre pays, et notre monde en général, seraient « libéraux », et qu’une vague de destruction de tout ce qui est étatique ou social serait à l’œuvre depuis, selon les pays, les années 70 ou 1980. Ensuite le constat écologiste, qui partage des peurs sur le nucléaire (avec des bémols au PCF et PS), les OGM, une faible croyance en les capacités de la recherche scientifique à trouver elle-même les réponses aux défis environnementaux, sanitaires, agricoles. Les « clivages » admis, trop rapidement en réalité ? L’idée qu’il y aurait une gauche pro-capitaliste et une autre anticapitaliste. Que le PS ou les Verts voudraient – et c’est la réalité – un capitalisme régulé, encadré, doté de « filets de sécurité » sociaux. Et que le PCF, le NPA ou LO proposeraient de rompre avec le capitalisme – ce qui, dans leurs revendications concrètes et leur programmatique, n’apparait plus depuis des années. Même lorsqu’ils parlent de nationalisations, les dirigeants du PCF se cachent derrière le terme de « pôle public bancaire » - c’est-à-dire un réseau de banques coordonnées autour de quelques institutions publiques, telles que la Caisse des Dépôts et Consignations, mais les autres banques peuvent rester privées. De fait, ni le NPA, ni le PCF ne proposent à court terme un modèle alternatif, sauf dans les discussions oisives de congrès, sans jamais le définir. Cet autre modèle devant rester en second plan derrière l’urgence : la lutte contre des offensives « libérales ». Bien curieux libéralisme pourtant, que celui de l’Etat sarkozyste gobant 56% du revenu national français (ou PIB) en dépenses publiques, où le niveau de dépenses pour les retraites (13% du PIB) ou de l’assurance-maladie (8%) n’ont jamais été aussi élevés ! Etrange austérité que celle qui, depuis 2008, a vu les dépenses publiques progresser en France, au contraire des impôts et taxes, générant des déficits énormes, en contradiction avec les fondamentaux du libéralisme ! Que la réforme des retraites fut injuste, pénalisant ceux qui meurent jeunes, sont usés avant 60 ans et subissent chômage et autres interruptions de carrière, c’est exact. Est exacte aussi la ressemblance entre des mesures de déremboursements de médicaments et une politique à courte vue de rationnement. Mais ce qui n’en est pas moins exact, c’est que la France n’évolue pas vers le libéralisme. Par ses privatisations, moyen rapide de contenir les déficits publics en vendant l’outil de production, ça en a l’air. Mais la réalité d’ensemble, c’est bien celle d’un pays à la fois capitaliste mais aussi fermement étatiste, englué dans la progression des coûts sociaux. Faute d’une prévention sanitaire efficace, toujours plus de remboursements, et donc la Sécu finit par tailler au hasard ; du fait d’un chômage massif qu’une fiscalité fort peu intelligente n’aide pas à résoudre, des cotisations de retraite en moins. Admettre ce tableau serait un drame pour toute la gauche, du PS au NPA, et ridiculiserait le clivage habituel entre gauche pro- et anti-capitaliste. Car il faudrait reconnaître que l’hydre ultra-néo-archi-libérale que tous veulent pourfendre, de François Hollande à Pierre Laurent, n’existe pas. Et qu’à la place, se trouve un pachyderme étato-capitaliste. Et que pour lutter contre lui, demander toujours plus de dépenses publiques n’est pas une solution, puisque c’est au contraire aller dans le sens du problème. Et que la solution serait plutôt dans la contestation des deux éléments du système étato-capitaliste. Les libéraux veulent retirer l’étatisme pour garder le capitalisme seul. La gauche devrait vouloir, sinon l’inverse (l’étatisme sans le capitalisme), si possible les deux (plus de capitalisme, moins d’étatisme). Concrètement, ça veut dire que la gauche devrait projeter la fin du capitalisme, la fin d’une économie où les entreprises n’appartiennent pas à ceux qui les font vivre et aux citoyens dans leur ensemble sur le principe d’une personne pour une voix. Et que cette alternative au capitalisme ne peut consister à mettre l’Etat partout. Or, pour demander un tel changement de système, encore faut-il avoir les mains libres. Or on bute là sur d’autres « constats » et d’autres « clivages » qui sont admis par tous, ou presque. Et qui portent sur l’Union Européenne. Presque tout le monde « constate » que la construction européenne serait « une belle idée », qu’elle aurait « garantit la paix » et « rapproché les peuples » (ou devrait le faire). Tout le monde pense qu’il y a une fraction de la gauche résolument pro-européenne (PS, Verts), et une autre « eurosceptique » (NPA, PCF…). Sauf que l’on n’a jamais vu, en actes, en quoi se traduisait ce « scepticisme ». A part le refus du Traité de Rome « au nom d’une autre Europe » (donc pour la construction européenne quand même) en 2005, ni le NPA, ni LO, ni le PCF n’ont refusé les élections européennes, n’ont dénoncé l’illégitimité et l’inutilité de cette « démocratie européenne », et le PCF ne s’est jamais désengagé de la Gauche européenne (PGE). Quasiment toute la gauche française « institutionnalisée » vit actuellement sur des mythes. Mythe de la fin de l’Etat social, alors qu’il n’a jamais été aussi volumineux en dépenses. Mythe de l’Europe sociale pour les uns, mythe de « l’autre Europe » pour les autres. Mythe d’une gauche « radicale » qui s’opposerait au capitalisme alors qu’elle ne propose rien. Une fois tous ces mythes dégonflés, vous avez deux grands vides à combler : besoin d’un nouveau système économique, plus libre et plus collectif à la fois, et besoin de souveraineté nationale. Seul Socialisme & Souveraineté y répond.

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DOSSIER : LA GAUCHE FRANCAISE PG, MRC, POI : pourquoi nous sommes vraiment différents Par Pablito Waal Certains commentateurs et critiques ont dit aux militants de Socialisme & Souveraineté qu’ils devraient, par cohérence avec leurs idées et par souci d’unité, rejoindre des formations telles que le MRC (Mouvement Républicain Citoyen), le PG (Parti de Gauche) ou le POI (Parti Ouvrier Indépendant). En effet, pourquoi créer une nouvelle formation de petite taille telle que Socialisme & Souveraineté, quand on peut rejoindre une organisation revendiquant plusieurs milliers d’adhérents et des dizaines d’élus ? Et bien principalement parce que les idées ne sont pas les mêmes. Et il ne s’agit pas de différences « à la marge » sur lesquelles nous pourrions bâtir des compromis, ou tenter de convaincre sur le long terme. Dans le cas du MRC, l’existence de celui-ci est très largement liée à la personne de Jean-Pierre Chevènement, qui avait déjà dirigé son ancêtre, le CERES. Chevènement a eu le mérite de la cohérence vis-à-vis de ses convictions, au prix de deux démissions, lors de la Guerre du Golfe et en protestation aux accords de Matignon avec les séparatistes corses. Opposant au Traité de Rome, il est considéré comme un «eurosceptique ». Mais les européistes ultra-dominants dans les médias se sont créé une opposition qui n’en est pas vraiment une dès lors que l’on regarde les positions réelles de Chevènement et du MRC. Ce parti a récemment publié son programme 2012, nommée « Programme de Salut Public ». Un nom révolutionnaire mais qui ne guillotinera pas l’Union Européenne : « Un vrai gouvernement économique de la zone euro : C’est davantage sur cet objectif de pilotage de la politique économique par les ministres de l’économie des pays de la zone euro qu’il faut appeler un changement européen, pour assurer un taux de change de l’euro stable par rapport au dollar et au yuan et ainsi protéger les intérêts européens. »Le MRC propose la transformation de l’Euro en « monnaie commune » réservée aux transactions extérieures tandis que les monnaies nationales seraient recrées, mais avec une parité modifiable par rapport à l’euro. Si cette proposition permettrait de soulager certains problèmes de l’économie française (la sous-évaluation des prix des biens allemands entrant sur le marché français), elle n’en améliorerait pas nécessairement nos difficultés extérieures (euro trop cher). Et surtout, cette position faussement « anti-euro » ne peut cacher que le MRC est fondamentalement partisan d’un accroissement de la supranationalité européenne, via un gouvernement économique, mais aussi un protectionnisme européen. Et la « nouvelle histoire européenne » que promeuvent les chevènementistes passe par une « nouvelle alliance équilibrée » entre les grands pays européens et les USA (et le tout sans réellement sortir de l’OTAN, seulement en gardant une « capacité stratégique autonome » pour la France)… En ajoutant à cela que l’anticapitalisme du MRC se réduit à un « fonds souverain d’industrialisation » qui pourrait éventuellement nationaliser des entreprises, on voit mal en quoi les positions de Socialisme & Souveraineté pourraient être compatibles avec celles du MRC. Le cas du Parti de Gauche est plus flagrant : l’européisme du parti mélenchonien est au moins autant affirmé qu’il ne l’est au MRC. Le PG n’a certes pas encore de programme propre, puisqu’il élabore progressivement un « programme partagé » pour le Front de Gauche (qui engagerait, s’il était validé, le PCF). Mais sur les fiches publiées sur http://programme.lepartidegauche.fr, on voit des déclarations enamourées pour un Parlement Européen qui serait l’ossature principale d’une démocratie européenne à venir. Et qui permettrait, une fois acquis le droit du Parlement à l’initiative législative (il ne peut actuellement que bloquer ou amender les propositions de la Commission Européenne), d’instaurer un protectionnisme européen, d’instaurer des SMIC « décents » (du point de vue de quel pays ?) dans chaque Etat, de réformer la PAC pour que l’agriculture européenne cesse de pratiquer une concurrence déloyale aux paysans du Tiers-monde… Beau programme qui nécessiterait une majorité européenne de gauche radicale. Et, hormis le pôle public bancaire (comme pour le PCF), l’encouragement des coopératives ouvrières, ou la croyance en une « cogestion » des entreprises entre actionnaires et salariés, le PG est moins socialiste que partisan d’un capitalisme lourdement étatisé… Là encore, les désaccords avec Socialisme & Souveraineté sont d’emblée nombreux et profonds. Le cas du POI est plus troublant : issu du trotskysme, donc de la mouvance communiste, et farouchement hostile à l’Union Européenne dans son principe, n’est-ce pas le mouvement que les membres de Socialisme & Souveraineté auraient dû joindre ? Le mouvement semble avoir des effectifs comparables à ceux du NPA (10 000 adhérents revendiqués, en réalité sans doute beaucoup moins d’actifs). Mais le mouvement issu du Parti des Travailleurs (campagnes présidentielles de Gluckstein en 2002, Schivardi en 2007), et qui s’est constitué en 2008, manifeste à la clé, n’en a pas moins un défaut : il n’a pas de programme. A priori tant mieux, cela signifierait que les propositions pourraient se forger à l’avenir. Mais s’il n’y a pas de programme, en revanche les propositions donnent vite la couleur : le manifeste réclame le blocage immédiat des prix à la consommation, l’interdiction des licenciements, l’abandon de toute réforme de la fonction publique et de la Sécurité Sociale (retour à la situation de 1945)… On est loin du modèle économique souple et à prix libres que propose Socialisme & Souveraineté sur son site (catégorie « Sortir du Capitalisme »). Mais cela surprend peu : le POI, c’est beaucoup de militants syndicaux, souvent dans Force Ouvrière, et qui dit syndicat en France dit souvent secteur public. La compréhension des mécanismes d’une économie libre et adaptable ne semble pas être la préoccupation première d’un parti dont le passif dogmatique (quoi de plus figé d’un trotskyste,) nous paraît bien trop lourd à assumer.

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DOSSIER : LA GAUCHE FRANCAISE Ni de Droite, ni de Gauche : La Nation aux travailleurs ! Par l’équipe de la revue Rébellion Rébellion (http://rebellion.hautetfort.com/) est la revue bimensuelle de l’Organisation Socialiste Révolutionnaire Européenne, basée à Toulouse, et comptant plusieurs cercles en France.

Il est toujours étonnant de constater l’attachement pour le vieux clivage Droite/Gauche de personnes se voulant en opposition avec le système. On peut comprendre que les médias aient besoin de classification simpliste pour enfermer tous les mouvements plus ou moins atypiques et contestataires, c’est leur rôle de réduire aux normes établies des courants échappant à leur logique idéologique. Mais pourquoi les dissidents de ce système devraient-ils, eux aussi, reprendre le vocabulaire de leur adversaire pour se définir ? On vous répondra qu’il faut s’inscrire dans une tradition et dans un camp, qu’il est important de se situer dans l’imaginaire collectif. Mais ces arguments ne tiennent pas devant la réalité des enjeux du XXI° siècle. Plus que jamais nous sommes en dehors du jeu politique classique, par nos idées et notre action nous en sommes même la négation la plus totale. Issu du placement des partis nés de la Révolution Française dans l’hémicycle de la Première Assemblée, ce clivage n’est pas pour nous un cadre indépassable à notre réflexion politique. Il n’y a pas de valeurs ou d’idées appartenant de manière propre et définitive à la Droite ou à la Gauche. Le glissement, durant les années 1970-1990, des principaux représentants des deux familles rivales françaises dans le consensus libéral, scellait la réconciliation des dirigeants bourgeois des deux factions (voir les écrits de Michel Clouscard et de Jean-Claude Michéa sur le sujet). Il offrait la possibilité d’une juteuse répartition des gains et d’une stabilité confortable du jeu politique. Le capitalisme avec la démocratie libérale a réconcilié ses diverses tendances et renforcé son emprise sur la société. Plus aucune force ne peut venir le contrôler (comme le gaullisme) ou l’abattre (dans le cas du communisme) dans cette configuration ; l’oligarchie économique, médiatique et politique, a les mains libres pour assurer sa domination. Notre orientation socialiste révolutionnaire laisse croire à certains que nous voulons nous rattacher à la Gauche. Nous allons les décevoir, car pour nous le terme de Gauche n’a pas de sens (même si on lui accole l’adjectif d’Extrême). Nous puisons nos références dans l’héritage du mouvement ouvrier révolutionnaire (si quelqu’un peut nous indiquer un seul texte où Marx, par exemple, se dit de gauche, nous sommes preneurs…) et dans la pensée socialiste dans sa diversité. Cette tradition n’est pas celle de la Gauche, qui en détourne des symboles pour s’en faire des oripeaux folkloriques. L’histoire de la Gauche commence dans la tradition de la bourgeoisie dite « progressiste », qui profitant de l’affaire Dreyfus fut amenée à conclure une alliance stratégique avec le monde ouvrier contre les forces réactionnaires et conservatrices pour sauver ses acquis. Elle soutient toujours le peuple comme la corde soutient le pendu, empêchant les travailleurs de mener à terme la lutte contre le capitalisme et les entrainant vers les impasses du réformisme moutonnier. L’idée de « l’Union de la gauche » apparaît toujours lorsque les travailleurs sont en situation de faiblesse et aboutit immanquablement à leur défaite et au triomphe de mesures favorables au capital, imposées par la social-démocratie. Le « gauchisme » suit pour sa part la même démarche, ajoutant juste un accent faussement révolutionnaire à la mystification. Cette dernière va recevoir un nouveau souffle avec le « populisme » de Mélenchon (qui fut un des dirigeants du PS durant des années) ou les tentatives de relance de Besancenot adoubé par les médias. Notre appel à un réveil populaire et patriotique conduit certains (de bonne ou de mauvaise foi ?) à considérer que nous serions un nouvel avatar de la « Droite populiste ». Là encore nous allons décevoir, car nous sommes étrangers à ce courant. Pour nous, les mouvements « populistes » par leur composition hétéroclite sont immanquablement brisés ou absorbés par le système. Sans orientations politiques claires, ils retombent vite ou stagnent dans le ressentiment. Ils sont souvent traversés par des courants qui sont extrêmement ambigus dans leurs rapports au capital. Ils sont souvent nostalgiques d’une période historique passée plutôt rêvée que réelle, d’un état antérieur idéalisé du développement du capital. L’abjection actuelle du système rend rétrospectivement idyllique l’existence sociale menée par les générations antérieures. Dans la majorité des cas, les dirigeants et cadres populistes ne rêvent que d’intégrer l’établissement qu’ils feignaient de combattre. La même constatation est à faire mutatis mutandis pour la mouvance souverainiste, capable de remarques pertinentes, mais ne se donnant pas les moyens militants de lutter contre la dynamique du capital ne reconnaissant d’autre souveraineté – en dernière instance - que celle de la valeur en procès.

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DOSSIER : LA GAUCHE FRANCAISE Ni de Droite, ni de Gauche : La Nation aux travailleurs ! Par l’équipe de la revue Rébellion Afin de répondre à nos détracteurs et aux petits flics, disons que nous défendons, en effet, la Nation comme un cadre possible et utilisable pour la résistance des travailleurs et non par idéologie nationaliste se voulant intemporelle. Nous avons un attachement sincère à la Patrie, qui est pour nous un lien charnel entre les travailleurs, issu de leur pratique collective et un espace de solidarité forte face à la mondialisation destructrice de son essence populaire et culturelle (activité concrète). Notre défense de la Nation se situe dans le cadre bien précis de la lutte de classe et de la construction du Socialisme se projetant à l’échelle européenne (il n’y a pas contradiction mais complémentarité en devenir), cela excluant toute alliance avec des émanations réactionnaires du système capitaliste. Nous tendons sincèrement la main à ceux qui veulent combattre avec nous la domination capitaliste, mais nous affirmons franchement que c’est sur une ligne clairement socialiste que doit être mené le combat. Ni de Droite, Ni de Gauche, le Socialisme Révolutionnaire doit avant tout être combatif et pugnace, car à nos yeux il est nécessaire d’instaurer un rapport de forces avec le système. Ayons en tête que celui-ci ne s’effondrera pas tout seul, et que même si une crise profonde le traverse, il faudra le combattre directement sur le terrain et lui opposer une alternative concrète et crédible. La crise financière actuelle en est la preuve : les Etats retrouvent les vertus des « nationalisations » qui sont en réalité un immense prêt accordé au capital financier, gagé sur le profit extorqué essentiellement aux travailleurs par le pouvoir politique étatique (bourgeoisie classe de racketteurs !) tout cela n’entraînant pas immédiatement et mécaniquement un recul gigantesque de la production. Le crédit se restreignant engendrera probablement l’approfondissement de la crise et le pourrissement accru du système (récession, paupérisation du prolétariat) mais rien ne changera tant que les travailleurs s’imagineront qu’ils peuvent s’en sortir individuellement. On ne peut faire éternellement comme si le réel n’existait pas. Pour agir sur celui-ci et non s’agiter fébrilement, il est urgent que chacun s’investisse sérieusement dans la construction d’une organisation politique solide et offensive. Cela passe par l'union du parti des travailleurs contre le parti de l'Oligarchie. Rébellion Contact : RSE – BP 62124 – 31020 TOULOUSE cedex 02 http://rebellion.hautetfort.com/

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DOSSIER : LA GAUCHE FRANCAISE Faut-il se sentir de gauche ? Par Nationaliste Jacobin Nationaliste Jacobin est l’auteur du blog Nationaliste Social et Républicain (http://blog-nationaliste.blog4ever.com/).

En général, les gens de gauche me considèrent comme étant de droite (voire d’extrême droite) et les gens de droite me classent à gauche. Etrange paradoxe. Je dois confesser que je ne me suis jamais senti « de gauche », et cette expression reste pour moi un mystère insondable. Je me sens Français d’abord, républicain ensuite, nationaliste enfin, dans le sens où je suis attaché à la souveraineté et à l’unité de la nation française. La question d’être « de gauche » ou « de droite » ne se pose guère. D’où viennent alors mes désaccords avec la gauche officielle ? Indéniablement c’est la question de l’immigration qui m’a très tôt éloigné des partis de gauche. Je suis profondément anti-immigrationniste et il me semble que la plupart des partis de gauche, modérée ou radicale, sont ralliés à l’idée d’une immigration inéluctable, source de richesse et de métissage dans le cadre d’une société multiculturelle. Or je suis clairement hostile au multiculturalisme, ce qui en général suffit pour être considéré comme « facho » par nombre de gens « de gauche », ouverts et tolérants. A cela s’ajoute le rejet de l’idéologie antiraciste qui masque à mon sens un néo-racisme « anti-blanc » et une francophobie à peine déguisée. J’accuse les officines antiracistes d’être les premières responsables de l’ethnicisation des problèmes sociaux en France, et même de réintroduire la notion de race qui est scientifiquement contestable. Mais derrière ces questions, au fur et à mesure du temps, le véritable fond du désaccord est apparu : la conception de la nation française. En tant que nationaliste jacobin, je devrais me sentir proche de gens comme Jean-Pierre Chevènement ou JeanLuc Mélenchon qui incarnent la gauche républicaine, jacobine et patriotique (jusqu’à un certain point). Et pourtant… MM. Chevènement et Mélenchon ont à mes yeux une vision réductrice de ce qu’est la France : pour eux, France est synonyme de République, et donc notre nation naît en 1789. Leur nation française est abstraite en ce qu’elle se confond avec la citoyenneté issue de la Révolution, et l’identité nationale se résume pour eux aux seules valeurs républicaines. Je ne rejette pas la Révolution, loin s’en faut, et je suis un fervent républicain. Mais j’estime que les valeurs républicaines ont été portées par un peuple historiquement constitué au cours des siècles qui suivent la chute de l’empire romain. La nation ne naît pas brutalement en 1789, elle prend conscience de son existence et revendique la souveraineté lors de la Révolution. Mais la genèse de la nation est un processus lent qui commence à mon sens à la fin du Moyen Âge lorsque l’Etat monarchique s’affirme. C’est dans ce cadre étatique que les populations du royaume de France entament leur unification culturelle, linguistique et politique. La loyauté aux rois capétiens, valois et bourbons tient lieu d’ébauche d’un sentiment national. Dès la fin du Moyen Âge, le terme « Français » désigne la plupart des habitants du royaume. Certes le processus est lent, car les rois respectent pour une part les particularismes provinciaux. Il ne se termine que sous la III° République à la fin du XIX° siècle. Il n’empêche que la genèse de la nation a en réalité commencé bien avant la Révolution. Trop de républicains de gauche l’oublient à mon sens. Pour moi, la dimension républicaine est une composante fondamentale de l’identité nationale, mais ce n’est pas la seule. La France est aussi une patrie, une « terre des aïeux », où une population s’est enracinée. Cela ne veut pas dire que la porte doit être fermée, mais nous ne sommes pas « tous fils d’immigrés », désolé de le dire. Là où je peux rejoindre une certaine gauche, c’est dans l’attachement à la dimension sociale de la République. Je suis étatiste : je crois que l’Etat a son rôle à jouer dans la régulation de l’économie et dans la redistribution des richesses. Le paradoxe français réside dans l’association de ces deux valeurs contradictoires : la liberté et l’égalité. La grandeur de la France républicaine, c’est bien de chercher un équilibre subtil entre les deux. Faut-il alors envisager un nouveau système économique ? Honnêtement, je l’ignore. Je crois possible un aménagement de ce qui est, et un changement radical me paraît compliqué. De ce point de vue, je ne suis pas révolutionnaire au sens socialiste du terme. En revanche, je rejoins certains partis de gauche radicale (POI) dans leur rejet de la construction européenne. En bref, je puise certaines références à gauche, c’est certain. Mais pas seulement. De plus, on peut s’interroger : n’est-ce pas une bonne partie de la gauche qui a tourné le dos à son héritage historique ?

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DOSSIER : LA GAUCHE FRANCAISE Egalité chérie Par Julien B. Je me propose ici de répondre en toute simplicité à deux questions, en tant que citoyen de base qui a toujours eu le coeur à gauche : qu'est-ce qu'être de gauche ? Qu'est-ce qui vous déplait dans les partis de gauche actuels ?

C'est quoi, être de gauche ? Pour moi, être de gauche, c'est avant tout défendre l'égalité dans tous les domaines et donc en toute logique combattre les inégalités. En premier lieu les inégalités économiques qui résultent d'abord des inégalités de revenus. Celles-ci ont eu tendance à croitre énormément au cours des 25 dernières années et plus encore au cours des dernières années. Bien entendu, l'idéal serait l'égalitarisme façon village des schtroumpfs, mais je ne pense pas que nous en soyons à un stade de développement humain suffisant pour pouvoir atteindre cet objectif : il est en effet probable (pour ne pas dire certain) que si on instaurait l'égalitarisme, les citoyens seraient incités à ne rien faire dès lors qu'ils seraient assurés de percevoir une rémunération identique de toute façon ! Aussi, je me contenterai largement d’une société dans laquelle les inégalités de revenus seraient ramenées à des niveaux raisonnables, en fonction du travail, du mérite et du talent de chacun. Nous sommes malheureusement bien loin de cette société que j'appelle de mes voeux, d'abord parce que les inégalités économiques sont tous sauf raisonnables mais au contraire de plus en plus abyssales et choquantes, d'autre part parce que ces inégalités résultent de moins en moins du travail, du mérite et du talent et de plus en plus de la propriété du capital et de la naissance, notamment par le biais de l'héritage qui est à la fois économique et culturel. Economique tout d'abord, avec l'importance grandissante du patrimoine hérité dans la richesse de chacun. L'économiste Thomas Piketty a démontré que le flux annuel d'héritage par rapport au revenu national est en constante hausse depuis les années 50, où il était de moins de 5% contre près de 15% aujourd'hui. Et il prévoit que cette tendance haussière devrait se poursuivre, si bien qu'on pourrait se retrouver en 2020 aux niveaux qu'on observait dans la société de rentiers du XIXème siècle où la position sociale de chacun était avant tout déterminée par le patrimoine des parents. Cette évolution traduit non seulement un recul du travail et du mérite face à l'héritage mais est aussi potentiellement source d'inefficacité économique, en empêchant la circulation des patrimoines et en laissant se concentrer l'essentiel des richesses entre les mains d'une petite minorité. Culturel ensuite, avec la mise en évidence par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron que l'école tend à privilégier la culture des catégories supérieures et que du coup les enfants issus de ces catégories sont favorisés par rapport aux autres car ils possèdent d'emblée les codes, les représentations, les attitudes et les manières de penser qui sont requis pour s'orienter dans la formation initiale et atteindre finalement les meilleures positions. Bien d'autres sources d'inégalités peuvent être combattues, quand on est sincèrement de gauche, par exemple les inégalités entre les citoyens français pouvant résulter de l'origine ou du sexe. Même si d'énormes progrès ont été faits au cours des dernières décennies pour lutter contre les discriminations et les inégalités dont peuvent être victimes les citoyens d'origine immigrée ou les femmes, beaucoup de chemin reste à parcourir. Concernant les citoyens originaires du Maghreb ou d'Afrique sub-saharienne, l'enquête "Trajectoires et origines" réalisée par l'INSEE démontre qu'ils ont deux fois plus de risque d'être au chômage que la population non immigrée, et ceci à profil identique c'est à dire après avoir neutralisées les différences d'âge, de sexe, de formation, de lieu de résidence, de formation ou de situation familiale. Concernant les femmes et pour ne s'en tenir qu'au seul monde du travail, l'écart de salaires avec les hommes ne se résorbe plus depuis 15 ans malgré que les filles sont de plus en plus diplômées. Et les femmes progressent encore très peu dans les hiérarchies des entreprises ou de l'Etat. De mon point de vue forcément partial et orienté, un homme de gauche se doit aussi de combattre les inégalités dans les relations entre les Nations et en conséquence de lutter contre tous les impérialismes qui affaiblissent les souverainetés des peuples. Le XXème siècle, notamment sa seconde partie, a permis d'importants progrès dans ce domaine avec la libération de nombreux peuples de la domination occidentale suite à la décolonisation. Le XXIème siècle semble confirmer cette tendance d'un rééquilibrage des relations entre les pays, avec un relatif affaiblissement de l'hyper-puissance américaine et la montée de l'influence de pays du Sud tels que la Chine ou le Brésil.

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DOSSIER : LA GAUCHE FRANCAISE Egalité chérie Par Julien B. Qu’est-ce qui me déplait dans les partis de gauche actuels ? Je ne me suis jamais reconnu dans aucun grand parti de gauche, ce qui fait que j'ai passé le plus clair de mon temps à voguer de groupuscules en groupuscules. Plusieurs raisons peuvent probablement être avancées. J'ai toujours été contre l'Union Européenne, car j'estime que la souveraineté est une condition indispensable de la démocratie et que sans souveraineté, on ne peut pas mener de politique libre et indépendante. Prôner une politique de gauche sans remettre en cause l'appartenance à l'UE relève donc à mon sens de l'escroquerie pure et simple, et un programme qui n'a pas pour premier point la sortie de la France de l'UE ne peut être qu'intrinsèquement inconséquent. Mon opposition à l'Union Européenne et mon souhait de voir la France la quitter me coupe d'emblée de l'essentiel des grands partis de gauche : PS, PCF, PG, Front de Gauche, NPA,......qui considèrent que défendre la souveraineté nationale c'est à dire la démocratie revient quasiment à être d'extrême-droite. J'ai toujours beaucoup cru à la notion de progrès, je suis profondément progressiste. C'est à dire que je considère que globalement, même s'il y a parfois des reculs dans certains domaines (actuellement concernant les inégalités économiques ou le niveau culturel.....), la condition humaine progresse. Même si la société d'aujourd'hui n'est pas terrible, même si on stagne et on ne progresse pas assez vite, même si on peut faire et on doit faire beaucoup mieux, on a tout de même sacrément avancé par rapport aux temps passés en terme de niveau de vie (l'espérance de vie est en hausse constante), de civilisation (les guerres se font de plus en plus rares) et de tolérance (recul du racisme et de la misogynie). Je constate malheureusement que certains gens de gauche ont parfois tendance à idéaliser un passé fantasmé (les Trente Glorieuses, par exemple) et, pire encore, qu'ils freinent la marche au progrès. Ceci concerne particulièrement les écologistes et autres couillons obscurantistes décroissants qui sont allergiques au progrès scientifique (nucléaire, OGM,......) et qui en conséquence font tout pour empêcher sa diffusion (en invoquant par exemple le fumeux principe de précaution). On ne remerciera pourtant jamais assez les scientifiques qui grâce à leurs merveilleuses découvertes nous ont permis d'atteindre notre niveau de développement actuel et sans lesquels nous serions peut-être encore à tous travailler aux champs pendant 16 heures par jour pour des clopinettes et à mourir à la première maladie bénigne comme sous l'Ancien Régime. Pour mon plus grand malheur, j'ai fait des études d'économie. Ceci ne m'a pas permis d'acquérir un haut niveau en analyse économique mais ça m'a quand même permis de comprendre que le fonctionnement d'une économie était quelque chose de complexe. C'est cette compréhension qui m'a fait constater que les programmes économiques des partis de gauche, et notamment d'extrême-gauche, manquaient singulièrement de rigueur et se révèleraient sans doute inaptes à assurer le progrès économique (et donc l'amélioration du niveau de vie) s'ils venaient à être appliqués. C'est à partir de là que j'ai toujours recherché des partis, des organisations qui proposaient des programmes économiques permettant de réduire les inégalités tout en assurant une certaine efficacité dans la création des richesses (car avant de distribuer les richesses, il faut les créer.....constat basique mais qui échappe souvent aux simplets gauchistes). Mais cette rigueur dans l'analyse économique, je ne l'ai retrouvé que chez des personnes isolées et jamais dans des partis et organisations de gauche anticapitalistes. Dans les partis de gauche, je n'aime pas aussi le fait qu'ils défendent plus souvent des intérêts corporatistes que l'intérêt général. Si on dit qu'il faut optimiser la dépense publique, qu'il y a trop de fonctionnaires dans certains domaines (administration notamment), on est de suite catalogué "de droite" pour la simple raison que les partis de gauche et les syndicats sont composés et soutenus électoralement par une grande majorité de fonctionnaires. Il ne s'agit pas d'être anti-fonctionnaire comme le lecteur du Figaro mais simplement de dire que l'intérêt des fonctionnaires ne doit pas primer sur l'intérêt général, ce que bien des partis de gauche semblent avoir oublié. Dans les partis de gauche, je n'aime pas non plus cette tendance à vouloir nous assommer d'impôts. Les sociauxdémocrates comme les gauchistes sont ainsi souvent partisans de faire augmenter l'impôt sur le revenu. Il faudrait leur expliquer que ça na rien à voir avec une politique socialiste qui par nature se doit de favoriser les revenus du travail plutôt que les revenus du capital (qui eux doivent être abolis). Et que plutôt que de vouloir lutter contre les inégalités économiques en imposant les revenus à des taux exorbitants (en donnant ainsi l'impression au contribuable de se faire voler le fruit de son travail), il serait sans doute plus intelligent de redéfinir les règles de rémunération. Enfin, ce qui me déplait dans les partis de gauche actuels, c'est aussi des aspects plus secondaires et marginaux comme cette croyance d'avoir le monopole du coeur (quand la droite serait forcément constituée que de gros méchants sans coeur et égoïstes, alors que c'est en vérité bien plus compliqué que ça), ou encore cette interdiction de dire qu'il faut lutter contre l'insécurité ou que la France doit avoir des règles en matière d'immigration comme tous les pays du monde, pour parait-il ne pas faire le jeu de la droite ou de l'extrême-droite.

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Socialisme et souveraineté est un mouvement politique fondé en Novembre 2009. Site : http://www.socialisme-et-souverainete.fr/ Contact : socialismesouverainete@yahoo.fr Nos correspondants en régions : Ile-de-France : Pablito Waal socialismesouveraineteidf@yahoo.fr

Provence-Alpes-Côte-d’Azur : Florent et Aequitas socialismesouverainetepaca@yahoo.fr

Auvergne : Julien B socialismesouveraineteauvergne@yahoo.fr Nous vous recommandons le site de l’ARSIN (Association Républicaine pour le Socialisme et l’Indépendance Nationale) http://www.arsin.fr

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