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ange-t-on M trop de viande en France ?

Retrouvez en exclusivité les interviews des intervenants à la conférence organisée par le CIV, sous l’égide de l’Académie de Médecine : médecins (gynécologue et gériatre) et scientifiques du CREDOC, de l’Institut de l’Elevage et de l’INRA. Dr A.L. Parodi

Dr André Laurent Parodi Président de l’Académie de Médecine, Directeur honoraire de l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort

L’Homme est un omnivore. La viande n’est donc pas un luxe, mais une denrée qui participe à notre équilibre biologique. D’un point de vue qualitatif, elle contient des acides aminés indispensables, des métabolites tels que le zinc et le sélénium, des vitamines, notamment la B12 exclusivement présente dans les produits d’origine animale. C’est aussi une source majeure de fer héminique, beaucoup mieux absorbé que le fer non héminique présent dans les aliments d’origine végétale et très important, en particulier chez les femmes. Au-delà de l’aspect qualitatif, la viande est un "aliment plaisir"

contribuant à l’équilibre social. Or, on constate que la viande se retrouve régulièrement au cœur de nombreux débats, visant à diminuer, voire à bannir sa consommation. Les arguments avancés sont l’impact de l’élevage sur l’environnement et les conditions climatiques, le bien-être animal et la remise en cause des élevages dits industriels, la compétition entre alimentation du bétail et alimentation humaine ou encore des questions autour de la légitimité d’élever des

animaux pour les tuer et les manger, dans une société où l’animal occupe une place de plus en plus importante. A l’inverse, il est important de rappeler, d’un point de vue économique, que l’élevage constitue une ressource essentielle pour de nombreuses populations. Il paraît ainsi important de ne pas tomber dans une vision manichéenne. Au même titre que la consommation de poissons, de produits laitiers, de fruits et légumes et de produits céréaliers, la consommation de viande contribue à la satisfaction des besoins biologiques des Hommes. Il faut aussi prendre en considération certaines des questions soulevées tenant notamment au bien-être des animaux et à la préservation de notre environnement.

www.lessentieldesviandes-pro.org

Président de l’Académie de Médecine, Directeur honoraire de l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort

Dr T. Harvey Gynécologue-obstétricien, Chef du service maternité, Hôpital des Diaconnesses, Paris

Dr B. Durand-Gasselin Gériatre, Responsable de la filière gériatrique, Paris Sud

Pascale Hébel Directrice du département Consommation, Crédoc

André Le Gall Chef du département Technique d’élevage et qualité, Institut de l’Elevage

Gilles Gandemer Directeur de Recherche Inra, Centre de Lille


Interviews Dr Thierry Harvey Gynécologue-obstétricien, Chef du service maternité, Hôpital des Diaconnesses, Paris

L’homme est un prédateur, omnivore… c’est une espèce animale qui a besoin de se nourrir de tout. L’évolution de l’Homme fait qu’il mange à table et que son alimentation a évolué, mais ses besoins restent les mêmes. La consommation de viande, en France, ne cesse de diminuer et ce phénomène touche surtout les femmes. En pratique, on rencontre de plus en plus de femmes en âge de procréer ayant des réserves faibles en fer. La carence en fer est la plus répandue à travers le monde, elle touche près de 2 milliards de personnes et concerne essentiellement les femmes en âge de procréer. Bien sûr la problématique est différente dans les pays occidentaux. En France, l’anémie concerne 7  % des femmes de 18 à 29 ans et 5 % des plus de 30 ans. Cependant, 39 % des femmes de 18 à 29 ans ont des réserves faibles en fer et 17 % ont une déplétion des réserves. Ce phénomène est trop souvent sous-dépisté et soustraité, ce qui peut poser des problèmes chez la femme enceinte ou souhaitant l’être. Les besoins en fer sont deux fois plus importants chez les femmes non ménopausées que chez les hommes. En effet, comme nous le savons, le fer fonctionne quasiment en circuit fermé avec de faibles pertes par les selles, la transpiration, l’urine. Chez la femme la menstruation augmente considérablement ces pertes qu’il est impératif de compenser par des apports exogènes suffisants. C’est pourquoi, il est important de bien rappeler aux patientes les sources alimentaires naturelles de fer en

différenciant le fer héminique, forme de fer la mieux absorbée, apporté par la viande en premier lieu et le poisson en second lieu, et le fer non héminique qui correspond à la totalité du fer présent dans les végétaux mais qui est moins bien absorbé. Le taux d’absorption du fer non héminique est inférieur à 10 %  ; il dépend beaucoup du statut initial en fer de la personne et des autres aliments consommés au cours du repas. Pour rappel, les polyphénols, tanins, phytates, le calcium et les fibres alimentaires réduisent l’absorption du fer non héminique alors que la vitamine C ainsi que les protéines "musculaires" de la viande et du poisson favorisent son absorption. Au cours de la grossesse les besoins en fer augmentent. La consultation préconceptionnelle doit jouer un rôle clé pour identifier au plus tôt les femmes ayant de faibles réserves en fer, les conseiller au mieux et ainsi prévenir les risques d’anémies avant ou suite à l’accouchement, risques d’autant plus importants en cas d’hémorragie. Au cours de la grossesse, il est important de mesurer la ferritine et le VGM afin de vérifier les réserves en fer. Si elles sont faibles mais que la femme n’est pas carencée, des conseils diététiques visant à augmenter la consommation de fer d’origine naturelle et surtout héminique peuvent être suffisants (viande rouge, certains abats : cœur, rognons, etc.). Si la ferritinémie est inférieure à 70 µg/l les conseils hygiéniques ne seront pas suffisants et une supplémentation, un traitement oral, voire une supplémentation parentérale, pourront être nécessaires dans certaines situations.

Sources : - OMS 2008. - ENNS. Situation nutritionnelle en France en 2006 selon les indicateurs d’objectif et les repères du Programme national nutrition sante (PNNS), 2006. - AFSSA-CNERNA-CNRS. Apports nutritionnels conseillés pour la population française. Tec & Doc, 3ème édition, Paris 2001. - Lopez M. A., Martos F. C. Iron availability: An update review. Int. J. Food Sci. Nutr., 2004, 55, 597-606. - South P. K., Lei X., Miller D. D. Meat enhances non heme iron absorption in pigs. Nutr. Res., 2000, 20, 1749-1759.

Pascale Hébel Directrice du département Consommation, Crédoc

La consommation de viande de boucherie (bœuf, porc (hors charcuterie), veau, agneau, viande chevaline) n’a cessé de diminuer depuis 1980. Elle atteint aujourd’hui une moyenne de 55 grammes par jour, soit 390 g par semaine, ce qui correspond en fréquence à trois fois par semaine. Cette diminution est liée à une pluralité de facteurs socioéconomiques et à l’évolution de l’image de la viande. Le message nutritionnel "il ne faut pas manger trop de viande" qui a initialement touché les classes les plus diplômées et qui s’est progressivement répercuté sur l’ensemble de la population y a notamment contribué. En plus de la préoccupation nutritionnelle qui continue à avoir des répercussions aujourd’hui, cette évolution est favorisée par les modifications des habitudes alimentaires (moins de temps passé à faire à manger et à manger, recherche des aliments à forte praticité, etc.), la crise économique, les crises sanitaires et, depuis peu, les questions autour de l’environnement et de l’alimentation durable. Mais de nombreuses disparités sont observées. En matière de recommandations nutritionnelles il conviendrait de distinguer les gros consommateurs (plus de 490 grammes de viande de boucherie par semaine) qui correspondent à 29 % des adultes français et sont plus souvent des hommes, des 47 % de petits consommateurs (moins de 315 g par semaine) qui sont plus souvent des femmes et des seniors. Or ces deux types de populations ont des besoins nutritionnels plus importants : les femmes, en fer et les seniors, en protéines et peuvent ainsi être exposés à des risques de déficience ou de carence en certains nutriments. En effet, contrairement au reste de la population dont les apports en protéines sont globalement suffisants, ¼ des seniors ont des apports protidiques inférieurs aux apports nutritionnels conseillés (ANC). Chez les femmes, les déficiences d’apports en fer sont importantes : 58 % des femmes en âge de procréer ont des apports en dessous des besoins nutritionnels moyens (BNM). Source : Crédoc - Enquêtes CCAF (Comportements et consommations alimentaires en France) 1999, 2003 et 2010.


Interviews Dr Bernard Durand-Gasselin Gériatre, Responsable de la filière gériatrique, Paris Sud

La population française vieillit et l’espérance de vie augmente. Aujourd’hui, une femme de 60 ans va vivre encore une trentaine d’années et en 2060, 20 à 33 % des gens auront plus de 60 ans. Cela justifie une réorganisation du quotidien, de l’hygiène de vie, et une attention toute particulière à l’alimentation dès 60 ans, pour les 30 années à venir. On distingue actuellement deux types de personnes âgées : d’une part, les "jeunes" seniors (ils ont entre 60 et 75 ans, sont actifs, avec peu ou pas de maladies) et, d’autre part, le 4e âge (personnes plus âgées ou plus fragilisées). Ces deux catégories présentent des spécificités et des risques différents en termes de santé. La sarcopénie est une raréfaction du tissu musculaire. Sa prévalence est difficile à établir précisément. Elle touche 3 à 4 % des seniors, et 10 % des plus de 75 ans. Ce phénomène qui peut débuter dès 40 ans progresse lentement et se traduit à terme par une perte de la force musculaire, une restriction d’autonomie et des

chutes. Les facteurs de risque de la sarcopénie sont bien identifiés : le manque d’activité physique, l’obésité, le tabagisme et les faibles apports protéiques. Dès 60 ans, il faut penser à sa prévention pour ralentir ce processus naturel. Cette prévention passe par la combinaison d’un renforcement de la masse musculaire par de petits exercices quotidiens et la pratique d’une activité physique régulière (marche, gymnastique, etc.) et des apports protéiques adéquats. Ces apports doivent être quantitativement suffisants. N’oublions pas qu’à partir de 60 ans, l’apport conseillé en protéines alimentaires augmente, il est de 1 g/kg/jour. Les apports protéiques doivent être aussi qualitativement variés avec, pour mieux stimuler la synthèse protéique musculaire, des protéines rapidement digestibles et riches en acides aminés indispensables (en leucine notamment) telles que celles contenues dans les protéines animales. Quant à la dénutrition, elle concerne surtout les personnes

plus âgées ou fragilisées chez qui elle est souvent associée à la sarcopénie. La dénutrition se définit par l’un des critères suivants : la variation du poids de plus de 5 % en un mois ou de plus de 10 % en six mois, un index de masse corporelle < 21 kg m2, ou une albuminémie inférieure à 35 g/l. Elle touche 5 % des plus de 65 ans à domicile, 20 à 50 % des personnes âgées à l’hôpital et 40 % dans les institutions. Elle peut aggraver ou conduire à divers problèmes de santé tels qu’une anémie, de l’ostéoporose, un déficit du système immunitaire générateur d’infections sévères et peut favoriser les chutes. Ainsi, la coexistence de pathologies chroniques avec une alimentation non adéquate conduit facilement à la "spirale de la dénutrition" : plus on est dénutri, plus on est malade et plus on est malade, plus on est dénutri. La prise en charge de la dénutrition consiste en une augmentation des apports énergétiques et protéiques (de 1,2 à 1,5 g/kg/jour), tout en favorisant les aliments plaisirs. Sources : - Trichet J, et al. Prevalence of sarcopenia in the French senior population. J Nutr Health Aging. 2008 ;12(3):202-6. - Rolland Y, et al. Sarcopenia, calf circumference, and physical function of elderly women: a cross-sectional study. J Am Geriatr Soc 2003;51: 1120–4. - HAS. Recommandations. Stratégie de prise en charge en cas de dénutrition protéinoénergétique chez la personne âgée, 2007.

André Le Gall Chef du département Technique d’élevage et qualité, Institut de l’Elevage

En France, 90 % de la production des aliments des bovins (herbe, maïs notamment) est directement produite par les éleveurs sur leur exploitation. Les deux tiers de la ration d’un bovin proviennent d’herbe pâturée ou fauchée. Les ruminants valorisent ainsi, par le pâturage des prairies

permanentes, des surfaces non labourables couvrant environ 10 millions d’hectares du territoire national. Ces prairies participent à la qualité des paysages de ces régions et favorisent la biodiversité (augmentation de la microfaune et de la flore). Au niveau des gaz à effet de serre, le stockage du carbone par les prairies compense 25 à 50 % de

l’ensemble des gaz à effet de serre émis au niveau d’une exploitation. Ce "lien au sol" contribue à l’équilibre écologique des territoires, même si des marges de progrès sont encore réalisables dans les différents systèmes d’élevage. Source : Idele-CIV. Alimentation des bovins : rations moyennes et autonomie alimentaire. Collection résultats, 2012.


Interview Gilles Gandemer Directeur de Recherche Inra, Centre de Lille

Sources : - Analyse des compositions nutritionnelles des viandes crues de bœuf, veau, agneau et de viande chevaline. INRA-CIV, 2006–2009. - Analyse des compositions nutritionnelles des viandes crues de porc. INAPORC-IFIP, 2005. - Etude sur les effets de la cuisson sur la composition nutritionnelle des viandes. INRA-CIV-ADIV, 2010-2012.

Pour avoir plus d’informations, retrouvez les vidéos des interventions de la conférence " Mange-t-on trop de viande en France ?", sur le site :

www.lessentieldesviandes-pro.org

Vous aurez aussi la possibilité de télécharger une brochure destinée à vos patients, apportant des informations récentes sur la consommation de viande et les recommandations nutritionnelles dans le cadre d’une alimentation équilibrée notamment pour les femmes et les seniors.

Crédits photos : © DR. Nicolas Louis/CIV. Gregory Gerber, Yuri Arcurs/Shutterstock Images. Septembre 2012.

La viande apporte un ensemble de nutriments d’intérêt pour l’alimentation humaine. Riche en protéines, elle garantit un apport équilibré en acides aminés indispensables parfaitement en adéquation avec les besoins de l’Homme. Source de fer, majoritairement sous forme héminique, elle contribue à améliorer le statut en fer. C’est aussi une source de vitamines B en particulier B3 et B12. Contrairement aux idées reçues, la viande n’est pas un aliment gras : les 2/3 des nouveaux morceaux contiennent moins de 8 % de lipides. La viande est principalement consommée cuite selon des recettes et des modalités très diversifiées. La cuisson a peu d’influence sur la valeur nutritionnelle des viandes. La majorité des nutriments (protéines, zinc, sélénium, etc.) ne sont pas dégradés par la cuisson, ni expulsés dans le jus de cuisson. De fait, ils sont plus concentrés dans la viande cuite. D’autres nutriments tels que la vitamine B3 sont partiellement expulsés dans le jus de cuisson et se retrouvent donc en concentration sensiblement équivalente avant et après cuisson. Quelques-uns comme le fer héminique et la vitamine B6, à la fois partiellement expulsés dans le jus de cuisson et dégradés par les traitements thermiques, se retrouvent en concentration plus faible dans la viande cuite que dans la viande crue. Ces phénomènes ne sont toutefois perceptibles que pour des cuissons longues (braisées ou bouillies).


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