Cahiers de la profession n°71

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Profession

Cahiers de la profession # 71 - 3e-4e trimestres 2020

Internet, numérique et écologie : les bonnes pratiques à mettre en œuvre En quelques années, le numérique a révolutionné la façon de travailler des agences d’architecture. Grâce à Internet et aux serveurs informatiques, données, informations et images sont échangées instantanément et gratuitement aussi bien avec « le bureau d’à côté » qu’avec un client situé à l’autre bout du monde. Le mode de production architectural s’est pour ainsi dire « affranchi » de l’espace-temps. Mais ce flot continu d’échange d’informations n’est pas neutre sur le plan de l’environnement et du climat. L’empreinte carbone des technologies numériques est tout sauf immatérielle. Elle fait aujourd’hui l’objet de débats. Car si la transition numérique apparaît comme un moyen de réduire la consommation d’énergie, les impacts environnementaux directs et indirects liés à l’explosion des usages et à la multiplication des périphériques sont souvent sous-estimés.

Si Internet était un pays, il serait le troisième plus gros consommateur d’électricité au monde derrière la Chine et les États-Unis. Selon des estimations toujours à la hausse, le numérique consommerait jusqu’à 10 % de l’électricité mondiale1, soit l’équivalent de 100 réacteurs nucléaires. Avec 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), contre 2,5 % en 2013, il polluerait davantage que le transport aérien mondial2. À titre de comparaison, cela correspondrait à 82 millions de radiateurs électriques (1 000 Watts) allumés en permanence. Les équipements, comme les réseaux et les data centers, sont majoritairement responsables de l’impact du numérique. Un data center a besoin pour fonctionner d’autant d’électricité qu’une ville de 30 000 habitants. Et cela va encore augmenter dans les années à venir  ! Selon les projections, la consommation d’énergie du numérique va exploser sous le triple effet de l’augmentation du nombre d’internautes, du développement du big data et de la généralisation des objets connectés, une

technologie en devenir par laquelle les appareils électriques émettent et reçoivent un flux permanent de données. En 2030, on estime à 46 milliards le nombre d’objets connectés dans le monde3 ; en particulier pour le logement où de nombreux applicatifs sont développés pour gérer à distance le confort et la sécurité des habitants mais aussi leur consommation d’énergie4. Conscientes du problème, les grandes entreprises du secteur mettent peu à peu en place des mesures pour diminuer leur empreinte carbone. Le gisement potentiel d’économies est important car sur la totalité du cycle de vie, le seul envoi d’un mail de 1 Mo correspondrait à l’utilisation d’une ampoule de 60  W pendant 25 minutes, soit l’équivalent de 20 g de CO2 émis.5 Face au changement climatique, les GAFAM et hébergeurs misent sur l’alimentation de leurs serveurs par des énergies renouvelables ou leur refroidissement par géothermie. En localisant leurs infrastructures en Alaska, en Islande ou en Norvège, ces géants de l’Internet comptent sur le climat arctique pour refroidir leur parc informatique. Avec son projet de recherche baptisé Natick, Microsoft étudie la possibilité d’immerger ses serveurs au fond de la mer du Nord. Tandis qu’en Seine-et-Marne, un data center alimente le réseau de chaleur d’un centre nautique et d’une pépinière d’entreprises. Les urbanistes intègrent d’ores et déjà dans leurs réflexions sur les smartgrids les problématiques de refroidissement et de récupération de chaleur fatale à l’échelle d’un territoire.

Pour avoir un impact significatif sur le volume des émissions carbone, la « chasse aux gaspis » doit être globale et porter à la fois sur l’offre et la demande. La solution ne peut être que technologique. Les économies de carbone passent aussi par une utilisation plus raisonnée du numérique, par une plus grande frugalité du côté des usages. Par exemple en réduisant le nombre d’objets connectés grâce à leur mutualisation, en augmentant la durée de vie des équipements, en favorisant le réemploi, etc. Dans cette chasse, les agences d’architecture, peu importe leur taille, leur localisation ou leurs projets, peuvent apporter leur pierre à l’édifice. Toutes conçoivent leurs projets avec des logiciels de CAO. La face cachée de cette conception numérique, c’est créer, échanger, manipuler et stocker les données digitales d’un projet. Autant d’activités très gourmandes en énergie et très émettrices de gaz à effet de serre ! Dans un contexte post-Covid-19 où le télétravail et le numérique sont appelés à se développer, quelques bonnes pratiques, simples mais efficaces, permettront de limiter l’empreinte carbone de son agence pour l’engager vers une plus grande « sobriété numérique ». Perçues au début comme contraignantes, ces pratiques deviendront rapidement un réflexe.

1  Le Journal du CNRS. 2  Rapport Lean ICT-The Shift Project ; Ademe). 3  L’Ademe, La face cachée du numérique 4  Les objets connectés pourraient en outre représenter de 18 % à 23 % de l’impact du numérique sur l’environnement en 2025, contre 1 % aujourd’hui. Source. Cabinet GreenIT. 5  F.Berthoud, informaticienne du Gricad.

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