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ISSN 0007-9960

Société Française de Nutrition

volume 43

mai 2008

hors-série 1

Cah. Nutr. Diét., 2008, 43, 1S1-1S71

www.masson.fr/revues/cn

cahiers de nutrition et de

diététique Indexés dans, indexed in Chemical Abstracts, EMbase (Excerpta Medica) et Pascal (INIST/CNRS)

DE N A VI


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cahiers de nutrition et de diététique

SOMMAIRE

Avant-propos Bernard GUY-GRAND

pages

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Éditorial POURQUOI UN NUMÉRO SPÉCIAL DES CAHIERS DE NUTRITION ET DE DIÉTÉTIQUE CONSACRÉ À LA VIANDE ? Gérard PASCAL

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Viande : production et consommation LES VIANDES, UNE QUESTION DE DÉFINITION... Christophe DENOYELLE

DE L’ÉTABLE À LA TABLE : SÉCURITÉ BIOLOGIQUE DES VIANDES D’ANIMAUX DE BOUCHERIE Hubert BRUGÈRE

LA PLACE DE LA VIANDE DANS LE MODÈLE ALIMENTAIRE FRANÇAIS Jocelyn RAUDE

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Viande et composition nutritionnelle QUALITÉS NUTRITIONNELLES DE LA VIANDE ET DES ABATS CHEZ LE BOVIN : DONNÉES RÉCENTES SUR LES PRINCIPAUX CONSTITUANTS D’INTÉRÊT NUTRITIONNEL Dominique BAUCHART, Franck CHANTELOT, Gilles GANDEMER

QUALITÉ NUTRITIONNELLE DES PROTÉINES DE LA VIANDE Daniel TOMÉ

1S29 1S40

TENEUR ET BIODISPONIBILITÉ DU FER HÉMINIQUE ET NON HÉMINIQUE DANS LA VIANDE ET LES ABATS DE BŒUF : INFLUENCE DE LA CONSERVATION ET DE LA CUISSON Valérie SOUCHEYRE

1S46

Viande et santé ACIDES GRAS ALIMENTAIRES ET RISQUE CARDIO-VASCULAIRE Jean DALLONGEVILLE, Élise GRUSON, Luc DAUCHET

LA CONSOMMATION DE VIANDE FAVORISE-T-ELLE LA SURVENUE D’UN DIABÈTE DE TYPE 2 ? Fernand LAMISSE

1S52 1S58

CONSOMMATION DE VIANDE ET RISQUE DE CANCER : BILAN CRITIQUE DES ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES ET EXPÉRIMENTALES Fabrice PIERRE, Raphaëlle SANTARELLI, Denis E CORPET

1S61

Viande et alimentation LA PLACE DE LA VIANDE DANS L’ALIMENTATION AUX DIFFÉRENTS ÂGES DE LA VIE Martine PELLAE

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CAHIERS DE NUTRITION ET DE DIÉTÉTIQUE Fondateur : Jean Trémolières Revue de la Société Française de Nutrition (SFN) RÉDACTION : Service de Nutrition, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Pavillon Benjamin Delessert, 83, Boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris Tél. : + 33 (0) 1 42 17 79 28 – e-mail : bernard.guy-grand@htd.aphp.fr ÉDITION : Pascal Léger, Elsevier Masson SAS, 62, rue Camille Desmoulins, F-92442 Issy les Moulineaux Cedex Tél. : + 33 (0) 1 71 16 54 12 – Fax : + 33 (0) 1 771 16 51 84 RÉGIE PUBLICITAIRE : Soizic Brault, Elsevier Masson SAS, 62, rue Camille Desmoulins, F-92442 Issy les Moulineaux Cedex Tél. : + 33 (0) 1 71 16 51 07 – Fax : + 33 (0) 1 71 16 51 51 Comité scientifique

Comité de Rédaction Président : Bernard Guy-Grand Rédactrice en chef : Cyrille Costa Secrétaire de la Rédaction : Muriel Membres : Véronique Azais-Braesco Arnaud Basdevant Gérard Corthier Sébastien Czernichow Béatrice Darcy-Vrillon Jacques Delarue Régis Hankard Jacques Lambert Muriel Mambrini

Solignac Ambroise Martin Jean-Michel Oppert Ghislaine Picard Marie-Astrid Piquet Monique Romon Patrick Sérog Chantal Simon Florence Strigler

France Bellisle Brigitte Boucher Jean-Louis Bresson Valérie Busson Jean Dallongeville Marie-Laure Frelut Léon Gueguen Dominique Hermier Jean Klere

Michel Krempf Fernand Lamisse Jean-Paul Laplace Martine Laville Jean-Pierre Mareschi Agnès Martin Luc Mejean Bernard Messing Jean Navarro

Jean-Pierre Poulain Simone Prigent Denis Raccah Alain Rerat Daniel Rigaud Jean-Pierre Ruasse Daniel Tomé Paul Valensi Olivier Ziegler

Directeur de la publication : Annie Quignard-Boulangé

Conditions d’abonnement pour un an (2008 – 6 numéros) : Tarifs « Institution » (France) : 138 euros TTC. Voir tarifs complets au + 33 (0) 1 71 16 55 99. L’abonnement aux Cahiers de Nutrition et de Diététique permet un accès gratuit à la version en ligne de la revue à l’adresse suivante : www.masson.fr/revues/cn Abonnements Adresser commande et paiement à Elsevier Masson SAS, Service Abonnements, 62, rue Camille Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux Cedex. Paiement par chèque, carte de crédit (CB, Master Card, Euro Card ou Visa : indiquer le n°, la date d’expiration de la carte, le cryptogramme et signer) ou par virement : CCF (AGEI) n°30056 00024 00242223774 20. Tél. : + 33 (0) 1 71 16 55 99. Fax : + 33 (0) 1 71 16 55 77. e-mail : infos@masson.fr. Les abonnements sont mis en service dans un délai maximum de quatre semaines après réception de la commande et du règlement. Ils démarrent du premier numéro de l’année. Les réclamations pour les numéros non reçus doivent parvenir chez Masson dans un délai maximum de six mois. Les numéros et volumes des années antérieures (jusqu’à épuisement du stock) peuvent être commandés à la même adresse. Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle faite sans l’autorisation de l’éditeur des pages publiées dans le présent ouvrage, par quelque procédé que ce soit, est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la Propriété intellectuelle). Des photocopies payantes peuvent être réalisées avec l’accord de l’éditeur. S’adresser au : Centre français d’exploitation du droit de copie, 20, rue des GrandsAugustins, 75006 Paris, France. Tél. : + 33 (0) 1 44 07 47 70. – Fax : + 33 (0) 1 46 34 67 19. Les Cahiers de nutrition et de diététique sont édités par Elsevier Masson SAS, société par actions simplifiée au capital de 675.376 euros, RCS Nanterre B 542 037 031. Siège social : 62, rue Camille Desmoulins, 92130 Issy les Moulineaux. Dépôt légal : à parution - ISSN n° 0007-9960 - Commission paritaire : nº 0307T81433 - Actionnaire : Elsevier Holding France. Président : Daniel Rodriguez. © 2008. SFN. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Publication périodique bimestrielle Composé par : Imprigraphic. Imprimé par Technic Imprim, Les Ulis (91). 2ème trimestre 2008. Printed in France.

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AVANT-PROPOS

C’est à la demande du Centre d’Information des Viandes (CIV) que les Cahiers de Nutrition et de Diététique ont accepté de publier ce numéro hors-série sur les viandes de boucherie. Comme il est de règle pour ces numéros hors-série financés par une entreprise ou une interprofession, le sommaire, les auteurs choisis et le contenu des textes sont de la responsabilité du partenaire extérieur, en l’occurrence du conseil scientifique du CIV. La décision d’accepter ou de refuser ce partenariat appartient au Comité de Rédaction et se fonde sur l’intérêt nutritionnel de la thématique choisie. La rédaction veille avec attention à la qualité du sommaire et des textes proposés en vérifiant l’absence de messages publicitaires inacceptables ou d’informations manifestement biaisées. Que de plus en plus d’acteurs industriels cherchent à utiliser les Cahiers pour transmettre des informations scientifiques honnêtes sur un thème spécifique témoigne sans aucun doute du sérieux de l’image de notre revue, de plus en plus considérée comme une référence. La Rédaction des Cahiers a estimé que les données – en grande partie méconnues – présentées dans ce numéro hors-série méritaient d’être diffusées, d’autant plus que différentes « crises » ont récemment affecté l’image des aliments carnés. Le CIV a fait le choix – c’était son droit – de centrer son propos sur la viande bovine ; l’étendre aux viandes porcines et ovines eut sans aucun doute alourdi ce numéro à l’excès. Bernard GUY-GRAND

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ÉDITORIAL Pourquoi un numéro spécial des Cahiers de Nutrition et de Diététique consacré à la viande ?

Si l’idée que notre alimentation devait constituer notre première médecine a soustendu la médecine grecque, puis médiévale, les bases biologiques de cette recommandation étaient bien minces. Il a fallu attendre le XVIIe siècle pour que des éléments de connaissance nutritionnelle apparaissent. La force musculaire étant un élément primordial à l’époque, le régime « carné et fortifiant » a alors été recommandé. Pourtant, la viande constitue l’un des aliments à la fois les plus recherchés et des plus sujets à tabou, abstention ou aversion. L’attitude du consommateur vis-à-vis de la consommation de viande a évolué au cours du temps : jusqu’au milieu du XIXe siècle, la viande était taboue au Japon. L’empereur Meiji a cependant suspendu en 1871 son interdiction à la cour, l’une des raisons en étant que la réussite de l’économie de l’Occident était alors attribuée à son régime alimentaire carné. Cette dualité de l’attitude face à la viande a été bien plus récemment au cœur des interrogations des consommateurs au moment de la crise de la « vache folle ». L’image nutritionnelle de la viande, peut-être aussi en raison de cette ambivalence, repose souvent sur des idées préconçues qui n’ont pas grandchose à voir avec la réalité, comme l’association systématique de la viande à la richesse en matières grasses. Le moment était venu de faire le point des connaissances sur les différentes questions qui sont l’objet des préoccupations des consommateurs : – qu’est-ce que la viande ou plutôt que sont les viandes ? – quelle est la place de la viande dans les systèmes culinaires français, dans les différents groupes de la population, aux différents âges de la vie ? – quelles sont les démarches qui assurent la sécurité sanitaire des viandes, biologique et chimique ? – quelle est la composition des différents morceaux de viande, quels sont leurs qualités et intérêts nutritionnels ? – quels sont les liens potentiels entre la consommation de viande et les grandes pathologies dans nos sociétés : risque cardio-vasculaire, cancers, diabète ? Les contributions de ce numéro spécial ont été relues et validées par le Conseil scientifique du CIV qui est composé de membres indépendants et non rémunérés. Son objectif consiste à fournir aux professionnels de santé et au public une information aussi complète et objective que possible dans des domaines, le lecteur pourra aisément le constater, qui sont souvent très techniques et ne peuvent être abordés que par des spécialistes. C’est le cas des auteurs des articles de ce numéro, que je Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

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tiens tout particulièrement à remercier pour leur participation à une action d’information, sur une catégorie d’aliments de base, source de nutriments certes, mais aussi et surtout de plaisir, la viande ne constituant, de plus, que l’un des composants de recettes multiples qui contribuent à notre patrimoine culinaire et à notre culture alimentaire. Gérard PASCAL Directeur de recherche honoraire à l’INRA, Président du conseil scientifique du CIV

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viande : production et consommation

LES VIANDES, UNE QUESTION DE DÉFINITION...

Christophe DENOYELLE

Introduction La viande est un aliment consommé par l’homme depuis toujours. C’est le symbole de la force, de la santé et de la richesse. Elle fait l’objet d’un commerce mondial plus important que celui des produits sidérurgiques (données 2003), elle donne lieu à de nombreuses recherches. Pourtant, la viande n’a pas encore à ce jour de définition qui fasse le consensus des producteurs, industriels, commerçants, consommateurs et même des scientifiques. Jusqu’au XVIIIe siècle, le terme viande, du latin vivenda, de vivere « vivre » avait le sens très large de vivres, nourritures animales ou végétales, solides ou liquides. Aujourd’hui, la définition de la viande se veut plus restrictive et ne désigne plus toute la nourriture. Pourtant, selon que l’on soit consommateur, chercheur, éleveur, industriel, la viande peut encore désigner des produits très différents. Le mot « viande » est donc encore une appellation générique recouvrant une grande variété de « viandes ». En effet, ce mot, aussi simple soit-il, cache une réalité très complexe. L’objectif de cet article est d’essayer d’approcher toute la variété de produits qui se trouve derrière la dénomination viande et permettre au lecteur une approche plus critique dès lors que l’on parle de viande, en termes de consommation, en termes de valeur nutritionnelle, qu’on lui confère des avantages ou des inconvénients.

Les définitions des viandes Quand il s’agit de définition, le 1er réflexe consiste à consulter un dictionnaire [1]. Le dictionnaire encyclopédique de la langue française définit la viande ainsi : « chair des mammifères et des oiseaux en tant qu’aliment. Il distingue 3 types de viande : la viande rouge (le bœuf, le mouton, le cheval), la viande blanche (le veau, le porc, la volaille, le lapin) et la viande noire (le gibier) ». Une autre solution consiste à examiner la réglementation. Celle-ci est particulièrement prolixe en matière de définition de viande. Par exemple, le Codex alimentarius [2] définit la viande comme étant « toutes les parties d’un

animal qui sont destinées à la consommation humaine ou ont été jugées saines et propres à cette fin ». Dans un autre texte [3], il définit la viande comme « la partie comestible de tout mammifère ». C’est pourquoi, selon les articles, lorsque le terme « viande » est utilisé, l’auteur peut parler aussi bien des muscles de la carcasse que des produits tripiers. La liste est loin d’être exhaustive avec, quasiment à chaque fois, des définitions différentes, démontrant que le terme de viande est véritablement à géométrie variable ! Alors finalement, la viande qu’est-ce que c’est ? Sans avoir la prétention d’apporter une réponse là où d’autres n’ont pas réussi, une façon de définir la viande peut consister à dérouler un certain nombre de critères. Partant du principe que la viande est toutes les parties d’un animal destinées à la consommation humaine, essayons d’être plus précis en commençant par les espèces. Sur la base de cette première définition, la viande peut recouvrir des produits issus des poissons, des mollusques comme du bœuf. En fait, traditionnellement, est considérée comme de la viande (en tout cas en Europe), celle issue des types d’animaux suivants : – les animaux de boucherie : bœuf, veau, porc, mouton, agneau, cheval, chevreau ; – les animaux de basse-cour : poulet, dinde, canard, pintade, oie, pigeon, lapin ; – le gibier : sanglier, chevreuil, lièvre. Il existe, pour nous Européens, des viandes plus « exotiques » issues d’animaux comme l’autruche, le bison, le zébu ou encore le crocodile, etc. Chaque région du monde possède ses spécificités en la matière. Ceci montre déjà une grande variété de viandes regroupées sous le même terme générique. Mais il est possible d’aller encore plus loin en considérant par exemple les appellations « viande bovine », « viande ovine », etc. Littéralement, cela correspond respectivement à la viande issue de l’espèce bovine et de l’espèce ovine. Pourtant, en France, compte tenu des habitudes alimentaires, nous distinguons pour l’espèce bovine, par exemple, la viande de gros bovins issue d’animaux dont l’âge est supérieur à 6-8 mois1 et la viande de veau issue de bovins dont l’âge est inférieur à cette limite. La consommation de viande de

Service Qualité des Viandes, Institut de l’Élevage, 149, rue de Bercy, 75595 Paris cedex 12. Correspondance : Christophe Denoyelle, à l’adresse ci-dessus. Email : christophe.denoyelle@inst-elevage.asso.fr

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1 En 2007, la réglementation européenne définit que la viande de veau est issue de bovins dont l’âge à l’abattage doit être au maximum de 8 mois. Au-delà, la viande ne peut plus porter la mention « veau ».

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viande : production et consommation veau est une spécificité française et de quelques voisins européens seulement, Italie et Allemagne. Pour les ovins, la barrière d’âge se situe à 12 mois, on parle d’agneaux pour les animaux plus jeunes et de moutons pour les animaux plus âgés. Dans la suite de l’article, seule la viande issue de l’espèce bovine sera considérée, sachant que la même logique (ou presque) peut s’appliquer pour les autres espèces.

Que se cache-t-il derrière la viande de gros bovins ?

– le cheptel laitier dans lequel les vaches sont essentiellement élevées pour leur production de lait. Les principales races sont la Prim’Holstein (66 % des vaches laitières), la Montbéliarde (16 %) et la Normande (13 %) ; – le cheptel allaitant, où les animaux sont spécifiquement élevés pour la production de viande. Les principales races sont la Charolaise (42 %), la Limousine (22 %) et la Blonde d’Aquitaine (11 %). La proportion de ces 2 cheptels est d’environ 58 % pour le troupeau allaitant et 42 % pour le troupeau laitier. Une grande variété de morceaux et de produits transformés

Des catégories d’animaux différentes De nombreux consommateurs croient encore aujourd’hui consommer de la viande issue du bœuf. Pourtant, grâce notamment aux progrès réalisés par la filière française en matière de traçabilité et d’étiquetage depuis 1996, ils ne peuvent plus ignorer que derrière le terme générique de viande de bœuf se trouve plusieurs catégories d’animaux : – le bœuf, mâle adulte castré, ne représente que 8 % de la consommation française ; – les taureaux, mâles adultes non castrés ; – le taurillon ou jeune bovin, mâle non castré élevé jusqu’à 24 mois maximum ; – les génisses, femelles n’ayant pas encore vêlé ; – les vaches, femelles ayant vêlé. Une grande variété de races2 Ces catégories d’animaux sont issues de 2 cheptels distincts :

La complexité ne s’arrête pas là. En effet, la viande bovine est issue de carcasses de plus de 200 kg. Le consommateur n’achète pas une carcasse entière, mais des morceaux sous forme de steaks, de rôtis, etc. La découpe, dite de Paris, permet d’extraire une cinquantaine de morceaux différents dans le bœuf (fig. 1). Classiquement, on distingue les morceaux à cuisson lente (riches en collagène) et les morceaux à cuisson rapide (pauvres en collagène). Une grande partie de la viande est consommée en l’état, c’est-à-dire sous forme de viande fraîche, en steaks, rôtis... Mais la viande, comme tout produit agroalimentaire, peut subir des transformations. La plus répandue consiste à fabriquer de la viande hachée à partir de différents muscles de la carcasse. Même s’il n’existe pas de recettes types, en moyenne, ce sont toujours plus ou moins les mêmes muscles qui sont utilisés, essentiellement ceux présents dans l’avant de la carcasse. Ces viandes hachées présentent différents taux de matières grasses (de 5 à 15,

Figure 1. Les différents muscles de la carcasse d’un bovin et leur teneur en matière grasse (source : www.civ-viande.org).

Le cheptel bovin français est le plus important d’Europe avec pas moins de 40 races différentes.

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viande : production et consommation voire 20 %). D’autres produits peuvent également entrer dans leur composition (protéines végétales, aromates...), il s’agit alors de préparation de viandes hachées. Bien évidemment, la viande subit d’autres transformations dans l’industrie de la charcuterie3 et des plats cuisinés notamment. Les différents modes de présentation des viandes Les viandes se présentent réfrigérées ou surgelées. Les viandes réfrigérées peuvent être conditionnées selon différentes techniques qui lui permettent une durée de vie plus ou moins longue. Il existe 3 grandes catégories de conditionnement pour les viandes. Cela va du « sous étirable » classique (une barquette avec un film transparent dessus ; durée de vie de 3 à 6 jours), en passant par le « sous atmosphère » (une barquette et un film imperméable aux échanges gazeux dans laquelle se retrouvent des mélanges binaires ou ternaires de gaz : O2, CO2 et N ; durée de vie de 7 à 12 jours), jusqu’au « sous vide » où le produit est en contact direct avec le film plastique sans mélange gazeux, ce qui confère à la viande une couleur rouge sombre (durée de vie de 21 jours). La viande peut être congelée (ou surgelée) chez l’industriel. Cela lui garantit une durée de vie beaucoup plus longue. Des méthodes de cuisson adaptées aux morceaux La cuisson est un phénomène complexe qui produit sur la viande des effets divers. Les viandes peuvent être cuites selon 2 grands modes de cuisson : – la cuisson dite rapide où la viande est saisie pour former rapidement une croûte superficielle qui limite les pertes d’eau à la cuisson ; – la cuisson lente en atmosphère humide qui permet de transformer le collagène en gélatine. Derrière ces 2 grands modes de cuisson, se cache une grande variété de méthodes de cuisson : rôtie au four, poêlée, grillée au grill ou au barbecue ou cuite aux microondes pour les cuissons rapides ; bouillie, braisée ou sautée, pour les cuissons lentes.

Quelles conséquences sur la valeur nutritionnelle des viandes ? À la différence de nombreux autres produits alimentaires, les viandes ne sont pas des produits dont la composition est standardisée. Comme on l’a vu précédemment, le terme de « viande » recouvre un ensemble de produits très différents. La viande livrée aux consommateurs est un produit hétérogène et de composition variable. Les facteurs biologiques et zootechniques tels que l’âge, le sexe, la race, le mode d’élevage qui modifient la composition corporelle de l’animal, affectent notablement la composition des carcasses et des viandes. Les caractères les plus variables sont probablement les lipides, le fer héminique et le collagène [4]. Ensuite, chaque muscle de la carcasse possède ses propres caractéristiques (fig. 1). Il existe même des différences au sein d’un même muscle. Par exemple, une étude [5] a démontré que la teneur en lipides au sein de faux-filets pouvaient varier de ± 2 points. Enfin, le traite-

3

Il n’est pas rare de trouver associées dans la bibliographie la viande et la charcuterie.

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ment technologique des viandes (mode de préparation, conservation...) et les conditions de cuisson influent également sur leur valeur nutritionnelle. Il est donc difficile de faire un bilan global de la valeur nutritionnelle de la viande bovine (et plus encore au sens du Codex alimentarius !), en raison de son hétérogénéité et de la variabilité de sa composition sous l’effet des facteurs biologiques et zootechniques. En conséquence, il convient d’être prudent dès lors que la valeur nutritionnelle d’une viande est abordée. Si cela est courant, voire indispensable, dans la pratique de la diététique ou dans le classement des aliments les uns par rapport aux autres... L’utilisation de chiffres moyens peut poser problème quand il s’agit de conclure sur les avantages et/ou les défauts nutritionnels de la viande. Cela signifie que pour avoir une valeur nutritionnelle de la viande la plus fiable possible, compte tenu de l’hétérogénéité du produit, il faut définir et/ou connaître : – l’origine biologique (espèce, race, sexe, âge...), – la conduite alimentaire de l’animal, – le traitement technologique des carcasses et des muscles (découpe, travail des viandes, etc.), – les conditions d’élaboration pour les produits transformés (recette utilisée, mode de fabrication, etc.), – le mode de conservation et de conditionnement (frais, congelé, etc.), – le mode de cuisson. Face à cette complexité et compte tenu des contraintes de temps et de coût pour de telles études, la valeur nutritionnelle d’une viande doit être obtenue par des protocoles d’analyse qui tiennent compte des facteurs de variation (catégorie d’animal, race, muscle, etc.).

Quelle quantité de viande consommonsnous ? Il n’est pas rare de lire dans la bibliographie des articles qui préconisent d’augmenter ou de diminuer la consommation de viande, d’un côté, pour prévenir des carences, de l’autre, pour se prémunir d’une maladie. Sur quels chiffres se basent ces préconisations ? Qu’en est-il réellement de la consommation ? En fait, les chiffres de consommation sont souvent trompeurs, car ils peuvent regrouper les différents types de viande (cheval, ovins, caprins, porcs, volaille, bovins) ou seulement certains d’entre eux ou encore 1 seul type de viande [6], voire les produits tripiers. Il faut donc s’assurer que les auteurs précisent ce qu’ils regroupent sous la dénomination « viande », puisqu’il n’existe pas de définition consensuelle. Par exemple, en France en 2002, la consommation de viande bovine représentait 30 % de la consommation totale de viande (bovins, ovins, porcs, volaille, cheval). Par ailleurs, selon les unités utilisées, les chiffres de consommation peuvent quasiment varier du simple au double. En France, 3 types de données sont rencontrés : – les données exprimées en tonnes (Tec) ou kilos (Kec) équivalent-carcasse par habitant et par unité de temps, fournies par le Service Central des Enquêtes et Études Statistiques (SCEES). Elles correspondent aux poids des carcasses au stade de la pesée en abattoir et comptabilisent donc les os et les déchets qui ne sont pas consommés. S’agissant de la viande bovine, le coefficient de rendement est d’environ 68 %. Il faudrait donc appliquer ce coefficient pour connaître la consommation réelle. Ces données permettent d’évaluer et de comparer les productions et les échanges entre pays ; 1S9


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viande : production et consommation – les données exprimées en kilos par ménage et par unité de temps, issues du panel SECODIP. Elles correspondent au poids acheté de viande désossée, découpée et parée. Ces données permettent de montrer l’évolution des achats des ménages (hors restauration hors domicile) ; – les données exprimées en kilos par habitant et par unité de temps, fournies par le Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de vie (CRÉDOC). Ce sont des données individuelles et déclaratives de consommation. Elles permettent de comparer les consommations alimentaires entre elles. Ainsi, selon ces 3 sources, la consommation de viande de bœuf en France, en 2005, était respectivement de 22,5 Kec/habitant/an, 13,5 kg/ménage/an ou 12 kg/ habitant/an. Ces écarts illustrent bien les risques de confusion et les précautions à prendre pour l’utilisation de données de sources différentes.

Conclusion La viande est un produit complexe et extrêmement variable. Compte tenu des nombreux facteurs de variation (espèce, catégorie d’animal, type de muscle, cuisson...) qui peuvent jouer sur la valeur nutritionnelle des viandes, la constitution de tables de composition est difficile, mais possible. Pour être fiable, ces tables nécessitent des plans d’échantillonnage adaptés [7]. Dans un contexte actuel de développement d’allégations santé et de messages nutritionnels par l’industrie agroalimentaire, il convient donc d’être précis dans l’utilisation des chiffres et dans les conclusions qui en découlent. Même si la tentation est souvent grande de pouvoir apporter des règles et/ou des messages généralistes, la complexité du produit viande ne s’y prête pas toujours.

Résumé La viande qu’est-ce que c’est ? Les nombreuses définitions linguistiques ou réglementaires ne s’accordent pas. D’après certains textes, c’est la partie comestible de tout mammifère, cela englobe les muscles, mais aussi les produits tripiers par exemple. Cette définition généraliste cache en fait une réalité très complexe. Pour la seule viande issue de l’espèce bovine, le consommateur peut acheter de la viande provenant d’un taurillon, d’un bœuf, d’une génisse ou d’une vache. Ces types d’animaux appartiennent à une grande variété de races, laitières ou allaitantes. La carcasse, après découpe, donne une cinquantaine de morceaux différents, possédant chacun des caractéristiques particulières, qui seront conservés et cuits différemment. Cette variabilité influence la valeur nutritionnelle des viandes, obligeant, lorsqu’il s’agit de l’estimer, de fixer

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l’ensemble de ces facteurs de variations et d’être transparent au moment de les communiquer. L’absence d’une définition unique de la viande et d’une unité de mesure reconnue joue également sur l’estimation de ses niveaux de consommation. Mots-clés : Viande – Valeur nutritionnelle – Consommation.

Abstract What does meat mean? The definition of meat is different according to regulations or dictionaries. Some say that meat is all the edible part of a mammal: the muscles but also the tripe for example. In fact, the reality is much more complex. Only for the cattle’s meat, the consumer eats meat from steers, young bulls, heifers and cows. These animals come from different breeds, dairy or suckler breed. The cut of the carcass provides about fifty muscles, each with particular characteristics. They are conserved and cooked differently. Of course, this variability has consequences on meat nutritional value. So, to communicate on meat’s nutritional value, it is necessary to fix all the variation factors. Finally, the precise estimation of meat consumption is difficult because of the lack of a definition of meat and an accepted unit of measure. Key-words: Meat – Nutritional value – Consumption.

Bibliographie [1] Dictionnaire encyclopédique de la langue française. Hachette, Paris, 1995. [2] Codex alimentarius, Code d’usages en matière d’hygiène pour les viandes, 2005. [3] Codex alimentarius, Glossaire de termes et définitions pour les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments, 2003. [4] Le point sur l’alimentation des bovins et des ovins et la qualité de la viande. Technipel, Paris, 2005. [5] Fostier B. – Hétérogénéité de la répartition de la teneur en lipides intramusculaires de la viande au sein de différents muscles de bovins. Viandes et Produits Carnés, 2003, 14, 99-102. [6] Chatelier V., Guyomard H., Le Bris K. – La consommation de viande bovine dans le monde et dans l’Union européenne : évolutions récentes perspectives. INRA Productions animales, 2003, 16, 381-91. [7] Evrat-Georgel C. – Étude préalable sur la construction d’une table de composition nutritionnelle des produits carnés (viande et abats de ruminants). Étude CIV, Interbev, Ofival, 2005, communication personnelle.

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DE L’ÉTABLE À LA TABLE : SÉCURITÉ BIOLOGIQUE DES VIANDES D’ANIMAUX DE BOUCHERIE Hubert BRUGÈRE

Introduction

Viandes et santé du consommateur

La filière viande d’animaux de boucherie, encore appelés ongulés domestiques dans la réglementation, comporte plusieurs maillons étroitement liés les uns aux autres : l’élevage des animaux (bovins, ovins, caprins, porcs et chevaux), l’abattage, la transformation des viandes, la distribution des produits dans les points de vente et enfin la consommation. Sans oublier les différentes étapes de transport, transport des animaux dans les bétaillères et transport des viandes dans des camions frigorifiques. La maîtrise de l’hygiène est une préoccupation de tous les instants. C’est l’ensemble des conditions et mesures nécessaires pour assurer, à toutes les étapes de la filière, la sécurité des viandes (assurance que ces aliments ne causeront pas de dommage aux consommateurs) et la nondégradation de leurs qualités organoleptiques [1]. La sécurité est une préoccupation fondamentale mais implicite pour les consommateurs, or, la viande est un aliment particulièrement fragile, susceptible d’être vecteur de microorganismes potentiellement pathogènes pour l’homme [2]. Depuis 1993, en France, les professionnels de la filière viande ont pris volontairement des initiatives visant à accompagner les différentes réglementations communautaires et nationales. Conscients de l’importance de la maîtrise de l’hygiène tout au long de cette filière sensible, les professionnels réalisent un certain nombre d’outils de maîtrise de l’hygiène, en particulier des guides de bonnes pratiques hygiéniques. Ces guides sont mis à la disposition des opérateurs afin qu’ils puissent assurer la sécurité de leurs produits et répondre ainsi aux objectifs réglementaires. Après avoir rappelé les principaux dangers pouvant être présents dans la viande et le contexte réglementaire international et européen, nous verrons quelles sont les responsabilités respectives des acteurs de la filière et des services de contrôle pour garantir au consommateur la sécurité et la salubrité des produits issus de la filière viande.

En théorie, les dangers, agents pouvant avoir un effet néfaste sur la santé, pouvant être transmis au consommateur par les viandes d’animaux de boucherie sont nombreux, et en particulier des dangers biologiques bactériens, viraux ou parasitaires [3]. Cependant, l’efficacité des mesures adoptées et mises en œuvre, tant à l’échelon européen que national, permet de ne recenser en France qu’un faible nombre d’accidents liés à la consommation de viande, accidents qui, pour une grande part, sont de gravité limitée pour la santé du consommateur.

UMR INRA/ENVT 1225 Interactions Hôtes - Agents Pathogènes, École Nationale Vétérinaire de Toulouse, BP 87614, 23, chemin des Capelles, 31076 Toulouse cedex 03. Correspondance : Hubert Brugère, à l’adresse ci-dessus. Email : h.brugere@envt.fr

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Surveillance et prévention des zoonoses Les animaux de boucherie et les viandes qui en sont issues pourraient être vecteurs de zoonoses bactériennes ou parasitaires [4-5]. Certaines zoonoses bactériennes, par exemple la brucellose ou encore la tuberculose chez les bovins, font l’objet d’une prophylaxie obligatoire organisée par les services de l’État avec l’aide des éleveurs regroupés dans chaque département au sein des Groupements de défense sanitaire (GDS). Grâce à l’ensemble des contrôles, en France, la prévalence de ces maladies reste faible, avec, par exemple, un taux de prévalence dans les cheptels de 0,033 % pour la tuberculose bovine et la reconnaissance du statut de pays indemne de brucellose bovine en 2005 [6]. Depuis 1990, l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) est devenue une maladie à déclaration obligatoire en France et un dispositif national d’épidémiosurveillance clinique a été mis en place. En élevage, l’éleveur et le vétérinaire praticien sont vigilants afin de repérer tout bovin vivant présentant des troubles neurologiques pouvant faire penser à l’ESB. Après examen clinique approfondi, si la suspicion d’ESB est confirmée, l’animal doit être euthanasié et, avant destruction par incinération du cadavre à l’équarrissage, un prélèvement de tronc cérébral est réalisé pour analyses. Si après analyse de laboratoire, le diagnostic de l’ESB est confirmé pour cet animal, les bovins du troupeau de la même cohorte d’âge, c’est-à-dire nés de un an avant à un an après l’animal atteint, sont euthanasiés ainsi que sa descendance [7]. En France, depuis 1991, année du 1er cas déclaré d’ESB, 994 cas ont été confirmés fin 2007, dont 337 cas dans le cadre du réseau d’épidémiosurveillance clinique, 429 cas dans le cadre de la sur1S11


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viande : production et consommation veillance par analyse du tronc cérébral des bovins à risque, c’est-à-dire les bovins de plus de deux ans morts ou euthanasiés pour différentes causes pathologiques et dont les cadavres sont éliminés à l’équarrissage, et enfin 228 cas dans le cadre du dépistage systématique de tous les bovins de plus de 30 mois à l’abattoir. Depuis 2001 (274 cas confirmés), le nombre de cas a nettement et régulièrement diminué pour se stabiliser sur les deux dernières années : 8 cas confirmés en 2006 et 9 cas en 2007. Surveillance des toxi-infections alimentaires Les toxi-infections alimentaires collectives (TIAC), dont un foyer est défini par la survenue d’au moins deux cas groupés d’une symptomatologie en général digestive dont on peut rapporter la cause à une même origine alimentaire, sont, en France, des maladies à déclaration obligatoire. Cela permet aux médecins inspecteurs de santé publique des Directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) et aux inspecteurs de santé publique vétérinaire des Directions départementales des services vétérinaires (DDSV) de réaliser une enquête épidémiologique afin d’identifier le ou les aliments responsables et les facteurs favorisants afin de pouvoir mettre en œuvre des mesures spécifiques pour prévenir les récidives. L’analyse et la synthèse des données sont réalisées par l’Institut de veille sanitaire (InVS). Les données chiffrées publiées concernant par exemple l’année 2001 montrent que 559 foyers de TIAC ont été déclarés, concernant 6 742 patients [8]. Bien que les agents responsables de TIAC soient des hôtes fréquents du tube digestif et qu’ils puissent aussi contaminer la peau et le pelage des animaux, les viandes d’animaux de boucherie n’ont été responsables ou suspectées que dans 6,6 % des foyers (37/559). Les principaux agents identifiés ou suspectés étaient Staphylococcus aureus (14/37), Clostridium perfringens ou Bacillus cereus (14/37), Salmonella (3/37 dont 1 foyer dû à Salmonella Typhimurium et 2 à des sérotypes inconnus). Les principaux facteurs ayant contribué à l’apparition d’un incident sont non seulement la contamination initiale des matières premières, mais aussi une contamination par l’environnement au cours de la préparation des aliments (personnel, équipement, etc.) ou encore une erreur dans le procédé de préparation, le non-respect des températures réglementaires ou un délai trop important entre préparation et consommation. Des données plus globales concernant les TIAC en France entre 1996 et 2005 montrent des résultats comparables [9-10]. En effet, pendant cette période de 10 ans, les viandes d’animaux de boucherie ont été responsables (ou suspectées) de l’apparition de 7,6 % des foyers déclarés (489/5 847), avec plus précisément 7,8 % des foyers (50/644) en 2002, 8 % (47/584) en 2003 et 9 % (57/629) en 2004. En 2003, une épidémie communautaire de salmonellose à Salmonella enterica sérotype Newport multirésistante aux antibiotiques à été décrite dans le Nord de la France, liée à la consommation de viande de cheval importée [11]. Escherichia coli entérohémorragiques Il faut noter que les bovins sont les principaux réservoirs asymptomatiques d’Escherichia coli entérohémorragiques (EHEC pour Enterohaemorrhagic E. coli) dont le sérotype le plus souvent incriminé est E. coli O157:H7. L’arsenal génétique des EHEC permet, entre autres, la 1S12

synthèse de deux facteurs de virulence majeurs, l’intimine qui permet l’adhésion étroite de la bactérie aux cellules de la muqueuse intestinale, et les toxines Stxs, pour Shigalike toxins, dont l’action sur leurs cellules cibles, les cellules endothéliales du côlon, des glomérules rénaux et du système nerveux central, permet d’expliquer les symptômes et les lésions observés [12]. En France, depuis 1996, la surveillance du syndrome hémolytique et urémique (SHU) est réalisée chez l’enfant de moins de 15 ans, elle repose sur un réseau constant de néphrologues pédiatres volontaires de 31 hôpitaux répartis sur tout le territoire métropolitain. Entre 1996 et 2006, 961 cas de SHU ont été notifiés, soit une incidence moyenne de 0,71 x 10–5 enfants de moins de quinze ans [13]. Depuis 1996, l’incidence annuelle du SHU sporadique reste inférieure à 1 pour 100 000 enfants de moins de quinze ans. Une recrudescence estivale du nombre de cas est observée avec 51 % des cas survenant entre juin et septembre. En 2006, un enfant âgé de 4 ans est décédé des suites d’une infection à E. coli O157:H7. Une étude réalisée par l’InVS indique qu’en France les principaux facteurs de survenue des SHU liés à une infection à EHEC chez l’enfant de moins de 15 ans sont la consommation de viande hachée de bœuf peu cuite et la transmission interhumaine dans la famille ou dans une collectivité [14]. Cela a été confirmé au cours de la première épidémie de grande ampleur d’infections à Escherichia coli entérohémorragique en France à l’automne 2005, où 69 personnes avec une infection à E. coli O157:H7 liée à la consommation de steaks hachés de bœuf ont été identifiées [15]. Parmi elles, 17 personnes dont 16 enfants de 2 à 11 ans ont présenté un syndrome hémolytique et urémique ; 7 ont dû être dialysées, mais aucun décès n’a été rapporté au cours de cet épisode. Viandes et parasites Des parasites peuvent être transmis à l’homme par des viandes d’animaux de boucherie consommées crues ou insuffisamment cuites pour tuer le ou les parasites présents. C’est le cas, par exemple, des formes larvaires d’un ténia de l’homme qui peuvent infester les muscles striés des bovins (Cysticercus bovis, larve de Taenia saginata) ou de larves microscopiques de Trichinella spiralis qui peuvent infester les muscles striés squelettiques du porc ou du cheval. Ces parasites sont systématiquement recherchés au cours de l’inspection sanitaire des carcasses à l’abattoir (cf. infra), ce qui permet de limiter le risque d’infestation des consommateurs. Notons que l’efficacité de la recherche de Cysticercus bovis sur les carcasses de bovins reste à améliorer. Toutefois, pour le taeniasis humain à Taenia saginata, il est difficile d’évaluer le nombre annuel de cas, car l’infestation est souvent asymptomatique et limitée à l’émission d’anneaux du ver par l’anus entre deux défécations. Seul le nombre de boîtes vendues de niclosamide, traitement spécifique des infestations à Taenia saginata, pourrait permettre d’estimer le nombre annuel d’infestations en France, mais sans pouvoir préciser si ces infestations sont survenues à la suite de consommation de viande bovine sur le territoire national ou au cours de déplacements à l’étranger [16]. Pour la trichinellose, le mode de transmission à l’homme est généralement l’ingestion de viande crue ou mal cuite d’omnivores (essentiellement le sanglier, 4 à 5 cas en moyenne par an en France) ou de carnivores. Les contaminations humaines par la consommation de viande d’herbivores, Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


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viande : production et consommation viande de cheval uniquement, demeurent exceptionnelles, car le cheval est un hôte inhabituel du parasite, mais elles sont généralement sérieuses par leur caractère de gravité (viande de cheval consommée généralement peu cuite) et par leur étendue, du fait d’un grand nombre de cas humains pouvant alors être observés. Le dernier épisode dû à la consommation de viande de cheval a été décrit en France en 1998, 422 cas en Midi-Pyrénées, à la suite de la mise sur le marché d’une carcasse de cheval infestée en provenance d’un pays de l’Est de l’Europe [16]. Les mesures de contrôle ont depuis été renforcées sur toutes les carcasses de chevaux abattus en France et importées. Enfin, les viandes d’animaux de boucherie (moutons essentiellement, porcs, bovins plus rarement) peuvent être parasitées par des formes larvaires d’un protozoaire, Toxoplasma gondii [4-16-17]. La toxoplasmose est une infection fréquente en France, environ 50 % de la population adulte est infectée et on estime que 200 000 à 300 000 nouvelles infections surviennent chaque année, dont 2 700 cas chez les femmes enceintes. La toxoplasmose est le plus souvent bénigne ou asymptomatique, mais des formes graves peuvent être observées en cas d’infection congénitale ou chez des patients immunodéprimés. En cas de contamination survenant chez une femme enceinte préalablement séronégative, il existe un risque de transmission materno-fœtale et de toxoplasmose congénitale (nombre estimé de 600 cas par an en France) pouvant être grave et entraîner la perte du fœtus ou occasionner chez ce dernier des lésions nerveuses ou oculaires par exemple. Le chat est l’hôte définitif de Toxoplasma gondii qu’il héberge dans son tube digestif. Il joue un rôle majeur dans la dissémination environnementale du parasite et la contamination de l’eau, des végétaux consommés par les animaux de boucherie, des fruits et des légumes pouvant être consommés par l’homme. Le manque d’hygiène, la consommation de viande mal cuite et la consommation de crudités mal lavées sont donc les principaux facteurs de risque pour l’acquisition d’une toxoplasmose. Cependant, la part respective des différents types d’aliments, ou de l’environnement, dans la contamination humaine ne peut pas actuellement être précisée. Aussi, des règles d’hygiène personnelle comme le lavage des mains, domestique comme le port de gants pour jardiner ou laver le bac à litière du chat, et alimentaire comme par exemple la consommation de viandes bien cuites (température à cœur entre 68 et 72 °C) doivent impérativement être rappelées à la femme enceinte séronégative et suivies par cette dernière pour éviter toute infection par l’agent de la toxoplasmose. Notons aussi que, comme tous les parasites, Toxoplasma gondii est sensible à la congélation. Les kystes parasitaires microscopiques pouvant être présents dans une pièce de viande sont tués par une congélation à – 12 °C pendant au minimum 3 jours, le temps de congélation devant être plus élevé pour une pièce de viande plus épaisse. Il ressort de ces données que, bien qu’un accident puisse parfois arriver et qu’il faille dans ce cas pouvoir en analyser précisément les causes afin de sans cesse pouvoir améliorer les mesures préventives en place, les accidents alimentaires mettant en cause la consommation de viandes d’animaux de boucherie restent relativement peu nombreux en France. Une des raisons qui permettent d’expliquer ce faible taux est la mise en place depuis de nombreuses années d’un cadre réglementaire important qui définit clairement le rôle des différents acteurs, professionnels et services de contrôle, pour assurer la mise sur Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

le marché de viandes sûres et non altérées. La vigilance doit être permanente, la formation de tous les personnels impliqués doit leur faire comprendre qu’il ne faut jamais baisser la garde.

Cadre structurel et réglementaire de la sécurité des viandes Depuis quelques années, le paysage réglementaire français et européen en matière d’hygiène des aliments est en pleine évolution [18]. Les nouvelles options choisies doivent se traduire à la fois par le maintien du haut niveau sanitaire acquis et le respect de quatre exigences essentielles : garantie de la protection de la santé publique, loyauté des transactions, information du consommateur, pertinence de l’action des services de contrôle publics. Ces options prises à l’échelon européen s’insèrent dans le contexte plus large des échanges internationaux, la réglementation de l’hygiène des aliments s’inscrivant aujourd’hui dans le cadre de la mondialisation du commerce et des dispositions de deux accords internationaux gérés par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’accord TBT (“technical barriers on trade” - entraves techniques au commerce) et l’accord SPS (mesures sanitaires et phytosanitaires) qui ont pour objectifs principaux de lutter contre les entraves au commerce dans le domaine alimentaire, tout en assurant la protection de la santé de l’homme, mais aussi celle des animaux. Les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des aliments mis sur le marché (réglementation, contrôle) doivent être justifiées sur la base d’une analyse scientifiquement fondée et transparente. Dans ce cadre, les travaux du Codex alimentarius, et en particulier de sa composante sanitaire, ont une importance de premier plan. Ils sont établis sur les bases d’un consensus international en matière de protection de la santé humaine. À l’échelon européen, une première directive communautaire relative aux conditions sanitaires de production et de mise sur le marché de viandes fraîches a été adoptée dès 1964 (Directive 64/433/CE). La Commission européenne a ainsi développé un programme d’harmonisation des règles de salubrité des denrées animales ou d’origine animale. Ce programme s’est intensifié à partir de 1985, la Commission a alors proposé que, notamment dans le secteur de l’hygiène, l’harmonisation se limite aux objectifs et exigences essentiels, les moyens pour y satisfaire étant renvoyés à des documents d’application volontaire. Ensuite, la réglementation a été plusieurs fois modifiée pour assurer une meilleure sécurité aux consommateurs, notamment en faisant référence, dès le début des années 1990, aux principes de l’HACCP, Hazard Analysis – Critical Control Point. Traduit en français par « Analyse des dangers et des points critiques pour leur maîtrise », l’HACCP est un système qui identifie, évalue et maîtrise les dangers significatifs au regard de la sécurité des aliments [1]. Récemment, le droit communautaire dans ce domaine a été profondément modifié. On parle du « Paquet hygiène », qui comprend un texte de portée générale, le règlement CE 178/2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, et plusieurs règlements d’avril 2004, applicables depuis janvier 2006, concernant l’hygiène des den1S13


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viande : production et consommation rées alimentaires, certaines règles spécifiques applicables aux denrées alimentaires d’origine animale, ainsi que des dispositions concernant les services de contrôle [19]. Des règles d’hygiène communes sont proposées pour tous les produits alimentaires (animaux et végétaux), y compris au stade de la production primaire, c’est-à-dire l’élevage pour la filière viande. La responsabilité première de la sécurité des aliments incombe aux professionnels, de même que l’assurance d’une bonne traçabilité des produits et l’obligation de signalement des produits non sûrs. Par conséquent, la production et la distribution des denrées alimentaires, et tout particulièrement des produits carnés, sont réglementées par de nombreux textes qui doivent permettre la mise sur le marché d’aliments ne présentant aucun danger pour la santé des consommateurs. Le contrôle permanent des moyens de production et de l’efficacité des mesures mises en place pour assurer l’hygiène des aliments est assuré par les professionnels eux-mêmes et supervisé par les agents des services de contrôle de l’État.

Maîtrise de l’hygiène dans la filière viande Afin de limiter au maximum la contamination des viandes, leur préparation respecte trois principes fondamentaux : tous les animaux de boucherie dont les viandes sont destinées à la vente pour la consommation humaine doivent être abattus dans un abattoir ; tous les abattoirs sont inspectés en permanence par les services vétérinaires ; seules les viandes reconnues saines et salubres après l’inspection sanitaire seront destinées à la vente pour la consommation humaine. Le rôle des opérateurs de la filière Santé et protection des animaux La surveillance de la santé des animaux est une première étape cruciale. Parmi les maladies animales, les zoonoses les plus graves sont systématiquement dépistées pour un meilleur contrôle de l’état sanitaire du cheptel et, si possible, l’éradication des maladies concernées. De plus, à la sortie des exploitations, seuls les animaux en bonne santé, c’est-à-dire sans signe clinique de maladie, peuvent être transportés vers les abattoirs. Éleveurs, commerçants et transporteurs doivent respecter une réglementation européenne rigoureuse sur la protection des animaux en cours de transport. En effet, au-delà des considérations éthiques, de mauvaises conditions de transport, génératrices de fatigue et de stress pour les animaux, pourraient être à l’origine d’une mauvaise évolution des viandes après l’abattage et de la dégradation de leurs qualités organoleptiques. La formation des personnes au contact des animaux permet la meilleure prise en compte de leur comportement pour les manipuler dans le calme et assurer leur protection. Le respect des densités de chargement et l’aménagement des véhicules de transport doivent permettre d’assurer le bien-être des animaux et leur épargner toute blessure et tout stress évitables. Ainsi, à leur arrivée à l’abattoir, les animaux doivent être propres, en parfaite intégrité physique, non stressés et en bonne santé. Hygiène de la préparation des viandes Même si les animaux peuvent être contaminés par divers micro-organismes pathogènes via leur environnement (sol, air, etc.), leur alimentation, le contact avec d’autres 1S14

animaux ou des hommes porteurs de ces micro-organismes [20-21-22], la charge microbienne des masses musculaires d’animaux sains préparés pour la boucherie est normalement faible. Toutefois, les différentes opérations de préparation des carcasses à l’abattoir et le travail des viandes qui en sont issues (désossage, découpe, hachage...) peuvent être à l’origine d’une contamination secondaire des produits. Aussi, l’organisation des ateliers et leurs modalités de fonctionnement doivent-ils viser à limiter au maximum ces possibilités d’apports et/ou de multiplication de micro-organismes. Les ateliers doivent être aménagés de façon à pouvoir respecter le principe de la « marche en avant » et assurer une bonne séparation des secteurs. Le personnel doit être formé aux conditions de production hygiénique. Il doit respecter une stricte hygiène corporelle, vestimentaire et comportementale. En particulier, le lavage soigneux des mains à la prise du poste, en sortant des toilettes et après chaque manipulation salissante est obligatoire. Pour cela, de nombreux dispositifs pour le nettoyage et la désinfection des mains sont placés près des postes de travail et sont pourvus de robinets ne pouvant être actionnés ni à la main ni au bras. Les locaux doivent être constamment en parfait état de propreté [23]. Les murs et les sols des locaux sont imperméables et faciles à nettoyer et à désinfecter. Afin que le matériel et les différents instruments utilisés pour la préparation des viandes ne constituent pas une source de contamination, ils sont régulièrement nettoyés et désinfectés au cours du travail ainsi qu’à la fin de chaque journée. Par exemple, des dispositifs pour la désinfection des couteaux sont placés le plus près possible des postes de travail. Ils sont pourvus d’eau chaude sous agitation à une température minimale de 82 °C pour que l’association des effets physique et mécanique permette d’éliminer toute souillure organique et tout micro-organisme pouvant adhérer à la surface de l’outil. Le froid, pour une bonne conservation Dès la fin de la préparation, les viandes fraîches, reconnues salubres, sont immédiatement dirigées vers les salles de réfrigération pour être refroidies et maintenues à une température à cœur égale ou inférieure à + 7 °C pour les carcasses et égale ou inférieure à + 3 °C pour les abats. C’est l’étape de ressuage qui permet de limiter le développement des micro-organismes. Les viandes ne peuvent quitter l’abattoir avant d’avoir atteint ces températures. Elles suivent alors un parcours en plusieurs étapes avant d’arriver dans l’assiette du consommateur : abattoir, atelier de découpe, transport dans les camions frigorifiques, rayon réfrigéré dans le magasin, réfrigérateur dans le foyer. Il est primordial que l’ensemble des intervenants à chaque étape de la filière viande prenne toutes les dispositions nécessaires pour le respect de la chaîne du froid, c’est-à-dire le maintien des viandes à une température suffisamment basse, réglementaire ou indiquée par le professionnel, pour conserver leurs qualités sanitaires et organoleptiques. La durée de conservation de la viande est fonction à la fois de son degré de contamination initiale (nature et quantité de micro-organismes), de la température à laquelle elle est conservée et de son mode de conditionnement. La date limite de consommation (DLC) des viandes découpées et conditionnées est définie par le professionnel. Il procède pour cela à des contrôles bactériologiques et des tests de vieillissement pour définir la durée de vie microbiologique des denrées qu’il met sur le marché [24]. Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


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viande : production et consommation Maîtrise de l’hygiène contrôlée Un certain nombre d’outils de maîtrise de l’hygiène sont réalisés sous la responsabilité des professionnels et mis à la disposition des opérateurs afin qu’ils puissent répondre aux objectifs réglementaires, en particulier les guides de bonnes pratiques hygiéniques. Depuis 1993, en France, les professionnels de la filière viande ont, de surcroît, pris des initiatives volontaires visant à accompagner les différentes réglementations communautaires et nationales [25]. Pour assurer la maîtrise permanente de l’hygiène de la préparation des viandes dans son établissement, l’exploitant d’un abattoir, d’un atelier de découpe de viandes ou de fabrication de viandes hachées, par exemple, met en place un plan de maîtrise sanitaire établi conformément aux principes du système HACCP. Il peut pour cela utiliser un guide de bonnes pratiques hygiéniques validé au plan national et reconnu adapté aux activités exercées [26]. Afin de vérifier l’efficacité de cette maîtrise et évaluer l’hygiène générale des conditions de production dans son établissement, l’exploitant doit effectuer des autocontrôles. Il a la responsabilité de la mise en œuvre de contrôles bactériologiques sur les produits commercialisés, mais aussi le matériel et les installations à tous les stades de la production [27-2829]. De plus, dans les abattoirs, les procédures de contrôle microbiologique de surface des carcasses sont maintenant définies dans le Règlement CE 2073/2005 concernant les critères microbiologiques applicables aux denrées alimentaires. Ainsi, pour évaluer la contamination superficielle des carcasses et l’efficacité des mesures de maîtrise de l’hygiène et du nettoyage et de la désinfection, des prélèvements obtenus de façon aléatoire à partir de 5 carcasses différentes et réparties sur une même journée de travail permettront le dénombrement des micro-organismes aérobies et des entérobactéries et la recherche des salmonelles. Dans leur programme d’autocontrôle, les industriels de la filière viande définissent aussi d’autres recherches pour pouvoir mettre en évidence une possible contamination des viandes. C’est le cas, par exemple de la recherche de souches d’E. coli O157:H7 ou d’autres Escherichia coli producteurs de Shiga-toxines dans les viandes hachées de bœuf. Les contrôles officiels L’inspection sanitaire et vétérinaire a pour double but de protéger la santé humaine et la santé animale. Il s’agit notamment de dépister les maladies des animaux transmissibles à l’homme et/ou au bétail, les signes susceptibles d’indiquer que la viande des animaux est impropre à la consommation humaine, les bêtes fatiguées ou blessées, mais aussi les mauvais traitements qui auraient pu leur être infligés. La loi n° 65-543 du 8 juillet 1965 modifiée, codifiée dans les articles L. 231-1 et suivants du Code rural, impose effectivement, dans le cadre de la protection de la santé publique : – l’inspection sanitaire, avant et après abattage, des animaux dont la chair doit être livrée au public en vue de leur consommation ; – la détermination et le contrôle des conditions d’hygiène dans lesquelles a lieu l’abattage ; – l’inspection de la salubrité et de la qualité des denrées animales ou d’origine animale destinées à la consommation ; – la détermination et la surveillance des conditions d’hygiène dans lesquelles ces denrées sont préparées et Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

conservées, notamment lors de leur transport et de leur mise en vente (hygiène du personnel, des locaux, nettoyage/ désinfection...). L’inspection porte donc sur tous les stades clés des filières viandes et en tous lieux, depuis l’animal vivant en élevage jusqu’aux viandes dans les points de vente, en passant par les carcasses à l’abattoir et les viandes en ateliers de découpe. La qualité et la sécurité des produits carnés ainsi que l’hygiène des différentes étapes d’élaboration sont contrôlées par deux services officiels : – les Services vétérinaires qui dépendent du ministère en charge de l’Agriculture sont les seuls responsables du contrôle de l’hygiène de la préparation des animaux de boucherie à l’abattoir ainsi que de l’inspection sanitaire et qualitative des viandes issues de cette préparation. Ils inspectent, en outre, les conditions de préparation dans tous les ateliers (conformité des locaux, du matériel, des manipulations et de l’hygiène générale) ainsi que la salubrité et la sécurité des viandes remises aux consommateurs ; – les services de la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui dépendent du ministère en charge de l’Économie, des Finances et de l’Industrie assurent la protection des consommateurs en garantissant la sécurité et la qualité des viandes commercialisées ainsi que la loyauté des transactions commerciales. Ils vérifient également la conformité du produit à son étiquetage et l’absence de falsifications et de tromperies. Inspection sanitaire à l’abattoir À l’abattoir, l’inspection ante mortem des animaux est systématique, il s’agit notamment de vérifier la bonne santé des animaux, le contrôle de leur identification par les personnels de l’abattoir et le respect des dispositions réglementaires en matière de protection animale. Pour pouvoir être abattu, un animal doit être correctement identifié et accompagné des documents obligatoires qui attestent de sa provenance et de l’état sanitaire de son cheptel d’origine. Seuls les animaux sans signe clinique apparent de maladie peuvent être abattus. Si, à leur arrivée à l’abattoir, les animaux sont malades, ils ne peuvent en aucun cas être préparés pour la consommation, ils seront donc euthanasiés et leur cadavre sera livré à l’équarrissage pour destruction. Toutes les opérations d’abattage et de préparation des carcasses se font sous la surveillance des agents de l’inspection vétérinaire. Après abattage, toutes les parties de l’animal font l’objet d’une inspection individuelle et minutieuse par les agents du service d’inspection vétérinaire qui s’assurent que les viandes destinées à la consommation humaine sont saines et salubres. D’une part, elles ne doivent présenter aucun danger pour la santé du consommateur et, d’autre part, elles ne sont pas affectées d’une souillure, d’une contamination ou d’un défaut d’aspect. Au cours de cette inspection systématique, des examens spécifiques peuvent être réalisés. C’est le cas, par exemple chez les bovins, de la recherche de la cysticercose musculaire, présence de larves de Taenia saginata, parasite de l’intestin grêle de l’homme [30]. De plus, des prélèvements peuvent être réalisés par les agents des Services vétérinaires et adressés à un laboratoire officiel pour la recherche de certains dangers : des parasites comme par exemple les larves microscopiques de Trichinella spiralis dans les muscles squelettiques de cheval, de porc ou de sanglier ; des bactéries (salmonelles, Escherichia coli O157:H7, Staphylococcus aureus...) ; des résidus de 1S15


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viande : production et consommation médicaments vétérinaires comme par exemple diverses substances antibactériennes ; mais aussi la présence de PrPres, forme pathologique de la protéine de prion, dans l’obex chez les bovins (voir tableau I).

officiels peuvent procéder à des contrôles de la sécurité et de la salubrité des produits ainsi que de leur environnement. L’inspection sanitaire initiale réalisée à l’abattoir ayant permis d’écarter les viandes présentant un danger

Tableau I. L’inspection vétérinaire à l’abattoir et les mesures de lutte contre l’ESB. – Dépistage des bovins À l’abattoir, les bovins de plus de 30 mois ne présentant aucun signe clinique d’ESB lors de l’inspection ante mortem, sont systématiquement dépistés pour l’ESB après l’abattage. En cas de résultat positif, la carcasse de l’animal est incinérée et les mesures de police sanitaire s’appliquent sur le cheptel de provenance [31]. Si l’animal présente un signe clinique d’ESB lors de l’inspection ante mortem, il est écarté de la chaîne d’abattage. – Élimination des matériels à risque spécifiés (MRS) D’autre part, pour prévenir le risque lié à l’ESB, les matériels à risque spécifiés (MRS) sont obligatoirement retirés de la consommation par précaution ; ces matériaux font partie des pièces saisies pour raison sanitaire. Sur la chaîne d’abattage, les MRS sont prélevés et collectés séparément dans des bacs identifiés et réservés à ce seul usage, puis sont collectés par le Service public d’équarrissage pour être détruits par incinération. Le Service vétérinaire d’inspection doit s’assurer du bon retrait des MRS.

Bovins MRS

Tout âge

Moelle épinière

> 12 mois

X

Crâne (y compris les yeux)

X X

Rate

>6 mois

> 12 mois X

X X X X

X

Iléon

Donc, pour être reconnues propres à la consommation humaine, les viandes doivent être obtenues dans un abattoir respectant les exigences réglementaires, notamment en matière d’hygiène (abattoir agréé), provenir d’un animal de boucherie jugé sain pour être abattu, suite à l’inspection ante mortem, ne présenter, lors de l’inspection port mortem, ni altération, ni lésion, susceptibles de les rendre impropres à la consommation humaine. Toute carcasse respectant ces conditions est estampillée à l’encre alimentaire, sous la responsabilité du vétérinaire inspecteur. Elle peut alors faire l’objet de transactions commerciales et entrer dans la chaîne alimentaire. Les carcasses pour lesquelles des examens complémentaires sont nécessaires sont identifiées et stockées dans un local réfrigéré spécifique. C’est la mise en consigne qui peut aboutir, selon les résultats, à une saisie ou à l’estampillage et la commercialisation de la carcasse. La saisie est une décision administrative par laquelle le vétérinaire inspecteur interdit la consommation en l’état d’un produit. Elle peut être partielle (une seule partie de l’animal) ou totale (la totalité de l’animal, abats compris). Il est important de noter que le fait que la carcasse soit estampillée à la sortie de l’abattoir n’exclut pas les contrôles ultérieurs pouvant donner lieu à des saisies secondaires, par exemple en atelier de découpe ou sur les points de vente. Inspection à tous les stades de fabrication et de commercialisation Dans les lieux où sont préparés, stockés ou commercialisés des viandes ou des produits à base de viande, les services 1S16

Tout âge

X

Cervelle

Intestins

> 30 mois

X

Colonne vertébrale

Amygdales

Ovins et caprins

X

pour le consommateur ou celles de qualité insuffisante, ce contrôle s’attachera à déterminer l’impact des manipulations et des conditions de production sur les produits. Ainsi, seront examinés, entre autres, l’aspect visuel, l’intégrité du conditionnement, la conformité des étiquetages, les températures de stockage. Comme pour les carcasses et les abats à l’abattoir, les produits présentant un danger pour le consommateur ou ceux dont les qualités organoleptiques sont dégradées seront saisis. Pour pouvoir mettre leur production sur le marché, tous les ateliers doivent bénéficier d’un agrément délivré par les Services vétérinaires. Chaque établissement fait donc l’objet d’inspections sanitaires régulières afin de vérifier que les conditions de l’agrément sont toujours respectées (hygiène des manipulations, conformité du matériel, températures des différents locaux, hygiène vestimentaire du personnel, etc.). L’efficacité du plan de maîtrise sanitaire mis en place par l’exploitant est régulièrement vérifiée, notamment par l’analyse des résultats des contrôles bactériologiques réalisés dans le cadre de l’autocontrôle et le contrôle de l’efficacité du plan de nettoyage et de désinfection, de l’enregistrement des mesures correspondant aux points critiques pour la maîtrise des dangers et de la bonne application des actions correctives si nécessaire. De plus, le vétérinaire inspecteur est associé à la conception et au suivi du programme de formation du personnel permettant à ce dernier de se conformer aux conditions de production hygiénique. Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


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viande : production et consommation Conclusion La viande et les produits carnés sont des aliments fragiles, aux qualités nutritives irremplaçables, potentiellement vecteurs d’agents pathogènes pour les consommateurs. Cependant, les études épidémiologiques montrent que, même dans notre pays où certaines habitudes alimentaires pourraient élever le niveau de risque (tartare, carpaccio, cuisson « bleue » ou « saignante »), le nombre de cas d’accidents chez les consommateurs reste faible en regard des quantités produites et consommées. Ceci est lié au savoir-faire et au sens des responsabilités des professionnels et à la vigilance des pouvoirs publics.

Résumé La filière viande d’animaux de boucherie comporte plusieurs maillons étroitement liés les uns aux autres : l’élevage, l’abattage, la transformation, la distribution dans les points de vente et enfin la consommation, sans oublier les différentes étapes de transport, transport des animaux dans les bétaillères et transport des viandes dans des camions frigorifiques. Les viandes d’animaux de boucherie et les produits transformés qui en sont issus sont des aliments fragiles, sources potentielles de dangers essentiellement de nature biologique, dangers bactériens, viraux ou parasitaires ou encore agents d’encéphalopathies spongiformes transmissibles. Toutefois, l’analyse de la manifestation de ces dangers (toxi-infections alimentaires, zoonoses, etc.) montre que le nombre d’accidents directement liés à la consommation d’aliments carnés est faible, car la maîtrise de l’hygiène à toutes les étapes de la filière est une préoccupation de tous les instants. En effet, la production et la distribution de ces denrées alimentaires sont réglementées par de nombreux textes qui doivent permettre la mise sur le marché de viandes ne présentant aucun danger pour la santé des consommateurs. Le contrôle permanent des moyens de production et de l’efficacité des mesures mises en place pour assurer l’hygiène des aliments est assuré conjointement par les professionnels eux-mêmes et les agents des services de contrôle de l’État. Mots-clés : Viandes – Animaux de boucherie – Hygiène – Sécurité – Contrôle.

Abstract The meat industry is composed of several linked sectors such as breeding, slaughtering, processing, distribution in the points of sale and also consumption. We must not forget the various transport stages : transport of animals in cattle trucks and transport of meat in frigorific trucks. Meat and meat products which are fragile foods can carry some hazards, essentially biological ones as bacteria, viruses, parasites or the transmissible spongiform encephalopathy agents. Nevertheless, the number of accidents (foodborne intoxications, zoonosis, etc.) linked to the consumption of meat is very low due to extreme attention of hygiene during each step in the meat industry. Production and supplying of meat are strictly controlled by numerous Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

regulations to put products on the market without any hazard for consumers’health. The permanent control of the means of production and of the efficiency of hygiene rules is conjointly realised by the meat industry operators and the public authorities. Key-words: Meat – Domestic ungulates – Hygiene – Safety – Control.

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viande : production et consommation [19] Anonyme. Le paquet hygiène - analyses et incidences. Les rencontres interdisciplinaires de l’ASA, 5. Éditions ASA – animal, société, aliment, Maisons-Alfort, 2006. [20] Guan T.-Y., Holley R.A. – Pathogen survival in swine manure environments and transmission of human enteric illness: a review. J. Environ Qual., 2003, 32, 383-92. [21] Nash W.-A. - Salmonella control in pigs and poultry. Pig J., 2004, 54, 146-56. [22] Caprioli A., Morabito S., Brugère H., et al. – Enterohaemorrhagic Escherichia coli: emerging issues on virulence and modes of transmission. Vet. Res., 2005, 36, 289-311. [23] Leitao J. – Organisation rationalisée des opérations de nettoyage et de désinfection - Nettoyage et désinfection dans l’industrie des viandes, 2e partie. Le Magazine des Abattoirs, 2003, 163, 11-22. [24] Anonyme. Norme NF V01-003. Hygiène des aliments relative aux lignes directrices pour l’élaboration d’un protocole de validation de la durée de vie microbiologique - denrées périssables, réfrigérées. Éditions AFNOR, Paris, 2004. [25] Centre d’information des viandes. Maîtrise de l’hygiène dans la filière viande : de l’éleveur au consommateur. Cahiers Sécurité des Aliments, 3. Éditions CIV, Paris, 2003. [26] Anonyme. Avis aux professionnels de l’alimentation relatif aux guides de bonnes pratiques d’hygiène et d’application

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des principes HACCP. J.O.R.F., 2005, 138 du 15/06/2005. [27] Anonyme. L’autocontrôle bactériologique des viandes bovines - Guide 1 : « Recommandations pour l’autocontrôle bactériologique visant à apprécier l’hygiène des opérations d’abattage ». Éditions INTERBEV, OFIVAL, Institut de l’Élevage, 2000. [28] Anonyme. L’autocontrôle bactériologique des viandes bovines - Guide 2 : « Recommandations pour l’évaluation de la qualité bactériologique des matières premières en découpe industrielle (choix et suivi des fournisseurs) ». Éditions INTERBEV, OFIVAL, Institut de l’Élevage, 2000. [29] Anonyme. L’autocontrôle bactériologique des viandes bovines - Guide 3 : « Recommandations pour l’autocontrôle bactériologique visant à apprécier l’hygiène des opérations de découpe et de transformation industrielles ». Éditions INTERBEV, OFIVAL, Institut de l’Élevage, 2000. [30] Arrêté du 17 mars 1992 modifié relatif aux conditions auxquelles doivent satisfaire les abattoirs des animaux de boucherie pour la production et la mise sur le marché de viandes fraîches et déterminant les conditions de l’inspection sanitaire de ces établissements. J.O.R.F., 1992, 76 du 29/03/92. [31] Arrêté du 3 décembre 1990 modifié relatif aux mesures de police sanitaire relatives à l’encéphalopathie spongiforme bovine. J.O.R.F., 1990, 292 du 16/12/90.

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LA PLACE DE LA VIANDE DANS LE MODÈLE ALIMENTAIRE FRANÇAIS Jocelyn RAUDE

Introduction Parmi les aliments les plus fréquemment consommés par nos contemporains, la viande occupe une place symbolique sans équivalent dans la plupart des sociétés humaines. De nombreux travaux en anthropologie de l’alimentation tendent à démontrer que la viande constitue l’un des aliments les plus universellement recherchés et valorisés par l’Homo sapiens (Fischler, [1]). Ainsi, la consommation de produits carnés a longtemps été considérée, au sein des sciences sociales, comme un marqueur privilégié de la prospérité relative d’une société et/ou de groupes socio-économiques particuliers. Les historiens et les économistes ont notamment observé – dans les processus de transition alimentaire – que les comportements alimentaires se diversifiaient au fur et à mesure que le revenu des ménages augmente, la consommation des produits végétaux de base (céréales, pommes de terre et légumineuses) tendant à diminuer pour laisser une place croissante à la viande et aux produits d’origine animale (Combris, [2]). Aux États-Unis, les travaux précurseurs en anthropologie alimentaire réalisés dans les années 40 vont démontrer que la viande est considérée comme un core food dans la plupart des groupes ethniques américain, c’est-à-dire comme un aliment « essentiel ». Les premières études empiriques des consommations alimentaires conduisent certains auteurs – à l’instar de John Bennett [3] – à opérer une distinction entre trois principaux types d’aliments : (1) les aliments centraux (core foods) qui correspondent aux produits les plus régulièrement et les plus largement consommés. (2) Les aliments secondaires (secondary core) qui présentent une plus grande variabilité dans leur mode d’utilisation et dans leur forme et, bien qu’ils occupent une place importante dans le système culinaire, ils ne font pas l’objet de la même attention que les core foods. Enfin, (3) les aliments périphériques (peripheral foods) qui correspondent à des consommations plus occasionnelles et moins larges. En France, l’importance symbolique de la consommation de viande va être mise en évidence dès les années 60 dans

Unité FLAVIC (Flaveur, Vision et Comportement du Consommateur), INRAENESAD, 17, rue Sully, 21065 Dijon cedex. Correspondance : Jocelyn Raude, à l’adresse ci-dessus. Email : Jocelyn.Raude@dijon.inra.fr

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les travaux précurseurs de Jean Trémolières sur la perception des aliments (Poulain, [4]). Les enquêtes qu’il réalise avec son équipe de l’INSERM tendent alors à montrer que la viande est généralement considérée par les personnes interrogées comme un aliment « essentiel », c’est-à-dire un aliment indispensable dont elles ne sauraient se passer. À partir de cette époque, un certain nombre de travaux anthropologiques d’inspiration structuraliste – en particulier ceux de Claude Lévi-Strauss et de Mary Douglas, vont par ailleurs chercher à théoriser les pratiques et les cultures culinaires. Dans une série de publications célèbres, ces auteurs vont notamment s’attacher à démontrer que les pratiques alimentaires comportent deux dimensions principales : une dimension constituante (les normes culinaires) et une dimension constituée (les produits alimentaires). Ainsi, pour Lévi-Strauss ([5], p. 99) : Comme la langue, il me semble que la cuisine d’une société est analysable en éléments constitutifs (...) organisés selon certaines structures d’opposition et de corrélation. L’analyse structurale des pratiques alimentaires s’inscrit alors dans un projet scientifique plus large qui entend expliquer la société, dans son ensemble, à partir de systèmes de classification. Malgré leurs limites heuristiques, ces travaux permettent toutefois d’envisager les pratiques alimentaires des groupes sociaux dans une perspective systémique. Ainsi, Jean-Pierre Poulain a raison de souligner – dans le prolongement des auteurs structuralistes – que les humains ne mangent pas vraiment (ou du moins pas toujours) des aliments. Comme le précise l’auteur, les hommes ne mangent ni des nutriments ni des aliments, ils mangent des aliments cuisinés, le plus souvent combinés entre eux dans le cadre de repas organisés (Poulain, [4], p. 23). Pratiquement, les humains se nourrissent essentiellement de « plats », c’est-à-dire d’aliments associés entre eux dans le cadre de rituels de transformations et de préparations culinaires. Ces plats sont également combinés à d’autres plats pour former les repas. Par ailleurs, les repas doivent être distingués des prises alimentaires plus informelles dans la mesure où ils interviennent dans le cadre de pratiques structurées et définies par les normes sociales. Pour Poulain, l’ensemble des normes sociales plus ou moins implicites qui tendent à structurer les comportements individuels constituent des « modèles alimentaires ». Ces derniers définissent – sans que les mangeurs en aient nécessairement conscience – l’espace du comestible, les catégories du comestible, les modes de transformation, de préparation et d’association des ali1S19


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viande : production et consommation ments, ainsi que les « manières de table » qui précisent les conditions et les modalités des prises alimentaires (horaires, position, gestuelle, ordre des plats, etc.). Malgré la généralisation récente de son utilisation dans la littérature francophone, la notion de « modèle alimentaire » pour désigner l’ensemble des règles socioculturelles qui structurent les pratiques culinaires ne fait pas l’unanimité parmi les sociologues qui travaillent sur l’alimentation. En fait, on devrait parler de « modèles alimentaires » au pluriel et non pas au singulier, dans la mesure où il existe, dans les sociétés contemporaines, une variabilité importante dans les modes de préparation et de consommation alimentaires. Aussi, à la notion exclusive de « modèle » alimentaire, certains auteurs préfèrent – à l’instar de LéviStrauss – les notions de « systèmes culinaires » ou de « cuisines ». Les cuisines semblent constituer des marqueurs identitaires relativement durables et puissants. Ainsi, sur la base des travaux ethnologiques de Calvo, Claude Fischler [1] remarque que les pratiques alimentaires sont généralement les dernières à disparaître dans les processus d’assimilation des populations immigrées. Toutefois, la stabilité remarquable des systèmes culinaires n’implique pas que ceux-ci soient imperméables au changement. D’une manière générale, les contraintes exercées par les systèmes culinaires apparaissent suffisamment souples pour laisser un espace de liberté dans lequel, non seulement le changement, mais aussi la différenciation sociale peuvent intervenir. Il convient de noter par ailleurs que les consommations alimentaires contribuent à distinguer les groupes sociaux d’une culture à l’autre, mais aussi à l’intérieur d’une même culture. Dans les sociétés contemporaines, de nombreux travaux tendent à démontrer que l’alimentation permet de distinguer les groupes sociaux qui les composent. À la fin des années 70, Bourdieu [7] et Grignon [8] vont notamment s’intéresser à la distribution sociale de la consommation carnée. Leurs travaux permettent alors de mettre en évidence une opposition entre une consommation dominante de viandes « maigres » – essentiellement la viande bovine – dans les classes bourgeoises aisées et une consommation de viandes « grasses » – la viande porcine et la charcuterie – dans classes populaires. Ainsi, il apparaît clairement à cette époque qu’un aliment dévalorisé par certains groupes socio-économiques peut être largement apprécié par d’autres. Comme le souligne Igor de Garine ([9], p. 83) : Au sein de chaque culture globale, les aliments et les plats sont utilisés pour expliciter des écarts différentiels entre différents groupes opérant dans la société et entre les diverses catégories d’individus. (...) La différenciation des attitudes et des comportements alimentaires tout à la fois contribue à marquer la cohésion du groupe d’origine et à maintenir entre les individus et les groupes sociaux et les cultures une hétérogénéité qui favorise la communication et l’échange sans lesquels il ne peut exister de société humaine. Depuis les travaux sociologiques de Bourdieu, la variabilité socioculturelle des comportements et des consommations alimentaires est devenue, au cours des dernières décennies, un objet de recherche particulièrement prisé des sociologues et des marketeurs de l’agroalimentaire. Au cours des dernières années, elle a donné lieu à de nombreuses typologies de mangeurs, dont les plus intéressantes sont probablement celles proposées par Lambert [10], Lahlou [11] et Corbeau [12] Toutefois, ces travaux ainsi que les études longitudinales de la période récente tendent à démontrer que la place de la viande dans notre alimentation a beaucoup évolué depuis la fin 1S20

des années 70. Aussi, dans un contexte marqué par une succession impressionnante de crises sanitaires plus ou moins graves, il nous a semblé opportun de faire le point sur la structure et la nature de la consommation carnée, en traitant plus particulièrement les questions suivantes : quel est le niveau de consommation réelle des différents produits carnés en France ? Dans quelle mesure la distribution de la consommation des différents produits carnés diffère-t-elle de celle de nos principaux voisins européens ? Comment la consommation de viandes se distribue-t-elle aujourd’hui au sein de la population française ? Par ailleurs, il nous a semblé nécessaire de procéder à une analyse plus fine de la structure de la consommation carnée en la resituant dans un contexte alimentaire plus large. Il s’agit ici de mieux comprendre les relations statistiques – associations ou substitutions – qu’entretient la consommation carnée avec celle des principaux autres produits alimentaires dans notre culture culinaire.

Méthodologie D’une manière générale, il convient de noter que la plupart des bases de données alimentaires disponibles pour mesurer la consommation carnée s’avèrent largement insuffisantes pour répondre précisément à ces questions. En effet, comme le souligne Dominique Desjeux [13], il est important de reconnaître que la mesure de ce qui est mangé véritablement par les individus reste le plus difficile à réaliser dans nos disciplines. En France, les données les plus couramment citées proviennent des services d’enquêtes et d’études statistiques (SCEES) du ministère de l’Agriculture et du panel de consommateurs de l’institut SECODIP. Les premières reposent sur une évaluation de la « consommation indigène brute » (CIB) calculée selon la méthode dite « par bilan » (abattages + importations de viandes - exportation de viandes - solde des stocks). Il s’agit donc d’une mesure de la consommation apparente, c’est-à-dire l’offre alimentaire disponible sur le marché, et non pas de la consommation réelle des individus. Par ailleurs, cette méthode mesure le poids des carcasses et non celui de la viande consommable, ce qui introduit une surestimation considérable de la consommation intérieure. La seconde repose sur les achats alimentaires d’un panel représentatif de plusieurs milliers de ménages dont le plus connu est celui de la société SECODIP. Même si elle permet d’identifier un certain nombre de facteurs sociologiques intervenant dans la consommation alimentaire des familles (revenu, CSP du chef de famille, âge du chef de famille, etc.), cette dernière méthodologie présente également un certain nombre de limites dans la mesure où, d’une part, comme l’indique Jean-Pierre Poulain (2002), tout ce qui est acheté n’est pas consommé et tout ce qui est consommé n’est pas acheté, et, d’autre part, les données issues des panels de consommateurs ne permettent pas de connaître la distribution interne de la consommation au sein des ménages. C’est pourquoi nous avons privilégié pour notre analyse les données issues des enquêtes alimentaires individuelles basées sur la technique des carnets de consommation sur une période d’une semaine [14]. Pour une revue détaillée de la méthodologie utilisée dans ces enquêtes nutritionnelles, nous renvoyons le lecteur aux articles de Le Moullec et al [15] et de Hercberg et al [16]. Les données que nous avons utilisées ont été collectées par le CRÉDOC dans le cadre de deux grandes enquêtes Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


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viande : production et consommation alimentaires : l’enquête Individuelle nationale sur les consommations alimentaires (INCA) de 1999 et l’enquête sur les Comportements et les consommations alimentaires des Français (CCAF) de 2003. La première a été réalisée entre les mois d’août 1998 et de juin 1999, et la seconde entre les mois d’octobre 2002 et de juillet 2003, à la demande de différents groupes institutionnels publics et privés. Au total, 3 003 personnes représentatives de la population française ont été interrogées sur leurs consommations individuelles dans le cadre de l’enquête INCA et 2 978 dans le cadre de l’enquête CCAF. Le recrutement des échantillons adultes a été assuré par stratification (région et taille d’agglomération) et par la méthode des quotas (âge, sexe, catégorie socioprofessionnelle du chef de famille et taille du ménage). Afin de mesurer la représentativité nationale des personnes interrogées dans le cadre de ces enquêtes, les principales caractéristiques sociodémographiques de l’échantillon adulte ont été comparées aux données issues du dernier recensement de l’INSEE. Toutefois, comme les différences observées sont apparues peu significatives, les données n’ont pas fait l’objet de redressements statistiques. Pratiquement, le relevé des consommations alimentaires a été effectué par les enquêtés sur une période de 7 jours consécutifs, à l’aide d’un carnet de consommation, l’identification des aliments et des portions étant facilitée par l’utilisation d’un cahier photographique. Cette méthodologie est la plus utilisée dans les enquêtes nutritionnelles internationales sur les consommations alimentaires individuelles. L’échantillon des adultes d’INCA comportait à l’origine 1 985 individus de 15 ans et plus, contre 1 871 pour l’échantillon CCAF. Toutefois, afin d’écarter le biais lié à la sous-déclaration des consommations alimentaires de certains enquêtés, les sujets « sous-évaluants » ont été écartés. Les résultats présentés dans cette étude reposent donc sur les relevés d’un échantillon de 1 474 individus adultes et de 1 018 enfants normo-évaluants dans l’enquête INCA et de respectivement 1 361 adultes et 1 090 enfants dans l’enquête CCAF. Pour des raisons méthodologiques, il convient toutefois de noter que les produits carnés contenus dans les sandwichs, les hamburgers, les pizzas et les quiches n’ont pas été réintégrés dans leurs catégories respectives, ce qui induit une légère sousestimation de la consommation réelle des viandes de boucherie, mais aussi de volailles et de charcuteries. Par ailleurs, en raison de la grande variabilité des recettes, seules les viandes des plats cuisinés contenant au moins

50 % de produits carnés identifiables (carpaccio, bœuf bourguignon, navarin d’agneau, etc.) ont été réintégrées dans leurs catégories alimentaires respectives.

Résultats La structure interne de la consommation carnée en France et en Europe D’une manière générale, la consommation de produits carnés semble avoir sensiblement diminué entre l’enquête alimentaire de 1999 et celle de 2003. Comme nous pouvons le voir dans le tableau I, la consommation carnée moyenne des adultes serait passée de 147,5 grammes à 122,2 grammes par jour et par personne, ce qui correspond une baisse d’environ 17 %. Il apparaît toutefois difficile d’attribuer cette baisse importante de la consommation aux seules crises sanitaires qui se sont succédé à la fin des années 90. En effet, les produits qui semblent les plus touchés par la désaffection des consommateurs sont le porc (– 34 %) et la volaille (– 29 %), qui ont été relativement épargnés par les événements les plus dramatiques. Par ailleurs, les baisses de consommation carnée enregistrées dans les autres bases de données sont nettement inférieures à celles des enquêtes alimentaires individuelles. Ainsi, selon l’OFIVAL (2004), la baisse de la consommation carnée entre 1999 et 2003 se situerait entre 2 % (données SCEES) et 12 % (données TNS SECODIP). Il convient toutefois de prendre ces résultats avec prudence. En effet, comme nous l’avons montré dans un article récent [17], les postes de consommation alimentaire les plus dynamiques concernent les produits transformés et en particulier les produits transformés à base de volailles et de porc. Aussi, la baisse apparente de la consommation de volailles dans le cadre de ces enquêtes alimentaires pourrait résulter de tendances à la substitution entre les produits « bruts » et les produits transformés, tendances qui échappent en partie aux instruments de mesure mis en œuvre dans le cadre de ces enquêtes. Par ailleurs, malgré la variabilité importante dans les évolutions récentes de la consommation des différents produits carnés, la structure alimentaire carnée (en valeur relative) a globalement peu évolué entre l’enquête INCA 1999 et l’enquête CCAF 2003. Comme le montre le tableau I, la charcuterie apparaît comme le produit carné le plus largement consommé par les Français avec une

Tableau I. La consommation moyenne de viandes des plus de 15 ans dans les enquêtes alimentaires (en g/j).

Produit : Agneau Bœuf Veau Porc Viande de boucherie* Produits tripiers Volaille Charcuterie Total produits carnés

Hommes 6,9 42,3 6,9 19,8 68,9 3,6 40,6 46,7 172,8

INCA 1999 Femmes Ensemble 4,7 5,7 31,4 36,4 6,3 6,6 14,4 16,8 51,2 59,3 2,9 3,2 31,2 35,5 31,5 38,4 126,3 147,5

En % 3,9 24,7 4,5 11,4 40,2 2,2 24,1 26 100

Hommes 5,6 38,6 6,9 14,1 59,8 3,2 25,8 42,2 141,2

CCAF 2003 Femmes Ensemble 4,3 4,9 29,2 33,5 4,8 5,8 10,1 12 45,1 51,9 2,4 2,8 21,1 23,3 30,4 35,9 105,8 122,2

En % 4 27,4 4,7 9,8 42,5 2,3 19,1 29,4 100

*La catégorie « total viande de boucherie » n’est pas égale à la somme de la consommation des différents types de viande, car celle-ci n’inclut pas la viande des plats cuisinés.

Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

1S21


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9:19

Page 1S22

viande : production et consommation « part de marché » supérieure à 25 % dans les deux enquêtes. En 2003, cette dernière était à un niveau à peu près équivalent à celui de la viande bovine (27 %), dont la consommation semble être devenue au cours des dernières années nettement supérieure à celle de volailles (19 %). Ces trois produits alimentaires peuvent être sans aucun doute considérés comme des aliments essentiels – des core foods – au sein du modèle alimentaire français. Parmi les viandes moins régulièrement consommées, on notera par ailleurs la grande stabilité de la place de la viande porcine fraîche (10 %), du veau (10 %), de la viande ovine (4 %) et des produits tripiers (2 %) qui peuvent être définies comme des secondary core ou des peripherical foods dans les « patterns » de consommations alimentaires de nos concitoyens. Si l’on compare la structure de la consommation carnée des Français avec celle de ses principaux voisins européens, sur la base des données statistiques de l’OFIVAL, on comprend mieux la spécificité de son modèle alimentaire (fig. 1). Ainsi, avec une consommation moyenne évaluée – selon la méthode des bilans – à 27 kg par personne et par année, les Français peuvent notamment être considérés comme les plus gros consommateurs de viandes bovines en Europe, devant les Danois (26 kg/an) et les Italiens (24 kg/an). C’est un niveau de consommation apparente qui est pratiquement deux fois plus élevé que celui des Portugais (17 kg/an) et des Allemands (13 kg/an). D’une certaine manière, comme le montre la figure 2, la structure alimentaire carnée des Français est relativement proche de celle des Italiens dans la mesure où elle présente un certain équilibre dans la répartition entre la consommation des produits bovins, porcins et aviaires (les core foods carnés). Elle se distingue nettement de la structure alimentaire des Allemands ou des Espagnols dans laquelle la consommation de viandes porcines domine largement celle des autres produits carnés (plus de 55 %

Royaume-Uni

20,7

5,9

de la consommation totale). Dans ces deux cultures, la viande porcine occupe une place centrale dans les pratiques alimentaires et l’imaginaire collectif qui tend à réduire l’ensemble des autres produits carnés au rang de peripherical foods. Dans le contexte alimentaire européen, on remarquera enfin que la situation du RoyaumeUni présente une certaine singularité dans la mesure où elle se caractérise par une consommation de volailles dominante et, par ailleurs, sensiblement plus importante que dans les autres pays (plus de 35 % de la consommation carnée). La comparaison des données sur la consommation carnée permet ainsi de mettre en lumière la grande variabilité et la grande diversité des modèles alimentaires qui coexistent dans l’espace européen. La distribution sociodémographique de la consommation carnée en France Les enquêtes alimentaires du CRÉDOC permettent d’analyser les effets d’un grand nombre de variables sociodémographiques (habitat, revenu, sexe, âge, éducation, profession, etc.) sur les comportements alimentaires des personnes enquêtées. Pour garder l’essentiel, nous ne présenterons dans cette section que les variables dont l’impact sur la consommation de viandes des adultes est significatif d’un point de vue statistique (p ⬍ 0,05). Il s’agit du sexe, de l’âge, de l’activité professionnelle, de l’habitat et du niveau de diplôme. On notera toutefois – avec regret – que les données liées à ces deux dernières variables ne sont pas disponibles pour l’enquête INCA de 1999. La distribution sociodémographique de la consommation en g/j des principaux produits carnés (agneau, veau, bœuf, porc frais, volaille, charcuterie), ainsi que les tests de significativité, sont présentées dans le tableau II.

24,7

28,7

Viande bovine

23,9

Italie

38,7

1,5

17,9 Viande ovine

27

France

4,3

36,5

23,7

Viande porcine

16,7

Espagne

6,2

71,6

34,5 Volailles

13,3

Allemagne

0%

54,7

1,1

20 %

40 %

19,7

60 %

80 %

100 %

Figure 1. La consommation apparente de viandes dans 5 pays européens (en kg/an/habitant). 1S22

Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


4_Raude

29/05/08

9:19

Page 1S23

viande : production et consommation

Adultes : variables actives et illustratives

Facteur 2 - 9,14 %

0,8

BRSA Pâtes

0,4 Sandwichs Céréales du PDJ Pizzas-quiches Lait

Pommes de terre

Produits carnés

Bœuf plats préparés Boucherie Bœuf

Plats préparés

Charcuterie

Boissons alcoolisées

Viennoiseries

Viande plats préparés Légumes secs Veau Biscuits sucrés Pâtisseries Volailles Entremets Abats Agneau

0

Fromages

Boissons chaudes Pains-biscottes Ultra frais laitier

Matières grasses

Poissons-crustacés

Soupes

Eaux -0,4 Légumes frais Fruits frais

-0,8

-0,8

-0,4

0

0,4

0,8 Facteur 1 - 11,58 %

Figure 2. Analyse en composantes principales des consommations alimentaires.

Le sexe Comme on pouvait s’y attendre, il existe dans les deux enquêtes des différences très significatives dans la distribution de la consommation de produits carnés en fonction du sexe (p ⬍ 0,001). En moyenne, les hommes en mangent une quantité supérieure d’environ un tiers à celle des femmes. Dans l’enquête CCAF, la consommation de produits carnés des adultes s’élève à 141 g/j pour les hommes et à 106 g/j pour les femmes (contre respectivement 173 g/j et 126 g/j dans l’enquête INCA). Les différences sexuelles peuvent être observées sur l’ensemble des produits, à l’exception de ceux dont la consommation est moins régulière comme l’agneau ou la viande porcine fraîche (les secondary core foods). Les différences entre les mangeurs masculins et féminins ne portent toutefois que sur le volume de la consommation des différents produits carnés. En effet, il apparaît que la part respective des différents types produits dans la consommation carnée est quasiment identique pour les deux sexes et dans les deux enquêtes. Par exemple, la part de la viande bovine dans la consommation carnée est de 27,3 % pour les hommes et 27,6 % pour les femmes dans l’enquête CCAF. Contrairement aux idées reçues, cela signifie qu’il n’existe pas – ou du moins pas encore – de différences fondamentales dans la structure de l’alimentation carnée des hommes et des femmes. Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

L’âge L’âge exerce un effet paradoxal sur la consommation de produits carnés. Dans les deux enquêtes, la consommation moyenne quotidienne de viandes croît régulièrement avec l’âge, puis diminue très sensiblement à partir de 65 ans. Cette tendance n’est toutefois pas confirmée pour ce produit emblématique qu’est la viande bovine. En moyenne, les individus de moins de 25 ans en consomment une quantité légèrement supérieure à celle des autres groupes d’âge (40 g/j contre 36 g/j en moyenne dans INCA, 36 g/j contre 33 g/j en moyenne dans CCAF). Par ailleurs, la consommation de viande bovine tend à diminuer avec l’âge : chaque génération semble en consommer moins que la suivante (p ⬍ 0,001). En structure, les personnes âgées se distinguent par leur moindre consommation de viandes rouges, tandis que les plus jeunes consommateurs (15-24 ans) tendent au contraire à favoriser ce type de produit qui constitue – dans les deux enquêtes – près de 25 % de leur ration moyenne quotidienne de produits carnés (contre seulement 20 % pour l’ensemble de l’échantillon adulte). Les personnes âgées se distinguent également des autres groupes d’âge par leur plus grande variété alimentaire. En proportion, il apparaît notamment qu’elles consomment sensiblement plus de veau et d’agneau que le reste de la population française. Il convient toutefois de rester prudent dans l’interprétation de ces résultats : l’âge constitue une variable 1S23


1S24

2,9 4,5

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

5,3

DEUG-DUT-BTS

Bac + 3 et plus

Significativité (p)

Total 28,7

N. D.

N. D.

N. D.

N. D. N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

BEPC-BEP-CAP

Aucun diplôme

N. D. N. D.

Baccalauréat

N. D.

N. D.

Significativité (p)

N. D.

N. D.

100 000 habitants et plus

Région parisienne

N. D. N. D.

N. D.

N. D.

2 000-20 000 habitants

20 000-100 000 habitants

N. D.

N. D.

0,000

0,867

29,9

Moins de 2 000 habitants

Artisans, commerçants

36,5

Significativité (p)

5,8

Agriculteurs

35,3

4,4

4,4

Ouvriers

27,2 26,1

4,6

4,1

Professions intermédiaires

28,8

0,001

Employés

5,2

0,004

Cadres, professions. libérales

Significativité (p)

27,5

64 ans et + 23,9

7,2

5,7

45-64 ans

33,1 29,7

4,2

4,3

15-24 ans

0,013

25-44 ans

0,185

Femme

33,8

Bœuf Porc

5,2

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

0,008

2,2

5,3

5,6

4,4

3,7

7,3

0,006

7,4

5,2

4,8

4,3

0,000

24,5

5,6

16,8

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

0,000

16,0

22,3

22,4

12,6

15,4

16,6

0,001

12,2

18,8

17,6

16,4

0,227

4,9

19,8

35,5

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

0,021

33,3

58,5

36,7

40,1

34,1

27,7

0,000

30,1

41,5

36,0

30,3

0,000

14,3

40,6

38,4

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

0,001

35,6

40,1

45,0

37,4

34,2

38,4

0,000

32,9

41,1

41,3

32,9

0,000

31,2

46,7

Volailles Charcu.

Enquête INCA 1999

Veau

147,5

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

N. D.

0,000

138,4

195,6

167,7

141,7

136,0

138,8

0,000

128,3

160,6

151,8

136,0

0,000

126,3

172,8

Total

4,8

0,492

6,3

5,1

4,5

4,4

4,4

0,701

5,9

4,7

4,5

4,5

4,6

0,885

5,6

2,9

4,4

4,1

4,8

5,0

0,000

4,1

4,4

3,9

2,8

0,045

4,2

5,4

Agneau

26,6

0,092

22,9

24,8

23,8

27,8

24,7

0,015

27,8

26,2

31,8

23,7

25,9

0,000

26,7

32,0

29,6

33,9

28,3

20,4

0,000

21,2

31,2

28,7

29,1

0,000

23,5

30,2

Bœuf

4,9

0,238

3,4

4,2

4,0

5,1

7,0

0,174

3,3

5,1

3,9

5,6

5,6

0,138

4,2

6,5

4,4

6,9

4,6

4,0

0,516

5,4

5,6

3,9

4,0

0,003

4,0

5,9

Veau Volailles Charcu.

12,0

0,002

8,7

7,5

11,7

13,4

12,2

0,001

6,5

11,1

12,2

15,3

13,5

0,006

6,6

15,6

14,4

10,4

9,8

10,4

0,280

12,4

12,1

10,6

10,4

0,000

10,1

14,1

23,3

0,439

26,3

22,3

19,6

23,5

22,9

0,103

24,6

23,7

19,8

25,6

22,2

0,041

24,3

18,1

24,7

25,4

19,9

26,6

0,155

23,8

25,3

22,9

19,0

0,000

21,1

25,8

35,9

0,000

24,3

27,6

32,1

39,7

43,4

0,000

28,7

35,1

39,3

33,9

40,1

0,000

35,8

32,5

43,5

35,0

32,3

26,7

0,570

34,7

36,4

36,6

33,6

0,000

30,4

42,2

Enquête CCAF 2003

Porc

122,2

0,000

109,2

104,6

108,6

128,3

133,2

0,007

111,2

118,8

128,9

123,6

127,6

0,000

125,0

120,0

136,6

128,1

109,6

110,5

0,001

114,4

128,8

122,0

111,6

0,000

105,8

141,2

Total

9:19

Significativité (p)

6,2

Agneau

29/05/08

Homme

Variables

Tableau II. La consommation de produits carnés en France selon les principales caractéristiques sociodémographiques (en g/j/personne).

4_Raude Page 1S24

viande : production et consommation

Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


4_Raude

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9:19

Page 1S25

viande : production et consommation sociobiologique difficile à étudier dans le cadre d’études transversales. L’expérience tend ainsi à montrer qu’il est difficile de distinguer les effets du vieillissement (variable biologique) des effets générationnels (variable culturelle). Pour une analyse détaillée de cette question, le lecteur pourra se référer aux travaux de Pierre Combris sur l’évolution de la consommation de viande bovine [18]. L’activité professionnelle Dans l’enquête INCA de 1999, les résultats opposaient pour l’essentiel les catégories socioprofessionnelles qui se caractérisent par le travail physique ou manuel (les « cols bleus ») aux autres catégories socioprofessionnelles (les « cols blancs »). Les premiers – qui regroupent les familles d’ouvriers (168 g/j) et d’agriculteurs (196 g/j) – se distinguent par une consommation quotidienne nettement plus importante de produits carnés, les autres groupes socioprofessionnels faisant état d’un niveau de consommation moyen relativement proche du poids symbolique d’un steak haché (entre 136 et 142 g/j). Dans l’enquête CCAF de 2003, la segmentation sociale de la consommation carnée s’est déplacée et tend davantage à opposer les catégories sociales les plus aisées (cadres, professions libérales, professions intermédiaires) aux catégories sociales plus modestes (ouvriers, employés, agriculteurs, artisans et commerçants). La consommation de produits carnés des premières apparaît en effet inférieure à 110 g par jour et par personne, tandis que celle des secondes est généralement supérieure à 125 g par jour. Elle est donc loin l’époque où la consommation de viande constituait dans notre pays le marqueur symbolique privilégié de la réussite ou de l’ascension sociale ! Sur le plan de la structure carnée, il apparaît par ailleurs que les différences sociales portent pour l’essentiel sur la consommation de charcuterie, de viande porcine et de viandes bovines, ces dernières étant systématiquement plus élevées dans les classes populaires que dans les milieux bourgeois (p ⬍ 0,05). L’éducation Dans les enquêtes du CRÉDOC, le niveau d’éducation semble avoir une influence non négligeable sur les comportements alimentaires des personnes interrogées. Il apparaît en particulier que la consommation de produits carnés tend à baisser de manière significative avec le niveau de diplôme des répondants (p ⬍ 0,01). Ainsi, dans l’enquête CCAF, elle s’élevait à 133 g/j pour les enquêtés non diplômés, contre seulement 109 grammes par jour et par personne pour les titulaires d’un deuxième ou d’un troisième cycle universitaire. Cependant, comme dans le cas de l’activité professionnelle, ces différences ne s’exercent pas de la même manière sur l’ensemble des produits. En fait, seule la consommation de charcuterie et de viande porcine fraîche permet de distinguer les personnes les moins scolarisées de celles qui ont fréquenté les bancs des universités ou des grandes écoles (56 g/j pour les premiers contre 33 g/j en moyenne pour les seconds). Par contre, les différences observées sur les autres produits carnés ne sont pas significatives sur le plan statistique (p ⬎ 0,05). Aussi, la consommation de porc peut sans doute être considérée à l’heure actuelle comme le marqueur alimentaire le plus fondamentalement discriminant sur le plan sociologique. L’habitat La variable écologique a un effet significatif, mais non linéaire, sur la consommation de la plupart des produits alimentaires (p ⬍ 0,05). D’une manière générale, plus la taille de la commune de la résidence principale de l’enquêCah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

té(e) est grande, moins la consommation de produits carnés est importante. Comme on pouvait s’y attendre, les différences écologiques opposent essentiellement les zones rurales (les petites et les moyennes communes) aux zones urbaines (les villes de plus de 100 000 habitants). Ainsi, dans CCAF, la consommation de produits carnés s’élevait à 128 g/j dans les petites communes contre 111 g/j dans l’agglomération parisienne. Cette relation n’est toutefois pas confirmée pour l’agneau, le veau et la volaille. En effet, comme le montrent les résultats des tests statistiques, les niveaux de consommation de ces trois produits sont relativement similaires dans tous les types de communes. Par ailleurs, il convient de noter que ce sont surtout les habitants des grandes villes (de 20 000 à 100 000 habitants) qui se caractérisent par une consommation de viande bovine supérieure à la moyenne (32 g/j contre 26 g/j ailleurs).

La place des viandes dans la matrice alimentaire L’un des principaux enseignements que nous avons pu tirer des travaux contemporains en socio-anthropologie de l’alimentation est que les mangeurs choisissent moins des aliments que des cuisines – ou des « modèles » alimentaires – dans lesquels certains produits sont valorisés, tandis que d’autres sont marginalisés. Dans cette perspective, la consommation de viande bovine ne doit pas être considérée comme une variable indépendante, mais comme le marqueur d’un système ou d’une culture culinaire spécifique. Pour comprendre comment la consommation de viande bovine s’articule à celle d’autres aliments, nous avons à nouveau mobilisé les données empiriques collectées dans le cadre de l’enquête CCAF. Pratiquement, il s’agit pour nous de dégager un certain nombre de styles culinaires qui peuvent être identifiés sur la base de corrélations alimentaires. Dans cette perspective, nous avons procédé à une analyse en composante principale (ACP) sur l’ensemble des données de consommation de l’enquête CCAF. Cette méthode statistique descriptive est l’une des plus adaptées pour étudier simultanément un nombre important de variables continues et comprendre la manière dont ces dernières s’organisent entre elles. Elle permet en effet de représenter géométriquement les phénomènes statistiques les plus significatifs en faisant un minimum d’hypothèses a priori sur la nature des liens entre les différentes variables [19]. Par ailleurs, afin d’éviter les éventuels biais statistiques liés à la variabilité individuelle dans les quantités consommées, nous n’avons pas procédé à des analyses des données portant sur les volumes (en g/j), mais sur les consommations rapportées à la quantité totale d’aliments consommés (en pourcentage), c’est-à-dire les proportions des différents produits dans les apports alimentaires totaux estimés sur 7 jours. Les variables actives introduites dans la factorisation sont les 20 groupes d’aliments les plus consommés au sein de l’échantillon. L’ACP des données alimentaires permet de réduire les 37 variables initiales à 5 variables ou composantes principales dont la valeur propre est supérieure à l’unité. Les trois premiers axes permettent d’expliquer 28,6 % (11,6 % + 9,1 % + 7,9 %) de la variance, c’est-à-dire qu’ils permettent de représenter graphiquement environ un tiers de l’information statistique de la base de données qui comportait à l’origine 20 dimensions. C’est un pourcentage relativement modéré, mais qui n’est pas surprenant lorsqu’on 1S25


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viande : production et consommation prend en compte le nombre de variables introduites dans l’analyse et la taille de l’échantillon (n = 1 474). En outre, la faiblesse relative du pouvoir explicatif de ces trois variables principales confirme – si cela était encore nécessaire – la pluralité et la diversité des comportements alimentaires de nos concitoyens. La projection des différentes variables alimentaires introduites dans l’ACP sur un espace à deux dimensions est représentée par la figure 2. Si l’on projette comme variables supplémentaires, les consommations des différents produits carnés (agneau, bœuf, porc, veau, volailles, charcuteries) dans le cercle des corrélations défini par les deux premiers axes, les plus gros mangeurs de viande bovine se situent dans le cadran supérieur droit et les plus petits dans le cadran inférieur gauche. L’analyse factorielle permet ainsi de mettre en lumière le contexte alimentaire dans lequel la consommation de viande bovine a lieu. Sur le graphique, les items les mieux associés à la première composante principale sont les boissons alcoolisées, les fromages, le pain et les produits carnés. Ces produits alimentaires traditionnels sont les plus éloignés du centre du cercle de corrélation et constituent les principaux contributeurs statistiques du premier axe. Parmi les variables illustratives, on peut également noter les charcuteries, la viande porcine, les volailles et la viande ovine. Par contre, la consommation de céréales pour le petit déjeuner et des entremets est très négativement associée à ce premier axe. Les consommations les plus caractéristiques du deuxième axe sont les boissons sucrées, les pâtes et les pommes de terre. C’est aussi le cas des consommations suivantes : la viande bovine, les sandwichs, les plats préparés, les pizzas, les quiches et les viennoiseries. En revanche, la consommation de produits de la mer et de fruits et légumes frais est négativement associée au deuxième axe. Aussi, il convient de noter que ces items constituent – pour l’essentiel – des aliments pratiques (convenience food) qui sont faciles à préparer et/ou à consommer. Enfin, le lait, les céréales pour le petit déjeuner, les produits de la mer, les légumes et les fruits frais sont les items les mieux corrélés au troisième axe factoriel. Il s’agit principalement d’aliments non transformés qui bénéficient d’une bonne image nutritionnelle. Cet axe est également associé négativement à la consommation de boissons chaudes, de produits sucrés et de pâtisseries. Il correspond à une approche hygiéno-diététique de l’alimentation. D’une manière générale, l’analyse factorielle des données alimentaires issues de l’enquête CCAF permet de dégager trois principaux « modèles » culinaires contemporains : un modèle traditionnel, un modèle fonctionnel et un modèle hygiéno-diététique. Comme nous pouvons l’observer sur la figure 2, le premier se caractérise par une consommation de produits rustiques supérieure à la moyenne : alcools, produits carnés, fromages, pains, féculents et légumes secs. Le second correspond principalement à une consommation de produits transformés : boissons sucrées, biscuits sucrés, entremets, viennoiseries, sandwichs, pizzas et plats préparés. Le troisième regroupe surtout des produits valorisés dans le discours nutritionnel : eaux minérales, produits de la mer, fruits et légumes frais, soupes et yaourts. Ces modèles culinaires sont relativement cohérents avec les profils alimentaires mis en évidence par Jean-Louis Lambert dans les années 80 et Jean-Pierre Corbeau dans les années 90. Ils constituent des idéaux types – au sens de Weber – qui ne correspondent pas parfaitement à la réalité, mais qui permettent de dégager une description épurée des principaux « régimes alimentaires » qui coexistent au sein de notre culture culinaire. 1S26

Dans le contexte alimentaire français, la viande se situe au cœur du modèle « traditionnel » dans lequel elle semble particulièrement valorisée. La consommation de produits carnés n’est toutefois pas exclue des autres modèles : elle y occupe seulement une place moins centrale. Par exemple, la consommation de viandes rouges ne peut être considérée comme le marqueur privilégié d’une culture alimentaire « néo-archaïque » que l’on imagine parfois. Comme le montrent les résultats de notre analyse factorielle, elle fait l’objet d’une association positive plus ou moins forte avec les trois principaux modèles culinaires que nous avons pu mettre ici en évidence. Il convient en effet de rappeler que la viande rouge constitue un produit alimentaire que l’on retrouve – de manière relativement homogène – dans les assiettes de toutes les composantes sociodémographiques de la population française. Ainsi, l’érosion de la consommation de viandes au cours des dernières décennies peut être interprétée – dans une certaine mesure – comme l’affaiblissement d’un modèle alimentaire « traditionnel » et la montée en puissance des modèles fonctionnels et hygiéno-diététiques dans lesquels la viande occupe une place moins centrale.

Conclusion Les données alimentaires collectées dans le cadre des enquêtes du CRÉDOC permettent de mettre en perspective la place de la viande dans le modèle alimentaire français. D’une manière générale, même si elle est probablement sous-estimée, la consommation de produits carnés apparaît relativement modérée dans notre pays. Avec une moyenne de 120 à 150 grammes par personne et par jour, leur consommation effective correspond à peu près à la moitié de leur consommation apparente (qui est estimée à 250 grammes par personne et par jour). Ainsi, la consommation des différentes viandes ne constituerait que 10 % de la totalité des apports alimentaires quotidiens – hors eaux et boissons chaudes – des adultes (en g/j). Les enquêtes alimentaires du CRÉDOC permettent par ailleurs de mettre en évidence un certain nombre de changements remarquables dans la sociologie de la consommation carnée. D’une part, malgré le choc de la crise de l’ESB, il semblerait, paradoxalement, que la consommation de viande bovine ait connu une évolution moins défavorable que celle des autres produits carnés, en particulier la volaille et la viande porcine. Ces résultats tendent à confirmer le point de vue de Cavailhès [20], selon lequel les tendances de longue durée dans la consommation des produits carnés sont probablement peu affectées par les crises sanitaires – comme le montre l’évolution de la consommation de veau depuis les années 70. Ainsi, la structure de la consommation carnée de nos compatriotes est restée relativement stable dans le temps avec une distribution répartie – pour l’essentiel – entre trois produits centraux (core foods) : la viande bovine, la viande porcine et la volaille. Comme nous l’avons indiqué plus haut, la structure de la consommation carnée des Français apparaît relativement proche de celle des Italiens et, dans une moindre mesure, de celle des Anglais. Elle se distingue des modèles alimentaires espagnols et allemands dans lesquels la consommation de viande porcine (fraîche et transformée) domine largement celle des autres produits. D’autre part, il semblerait que les baisses de consommation observées affectent plus ou moins indistinctement l’ensemble des consommateurs français. Pour caractériser Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


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viande : production et consommation la structure sociodémographique de la consommation carnée, nous avons procédé à une comparaison systématique de moyennes des différentes consommations carnées. Comme nous l’avons vu, les résultats de l’analyse sociodémographique apparaissent toutefois relativement décevants. En effet, seul un petit nombre de variables sociodémographiques tendent à structurer de manière significative le volume de la consommation carnée. Il s’agit du sexe, de l’âge, de l’habitat, de l’éducation et de l’activité professionnelle des sujets (les différences les plus importantes portant sur les core foods). Il apparaît également que les différences qui opposent, d’une part, les plus jeunes et les plus âgés et, d’autre part, les « cols blancs » des « cols bleus », tendent à se réduire avec le temps. Ainsi, même si les différences sociodémographiques mises en évidence dans l’analyse descriptive persistent, dans une certaine mesure, l’analyse des volumes de consommation estimés à partir des données du CRÉDOC ne permet plus vraiment de dégager de profils sociologiques clairs ni d’établir une typologie pertinente de la consommation carnée. En fait, il n’est pas impossible que l’on assiste dans notre pays à une homogénéisation progressive et généralisée de la consommation de viandes, la différenciation sociale s’exerçant moins sur la quantité que sur la qualité des produits (labels de qualité, AOC, produits du terroir, etc.). Sur le plan statistique, les facteurs socio-économiques qui segmentaient la consommation carnée depuis le milieu des années 80 apparaissent de moins en moins discriminants. Ainsi, si certaines différences restent statistiquement significatives en 2003, il apparaît aujourd’hui de plus en plus difficile d’établir – comme l’avait fait Pierre Bourdieu à la fin des années 70 – des profils sociodémographiques très distinctifs de différents types sociologiques de mangeurs de viande. L’analyse de données des prochaines enquêtes alimentaires devrait pouvoir aisément confirmer ou infirmer cette tendance du début du e XXI siècle.

Résumé L’objectif de cet article est d’examiner la place de la viande dans le modèle alimentaire français. Nous avons notamment cherché à identifier la structure et l’évolution de la consommation de produits carnés, la distribution sociologique de la consommation carnée, ainsi que les systèmes d’associations-substitutions culinaires dans lesquelles cette dernière intervient. Dans cette perspective, nous avons analysé les données individuelles de consommation issues des enquêtes alimentaires du CRÉDOC de 1999 et de 2003, et dans une moindre mesure, les données européennes de consommation apparente sur les viandes. Les deux échantillons comportaient près de 1 500 individus adultes représentatifs de la population française (méthode des quotas) qui ont rapporté l’ensemble de leurs consommations alimentaires effectives pendant une période d’une semaine. Les données de ces enquêtes tendent à montrer (1) que la segmentation sociale de la consommation carnée est de plus en plus faible et (2) que l’émergence et la diffusion de nouveaux « modèles » alimentaires sont de nature à expliquer les variations dans l’évolution de la consommation des différents produits carnés. Mots-clés : Consommation – Viandes – Sociologie – Enquêtes – Modèles alimentaires. Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

Abstract The main objective of this article is to examine the consumption of meat in the French dietary pattern. In particular, we attempted to identify the current structure and evolution in the consumption of meat-based products, the sociological distribution of the meat-based consumption, and the culinary systems of food association/substitution in which it occurs. In this aim, we analyzed the individual data of consumption stemming from nutritional surveys performed by the CRÉDOC in 1999 and 2003, as well as the recent European data about the national indigenous consumption of meats. Both samples included 1,500 representative individuals of the French adult population (quota method) who reported all their actual food consumptions over a period of one week. The data collected in these surveys tend to reveal (1) that the social segmentation of the meat-based consumption is more and more weak, and (2) the emergence and propagation of new dietary patterns in our country may contribute to explain the differences in the evolutions of the various meat-based products’consumption. Key-words: Consumption – Meat – Sociology – Food survey – Dietary patterns.

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1S28

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viande et composition nutritionnelle

QUALITÉS NUTRITIONNELLES DE LA VIANDE ET DES ABATS CHEZ LE BOVIN : DONNÉES RÉCENTES SUR LES PRINCIPAUX CONSTITUANTS D’INTÉRÊT NUTRITIONNEL Dominique BAUCHART1, Franck CHANTELOT1, Gilles GANDEMER2

Introduction La viande, dont la définition est complexe (voir article de C. Denoyelle dans ce même numéro), occupe une place de choix dans notre alimentation pour plusieurs raisons : – son niveau de consommation reste très important avec une consommation de 88,8 kg équivalent carcasse/ hab/an dont 26,8 kg de viande bovine, dont 4,3 kg de veau [1] ; – de par sa composition, elle contribue à couvrir une proportion importante des apports nutritionnels conseillés, puisque une portion de 100 g de viande bovine couvre environ un tiers des apports en fer, en zinc et en vitamines B3, B6 et B12 ; – elle structure notre prise alimentaire, puisque bon nombre de nos repas sont organisés autour d’un plat principal contenant de la viande ou un produit carné, ce qui contribue grandement à notre équilibre alimentaire. Depuis de nombreuses années, des critiques de plus en plus acerbes sont formulées à l’encontre de la viande, et plus spécifiquement de la viande bovine. La majorité de ces critiques reposent sur des études épidémiologiques qui établissent une corrélation entre le niveau de consommation de viande et la prévalence de certaines maladies (voir autres chapitres), sans véritablement démontrer un lien de cause à effet. La majorité de ces travaux recommande une réduction de notre consommation de viande bovine. Or, le niveau de consommation de viande bovine est déjà tout à fait raisonnable, puisque la consommation journalière moyenne est estimée à 30 g/j/personne, ce qui correspond à la consommation de 2 steaks par semaine et par habitant selon l’enquête sur les comportements et les consommations alimentaires en France du CRÉDOC [2]. D’autres critiques incriminent la composition nutritionnelle de la viande et des produits carnés, en particulier la frac-

1. Inra, Unité de Recherches sur les Ruminants, équipe Nutriments et Métabolismes, Centre de Recherches de Clermont-Theix, 63122 Saint-GenèsChampanelle. 2. Inra, Centre de Recherches Poitou-Charentes, 86600 Lusignan. Correspondance : Gilles Gandemer, Inra, Centre de Recherches Poitou-Charentes, 86600 Lusignan. Email : gilles.gandemer@lusignan.inra.fr

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tion lipidique. La demande d’informations nutritionnelles sur les aliments est sans cesse croissante de la part des consommateurs, des scientifiques et des industriels. Ceci se traduit par des exigences de données récentes et précises sur un nombre de nutriments de plus en plus nombreux dont certains ne sont devenus accessibles que grâce aux progrès récents des techniques analytiques (CLA, Trans, etc.) et d’autres n’avaient pas attiré l’attention des nutritionnistes et des épidémiologistes. L’examen des données bibliographiques sur la composition des viandes bovines fait apparaître une très grande hétérogénéité de la viande inhérente à l’hétérogénéité des muscles de la carcasse liée à leurs propriétés physiologiques et aux pratiques d’élevage (type d’animaux, mode d’alimentation, âge, sexe) et aux pratiques de découpe des morceaux qui affectent la composition des muscles et des morceaux commercialisés (rapport gras/maigre) [3]. Donner de la cohérence et de la lisibilité à la qualité nutritionnelle des viandes requiert de : – procéder à un échantillonnage aussi représentatif que possible des animaux mis sur le marché avec une traçabilité des données de production des animaux ; – distinguer clairement la composition du tissu musculaire et du tissu gras visible des morceaux pour faciliter l’éducation nutritionnelle autour de la viande. Les données de la littérature scientifique ne permettent par une vision cohérente de la valeur nutritionnelle de la viande pour plusieurs raisons : – les morceaux ont souvent été analysés tels que commercialisés sans distinguer la partie musculaire de la masse adipeuse visible, facile à éliminer au couteau lors de la préparation et de la consommation de la viande ; – sur de nombreux paramètres, l’analyse statistique des données fait apparaître une variabilité des données qui ne peut s’expliquer que par un défaut de maîtrise des méthodes analytiques ; – les données disponibles sur certains nutriments sont très rares, soit parce qu’ils n’avaient guère suscité d’intérêt nutritionnel jusqu’à ce jour, soit parce que les méthodes analytiques ne permettent leurs caractérisations fines que très récemment. Cet ensemble de considérations a conduit le Centre d’Information des Viandes à faire procéder à une série 1S29


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viande et composition nutritionnelle d’analyses pour actualiser les données de composition de plusieurs morceaux de viande et des abats bovins. Pour ce faire, il a confié la coordination et une grande partie de la production des animaux et des analyses à l’Institut National de la Recherche Agronomique chargé de garantir la cohérence et la fiabilité des données obtenues. Ce travail a été confié à l’équipe « Nutriments et Métabolismes » de l’Unité de Recherche sur les Ruminants de Clermont-Ferrand - Theix. Les objectifs de ce travail étaient de disposer : – de données fiables de la composition des viandes et abats des bovins pour actualiser les bases de données françaises (bases CIQUAL) ; – d’éléments spécifiques de composition comme la composition du muscle et du gras ou la composition en acides gras des phospholipides pour délivrer au consommateur une information pédagogique qui lui permette de mieux cerner la valeur nutritionnelle des viandes. Pour ce faire, nous avons opté pour des animaux issus de systèmes de production les plus représentés en France et nous avons contrôlé la production de ces animaux en station expérimentale. Nous avons retenu 9 morceaux de viande sur la base de leur importance commerciale, leur type métabolique et leur mode de cuisson. Nous avons limité les analyses aux composants de la viande qui contribuent de façon significative aux apports nutritionnels conseillés ou qui font débat sur le plan nutritionnel et ne sont pas assez documentés. L’étude portait sur 16 vaches de réforme (3-5 ans) (8 de race laitière, Holstein, 8 de race à viande, Charolaise) dont l’état d’engraissement était moyen (classe 3 de l’échelle EUROPA). Ces animaux sont représentatifs de ceux fournissant l’essentiel de la viande bovine en France. Nous avons prélevé des morceaux de découpe tels que disponibles sur le marché : – 7 morceaux homogènes (provenant d’un même muscle) (tende de tranche, hampe, faux-filet, bavette d’aloyau, macreuse, paleron, joue) ; – 2 morceaux composites (formés de plusieurs muscles adjacents : entrecôte, et plat de côtes) pour lesquels nous avons séparé le gras visible et le muscle pour les caractériser séparément ; – 4 abats : foie, rein, langue et cœur. Notons que la joue est commercialisée comme un abat. Dans cet article, considérant qu’il s’agit d’un muscle squelettique, il a été regroupé avec les autres muscles. Ces morceaux couvrent la gamme des morceaux à griller, à braiser et à bouillir. Les paramètres analytiques pris en compte sont : – les composants majeurs suivants : matière sèche, lipides, protéines et acides gras ; – les micronutriments suivants : fer et fer héminique, zinc, sélénium et les vitamines du groupe B (B3, B6, B12) Les données ont été traitées à l’aide d’une analyse de variance à deux facteurs : race - mode d’élevage (2 modalités Holstein et Charolais) et morceaux de viande (7 modalités). Les abats n’ont pas fait l’objet de comparaison statistique parce qu’ils recouvrent des organes très divers.

Composition centésimale des morceaux et des abats : une forte variabilité de la teneur en lipides (tableaux I et II) La matière sèche de la viande varie de 25,6 à 31,5 g/100 g de muscle cru. La teneur en protéines varie de 19 à 1S30

23,3 g/100 g selon le morceau. Les protéines et les lipides constituent l’essentiel de la matière sèche. Les variations de la teneur en matière sèche sont très dépendantes de celles en lipides. Plus un morceau est riche en lipides, plus il est pauvre en protéines et en eau. La teneur en lipides des morceaux est le paramètre le plus variable de la composition des viandes (de 2,3 à 9,8 g/100 g). L’effet de la race n’est pas significatif. Le principal effet est lié au morceau, facteur qui explique 55 % de la variabilité de ce paramètre. Les morceaux les plus pauvres en lipides sont le tende de tranche (2,3 g/100 g) et la macreuse (3,4 g/100 g) et les plus riches sont l’entrecôte, la hampe, le plat de côtes (8,7, 8,6 et 7,6 g/100 g respectivement). Le faux-filet, le paleron, la bavette, et la joue se situent à des teneurs intermédiaires (5,0 à 6,7 g). Même si les morceaux découpés dans des muscles à métabolisme oxydatif tendent à être plus riches en lipides que ceux découpés dans les muscles glycolytiques, cette relation n’est pas très étroite et la teneur en lipides des morceaux reste très dépendante de la localisation anatomique du muscle [4, 5]. Les abats (cœur, langue, foie, rognons) représentent un ensemble très hétérogène. Le foie présente une teneur en protéines plus élevée que les autres organes (21 g/100 g contre 16 à 19 g pour les autres). La langue se distingue par une forte teneur en lipides (12-15 g/100 g), alors que les rognons et le cœur en sont pauvres (2,6 à 3,3 g), le foie possède une teneur intermédiaire en lipides (4,0-4,6 g/100 g). La teneur moyenne en lipides des morceaux est de 6 g/100 g. Aucun morceau n’a une teneur en lipides supérieure à 10 %, sous réserve d’éliminer les gras visibles avant la consommation dans les plats de côtes et l’entrecôte. Certains morceaux découpés dans des muscles maigres ont des teneurs en lipides très faibles (macreuse, tende de tranche). Il n’est donc pas justifié de considérer la viande de bœuf comme un aliment gras [6].

Apports en fer, fer héminique, zinc et sélénium : une contribution de 20-30 % à la couverture des ANC (tableaux I et II) Cent grammes de viande fraîche apportent de 2,2 à 3,7 mg de fer, essentiellement sous forme héminique (65 à 75 % du fer total). La teneur en fer de la viande dépend du morceau (55 % de la variance totale) et très peu de la race (4-6 % de la variance). Par contre, ce paramètre reste très variable d’un individu à un autre (37 à 47 % de la variance). La teneur en fer, en particulier en fer héminique, est très dépendante du type métabolique des muscles qui composent le morceau : les muscles glycolytiques (plat de côtes et faux-filet) sont les plus pauvres (2,2-2,3 mg/100 g), alors que les muscles les plus oxydatifs (hampe, bavette et joue) sont les plus riches (3,2-3,7 mg/100 g), les autres muscles (paleron, entrecôte et macreuse), muscles à métabolisme intermédiaire apportent de 2,5 à 2,9 mg/100 g. Cette relation entre teneur en fer et métabolisme énergétique des muscles s’explique par le fait que les muscles oxydatifs utilisent les lipides pour leurs besoins énergétiques. De ce fait, ces muscles ont besoin d’oxygène apporté par la myoglobine contenant du fer héminique et mettent en œuvre, pour oxyder les acides gras, des enzymes dont bon nombre contiennent du fer dans leur site actif. Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


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viande et composition nutritionnelle Tableau I. Teneurs en matière sèche, en protéines en lipides, en minéraux (fer, zinc sélénium) et vitamines B des viandes issues de vaches de réforme de races Charolaise et Holstein (pour100 g de viande fraîche).

Fauxfilet Matière sèche (g) Protéines (g)

Entrecôte

Tende de tranche

Plat de côtes

Paleron Macreuse Bavette

Joue

Hampe

Charolaise

29,0

30,1

25,6

28,9

28,4

25,6

26,1

27,4

29,9

Holstein

29,9

31,5

25,1

29,2

26,9

25,3

26,5

26,2

27,2

Charolaise

22,6

21,5

23,3

21,3

21,4

22,5

20,7

22,7

19,1

Holstein

22,1

20,1

22,8

21,1

21,0

21,2

20,1

21,9

19,0

Lipides (g)

Charolaise

6,2

7,6

2,35

7,4

7,1

3,1

5,1

4,9

9,8

Holstein

7,3

9,8

2,30

7,7

6,0

3,7

6,2

5,2

7,4

Fer (mg)

Charolaise

2,38

2,39

2,74

2,30

2,49

2,72

3,39

3,28

3,59

Holstein

2,16

2,62

2,64

2,04

2,51

2,99

3,21

3,08

3,77

1,75

1,83

1,78

1,58

1,89

1,94

2,39

2,09

2,46

Fer héminique (mg) Charolaise Holstein

1,38

1,69

1,71

1,41

1,84

1,86

2,14

2,04

2,33

Zinc (mg)

Charolaise

3,56

5,23

3,67

5,23

4,45

4,56

7,04

2,87

4,52

Holstein

2,95

5,13

3,25

4,67

5,48

4,62

6,55

2,53

4,49

Sélénium (µg)

Charolaise

10,8

9,8

9,8

10,4

10,0

10,5

11,1

14,2

11,5

Holstein

10,5

10,4

10,3

10,5

10,4

10,8

11,1

14,6

12,0

B3 (mg)

Charolaise

5,9

4,6

5,3

5,1

3,7

4,4

4,2

4,6

4,0

Holstein

5,7

4,2

5,1

4,7

3,6

4,4

4,2

4,7

3,9

B6 (mg)

Charolaise

0,44

0,30

0,47

0,31

0,26

0,42

0,24

0,15

0,24

Holstein

0,51

0,38

0,53

0,40

0,27

0,46

0,28

0,15

0,32

B12 (µg)

Charolaise

1,15

1,56

1,02

1,84

2,82

1,81

3,16

7,80

4,38

Holstein

1,23

1,60

1,30

1,77

2,73

1,97

3,08

6,68

4,83

Tableau II. Teneurs en matière sèche, en protéines en lipides, en minéraux (fer, zinc sélénium) et vitamines B des abats issus de vaches de réforme de races Charolaise et Holstein (pour 100 g de viande fraîche).

Cœur

Langue

Foie

Rognons

Matière sèche (g)

Charolaise

21,7

31,5

29,9

21,2

Holstein

20,4

32,1

30,2

19,2

Protéines (g)

Charolaise

19,2

17,4

21,6

17,9

Holstein

17,8

16,3

20,4

16,3

Lipides (g)

Charolaise

3,3

15,3

4,6

2,7

Holstein

2,6

12,3

4,0

2,6

Fer (mg) Fer héminique (mg) Zinc (mg) Sélénium (µg) B3 (mg)

Charolaise

5,20

2,26

5,75

6,59

Holstein

5,08

2,27

6,10

7,48

Charolaise

2,63

1,69

3,06

2,78

Holstein

2,34

1,64

2,03

1,84

Charolaise

1,57

3,39

3,30

1,73

Holstein

1,42

3,23

3,83

1,50

Charolaise

23,6

11,7

37,2

120,9

Holstein

23,4

12,2

41,2

114,7

Charolaise

7,0

4,4

15,7

8,0

Holstein

6,5

4,1

15,2

7,9

B6 (mg)

Charolaise

0,11

0,16

0,47

0,36

Holstein

0,12

0,18

0,56

0,36

B12 (µg)

Charolaise

8,6

5,3

86,0

19,2

Holstein

8,3

4,9

101,0

22,9

Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

1S31


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9:20

Page 1S32

viande et composition nutritionnelle Les rognons, le foie et le cœur sont riches en fer (7,5 à 5,1 mg/100 g), alors que la langue en est plus pauvre (2,3 mg/100 g). Notons que la proportion de fer héminique est nettement plus basse dans les organes que dans les muscles (30 à 50 % versus 65 à 75 %). Ce fait est particulièrement net pour les rognons. La viande est riche en zinc (2,7 à 6,8 mg/100 g). Le facteur majeur de variation est le morceau (77 % de la variance du modèle). Le morceau le plus riche est la bavette (6,8 mg) et le plus pauvre est la joue (2,7 mg). Ce paramètre est lié à la localisation anatomique du muscle, sans qu’il soit possible de le relier au type métabolique. Le cœur et les rognons apportent des quantités de zinc plus faibles que les muscles (1,4 à 1,7 mg/100 g), alors que le foie et la langue en apportent des quantités comparables (3,2 à 3,8 mg/100 g). La viande apporte de 9,8 à 14,6 µg/100 g de sélénium. Ce facteur dépend autant du morceau que de l’individu, mais n’est pas influencé par la race. Seule la joue se distingue par une teneur élevée en sélénium (14,4 µg), alors que tous les autres apportent entre 10 et 12 µg. Si la langue apporte une quantité de sélénium comparable à celle des muscles (12 µg/100 g), les autres abats en sont nettement plus riches : cœur (23-24 µg), foie (37-41 µg) et rognons (115-121 µg). Ces résultats sont en accord avec ceux publiés sur l’apport des viandes en fer, zinc et sélénium [7,8] Une portion de 100 g de viande de bœuf couvre de 20 à 30 % des apports nutritionnels conseillés en fer, zinc et sélénium de l’homme et de la femme adulte (ANC [9]). Notons que le fer de la viande est sous forme héminique, forme beaucoup plus assimilable que la forme non héminique (voir dans le même numéro, article de V. Soucheyre). Notons que si leur apport en fer est sensiblement équivalent à ceux des morceaux de viande, les abats apportent moins de fer héminique. Soulignons que 100 g de foie ou de rognons permettent de couvrir 100 % et 300 % des ANC, respectivement.

Apport en vitamines du groupe B : la viande une source de vitamine B12 (tableaux I et II) La viande apporte de 3,7 à 5,8 mg/100 g de vitamine B3 ou niacine. Si la race affecte peu le contenu en B3 des morceaux, ce paramètre dépend à part égale du morceau et de l’individu. Les morceaux composés de muscles glycolytiques tendent à être plus riches en B3 que ceux composés de muscles oxydatifs. Les abats sont plus riches en B3 que les muscles, à l’exception de la langue (4,1-4,4 mg/100 g). Ainsi, le cœur et les rognons apportent 6,5 à 8,0 mg/100 g et le foie plus de 15,0 mg/100 g. Cent grammes de viande couvrent de 20 à 40 % des ANC chez les adultes. Cent grammes de foie couvrent 100 % des ANC. La viande est une source de vitamine B6 ou pyridoxine avec des apports de 0,15 à 0,51 mg/100 g. Ce facteur dépend du muscle et de l’individu. Même si les morceaux formés de muscles oxydatifs tendent à en contenir plus que ceux composés de muscles glycolytiques, le lien entre ce paramètre et le type métabolique des muscles n’est pas étroit. Le cœur et la langue sont les abats les moins riches en B6 avec 0,11 à 0,18 mg/100 g, alors que le foie et les rognons en sont nettement plus riches (0,36-0,56 mg). La consommation de 100 g de viande ou d’abats apporte de 10 à 30 % des ANC. 1S32

La viande est riche en vitamine B12 avec des apports de 1,2 à 7,2 µg/100 g selon le morceau considéré. Ce paramètre est étroitement lié au morceau (93 % de la variabilité). Les morceaux composés de muscles glycolytiques (faux-filet, tende de tranche, plat de côtes et entrecôte) en sont les plus pauvres (1 à 3 µg/100 g), alors que ceux découpés dans les muscles oxydatifs (joue, hampe et bavette) en sont plus riches (4,4 à 7,8 µg/100 g). Si le cœur et la langue en présentent des teneurs voisines de celles des muscles (8,5 et 5,1 µg/100 g respectivement), le foie en est beaucoup plus riche (86 à 101 µg), les rognons étant en position intermédiaire (19-23 µg). La consommation de 100 g des morceaux les plus pauvres en B12 couvre plus de 50 % des ANC et celle de la majorité des morceaux 100 % des ANC. Les rognons et le foie couvrent 10 fois et 40 fois les ANC. Ces résultats concernant l’apport en vitamines du groupe B des viandes sont cohérents avec ceux publiés antérieurement [7, 8].

Une teneur en lipides fortement dépendante de celle en triglycérides (tableau III) Les lipides extraits des produits carnés bovins sont constitués : – de lipides neutres dominés par les triglycérides (⬎ 97 % des lipides neutres) stockés dans les tissus adipeux inter et intramusculaires des morceaux de viande et par les triglycérides et le cholestérol dans le foie (86-90 % et 10-14 % des lipides neutres respectivement) et les rognons (6366 % et 34-37 % des lipides neutres respectivement) ; – de lipides polaires, principalement de phospholipides, localisés dans les membranes cellulaires. Si la teneur en lipides polaires reste relativement constante dans les viandes (0,6 à 0,9 g/100 g de viande fraîche), elle est quantitativement plus importante dans les abats, notamment dans le foie (2,7 g), le cœur (1,7 g) et les rognons (1,6 g). Néanmoins, la teneur en lipides de la viande est étroitement corrélée à celle des triglycérides, ce qui explique que le rapport acides gras totaux/lipides totaux varie de 0,87 pour les viandes les plus grasses (hampe) à 0,79 pour les viandes les plus maigres (tende de tranche) [4]. L’élimination par parage boucher du tissu adipeux intermusculaire des morceaux de viande composites entraîne une baisse de leur teneur en triglycérides et donc de leur teneur en lipides. Un exemple en est donné avec le plat de côtes dont la teneur en lipides est réduite de 2022 g/100 g à moins de 9 g par simple élimination au couteau du gras visible.

Composition en acides gras : une forte proportion d’acides gras saturés et monoinsaturés avec un apport significatif en acides gras polyinsaturés à chaîne longue Acides gras saturés (AGS) : des acides gras majoritairement linéaires (tableau IV-A) Les proportions d’AGS linéaires des viandes des vaches Holstein et Charolaise marquent des différences significatives essentiellement liées à la localisation et aux types Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


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viande et composition nutritionnelle Tableau III. Teneurs (g/100 g de viande fraîche) en lipides totaux, en acides gras totaux, en lipides polaires et neutres totaux des viandes issues de vaches de réforme de races Charolaise et Holstein.

Lipides Lipides Lipides Triglycérides Acides Acides gras/ totaux polaires neutres gras lipides

Charolaise

Muscles Faux-filet

6,17

0,72

5,45

5,39

5,25

0,85

Joue

4,85

0,99

3,86

3,79

3,98

0,82

Tende de tranche

2,35

0,63

1,73

1,68

1,88

0,80

Macreuse

3,05

0,64

2,41

2,34

2,48

0,81

Paleron

7,13

0,70

6,43

6,36

6,09

0,85

Hampe

9,82

0,93

8,88

8,82

8,43

0,86

Bavette

5,13

0,71

4,42

4,37

4,33

0,84

Muscle entrecôte

7,65

0,62

7,03

6,99

6,60

0,86

Muscle plat de côtes

7,41

0,57

6,84

6,78

6,38

0,86

Cœur

3,31

1,71

1,60

1,46

2,36

0,71

Langue

15,33

0,75

14,58

14,43

13,31

0,87

Foie

4,60

2,70

1,90

1,70

3,18

0,69

Rognons

2,74

1,55

1,20

0,76

1,63

0,59

Faux-filet

7,31

0,68

6,63

6,57

6,27

0,86

Joue

5,19

0,86

4,33

4,25

4,32

0,83

Tende de tranche

2,34

0,70

1,63

1,58

1,84

0,79

Macreuse

3,66

0,68

2,98

2,91

3,01

0,82

Abats

Holstein

Muscles

Paleron

5,95

0,55

5,40

5,33

5,08

0,85

Hampe

7,43

0,82

6,62

6,56

6,34

0,85

Bavette

6,20

0,60

5,60

5,55

5,31

0,86

Muscle entrecôte

9,80

0,56

9,24

9,19

8,53

0,87

Muscle plat de côtes

7,71

0,58

7,13

7,06

6,65

0,86

Cœur

2,59

1,60

0,99

0,85

1,74

0,67

Langue

12,27

0,71

11,56

11,42

10,60

0,86

Foie

3,99

2,53

1,46

1,26

2,69

0,67

Rognons

2,57

1,28

1,29

0,85

1,55

0,60

Abats

Les lipides totaux sont la somme des lipides neutres et des lipides polaires. Les lipides neutres sont composés.

métaboliques des fibres musculaires, la race ayant peu d’influence sur ce paramètre. Les AGS linéaires représentent 41 à 52 % des AG totaux, les muscles les plus pauvres en lipides présentant les teneurs en AGS linéaires les plus faibles (41,1-43,1 % pour le tende de tranche, 42,6-44,8 % pour la macreuse) et inversement, les muscles les plus riches en lipides présentant les teneurs en AGS linéaires les plus élevées (51,7 % pour la hampe, 50,0-51,4 % pour le muscle de l’entrecôte). Ceci s’explique par la grande richesse en AGS linéaires des triglycérides. Qualitativement, les AGS pairs sont dominants dans tous les morceaux étudiés. L’AGS linéaire majeur est l’acide palmitique (16 : 0) (58 à 62 % des AGS pairs), suivi de l’acide stéarique (18 : 0) (28,5-40,0 %). D’autres AGS linéaires présents en proportion significative comme l’acide myristique (14 : 0) (4,9-6,2 %) et le 17 : 0 (2,6-3,1 %), alors que les autres AGS linéaires 12 : 0, 15 : 0, 20 : 0 et 22 : 0 ne dépassent pas chacun 0,3 % des AGS linéaires totaux (tableau IV-A). Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

Dans les abats, la plage de variation de la proportion d’AGS linéaires pairs est plus élevée que dans les viandes, soit de 37,1 % (cœur) à 42,6 % (langue) des AG totaux (tableau V-A). Qualitativement, le 16 : 0 reste le plus abondant dans les abats gras (langue : 57 % des AG saturés pairs totaux), alors que le 18 : 0 est le plus abondant dans les abats maigres (foie : 65 %). Les autres AGS linéaires sont, comme dans le cas des viandes, très minoritaires (tableau V-A). Comparés aux AGS linéaires pairs, les AGS linéaires impairs (15 : 0 et 17 : 0) représentent une fraction très minoritaire des AG saturés totaux, soit de l’ordre de 3,64 % pour l’ensemble des viandes, et 4,0-6,5 % dans le cas des abats. Les acides gras saturés à chaîne ramifiée sont des acides gras qui présentent un groupement méthyle situé sur le carbone n-1 (iso) ou n-2 (antéiso) par rapport au carbone C-terminal. Ils représentent 0,9 à 2,0 % des AG totaux dans les viandes considérées (tableau III). Ils sont, en 1S33


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viande et composition nutritionnelle Tableau IV-A. Composition en acides gras saturés et monoinsaturés des lipides des viandes issues de vaches de réforme de races Charolaise (1re valeur) et Holstein (2e valeur) (en % des acides gras totaux).

Acides gras

Fauxfilet

Entrecôte

Tende de tranche

12:0

0,1/0,1

0,1/0,1

0,0/0,0

0,1/0,1

14:0

2,9/3,4

3,1/3,7

2,0/2,7

3,2/3,9

15:0

0,5/0,3

0,7/0,4

0,4/0,2

0,6/0,4

16:0 17:0 18:0

Plat Paleron de côtes (muscles)

Macreuse

Bavette

Joue

Hampe

0,1/0,1

0,1/0,1

0,1/0,1

0,1/0,1

0,1/0,1

2,5/3,1

2,3/3,1

2,6/3,4

2,1/2,8

2,5/2,9

0,6/0,3

0,5/0,3

0,6/0,4

0,6/0,4

0,5/0,3

28,0/28,3 29,0/29,0 25,1/25,9 27,5/28,8 26,0/24,9 25,7/26,2 25,5/26,3 21,1/21,1 26,1/25,0 1,3/0,9

1,5/1,1

1,1/0,8

1,3/1,0

1,5/1,0

1,2/0,9

1,5/1,0

1,8/1,4

1,6/1,1

13,2/13,2 15,4/17,0 12,1/13,3 14,3/14,9 14,3/14,7 12,5/14,1 13,1/13,7 15,4/17,4 20,6/22,1

20:0

0,1/0,1

0,2/0,1

0,1/0,1

0,2/0,1

0,1/0,1

0,1/0,1

0,1/0,1

0,1/0,1

0,2/0,1

22:0

0,1/0,0

0,0/0,0

0,1/0,1

0,0/0,0

0,1/0,1

0,1/0,1

0,1/0,1

0,0/0,0

0,1/0,1

46,2/ 46,4

50,0/ 51,4

41,1/ 43,1

47,1/ 49,2

45,3/ 44,3

42,6/ 44,8

43,7/ 45,1

41,2/ 43,4

51,7/ 51,7

Iso 14

0,1/0,0

0,1/0,1

0,0/0,0

0,1/0,0

0,1/0,0

0,1/0,0

0,1/0,0

0,1/0,0

0,1/0,0

Iso 15

0,2/0,1

0,3/0,1

0,2/0,1

0,2/0,1

0,2/0,1

0,2/0,1

0,2/0,1

0,2/0,1

0,2/0,1

ant 15

0,2/0,1

0,3/0,2

0,2/0,1

0,3/0,1

0,3/0,1

0,2/0,1

0,2/0,1

0,2/0,2

0,3/0,1

Iso 16

0,3/0,1

0,4/0,2

0,3/0,1

0,4/0,2

0,4/0,2

0,3/0,1

0,3/0,1

0,3/0,2

0,3/0,1

Iso 17

0,6/0,3

0,6/0,4

0,6/0,3

0,6/0,3

0,7/0,4

0,6/0,3

0,7/0,4

0,8/0,6

0,6/0,4

⌺ saturés linéaires

Iso 18

0,2/0,1

0,2/0,1

0,2/0,1

0,2/0,1

0,3/0,1

0,2/0,1

0,2/0,1

0,2/0,1

0,3/0,1

Acide phytanique

0,1/0,2

0,1/0,1

0,1/0,1

0,1/0,2

0,1/0,2

0,1/0,1

0,1/0,2

0,1/0,1

0,1/0,1

⌺ saturés ramifiés

1,8/1,0

2,0/1,1

1,5/0,8

1,9/1,1

2,0/1,1

1,7/0,9

1,9/1,0

1,9/1,3

1,9/1,0

48,0/ 47,4

52,0/ 52,5

42,7/ 43,9

49,1/ 50,3

47,3/ 45,3

44,3/ 45,8

45,5/ 46,1

43,1/ 44,7

53,6/ 52,8

1,1/0,7

1,2/0,8

1,0/0,7

1,1/0,7

1,2/0,9

1,1/0,8

1,2/0,7

1,2/0,9

1,2/0,9

⌺ saturés totaux 16:1 ⌬9 trans 18:1 ⌬9 trans

0,3/0,2

0,2/0,2

0,3/0,3

0,3/0,2

0,3/0,3

0,3/0,3

0,3/0,3

0,3/0,3

0,3/0,3

18:1 ⌬10 + 11 trans

0,9/0,7

1,1/1,0

0,5/0,5

1,0/0,8

0,8/0,8

0,6/0,6

0,8/0,7

0,8/1,1

0,9/0,9

⌺ AGMI trans

2,3/1,6

2,5/2,0

1,9/1,5

2,5/1,8

2,4/2,0

2,0/1,7

2,2/1,7

2,3/2,3

2,4/2,1

14:1 ⌬9 cis

0,7/0,9

0,5/0,6

0,4/0,6

0,8/1,0

0,5/0,7

0,5/0,7

0,6/0,8

0,4/0,5

0,3/0,3

16:1 ⌬9 cis

4,1/5,3

3,2/3,7

3,1/4,5

4,1/5,0

3,3/4,4

3,5/4,6

3,9/5,3

2,7/3,2

2,0/2,6

C17:1 ⌬8 + ⌬9 cis

1,0/0,8

0,9/0,7

1,2/1,1

0,9/0,7

1,1/0,9

1,0/0,9

1,2/0,9

1,2/1,0

0,8/0,7

18:1 ⌬9 + 10 cis

35,4/37,3 33,8/34,8 34,9/35,7 35,4/35,2 36,0/37,7 34,6/35,4 35,2/36,3 33,1/32,6 32,6/32,9

18:1 ⌬11 cis

1,5/1,4

1,3/1,2

1,6/1,5

1,4/1,4

1,5/1,6

1,6/1,5

1,9/1,8

2,2/2,0

1,1/1,1

18:1 ⌬12 cis

0,2/0,1

0,2/0,2

0,2/0,1

0,2/0,2

0,2/0,2

0,2/0,1

0,2/0,2

0,3/0,3

0,2/0,2

18:1 ⌬13 cis

0,3/0,3

0,2/0,2

0,2/0,3

0,3/0,3

0,3/0,3

0,3/0,3

0,2/0,2

0,2/0,2

0,1/0,2

20:1 ⌬11 cis

0,1/0,1

0,1/0,1

0,1/0,1

0,1/0,1

0,1/0,1

0,1/0,1

0,1/0,1

0,1/0,1

0,1/0,1

20:1 ⌬ 9 cis

0,2/0,1

0,2/0,1

0,2/0,2

0,2/0,2

0,2/0,2

0,2/0,1

0,2/0,2

0,2/0,1

0,2/0,1

⌺ AGMI cis

43,6/ 46,6

40,7/ 42,0

42,1/ 44,2

43,7/ 44,2

43,3/ 46,2

42,1/ 43,8

43,8/ 46,0

40,6/ 40,3

37,5/ 38,3

⌺ AGMI

45,9/ 48,2

43,2/ 44,0

44,0/ 45,7

46,2/ 46,0

45,7/ 48,2

44,1/ 45,5

46,0/ 47,7

42,9/ 42,6

37,9/ 40,4

moyenne, 1,8 fois plus abondants dans les viandes des vaches charolaises que frisonnes, bien que les animaux aient tous reçu la même ration à base d’ensilage de maïs et d’aliment concentré pendant leur phase de finition (70 j). Les formes iso 14, 15, 16, 17 et 18 et antéiso 15 ont été clairement identifiées, la forme antéiso 17 n’étant présente qu’à l’état de traces. Les AGS ramifiés dominants sont l’iso 17 (0,4-0,7 % des AG totaux), l’iso 16 (0,2-0,4 %) et l’antéiso 15 (0,1-0,3 %), les autres formes ne dépassant pas 0,2 % des AG totaux. L’acide phytanique est faiblement présent, soit 0,1-0,2 % maximum des AG totaux. 1S34

Dans les abats, on observe les mêmes AGS ramifiés que dans les viandes, principalement de l’iso 17 (35-45 % des AG ramifiés totaux), suivi de l’iso 16 (11-14 %) et l’iso 18 (8-10 %). Acides gras monoinsaturés (AGMI) : des acides gras majoritairement cis (tableaux IV-A et V-A) Les AGMI cis correspondent à une des familles majeures d’acides gras dans les viandes bovines, leurs proportions varient de 37,5 à 46,6 % des AG des viandes (tableau IV-A). Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


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viande et composition nutritionnelle Tableau V-A. Composition en acides gras saturés et monoinsaturés des lipides des abats issus de vaches de réforme de races Charolaise (1re valeur) et Holstein (2e valeur) (en % des acides gras totaux).

Acides gras

Cœur

Langue

Foie

Rognons

12:0

0,0/0,0

0,0/0,1

0,0/0,0

0,0/0,0

14:0

1,3/1,3

2,6/3,2

0,8/0,6

0,8/0,7

15:0

0,4/0,3

0,8/0,5

0,3/0,2

0,5/0,3

16:0

15,7/14,5

24,1/22,9

11,9/8,9

15,7/15,4

17:0

1,3/0,8

1,9/1,3

1,3/1,6

1,0/1,0

18:0

17,9/16,6

12,9/12,6

23,2/28,3

13,9/13,6

20:0

0,2/0,1

0,1/0,1

0,1/0,1

0,3/0,3

22:0

0,2/0,3

0,0/0,0

0,2/0,3

0,2/0,3

⌺ saturés linéaires

37,1/34,2

42,6/40,8

37,9/40,3

32,6/31,8

Iso 14

0,0/0,0

0,1/0,1

0,4/0,0

0,0/0,0

Iso 15

0,1/0,1

0,2/0,1

0,1/0,2

0,3/0,1

ant 15

0,2/0,1

0,3/0,2

0,1/0,2

0,0/0,1

Iso 16

0,3/0,2

0,3/0,2

0,2/0,2

0,2/0,1

Iso 17

0,5/0,4

0,7/0,6

0,3/0,4

0,4/0,3

Iso 18

0,2/0,1

0,3/0,1

0,2/0,2

0,2/0,1

Acide phytanique

0,0/0,1

0,2/0,1

0,0/0,0

0,1/0,1

⌺ saturés ramifiés

1,7/1,2

2,1/1,5

1,8/1,8

1,3/1,0

38,8/35,3

44,7/42,2

39,8/42,1

33,9/32,8

1,0/0,8

1,3/1,0

0,8/0,9

0,7/0,7

⌺ saturés totaux 16:1 ⌬9 trans 18:1 ⌬9 trans

0,2/0,2

0,3/0,2

0,2/0,2

0,2/0,2

18:1 ⌬10+11 trans

0,7/0,7

0,9/1,4

0,6/0,6

0,4/0,3

⌺ AGMI trans

2,1/1,8

2,5/2,6

1,8/1,9

1,5/1,4

14:1 ⌬9 cis

0,1/0,1

0,6/0,8

0,0/0,0

0,0/0,0

16:1 ⌬9 cis

1,9/2,8

3,7/4,4

0,9/0,5

0,7/0,9

C17:1 (forme 8 et 9 cis)

1,2/1,2

1,5/1,2

0,4/0,4

0,6/0,7

20,2/19,1

36,6/38,8

9,5/8,3

13,2/14,2

18:1 ⌬11 cis

1,6/1,6

2,1/2,2

0,9/0,9

2,1/2,8

18:1 ⌬12 cis

0,4/0,2

0,2/0,3

0,2/0,2

0,2/0,1

18:1 ⌬13 cis

0,1/0,1

0,3/0,3

0,1/0,1

0,1/0,2

20:1 ⌬11 cis

0,1/0,1

0,1/0,1

0,0/0,1

0,1/0,1

18:1 ⌬9 + 10 cis

20:1 ⌬9 cis

0,2/0,1

0,2/0,2

0,1/0,1

0,3/0,3

⌺ AGMI cis

26,2/25,7

45,6/48,5

12,8/11,9

17,7/19,7

28,3/

48,1/51,1

14,6/13,8

19,2/21,1

⌺ AGMI

Ils sont représentés principalement par les AGMI ⌬9 (double liaison située à 9 carbones de la fonction acide) 14 : 1, 16 : 1, 17 : 1, 18 : 1 et 20 : 1 (92-96 % des AGMI cis totaux), notamment le 18 : 1 ⌬9 : (acide oléique) (82-86 % pour les viandes) et le 16 : 1 : ⌬9 (acide palmitoléique) (6-9 %). Les autres AGMI cis, beaucoup plus minoritaires, sont principalement représentés par les différents isomères de position de la double liaison de l’acide oléique, notamment l’acide aslepic (cis vaccénique : 18 : 1 ⌬11cis) (2,9-3,7 % des AGMI cis). La proportion d’AGMI cis totaux des différentes viandes est relativement stable (42-47 % des AG totaux, sauf dans le cas de la hampe (38 %)) (tableau IV-A). Dans les abats, la proportion d’AGMI cis est extrêmement variable passant de 12 % (foie) et 19 % (rognons) à 49 % (langue) des AG totaux (tableau V-A). Comme dans les viandes, l’acide oléique (18 : 1 ⌬9) est l’AGMI cis domiCah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

nant (72 à 81 % des AGMI cis totaux), le 18 : 1 ⌬11cis étant particulièrement abondant dans les rognons (13,5 %) comparativement aux autres abats tels la langue (4,5 %), le cœur (6,2 %) et le foie (7,2 %) (tableau V-A). Les acides gras monoinsaturés (AGMI) trans représentent une classe minoritaire des AGMI totaux des viandes. Leur proportion est comprise entre 1,5 et 2,5 % des AG totaux (tableau IV-A). Ils sont représentés principalement par le 16 : 1 ⌬9 trans (45-50 % des AGMI trans) et le 18 : 1 ⌬11 trans (acide vaccénique) (30-45 %) et secondairement par le 18 : 1 ⌬9 trans (13-18 %). Les AGMI trans, notamment l’acide vaccénique, sont plus abondants dans les viandes grasses (2,0 à 2,5 % des AG totaux) que maigres (1,5-2,0 %) (tableau IV-A). Dans les abats, les AGMI trans varient dans la même gamme de proportions que dans les viandes, soit de 1,45 % (rognons) à 2,3 % (joue) (tableau V-A). Ils sont 1S35


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viande et composition nutritionnelle dominés par le 16 : 1⌬9 trans (45-48 % des AGMI trans totaux) et secondairement par le 18 : 1 ⌬11 trans (2447 %), le 18 : 1 ⌬9 trans étant, là encore, très minoritaire (10-14 %) (tableau V-A). Acides gras polyinsaturés (AGPI) : un apport équilibré entre les acides gras des séries n-6 et n-3 (tableaux IV-B & V-B) Les AGPI à 18 carbones et 2 doubles liaisons cis sont représentés essentiellement par le 18 : 2n-6 cis, cis (acide linoléique) (1,2-4,5 % des AG totaux) accompagnés par quelques isomères minoritaires : 18 : 2 cis, trans, trans, cis et trans, trans (au total : 0,5 à 0,7 % des AG totaux des viandes). La proportion de 18 : 2n-6 cis, cis est plus élevée dans les viandes maigres tels le tende de tranche (3,5-4,5 % des AG totaux), la macreuse (3,2-4,2 %) et la bavette (2,4-3,6 %) que dans les viandes plus riches en lipides (paleron : 2,3-2,6 % ; faux-filet : 1,5-2,1) ou très riches en lipides (entrecôte : 1,4-1,9 % ; plat de côtes : 1,2-1,6). Ceci s’explique par la plus grande proportion de phospholipides dans les lipides des viandes maigres, fraction lipidique très riche en acide linoléique. Seule, la hampe, bien que très riche en lipides, possède une teneur en 18 : 2n-6 cis, cis relativement élevée (2,6-2,8 %) (tableau V-B). Dans les abats, la proportion de 18 : 2n-6 cis, cis (3,1 à 15,1 % des AG totaux) est beaucoup plus élevée et variable que dans les viandes. Elle est la plus élevée dans le cœur (13,1-15,1 %) et les rognons (14,7-15,1 %) pauvres en triglycérides, et donc proportionnellement plus riches en phospholipides, comparés au foie (6,4 %), et surtout la langue (3,1 %). Les 18 : 2 trans sont, comme dans les viandes, faiblement déposés dans les abats (0,50,7 %) avec une proportion plus élevée dans la langue (0,7-0,9 %) (tableau V-B). Les AGMI conjugués à 18 carbones ou CLA (Conjugated linoleic acids) sont des composés présents en proportions faibles. L’acide ruménique (9cis, 11 trans 18 : 2), synthétisé naturellement dans le rumen à partir de l’acide vaccénique (18 : 1 ⌬11 trans), représente la forme quasi-exclusive et bien quantifiable dans les acides gras totaux des viandes. Les différents isomères CLA cis, cis, CLA cis, trans et CLA trans, trans sont préférentiellement estérifiés dans les triglycérides, fraction lipidique dans laquelle ils peuvent être quantifiés [10, 11, 12]. Ils ne représentent guère plus de 10 % des CLA totaux. L’acide ruménique et ses isomères représentent un ensemble modeste (0,2-0,4 % des AG totaux) dans les viandes bovines comme généralement dans les autres produits issus des ruminants (lait, fromages). Leur plus grande abondance dans les triglycérides des tissus adipeux, sites de leur biosynthèse [13], explique qu’ils sont plus abondants dans les viandes riches en lipides (hampe, entrecôte, plat de côtes : 0,3 à 0,5 % des AG totaux) que dans les viandes maigres (tende de tranche et macreuse : 0,20,3 %) (tableau IV-B). Ces valeurs sont à rapprocher des valeurs de l’acide vaccénique (18 : 1 ⌬11 trans) qui est plus abondant dans les viandes les plus grasses que dans les viandes plus maigres. Dans les abats, la proportion en CLA totaux, majoritairement de l’acide ruménique, est comparable à celle mesurée dans les viandes (tableau V-B). Les AGPI à 18 carbones de la série n-3 sont représentés principalement par l’acide linolénique (18 : 3n-3), AGPI indispensable préférentiellement estérifié dans les phos1S36

pholipides des membranes cellulaires. Sa proportion dans les AG des viandes est modeste (0,3 à 0,9 % des AG totaux). Les valeurs les plus élevées sont mesurées dans les viandes maigres comme le tende de tranche (0,70,9 %) et la macreuse (0,6-0,8 %), les plus faibles dans les viandes grasses comme le plat de côtes (0,3-0,4 %), l’entrecôte (0,3-0,5 %) ou la hampe (0,5 %) (tableau IV-B). La consommation journalière de 100 g de viande bovine fournit donc en moyenne de 15 à 40 mg de 18 : 3n-3, ne couvrant environ que 0,75 à 2,0 % de l’ANC (2 g) [9] pour l’homme adulte et 0,94 à 2,5 % de l’ANC (1,6 g) pour la femme adulte. Le rapport 18 : 2 n-6/18 : 3n-3 des viandes bovines est relativement constant, compris entre 4,1 et 5,4 (tableau IV-B). Ce rapport répond bien aux besoins qualitatifs en ces deux AG pour l’homme dont l’ANC est de l’ordre de 5 pour l’homme ou la femme adulte [9]. Dans les abats, la proportion de 18 : 3n-3 est légèrement plus élevée que dans les viandes, comprise entre 0,5 % (foie) et 1,4 % (cœur) des AG totaux (tableau V-B). Le rapport 18 : 2 n-6/18 : 3n-3 des abats de bovins est, à la différence des viandes, beaucoup plus variable (de 4,1 à 20,9) et a des valeurs parfois très supérieures à la valeur de 5 recommandée dans les ANC (tableau V-B). Toutefois, 100 g d’abats fournissent 14 à 84 mg de 18 : 3n-3 couvrant (comme les viandes bovines) 0,75 à 4,2 % des ANC pour l’homme adulte et 0,94 et 5,25 % des ANC de la femme adulte [9]. Les AGPI à longue chaîne (AGPI LC) des séries n-6 et n-3 sont dans des proportions significatives, mais très variables tant pour de la série n-6 (0,4-3,1 % des AG totaux) que pour de la série n-3 (0,3-3,3 %). Ces acides gras sont localisés quasi-exclusivement dans les phospholipides des membranes. Les AGPI LC n-6 sont plus abondants dans les viandes maigres comme le tende de tranche (2,0-3,1 % des AG totaux) et la macreuse (2,0-2,6 %) que dans l’ensemble des autres viandes dont la teneur varie de 0,4 à 1,4 %. Qualitativement, les AGPI LC n-6 sont dominés par l’acide arachidonique (20 : 4 n-6) (55-64 % des AGPI LC n-6 totaux) et secondairement par le 20 : 3 n-6 (16-29 %) et le 22 : 4n-6 (13-16 %) (tableau IV-B). Les abats contiennent généralement des proportions d’AGPI LC n-6 élevées, mais elles sont très variables selon l’abat considéré. Si les valeurs sont proches de celles des viandes dans la langue (0,85 % des AG totaux), elles sont très largement supérieures dans le cœur (10 %) et surtout les rognons (17,5 %) et le foie (18 %), apportant principalement du 20 : 4 n-6 (8-13,5 %) et du 20 : 3 n-6 (3-7 % des AG totaux) (tableau V-B). Les proportions d’AGPI LC n-3 varient de façon analogue à celles des AGPI LC n-6 totaux dans les viandes (0,3-3,3 % des AG totaux) (tableau IV-B). L’AGPI LC n-3 dominant dans les viandes est le 22 : 5n-3 (DPA, 55-75 % des AGPI LC n-3) suivi par le 20 : 5n-3 (EPA, 15-26 % des AGPI LC n-3). Le 22 : 6n-3 (DHA) n’est présent qu’à l’état de traces (tableau V-A). Dans le cas des abats, la proportion en AGPI LC n-3 varie de la même façon que celle des AGPI LC n-6, rejoignant ainsi les mêmes observations émises sur les viandes. L’abat le moins riche en AGPI LC n-3 est la langue (1 %) comparé au cœur (6 %), aux rognons (10 %) et surtout au foie (16 %). Comme pour les viandes, les AGPI LC n-3 sont dominés par le 22 : 5n-3 (DPA, 4972 % des AGPI LC n-3 totaux) et très secondairement par le 20 : 5n-3 (EPA, 11-37 %). Le 22 : 6n-3 est Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


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viande et composition nutritionnelle Tableau IV-B. Composition en acides gras polyinsaturés des lipides des viandes issues de vaches de réforme de races Charolaise (1re valeur) et Holstein (2e valeur) (en % des acides gras totaux).

Acides gras (suite)

Fauxfilet

Entrecôte

Tende de tranche

Plat Paleron de côtes (sans os)

Macreuse

Bavette

Joue

Hampe

18:2n-6 trans trans

0,2/0,2

0,1/0,2

0,1/0,2

0,2/0,2

0,2/0,2

0,2/0,2

0,2/0,2

0,2/0,2

0,1/0,2

18:2n-6 trans cis

0,1/0,1

0,2/0,2

0,1/0,2

0,1/0,2

0,2/0,2

0,1/0,2

0,1/0,1

0,1/0,2

0,2/0,2

18:2n-6 cis trans

0,3/0,2

0,3/0,3

0,3/0,2

0,3/0,2

0,3/0,3

0,3/0,2

0,3/0,2

0,2/0,3

0,3/0,2

⌺ AGPI n-6 trans

0,6/0,5

0,6/0,7

0,5/0,5

0,6/0,6

0,6/0,7

0,6/0,6

0,5/0,5

0,5/0,7

0,5/0,6

18:2n-6 cis cis

2,1/1,5

1,9/1,4

4,5/3,5

1,6/1,2

2,6/2,3

4,2/3,2

3,6/2,4

5,8/5,8

2,6/2,8

18:3n-6

0,0/0,0

0,0/0,0

0,0/0,0

0,0/0,0

0,0/0,0

0,0/0,0

0,0/0,0

0,0/0,0

0,0/0,0

20:2n-6

0,0/0,0

0,0/0,0

0,1/0,1

0,0/0,0

0,1/0,0

0,1/0,0

0,1/0,0

0,1/0,1

0,1/0,0

20:3n-6

0,2/0,2

0,2/0,1

0,7/0,6

0,2/0,2

0,3/0,3

0,6/0,4

0,4/0,3

0,5/0,5

0,2/0,2

20:4n-6

0,4/0,5

0,4/0,2

2,0/1,7

0,5/0,4

0,7/0,8

1,6/1,3

0,7/0,7

2,3/2,0

0,7/0,9

22:4n-6

0,1/0,1

0,1/0,0

0,4/0,3

0,1/0,1

0,2/0,2

0,3/0,3

0,2/0,2

0,4/0,3

0,2/0,2

⌺ AGPI n-6 cis

2,9/2,3

2,6/1,8

7,6/6,1

1,4/1,2

3,9/3,6

4,5/5,2

5,0/3,5

9,1/8,6

3,7/4,2

⌺ AGPI n-6

3,5/2,8

3,3/2,4

8,1/6,6

3,0/2,4

4,5/4,3

7,3/5,7

5,5/4,0

9,6/9,3

4,3/4,7

18:3n-3

0,5/0,4

0,5/0,3

0,9/0,7

0,4/0,3

0,6/0,5

0,8/0,6

0,7/0,5

1,0/0,9

0,5/0,5

20:3n-3

0,3/0,0

0,0/0,0

0,2/0,1

0,0/0,0

0,1/0,0

0,1/0,1

0,0/0,0

0,0/0,0

0,1/0,1

20:4n-3

0,1/0,0

0,0/0,0

0,2/0,2

0,1/0,0

0,1/0,1

0,2/0,1

0,1/0,1

0,1/0,1

0,1/0,1

20:5n-3

0,2/0,2

0,1/0,1

0,8/0,7

0,1/0,1

0,2/0,2

0,5/0,4

0,3/0,2

0,4/0,4

0,2/0,3

22:5n-3

0,6/0,5

0,4/0,2

2,0/1,4

0,5/0,3

0,8/0,8

1,4/1,1

1,1/0,7

1,7/1,2

0,7/0,7

22:6n-3

0,0/0,0

0,0/0,0

0,2/0,1

0,0/0,0

0,0/0,0

0,1/0,0

0,1/0,0

0,2/0,1

0,1/0,0

⌺ AGPI LC n-3

1,3/0,7

0,5/0,3

3,3/2,4

0,8/0,5

1,2/1,1

2,4/1,9

1,6/1,1

2,5/1,8

1,1/1,2

⌺ AGPI n-3

1,8/1,0

1,0/0,6

4,3/3,1

1,1/0,8

1,8/1,6

3,2/2,5

2,3/1,6

3,5/2,7

1,6/1,7

9c,11t CLA

0,3/0,3

0,3/0,3

0,3/0,2

0,3/0,3

0,3/0,3

0,3/0,3

0,3/0,3

0,3/0,3

0,2/0,2

⌺ CLA

0,4/0,3

0,3/0,3

0,3/0,2

0,4/0,3

0,4/0,4

0,3/0,3

0,4/0,3

0,3/0,4

0,3/0,3

⌺ AGPI

5,6/4,1

4,6/3,4 12,7/10,0 4,5/3,5

6,7/6,2 10,8/8,5 8,2/6,0 13,5/12,4 6,2/6,7

Autres AG

0,5/0,3

0,1/0,1

0,6/0,3

0,2/0,1

0,3/0,3

0,7/0,3

0,3/0,3

0,6/0,4

0,3/0,2

Insaturés/saturés

1,0/1,0

0,8/0,8

1,0/1,0

0,9/0,9

1,0/1,1

1,0/1,0

1,0/1,0

1,0/1,0

0,7/0,8

AGPI/saturés

0,1/0,1

0,1/0,1

0,3/0,2

0,1/0,1

0,1/0,1

0,2/0,2

0,2/0,1

0,3/0,3

0,1/0,1

AGPI n-6/AGPI n-3

2,0/2,7

3,4/4,0

1,9/2,2

2,9/3,4

2,5/2,8

2,3/2,3

2,5/2,6

2,8/3,5

2,7/2,8

18:2n-6/18:3 n-3

4,3/4,3

4,1/4,2

4,7/5,4

4,1/4,3

4,2/5,0

5,2/5,4

4,9/5,0

5,6/6,4

4,9/5,5

présent dans tous les abats (4-13 %), sauf dans la langue (tableau V-B). Les AGPI LC totaux des viandes maigres (tende de tranche, macreuse, bavette) représentent 2,2 à 6,4 % des AG totaux, alors que ceux des viandes grasses (entrecôte, paleron et hampe) ne représentent que 0,7-3,0 % des AG totaux. Pour les abats, la proportion d’AGPI LC totaux est très variable, soit seulement 2 % pour la langue, alors qu’elle s’élève à 16 % dans le cœur, 27 % dans les rognons et 34 % dans le foie. Un apport journalier de 100 g de viande fournit en moyenne 60 à 200 mg d’AGPI LC totaux, ce qui représente 12 à 40 % de l’ANC (0,5 g/j, [9]), alors que les abats fournissent 220 à 1 000 mg, ce qui couvre 43 à 200 % des l’ANC de l’adulte. Dans le cas du DHA (22 : 6 n-3), 100 g de viande ne couvrent que 1 à 3,5 % de l’ANC (120 mg/j, [9]), alors que 100 g d’abats tels que les rognons et le foie, en apportant 16 et 59 mg de DHA, couvrent respectivement 13 et 49 % de l’ANC. Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

Conclusion La viande de bœuf recouvre un ensemble de morceaux de composition très variable. Certains paramètres sont liés au type métabolique des muscles (fer, fer héminique, B12), d’autres à la localisation anatomique du muscle (lipides, zinc). La viande est une bonne source de protéines, de fer, en particulier de fer héminique, très bien assimilé, de zinc et de vitamines B3 et B6. Elle est une source majeure de sélénium et de vitamine B12. Elle apporte une quantité variable de lipides riches en acides gras saturés et monoinsaturés. La majorité des muscles apporte moins de 10 % de lipides, une fois le gras visible éliminé pour les morceaux les plus gras. Elle reste une source importante d’acides gras polyinsaturés à chaîne longue des séries n-6 et n-3. Certains paramètres mesurés sur les 9 morceaux de cette étude pourront être facilement extrapolés aux autres morceaux parce qu’ils sont reliés au type métabolique des 1S37


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viande et composition nutritionnelle Tableau V-B. Composition en acides gras polyinsaturés des lipides des abats issus de vaches de réforme de races Charolaise (1re valeur) et Holstein (2e valeur) (en % des acides gras totaux).

Acides gras (suite)

Cœur

Foie

Rognons

18:2 n-6 trans trans

0,1/0,1

0,2/0,3

0,1/0,2

0,1/0,1

18:2 n-6 trans cis

0,2/0,3

0,2/0,3

0,1/0,3

0,1/0,2

18:2 n-6 cis trans

0,2/0,2

0,3/0,3

0,3/0,3

0,2/0,2

⌺ AGPI n-6 trans

0,5/0,6

0,7/0,9

0,5/0,7

0,5/0,5

18-2n-6 cis cis

13,1/15,1

3,0/3,1

6,3/6,4

15,0/14,7

18:3 n-6

0,1/0,1

0,0/0,0

0,3/0,4

0,1/0,1

20:2 n-6

0,1/0,1

0,0/0,0

0,3/0,3

0,6/0,4

20:3 n-6

1,5/1,8

0,2/0,2

6,8/6,8

2,7/2,6

20:4 n-6

6,8/7,7

0,5/0,5

7,8/7,8

13,5/13,4

22:4 n-6

0,6/0,7

0,2/0,1

3,2/2,6

0,9/0,8

⌺ AGPI n-6 cis

22,2/25,6

3,8/3,9

24,7/24,2

32,7/32,1

⌺ AGPI n-6

22,7/26,2

4,5/4,8

25,3/25,0

33,2/32,5

18:3 n-3

1,3/1,4

0,7/0,7

0,5/0,5

0,7/1,0

20:3 n-3

0,3/0,2

0,1/0,0

0,1/0,1

0,3/0,3

20:4 n-3

0,3/0,4

0,1/0,1

0,2/0,9

0,2/0,2

20:5 n-3

2,0/2,4

0,2/0,1

1,8/1,9

2,8/3,0

22:5 n-3

2,9/3,0

0,9/0,5

12,8/10,5

6,4/5,3

22:6 n-3

0,3/0,2

0,0/0,0

2,6/1,7

1,3/0,8

⌺ AGPI LC n-3

5,7/6,2

1,3/0,7

17,4/15,0

11,0/9,5

⌺ AGPI n-3

7,0/7,7

2,0/1,4

17,9/15,6

11,7/10,6

9c,11t CLA

0,2/0,2

0,3/0,4

0,2/0,1

0,2/0,2

⌺ CLA

0,2/0,2

0,3/0,4

0,5/0,7

0,4/0,5

⌺ AGPI

30,1/34,3

6,9/6,6

43,8/41,6

45,5/43,9

⌺ Autres AG

2,8/2,9

0,3/0,1

1,8/2,4

1,5/2,2

Insaturés/saturés

0,7/0,8

1,1/1,2

0,4/0,3

0,6/0,6

AGPI/saturés

0,8/1,0

0,2/0,2

1,1/1,0

1,3/1,3

AGPI n-6/AGPI n-3

3,3/3,5

2,3/3,5

1,4/1,7

2,8/3,1

18:2 n-6/18:3 n-3

10,3/11,2

4,1/4,7

12,0/12,6

20,9/14,5

muscles (fer, fer héminique, sélénium) ou à des critères facilement mesurables comme le rapport gras maigre du morceau. D’autres paramètres nécessiteront une approche de modélisation pour établir des équations de prédiction des paramètres de composition à partir de mesures simples. Les abats peuvent être des sources remarquables de certains nutriments (rein et foie : sélénium et B12 ; foie, rein et cœur : fer ; foie, cœur et rein : AGPI à CL).

Résumé Pour actualiser les données sur la valeur nutritionnelle des viandes bovines, 9 morceaux de viande et 4 abats ont été prélevés sur 16 vaches de réforme de races Charolaise et Holstein. Les analyses incluaient les teneurs en lipides, protéines, fer, fer héminique, zinc, sélénium et vitamine du groupe B ainsi que la composition en lipides et en acides gras. Les résultats montrent que : – la viande bovine contient de 26 à 31 % de protéines. La teneur moyenne en lipides des viandes est de 6 % avec 1S38

Langue

quelques morceaux maigres (2-4 %) et d’autres plus gras (7-9 %) ; – la viande est une source de fer (2,2-2,7 mg/100 g pour les morceaux de viande, 5-7 mg/100 g pour les abats), de fer héminique (55 à 75 % du fer total), zinc (2,5-7,0 mg/ 100 g) et de sélénium (10-14 µg/100 g) ; – elles apportent des quantités importantes de vitamines B, en particulier de B12 ; – la viande est riche en acides gras saturés (41-52 %) et monoinsaturés (37,5-46,6 %). Elle apporte des proportions d’acides gras polyinsaturés à chaîne longue significative (0,7 à 6,0 %). Mots-clés : Viande – Bœuf – Muscle – Abat - Valeur nutritionnelle – Lipides – Protéines – Acide gras – Fer – Zinc – Sélénium – Vitamines B.

Abstract To update the data on the nutritional value of beef meat, 9 cuts and 4 offals were analysed for their proCah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


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viande et composition nutritionnelle tein and lipid contents, lipid and fatty acid composition, total and heminic iron, zinc and selenium contents, and vitamin B-complex content. The results showed that: – beef meat contains 26-31% proteins. The average of lipid content is 6% with some lean meat cuts (2-4%) and some more fatty (7-9%); – beef meat is a source of iron (2.2-2.7 mg/100 g), mainly as heminic iron (65-75% total iron), zinc (2.57.0 g/100 g) and mainly selenium (10-14 µg/100 g); – beef meat supplies a significant amount of vitamin of B-complex: B3 : 4-6 mg/100 g; B6 0.15-0.50 mg/100 g et B12 1-7 µg/100 g. Kidney and liver are very rich in B12 (20 and 95 µg/100 g); – beef meat supplies a large proportion of saturated and monounsaturated fatty acids (41-52% and 37.546.6% respectively). However, it supplies a significant amount of long chain polyunsaturated fatty acids (0.7 to 6%).

[4]

[5] [6]

[7] [8] [9] [10]

Key-words: Beef meat – Muscle – Offal – Nutritional value – Lipid – Protein fatty acid – Iron – Zinc – Selenium – B-complex vitamins. [11]

Bibliographie [1] Office de l’élevage. La consommation des produits carnés, septembre 2006. http://www.office-elevage.fr/consommation/ consommation.htm [2] Hébel P. – Comportements et consommations alimentaires en France. Éditions Tec & Doc, Paris, 2007, 1-120. [3] Evrat-Georgel C. – Étude préalable sur la construction d’une table de composition nutritionnelle des produits carnés

Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

[12] [13]

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viande et composition nutritionnelle

QUALITÉ NUTRITIONNELLE DES PROTÉINES DE LA VIANDE Daniel TOMÉ

Introduction Les protéines alimentaires sont présentes dans les produits animaux et végétaux et représentent entre 10 et 20 % de l’apport énergétique. L’évaluation de la qualité de l’apport alimentaire en protéines a comme objectif de déterminer la capacité de cet apport à satisfaire les besoins métaboliques en se basant sur des critères quantitatifs et qualitatifs. Les protéines sont une composante indispensable de l’alimentation dont le rôle nutritionnel est de fournir des acides aminés, de l’azote et de l’énergie. La teneur en protéines des différentes sources alimentaires est assez variable, ce qui est à l’origine de différences dans les niveaux de consommation de protéines selon les régimes alimentaires. En dehors des aspects quantitatifs, des différences qualitatives existent aussi entre les différentes sources de protéines. Ces différences qualitatives proviennent principalement des différences de composition en acides aminés des protéines, et en particulier de leur teneur en acides aminés indispensables, facteurs limitants de la synthèse protéique. Selon les conceptions généralement admises, le rôle nutritionnel majeur des protéines alimentaires est en effet de fournir les substrats nécessaires à la synthèse des protéines et des différents composés azotés de l’organisme. Dans ce cadre, la synthèse protéique constitue, dans les conditions nutritionnelles habituelles des régimes alimentaires de l’homme, la part quantitativement la plus importante de l’utilisation des acides aminés issus des protéines alimentaires. Parallèlement, certains acides aminés sont aussi les précurseurs de composés azotés dont certains jouent un rôle physiologique déterminant.

Besoins et apports en azote et en protéines Les protéines étant la source d’azote largement majoritaire de l’alimentation, leur apport et leur métabolisme sont souvent rapportés à l’azote en se basant sur un facteur de

AgroParisTech, INRA UMR 914 Physiologie de la nutrition et du comportement alimentaire, 16, rue Claude-Bernard, 75005 Paris. Correspondance : Daniel Tomé, à l’adresse ci-dessus. Email : Daniel.Tome@inapg.inra.fr

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conversion usuellement pris égal à 6,25. Le choix de ce facteur de conversion provient de l’hypothèse selon laquelle la teneur en azote des protéines est de 16 %, dont l’inverse est 6,25. Cette valeur a été largement discutée et controversée. L’utilisation de facteurs de conversion spécifiques à chaque type de protéine est considérée comme plus adaptée pour l’analyse de la teneur en protéines des différents produits alimentaires (lait et produits laitiers 5,85 ; viandes, poissons, œuf 5,6 ; blé et légumineuses 5,4) [1]. Pour des raisons pratiques, le facteur de conversion de 6,25 est cependant très souvent utilisé. Le besoin en protéines est assimilé chez l’adulte à l’apport minimum en protéines de bonne qualité assurant un bilan azoté équilibré chez des sujets à l’équilibre énergétique et avec une activité physique modérée [2, 3]. Sur la base du bilan azoté, le besoin nutritionnel moyen en protéines a été établi, avec un niveau de preuves élevé, à 0,66 g/kg/j et un apport nutritionnel conseillé est établi à 0,83 g/kg/j [4]. Chez le jeune, une composante de croissance doit être ajoutée. La signification physiologique de cette mesure du bilan azoté a fait l’objet de nombreuses discussions et ses limites ont été largement soulignées. Cependant, en l’absence de consensus concernant d’autres marqueurs pertinents du besoin en protéines, elle reste l’approche de référence. Il est aussi généralement reconnu que les individus sont capables de s’adapter à des apports protéiques variables et largement supérieurs à l’apport de sécurité. Si la notion d’apport maximum tolérable en protéines est souvent évoquée, le niveau d’apport pour lequel un risque avéré apparaît et la nature précise de ce risque restent imprécis. Il est difficile, compte tenu de l’insuffisance de données disponibles, de définir une limite supérieure de sécurité pour l’apport protéique. Dans l’état actuel des connaissances, des apports entre 0,83 et 2,2 g/kg/j de protéines (soit de 10 à 27 % de l’apport énergétique chez des individus ayant des apports énergétiques moyens, c’est-à-dire de 33 g/kg/j) peuvent être considérés comme satisfaisants pour un individu adulte de moins de 60 ans non obèse, non sportif, ayant une fonction rénale normale et suivant un régime non restreint, alors que des apports compris entre 2,2 et 3,5 g/kg/j seront considérés comme élevés et des apports supérieurs à 3,5 g/kg/j très élevés. Ces valeurs de 2,2 et de 3,5 g/kg/j ont été déterminées à partir de la capacité maximale d’adaptation de l’uréogenèse chez l’adulte (pour un homme de 70 kg) [3]. D’une façon générale, les produits animaux, et en particulier les viandes, sont considérés comme une source imporCah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


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viande et composition nutritionnelle tante de protéines (tableau I). De ce fait, une alimentation riche en produits animaux, et en particulier en viande, est généralement associée à une consommation relativement élevée de protéines. Cette situation s’observe dans la plupart des pays développés pour lesquels les produits animaux représentent une part importante de l’apport énergétique. En ce qui concerne les consommations de protéines des adultes en France, les données de l’enquête INCA1 montrent que les protéines d’origine animale, en particulier celles provenant des viandes et des volailles, représentent de l’ordre de 65 % de l’apport en protéines. L’apport protéique moyen est en France pour les adultes de 1,4 g/kg/j (105 g/j pour les hommes, 82 g/j pour les femmes en moyenne) [3]. Exprimé en pourcentage de l’apport énergétique sans alcool (AESA), l’apport protéique moyen est d’environ 17 % de l’apport énergétique chez les adultes. Dans ces conditions, les adultes français auraient une consommation protéique supérieure à leur besoin individuel et inférieure à la valeur maximum de 2,2 g/kg/j qui définit des apports élevés. Ces valeurs sont comparables à celles des autres pays développés. Tableau I. Teneurs moyennes en protéines par famille d’aliments. Données du Ciqual [3].

Famille d’aliments

Teneur moyenne en protéines (g/100 g)

Produits animaux Volailles

28,17

Viandes

26,85

Fromages

20,41

Poissons et batraciens

19,13

Charcuteries et salaisons

16,26

Œufs et dérivés

12,35

Produits végétaux Graines oléagineuses et châtaigne

17,30

Légumes secs

9,02

Céréales et pâtes

7,81

Pommes de terre et apparentés

2,78

Légumes

1,83

Fruits

1,06

Composition en acides aminés des protéines de viande Selon les conceptions traditionnelles du besoin en protéines, les protéines alimentaires fournissent de l’azote et des acides aminés indispensables pour permettre la synthèse des protéines corporelles. À partir de la composition en acides aminés et de la biodisponibilité de ces derniers dans l’alimentation, il est donc théoriquement possible de prédire l’aptitude des protéines alimentaires et des régimes à satisfaire ou non les besoins pour la synthèse des protéines et des différents composés azotés de l’organisme. Les acides aminés utilisés pour la synthèse des protéines des organismes vivants sont au nombre de 20. D’autres acides aminés sont présents dans les tissus, mais ne sont Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

pas utilisés pour la synthèse protéique. Il est aussi établi que parmi les 20 acides aminés impliqués dans la séquence des protéines, neuf de ces acides aminés sont considérés comme indispensables chez l’homme, c’est-à-dire ceux que l’organisme n’est pas capable de synthétiser à une vitesse suffisante et qui doivent donc être fournis en quantité adéquate par l’alimentation. Ce sont l’histidine, l’isoleucine, la leucine, la lysine, les acides aminés soufrés (méthionine + cystéine), les acides aminés aromatiques (phénylalanine + tyrosine), le tryptophane et la valine. Ces neuf acides aminés indispensables représentent le premier facteur limitant de la synthèse des protéines corporelles [5]. Ce phénomène est à la base des approches utilisées pour déterminer la qualité de l’apport protéique. La composition en acides aminés des protéines alimentaires est ainsi considérée comme un paramètre déterminant de leur qualité par rapport à leur aptitude à assurer le bon fonctionnement de la synthèse des protéines et de divers composés azotés de l’organisme. La composition en protéines et en acides aminés de la viande dépend des protéines qui la constituent, c’est-àdire les protéines du muscle et celle des tissus conjonctifs associés [6] (tableau II). Les protéines majeures du muscle en tant que tel sont l’actine et la myosine. Il faut y ajouter les protéines du tissu conjonctif, collagène et élastine. Une différence importante entre les protéines musculaires et celles des tissus conjonctifs est une teneur plus élevée du muscle en acides aminés indispensables, et particulièrement la lysine, la leucine, l’isoleucine, et les acides aminés soufrés. Le tryptophane est totalement absent des protéines de tissus conjonctifs. À l’inverse, les protéines de tissus conjonctifs ont une teneur élevée en glycine, proline et hydroxyproline. La proportion entre protéines de muscle et protéines de tissus conjonctifs varie selon les types de viande et les traitements auxquels elles ont été soumises, ce qui entraîne des différences de composition en acides aminés. Peu de travaux récents portent sur le profil en acides aminés des aliments et il n’existe pas de table française de composition en acides aminés. Les données les plus complètes sont présentées dans la table de composition américaine publiée par le United States Department of Agriculture (USDA) [7]. Des exemples de composition en acides aminés de différents aliments sont présentés dans le tableau III. D’une façon générale, les protéines d’origine animale, et en particulier les viandes, sont riches en acides aminés indispensables. En comparaison, les céréales sont déficientes en lysine, et les protéines de légumineuses présentent généralement des valeurs plus faibles en acides aminés soufrés. En dehors de la lysine et des acides aminés soufrés, les acides aminés indispensables, qui peuvent présenter des teneurs plus limitées dans certaines protéines alimentaires, sont la thréonine et le tryptophane. La lysine est particulièrement importante comme premier facteur limitant de nombreux régimes alimentaires riches en protéines de céréales [8, 9]. Un intérêt particulier est aussi porté depuis quelques années aux acides aminés à chaîne ramifiée (leucine, isoleucine, valine), et en particulier à la leucine, qui serait un acide aminé signal jouant un rôle dans le contrôle de la synthèse protéique. Cet acide aminé est généralement présent à des teneurs élevées dans les protéines animales. Un intérêt concerne aussi les acides aminés soufrés, notamment la cystéine pour son rôle de précurseur du glutathion, élément important dans les défenses de l’organisme. 1S41


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viande et composition nutritionnelle Tableau II. Composition en acides amines d’un muscle type, des protéines musculaires (actine, myosine, tropomyosine) et des protéines de tissus conjonctifs (collagène, élastine) de bœuf (d’après [6]).

Muscle type

mg/g N Acide aspartique Thréonine Sérine Acide glutamique Proline Glycine Alanine Valine Méthionine Cystéine Total soufrés Isoleucine Leucine Tyrosine Phénylalanine Histidine Lysine Arginine Tryptophane Hydroxyproline Hydroxylysine EAA7 (%) EAA10 (%)

550 250 238 900 338 444 400 356 144 88 232 319 525 200 250 181 525 413 69 – – 38,3 48,9

Protéines musculaires Actine 671 483 365 875 314 268 365 306 260 76 336 523 515 419 303 171 436 462 123 – – 37,0 47,9

Myosine 721 338 259 1430 159 165 370 295 205 69 274 345 673 206 295 153 912 491 55 – – 38,1 42,2

Tissus conjonctifs

Tropomyosine Collagène 729 270 195 114 252 218 2000 616 36 715 55 1169 555 462 184 142 156 49 54 – 210 49 244 92 757 177 182 416 55 129 61 51 1152 185 467 471 – – 38,4 45,6

742 76 18,1 28,8

Élastine 57 57 44 120 661 1179 990 872 – – – 191 452 82 322 9 24 69 81 – 37,4 38,0

EAA7 (%) - isoleucine, leucine, lysine, méthionine, phénylalanine, thréonine, valine. EAA10 (%) - idem + tryptophane, histidine, arginine.

Tableau III. Exemples de composition en acides aminés de différents aliments selon U.S. Department of Agriculture, Agricultural Research Service. 2007 [7].

g pour 100g d’aliment Protéine* Tryptophane Thréonine Isoleucine Leucine Lysine Méthionine Cystéine Phénylalanine Tyrosine Valine Arginine Histidine Alanine Acide aspartique Acide glutamique Glycine Proline Sérine Hydroxyproline

Variétés de viande Variétés de viande Variétés de viande de bœuf de poulet de porc 29,08 0,368 1,215 1,352 2,670 2,247 0,759 0,526 1,515 1,128 1,761 1,735 0,879 1,627 2,694 3,652 1,627 1,343 1,265 0,046

21,97 0,251 0,896 1,092 1,609 1,707 0,573 0,306 0,878 0,711 1,071 1,343 0,635 1,239 1,894 3,542 1,359 1,169 0,816 –

17,28 0,227 0,885 0,861 1,602 1,728 0,516 0,294 0,871 0,637 0,894 1,403 0,683 1,088 1,746 3,005 0,958 0,787 0,755 –

Farine de soja

Farine de blé

37,80 0,502 1,500 1,675 2,812 2,298 0,466 0,556 1,802 1,306 1,724 2,679 0,931 1,627 4,342 6,689 1,597 2,020 2,002 –

13,70 0,212 0,395 0,508 0,926 0,378 0,212 0,317 0,646 0,400 0,618 0,642 0,317 0,487 0,703 4,325 0,552 1,422 0,646 –

* (n x 6,25).

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viande et composition nutritionnelle Profils de référence en acides aminés indispensables et qualité nutritionnelle des protéines

450 400

La teneur et la biodisponibilité des protéines et des acides aminés indispensables des régimes sont généralement considérées comme des déterminants majeurs de la qualité nutritionnelle de l’apport alimentaire protéique. De ce fait, la connaissance des différences et des variations de composition et de biodisponibilité en acides aminés représente la base de l’évaluation de la qualité nutritionnelle des protéines et de l’influence des traitements subis par une protéine sur cette qualité. Dans ces conditions, la priorité depuis les années 70 a été, pour les différents organismes nationaux et internationaux impliqués dans l’évaluation des besoins nutritionnels, la détermination des besoins de référence en acides aminés indispensables de l’homme comme données opérationnelles pour l’évaluation de la qualité de l’apport alimentaire en protéines. Les valeurs de besoins nutritionnels en acides aminés indispensables, initialement déterminés par la méthode du bilan azoté, ont par la suite été réévaluées sur la base de données établies par des méthodes isotopiques [10-13]. Ces estimations ne sont cependant à ce jour que partiellement consensuelles ou disponibles pour certains acides aminés indispensables (acides aminés aromatiques, isoleucine, histidine). Dans ces conditions, les besoins moyens pour chaque acide aminé indispensable, proposés dans les rapports récents [2, 3], sont reportés dans le tableau IV. À partir de ces données de besoin en acides aminés indispensables, il est possible de calculer un profil de référence de composition en acides aminés. Ce profil de référence est calculé en considérant que le besoin en chaque acide aminé indispensable doit être satisfait pour un apport en protéines correspondant au besoin nutritionnel moyen en protéines, soit 0,66 g/kg/j. Il est alors possible de comparer la composition des différentes sources de protéines à ce profil de référence (fig. 1). À partir de ces données, l’indice chimique est calculé comme le rapport entre la concentration de chaque acide aminé indispensable dans la protéine étudiée et la concentration du même acide aminé dans la protéine de référence. Cet indice représente la capacité des protéines et des régimes à satisfaire le

350 mg/g protein

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300 TAAA

250

BCAA SAA Threo

200

Try Lys

150 100 50 0 egg beef milk soya potato rice maizewheatassava yam K diet n diet attern p U India c TAAA : Total aromatic amino acids (Acides aminés aromatiques totaux) BCAA : Branched chain amino acids (Acides aminés à chaînes branchées) SAA : Sulfur amino acids (Acides aminés sulfurés) Threo : Thréosine Try : Tryptophane Lys : Lysine

Figure 1. Teneur en acides aminés indispensables dans des protéines et des régimes alimentaires en comparaison avec le profil de référence de l’adulte (d’après [2]).

besoin en acides aminés indispensables pour un apport en protéines correspondant au besoin nutritionnel moyen en protéines (tableau V). Une valeur supérieure ou égale à 100 % traduit la capacité d’une protéine à satisfaire le besoin nutritionnel correspondant. Une valeur inférieure à 100 % signifie que l’acide aminé correspondant est limitant. Selon cette approche, il apparaît que la viande et les protéines animales ne présentent pas d’acide aminé indispensable limitant. En conséquence, le régime occidental, riche en protéines d’origine animale, ne présente pas d’acide aminé limitant. À l’inverse, la lysine est limitante dans les céréales (blé, maïs, riz) et dans certains régimes tels que le régime indien, riche en céréales. Les acides aminés soufrés ne sont pas strictement limitants, mais sont à une valeur limitée dans le soja et plus largement dans les légumineuses.

Tableau IV. Besoins en acides amines indispensables de l’adulte et profils de référence en acides amines indispensables (d’après [2, 3]).

FAO/WHO/UNU 2007

AFSSA 2007

mg/kg/j

mg/g protéine*

mg/kg/j

mg/g protéine*

Histidine

10

15

11

17

Isoleucine

20

30

18

27

Leucine

39

59

39

59

Lysine

30

45

30

45

Méthionine + cystéine

15

22

15

23

Méthionine

10

16

-

-

Cystéine

4

6

-

-

Phénylalanine + tyrosine

25

38

27

41

Thréonine

15

23

16

25

4

6

4

6

Tryptophane Valine

26

39

18

27

Total

184

277

178

270

* Besoins en acides aminés de l’adulte/0,66 g/kg/j de protéines.

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viande et composition nutritionnelle Tableau V. Teneur en acides aminés indispensables de protéines exprimée en pourcentage du profil de référence FAO/WHO/UNU 2007 [3].

%

Œuf

Bœuf

Lait

Soja

Blé

Maïs

Riz

Lysine

139

203

158

144

57

58

86

140

87

Acides aminés soufrés

225

182

164

114

203

132

176

174

182

Tryptophane

293

213

417

217

217

117

224

211

293

Thréonine

223

202

191

191

127

157

153

177

143

Acides aminés ramifiés

168

144

151

136

122

177

146

143

132

Acides aminés aromatiques

301

275

271

281

306

314

305

311

317

Un aspect complémentaire concerne la biodisponibilité des acides aminés fournis par les protéines alimentaires. Ce paramètre est généralement assimilé à la digestibilité qui représente la proportion des protéines qui est absorbée. La signification des différentes formes de digestibilité et de leur mesure a été largement discutée, mais reste une question complexe [14]. Quelques valeurs de digestibilité de différentes sources protéiques sont reportées dans le tableau VI. Afin de prendre en compte ce paramètre, a été défini le PD-CAAS (Protein digestibility corrected amino-acid score) qui est la méthode de référence recommandée par la FAO pour évaluer la qualité des protéines [2, 15]. Cet indice est exprimé selon : PD-CAAS = indice chimique x digestibilité. Lorsque la valeur de PD-CAAS est supérieure ou égale à 100 % pour tous les aminés, on considère qu’il n’y a pas d’acide aminé limitant dans la protéine considérée. Si l’indice est inférieur à 100 % pour un ou plusieurs acides aminés, la valeur la plus faible est prise comme valeur d’indice. Il apparaît que la plupart des protéines animales, dont les protéines de la viande, ont un indice PD-CAAS de 100 %. La validité et les limites de cette approche, par rapport à des méthodes in vivo de mesure de la rétention de l’azote ont été discutées [16-19]. Tableau VI. Valeurs de digestibilité des protéines alimentaires chez l’homme [11].

Source protéique

Digestibilité vraie (%)

Œuf

97

Lait, fromage

95

Viande, poisson

94

Maïs

85

Riz poli

88

Blé, graine entière

86

Farine de blé

96

Farine de soja

86

Isolé de protéines de soja

95

Quels marqueurs pour la qualité des protéines ? Sur la base du critère de la couverture des besoins en azote et en acides aminés indispensables, les protéines de viande représentent une source alimentaire importante et de qualité nutritionnelle élevée. En conséquence, dans un régime constitué par une proportion importante de 1S44

Régime Régime occidental indien

protéines animales, et en particulier de protéines de viande, il n’y a pas de risque de carence en acides aminés indispensables. Les méthodes utilisées pour l’analyse de la qualité nutritionnelle des protéines reposent sur la capacité de l’apport protéique à fournir de l’azote et des acides aminés indispensables afin d’assurer un bilan azoté équilibré. À ce titre, les protéines de viande ont une valeur nutritionnelle élevée. Il n’y a pas aujourd’hui de consensus concernant d’autres marqueurs pertinents du besoin en protéines. Il est cependant probable que des marqueurs fonctionnels devront dans l’avenir être mis en œuvre. Divers résultats montrent en effet que la quantité et la nature des protéines dans un régime influencent diverses fonctions telles que la prise alimentaire, la composition corporelle, la santé osseuse, ou des marqueurs de risques de pathologies chroniques ou dégénératives avec des conséquences qui restent à mieux comprendre. La question se pose en particulier dans le cas de régimes relativement riches en protéines, et en protéines d’origine animale dont la viande. Dans le cas de ces régimes pour lesquels il n’y a pas de risque de carence en protéines et en acides aminés indispensables, d’autres critères de qualité de l’apport en protéines devraient être pris en compte. Dans ce cas, il s’avère nécessaire de rechercher comment les protéines interviennent dans les mécanismes liés par exemple à l’entretien de la masse maigre et de la masse musculaire, à l’adiposité et au tissu adipeux, à l’homéostasie du glucose et à la sensibilité à l’insuline, aux processus oxydatifs et inflammatoires, à la physiologie osseuse, au fonctionnement cardiovasculaire, ou aux fonctions immunitaires.

Résumé Les protéines alimentaires sont présentes dans les produits animaux et végétaux et représentent entre 10 et 20 % de l’apport énergétique. Sur la base du bilan azoté, un apport nutritionnel conseillé en protéines est établi à 0,83 g/kg/j. Une alimentation riche en produits animaux, et en particulier en viande, est généralement associée à une consommation relativement élevée de protéines assurant largement la couverture de ce besoin. À partir de la composition en acides aminés et de la biodisponibilité de ces derniers, il est aussi théoriquement possible de prédire l’aptitude des protéines alimentaires et des régimes à satisfaire ou non les besoins pour la synthèse des protéines et des différents composés azotés de l’organisme. D’une façon générale, les protéines d’origine animale, et en particulier les viandes, sont riches en acides aminés indispensables. Sur la base du critère de la couverture des besoins en azote et en acides aminés indispensables, les protéines Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


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viande et composition nutritionnelle de viande représentent une source alimentaire importante et de qualité nutritionnelle élevée. En conséquence, dans un régime constitué par une proportion importante de protéines animales, et en particulier de protéines de viande, il n’y a pas de risque de carence en acides aminés indispensables. Il n’y a pas aujourd’hui de consensus concernant d’autres marqueurs pertinents du besoin en protéines. Il est cependant probable que des marqueurs fonctionnels devront dans l’avenir être mis en œuvre. Mots-clés : Protéines animales – Acides aminés – Qualité nutritionnelle.

Abstract Protein is present in animal and plant products and constitute between 10% and 20% of energy supply. Protein requirement has been determined from nitrogen balance at a value of 0.83 g/kg/d in adult. An animal product-rich diet, particularly a diet rich in meat, is associated to a level of protein reaching nitrogen requirement. From amino acid composition and bioavailability the potential of dietary proteins to support body protein synthesis can be predicted. Animal proteins, and particularly meat protein, have a high level of indispensable amino acid. From nitrogen and indispensable amino acid requirements, meat protein represents a high quality source of protein. As a consequence, a diet rich in animal protein, and particularly a diet rich in meat protein, efficiently support nitrogen and indispensable amino acid requirements. There is no agreement at this time on other markers of protein requirement and protein quality. Functional markers will be probably proposed in the future. Key-words: Protein – Amino acids – Nutritionnal quality.

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viande et composition nutritionnelle

TENEUR ET BIODISPONIBILITÉ DU FER HÉMINIQUE ET NON HÉMINIQUE DANS LA VIANDE ET LES ABATS DE BŒUF : INFLUENCE DE LA CONSERVATION ET DE LA CUISSON Valérie SOUCHEYRE

Introduction La déficience en fer est un problème de santé publique dans le monde [1]. Dans les pays européens, cette déficience touche 10 à 40 % de la population féminine adolescente [2, 3]. Par conséquent, il est important de mieux connaître la quantité et la biodisponibilité de cet oligoélément apporté par les aliments. Dans l’organisme, 70 % du fer est sous forme héminique : il intervient dans la constitution de l’hémoglobine (pigment respiratoire des globules rouges qui assurent les échanges gazeux avec le milieu extérieur), de la myoglobine (forme de transport de l’oxygène du muscle) et de quelques enzymes [1]. La forme non héminique du fer représente 30 % du fer total. Il est localisé dans certaines enzymes et dans les protéines de transport (par la transferrine) et de stockage du fer (par la ferritine). Pour assurer ses fonctions, le fer est présent à hauteur de 4 g chez l’homme adulte et de 2,5 g chez la femme. Les apports nutritionnels conseillés (ANC) pour maintenir ce statut ont été évalués à 9 mg/jour chez l’homme et 16 mg/j chez la femme [4]. La contribution des aliments aux ANC en fer est très variable. Dans un régime occidental, les produits carnés sont la principale source de fer (30 à 35 % du fer total) et particulièrement les viandes rouges [1], suivis par les céréales (20 à 30 %), puis les fruits et légumes [5]. Essentiellement sous forme héminique, le fer contenu dans les produits carnés est mieux assimilé (15 à 25 % d’assimilation) que celui des produits végétaux et laitiers qui est sous forme non héminique (⬍ 5-10 % d’assimilation) [1, 2, 6]. Pour connaître la réelle valeur nutritionnelle des viandes, les teneurs en fer total et la proportion entre les formes héminique et non héminique doivent être considérées. Les données nutritionnelles actuellement disponibles sur la contribution des viandes et des produits tripiers de bœuf aux ANC en macro et micronutriments sont en cours de

ADIV, 10, rue Jacqueline-Auriol, ZAC du Parc Industriel des Gravanches, 63039 Clermont-Ferrand cedex 2. Correspondance : Valérie Soucheyre, à l’adresse ci-dessus. Email : valerie.soucheyre@adiv.fr

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réactualisation par l’INRA pour le Centre d’Information des Viandes (CIV) [7]. Il s’agit d’une étude portant sur des produits de bœuf à l’état cru et provenant d’animaux dont les conditions d’élevage sont connues et représentatives des pratiques françaises. Ces travaux, dont les résultats sont présentés en première partie de cet article, ont permis de quantifier les formes héminique et non héminique du fer dans 8 muscles et 5 produits tripiers. Pour le consommateur, il peut être intéressant de prendre en compte les données obtenues sur des viandes telles que consommées, c’est-à-dire obtenues après conditionnement et conservation jusqu’en fin de DLC et après cuisson. En effet, ces facteurs technologiques sont susceptibles de modifier les teneurs et les proportions relatives des formes du fer des viandes [5]. Ce point est discuté en seconde partie de cet article sur la base des résultats acquis par les travaux de l’ADIV [8] portant sur 2 viandes (faux-filet et macreuse). Le recensement des données bibliographiques montre aussi que la viande est une matrice alimentaire favorable à l’absorption et la biodisponibilité du fer. Ce « facteur viande » sera décrit en dernière partie.

Teneur et composition en fer des viandes et abats de bœuf à l’état cru Teneur en fer total La viande bovine est une source non négligeable de fer : 100 g de viande apportent entre 2,2 et 3,8 mg de fer, ce qui couvre entre 24 à 42 % des ANC chez l’homme adulte. Lombardi-Boccia et al [9] ont quantifié les teneurs en fer total de viandes crues de plusieurs espèces qui suivent le classement décroissant suivant : autruche (2,43 mg/100 g) ⬎ agneau (2,23 mg/100 g) ⬎ cheval (2,21 mg/100 g) ⬎ bœuf (2,09 mg/100 g) ⬎ veau (0,85 mg/100 g) ⬎ lapin (0,45 mg/100 g) ⬎ porc (0,42 mg/100 g). Ces différences entre espèces sont souvent étroitement liées à l’âge des animaux, car la concentration en fer dans les muscles augmente avec l’âge [10]. L’étude du CIV, qui prend en compte des facteurs liés à l’animal (désigné dans Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


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viande et composition nutritionnelle cet article par race) et le type de morceaux, montre que la teneur en fer total et héminique dépend du type de muscle (p ⬍ 0,0001), mais pas de la race (tableau I). La hampe est le muscle le plus riche en fer (3,7 mg/100 g), suivi de la bavette (3,3 mg/100 g), puis la macreuse, le tende de tranche et le paleron (en moyenne 2,7 mg/100 g de viande). L’entrecôte (partie musculaire), le faux-filet et le plat de côtes (partie musculaire) sont les morceaux les moins riches en fer (2,3 mg/100 g). Les abats de bœuf sont en moyenne deux fois plus riches en fer total que les muscles (tableaux I et II). Cent grammes de rognons apportent 7 mg de fer total, ce qui couvre 78 % des ANC. Le foie et le cœur en contiennent plus de 5 mg/100 g et couvrent 55 % des ANC. Le contenu en fer de la joue et la langue (3,2 et 2,3 mg/ 100 g, respectivement) est comparable à celui des muscles. La teneur en fer total des muscles et des abats des vaches de races Charolaise et Holstein ne sont pas significativement différentes (tableaux I et II). Tableau I. Teneurs moyennes en fer total de 8 muscles à l’état cru prélevés sur des vaches de réforme de deux races [7].

Muscles

Teneur en fer total mg/100 g Vaches Charolaises

Vaches Holstein

Faux-filet

2,38 ± 0,33 2,16 ± 0,59

Tende de tranche

2,74 ± 0,49 2,64 ± 0,56

Macreuse

2,72 ± 0,56 2,99 ± 0,47

Paleron

2,49 ± 0,49 2,51 ± 0,52

Hampe

3,59 ± 0,50 3,77 ± 0,56

Bavette

3,39 ± 0,59 3,21 ± 0,60

Entrecôte (dégraissée)

2,39 ± 0,52 2,62 ± 0,42

Plat de côtes (dégraissé et sans os)

2,30 ± 0,33 2,09 ± 0,56

Tableau II. Teneurs moyennes en fer total de 5 produits tripiers à l’état cru prélevés sur des vaches de réforme de deux races [7].

Produits tripiers

Teneur en fer total mg/100 g Vaches Charolaises

Vaches Holstein

Carpenter et Clark [9, 12]. La comparaison avec d’autres espèces réalisée par Lombardi-Boccia et al [9] démontre que la proportion de fer héminique dans la viande bovine est comparable à celle du veau, mais la viande de bœuf est nutritionnellement meilleure, puisqu’elle contient 2,5 fois plus de fer total. Quantitativement, la viande bovine contient autant de fer héminique que la viande de cheval et d’autruche [9]. Dans la viande de porc et de lapin, 60 % du fer est sous forme héminique, ce qui représente une teneur 5 fois plus faible que dans la viande de bœuf [9]. La proportion de fer héminique dans la viande de volaille (40 %) est la plus faible [11]. Il n’existe pas de différences significatives entre les types de muscle pour les proportions de fer héminique (70 % du fer total) et non héminique (30 % du fer total). Quantitativement, les différences de teneurs en fer héminique entre morceaux sont significatives (p ⬍ 0,0001) et suivent quasiment celles observées pour le fer total (tableau III). De telles différences entre morceaux ont déjà été observées sur la viande de bœuf, mais aussi de poulet, de dinde et de porc [9, 12]. Elles peuvent s’expliquer par l’orientation énergétique des muscles, les plus oxydatifs étant les plus riches en myoglobine et en hémoglobine et donc en fer, et les muscles glycolytiques étant les moins riches. L’effet du type de muscle explique 63 % de la variabilité des teneurs en fer héminique. La race explique 32 % de cette variabilité : un effet est obtenu pour les teneurs en fer héminique des muscles qu’elles soient exprimées en % du fer total (p = 0012) ou en mg/100 g (p = 0,0006) : la race Charolaise est caractérisée par des viandes 1,2 fois plus riches en fer héminique que la race Holstein (tableau I). La teneur en fer des abats est significativement (p ⬍ 0,0001) affectée par le type d’abats, la race et l’interaction entre race et type d’abats (tableau III). L’effet du Tableau III. Teneur en fer héminique (en % du fer total) de 8 muscles et 5 produits tripiers à l’état cru prélevés sur des vaches de réforme de deux races [7].

Fer héminique (en % du fer total) Vaches Charolaises

Vaches Holstein

Faux-filet

74,4 ± 9,2

65,0 ± 11,5

Tende de tranche

65,9 ± 7,9

62,4 ± 12,7

Macreuse

73,4 ± 12,1 63,1 ± 11,8

Muscles

Paleron

77,5 ± 11,9 74,7 ± 11,1

Joue

3,28 ± 0,45 3,08 ± 0,26

Hampe

69,0 ± 6,4

62,2 ± 7,3

Cœur

5,20 ± 0,31 5,08 ± 0,51

Bavette

71,8 ± 8,3

66,7 ± 10,8

Langue

2,26 ± 0,20 2,27 ± 0,35

Entrecôte (dégraissée)

79,1 ± 13,3 63,7 ± 15,0

Foie

5,75 ± 1,35 6,10 ± 0,55

70,3 ± 14,2

6,59 ± 1,49 7,48 ± 1,79

Plat de côtes (dégraissé et sans os)

69,3 ± 6,5

Rognons

Joue

64,9 ± 10,1

66,6 ± 8,2

Cœur

50,6 ± 3,5

46,3 ± 3,9

Langue

75 ,2 ±7,4

73,1 ± 6,1

Foie

53,6 ± 4,3

33,5 ± 8,6

Rognons

42,5 ± 4,3

24,9 ± 3,3

Produits tripiers

Proportion fer héminique et fer non héminique Environ 70 % du fer des viandes (hors abats) de bœuf est sous la forme héminique soit 1,9 mg/100 g (tableau III). Ce pourcentage est compris entre les valeurs de 62 % annoncées par Schricker et al [11] et les valeurs maximum de 90 % observées par Lombardi-Boccia et al et Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

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viande et composition nutritionnelle type d’abats explique 70 % de la variabilité des proportions en fer héminique. Cent grammes d’abats apportent entre 2,3 mg (langue) et 7,0 mg (rognons) de fer héminique.

Influence des traitements technologiques de conservation et de cuisson L’étude conduite par l’ADIV [8] a permis de déterminer les effets d’une conservation sous atmosphère modifiée (70 % O2, 30 % CO2) à 4 °C pendant 7 jours et ceux induits par la cuisson de deux types (glycolytique et oxydatif) de viandes (faux-filet et macreuse, respectivement) prélevés sur 16 animaux (8 Charolaises et 8 Holstein). Après 4 jours de conservation, les viandes ont été soumises à un traitement thermique : 1) le faux-filet tranché a été grillé (380 à 420 °C) sans ajout de matières grasses jusqu’à atteindre une température à cœur de 55 ± 5 °C ; 2) la macreuse tranchée a été poêlée avec ajout de 5 g d’huile d’arachide jusqu’à atteindre une température à cœur de 55 ± 5 °C ; 3) la macreuse cubée a été braisée (10 minutes à feu vif dans 30 g/kg de margarine, puis 80 °C pendant 2 h 15 avec 30 cl d’eau). La conservation de la macreuse et du faux-filet pendant 7 jours sous atmosphère modifiée n’induit aucune évolution des teneurs en fer total et des proportions entre fer héminique et non héminique (fig. 1). Cette observation s’applique quelle que soit la race et quel que soit le type de muscle. Le rendement de cuisson diminue avec la durée du traitement thermique. Ainsi, la cuisson de type braisé (2 h 15 min) entraîne un rendement de 47 %, alors que celle du type grillé ou poêlé entraîne respectivement un rendement de 84 % et 78 % pour des temps de cuisson moyens de 1 min 17 et 4 min, respectivement. La cuisson génère principalement une perte en eau de la

viande qui concentre la quantité de fer total, héminique et non héminique dans les viandes cuites [9]. Le taux de matières sèches augmente ainsi de 13 % pour le faux-filet grillé et de 24 et 78 % pour la macreuse poêlée et braisée. Afin de quantifier l’impact de la cuisson et le réel apport des viandes cuites en fer pour le consommateur, les teneurs sont exprimées pour 100 g de produits cuits. Dans le cas du faux-filet (tableau IV), la cuisson grillée n’induit aucune modification des teneurs en fer total et des deux formes de fer. Dans le cas de la macreuse (tableau V), 100 g de viande braisée apportent 4,7 mg de fer total, soit 1,8 fois plus Tableau IV. Évolution au cours de la cuisson grillée des teneurs en fer total, héminique et non héminique (en mg/100 g de viande crue ou cuite) du faux-filet [8].

Faux-filet cru

Faux-filet grillé

Fer total

2,00 ± 0,34 2,21 ± 0,26

Fer héminique

1,47 ± 0,24 1,73 ± 0,43

Fer non héminique

0,53 ± 0,32 0,48 ± 0,34

Tableau V. Évolution au cours des cuissons braisée et poêlée des teneurs en fer total, héminique et non héminique (en mg/100 g de viande crue ou cuite) de la macreuse [8].

Macreuse crue

Macreuse braisée

Macreuse poêlée

Fer total

2,69 ± 0,48 4,71 ± 0,82 3,14 ± 0,63

Fer héminique

1,96 ± 0,27 1,79 ± 0,20 2,22 ± 0,39

Fer non héminique 0,73 ± 0,51 2,92 ± 0,73 0,92 ± 0,53

4

3,5

Macreuse Holstein

{

3

Macreuse charolaise

{ Faux-filet Holstein

{ {

Faux-filet charolais

fer non héminique fer héminique

2

1,5

1

0,5

0 J1

J4

J7

J1

J4

J7

J1

J4

J7

J1

J4

J7

Durée de conservation en jours Figure 1. Évolution au cours de la conservation des teneurs en fer héminique et non héminique (en mg/100g) du faux-filet et de la macreuse issus de vaches de réforme de deux races [8]. 1S48

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viande et composition nutritionnelle que la même viande à l’état cru, du fait de la perte en eau (concentration). S’il n’y a pas de perte en fer total, on observe néanmoins une modification de la forme chimique, puisque le fer himnique ne représente plus que 38 % du fer total après la cuisson. Avec le mode de cuisson longue, type braisé, les pertes d’origine aqueuse entraînent la dissolution d’autres éléments tels que les protéines myofibrilaires, le collagène, les vitamines hydrosolubles. Dans ce jus de cuisson, le fer total est présent à une concentration de 1,44 mg/100 ml dont 52 % est sous forme héminique [8]. La perte de fer par les jus reste faible (⬍ 10 %) comme l’ont notifié Purchas et al [14]. Dans un premier temps, le traitement thermique des viandes favorise la conversion du fer soluble en fer insoluble, principalement pour le fer héminique. Les travaux de Purchas et al [14] montrent que le pourcentage de fer héminique sous forme soluble passe de 65 % dans le semitendinosus cru de bœuf à 22 % après une cuisson de 60 °C à cœur, et à moins de 5 % après une cuisson de 85 °C à cœur. Cette diminution se traduit par une augmentation de la proportion de fer héminique insoluble en raison de la dénaturation de la myoglobine par la chaleur [15]. Jusqu’à 65 °C, la température à cœur de la viande est relativement plus faible que celle obtenue en surface et la proportion de fer héminique soluble reste donc supérieure au cœur des viandes. Entre 60 et 65 °C, la proportion de fer héminique insoluble est équivalente entre le cœur et la surface des viandes cuites. Entre 70 et 85 °C, cette proportion est supérieure au cœur des viandes, car dans un second temps, le traitement thermique favorise la conversion du fer héminique en fer non héminique [1, 9, 12, 14, 16] et majoritairement en surface. Cette conversion est dépendante des couples temps/température appliquée aux morceaux de viande [9, 12, 17]. LombardiBoccia et al [9] ont démontré que la perte en fer héminique est plus faible dans le blanc de volaille cuit à la casserole avec un feu moyen (perte de 5 % en moyenne) que l’aile et la cuisse de volaille cuites au four à plus de 180 °C pendant 50 minutes (perte de environ 20 % et jusqu’à – 43 % pour l’aile de poulet). Dans le bœuf [9], cette perte est de 11 % en moyenne, plus faible dans le fauxfilet (perte de 3 %) et plus élevée dans la tranche (perte de 24 %). Cette conversion du fer héminique en forme non héminique dépend fortement de la température, c’est d’ailleurs pourquoi elle est très significative en surface des viandes cuites [14]. C’est le résultat du clivage oxydatif du noyau de porphyrine (l’hème) qui permet la décomplexation du fer ionique et son relargage sous forme libre [9, 11, 12]. Jusqu’à 55 °C, le taux de dénaturation de la myoglobine est très faible [9]. Au-delà de 55 °C et jusqu’à 80 °C, la dénaturation est de 70 % [9]. À ce stade, des agrégats protéiques peuvent se former et fixer le fer ferrique le rendant moins assimilable [2]. La libération du fer intervient seulement à des températures plus élevées de l’ordre de 80 à 120 °C [2, 9]. La variation du rapport fer héminique/fer non héminique est un indicateur de la dégradation du fer héminique et donc des changements de biodisponibilité du fer après cuisson [9, 16]. Ce ratio diminue dans la macreuse braisée (-– 77 %). Lombardi-Boccia et al [9] obtiennent une diminution de – 52 % en moyenne dans la viande bovine, de – 30 % dans la viande de cheval. Dans les viandes de veau, de lapin et de porc où la teneur en fer est faible, la cuisson n’a pas d’effet sur ce ratio. L’effet délétère de la cuisson sur la biodisponibilité du fer doit cependant être relativisé : la cuisson permet de dénaCah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

turer les protéines avant ingestion. Ainsi, au moment de la digestion dans le duodénum, l’accessibilité des protéines carnées aux enzymes protéolytiques intestinales (pepsine) est favorisée [2]. Les peptides formés fixent le fer et le rendent soluble. De plus, les produits de digestion des viandes cuites ont une capacité réductrice du fer ferrique (Fe3+) en fer ferreux (Fe2+) plus élevée que les produits de digestion des viandes crues [2].

Biodisponibilité du fer : le « facteur viande » La forme héminique du fer des produits carnés est beaucoup plus assimilable par l’organisme que la forme non héminique contenue dans les produits végétaux et laitiers [18]. De ce fait, une population végétarienne est caractérisée par une concentration plasmatique en ferritine 1,8 fois plus faible qu’une population omnivore [19]. Les compléments alimentaires riches en fer ont connu un essor ces dernières années, mais il s’agit d’apport en fer non héminique. Il existe un risque à cette consommation en raison de la faible biodisponibilité de ce fer. Le fer non absorbé reste dans la lumière intestinale et participe aux réactions de peroxydation (réaction de Fenton) qui génèrent des radicaux libres à l’origine de nombreux dommages tissulaires et fonctionnels [2, 20]. De plus, le fer libre en excès peut interférer négativement sur la biodisponibilité d’autres minéraux et oligoéléments tels que le zinc et le manganèse [21]. Le fer héminique est bien absorbé par les entérocytes de l’intestin grêle par un processus de captage qui n’est pas bloqué par les facteurs connus pour inhiber l’absorption du fer non héminique régulée par des mécanismes actifs et passifs [1, 16]. De plus, il n’y a pas d’interactions négatives avec les phytates et les fibres [1]. Il semble que le noyau héminique constitutif du fer héminique soit responsable du bon niveau d’absorption du fer [1, 22]. De plus, la digestion de la globine libère des peptides qui solubilise l’hème et le fer et favorise l’absorption de ce dernier [1, 23]. Plusieurs études ont démontré que la viande est une matrice alimentaire favorable à l’absorption et à la biodisponibilité du fer alimentaire héminique et non héminique [1, 16]. En présence de viande, le fer non héminique est 2 à 3 fois mieux absorbé [1, 22]. On désigne cet effet bénéfique par « facteur viande » [2, 16]. Deux hypothèses sont admises pour expliquer le rôle des protéines carnées sur l’absorption du fer. La première hypothèse consiste à dire que les produits issus de la digestion des viandes sont capables de chélater le fer dans l’intestin, ce qui évite sa précipitation [2, 24]. Toutefois, cet effet bénéfique est moins marqué lorsque la digestion partielle des protéines libère des peptides de haut poids moléculaire qui fixent le fer et inhibent le transport à travers la muqueuse intestinale [1]. La seconde hypothèse précise que les produits de la digestion des viandes réduisent le fer ferrique alimentaire (Fe3+) en fer ferreux (Fe2+) soluble et donc plus absorbable [2, 16, 24]. Les peptides riches en groupements thiols font partie des produits de digestion des protéines carnées qui chélatent le fer et possèdent des propriétés redox [2, 16, 24]. Ces groupements agissent à pH faible et empêchent la formation d’hydroxyde de fer insoluble [1]. Kapsokefalou et Miller [24] ont également attribué un rôle actif au glutathion, un peptide contenant des cystéines et issus de la dégradation digestive des protéines carnées. Ces groupements thiols sont particulièrement stables à la cuisson, car 1S49


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viande et composition nutritionnelle ils sont constitutifs des cystéines et des méthionines qui ne sont pas facilement oxydées par le traitement thermique [2, 25]. Le « facteur viande » est d’ailleurs principalement attribué à la fraction myofibrillaire de la viande et notamment la fraction des myosines lourdes, qui sont riches en groupements sulfhydriques [1]. La biodisponibilité du fer dépend également de la teneur en protéines de la ration. Cet effet dose-réponse a été observé in vitro par Sorensen et al [2] pour la viande de porc cuite à 120 °C digérée par de la pepsine ou non digérée. Dans le duodénum, l’augmentation de la concentration en protéines carnées de 25 à 50 mg/ml induit un doublement de la biodisponibilité du fer qui atteint 80 %. Cet effet est conservé avec une concentration de 100 mg de protéine/ml. Cet effet dose-réponse de la teneur en protéines carnées de porc a déjà été observé chez l’homme [26]. Il ne semble pas que cet effet soit spécifique d’un type de protéine et donc d’une espèce animale, puisque les mêmes observations ont été faites avec de la caséine [2]. La digestibilité des protéines carnées est un autre facteur modulateur de la biodisponibilité du fer après passage dans le duodénum. Cependant, dans le jéjunum où le pH est neutre, les peptides et les acides aminés libérés ne peuvent plus chélater le fer ferreux en une forme disponible [2]. Kapsokefalou et Miller [24] ont émis une 3e hypothèse pour expliquer les propriétés bénéfiques de la viande sur l’absorption du fer comme précédemment évoqué par d’autres auteurs. Il s’agit de l’interaction entre les fractions maigre et grasse de la viande qui auraient lieu dans la lumière intestinale. Les produits de dégradation de ces deux fractions interviendraient dans une suite d’événements permettant une meilleure absorption du fer : dans un premier temps, le fer serait réduit par les produits de digestion des protéines et, dans un second temps, ce fer serait complexé aux acides gras libres issus de la digestion des lipides. La nature lipophile des micelles ainsi formées permet au fer de traverser les membranes cellulaires plus facilement. Le rôle des lipides sur l’absorption des minéraux est variable selon les auteurs. Le calcium et le magnésium sous forme de savons d’acides gras sont peu absorbés, alors que les acides gras insaturés à chaîne longue favorisent le captage du zinc par la muqueuse intestinale et du fer ferreux par les globules rouges, l’acide oléique favorise le captage du fer ferreux en solution. La corrélation entre l’absorption du fer et la concentration en acides gras monoinsaturés a été démontrée sur une matrice de viande par Kapsokefalou et Miller [24].

Résumé La viande bovine tient une place importante dans la constitution d’un repas. D’après les dernières données obtenues, 100 g de viande cuite permettent de couvrir 25 à 42 % (selon les morceaux) des ANC en fer d’un homme adulte. La couverture de ces ANC peut atteindre jusqu’à 80 % lors de la consommation de 100 g d’abats (rognons). Avec 70 % de fer sous forme héminique, la viande est une source de fer facilement assimilée qui assure le maintien des réserves de l’organisme. La matrice carnée contribue à augmenter la biodisponibilité du fer non héminique présent notamment dans les végétaux. Plusieurs hypothèses ont été décrites pour expliquer ce « facteur viande ». La conservation des viandes sous atmosphère modifiée n’altère pas leur statut en fer. La cuisson a des effets 1S50

variables selon la température de chauffage et la durée de cuisson. Le traitement thermique tend à diminuer la biodisponibilité du fer, car il favorise la conversion du fer héminique en fer non héminique et la conversion du fer soluble en fer insoluble. Mots-clés : Bœuf – Fer héminque – Facteur viande – Biodisponibilité – Conditionnement – Cuisson.

Abstract Beef meat holds an important place in the constitution of a meal. The last results demonstrated that contribution of the different muscles to the iron recomandations was between 25 and 52% (per 100 g of cooked meat) and can increase up to 80% with consumption of offal (kidney). With 70% of iron as heme form, meat is a source of high disponibility of iron which maintain the reserves in human organism. Meat contributes to incease the biodisponibility of nonheme iron from vegetables. Several hypothesis have been described to explain this “meat factor”. Meat storage under modified atmosphere do not alter its iron status. Cooking meat had various effect according to the temperature and the lengh of the thermic treatment. Temperature tends to decrease the biodisponibility of iron since it favours conversion of heme iron to nonheme iron and conversion of soluble iron to insoluble iron. Keys-words: Bovine – Heme iron – Meat factor – Biodisponibility – Packaging – Cooking.

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viande et santé

ACIDES GRAS ALIMENTAIRES ET RISQUE CARDIO-VASCULAIRE Jean DALLONGEVILLE, Élise GRUSON, Luc DAUCHET

Introduction Les lipides alimentaires ont un rôle important dans le développement et la prévention de l’athérosclérose. Ces propriétés découlent en grande partie de leurs effets sur le métabolisme du LDL-cholestérol. Par ailleurs, des travaux récents ont mis en évidence des propriétés régulatrices du rythme cardiaque des acides gras n-3. Ainsi, en agissant à la fois sur les mécanismes de formation de la plaque d’athérome et sur les complications électriques des cardiopathies ischémiques, les lipides et les acides gras alimentaires ont-ils une place essentielle dans la prévention de la morbidité et mortalité coronaire. Dans cette revue, nous décrivons les effets des lipides alimentaires et des principales familles d’acides gras sur les facteurs de risque cardio-vasculaire. Nous poursuivons par l’évaluation de leurs effets sur la morbidité et la mortalité cardio-vasculaire dans les enquêtes de cohorte et les essais cliniques randomisés. Le rôle des lipides totaux et des familles d’acides gras est rapporté séparément.

d’autres lipides. Dès lors, l’expression des résultats des études cliniques et épidémiologiques n’a de sens que si elle est rapportée à un macronutriment ou acide gras de référence. Lipides plasmatiques Dans des conditions iso-énergétiques, une diminution des apports lipidiques totaux se traduit par une baisse des concentrations plasmatiques du LDL-cholestérol et du HDL-cholestérol et par une augmentation des triglycérides plasmatiques [1]. Cette dernière est attribuée à l’augmentation des apports glucidiques nécessaire pour maintenir les apports énergétiques stables [2]. En clinique, la baisse du HDL-cholestérol et l’augmentation des triglycérides peuvent être atténuées par la pratique d’une activité physique soutenue, par l’emploi de glucides complexes (fibres) pour compenser la baisse des lipides [3] ou par le contrôle concomitant du poids [4]. Obésité - Diabète

Facteurs de risque cardio-vasculaires Les triglycérides constituent les principaux lipides de l’alimentation. En France, les apports lipidiques alimentaires varient entre 50 et 100 grammes par jour selon l’âge, le sexe et la région de résidence. Les autres lipides (cholestérol et phospholipides) sont quantitativement inférieurs. Leurs propriétés ne sont pas examinées dans cette revue. L’étude des effets des lipides alimentaires sur la survenue de cardiopathies ischémiques est difficile en raison des interrelations possibles entre les macronutriments de l’alimentation. Ainsi, à apports énergétiques constants, un changement des apports lipidiques totaux s’accompagne nécessairement d’une variation réciproque des apports glucidiques ou protidiques. De même, à apports lipidiques constants, la modification qualitative du contenu lipidique s’accompagne nécessairement d’une variation réciproque

Service d’Épidémiologie et Santé Publique, INSERM 744, Institut Pasteur de Lille, 1, rue du Pr Calmette, 59019 Lille cedex. Correspondance : Jean Dallongeville, à l’adresse ci-dessus. Email : : jean.dallongeville@pasteur-lille.fr

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Dans les sociétés occidentales, les lipides sont la principale source calorique de l’alimentation ; à poids équivalent, ils apportent plus d’énergie que n’importe quel autre nutriment. L’excès d’apport calorique se traduit par l’accumulation de tissus adipeux aboutissant à la surcharge pondérale et à l’obésité. L’insulinorésistance qui accompagne l’excès de poids évolue à terme en diabète avec un risque accru de micro et macro-angiopathie vasculaires. À l’échelle de la population, les données épidémiologiques d’observation ne permettent pas d’établir de lien précis entre les apports lipidiques de l’alimentation et le risque de surcharge pondérale ou de diabète. Les données des essais cliniques d’intervention chez les obèses montrent au long cours une supériorité des régimes hypolipidiques visà-vis de la perte de poids (de l’ordre de 3 à 5 kg), comparativement à des régimes normolipidiques [5]. En accord avec ces observations, la consommation d’aliments de faible densité énergétique est associée à une diminution des apports caloriques quotidiens qui s’explique par le rôle rassasiant des aliments de faible densité calorique [6-8]. Ainsi, la consommation d’aliments de faible densité énergétique, en substitution d’aliments plus denses, pourrait contribuer à la diminution de la ration calorique quotidienne [9] et du poids [10, 11]. Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


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viande et santé Morbi-mortalité cardio-vasculaire

Les acides gras saturés

Plusieurs essais de prévention ont évalué les effets d’une diminution des apports lipidiques alimentaires sur la survenue d’événements cardio-vasculaires (tableau I). Les premiers n’ont pas montré d’effet de la baisse des apports lipidiques sur la survenue d’événements cardio-vasculaires, probablement en raison d’un manque de puissance statistique [12, 13]. Dans une étude récente (Women’s Health Initiative Randomized Controlled Dietary Modification Trial), 48 000 femmes américaines ont été randomisées en 2 groupes pour évaluer les effets de conseils diététiques visant à réduire les apports lipidiques à moins de 20 % des apports énergétiques totaux [14]. Au terme d’un suivi de 6 ans, les apports moyens de lipides étaient diminués de 8,3 %, comparativement au groupe témoin sans impact significatif sur les taux d’événements coronaires ou vasculaires cérébraux. L’ensemble de ces résultats suggère que la diminution des apports lipidiques alimentaires n’a pas d’impact majeur sur le risque cardio-vasculaire. Les effets favorables de la réduction calorique sur le poids corporel conduisent cependant la plupart des agences de santé publique à préconiser une limitation de la consommation de lipides alimentaires entre 20 et 35 % des apports énergétiques totaux.

Des études cliniques randomisées chez l’homme ont permis de définir les effets des grandes classes d’acides gras sur les facteurs de risque. Comparativement aux monoinsaturés et aux polyinsaturés, la consommation d’acides gras saturés est associée à une augmentation des niveaux de LDL-cholestérol [16]. Plus particulièrement, la consommation d’acides laurique (C12 : 0) et myristique (C14 : 0) est associée à une élévation du LDL-cholestérol plasmatique comparativement à l’acide palmitique [17-19]. En revanche, l’acide stéarique (C18 : 0) et l’acide oléique ont des effets similaires sur les niveaux de LDL-cholestérol (tableau II). En règle générale, les enquêtes épidémiologiques d’observation montrent une relation entre les apports d’acides gras saturés et le risque de cardiopathies ischémiques [15, 20, 21]. Plus précisément, la consommation d’acides gras saturés de 12 et 18 carbones est associée à un excès de risque, alors que l’ingestion d’acides gras plus courts (entre 4 à 10 carbones) ne semble pas liée au risque coronaire [18]. Les résultats de ces études doivent cependant être interprétés avec prudence en raison des limites des enquêtes alimentaires (imprécision des tables de composition chimique des aliments, difficultés de distinguer les effets propres des acides gras et des aliments...) et à leur caractère observationnel.

Composition des acides gras Les acides gras (AG) alimentaires se distinguent par la longueur de leur chaîne carbonée, par la présence de doubles liaisons (monoinsaturées et polyinsaturées) et par la conformation spatiale de ces dernières (cis ou trans). La place de la première double liaison, en 6e ou en 3e position à partir de l’extrémité méthyl distingue les acides gras polyinsaturés des familles n-6 et n-3 respectivement. Les effets des acides gras sur les facteurs de risque cardiovasculaire dépendent de leurs caractéristiques chimiques. Les premières études cliniques ont comparé les propriétés des principales familles d’acides gras (par exemple : saturés vs polyinsaturés) et ont montré des différences importantes sur les facteurs de risque cardio-vasculaire. Les études épidémiologiques mettent en relation les apports nutritionnels d’acides gras, estimés à partir d’enquête de consommation, et la survenue de maladies cardiovasculaires. Ces enquêtes présentent des limites méthodologiques, liées notamment à la complexité et à la variabilité de la composition chimique des aliments, ainsi qu’à la nécessité de disposer d’échantillons de très grande taille pour garantir une puissance statistique satisfaisante [15].

Les acides gras monoinsaturés L’acide oléique est le principal représentant des acides gras monoinsaturés alimentaires. Comparativement aux glucides et aux acides gras polyinsaturés, l’ingestion d’acides gras monoinsaturés s’accompagne d’une augmentation du ratio HDL sur LDL-cholestérol [20], d’une diminution des triglycérides et d’une augmentation du HDL-cholestérol [22]. Ces résultats indiquent des effets favorables de la consommation d’acides gras monoinsaturés sur le profil lipidique chez l’homme. Les résultats des études épidémiologiques de cohorte sont compatibles avec ces observations. En règle générale, ils montrent des taux d’événements coronaires plus bas chez les sujets qui ont un régime riche en acides gras monoinsaturés par rapport à ceux qui ont une alimentation riche en acides gras saturés [23-25]. À l’heure actuelle, aucun essai randomisé n’a encore évalué l’effet des acides gras monoinsaturés en prévention des événements cardio-

Tableau I. Essais de prévention des cardiopathies ischémiques avec des régimes hypolipidiques.

Changement (%) Nom de l’essai

Sujets

Durée (an)

MRC (Ball et al., 1965)

Infarctus du myocarde

3

–5

4

DART (Burr et al., 1989)

Hommes/ infarctus du myocarde

2

– 3,5

–9

Femme ménopausée

8

Cholestérol Cardiopathies ischémiques

Women’s Health Initiative Dietary Modification Trial (Howard et al., 2006)

Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

Non significatif Non significatif

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viande et santé Tableau II. Principaux acides gras et leurs effets sur les facteurs de risque cardio-vasculaire.

Propriétés Acides gras saturés Laurique Myristique Palmitique Stéarique

C12 C14 C16 C18

Acides gras monoinsaturés Palmitoléique Oléique

C16 :1 C18 :1 Diminue le LDL en substitution des AG saturés

Acides gras trans Elaïdique

C18 :1

Vaccénique

C18 :1

Acides gras polyinsaturés Linoléique Arachidonique Linoléique conjugué

C18 :2 AG essentiel. Diminue les LDL C20 :4 Précurseur des prostaglandines C18 :2

Alpha-linolénique Eïcosapentaénoïque Docosahexaénoïque

C18 :3 AG essentiel C20 :5 Diminue les triglycérides et rythmo-régulateur C22 :6

:0 Augmente le LDL, HDL et certains facteurs de l’hémostase :0 :0 :0 Neutre sur les lipides plasmatiques

Augmente le LDL comme les AG saturés et diminue le HDL comparativement aux AG saturés

vasculaires. Ainsi, les propriétés cardio-vasculaires favorables, attribuées aux acides gras monoinsaturés, reposent sur la mise en évidence de leurs effets sur le profil lipidique et sur des observations épidémiologiques. Les acides gras trans Les acides gras trans alimentaires proviennent des viandes, de certaines margarines et de plats préparés avec certaines huiles hydrogénées. Leur production résulte de la rumination pour les acides gras trans d’origine animale et de procédés d’hydrogénation industrielle mal maîtrisés pour les acides gras trans d’origine végétale [26]. L’acide vaccénique (t11-18 : 1) est le principal représentant des acides gras trans des viandes et des produits laitiers. L’acide élaïdique (t9-C18 : 1) est produit par l’hydrogénation des huiles végétales. Depuis plusieurs années, des efforts importants ont été réalisés en Europe pour réduire le contenu en acides gras trans des margarines et de l’alimentation. Comparativement à l’acide oléique, les acides gras trans augmentent le LDL-cholestérol et, à un moindre degré, diminuent le HDL-cholestérol [27]. À apport équivalent, l’effet des acides gras trans sur le LDL-cholestérol est plus marqué que celui des acides gras saturés [28]. Bien que plusieurs études aient rapporté des relations entre la consommation d’acides gras trans et le risque de diabète, ces résultats n’ont pas été confirmés dans les travaux plus récents [29]. En règle générale, les études épidémiologiques prospectives ont montré une relation entre la consommation d’acides gras trans et l’augmentation de la morbi-mortalité cardio-vasculaire en Europe et en Amérique du Nord [15, 25, 30-37]. Pour une augmentation d’apport équivalente, l’association entre les acides trans et le risque coronaire est plus marquée qu’avec les acides gras saturés. Les études récentes ont essayé d’analyser les effets propres des acides gras trans d’origine animale ou d’origine industrielle. Les résultats de ces études ne permettent pas de conclure clairement à une différence, notamment en 1S54

raison de difficultés liées à l’estimation des apports alimentaires d’acides gras trans d’origine animale ou végétale à partir d’enquêtes nutritionnelles sur des grands échantillons de population [38, 39]. De même, 2 études cliniques récentes chez l’homme n’ont pas mis en évidence de différence entre les effets des acides gras trans d’origine industrielle et animale sur le profil lipidique, ne permettant pas de conclure clairement. L’ensemble de ces résultats suggère que la consommation excessive d’acides gras trans a un effet délétère sur le risque cardio-vasculaire. D’autres études sont nécessaires pour évaluer l’impact des acides gras trans particuliers, notamment sur les principaux facteurs de risque cardio-vasculaire. Les acides gras polyinsaturés L’acide linoléique et l’acide alpha-linolénique sont les précurseurs et principaux représentants des familles d’acides gras n-6 et n-3. Leur métabolisme génère dans l’organisme des dérivées oxygénés (ex. : prostaglandines, éicosaénoïdes...) actifs sur l’hémodynamique vasculaire et l’hémostase. Comparativement aux acides gras saturés, la consommation d’acides gras polyinsaturés diminue les concentrations plasmatiques de LDL-cholestérol et, à un moindre degré, de HDL-cholestérol. Cet effet est particulièrement marqué pour les acides gras n-6. La consommation d’acides gras n-3 est par contre associée à une diminution des triglycérides plasmatiques et à une augmentation modeste du HDL et du LDL-cholestérol. En accord avec ces résultats, les études épidémiologiques prospectives montrent des taux de cardiopathies ischémiques généralement plus bas chez les sujets consommateurs d’acides gras polyinsaturés que chez les consommateurs d’acides gras saturés ou trans [15]. Plusieurs essais de prévention cardio-vasculaire ont mesuré les effets de la substitution d’acides gras saturés par des acides gras polyinsaturés (tableau III). Les premiers s’adressaient à des sujets sans antécédent coronaire (prévention primaire). Dans l’étude des hôpitaux psychiatriques finlandais, l’effet d’un régime riche en acides gras Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


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viande et santé Tableau III. Essais de prévention des cardiopathies ischémiques avec des régimes hypolipidiques.

Nom de l’essai

Sujets

Durée (an)

Changement (%) Cholestérol Cardiopathies ischémiques

Finnish Mental Hospital (Turpeinen et al., 1979)

Hommes

6

– 15

43

Minnessota Coronary Survey (Frantz, Jr et al. 1989)

Hommes/ Femmes

4,5

– 14

0

Los Angeles Veteran Study (Dayton et al., 1968)

Hommes

8

– 13

– 20

Oslo Diet-Heart Study (Leren, 1970)

Hommes/ infarctus du myocarde

5

– 14

– 25

MRC Trial (Report of a research Committee to the MRC, 1968)

Hommes/ infarctus du myocarde

4

– 16

– 12

saturés était comparé à un régime riche en acides gras polyinsaturés (essentiellement de l’huile de soja) pendant 6 ans. Au terme de l’essai, les taux d’événements coronaires étaient significativement inférieurs dans le groupe consommant le régime riche en acides gras polyinsaturés [40]. Par contre, dans la Minnessota Coronary Survey, l’intervention nutritionnelle avec les acides gras polyinsaturés n’a pas eu d’effet notable sur les événements cardiovasculaires [41, 42]. Trois essais portaient sur des patients coronariens (prévention secondaire). Dans l’étude des Vétérans de Los Angeles, les sujets étaient randomisés pour recevoir des plats préparés avec des huiles polyinsaturées (maïs, tournesol, soja et graine de coton) ou des plats préparés avec des lipides d’origine animale [43]. Les événements cardiovasculaires étaient réduits de 31 % chez les sujets consommant les huiles végétales comparativement au groupe témoin. Dans la Oslo Diet-Heart Study, l’effet d’un régime riche en acides gras polyinsaturés (essentiellement de l’huile de soja) était comparé à un régime enrichi en acides gras saturés [44]. Après 5 ans, les patients du groupe polyinsaturés présentaient moins de récidives que les sujets du groupe saturés. Enfin, dans l’étude du British Medical Research Council, 393 patients avec des antécédents d’infarctus du myocarde recevaient des suppléments d’huile de soja [45]. Au terme de 4 ans de suivi, les taux de récidives étaient un peu inférieurs dans le groupe polyinsaturés que dans le groupe témoin. L’ensemble de ces résultats suggère que l’adhésion à un régime riche en acides gras polyinsaturés s’accompagne d’un meilleur profil lipidique et d’un moindre risque de survenue ou de récidive d’événements cardio-vasculaires chez des patients coronariens comparativement à une alimentation enrichie en acides gras saturés. Acide gras n-3 La consommation d’huile de poisson et de supplément d’EPA et de DHA est associée à une diminution des niveaux de triglycérides et, à un moindre degré, à une réduction de la pression artérielle [46-48]. Ces effets sont directement proportionnels à la quantité d’acides gras ingérée. Les effets sur les autres facteurs de risque cardiovasculaire sont moins bien établis et les quantités habituellement consommées dans l’alimentation n’ont, en général, pas d’effets significatifs sur le profil de risque. Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

De nombreuses enquêtes épidémiologiques ont décrit les relations entre la consommation de poisson, d’acides gras n-3 ou d’EPA et de DHA et le risque coronaire. Généralement, ces travaux ont mis en évidence des taux moindres de cardiopathies ischémiques et/ou de morts subites chez les sujets qui rapportent une consommation régulière et fréquente de poisson ou d’acides gras n-3 à longues chaînes [49, 50]. De même, la consommation de poisson est associée à une diminution de l’incidence des accidents vasculaires cérébraux dans les enquêtes d’observation [51]. La relation entre la consommation d’acide alphalinolénique et la survenue d’accidents coronaires est moins bien établie [52]. Plusieurs essais de prévention ont évalué l’effet des huiles de poisson et des acides gras n-3 sur la survenue d’événements cardio-vasculaires. Dans JELIS, 18 645 patients hypercholestérolémiques bénéficiant d’un traitement par une statine [53] étaient randomisés pour recevoir ou non 1,8 g/j d’EPA [54]. Au terme de 4,6 années de suivi, une baisse de 19 % des événements coronaires majeurs était constatée. Trois essais de prévention secondaire ont évalué les effets des huiles de poisson sur les événements cardio-vasculaires fatals. Chez 3 114 patients angineux, l’intervention avec les acides gras n-3 n’a pas permis de réduire l’incidence des événements coronaires [55]. À l’inverse, les études DART [13] et GISSI [56] ont mis en évidence une diminution des événements fatals chez les coronariens consommant du poisson une à deux fois par semaine ou recevant un supplément d’EPA-DHA. L’ensemble de ces résultats suggère que la consommation d’acides gras n-3 à longues chaînes diminue la survenue des récidives fatales chez des patients coronariens et diminue probablement la survenue des événements coronaires fatals en prévention primaire. L’observation d’une dissociation entre les bénéfices coronaires et l’absence d’effet sur les facteurs de risque cardiovasculaire classiques dans les essais de prévention a conforté l’hypothèse du rôle des acides gras n-3 sur la régulation du rythme cardiaque [57]. Des essais randomisés ont évalué l’impact des acides gras à longue chaîne sur la régulation du rythme et de la conduction cardiaque. Ainsi, une métaanalyse a montré que la supplémentation par les huiles de poisson s’accompagne d’une diminution du rythme cardiaque, suggérant un effet des acides gras sur l’initiation du rythme sinusal [58]. En revanche, les études épidémiologiques d’observation ont montré des résultats équivoques sur la survenue de fibrillations auriculaires [59, 60]. De 1S55


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viande et santé même, l’analyse des essais randomisés n’a pas permis de conclure formellement sur le rôle des acides gras n-3 sur la variabilité du rythme cardiaque [61]. Enfin, les essais randomisés de prévention des extrasystoles ventriculaires chez des patients implantés avec des défibrillateurs n’ont pas démontré de bénéfice des acides gras n-3 [61-64]. Ainsi, les données des enquêtes épidémiologiques d’observation et des essais randomisés de prévention semblent indiquer un effet favorable de la consommation de faibles quantités d’acides gras n-3 à longues chaînes (EPA et DHA) sur le risque de décès coronaire. Les mécanismes précis de cette association doivent encore être précisés.

Résumé Notre connaissance des effets des lipides alimentaires sur le risque cardio-vasculaire provient d’abord d’études cliniques contrôlées sur les principaux facteurs de risque cardiovasculaires. Les résultats de ces travaux ont permis d’établir sans ambiguïté le rôle majeur des acides gras dans la régulation des principaux facteurs de risque, notamment des lipoprotéines. Les enquêtes épidémiologiques d’observation et des essais de prévention ont évalué leur impact sur la survenue d’événements cardio-vasculaires. Les résultats montrent que la composition des acides gras a un rôle important sur le risque de survenue d’événements cardiaques. La consommation d’acides gras polyinsaturés s’accompagne d’une baisse du LDL-cholestérol et d’une diminution des événements coronaires incidents et des récidives. À l’inverse, les formes saturées et trans sont associées à un excès de risque. Enfin, la consommation d’acides gras polyinsaturés à longue chaîne de la famille n-3 (EPA et DHA) s’accompagne d’une diminution du risque de mort subite, dans les enquêtes d’observation et les essais d’intervention nutritionnelle. Mots-clés : Lipide - Acides gras – Lipoprotéine - Facteur de risque cardio-vasculaire – Cardio-vasculaire.

Abstract Our understanding of the effects of the fatty acids on the cardiovascular risk comes from controlled clinical trials which analysed the effects of their consumption on the main cardiovascular risk factors. The results of these investigations allowed establishing without ambiguity the major role of fatty acids in the regulation of the main cardiovascular risk factors, notably on plasma lipoproteins. The epidemiological investigations and the prevention trials assessed the impact of fatty acids on cardiovascular mortality and morbidity. The results of these studies show that the fatty acids composition plays an important role on cardiovascular events. The consumption of polyunsaturated fatty acids is associated with a lowering of LDL-cholesterol and with a decrease of the coronary events and complications. Conversely, consumption of saturated fatty acids and trans fatty acids is associated with an excess of risk. Finally, consumption of the n-3 long chain polyunsaturated fatty acids (EPA and DHA) are associated with a decrease of the risk of sudden death, both in the observational studies and nutritional clinical trials. Key-words: Lipid – Fatty acids – Lipoprotein – Cardiovascular risk factor – Cardiovascular. 1S56

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LA CONSOMMATION DE VIANDE FAVORISE-T-ELLE LA SURVENUE D’UN DIABÈTE DE TYPE 2 ? Fernand LAMISSE

Introduction Il y a actuellement en France plus de deux millions de diabétiques de type 2 auxquels il faut ajouter environ 800 000 cas méconnus. L’augmentation de la maladie entre 1995 et 2002 a été de 38 % avec une croissance annuelle de 5,43 % [1]. Parmi les facteurs de risque qui tentent d’expliquer l’augmentation de l’incidence du diabète de type 2 en France et au niveau mondial, il faut essentiellement retenir la sédentarité et la progression de l’obésité chez l’adulte, mais aussi chez l’enfant [2]. Le rôle de certains aliments a aussi été évoqué dans la survenue du diabète de type 2 [35] et la responsabilité des viandes a fait l’objet de plusieurs publications ces 10 dernières années. L’objectif de notre travail est de faire le point sur ce sujet à partir des publications les plus récentes [6-9].

Relation entre la consommation de viande et la survenue du diabète de type 2 Nous avons procédé à l’analyse bibliographique de 4 études publiées entre 2002 et 2006. La première étude concernait 42 504 hommes âgés de 40 à 75 ans, suivis pendant 12 années [6] dont 1 321 ont développé un diabète de type 2 durant la période de suivi. Les consommations alimentaires incluaient, entre autres, les graisses saturées et les viandes transformées (bacon, hot-dog et saucisses). Lorsque l’on comparait la fréquence de consommation des viandes transformées réparties en 5 quintiles (le 1er quintile concerne une consommation de moins d’une fois par mois et le 5e quintile, 5 fois ou plus par semaine), le risque relatif (RR) de développer un diabète de type 2 était de 1,46 pour les patients du 5e quintile comparés à ceux du 1er quintile. Lorsqu’il s’agissait de viande rouge non transformée et de volailles, les plus gros consommateurs n’avaient pas de RR plus important de développer un diabète que les plus petits consommateurs (RR 1,05 pour la viande rouge, 1,12 pour la volaille) en dehors de la consommation de hamburgers (RR 1,27). Il

Maison du Diabète et de la Nutrition, 2, rue Jean-Baptiste-Greuze, 37200 Tours. Correspondance : Fernand Lamisse à l’adresse ci-dessus. Email : maisondudiabete-tours@wanadoo.fr

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en était de même pour l’agneau et le porc. Bien que les quantités totales de viandes consommées n’aient pas été précisées, les auteurs ont insisté sur le rôle que pourrait jouer la consommation trop fréquente de graisses totales, de graisses saturées et de viandes transformées (bacon, hot-dog et saucisses). Dans une seconde étude publiée en 2003, un diabète de type 2 a été rapporté chez 741 infirmières parmi les 91 246 suivies pendant 8 années et âgées de 26 à 46 ans. Le RR de survenue d’un diabète de type 2 était de 1,91 chez les femmes qui consommaient des viandes transformées (bacon, hot-dog et saucisses), cinq fois par semaine ou plus, par opposition à celles qui en consommaient moins d’une fois par semaine, et ceci en tenant compte de nombreux facteurs de confusion potentielle dont l’index de masse corporelle (IMC) et l’âge. Le RR le plus élevé apparaissait pour le bacon (1,71), les hot-dog (1,45) et les saucisses (1,32). Pour les viandes non transformées : viandes rouges (bœuf, agneau), ou le porc, le RR de survenue d’un diabète de type 2 était de 1,58 pour une consommation de plus de 5 fois par semaine comparée à moins d’une fois par semaine. Ce RR diminuait cependant après ajustement pour certains facteurs alimentaires tels que le magnésium, les fibres céréalières, l’index glycémique et la caféine. Il était alors de 1,26 et n’était plus significatif (p : 0,269). Pour une consommation de volailles 5 fois par semaine ou plus par opposition à moins d’une fois par semaine le RR était diminué à 0,78 (p ⬍ 0,017). L’étude européenne EPIC comporte une cohorte de 27 548 sujets âgés de 35-65 ans suivis entre 1994 et 1998. Les auteurs ont constaté l’apparition de 192 diabètes de type 2 qui ont été appariés à 382 sujets contrôles pour l’âge et le sexe [8]. Les 574 patients ont été soumis à un questionnaire de fréquence alimentaire portant sur la consommation de 148 aliments rangés en 48 groupes et ingérés dans les 12 derniers mois (tableau I). La taille des portions a été exprimée en grammes par jour. L’IMC et le tour de taille ont été calculés pour tous les patients. Dans le plasma, l’HbA1C, le HDL-cholestérol, la C-réactive protéine et l’adiponectine ont été dosés. Dans le groupe des 192 diabétiques, l’HbA11C et la CRP étaient plus élevées que chez les non-diabétiques, le HDL et l’adiponectine étaient plus bas. Cinq quintiles ont été constitués pour l’ensemble des 574. Dans le 1er, les consommations les plus élevées concernaient les viandes rouges, les volailles, les viandes transformées, mais aussi les œufs, les pommes de terre frites, le beurre, l’alcool, les fromages gras, les Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


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viande et santé Tableau I. Différences de consommation de 15 groupes d’aliments entre le 1er et le 5e et quintile [d’après Kristin Heidemann [8] avec son aimable autorisation].

Groupe d’aliments (g/j)

1er quintile

5e quintile

p

Viande rouge

65,4 ± 3,6

31,8 ± 1,7

⬍ 0,0001

Volailles

22,6 ± 2,0

8,37 ± 0,7

⬍ 0,0001

Viandes transformées

91,2 ± 3,6

42,0 ± 2,9

⬍ 0,0001

Poissons

28,7 ± 1,1

11,6 ± 0,9

0,08

Pizza

6,47 ± 0,97

4,33 ± 0,53

0,04

Légumes crus

48,2 ± 4,0

54,6 ± 3,5

0,77

Pommes de terre frites

21,3 ± 1,7

12,8 ± 1,4

⬍ 0,0001

Légumineuses

45,8 ± 3,1

20,2 ± 16

⬍ 0,0001

105 ± 7

204 ± 12

⬍ 0,0001

32,2 ± 4,4

54,0 ± 5,3

⬍ 0,0001

170 ± 7

102 ± 6

⬍ 0,0001

Beurre

13,6± 1,8

7,50 ± 0,94

0,0003

Fromages riches en graisses

32,8 ± 2,7

23,4 ± 2,2

0,001

Huiles végétales

3,65 ± 0,34

3,02 ± 0,26

0,02

Alcools

6,22 ± 1,35

1,41 ± 0,43

0,0008

Fruits frais Pain complet Pain en dehors pain complet

produits laitiers riches en graisses, les desserts (tableau I). Après ajustement pour de nombreux facteurs de confusion potentielle, les auteurs ont constaté un plus grand nombre de diabétiques dans le 1er quintile (54 vs 60 contrôles) comparé au 5e quintile (25 vs 90 contrôles). De même, dans le 1er quintile, l’HbA1C et la CRP étaient plus élevées, le HDL-cholestérol et l’adiponectine étaient plus bas. Si le modèle alimentaire du 1er quintile comparé au 5e comportait plus de viandes rouges et de viandes transformées, il comportait aussi plus de fromages, de graisses animales totales, moins de fruits, mais plus légumes et, de ce fait, il n’était pas possible d’attribuer aux seules viandes le RR plus important de développer un diabète de type 2. L’étude la plus récente a été publiée en octobre 2006. Elle concernait 70 609 femmes chinoises sans histoire de diabète de type 2 au moment du recrutement, âgées en moyenne de 52 ans et suivies pendant 4,6 années [9]. Les données de l’alimentation ont été évaluées par un questionnaire de fréquence. Le rôle de la consommation de viandes transformées ou non a été étudié dans la survenue du diabète de type 2. Cinq quintiles tenaient compte de la fréquence de consommation et des quantités ingérées en grammes par jour. Les ajustements ont été faits pour l’âge, les apports énergétiques totaux, l’IMC, le rapport taille/hanches, la consommation de légumes, le tabac et l’alcool, l’activité physique, le niveau d’éducation et les antécédents d’hypertension artérielle ou de maladie chronique. Un diabète de type 2 a été identifié chez 1 979 femmes. La consommation de viandes non transformées, en particulier les volailles, était associée à une diminution du RR de survenue d’un diabète de type 2. Dans le groupe où la consommation de viandes non transformées était la plus élevée (en dehors des volailles), si l’on tenait compte de l’IMC, le RR de survenue d’un diabète de type 2 était plus important chez les femmes obèses et diminuait chez les femmes minces. La consommation de viandes transformées était positivement corrélée au RR de survenue d’un diabète de type 2 (p = 0,04). Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

Comment les viandes pourraient-elles entraîner la survenue d’un diabète de type 2 ? Les nitrates et les nitrites, les graisses, les produits terminaux de glycation et le fer héminique des viandes sont parmi les hypothèses évoquées pour expliquer leur rôle dans la survenue d’un diabète de type 2. Les nitrites sont communément utilisés dans la conservation des viandes et les viandes transformées en sont une source majeure [6]. Certains conservateurs, additifs, ou autres agents chimiques peuvent aussi contenir des nitrates et des nitrites. Les nitrosamines, formées par interaction des nitrites avec les amines des viandes, sont, pour certaines d’entre elles, des toxines des cellules β des îlots de Langerhans [10]. Le rôle des produits terminaux de glycation avancée (« Advanced glycation end products ») a également été rapporté dans le développement d’un diabète de type 2 [11]. Les graisses animales et les viandes contiennent des quantités importantes d’ « Advanced glycation end products ». Ces derniers sont retrouvés dans certains produits transformés d’origine animale : saucisses de Francfort, bacon, poudres de blancs d’œufs. Chez des patients diabétiques, la diminution des « Advanced glycation end products » a conduit à une diminution des marqueurs de l’inflammation caractéristiques de la maladie vasculaire du diabète. Le rôle de la prise alimentaire de fer a également été évoqué dans une étude qui concernait 38 394 hommes de 40 à 75 ans dont 33 541 étaient des donneurs de sang. Ils ont été suivis pendant 12 ans. Un diabète de type 2 est apparu chez 1 168 sujets. Après ajustement pour l’âge et l’IMC, il n’y a pas eu de relation établie entre la prise totale de fer et le risque de survenue d’un diabète. Il n’a pas été davantage possible d’établir un lien entre le fer héminique de la viande rouge et l’augmentation du risque de diabète de type 2 [12]. 1S59


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viande et santé Conclusion Trois des 4 études rapportées entre 2002 et 2006 ont constaté une relation entre la survenue d’un diabète de type 2 et la fréquence de consommation des viandes seulement lorsqu’elles étaient transformées. Les hypothèses retenues pour tenter d’expliquer cette relation ont été les nitrosamines et la formation de produits terminaux de glycation avancée. Aucune de ces 2 hypothèses n’emporte la conviction. Les viandes transformées (saucisses, pâtés, plats cuisinés et conserves de viande) sont, pour la plupart, riches en graisses et, malgré des résultats contradictoires, il n’est pas interdit de penser qu’une consommation excessive participe à la prise de poids, l’insulinorésistance et la survenue du diabète de type 2.

Résumé Le but de ce travail est d’évaluer les relations éventuelles entre la consommation de viande et la survenue d’un diabète de type 2 à partir de 4 travaux récents publiés entre 2002 et 2006. Dans l’étude de 2002, une consommation fréquente de viandes transformées augmente le risque de survenue d’un diabète de type 2, de même que la consommation de graisses totales et de graisses saturées. Toutefois, cette dernière association doit prendre en compte l’IMC. Dans la 2e étude, une consommation élevée de viande rouge, spécialement sous forme transformée, peut augmenter le risque de survenue d’un diabète de type 2. Dans l’étude prospective EPIC, le risque de survenue d’un diabète de type 2 est associé au score alimentaire riche en boissons caloriques et sucrées, en bière, viande rouge, volailles, viandes transformées, légumineuses et pain. Ces résultats sont indépendants de l’IMC et du rapport taille sur hanches. Dans l’étude la plus récente, la consommation de viande transformée était positivement associée au risque de diabète de type 2. Il en était de même pour les viandes non transformées chez les obèses. La plupart de ces études suggèrent que certains composants des viandes transformées pourraient intervenir dans la survenue d’un diabète de type 2. Parmi ces composants, elles citent les nitrosamines potentiellement toxiques pour les cellules β-pancréatiques. Il en serait de même des produits terminaux de glycation avancée (AGE s). Le rôle du fer corporel et du fer héminique a aussi été envisagé dans la survenue d’un diabète de type 2, mais aucune certitude n’a pu être établie. Mots-clés : Diabète de type 2 – Consommation de viande.

Abstract The aim of our study was to assess the relation between meat and incidence of type 2 diabetes, from four recently published epidemiological prospective studies. In the first study, total and saturated fat intake were associated with a higher risk of type 2 diabetes but these associations were not independent of BMI. Frequent consumption of processed meats may increase risk of type 2 diabetes. In the second study, a higher consumption of various processed meats may increase risk of developing type 2 diabetes. In the EPIC-Potsdam study, a dietary pattern score with a high intake of red meat, poultry, processed meat, 1S60

legumes end bread, was prospectively associated with a substantially higher risk of type 2 diabetes, independently of BMI and WHR. In the fourth study, processed meat intake was positively associated with the risk of type 2 diabetes and there was an indication that the effect of unprocessed meat intake on type 2 diabetes may be modified by BMI. Most of these studies indicate that components of processed meats, other than fatty acids and cholesterol might be relevant in the development of type 2 diabetes. Processed meats may include nitrites, nitrates and heterocyclic amines formed during cooking. Nitrosamines may be toxic to pancreatic cells. In addition advanced glycation end-products formed in meat and high fat products through processing have been associated with diabetes complications in humans. There is no evidence that total iron intake or heme-iron intake are related independently to the risk of type 2 diabetes. Key-words: Type 2 diabetes – Meat intake.

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CONSOMMATION DE VIANDE ET RISQUE DE CANCER : BILAN CRITIQUE DES ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES ET EXPÉRIMENTALES Fabrice PIERRE, Raphaëlle SANTARELLI, Denis E CORPET

Introduction L’effet de la consommation de viande sur le risque de cancer est un sujet fort controversé [1], que des données épidémiologiques et expérimentales nouvelles sont venues éclairer en partie, comme le montre la brève revue ci-dessous.

Cancer colorectal, études épidémiologiques Au niveau international, on peut établir des corrélations entre la mortalité par cancer avec le type d’alimentation. Ainsi, l’incidence des cancers du côlon et du rectum est élevée en Australie, Nouvelle-Zélande et aux États-Unis où l’on consomme beaucoup de viande rouge ; à l’inverse, ces cancers sont peu fréquents en Afrique et en Asie où l’on consomme peu de viande [2]. Ces corrélations suggèrent des hypothèses, qui doivent être vérifiées au niveau des individus, surtout que certains pays sont très discordants (Argentine, Paraguay). Plus de 50 publications rapportent l’association entre la consommation de viandes par les individus et le risque de cancer colorectal : ce sont des études cas-témoin (rétrospectives), ou des études de cohorte (prospectives). Les études cas-témoin comparent, en les interrogeant sur leur consommation alimentaire passée, les réponses de quelques centaines de patients atteints d’un cancer à celles de témoins non cancéreux, aussi bien appariés que possible. La mesure de la consommation alimentaire passée est très imprécise, et il est difficile d’éviter que la maladie ne modifie les souvenirs, biaisant en cela la comparaison des cas et des témoins. Par ailleurs, des résultats changent en fonction du choix des témoins, ce qui fait douter de la validité des résultats des études rétrospectives. Les études de cohorte sont beaucoup plus longues et coûteuses, mais elles évitent ces problèmes : plusieurs dizaines de milliers de gens bienportants sont interrogés sur leur consommation alimentaire

Équipe Aliments & Cancer, UMR1089 INRA-ENVT Xénobiotiques, 23, Ch. Capelles, École Nationale Vétérinaire, 31076 Toulouse. Correspondance : Denis E Corpet à l’adresse ci-dessus. Email : d.corpet@envt.fr

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actuelle. La cohorte est alors suivie pendant au moins 15 ans, pour enregistrer l’incidence des maladies qui adviennent. On peut alors chercher le lien statistique entre une maladie et les aliments consommés 15 ans plus tôt. Les résultats sont assez divers, mais une étude castémoins sur trois, et une étude de cohorte sur cinq, montre un lien significatif entre le risque de cancer colorectal et la consommation de viande rouge [3]. Ces études montrent aussi, dans les mêmes proportions (respectivement 1/3 et 1/5), une augmentation de risque chez les gros consommateurs de charcuteries (processed meat). Peu convaincants, ces résultats conduisaient cependant en 1997, le comité AICR/WCRF à conseiller de limiter à 80 g/j la consommation de viande rouge, “if eaten at all” [2]. Dans leur second rapport, le comité AICR/WCRF recommande en 2007 de limiter la consommation de viande rouge à moins de 300 g par semaine (objectif de santé publique) ou moins de 500 g par semaine (recommandations à ceux qui mangent de la viande), une part nulle ou très limitée venant des viandes transformées [4]. Afin de quantifier le risque associé à la consommation de viandes, l’ensemble des études épidémiologiques a été regroupé depuis dans deux méta-analyses majeures. Une méta-analyse consiste à regrouper par l’analyse statistique l’ensemble des résultats de toutes les études précédentes, en excluant celles dont la qualité est jugée insuffisante : le résultat correspond, en théorie, à ce qu’aurait donné une étude unique incluant tous les sujets des études précédentes. Le très grand nombre de sujets inclus dans l’analyse peut permettre de montrer qu’un risque relatif peu différent de l’unité est significatif, ou d’étudier des sousgroupes dont l’effectif est habituellement trop petit. La méta-analyse de Norat et al (2002) regroupe 23 études prospectives et rétrospectives, sélectionnées parmi 48 études sur des critères de qualité préétablis [5]. En décembre 2006, Larsson et al ont publié une méta-analyse de 18 études prospectives sélectionnées parmi 23, regroupant au total plus d’un million de participants. Les deux méta-analyses sont assez indépendantes, puisque les sujets déjà inclus dans l’étude de Norat ne représentent que 15 % de ceux de l’étude de Larsson [6]. Ces deux méta-analyses prennent en compte l’ensemble des études précédentes. Elles apportent des conclusions globales et cohérentes pour les différents types de viande : viande totale, viande rouge, charcuteries, volailles. 1S61


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viande et santé Un point délicat porte sur la définition de la viande rouge, qui n’est pas exactement la même selon les études. En général, mais pas toujours, les viandes de bœuf, de veau, de mouton, de porc, et les abats, sont regroupées dans la catégorie « viande rouge ». Cette catégorisation ne correspond pas la définition française de la viande rouge qui comprend uniquement le bœuf, l’agneau et la viande chevaline. Les méta-analyses ne peuvent pas donner plus de précision que les études primaires qu’elles regroupent, ce qui exclut la possibilité d’identifier l’effet d’un type précis de viande. Certaines études distinguent viandes « fraîches » et viandes « transformées » (ici nommées « charcuteries ») : ces deux catégories sont reprises dans les méta-analyses et rapportées ici. Voici donc les principaux résultats des méta-analyses : – La consommation totale de viande n’est pas associée au risque de cancer colorectal [5]. – Une consommation élevée de viande « rouge » est associée à une augmentation modérée du risque, dans les deux méta-analyses, selon les valeurs rapportées ci-dessous. • Dans l’étude de Norat [5], le risque relatif (RR) d’avoir un cancer colorectal est 1,35 pour le quart des gens qui consomme le plus de viande rouge (charcuteries comprises). L’intervalle de confiance à 95 % (IC 95 %) va de 1,21 à 1,51, le risque est donc significatif (la valeur « un » n’est pas comprise entre les bornes de l’IC 95 %). L’excès de risque associé à la consommation de 120 g/j de viande rouge fraîche (charcuterie exclue) est significatif, mais moindre que quand les charcuteries sont comptées dans les viandes rouges (+ 19 % au lieu de + 35 %) [5]. • Dans l’étude de Larsson [6], le RR de cancer colorectal est 1,28 (IC 95 % 1,15-1,42) pour la catégorie de gens qui consomme le plus de viande rouge (charcuteries comprises). La consommation de viande rouge fraîche (charcuteries exclues) est rapportée dans 9 études sur les 15, et le RR associé est 1,22, ce qui est significatif aussi [6]. L’excès de risque associé à la consommation de 120 g/j de viande rouge est + 28 %. L’analyse de Larsson est moins fouillée que celle de Norat : la relation entre la dose ingérée et le RR n’a pas été calculée pour les viandes rouges fraîches, et certains points restent obscurs (par ex., les catégories). Ces réserves, comme celles que l’on peut faire sur certaines faiblesses des études épidémiologiques originales, ne remettent cependant pas en cause les résultats [6]. – La consommation de charcuteries et de salaisons (processed meat) est associée au risque de cancer colorectal : les RR globaux sont 1,31 (IC 95 % 1,13-1,51) et 1,20 (IC 95 % 1,11-1,31) dans les deux études précitées [5, 6]. Par gramme consommé, les charcuteries semblent six fois plus « promotrices » que la viande rouge fraîche dans l’étude de Norat, et deux fois plus dans celle de Larsson. – La consommation de volailles n’est pas associée au risque de cancer (RR = 1,01 ; IC 95 % 0,90-1,13), et une consommation élevée de poisson apporte une protection significative (RR = 0,85 ; IC 95 % 0,75-0,98). – Le mode de cuisson des viandes et la génétique individuelle ne sont pas pris en compte dans les méta-analyses précitées, malgré le grand nombre d’études ayant abordé ces questions. Pourtant, des produits cancérigènes se forment dans la viande portée à plus de 100 °C ou cuite sur flamme nue (cf. ci-dessous). Le métabolisme de ces cancérigènes est plus ou moins rapide selon les individus, en fonction de leur génotype pour les cytochromes p450 et les N-acétyltransférases. On doit donc considérer que les résultats cidessus concernent l’ensemble des viandes consommées, et l’ensemble des consommateurs, dans les conditions réelles. 1S62

Norat et al ont aussi calculé la proportion de cancers attribuable à la consommation de viande dans différents pays, sous l’hypothèse qu’il y ait effectivement un lien de cause à effet entre viande et cancer. Leur calcul suggère que 25 % des cancers colorectaux seraient attribuables aux 168 g de viande rouge que mangent en moyenne les Argentins chaque jour. Ils proposent donc de réduire la consommation de viande rouge, le risque devenant quasinul pour moins de 70 g/semaine [5]. Ces méta-analyses montrent que la consommation de viande rouge et de charcuteries est associée à une augmentation modérée du risque de cancer colorectal. Il n’est cependant pas étonnant qu’une majorité d’études épidémiologiques ne trouve pas un risque significatif. En effet, pour un risque relatif « réel » légèrement supérieur à un, les risques obtenus dans les études de petite taille seront généralement non significatifs. Les études épidémiologiques prises dans leur ensemble suggèrent donc que la consommation de viande rouge et de charcuterie a un effet promoteur, modeste, mais réel. Les études expérimentales sur les animaux confirmentelles cet effet, et permettent-elles d’expliquer comment la consommation d’une quantité importante de viandes pourrait promouvoir le cancer ? Nous présentons brièvement cidessous les hypothèses mécanistiques pouvant expliquer le lien entre viande et cancer colorectal, puis l’ensemble des études animales, en développant plus particulièrement celles qui ont été réalisées dans notre laboratoire.

Cancer colorectal, hypothèses mécanistiques Les hypothèses mécanistiques pouvant expliquer cet effet sont nombreuses : des agents promoteurs proviendraient des graisses (elles augmentent notamment l’excrétion d’acides biliaires détergents et agressifs dans le côlon) [7], des protéines (fermentées en amines, en phénols ou sulfure d’hydrogène toxiques pour la muqueuse) [8], du fer (induisant des radicaux libres génotoxiques) [9], et des composés N-nitrosés endogènes dont certains sont cancérigènes [10]. Enfin, la cuisson de la viande à haute température ou sur flamme nue génère des amines hétérocycliques ou des hydrocarbures aromatiques polycycliques cancérigènes [11]. Les hypothèses le plus souvent citées portent sur les graisses et les amines hétérocycliques. Or, dans des études d’intervention chez l’homme, les régimes maigres ne changent pas l’incidence des tumeurs intestinales, suggérant que les graisses ne sont pas un promoteur majeur [12]. Par ailleurs, le poulet grillé qui contient plus d’amines hétérocycliques que les viandes rouges n’est pas associé au risque de cancer [13]. De plus, les sources alimentaires majeures d’hydrocarbures aromatiques polycycliques sont les céréales, non les viandes [14]. De façon plus générale, il nous semble qu’aucune de ces hypothèses ne peut clairement expliquer le lien entre consommation de viandes rouges et cancer du côlon.

Cancer colorectal, études expérimentales Aucune des 12 études expérimentales publiées avant 2004 n’a montré un effet promoteur d’une viande chez les rongeurs : comme on le voit ci-dessous, plusieurs études montrent au contraire que la consommation de viande protège rats et souris contre la cancérogenèse chimioinduite [15-26]. Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


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viande et santé – McIntosh et al [15] montrent que, après induction par la diméthylhydrazine, des rats recevant des régimes à base de viande de kangourou (23 %), de protéines de soja, ou de caséine ont une même incidence tumorale. Clinton et al [16] trouvent aussi la même incidence de tumeurs coliques chez des rats chimiquement induits, et recevant de la viande de boeuf (20 %, crue ou grillée) ou un régime à base de soja. – Nutter et al [17] montrent que les protéines de boeuf (46 %) protègent de façon significative des souris, par rapport à des souris témoins nourries de caséine. – Reddy et al [18] et Pence et al [19] trouvent que les régimes très riches en protéines, ou en graisses, augmentent l’incidence de tumeur du côlon du rat, quelle que soit la source des protéines. Mais la viande de boeuf (60 % de viande cuite contenant 35 % d’eau) protège les rats de façon significative par rapport à la caséine [19]. – Pence et al [20] montrent que, comparée à la caséine, la viande bovine très cuite (60 %, contenant 35 % d’eau et des amines hétérocycliques) diminue le risque de cancer du côlon chez des rats, dans un contexte de régime très gras. Le risque est au contraire augmenté en contexte maigre. – Lai et al [21] montrent qu’un régime contenant 50 % de bœuf maigre n’augmente pas l’incidence du cancer chez les rats, par rapport à un régime à base de caséine et équilibré avec du citrate de fer. – Alink et al [22] trouvent qu’un régime de type « humain » (contenant 25 % de viande) provoque plus de cancers du côlon chez les rats qu’un régime de type « rongeur » (sans viande). Cependant, les résultats d’Alink ne sont pas la preuve d’une promotion spécifique par la viande, car les régimes « rongeurs » contenaient plus de fibres et moins de graisse que les régimes « humains ». – Mutanen et al [23] ne montrent pas que la viande (24 %) augmente significativement le nombre de tumeurs intestinales chez des souris Min (mutées sur Apc), bien que ce régime contienne 5 fois plus de graisse que l’aliment des souris témoins. – Ketunen et al [24] trouvent moins de tumeurs chez les souris Min femelles recevant de la viande de bœuf que chez les témoins. – Parnaud et al [25] ne trouvent pas que la viande bovine grillée (30 ou 60 %), ou le bacon, augmentent le nombre ou la taille des foyers de cryptes aberrantes (des lésions précancéreuses), comparée à un régime témoin à base de caséine. De plus, le bacon, qui multiplie par 20 l’excrétion fécale de composées N-nitrosés chez le rat, diminue la taille des foyers de cryptes aberrantes : cela suggère que les composés N-nitrosés ne sont pas promoteurs des tumeurs intestinales [26]. – Belobrajdic et al [27] enfin, trouvent que la viande de kangourou promeut les foyers de cryptes aberrantes par rapport aux protéines du petit-lait, mais celles-ci sont connues pour protéger contre la cancérogenèse, et l’effet de la viande ne dépendait pas de la dose (10, 20 ou 40 %). Cette discordance entre l’épidémiologie et les expérimentations animales est très étonnante : l’épidémiologie suggère que la viande rouge augmente un peu le risque de cancer, mais les expérimentations animales montrent un effet protecteur des viandes. Ceci nous a conduit à explorer en 2003 une hypothèse nouvelle, qui semble confirmée depuis par l’épidémiologie [28, 29] : le fer héminique, abondant dans les viandes rouges, mais très peu abondant dans les viandes blanches, serait un agent important de la promotion tumorale. Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

Sesink et al avaient montré que l’hémine (hème chloré) induit à court terme une hyperprolifération des cellules épithéliales dans le côlon du rat, ainsi qu’une activité cytotoxique élevée de l’eau fécale, deux biomarqueurs associés à la cancérogenèse [30]. Cet effet est inhibé par le phosphate de calcium. Par ailleurs, Sawa et al avaient montré in vitro la genèse de radicaux peroxyls dans un mélange d’hémoglobine et d’acides gras polyinsaturés oxydés [31]. Nos études chez des rats initiés par un cancérigène montrent clairement que la viande de bœuf est promotrice des stades précoces de la cancérogenèse colique, à condition que le régime ne contienne pas trop de calcium [32]. L’effet promoteur dépend de la teneur du régime en hème. Ainsi, si l’on compare, les effets de rations alimentaires composées à 60 % de boudin noir, de bœuf ou de blanc de poulet, le boudin noir est plus promoteur que la viande de bœuf, elle-même plus promotrice que le « blanc » de poulet [32]. Cette promotion est associée à un biomarqueur de peroxydation lipidique qu’on trouve dans l’urine des rats, et chez des volontaires mangeant du boudin noir [33]. Le mécanisme de la promotion semble venir d’une résistance sélective des cellules précancéreuses aux lipoperoxydes cytotoxiques induits par l’hème dans l’intestin [34]. Nous montrons aussi que l’effet promoteur de l’hémine chez le rat est complètement inhibé par un apport de calcium, et par certains antioxydants alimentaires [35]. Nous pensons que les études animales publiées avant 2004 étaient toutes négatives, car les régimes contenaient beaucoup de calcium, qui bloque l’hème dans la phase insoluble du contenu intestinal.

Autres cancers et viande Après le cancer colorectal, les causes majeures de mortalité en France chez les non-fumeurs sont le cancer du sein (femmes), et de la prostate (hommes). Pour les cancers du sein, une méta-analyse des études de cohorte ne montre pas de lien net entre la consommation de viandes et le risque de cancer [36], même si le risque est significatif dans certaines cohortes avec un effet très net des charcuteries [37]. Quelques études suggèrent que la consommation de viande puisse augmenter le risque de cancer de la prostate, mais l’association vient peut-être uniquement des graisses saturées. La consommation de viandes et de poissons frits est nettement associée avec le risque de cancer de l’estomac dans plusieurs études, les résultats les plus convaincants venant de l’étude EPIC [38] dans laquelle la consommation totale de viande est associée à un RR de 3,5 (IC 95 % 2-6). Les cancers du pancréas sont associés à la consommation de grandes quantités de viandes, et de charcuteries, dans des études de cohorte japonaise et américaine, avec des RR entre 2 et 3 pour la viande, et 1,5 et 2 pour les charcuteries. Concernant les autres types de cancer, les résultats épidémiologiques sont trop inconsistants pour permettre des recommandations.

Discussion et conclusion Une consommation importante de viande rouge semble augmenter modérément le risque de cancer colorectal, selon les études épidémiologiques. Les recommandations au niveau international sont donc de limiter la consommation des viandes rouges, sans que les quantités maximales 1S63


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viande et santé conseillées (80 g/j) soient bien étayées. Ces conseils, basés sur des données internationales, s’appliquent-ils en France ? La consommation de viandes « rouges » n’est pas plus faible en France qu’en Europe : ainsi, les Françaises de l’étude EPIC consomment en moyenne 76 g/j de viande rouge (charcuterie comprise), ce qui est supérieur à 69 g/j, médiane des 23 centres EPIC répartis en Europe [39]. Par ailleurs, le risque relatif par gramme de viande est le même dans les études européennes et les études américaines [6]. On ne peut donc incriminer les viandes américaines, plus riches en graisses saturées, ni disculper les viandes bovines françaises, souvent plus maigres, et contenant des acides gras oméga-3, pour les animaux élevés en pâturage [40]. La consommation moyenne des adultes français en 1999 était estimée à 63 g/j de viande « rouge » fraîche et 38 g/j de charcuterie [41]. En utilisant les courbes de Norat et al [5], ces moyennes correspondent à un RR de 1,11 (c’est-à-dire + 11 %) pour la viande rouge fraîche, et 1,31 (c’est-à-dire + 31 %) pour les charcuteries. Ces valeurs de risque étant calculées par extrapolation de la courbe de Norat aux moyennes de consommations réelles des Français, elles doivent êtres considérées avec précaution. L’effet ainsi estimé (+ 11 %) de la consommation moyenne de viande rouge fraîche en France semble faible. Mais si on les rapporte à la centaine de nouveaux cas de cancer colorectal par jour en France, ces 11 % pourraient correspondre à une dizaine de personnes tous les jours. Le risque est, d’autre part, potentiellement plus important chez les gros consommateurs de viande et chez les gros consommateurs de charcuterie. Il est intéressant de comparer ces risques à ceux d’autres comportements alimentaires, comme celui de manger assez de fibres (effet protecteur controversé). La consommation de 30 g/j de fibres (au lieu de 15 g) est associée à un RR de 0,7 dans l’étude EPIC, soit une diminution du risque de cancer colorectal de 30 % [42]. Le risque relatif associé à la consommation moyenne de charcuterie en France est donc du même ordre de grandeur que le risque associé à la consommation insuffisante de fibres. L’augmentation du risque pour un type d’aliment donné ne peut être envisagée qu’en fonction des consommations des autres aliments et il est difficile, dans les différentes études, d’isoler chaque composant du régime alimentaire. On peut cependant, par exemple, émettre l’hypothèse que les gros consommateurs de viande ou de charcuterie sont aussi de plus faibles consommateurs de fibres. Ces risques « alimentaires » sont, par ailleurs, sans commune mesure avec des dangers bien établis comme celui de fumer des cigarettes, mais représentent toutefois un potentiel de prévention important, vu l’incidence du cancer colorectal. Enfin, ces RR sont établis sur les résultats d’études épidémiologiques, c’est-à-dire des études d’observation. Cellesci ne permettent pas de prouver l’effet d’un aliment, car on ne peut éliminer tous les facteurs de confusion interférents. Tant que la preuve qu’un aliment cause (ou empêche) une maladie n’a pas été donnée par une expérimentation directe, on doit rester prudent sur les recommandations. C’est ainsi que l’effet protecteur du bêtacarotène sur les cancers épithéliaux semblait quasi-certain d’après les études épidémiologiques convergentes, mais que les grandes études d’intervention CARET et ATBC ont démontré l’effet contraire chez les fumeurs. En conclusion, la consommation importante de viande rouge et de charcuteries augmente modérément le risque du cancer du côlon au niveau international, selon les 1S64

études d’observation. Les consommations moyennes observées en France suggèrent que l’effet des charcuteries y serait plus important que celui des viandes fraîches. Nos travaux chez le rat suggèrent que le fer héminique est en grande partie responsable de cet effet promoteur, et permettent de proposer des stratégies nutritionnelles préventives, par exemple en associant des aliments riches en calcium aux aliments carnés. Ces effets n’ont pas encore reçu de preuve directe chez l’homme.

Résumé L’effet de la consommation de viande sur le risque de cancer est un sujet controversé. Les méta-analyses de Norat et al (2002) et Larsson et al (2006) regroupent les résultats de toutes les études épidémiologiques. Elles montrent que la consommation de viande rouge est associée de façon significative avec une augmentation modérée du risque de cancer colorectal : l’excès de risque de cancer est de + 19-22 % pour la catégorie des gros mangeurs de viande rouge fraîche (bœuf, mouton, porc). Les charcuteries sont plus fortement associées au risque que la viande (+ 20-31 %), surtout quand on rapporte le risque au poids de produit carné consommé par jour. Volailles et poissons ne sont pas des facteurs de risque. On manque de données pour conclure pour d’autres cancers majeurs (sein, prostate). Les recommandations actuelles sont donc de modérer la consommation de viande rouge et de charcuteries. Par ailleurs, nos études expérimentales suggèrent que le fer héminique est l’agent majeur de l’effet promoteur des viandes rouges, et que l’effet de l’hème peut être bloqué par le calcium des aliments. Mots-clés : Viande rouge – Charcuteries – Cancer du côlon – Épidémiologie – Fer héminique.

Abstract The effect of meat intake on cancer risk is a controversial matter. The meta-analyses by Norat et al (2002) and Larsson et al (2006) gather all epidemiological studies. They show that consumption of fresh red meat (beef, mutton, pork) is associated with a modest, but significant, increase of colorectal cancer risk: global relative risk is 1.19-1.22 for the subjects in the highest category of intake. Processed meat risk is higher than fresh meat risk (1.20-1.31), particularly when expressed per gram of intake. Studies are too few to give firm conclusions for other cancer types (breast, prostate). Dietary recommendations are thus to limit the intake of red meat and of processed meat. Experimental studies recently led us to suggest that heme iron is the major promoter in red meat, but dietary calcium can fully prevent heme promotion. Key-words: Red meat – Processed meat – Colon cancer – Epidemiology – Heme iron.

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viande et alimentation

LA PLACE DE LA VIANDE DANS L’ALIMENTATION AUX DIFFÉRENTS ÂGES DE LA VIE Martine PELLAE

Introduction

De 6 mois à 3 ans

Le terme de « viande », très imprécis, remplace très souvent celui de produits carnés qui regroupent les viandes de boucherie, les produits tripiers, les charcuteries, la volaille et le gibier. Par ailleurs, il faut distinguer les viandes de boucherie (bœuf, veau, cheval, agneau et mouton, porc) et les produits tripiers (foie, cœur, rognons, ris, tripes). La viande rouge ne recouvre que les viandes de bœuf, de mouton, d’agneau et de cheval par opposition à la viande blanche (veau, porc, lapin, volaille). La viande bovine enfin, concerne seulement les viandes de bœuf et de veau. La viande de bœuf désigne les catégories suivantes : jeunes bovins, génisses, bœuf, vache et taureau. La viande, avec le poisson et les œufs, a toute sa place dans l’alimentation, tout comme les aliments des six autres familles (produits laitiers, céréales/pommes de terre/légumes secs, matières grasses, légumes et fruits, sucre et produits sucrés, boissons). En effet, traditionnellement consommée avec des légumes et/ou des produits céréaliers, la viande contribue au maintien de repas structurés et nutritionnellement équilibrés. Le Plan National Nutrition Santé (PNNS) recommande d’ailleurs la consommation quotidienne de « 5 fruits et légumes par jour, celles « de la viande, du poisson ou des œufs 1 à 2 fois par jour », « du lait et des produits laitiers 3 à 4 fois par jour selon l’âge et la taille des portions » [1].

Le Programme National Nutrition Santé PNNS [2] recommande vivement de ne pas débuter la diversification avant le 6e mois révolu : l’enfant commence alors à savoir mastiquer des aliments un peu plus solides, à mieux pouvoir les déglutir et ses capacités digestives et métaboliques deviennent plus matures. Mais l’enfant a encore des besoins spécifiques et ne doit pas manger tout à fait comme les grands ! L’image de force et de donneuse d’énergie qu’ont les viandes, peut inciter certains à trop en manger et surtout à donner des quantités superflues aux enfants. En effet, il est préférable d’augmenter progressivement d’année en année les quantités, pour atteindre à l’adolescence, les quantités recommandées aux adultes.

La place de la viande dans l’alimentation, selon les situations physiologiques Les besoins individuels sont influencés par de nombreux facteurs, notamment le sexe, l’âge, l’état physiologique (croissance, grossesse, allaitement), l’activité physique, ainsi que par des caractéristiques spécifiques à chaque individu, dont certaines sont encore mal connues. Les niveaux d’apports alimentaires pour couvrir ses besoins vont donc varier [7].

Nutrition/diabétologie, Hôpital Bichat - Claude-Bernard (Assistance Publique Hôpitaux de Paris), 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris. Correspondance : Martine Pellae à l’adresse ci-dessus. Email : martinepellae@wanadoo.fr

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À partir de quel âge peut-on donner de la viande ? La diversification commence par l’introduction des légumes, des céréales infantiles, puis de la viande qui est pour le bébé, une source privilégiée de fer dont les besoins sont importants à cet âge [7]. Il est recommandé d’introduire la viande après 6 mois révolus (jamais avant 4 mois) à raison de 10 g/j (environ 2 cuillères à café) en la mixant très finement pour obtenir une purée lisse. La viande pourra être ensuite hachée et les quantités augmentées : 20 g/j jusqu’à 1 an, puis 30 g/j jusqu’à 3 ans (tableau I) [2]. Les viandes doivent être plutôt grillées, rôties sans matière grasse ou cuites à la vapeur, puis mixées. Les nuggets et autres formes panées, très riches en graisses ajoutées, sont à éviter. Pour éviter les risques de contamination bactérienne, il faut éviter de mixer la viande à Tableau I. Repères de consommation de viande entre 6 mois et 3 ans [2].

Âge

Quantité journalière

Texture

6-8 mois

10 g = 2 cc*

Mixée

9-12 mois

20 g = 4 cc

Mixée

Après1 an et jusqu’à 3 ans

30 g = 6 cc

Hachée, puis en petits morceaux

* cuillère à café.

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viande et alimentation l’avance [2-3]. La texture de la viande proposée au cours des repas variera en fonction des capacités de mastication de l’enfant. Quel que soit le type de viande, il est conseillé de proposer les morceaux les moins gras et de limiter les abats et la charcuterie, sauf le jambon blanc, mais sans couenne. Selon l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA), les Apports Nutritionnels Conseillés (ANC) en protéines sont de 10 g par jour pour les enfants de 0 à 2 ans, et de 12 g par jour au cours de la troisième année [7]. Le tableau I reprend les repères de consommation de viande nécessaire pour couvrir ces besoins en protéines chez l’enfant.

De l’enfance à la préadolescence (3 à 11 ans) À cette période, après une croissance extrêmement rapide, la vitesse de croissance staturale se stabilise à 5-6 cm par an, avant de s’accélérer à nouveau à la puberté. L’alimentation contribue à l’état de santé de l’enfant au jour le jour et future. Associer au quotidien, plaisir et santé, est possible et c’est le message qu’il faut faire entendre aux parents [2]. De la viande, en alternance avec du poisson et des œufs, car tous ces aliments apportent des protéines d’excellente qualité, mais aussi du fer et de la vitamine B12 pour la viande et le poisson, au déjeuner ou au dîner, en quantité inférieure aux féculents et aux légumes. Il faut éviter de proposer trop souvent des saucisses précuites, du saucisson et pâtés au seul prétexte de la facilité et de la rapidité en cuisine... Jambon, blancs de volailles ou steak haché sont tout aussi pratiques et moins gras au quotidien [2]. Si l’enfant a du mal à finir le morceau de viande servi, c’est probablement, soit parce que la portion est trop importante pour son appétit, soit parce qu’il a un dégoût passager pour la viande (rouge, le plus souvent). Il est alors, dans ce dernier cas, conseillé d’en proposer les jours suivants sous d’autres formes, hachée, en morceaux plus petits, en sauce... ou proposer de la viande blanche qui peut être alors préférée temporairement.

Tableau II. Repères de consommation de viande entre 4 et 11 ans [2].

Tranches d’âge

Quantité recommandée par jour

4-5 ans

40 à 50 g

6-8 ans

50 à 80 g

9-11 ans

80 à 100 g

Selon l’AFSSA, le besoin nutritionnel moyen en protéines est établi, avec un niveau de preuves élevé à 0,66 g/kg/j. L’apport nutritionnel conseillé est de 0,83 g/kg/j [7]. En regard de ce niveau protéique recommandé, le tableau II donne les repères pour la consommation de viande selon les âges. Chez le nourrisson et le jeune enfant, les régimes végétaliens sont à proscrire et, selon l’AFSSA, on ne peut pas statuer sur l’intérêt d’un apport complémentaire en certains acides aminés non indispensables, peu ou pas consommés chez les végétaliens.

À l’adolescence Comportement alimentaire L’adolescence représente une période à risque sur le plan nutritionnel [4-5]. Lors de la puberté, période de croissance staturo-pondérale rapide, l’organisme acquiert 15 % de sa taille définitive et 50 % de son poids. En 5 ans, le poids peut en effet, quasiment doubler et passer de 35 à 70 kg. Parallèlement, l’adolescence s’accompagne souvent aussi d’une remise en question des apprentissages qui peut aboutir à transgresser les habitudes alimentaires de l’enfance [6]. Ainsi, alors que les besoins nutritionnels sont particulièrement augmentés, les comportements alimentaires peuvent être perturbés et responsables d’une alimentation déséquilibrée et, chez certaines jeunes filles, la phobie de grossir peut conduire à des régimes restrictifs qui bannissent la viande de l’alimentation [8]. Besoins en protéines

Quelques repères de consommation pour un enfant en bonne santé S’il apparaît évident qu’à 3 ans, on ne mange pas autant qu’un adulte, il semble moins clair aux yeux des parents, qu’un enfant de 6 ans doit avoir des apports alimentaires nettement inférieurs à ceux de son frère de 12 ans et ce dernier ne devrait pas « rivaliser » au moment du service par la maman, avec la taille de la portion servie au père. Les besoins bien évidemment varient d’un enfant à l’autre, en fonction de l’âge, de l’activité physique et de l’appétit de chaque enfant. Jusqu’à la puberté, les besoins alimentaires des deux sexes sont identiques, contrairement aux croyances selon lesquelles « un garçon doit manger plus qu’une fille ». Il est essentiel également de rappeler que rien ne sert de forcer à manger, car le jeune enfant régule naturellement ce qu’il mange en fonction de ses besoins, ne le resservir que s’il le demande, mais éviter aussi de le forcer à finir son assiette. La portion de viande ou de féculents d’un enfant de 4 ans doit être environ deux fois moindre que celle d’un enfant de 12 ans [2]. À titre d’exemple, vers 4/5 ans, les portions de viande qui sont recommandées sont de 50 g /j et vers 12 ans, la portion est de 100 g/j (tableau II). Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

Cette période de croissance accélérée nécessite non seulement des besoins énergétiques très élevés, mais aussi des apports alimentaires augmentés en protéines, en fer et calcium [5-6]. Les besoins en protéines sont majorés pour permettre l’acquisition de la masse maigre qui, lors de la puberté, correspond à une accrétion de 7,3 kg de protéines chez les garçons et de 3,6 kg chez les filles [6]. L’AFSSA préconise un apport protéique de l’ordre de 0,8 à 0,9 g/kg/j avec une part suffisante de protéines d’origine animale, de bonne valeur biologique, car bien équilibrées en acides aminés indispensables [7]. Besoins en fer À côté du calcium, le fer est l’autre minéral dont les apports alimentaires sont indispensables à l’adolescence, notamment chez la jeune fille. Les besoins en fer sont accrus du fait de l’expansion du volume sanguin dans les deux sexes et particulièrement, chez les garçons, de la masse musculaire [6]. Chez les filles, il faut ajouter la nécessité de compenser les pertes en fer induites par la survenue des premières règles parfois abondantes et rapprochées [7]. Les recommandations officielles proposent 1S67


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viande et alimentation des apports de sécurité allant de 12 à 18 mg/j selon l’âge et le sexe [7].Trop d’adolescents – surtout les filles, qui ont décidé de « faire attention à leur ligne » – ont des habitudes alimentaires qui entraînent des déficits en fer, le plus souvent par restriction portant sur les aliments les plus riches en fer, comme la viande, qui fournit le fer le plus biodisponible [9]. En raison de croyances particulières, cette population adolescente est sujette aussi à se soumettre à des régimes de type végétarien (exclusion de tous les aliments issus de la chair des animaux : viande, poisson, fruits de mer) ou végétalien (exclusion également de tous les aliments d’origine animale : œufs et produits laitiers...) [9-10]. Elle exclut donc très fréquemment la viande de leur alimentation, ce qui est dommageable, car c’est la viande qui présente le meilleur rapport protéines-fer pour faire face aux besoins accrus de l’adolescence [7]. Ces types de régime au long cours sont nocifs pour un adolescent, car il expose à de très graves carences en fer et en vitamines B12, en particulier dans le cas de suivi de régime végétalien strict et à un risque important d’insuffisance en calcium et en protéines [6].

Pendant la grossesse En fait, à l’exception de certains groupes à risque et certaines situations nutritionnelles particulières, nul besoin de bouleverser l’alimentation d’une femme parce qu’elle est enceinte. Besoins en protéines Le besoin en protéines est évalué de la conception au terme entre 925 et 992 g pour un gain de poids de 12,5 kg. Cette accrétion protéique s’effectue selon un rythme croissant : 0,7 g/j pendant le 1er trimestre, 3,3 g/j au 2e trimestre, 5,8 g/j pendant les 3 derniers mois. Les apports protéiques suffisants pour couvrir les besoins de la grossesse en fonction du terme, peuvent, en sus del’apport de base recommandé (0,75 g/kg/j), être de : 1,3 g/j au 1er trimestre, 6,1 g/j au cours du 2e trimestre, 10,7 g/j pendant les 3 derniers mois. Pour une femme de 60 kg, l’apport de sécurité est de 47, 52, 61 g/j pour chaque trimestre de la grossesse [7]. Toutes les études de consommation alimentaire indiquent que l’apport moyen, en France, est compris entre 85 et 95 g/j et en majorité, constitué de protéines animales [6]. Si les apports maternels sont tels, il n’est pas nécessaire de les augmenter au cours de la gestation. En revanche, il est primordial de les accroître chez les femmes qui ont une alimentation spontanément pauvre en protéines (milieu défavorisé, conduites alimentaires aberrantes, végétalisme par exemple). Besoins en fer La grossesse augmente également les besoins en fer, notamment au cours des six derniers mois où ils peuvent atteindre 2,5 à 6 mg/j selon l’état des réserves maternelles préexistantes. Les apports nutritionnels conseillés en fer ont été fixés de manière à assurer des réserves convenables chez la femme enceinte. Ils sont, en France, de 20 à 50 mg/j selon le terme et le niveau des réserves maternelles [7]. La grossesse s’accompagne d’une modulation de l’absorption intestinale du fer et ainsi, une alimentation normalement équilibrée, sans exclusion des aliments riches en fer à haute biodisponibilité tel que la 1S68

viande, permet de couvrir les besoins en fer durant la grossesse [10]. Les études françaises montrent pourtant qu’un pourcentage notable des femmes a une déplétion des réserves en fer dès le début de la gestation et que 10 à 30 % d’entre elles sont anémiées au moment de l’accouchement [11]. La carence en fer, surtout si elle survient en début de grossesse, est associée à un risque plus élevé d’hypotrophie fœtale et de prématurité. Si les réserves maternelles en fer et, a fortiori, l’apport alimentaire en fer est insuffisant au 3e trimestre, les besoins liés au développement fœtal peuvent entraîner une anémie ferriprive chez la mère en fin de grossesse [10]. La consommation d’aliments riches en fer devra donc être encouragée ainsi que celle des aliments contenant de la vitamine C, activeur de l’absorption du fer. On déconseillera la prise de café et de thé qui nuit à l’absorption du fer [12]. Les produits carnés constituent la principale source de fer et les poissons en apportent également des quantités notables. Contrairement aux croyances, les légumes secs (lentilles) et les épinards constituent des sources secondaires, car le fer qu’ils contiennent est moins bien absorbé par l’organisme. – 100 g de tende de tranche rôti apportent 3,1 mg de fer, soit 0,7 mg absorbé ; – 100 g d’épinards (une assiette plate) apportent 3 mg de fer, soit 0,15 à 0,3 mg absorbé ; – 100 g de lentilles (une assiette plate) apportent 3,3 mg de fer, soit 0,16 à 0,33 mg absorbé.

Toxoplasmose et listériose Ces infections peu fréquentes, d’ordinaire sans gravité, sont plus conséquentes si elles surviennent au cours de la grossesse. Il existe un risque de transmission maternofœtale de toxoplasmose par la consommation de viande crue ou mal cuite ainsi que celle de crudités mal lavées. Une cuisson à cœur – température supérieure à 68 °C – est nécessaire pour détruire les kystes éventuellement présents. Pour la transmission de la listériose, les aliments les plus souvent contaminés par la bactérie Listeria monocytogenes sont les laitages au lait cru, les produits de charcuterie – rillettes, les pâtés et produits en gelée –, la viande crue ou peu cuite. Ces aliments sont à éviter durant la grossesse [12]. Vitamine A On sait que la consommation de doses extrêmement élevées de vitamine A peut présenter des risques pour le fœtus. Cependant, par précaution, en raison de la teneur élevée en vitamine A des foies d’animaux, il est recommandé d’éviter d’en consommer – quelle que soit l’espèce – et adopter la même attitude pour les produits à base de foie pendant 9 mois [6-12]. Grossesse et végétalisme L’alimentation végétalienne excluant tout aliment d’origine animale, y compris les œufs et le lait, est dangereuse au cours de la grossesse et de l’allaitement, car responsable de carences en vitamine B12 et vitamine D, en fer, iode et calcium chez la maman et l’enfant ; ce type de régime maintenu pendant la grossesse nécessite donc une supplémentation systématique [12]. Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


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viande et alimentation Chez l’adulte Besoins en protéines Les besoins sont liés à nos stocks de masse maigre, c’est-à-dire à la composition de nos masses musculaires en acides aminés essentiels. On admet que pour renouveler chaque jour les protéines de structure, l’apport en protéines doit être d’environ 0,75 g/kg/j dont 50 % sous forme de protéines animales – viande (qui fournit en moyenne 20 % de protéines), poisson, œuf –, qui sont très digestibles et ont des teneurs élevées en acides aminés essentiels [7]. Par leur pouvoir satiétogène, les protéines aident aussi à réguler la faim. Dans le cadre des conseils alimentaires pour perdre du poids ou ne pas en gagner, il semble donc inopportun de soustraire les produits carnés des menus. Associer viande et légumes au cours du repas permet en effet, d’attendre plus facilement le repas suivant sans grignotage intempestif, souvent à base d’aliments gras/sucrés, source de prise de poids. Besoins en fer Les ANC en fer sont de 9 à 16 mg/j [7]. Si les besoins alimentaires sont de cet ordre, alors que les besoins biologiques ne sont que de 1 à 2 mg/j, c’est que l’absorption digestive est faible. Le fer héminique des produits issus des animaux est particulièrement biodisponible (20 à 30 %). Le fer non héminique des céréales, légumes secs, fruits, légumes verts et produits laitiers a une absorption digestive moindre (3 à 5 %) et dont la variabilité dépend de la nature du repas. Trois raisons sont avancées pour expliquer cette différence d’absorption en faveur du fer alimentaire d’origine animale. D’abord, l’hème « présente » le fer sous forme ferreuse à l’entérocyte (or, seul le fer ferreux est absorbé) ; ensuite, il y a, dans les viandes et les poissons, des substances qui stimulent l’absorption du fer non héminique et, dans les végétaux, des substances – fibres alimentaires insolubles et phytates – qui en limitent l’absorption. Enfin, alors que certains acides organiques, notamment l’acide ascorbique, favorisent l’absorption du fer non héminique, les polyphénols, y compris les tanins, les phytates, l’oxalate, le calcium l’entravent. Parmi les aliments qui contiennent ces substances et qui réduisent expérimentalement l’absorption du fer, on trouve le thé, le café, le jaune d’œuf et le son. Au total, selon la composition des repas, on peut considérer que le coefficient d’absorption du fer varie de 5 % (repas monotones à base de céréales et/ou de racines-tubercules, pauvres en produits carnés et en vitamine C) à 15 % (repas contenant des quantités importantes d’aliments carnés et des sources de vitamine C). Pour les femmes, de la puberté à la ménopause, les pertes en fer liées aux hémorragies menstruelles sont évaluées à environ 12,5 à 15 mg par mois, soit environ 0,4 à 0,5 mg/j en sus des pertes basales habituelles. Les contraceptifs oraux peuvent diminuer de 50 % le volume des règles, alors qu’une augmentation de plus de 100 % peut être observée chez les femmes avec dispositif intrautérin [12]. Le PNNS recommande de consommer « de la viande, du poisson et autres produits de la mer ou des œufs 1 à 2 fois par jour », soit environ 100 à 150 g par jour. Ces aliments doivent être un des composants du plat principal et non pas l’élément dominant [1]. Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008

Le sportif L’alimentation des sportifs varie en fonction du niveau d’activité physique et d’entraînement. Pour les sportifs d’endurance de loisirs, les besoins en protéines ne diffèrent pas significativement de ceux de la population générale. Des apports massifs en protéines tels que ceux réalisés pour certaines catégories de sportifs sont susceptibles d’être néfastes pour la santé et en particulier pour la fonction rénale. En outre, ils peuvent être un facteur de risque osseux chez la femme par perte urinaire de calcium [13]. Besoins en protéines Concernant les sports d’endurance, à côté de leur rôle structural, les protéines peuvent être mises à contribution pour fournir de l’énergie. Ainsi, les acides aminés branchés ou ramifiés, leucine, isoleucine et valine sont « très prisés » par les sportifs, du fait de leur implication dans la structure de la fibre musculaire, sa réparation et la fourniture, si besoin, d’une partie de l’énergie pour la contraction musculaire [14]. Pour des sujets s’entraînant 4 à 5 jours par semaine pendant au moins une heure, l’augmentation du besoin semblerait n’être que de 20 à 25 % comparativement à la population sédentaire, soit 1,1 g de protéines par kg et par jour [13]. Ce n’est que pour le sportif de haut niveau (minorité de sportifs) et en cas de dépenses énergétiques très élevées, qu’ils peuvent atteindre 1,6 g/kg/j [13]. Dans la pratique des sports de force (sports de combat, arts martiaux, culturisme, haltérophilie...), il s’agit de développer la masse musculaire et d’augmenter les performances du muscle. Des études sur l’entraînement couplé à un régime hyperprotidique (3 g/kg/j) ont montré que, si l’on positivait largement la balance azotée, aucune majoration de la masse maigre ni des performances musculaires n’a été obtenue. Chez des athlètes confirmés pour qui la masse musculaire doit être entretenue, les apports protéiques peuvent être estimés entre 1,3 et 1,5 g/kg/j. Chez les athlètes qui cherchent à développer leur masse musculaire, on conseille des apports protéiques de 1,8 à 2 g/kg/j. Mais si l’aspect quantitatif est important, la digestibilité et la valeur biologique des protéines le sont encore plus. Ces recommandations ne sont valables que dans le cadre d’une alimentation équilibrée n’excluant pas les produits carnés [13-15]. En effet, un régime végétalien exposerait à des risques de carence en certains acides aminés essentiels comme la lysine et les acides aminés soufrés [15]. L’AFSSA recommande globalement des apports protéiques de l’ordre de 1 à 1,2 g/kg/j [7]. La créatine Dans le sport, la recherche permanente de moyens pour améliorer les performances physiques fait la part belle aux suppléments nutritionnels comme la créatine, composé naturel de l’organisme d’origine soit exogène, essentiellement fournie par les aliments d’origine animale – viande et poisson –, soit endogène, synthétisé à partir d’acides aminés comme la glycine, l’arginine ou la méthionine. Les études ont confirmé qu’une supplémentation en créatine permet une amélioration des performances d’exercices intenses et de courte durée. Cet effet dépend en grande partie de la rétention de la créatine dans le muscle sous forme de phosphocréatine. Cependant, l’amélioration des 1S69


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viande et alimentation performances n’a été observée que chez des sujets sédentaires ou peu entraînés, ce qui semble confirmer la théorie de l’existence d’une quantité maximale de créatine stockable dans le muscle [13]. L’AFSSA a émis en 2001 un avis sur l’évaluation des risques présentés par la créatine et la véracité des allégations relatives à son utilisation dans le sport qui va dans ce sens [13]. Minéraux et oligoéléments Concernant le fer, les sports d’endurance et en particulier la course à pied, exposent à un risque de carence martiale qui diminue la capacité de transport de l’oxygène et, par conséquent, les performances d’endurance [15]. Les apports nutritionnels conseillés en fer sont donc augmentés jusqu’à 16 mg/j chez l’homme et 25 mg/j chez la femme et il faudra donc veiller à la consommation régulière d’aliments riches en fer bien assimilé chez tous les athlètes d’endurance [15]. Outre sa richesse en fer héminique, la viande est une source d’apport significatif en cuivre (Cu), zinc (Zc) et sélénium (Se). Ces cofacteurs enzymatiques participent au bon fonctionnement des réactions biochimiques du métabolisme énergétique, de la conduction neuromusculaire, du fonctionnement cérébral, de la réparation musculaire et du stress oxydant. Le sélénium (Se) et le zinc (Zc), comme le manganèse (Mn) ou le cuivre (Cu) sont également indispensables au fonctionnement des enzymes des systèmes de défenses antiradicalaires (super oxyde dismutase, catalase, glutathion peroxydase) très sollicitées lors du stress. Les principales vitamines hydrosolubles du groupe B (B1, B3, B6), apportées par la viande sont de véritables « vitamines de l’effort », car elles sont, elles aussi, des cofacteurs enzymatiques des processus biochimiques de la fourniture d’énergie, alors que la vitamine B12 est indispensable à la synthèse des hématies. Des cas d’anémie sont retrouvés d’ailleurs chez les sportifs végétaliens carencés en vitamine B12. Dans le milieu sportif, en quelques dizaines d’années, la viande rouge est passée d’un statut d’aliment de référence, synonyme de vigueur, force et puissance à une quasidiabolisation. Elle est ainsi placée au rang des accusés en tant que pourvoyeuse de déchets acides et toxiques ainsi que d’acides gras saturés nuisibles à l’effort ou à la récupération. La viande, même si elle fait partie des aliments dits « acidifiants » (comme certaines céréales, les sodas, certains fromages...) n’est pas contre-indiquée, ni dans la ration habituelle de l’athlète, ni en récupération [14]. Il est d’ailleurs fréquemment constaté un « appétit » spontané vers ce type d’aliment au décours de l’effort. Compte tenu de la grande quantité de nourriture que l’athlète doit ingérer à chaque repas, la chair animale riche en protéines, représente une bonne source protidique sous un faible volume [15].

La personne âgée (65 ans et plus) Sarcopénie Contrairement aux idées reçues, les besoins protéiques de la personne âgée sont au moins équivalents à ceux de l’adulte. Les experts recommandent un apport d’au moins 1 g/kg/j, voire 1,1 g/kg/j [1]. Les enquêtes alimentaires montrent que l’apport protéique moyen est satisfaisant, mais qu’une partie non négligeable de la population n’en consomme pas assez [18-23]. Il faut souligner que les protéines ne sont correctement utilisées que si l’apport énergé1S70

tique de la ration est suffisant. Une des conséquences majeures du vieillissement métabolique est la réduction de la masse maigre qui correspond à une perte de protéines, surtout au niveau musculaire (sarcopénie) à partir de 50 ans qui résulterait d’un déséquilibre simultané entre anabolisme et catabolisme [19-20]. L’activation de l’anabolisme protéique musculaire postprandial [17] est émoussée, notamment par la réduction des apports protéiques (goût, appétence, mastication), la résistance à l’effet stimulant de la leucine, la réduction de l’activité physique. L’extraction splanchnique accrue des acides aminés, l’insulinorésistance, la répétition d’épisodes cataboliques (inflammation, stress...) ainsi que la diminution de la disponibilité plasmatique des acides aminés sont également des facteurs freinateurs de la synthèse des protéines [19]. La plupart des mécanismes évoqués cidessus peuvent aider à mettre en place des stratégies visant à améliorer la disponibilité postprandiale des acides aminés afin de stimuler l’anabolisme en réponse à la prise alimentaire pour lutter contre la perte protéique liée à l’âge. Augmenter les apports protéiques en sachant que la consommation protéique est spontanément réduite et utiliser des protéines rapidement digestibles sont donc des pistes de réflexion utilisables [19]. La répartition journalière des apports protéiques peut intervenir dans la régulation nutritionnelle du métabolisme des protéines au cours du vieillissement. En effet, des études montrent que l’ingestion de 80 % des apports protéiques journaliers au cours du repas de midi, chez la femme âgée, augmente la rétention azotée comparativement à un apport étalé au cours de la journée [20]. Cet effet de modulation spécifique, non retrouvé chez le sujet plus jeune, suggère une adaptation spécifique à cette population. En pratique, les repères de consommation sont quasiidentiques à ceux de l’adulte en bonne santé, à savoir : il est recommandé de consommer de la viande, du poisson ou des œufs, 1 à 2 fois par jour [1]. Pour les personnes âgées de plus de 60 ans, les besoins en protéines, en situation stable et non pathologique (sans fièvre ni inflammation) sont de l’ordre de 1 g/kg/j [7]. Des travaux récents, réalisés par marquage isotopique, montrent que ces besoins sont plus élevés chez l’adulte plus âgé que chez l’adulte de 50 ans et peuvent s’élever à 1,2 g/kg/j [18].

Conclusion Si les Grecs, puis les Romains faisaient du pain, la nourriture la plus adaptée à l’homme, à partir du Moyen Âge, et en particulier sous l’influence celtique et germanique, la viande devint l’aliment qui « nourrit le plus, qui engraisse et qui donne de la force » [22]. La viande a toujours représenté un aliment particulier : valorisée ou rejetée, elle n’est pas un aliment qui laisse indifférent. Elle a toujours été un aliment porteur de symboles. Elle véhicule – surtout quand elle est rouge – une image de « force », probablement celle de l’animal dont elle est issue [22]. Les actions du gouvernement de ces vingt dernières années et les recommandations proposées par le Programme National Nutrition Santé adaptées aux différents âges de la vie sont apparues au cours de ces dernières années comme une priorité de santé publique. Tous les aliments ont leur place dans notre assiette et la viande n’échappe pas à cette règle. A chaque âge correspondent des besoins spécifiques, mais à tous les âges de la vie, il est essentiel d’en manger sous toutes ses formes. En effet, la croissance au cours de l’enfance et de l’adolescence, nécessite un apport régulier et soutenu de Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 1, 2008


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viande et alimentation protéines et de fer par les aliments d’origine animale tels que les viandes, le poisson et les œufs [1], tout autant que le développement harmonieux de la grossesse. Les protéines végétales fournies par les céréales, les légumes secs et les féculents permettent de compléter les apports. Puis, avec l’âge, les muscles ont tendance à fondre et c’est pourquoi, il est recommandé de maintenir ses apports en protéines à un niveau adéquat, même en vieillissant. La variété des morceaux de viande et ses préparations permettent de jouer la diversité pour que l’équilibre alimentaire soit le plus optimal possible. Et n’oublions pas qu’à tout âge, le repas doit rester un moment privilégié de convivialité autour du plaisir de la table [1]. Bon appétit !

Résumé La viande, par sa richesse en protéines et en minéraux, a toute sa place dans l’équilibre alimentaire. Les besoins sont différents selon les âges, les situations physiologiques comme la grossesse et le niveau d’activité physique. Il semble très difficile de couvrir les besoins en particulier, ceux en fer, si l’on exclut durablement la viande de son alimentation. Le PNNS a émis des recommandations de consommation allant dans ce sens. Les personnes les plus à risques sont les femmes dès l’apparition des règles, certains sportifs et les personnes âgées. Mots-clés : Viande – Apports recommandés – Âge – Protéines – Minéraux.

Abstract The meat due to its richness in proteins and minerals found a place in the well balanced diet. The requirements differ depending on ages, physiological status like pregnancy and the level of the physical activity. It seems difficult to meet needs more particularly in iron if we don’t eat meat. The French nutrition guidelines (PNNS) expressed recommendations about this. The high-risk persons are the menstruating women, some sportmen or sportwomen and the elderly. Key-words: Meat – Nutrition guidelines – Age – Proteins – Minerals.

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