Ninja magazine #22 - Against All Odds

Page 16

C

C

orrespondence — Are you tired of waiting and writing to me? You asked if I received all your letters. But I wonder if you actually read mine, and perhaps you do, but in the wrong way. Limited space forces me to reduce what I want to write and from the date at the top of the page to the signature, each word conveys a deep reality. I often have a heavy heart when I realize that my letters arouse such a distant echo in your responses if anything at all. I mention something specific, I write a story or I hint at something in particular. In your letters, I’m looking for some proof that we understand one other, that we are in harmony, but in vain. I have already told you about this in my previous letters. What about the children’s first communion? I would like to know some details about this important matter. When I asked, you said that you had already told about it! And health! Is it the absence of health that you call “in good health”? You told me about a treatment you’d under- gone and then nothing more. Don’t think less of me for being worried about you. What do I know about you, about what you think, what you do, your daily habits outdoors? I know only that you are like any housewife, forced to work in order to live with her children. You wouldn’t dare tell me anything about you that could distinguish you from others like you. Who then will be your confidant? Don’t you trust me anymore?

orrespondance — Es-tu lasse de m’attendre et de m’écrire? Tu me demandes si je reçois toutes tes lettres. Moi, je me demande si tu lis les miennes, fort mal en tout cas. La place limitée m’oblige à condenser ma pensée de la date à la signature, chaque mot exprime une réalité profonde. Bien souvent j’ai le cœur serré en constatant que mes mots n’éveillent dans tes réponses qu’un écho bien faible. J’évoque tel sujet déterminé. Je t’entretiens de telle affaire. Je fais une allusion précise. Je cherche en vain, ne serait-ce qu’un mot qui me dise que nous nous sommes compris et que nous sommes à l’unisson. Je te l’ai déjà laissé entendre dans mes précédentes lettres. La communion des enfants était une chose importante sur laquelle j’aurais aimé des détails. À cette demande, tu m’as écrit en effet... que tu me l’avais déjà écrit ! La santé. C’est donc l’absence de santé que tu appelles la bonne santé. Tu m’as dit que tu devais suivre un traitement, sans m’en dire plus. Il s’agit de ce qui est tout toi. Tu ne dois pas trouver mauvais que cela me préoccupe particulièrement. Que sais-je de toi, de ce que tu penses, de ce que tu fais, de tes occupations ? Juste ce que je sais de n’importe qui dans ton cas, obligée de travailler pour vivre avec ses enfants. Ce que je devrais savoir de toi, qui te distinguerait de « n’importe laquelle », tu n’oses pas me le dire. À qui oseras-tu alors te confier ? N’ai-je plus ta confiance que je n’ai jamais cessé de mériter ? Si je dois m’en sortir physiquement et moralement après plus de trois ans de captivité et d’exil, et ce n’est pas fini, ma tête sinon le cœur est encore intacte, et ma mémoire entière, car on vit surtout par le souvenir. J’évoque souvent avec attendrissement les preuves d’attachement que tu m’as prodiguées. Je voudrais n’avoir pas d’autre souvenir. As-tu jamais pensé que notre situation aurait pu être tout autre ? Te voilà en vacances, mère de famille sans mari et sans enfants. Quels projets aurais-tu ? Tu ne devrais avoir que l’embarras du choix pour t’occuper, au jardin et à la maison qui doit être forcément délaissée. Je t’ai vidé mon cœur et j’ai usé mes deux lettres mensuelles. Puisses-tu les recevoir ensemble ! Il me faut maintenant attendre six semaines ta réponses. Que m’apportera-t-elle? « Vraiment, mon Jean je ne comprends pas ». Mais alors qui me comprendra ? Où lirais-je les mots qui rassurent et apaisent parce qu’ils viennent de ton cœur ? Ce coeur que je verrai toujours entièrement à moi. Je ne t’ai déjà que trop perdue, faut-il que je te perde encore davantage ? Tout cela peut paraître bien petit à côté des convulsions qui tordent le dessus de notre planète, mais toi et les petits, êtes tout pour moi et le reste n’existe qu’après vous. S’il en était autrement, ta lettre ne m’aurait pas bouleversée. Je sais que tu ne peux, en deux lettres et deux cartes par mois, me livrer une description complète et fidèle de votre vie, mais tu sais écrire et tu sais en tirer le maximum. Si nous passons civils, le courrier dont nous bénéficierons sera peut-être la principale amélioration. Il faut que je m’arrête. Qu’ajouterais-je? Ne t’ai-je pas déjà tout dit ? Il me reste plus qu’à attendre, cela ne changera pas. Je ne fais pas autre chose depuis si longtemps. J’espère que mon attente ne sera pas vaine. Priez bien pour moi pour qu’il en soit ainsi et que je vous sois rendu bientôt. Je vous embrasse comme je vous aime. Je vous aime tant.

Ninja magazine #22

I still think that I never stopped deserving your trust. If I manage to leave three years of captivity and exile (and it’s not over yet) my mind, my heart are still unharmed and my memory is intact, because here we all stay alive through our memories... I often think tenderly of the proof I have of your love your devotion. I wish these were my only memories. Have you ever considered that our situation could have been completely different? Here you are, now, on holiday, the mother of a family with neither children nor husband. What were your plans? You must have had an embarrassment of riches to have to choose between the garden and the house, which might be neglected now. I’ve poured my heart out and I’ve used my two monthly letters. If only you could receive them at the same time! Now, I’ll have to wait six weeks for your response. What message will it bear? “I really don’t understand, my dear Jean” Then who will? Where will I read the soothing and comforting words that should come from your heart and show me that it’s still mine? I’ve already lost you enough; am I to wait to lose you even more? All this might look insignificant compared to the pangs of our planet being torn asunder, but everything else matters less to me than you and the children. If this weren’t true, your last letter wouldn’t have shattered me as it did. I know that you cannot relate your life in faithful and complete detail in two letters and two cards a month, but you know how to make the most of your writing. If one day we can again be civilians, if we are able to send and receive letters to one another than all will have been worthwhile. I have to stop here. What should I add? Have I not said it all? I have only to wait; this won’t change. For so long I’ve done nothing else. I only hope that it won’t be in vain. Pray for me to make it so and for me to be released very soon. I embrace you with my love. I love you so much.

20

tendances visuelles


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.