L'ENTRACTE NO. 02

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L’ENTRACTE LE WEBZINE EXCLUSIF DES DONATRICES ET DONATEURS DE L’OPÉRA DE MONTRÉAL

Montréal : chantier lyrique

La création à l’Opéra de Montréal

Quatre nouveaux venus à l’Atelier lyrique

Claudie Vandenbroucque : 50 ans de maquillage à l’opéra

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NO. 02 | MAI 2022 1


DES HISTOIRES QUI MÉRITENT D’ÊTRE CHANTÉES.

PARTENAIRES DE PROGRAMMATION

SAISON 22/23

ABONNEZ-VOUS!

4 OPÉRAS À PARTIR DE

109 $


L’Opéra de Montréal, c’est l’opéra de demain PAR MICHEL MARC BOUCHARD

J’ai fait mon entrée à l’opéra en 2012, lorsqu’on m’a demandé d’écrire le livret d’une œuvre inspirée de ma pièce Les Feluettes. À l’époque, en toute honnêteté, je ne connaissais pas grand-chose aux arts lyriques. Mais j’ai dit oui, sans hésiter une seconde, parce que je trouvais ça sensationnel – et un brin téméraire aussi – de créer un opéra contemporain et francophone sur un drame social ancré dans l’histoire du Québec. On était très loin des remparts de Séville, des romances à l’italienne et de la mythologie wagnérienne ! La première de l’opéra Les Feluettes a eu lieu quatre ans plus tard. Peut-être y étiez-vous d’ailleurs. En écoutant les artistes chanter mon histoire, en écoutant le public applaudir à tout rompre après la tombée du rideau, je me suis dit que l’Opéra de Montréal venait de faire un grand pas en avant : on avait réussi à dépoussiérer des codes qui datent pour la plupart des 18e et 19e siècles. Depuis, sous la gouverne de Patrick Corrigan et de Michel Beaulac, et avec la complicité de nombreux compositeurs, dramaturges, metteurs en scène et scénographes, notre opéra n’a cessé d’innover, de Cette audace tous azimuts fait de l’Opéra de décloisonner et de repousser ses limites Montréal l’une des grandes maisons d’opéra pour alimenter le dialogue avec la dans le monde, un lieu de création admiré et modernité. Entre deux classiques du respecté. Au Québec, nous n’avons peut-être répertoire, on a délibérément fait de pas une grande tradition d’opéra, mais nous avons la place pour de nouvelles œuvres, cette curiosité pour de nouvelles expériences, ce pour des artistes locaux, pour des goût naturel pour l’éclectisme, cette inclinaison récits en français, pour des projets pour la découverte. Croyez-moi, ça vaut toutes plus pointus et pour des initiatives les traditions du monde. sociales. La création est un risque. C’est encore plus vrai à l’opéra où tout est gigantesque, démesuré. Merci aux dirigeants de l’Opéra de Montréal de prendre ce risque, saison après saison. Et merci à vous, chers mélomanes et philanthropes, de prendre le risque d’aimer.

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Table des matières

Une fontaine de jouvence : la création à l’Opéra de Montréal ..................................................................

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Marie-Christine Tremblay et Jacques Marchand, des mécènes au service des artistes d’ici .........................................................................................................................

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Nouvelle garde : Quatre talents à découvrir à l’Atelier lyrique ....................................................................

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Claudie Vandenbroucque : 50 ans de maquillage à l’opéra ..........................................................................

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Pleins feux sur les donatrices et les donateurs de l’OdM ...............................................................................

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Les anges de la billetterie ......................................................................................................................................................................

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Quiz lyrique ..............................................................................................................................................................................................................

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En images ..................................................................................................................................................................................................................

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Évènements à venir .......................................................................................................................................................................................

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Crédits Rédaction : Traduction : Design graphique : Photos :

Michel Marc Bouchard, Véronique Gauthier, François Ulrich, Antoine Gervais, Amy Grainger, Jean-Pierre Primiani, Lou Bonnet Sheila Senghal (Artistic Licence) Le trafiquant d’images Brent Calis, Marianne Charland, Anna Eli, Yves Renaud, Tam Lan Truong

Photo-couverture : La beauté du monde, livret manuscrit de l’auteur Michel Marc Bouchard

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Being, création de René-Daniel Dubois et Blair Thomson (lecture avec les artistes en résidence de l’Atelier lyrique)

Une fontaine de jouvence : la création à l’Opéra à Montréal Depuis une dizaine d’années, l’Opéra de Montréal fait de plus en plus de place à la création et à des œuvres nouvelles dans sa programmation. D’où provient ce vent de fraîcheur ? Qu’apporte-t-il à la compagnie, au public et aux artistes ? Patrick Corrigan, directeur général de l’Opéra de Montréal, et Michel Beaulac, directeur artistique, s’expriment sur cette avenue emballante et prometteuse pour la pérennité de la compagnie.

L’opéra de demain passe par la création Depuis environ 20 ans, le milieu lyrique a profondément changé. Tant en Europe qu’en Amérique du Nord, les grandes compagnies s’engagent dans la voie de la création et l’Opéra de Montréal ne fait pas exception. Pourquoi ? « C’est au départ une question de nécessité », explique Patrick Corrigan. « La forme de l’opéra La venue du numérique, qui permet à tous d’avoir était devenue calcifiée par sa structure : accès à ce qui se fait à travers le monde, est venue toujours d’énormes spectacles avec mettre en lumière les inégalités financières des grand orchestre, sur une grande scène, maisons d’opéra et a précipité l’urgence de se diverdans de gros décors. » sifier pour se distinguer. Et puis il y a le public, désireux d’assister à du nouveau répertoire auquel il peut s’identifier.

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Pour Michel Beaulac, il fallait trouver une identité à la compagnie propre aux Montréalais·es. « J’appelle ça “montréaliser” la compagnie, c’est-à-dire présenter des œuvres dans lesquelles notre public se reconnaît, des œuvres permettant de positionner l’Opéra de Montréal à la fois chez nous et à l’échelle internationale. »

Y goûter, c’est y prendre goût ! Pour son grand plongeon dans la création, Michel Beaulac choisit en 2012 d’approcher Michel Marc Bouchard pour adapter à l’opéra sa pièce de théâtre Les Feluettes, déjà bien connue et appréciée du public. Une entreprise couronnée de succès en 2016. Après ce baptême Diversifier les formats de diffusion fort concluant, il ne souhaite qu’une chose : pour élargir son public récidiver. « On a eu la piqûre. La création, c’est une véritable passion, une intoxication ! C’est comme D’après le directeur artistique, présenter une fontaine de jouvence qui dynamise la relation des créations en variant leur format, en public-compagnie et toute l’équipe de l’Opéra de sortant du cadre traditionnel, en utilisant Montréal. » l’instrumentation et la voix autrement et en visitant différentes grandeurs de salle De nouveaux processus se mettent en place pour amène un nouveau public à l’opéra. « On a accueillir d’autres projets du genre, ce qui ne va brisé les frontières et on a développé toute pas sans certains défis. « On avait un mode de une palette de couleurs », affirme-t-il. « Ça fonctionnement, de financement et d’organisation du a été notre moyen de passer au 21e siècle. » travail bien établi avec les œuvres de répertoire », expose Patrick Corrigan. « Là, il fallait tout revoir. Patrick Corrigan est d’avis que c’est cette Développer des créations prend des années, on diversification des formats qui assurera la a donc besoin de liquidités. On a dû déconstruire pérennité de la maison d’opéra et qui channotre structure financière pour pouvoir s’adapter », gera la perception erronée qu’entretient raconte le directeur général. une certaine tranche de la population face à l’art lyrique. « L’opéra ne se limite pas à ce qui se faisait au XIXe siècle. C’est une forme d’art très actuelle et pertinente. Notre stratégie est de trouver un équilibre entre les œuvres de répertoire et les nouvelles œuvres, ainsi qu’entre les productions à grand déploiement et les productions plus intimes. »

Une île de passions, création de Marie-Claire Blais, Hélène Dorion et Éric Champagne. (De gauche à droite : Michel Beaulac, Éric Champagne, Jean-François Lapointe, Stéphanie Pothier, Hélène Dorion)

Quand les étoiles s’alignent Comment les créations sont-elles sélectionnées ? Si le directeur artistique approche lui-même des créateurs avec lesquels il souhaite travailler, il reçoit également beaucoup de propositions de projets. « Je suis sensible au public qu’on doit desservir et aux circonstances dans lesquelles une proposition se présente à moi. Pour décider si on va de l’avant ou non, je dois évaluer de quel budget on dispose, à quelle étape de création est rendu le projet soumis, si les thèmes abordés cadrent bien avec la programmation, etc. Au-delà de la qualité et de l’intérêt de l’œuvre, plusieurs critères interviennent dans mes choix. Il faut que la conjoncture soit parfaite. »

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La beauté du monde, création de Michel Marc Bouchard et Julien Bilodeau (Esquisse de décor, Prologue)

Un éventail de collaborateurs aguerris Comme ce fut le cas avec Michel Marc Bouchard, Olivier Kemeid, Hélène Dorion et Angela Konrad, l’Opéra de Montréal collabore régulièrement avec des créateurs accomplis qui ont une démarche bien ancrée dans une autre discipline artistique. Un grand atout selon Patrick Corrigan. « En faisant appel à eux, on va chercher une nouvelle et solide ex­­pertise, mais aussi un regard neuf sur une forme d’art qu’ils connaissent peut-être moins. C’est rafraîchissant. Même chose pour les jeunes compagnies avec qui on collabore et qui ne nous res­ semblent pas, comme Ballet Opéra Pantomime (BOP) et Musique 3 Femmes. Ça enrichit notre offre, et plus on va accorder de place aux jeunes artistes à l’opéra, plus notre milieu sera vivant et en santé. C’est là que se trouvent tout le renouveau et l’effervescence. »

La création : tout un sport d’équipe Parmi les critères de sélection des collaborateurs figure la capacité à travailler en équipe. « C’est un art collaboratif, il faut arriver à créer des matchs créatifs et Michel [Beaulac] est ceinture noire en la matière », assure Patrick Corrigan. « Il faut tout harmoniser : la musique, les idées, les ego, les intentions. Ce sont des projets pharaoniques ! », ajoute Michel Beaulac qui agit comme guide et facilitateur tout au long du processus. « La première chose que je fais, c’est écouter. Je suis le premier public, le premier écho que les créateurs reçoivent de leur œuvre. J’interviens dans des ajustements de livrets, de courbe dramatique, de structure. Je pose des questions. Je m’assure que l›œuvre et les artistes puissent atteindre leur but artistique. »

Récolter le fruit d’un long travail Il faut en général entre trois et cinq ans pour qu’une œuvre voie le jour, mais chaque projet est différent. En ce moment, le directeur artistique accompagne pas moins de cinq-six projets. Une démarche très exigeante, mais extrêmement gratifiante. Patrick Corrigan en témoigne : « Voir quelque chose prendre forme à partir d’une simple idée qui a trouvé son chemin, que les artistes ont porté avec leur énergie, leur volonté et leur passion, c’est tellement émouvant. » « On assiste à une renaissance, au printemps de l’opéra », illustre Michel Beaulac. « Même si c’est une fleur dont on connaît l’espèce, c’est une nouvelle fleur qui est en train de pousser. » 7


Marie-Christine Tremblay et Jacques Marchand Des mécènes au service des artistes d’ici 8


Jacques Marchand et Marie-Christine Tremblay avec (au centre) la mezzo-soprano Florence Bourget (Atelier lyrique, 2020)

Entretien avec Jacques Marchand Il n’est pas surprenant que Marie-Christine Tremblay et Jacques Marchand soient de grands passionnés ; après tout, ils sont tous deux issus du monde de l’éducation et de la mode. Philanthropes engagés, les causes qu’ils épousent deviennent rapidement leur cheval de bataille. C’est le cas de la musique classique et de l’opéra, intérêt qu’ils ont approfondi en parrainant une artiste de l’Atelier lyrique et en présidant le Gala Talent. Depuis la saison dernière, Marie-Christine et Jacques dirigent leur soutien vers la création de nouvelles œuvres.

D’où vient votre passion pour la musique et l’opéra ? Comme plusieurs de ma génération, j’ai découvert la musique à l’église. Et j’ai d’abord été frappé par la voix, cet instrument divin qui requiert un travail d’orfèvre pour briller à sa pleine valeur. La puissance, la beauté et l’émotion de la voix humaine viennent me chercher d’abord, et à l’opéra, tout prend une dimension grandiose qui reflète le génie humain derrière la création d’œuvres spectaculaires.

Pourquoi est-ce si important pour vous de soutenir la création à l’Opéra de Montréal ? En premier lieu, je nommerais le désir d’aider les artistes. Les artistes sont l’une des plus grandes richesses de notre société et nous avons la responsabilité de développer ce bassin musical pour qu’ils puissent continuer à s’épanouir et faire de notre ville une grande capitale culturelle. J’estime beaucoup la direction artistique de l’Opéra de Montréal et le désir de faire de l’opéra un laboratoire de création en y invitant les forces vives de tous les domaines artistiques. La réalité économique des artistes est navrante et le soutien du secteur privé aux arts est nécessaire. Il faut de grands moyens pour investir dans la création et avoir l’audace de proposer quelque chose de nouveau, sans quoi nous ne serons jamais compétitifs.

Vous parlez souvent des arts en termes économiques. Venant du milieu de l’éducation et de la mode, quels parallèles faites-vous avec l’opéra ? Le Québec déborde de talent, que ce soit en aéronautique, en intelligence artificielle, en cirque, en cinéma ou en mode… La musique, au même titre, constitue une force économique dans notre société, et il faut investir dans l’être humain, sans quoi le talent ne peut pas se développer. L’éducation, c’est ça, et nous avons l’avantage à Montréal d’être une grande capitale universitaire. La création est un créneau à valeur ajoutée qui engendre de la richesse et fait rayonner nos artistes à l’international – on regorge d’exemples d’entreprises d’ici qui ont des modèles d’affaires exceptionnels nous ayant permis de nous distinguer sur la scène internationale.

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Nouvelle garde Quatre talents à découvrir à l’Atelier lyrique Aux Auditions nationales de novembre dernier, neuf finalistes de haut calibre ont concouru pour se tailler une place dans l’Atelier lyrique. Parmi eux, quatre ont finalement été sélectionnés. Nous vous invitons à les découvrir, en attendant de les voir et de les entendre très bientôt sur scène !

Emma Fekete Le grand rêve d’Emma, c’est de jouer à Montréal le rôle d’Anne Trulove dans The Rake’s Progress de Stravinski. Après cinq ans passés au conservatoire d’Amsterdam, où elle a réussi sa maîtrise en chant classique et remporté les prestigieux Holland Scholarship et Talent Grant, la soprano de 26 ans est enthousiaste à l’idée de revenir à la maison comme elle dit. « Wilfrid-Pelletier, c’est la scène de mon enfance, là où j’allais voir les Grands Ballets Canadiens. Et j’adore ce que devient l’Opéra de Montréal, avec son ouverture aux jeunes, ses créations contemporaines, son rôle social. Cette volonté de se réinventer me parle et m’inspire. » Originaire de Val d’Or, cette passionnée de ski de fond a eu la piqûre de la musique à quatre ans en entendant une voisine jouer du violon. « Il a suffi d’une seule fois pour que je sache que ma vie serait musique ». Un beau message à diffuser chez tous les enfants du monde.

Emma Fekete, Auditions nationales de l’Opéra de Montréal 2021

Mikelis Rogers La jalousie ! Voilà ce qui a mené Mikelis Rogers à l’opéra. « J’avais six ans, et ma sœur ainée a commencé à prendre des cours de chant. J’ai voulu faire pareil et mes parents ont dit oui ». Bien leur en a pris car vingt ans plus tard, le baryton ontarien, qui vient de finir son bac en musique à l’Université de Toronto, s’apprête à faire son entrée à l’Atelier lyrique. Bien sûr, il y eu quelques détours, notamment par la production photo et vidéo, mais la musique n’a jamais été très loin. « Ma mère vient de Laponie, et même si elle n’est pas musicienne, le chant fait partie de sa culture. Elle m’a déjà emmené à un grand festival près de Riga, il y avait 40 000 choristes, tous connectés les uns aux autres par le chant. Cette magie fait partie de mon héritage. » Les premières choses qu’il fera en arrivant à Montréal ? Aller voir un match des Alouettes et apprendre le français pour « ne pas être un touriste anglophone au Québec. »

Mikelis Rogers, Auditions nationales de l’Opéra de Montréal 2021

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Angelo Moretti Il n’a que 24 ans mais Angelo a déjà toute une feuille de route : en 2014, il a remporté la finale de l’émission de télé canadienne The Next Star avec un groupe pop. « Dans la foulée, nous sommes partis en tournée, je me souviens encore du concert de Montréal, c’était au Club Soda ! » La coach vocale du band était une soprano qui a rapidement perçu son potentiel vocal. « Elle m’a demandé de lui chanter un air classique italien, puis m’a offert de me préparer aux auditons de l’Université de Toronto qui se tenaient six mois plus tard. » C’est comme ça, en accéléré, qu’il est passé de la pop à l’opéra. Pour le ténor torontois, cette conversion est avant tout un hommage à ses origines. « Mon grand-père était un émigré italien qui adorait chanter mais qui n’a jamais eu la chance d’apprendre. Avec ma maîtrise et avec ce programme de l’Atelier lyrique, je suis en train de réaliser son rêve. » Angelo a d’ailleurs hérité de ses disques de Mario Lanza et Luciano Pavarotti. Un jour, ça sera lui qu’on applaudira après le Che gelida manina de Puccini.

Angelo Moretti dans le rôle du Comte Almaviva du Barbier de Séville, Opéra de l’Université de Toronto (photo : Richard Lu)

Karoline Podolak

Elle est née à Toronto, a passé sa maîtrise en opéra à Katowice, en Pologne, et s’est déjà produite sur des grandes scènes en Europe et aux États-Unis. Pas de doute, Karoline est une étoile qui monte. Pour cette soprano de 29 ans, Montréal est la suite naturelle de ce parcours, parce que « pour l’opéra, c’est clairement l’endroit où il faut être. » « Je viens d’une famille-orchestre où tout le monde joue d’un instrument. J’ai moi-même appris le violon et la guitare très jeune, et j’ai toujours fait partie de chœurs ». C’est d’ailleurs lors d’un festival de chœurs en Pologne qu’une professeure l’a repérée et a changé son destin « J’avais 26 ans, je travaillais depuis quatre ans dans une station de radio de Toronto mais j’ai tout laissé tomber pour me consacrer à l’opéra ». Ses rôles fétiches ? Lucia (Lucia di Lammermoor), Violetta (La Traviatta) et Pamina (La Flûte enchantée). Et quand elle ne répète pas, Karoline aime bien aller titiller le poisson sur les rives du Lac Ontario. Parions que la pêche sera tout aussi bonne au Québec !

Karoline Podolak dans le rôle-titre de La Traviata, Opéra et ballet national de Bulgarie à Sofia (photo : Svetoslav Nikolov)

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Claudie Vandenbroucque 50 ans de maquillage à l’opéra La fin de la saison 2021-2022 marquera un tournant important au sein de l’équipe de conception de l’Opéra de Montréal. Après presque 50 ans de dévouement et de grand bonheur partagé au sein de notre institution, notre cheffe maquilleuse Claudie Vandenbroucque tirera sa révérence. Rencontre avec une femme créative et toujours aussi passionnée par le maquillage de scène ! Un milieu stimulant en constante évolution Des émissions jeunesse à Radio-Canada, des Bye Bye en direct, des rencontres marquantes, des anecdotes croustillantes, des prix Gémeaux, une grande implication dans la communauté avec le projet CoOpéra, un éventail de productions scéniques diversifiées : c’est tout un héritage que nous laisse le talent de Claudie Vandenbroucque. Depuis son arrivée à l’Opéra de Montréal dans les années 70 — la compagnie s’appelait alors l’Opéra du Québec —, la maquilleuse assiste à une importante évolution de la compagnie et de son propre métier.

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« À mon arrivée, on exigeait moins des maquilleurs et on était hyper discrets. Les maquillages se faisaient dans un petit local, alors que maintenant, on se déplace dans les loges des solistes. Ça crée une belle intimité, et la relation que je développe avec chacun d’eux est une des choses que j’aime le plus de mon travail. Ça, et l’évolution constante des techniques de maquillage. »

Audace et observation : les essentiels pour une conception réussie Alors que le maquillage à gros traits prévaut à ses débuts, Claudie Vandenbroucque ajoute sa touche personnelle à ses conceptions en s’inspirant de livres de référence et de la morphologie des chanteurs pour s’éloigner un peu de la caricature. En amont des productions, ses yeux de lynx scrutent les moindres détails sur les visages des chanteurs pendant les répétitions et repèrent des traits intéressants dans le métro, sur la rue ou à l’épicerie pour s’inspirer. « Il y a plein de subtilités à saisir. Quand tu crées un personnage, il faut le comprendre, l’habiter, et avoir l’audace de faire plusieurs essais. C’est ça, le maquillage de conception. Mes techniques de maquillage ont beaucoup évolué à travers les années, mais mon travail évolue aussi d’une soirée Une équipe unie au service de l’excellence à l’autre ! Entre la pré-générale et la dernière représentation, il n’y a Avec La Flûte enchantée, la maquilleuse assistera pour la pas un soir où je fais exactement la dernière fois au ballet bien rodé qui se déroule à l’arrièremême chose. Je peaufine jusqu’à la scène et en coulisses, chaque personne jouant un rôle dernière seconde. » important dans le succès du spectacle. « Travailler avec les costumes, la coiffure, les techniciens et la régie, c’est le bonheur ! On se soutient et il y a beaucoup de respect entre nous. Et on donne toujours le meilleur de soi ; il faut que tout le monde soit à la hauteur. » Plutôt que d’être au service des chanteurs, elle dit plutôt travailler de pair avec eux pour construire leur personnage. « Bien souvent, le maquillage est la dernière étape avant leur entrée en scène. Il y a quelque chose de spécial qui s’installe, et j’adore ça. On devient souvent des amis ! Toute la force et la vulnérabilité qui cohabitent en eux me touchent. Et une fois qu’ils sont sur scène, toute leur énergie, toute leur excitation, on la ressent jusqu’en coulisses. Comme on dit souvent avec Pierre Lafontaine [chef perruquier à l’Opéra de Montréal], on est vraiment chanceux de faire ce métier ! »

Ce n’est qu’un au revoir Et c’est justement parce qu’elle aime encore profondément ce qu’elle fait qu’elle tire sa révérence. « Je suis très heureuse et je ne me suis jamais tannée du maquillage. Chaque opéra est important et stimulant. Mais j’ai moins de ressort. Ça fait cinq ans que je prépare ma retraite, passant tranquillement le flambeau à ma fille Véronique. Je me sens prête. Je suis très satisfaite et je sens que j’ai bien exploré ce que j’avais à explorer. » Elle se promet toutefois de revenir faire son tour à l’Opéra de Montréal, dans le public cette fois. « J’aime comment l’Opéra de Montréal se réinvente, propose des créations et enrichit son répertoire. C’est nouveau et rafraîchissant ! »

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Pleins feux sur les donatrices et les donateurs de l’OdM Roula Drossis et Mark Roberts Comment avez-vous découvert l’opéra ? Roula : À travers mon père, qui était un adepte de musique classique et de la Carmen de Bizet en particulier. J’ai également passé 15 ans à étudier le piano et l’opéra à travers des cours d’histoire de la musique; ensuite, j’ai éventuellement commencé à assister à des représentations d’opéra à Montréal même. Mark : Aussi à travers mon père et ses disques vinyles de L’Anneau du Nibelung de Wagner, dans l’interprétation de Georg Solti. J’étais prédisposé à apprécier l’opéra puisque j’avais de l’intérêt pour la musique d’orchestre, mais ma passion s’est approfondie en assistant aux performances du Met durant mes années universitaires aux États-Unis.

Votre meilleur souvenir à l’opéra ? Roula : Une représentation d’Aida au Met – j’étais très impressionnée par la mise en scène et les chevaux sur scène. Mark : L’opéra Lady Macbeth du district de Mtsensk de Chostakovitch, telle que présentée par le Met en 1994, avec la soprano Maria Ewing dans le rôle-titre. Je suis un grand fan de Chostakovitch en général.

Roula Drossis & Mark Roberts

Le chanteur qui vous rend fou ?

Un compositeur ou un opéra préféré ?

Roula et Mark : Bryn Terfel! Pour sa polyvalence et son registre vocal, mais par­ ticulièrement pour le don qu’il possède d’interpeller son auditoire et de l’attirer dans l’histoire et dans la tête de chaque personnage.

Roula : Bonne question! Je suis encore en processus d’apprentissage et de familiarisation avec le répertoire…

Mark : Je mentionnerais aussi Ben Heppner pour la force de sa voix et sa capacité à incarner un personnage. J’ai un souvenir marquant de sa performance dans Peter Grimes à l’opéra de Vancouver, en 1995.

Pourquoi soutenir votre maison d’opéra locale ?

Mark : Wagner, surtout L’Anneau du Nibelung pour la puissance et l’éloquence de la musique et la complexité de la structure des leitmotiv. Et Puccini aussi, Turandot notamment.

Mark : Toute métropole digne de ce nom a besoin d’une maison d’opéra : la nature universelle de cette forme d’art, sa façon d’explorer la condition humaine et de générer de l’empathie peut être considérée comme un bien social. Roula : Les institutions culturelles et artistiques sont essentielles à la société en général. Il est important de soutenir les talents émergents et les programmes d’accessibilité qui favorisent l’appréciation de la forme d’art, les initiatives de sensibilisation tournées vers la communauté et les répétitions ouvertes au public. 14


Katerie Leclerc, au centre, avec (de gauche à droite) Sue Wehner, Patrick Corrigan, Elizabeth Polese et Jesse Fine-Gagné

Normand Cardella Comment avez-vous découvert l’opéra ? « Par moi-même et par curiosité, d’abord avec La Bohème, à Montréal, au début des années 80. J’ai toujours eu une curiosité générale pour l’art et la culture, le ballet, les musées… »

Votre meilleur souvenir à l’opéra ? « C’était à l’Opéra de Vienne, lors de va­ cances en Autriche. J’étais encore jeune, et avec peu de moyens, j’avais pu obtenir un billet dans la section debout au Parterre, accoté sur la balustrade. Je me souviens encore des airs de la Reine de la nuit et de leur mise en scène de La Flûte enchantée, avec un grand escalier. »

Le chanteur qui vous rend fou ? « Pavarotti, un son incroyable qui s’écoute la larme à l’œil. J’ai écouté beaucoup de ténors, dont Gigli et Caruso (cependant, c’est difficile de se faire une idée de la voix véritable de ce dernier à cause des enregistrements d’époque). J’aime beau­ coup Étienne Dupuis aussi, entendu dans Eugène Onéguine. »

Un compositeur ou un opéra préféré ? « Iphigénie en Tauride, mon préféré parmi plus de 400 opéras regardés en web­ diffusion pendant la pandémie. Grâce à l’histoire, au drame, à la relation entre le frère et la sœur. J’ajouterais aussi La Dame de Pique, Simon Boccanegra, La Traviata et Cavelleria rusticana avec T. Troyanos, en particulier. »

Katerie Leclerc Comment avez-vous découvert l’opéra ? « Ma découverte s’est faite en deux temps : d’abord, en ayant fait la connaissance du baryton Étienne Dupuis, camarade au primaire et au secondaire à Repentigny, puis suite aux encouragements d’un professeur de chant qui faisait lui-même partie de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal. »

Votre meilleur souvenir à l’opéra ? « Ma première visite au Metropolitan à New York, lorsque j’ai pu ressentir toute l’histoire associée à cette institution. Sinon, les événements de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal, avec la proximité des artistes en résidence, par exemple lors de la production de Carmen à Longueuil. »

Un compositeur ou un opéra préféré ? « Je n’ai pas de nom spécifique, mais j’apprécie les timbres et le registre du ténor en particulier. Comme œuvre préférée, ce serait Carmen de Bizet et Faust de Gounod, dont les airs célèbres sont évocateurs de l’enfance. »

Pourquoi soutenir votre maison d’opéra locale ? « D’abord par sympathie pour les artistes et pour la chance d’avoir pu les côtoyer, toujours passionnés et généreux dans le partage de leur pratique. Pour l’importance de les soutenir non seulement via une contribution philan­­thropique, mais également par la rétroaction et l’appréciation à leur égard. À défaut d’une grande contribution monétaire aux maisons d’opéra, j’aime offrir mon support aux artistes en allant les voir, que ce soit à Montréal, Trois-Rivières ou Québec, en passant par Haliburton, New York ou Cincinnati. »

Pourquoi soutenir votre maison d’opéra locale ? « À cause du soutien moral donné par l’art lyrique pendant la période sombre et isolée de la Covid. En particulier, le programme de parrainage, qui représente pour moi un hommage en quelque sorte à mon père qui était lui-même un grand amateur des trois ténors, et à mon grand-père italien, qui possédait lui aussi une collection importante de vinyles d’opéra. » 15


Les anges de la billetterie Six jours par semaine, ils répondent à vos appels et exaucent vos souhaits. Après deux ans de pandémie et des dizaines d’annulations, il est temps de vous présenter ceux qui se plient en quatre pour faire de chaque spectacle une expérience réussie : voici Patricia, Carla, Filémon et Darnyse, les héros de la billetterie de l’Opéra de Montréal.

L’esprit d’équipe, même en télétravail Comme pour tous les services à la clientèle, la pandémie a été pénible pour la bande des quatre. D’abord, à cause du télétravail. « On a tous pris nos fonctions pendant la crise et on a travaillé pendant des mois à distance, sans pouvoir se rencontrer physiquement », raconte Filémon. Mais cela ne les a pas empêchés de créer des liens forts. « On se parle, on se soutient, on s’entraide. Et puis, on est tous passionnés de musique et d’opéra. Ça fait déjà un gros point commun. » Autre défi lié à la Covid : les incessants Darnyse Memnon, gestionnaire, service-client et passionnée changements apportés à la programmation. des enjeux sur la diversité culturelle dans le milieu des arts « Les clients ont fait preuve d’une patience Filémon Brault-Archambeault, futur producteur de cinéma incroyable, ils comprenaient qu’on faisait et ex-étudiant en piano classique le maximum. Mais j’avoue qu’il y a eu des Patricia Weber, soprano et professeure de chant journées difficiles, raconte Patricia. Quand on a dû annuler La beauté du monde , j’étais découragée : on venait tout juste de finir de transférer les places de la Salle Wilfrid-Pelletier au Théâtre Maisonneuve. Tout ce qu’on a fait pendant des heures n’a servi à rien ». On la comprend !

Musique et bienveillance

Une touche d’humour

Qu’ils travaillent à temps plein ou à temps partiel, qu’ils soient étudiants ou aient une autre activité, tous nos conseillers sont d’accord : leur travail va bien au-delà de la vente de billets. « Nous sommes là pour aider les mélomanes et les amateurs à passer une soirée magique, c’est un pri­ vi­lège. Alors on prend le temps de parler des œuvres et de choisir les meilleures places avec eux, témoigne Carla. Pendant la pandémie, on a aussi senti que certains clients plus âgés avaient besoin de rompre leur solitude. Ils ont toujours trouvé une oreille attentive. »

Pour Darnyse, qui supervise l’équipe, le retour au bureau est une occasion de reconnecter avec les clients et avec ses anges de la billetterie. « La Carla Bodo, musique est une façon de partager mélomane passionnée et doctorante en des moments précieux, des coups de médiation culturelle cœurs, des émotions. » Des émotions… et quelques moments cocasses ! « Sachant que j’étais aussi chanteuse, un client m’a demandé de lui chanter le rôle de Pamina au téléphone, raconte Patricia. J’ai été prise de court, mais en même temps très touchée et flattée. C’est cette complicité qui donne du sens à notre travail. » La billetterie de l’Opéra de Montréal est ouverte du lundi au vendredi de 10 h à 18 h, et le samedi de 10 h à 16 h.

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Quiz lyrique

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Julie Boulianne, mezzo-soprano, dans La Cenerentola (2017)

a. 85 b. 123 c. 170

Combien d’opéras ont fait l’objet de nouvelles productions à l’Opéra de Montréal? a. 22 b. 63 c. 74

Marie-Nicole Lemieux et Endrick Wottrich dans Samson et Dalila (2015)

Quel artiste a pris part au plus grand nombre de productions depuis les origines de l’Opéra de Montréal, en 1980? a. b. c. d.

Diana Soviero Marc Hervieux Étienne Dupuis Claude Grenier La Bohème de G. Puccini (2017)

RÉPONSES 1. c) 170 2. b) 63 3. d) Claude Grenier, choriste-soliste (140 productions et 656 représentations au total)

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Combien d’artistes ont bénéficié du tremplin professionnel de l’Atelier lyrique depuis sa fondation (1984) jusqu’à aujourd’hui?

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En images Concert en Floride mars 2022

Première de La flûte enchantée mai 2022

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Évènements à venir 12 juin 2022

Brunch du directeur RESTAURANT MILOS

4 et 6 août 2022 Une île de passions Éric Champagne, Hélène Dorion et Marie-Claire Blais

SALLE PIERRE-MERCURE

28 août 2022

Concert de l’été CLUB MONT-ROYAL

10 septembre 2022

Cocktail de première de Il Trovatore Ouverture de la saison 2022-2023 SALLE WILFRID-PELLETIER

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operademontreal.com


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