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UN SIÈCLE DE GESTION D’ACTIFS

Avant 1945 : l’ère des pionniers 1945-1980 : la démocratisation des fonds d'investissement 1980-2000 : la gestion d’actifs devient une industrie 2000-2010 : une décennie perdue ? Après 2011 : vers de nouveaux horizons Publi-dossier distribué avec le Hors-série L’AGEFI - 100 ans "Un journal dans son siècle" - Mai 2011


Gestion d’actifs  : le 21e siècle sera-t-il européen ?

Pascal Voisin, Directeur Général de Natixis Asset Management

Réputées compétitives, nos sociétés de gestion ont fait la preuve de leur capacité à se remettre en question et à apporter des solutions adaptées.

La gestion collective est née dans les années 1920 d’une double idée : offrir aux épargnants des outils liquides et diversifiés pour profiter du dynamisme des marchés financiers et canaliser l’épargne de façon efficiente vers le financement de l’économie. Presque un siècle plus tard, après plusieurs cycles, cette double mission n’a guère changé. Professionnalisée, institutionnalisée, la gestion collective est devenue un rouage de l’économie mondiale, avec de multiples enjeux. Celui de participer à l’effort de financement des retraites dans un contexte de vieillissement des populations dans les pays développés. Celui d’apporter une réponse appropriée aux besoins suscités par les nouveaux bassins d’épargne et par l’essor des fonds souverains… Pour relever efficacement ces défis, l’industrie de la gestion collective doit continuer de se transformer, comme elle n’a jamais cessé de le faire depuis bientôt un siècle. à la demande des investisseurs, elle doit constamment apporter de nouvelles solutions en matière de transparence, de conseil, de gestion des risques ou encore de liquidité. Les différents modes de gestion, passive et active, doivent être considérés dans leur complémentarité, comme deux facettes indissociables d’une même offre, et non renvoyés dos

Natixis Asset Management 21, quai d’Austerlitz - 75634 Paris cedex 13 - Tél. +33 1 78 40 80 00 Société anonyme au capital de 50 434 604,76 euros Agréée en qualité de Société de Gestion de Portefeuille sous le numéro GP 90-009 en date du 22 mai 1990 Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 329 450 738 Responsable publication : Philippe Zaouati Coordination : Frédéric Lenoir avec Alix Boisaubert et Géraldine Mateos Rédaction, mise en page : Agence Fargo Couverture : Frédéric Dupertuys Contributions : Bruno Crastes , Henri de La Porte du Theil, Philippe Morel, Philippe Waechter, Christian Walter.

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à dos. Le secteur doit poursuivre sa nécessaire consolidation tout en favorisant l’éclosion de gérants entrepreneurs à la fois innovants et réactifs. Auparavant intégrées, les sociétés de gestion globales doivent devenir des pôles d’attraction de talents venus d’horizons divers. Sur le front réglementaire, enfin, l’industrie doit se doter d’un cadre à même de conforter, et non plus de freiner, les investisseurs institutionnels dans leur capacité à investir sur le long terme. C’est en accompagnant ce mouvement que l’industrie puisera sa légitimité et sa capacité à répondre aux défis de demain. à ces conditions, l’industrie européenne aura une carte à jouer sur l’échiquier mondial. Réputées compétitives, nos sociétés de gestion ont fait la preuve de leur capacité à se remettre en question et à apporter des solutions adaptées, tandis que l’enveloppe UCITS est devenue un véritable label à l’export, gage de visibilité, de sécurité juridique, de liquidité et, plus généralement, de qualité. De fait, la gestion collective européenne est d’ores et déjà plébiscitée en Asie et en Amérique latine. Le 21e siècle pourrait bien être européen.

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Des débuts jusqu’à la 2e guerre mondiale

Avant

© Corbis

1945 L’ère des pionniers

Les premières sociétés de gestion voient le jour à Boston dans les années 1920, pour faire bénéficier les particuliers aisés du dynamisme de Wall Street. Après le choc de la crise de 1929, la reprise favorise de nouvelles initiatives entrepreneuriales.

21 mars 1924, Boston. Vendeur d’ustensiles de cuisine en aluminium, Edward G. Leffler crée le Massachussetts Investors Trust (MIT) et propose au public le premier fonds d’investissement ouvert pour un montant minimum de 262,5 dollars, soit 2,5 dollars de moins que l’acquisition d’une Ford T. La première société de gestion est née. Elle ne restera pas seule longtemps. Toujours à Boston, Paul C. Cabot fonde State Street Investment Corporation avec deux associés, en juillet de la même année, rapidement suivi par Incorporated Investors, Loomis Sayles ou encore Pioneer, qui proposent à leur tour de regrouper des investisseurs dans un pool permettant d’investir ensemble dans un grand nombre d’actions afin d’en déléguer la sélection et d’en diversifier les risques. Ce concept n’est certes pas nouveau. En 1868, déjà, Foreign and Colonial Government Fund avait lancé à Londres

les fondements de cette industrie en proposant les premiers fonds. Mais voilà. Fermés (closed-end mutual funds), ceux-ci ne pouvaient s’acquérir qu’en Bourse, avec une liquidité très incertaine. Rien de tel avec ces nouveaux fonds, ceux-là ouverts (open-end mutual funds). à capital variable, ces derniers ont la possibilité d’émettre leurs propres parts, remboursables à la demande du porteur, à un prix dépendant cette fois-ci de la valeur des titres détenus en portefeuille, sans surcote et sans problème de liquidité.

Un contexte porteur Ces prémices de l’industrie de la gestion collective profitent alors d’un environnement économique favorable, marqué par une hausse de la Bourse américaine qui paraît infinie et par la fascination croissante des Américains pour Wall Street. Entre 1927 et 1929, le nombre d’investisseurs, essentiellement

privés, dans ces fonds atteint 525 000, tandis que les actifs gérés quadruplent pour atteindre plus de 2,7 milliards de dollars. Ce dynamisme libère les initiatives entrepreneuriales. Entre 1921 et 1926, 140 sociétés d’investissement voient le jour. Sur la seule année 1929, au moins un fonds est créé chaque jour… jusqu’au mois d’octobre, où l’élan s’arrête net. En deux ans, la Bourse américaine perd près de 80 % de sa valeur. Aucune société de gestion n’y échappe. Essentiellement investis en actions, le MIT s’effondre de 75 %, State Street de 71 % et Incorporated Investors de 81 %. Les sociétés de gestion se relèvent pourtant vite. Tirée par de lourds investissements publics dans le cadre du New Deal, la reprise de l’économie américaine suscite la création de nouveaux fonds ouverts, tandis que l’encours des fonds fermés baisse inexorablement. Les fonds ouverts représenteront 36 % en 1940.

La régulation progressive du secteur Le krach de 1929 amène le législateur à encadrer les pratiques de l’industrie, afin d’éviter les excès du passé. En mai 1933, Roosevelt promulgue le Securities Act. L’année suivante, le Securities Exchange Act est ratifié, donnant naissance au gendarme des marchés financiers, la Securities and Exchange Commission (SEC). La mesure la plus importante survient deux ans plus tard, avec la promulgation du Revenue Act (1936), qui prévoit l’exemption fiscale des dividendes perçus par les sociétés de gestion sous certai-

nes conditions. Le législateur met non seulement les gérants de fonds sur un pied d’égalité fiscale avec les investisseurs directs en valeurs mobilières, mais il instaure des principes de base de gestion, comme la diversification. Ce faisant, la loi de 1936 prépare le terrain à l’Investment Company Act de 1940, qui gravera dans le marbre la manière dont les sociétés de gestion opèrent au jour le jour. La gestion collective est sur des rails. Et les états-Unis ont pris durablement une longueur d’avance.

Un siècle de gestion d’actifs I 3


De l’âge d’or à la stagflation

1945

des fonds d’investissement

Oubliée la crise de 1929 : l’essor de la bourse convainc un nombre croissant d’Américains d’investir en actions leur épargne via des « mutual funds ». Amenant inflation et ralentissement économique, la première crise pétrolière stoppe cet élan, conduisant les sociétés de gestion à renouveler leur offre. Les marchés monétaires seront leur nouveau terrain de jeu.

1940-1960 : l’âge d’or Les années d’après-guerre favorisent l’essor d’une classe moyenne, à la fois fortement consommatrice et à la capacité d’épargne positive. Parallèlement, la croissance économique soutenue stimule les marchés actions : bon an, mal an, les grandes capitalisations boursières affichent un rendement annuel moyen de 14,8 % entre 1941 et 1960, tandis que les petites et moyennes capitalisations offrent un rendement de 18,9 %. Cette confiance quasi-inébranlable dans la croissance économique amène un nombre grandissant d’Américains à s’exposer aux marchés actions et accélère la démocratisation de la gestion collective. A peine 300 000 en 1940, les particuliers sont 4,9 millions à investir dans des fonds d’investissement vingt ans plus tard, provoquant une explosion des actifs gérés de 450 millions de dollars à 17 milliards de dollars. Cet essor profite à une classe d’actifs (les actions) et à un modèle de distribution (le courtier). Les pionniers de la gestion d’actifs tirent parti de cette conjoncture. Les fonds gérés par Mas-

sachussets Investors Trust (MIT) bondissent de 123 millions de dollars en 1940 à 1,4 milliard de dollars en 1958. State Street voit son encours progresser de 39 à 199 millions de dollars, tandis qu’Incorporated Investors, qui gérait 49 millions de dollars en 1940, affiche un encours sous gestion de 307 millions de dollars. De nouveaux acteurs – Dreyfus, Franklin, Neuberger, T. Rowe Price – émergent, et deviendront des années plus tard des représentants majeurs de leur profession. Pour continuer de croître à ce rythme, les sociétés de gestion cherchent à maîtriser leur distribution et à s’affranchir des seuls courtiers. En 1957, Dreyfus lance une campagne de publicité pour les particuliers. Deux ans plus tard, le portrait de Dwight Robinson, président du Massachussets Investors Trust, occupe la Une du magazine Times de juin 1959, illustrant la consécration de la gestion collective et la starification de leurs représentants. En France, s’inspirant du système de retraite par répartition Bismarckien, l’ordonnance du 4 octobre 1945 crée un réseau coordonné de caisses de retraite se substituant aux multiples organismes existants.

La priorité est donnée aux actions

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Ces nouveaux acteurs permettront à la gestion institutionnelle de se développer quelques décennies plus tard.

1960-1970 : éclosion de nouveaux acteurs Le succès des mutual funds ne tarde pas à attirer l’attention du reste de l’industrie financière, et en particulier celle des sociétés d’assurance, qui ne proposaient alors que des produits à rendement fixe. Piquées au vif, celles-ci réagissent de différentes manières. La première consiste à proposer des solutions avec de meilleurs rendements. à la fin des années 1950 apparaissent ainsi les produits à annuités variables développés par la Teachers Insurance and Annuity Association (TIAA). D’autres privilégient la création de sociétés de gestion in house, favorisant le développement de leur marque propre, quitte à investir des ressources considérables avec un espoir de rentabilité lointain. Rapidement, certains assureurs préfèrent racheter des sociétés de gestion : Loomis Sayles passe sous le contrôle de New England Life ; Channing est racheté par American General et Anchor par Washington Mutual. John C. Bogle, alors président de Wellington, estime que les sociétés de

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1980 La démocratisation


gestion rachetées représentent environ 12 % des actifs gérés. C’est la première phase de consolidation de cette jeune industrie. Les sociétés de gestion indépendantes ne sont pas en reste : en dix ans, la gestion collective multiplie par trois le montant des actifs sous gestion (de 17 à 48 milliards de dollars). Pour répondre à une demande croissante de rendements élevés, de nombreux acteurs segmentent leurs offres et créent les premiers fonds de croissance. à cette époque, un gérant se porte en effet bien mieux en achetant des « valeurs de croissance » comme Polaroid et Xerox, plutôt que des blue chips telles que AT&T, General Electric, General Motors ou Texaco, quitte à s’exposer à des valeurs plus petites et moins liquides. Fidelity est l’un des premiers acteurs à s’engouffrer dans la brèche dès 1957, avec Fidelity Capital Fund. Puis les principales sociétés de gestion lancent à leur tour leur propre fonds de croissance avec leur gérant vedette : Howard Stein (Dreyfus Fund), Fred Carr (Enterprise Fund), Fred Alger (Security Equity Fund).

1970-1980 : la stagflation pénalise la gestion actions 1974. L’embargo des pays de l’Opep provoque une envolée du cours du baril de pétrole. L’inflation, qui atteint 5-6 % au début des années 1970, explose à 12 %. Dans un contexte de stagflation, les investisseurs cherchent à se prémunir contre la chute des marchés financiers et à se protéger contre l’inflation. Les courtiers et intermédiaires, principaux canaux de distribution des fonds jusqu’ici, se tournent vers d’autres produits. Même si les pays producteurs transfèrent massivement leurs pétro-dollars vers New York et Londres, seules places à pouvoir accueillir des montants

aussi importants, la croissance de l’industrie s’arrête. Certains gérants envisagent sa disparition prochaine. Après avoir atteint un pic à près de 60 milliards de dollars, l’encours géré tombe à 36 milliards en 1974, tandis que l’industrie perd près de 1,5 million de souscripteurs en quatre ans. Cette nouvelle crise amène les sociétés de gestion à revoir leurs gammes en déterrant ce qui n’était que des projets quelques années auparavant. Certaines créent ainsi des fonds investissant dans les bons du Trésor, les certificats de dépôt et d’autres instruments obligataires à court terme, afin de concurrencer des comptes d’épargne qui n’offrent qu’un rendement de 4,5 % à 5,5 %. Le premier fonds monétaire, Reserve Fund, naît à New York en septembre 1972. Puis les sociétés de gestion déjà établies proposent à leur tour leurs propres fonds monétaires : Dreyfus lance Dreyfus Liquid Asset Fund, tandis que Fidelity propose Fidelity Daily Income Trust. Conçus comme des poches permettant de récupérer les liquidités sortant des marchés actions, ces fonds sont peu à peu considérés comme une classe d’actifs à part entière, répondant à un besoin de long terme des investisseurs. Les fonds monétaires voient leur encours passer de 2 milliards de dollars en 1974 à 11 milliards en 1978, puis à 76 milliards en 1980, année où la gestion monétaire dépasse toutes les autres classes d’actifs. D’autres innovations financières apparaissent parallèlement : Wells Fargo crée un fonds pour le compte d’un fonds de pension en 1971, tandis que les fonds indiciels prennent leur essor avec la création en 1975 de Vanguard, un acteur atypique qui offre l’autre particularité d’être la première société de gestion mutualiste. Ces innovations vont s’accélérer au cours des décennies suivantes.

Les fonds monétaires deviennent une classe d’actifs à part entière

1945

> ordonnance créant les caisses de retraite en France

1952

> fondation de la théorie moderne du portefeuille par Harry Markowitz

1957

> lancement du premier fonds actions Growth (privilégiant les valeurs de croissance)

1972

> lancement du premier fonds monétaire aux états-Unis

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La construction des fondements théoriques Diversification, alpha, béta, ratio de Sharpe. Ces notions qui gouvernent la construction de portefeuilles et l’analyse de la performance sont le fruit des travaux académiques des années 1950 à 1980. Reprenant les travaux du français Louis Bachelier en 1900, Harry Markowitz fonde la théorie moderne du portefeuille en 1952, en démontrant qu’en univers incertain, l’investisseur peut construire un portefeuille efficient qui offrira une rentabilité optimale pour un niveau de risque donné. En 1964, William Sharpe construit sur cette base le modèle

d’évaluation des actifs financiers, qui permet d’estimer la rentabilité attendue d’un actif et d’analyser la performance d’un portefeuille, grâce au ratio de Sharpe et au nouveau concept de béta. Eugene Fama, à travers la théorie de l’efficience des marchés, affirme qu’à tout instant, le prix d’un actif est le reflet de toute l’information publique disponible sur la valeur de cet actif, posant les jalons de la gestion indicielle. Cette théorie, partiellement validée, sera l’objet d’une vive controverse, toujours d’actualité.

Un siècle de gestion d’actifs I 5


De la modernisation des marchés financiers au « rally » des années 1990

2000 La gestion d’actifs devient une industrie

Le repli graduel des taux d’intérêt et l’essor de la dette publique favorisent la gestion obligataire, tandis que le contexte économique soutient de nouveau les fonds actions. La France se dote à son tour d’outils nécessaires à l’émergence de sociétés de gestion dans le sillage des banques et des compagnies d’assurance.

Au début des années 1980, les éléments sont réunis pour un nouveau cycle haussier. Pour relancer l’économie et lutter contre l’inflation, les gouvernements Reagan et Thatcher mettent en œuvre presque simultanément des politiques économiques favorables aux entreprises privées et entreprennent une vague de déréglementation sans précédent qui essaimera dans le monde entier. En découlent une financiarisation croissante de l’économie, une hausse de la productivité et une modification durable du partage de la valeur ajoutée au bénéfice des actionnaires. Enfin, ce qui est encore la Communauté européenne accélère son intégration, avec l’ambition d’améliorer la circulation des biens, des services, des personnes, mais aussi des capitaux, préalable à une mondialisation croissante des entreprises nationales. Parallèlement, le recul de l’inflation provoque une diminution des taux d’intérêt et amorce un « rally » de vingt ans sur les marchés actions, ponctué de quelques krachs vite effacés. L’industrie de la gestion d’actifs profite à plein de cette nouvelle configuration de mar-

ché. Les fonds monétaires, qui représentent les trois quarts de l’ensemble des fonds gérés aux États-Unis en 1982, décollectent. Dans les pays développés, les fonds d’investissement, détenus directement ou indirectement, via les organismes d’assurance ou les fonds de pension, représentent 10 % à 30 % du patrimoine financier des ménages, et leur poids dans les capitalisations boursières peut atteindre 20 % à 30 %. Portée par la hausse des bourses, la part du patrimoine financier rapportée au revenu disponible des ménages s’accroît, créant un effet de richesse favorable à l’endettement privé. En vingt ans, l’industrie de la gestion collective américaine multiplie par plus de 50 ses encours gérés.

En 20 ans, l’industrie de la gestion collective américaine multiplie par plus de 50 ses encours gérés

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UCITS : un mur tombe Si l’industrie de la gestion d’actifs européenne commence juste à combler son retard sur les états-Unis, celle-ci se démarque de la situation américaine sur deux points : le caractère prépondérant de la retraite par répartition en Europe continentale et le poids des réseaux bancaires dans la distribution. Outre-

Atlantique, à l’inverse, la distribution est assurée essentiellement par des courtiers (brokers-dealers), la part de l’assurance et des banques étant plus réduite (15 % et 13 % respectivement). Une autre spécificité est l’hétérogénéité de la réglementation et de la fiscalité des fonds, qui relèvent essentiellement des législations nationales. Alors qu’aux états-Unis, tout gestionnaire d’actifs dont l’encours dépasse 25 millions de dollars relève de la SEC, les règles gouvernant le fonctionnement et la distribution des fonds diffèrent d’un pays à l’autre, constituant un frein à l’émergence d’une industrie paneuropéenne. « La vente au porte-à-porte est interdite en Belgique et au Luxembourg, mais elle est régulée en Allemagne. Au Royaume-Uni, le marketing direct est la norme », raconte Ingo Walter, professeur de finance à l’Université de New York. Cette situation va évoluer avec la directive UCITS, adoptée en 1985 après quinze ans de négociations. Elle établit les principes d’harmonisation en matière de régulation des OPCVM au sein de l’Union européenne. Entre 1993 et 2000, l’encours géré en Europe progresse de 1 332 milliards d’euros à 4 509 milliards d’euros. L’Europe joue enfin à armes égales avec les états-Unis.

© Vernier Jean Bernard/Corbis Sygma

1980


La gestion d’actifs française se modernise à grande vitesse Si un décret autorisant la création des SICAV est publié en 1963 afin de gérer l’épargne salariale des entreprises instituée par l’ordonnance de 1967, un des grands projets du gouvernement du général de Gaulle, l’industrie française de la gestion d’actifs, reste embryonnaire. « Dans les économies d’endettement, comme en France, la Bourse était principalement un marché de propriétaires, et non de financement, rappelle Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Natixis Asset Management. La gestion d’actifs n’avait alors pas de sens ». En dix ans, le législateur va la doter des outils et de l’attirail réglementaire et fiscal nécessaires à son essor. En 1978, la loi Monory crée l’ancêtre du PEA afin de favoriser l’actionnariat individuel. Un an plus tard, sont votées les lois relatives aux Sicav et aux FCP. Afin de faciliter le financement d’un déficit public croissant, le législateur crée des instruments de dette modernes et favorise une nouvelle forme d’intermédiation financière en décloisonnant le secteur bancaire et les marchés de capitaux. Fortes de cette nouvelle réglementation accommodante des OPCVM, les banques lancent des fonds monétaires et obligataires, récupérant hors bilan ce qu’elles perdaient en liquidités habituellement collectées auprès du public sous forme de dépôts. Des fonds actions sont aussi lancés vers le grand public, portés par une fiscalité attractive, la vague de privatisations amorcée dans les années 1986 et une tendance boursière porteuse. Parallèlement, les compagnies d’assurance utilisent l’enveloppe de l’assurance vie pour faire profiter à plein leurs réseaux de cette nouvelle forme d’intermédiation. Ces nouveaux supports bénéficieront de la longue baisse des taux d’intérêt amorcée au milieu des

années 80 et résultant de politiques monétaires cherchant à limiter l’inflation. C’est l’émergence de la gestion obligataire française, qui profite du développement des mathématiques financières (techniques d’actuariat) et de l’arrivée d’un personnel hautement qualifié issu des grandes écoles d’ingénieurs françaises. Afin de sécuriser ce nouveau modèle d’épargne, le Trésor aménage le règlement des OPCVM en rendant obligatoire l’identification des gestionnaires, jusqu’alors logés dans de simples services internes, et incite les banques à se doter de filiales spécialisées. Enfin, une refonte complète de la législation française est entreprise en 1988, afin de transposer en droit français la Directive européenne de 1985, sans conséquence sur le quasi-monopole des réseaux bancaires et d’assurance dans la distribution des OPCVM. Les pouvoirs publics prennent vite conscience de l’importance de moderniser la place de Paris, afin d’attirer des capitaux et de doter cette nouvelle industrie des outils nécessaires à sa compétitivité (création du Matif, puis du Monep, lancement du CAC 40…). Enfin, le statut de société de gestion de portefeuille est créé en 1989, dont l’agrément est confié à la Commission des opérations de Bourse (COB devenue l’Autorité des marchés financiers - AMF). Destinées à gérer les fonds propres de leur maison-mère et de leur clientèle de réseau, ces sociétés de gestion vont peu à peu commercialiser leurs fonds à d’autres institutions plus petites souhaitant externaliser la gestion de leurs capitaux à long terme. Ces innovations réglementaires successives génèrent l’éclosion d’une véritable industrie de la gestion collective en France et inscrivent durablement sa structure, marquée par l’omniprésence des banques et des compagnies d’assurance.

Les banques françaises récupèrent hors bilan ce qu’elles perdent en liquidités habituellement collectées sous forme de dépôts

1982

> la gestion monétaire représente les trois-quarts des encours aux États-Unis

1985

> première directive UCITS

1989

> création du statut de société de gestion en France

2000

> l’encours géré en Europe dépasse 4 500 milliards d’euros

États-Unis : l’essor des fonds de pension © istockphoto.com

La gestion collective n’est plus seulement une affaire de clients privés. Les fonds de pension, qui existent aux étatsUnis depuis le 19e siècle, se répandent dès les années 1940 dans les conventions collectives. Deux lois fédérales vont structurer ces dispositifs, poussant les entreprises à les abonder massivement dans un contexte de modération salariale. L’Employee Retirement Income Security Act (ERISA) est voté en 1974, suivi de la Tax Economic Recovery Act, en 1981, qui permet à tout Américain de

disposer d’un compte individuel de retraite avec une contribution déductible des impôts. Entre temps, les plans de retraite de type « 401k » (plans d’épargne retraite collectifs défiscalisés) sont créés, administrés par les entreprises, qui déplacent la charge du financement vers les salariés. Ces dispositifs vont devenir incontournables pour les sociétés de gestion dès les années 1980. Fin 2001, pas moins de 6 350 milliards de dollars sont investis dans des fonds de pension, dont une large part de la gestion est déléguée à des sociétés de gestion. En s’ouvrant aux institutionnels et à leurs obligations de gestion actif-passif, la gestion collective gagne en sophistication et en largeur de gamme.

Un siècle de gestion d’actifs I 7


De la bulle internet à la crise financière

2010 Une décennie perdue ?

La chute des marchés, au début des années 2000, favorise les fonds à performance absolue, encourage l’innovation financière et suscite une éclosion de boutiques, notamment de gestion alternative. La crise financière de 2008 ne fait que renforcer cette polarisation croissante entre gestion active et gestion indicielle.

L’industrie de la gestion collective débute le siècle au faîte de sa vigueur. En 2000, les fonds gérés pour compte de tiers atteignent 34 400 milliards de dollars, soit davantage que le PIB mondial. Si cette croissance des encours s’explique surtout par l’envolée des cours de Bourse, elle s’est faite sans lien avec l’économie réelle. En durcissant sa politique monétaire, la Fed précipite la chute des marchés. La « vieille économie » reprend droit de cité. Les entreprises aux business plans trop optimistes et financées par un endettement excessif disparaissent. En deux ans, la chute des marchés ampute les 200 principaux fonds de pension américains de 24 % de leur valeur. Les passifs sociaux des entreprises, qui avaient souvent sousprovisionné leurs positions, se creusent. Cet épisode remet en cause le modèle du financement des fonds de pension aux états-Unis, dont 61 % de l’encours repose fin 2001 sur des régimes à prestations définies (payés par l’employeur, qui s’engage sur un niveau de versement à terme).

Mutation de la chaîne de valeur Désormais, les investisseurs cherchent la surperformance au travers de la décorrélation entre classes d’actifs. Cette nouvelle crise de légitimité pour l’industrie suscite une multiplication des innovations (produits structurés, CDO…), dont certaines découlent directement des banques d’investissement, et la montée en puissance de classes d’actifs autrefois marginales. Le capital-investissement, les matières premières et surtout les marchés émergents, dont la valorisation bondit à mesure que se creusent les écarts de croissance avec les pays développés, se répandent. à la demande d’investisseurs institutionnels, l’ISR, né dans les années 1980, se développe. La performance absolue devient le mot d’ordre des gérants. La demande pour des fonds gérés activement, et non plus benchmarkés, provoque l’éclosion de nombreuses boutiques. Quelques sociétés de gestion entrepreneuriales, qui étaient parvenues à tirer leur épingle du jeu en re-

Les investisseurs cherchent la surperformance, au travers de la décorrélation entre classes d’actifs

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fusant d’acheter ce qui était à la mode pour aller vers des secteurs défensifs et ignorés par le reste du marché, sont recherchées. Le renouveau après l’éclatement de la bulle internet crée un appel d’air pour ce modèle de société de gestion, provoquant une atomisation du marché. En France, le nombre de sociétés de gestion passe de 334 à 571 entre 1998 et 2008. Cette effervescence est soutenue par les distributeurs, qui font un appel croissant à des gérants externes pour compléter leurs offres. Si elle est monnaie courante pour les sociétés de gestion américaines, dont une large part de la distribution découle d’intermédiaires indépendants, l’architecture ouverte gagne l’Europe continentale. La multigestion s’étend et les consultants deviennent incontournables pour accompagner les institutionnels dans leurs choix d’allocation stratégique et de sélection. En France, les conseillers indépendants captent et orientent une part croissante de la collecte. Sur un autre plan, la crise asiatique de 1997 a incité les pays émergents à accumuler des réserves de change et à créer des fonds souverains, qui deviennent un nouvel axe de développement majeur pour l’industrie. Cette recherche de performance absolue focalise la gestion autour de deux pôles.

© Peter Foley/epa/Corbis

2000


Si les fonds gérés activement permettent de diversifier et de décorréler les portefeuilles, les allocations d’actifs sont de plus en plus effectuées avec des fonds indiciels, qui se contentent de dupliquer des indices de marché au moindre coût. C’est le début des ETF, émanations de banques d’investissement, qui font leurs premiers pas aux états-Unis en 1993 et débarquent en France au début des années 2000.

Les ménages redécouvrent l’immobilier La vigueur de la reprise économique globale, la politique monétaire accommodante des banques centrales dans les pays développés et l’accumulation de réserves de change dans les pays émergents alimentent une vague de liquidités sans précédent à partir de 2003. L’économiste Michel Aglietta observe, dans Macroéconomie financière, que « l’appréciation de la valeur réelle des actifs patrimoniaux est nourrie par le rythme de l’expansion du crédit plus rapide que celui de la production, c’est-à-dire l’accroissement du ratio crédit/PIB ». Mais les ménages restent à distance. « Jusqu’à la crise de 2008, la gestion d’actifs est plutôt une affaire d’investisseurs avertis à la recherche de niches, de moteurs de performance spécifiques, alors que les particuliers ne perçoivent plus sur les marchés boursiers l’attrait qu’ils y avaient trouvé quelques années auparavant, note Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Natixis Asset Management. Ils préfèrent l’immobilier et les produits longs, comme l’assurance vie. » L’appréciation des marchés immobiliers est mondiale et quasi-simultanée. Augmentation de l’endettement des ménages, baisse des taux d’intérêt et innovations financières alimentent une bulle immobilière, tandis que les ménages américains financent leur consommation à crédit. Jusqu’ici porté par les banques, le crédit devient une classe d’actifs, encapsulée dans des véhicules de titrisation. Tronçonnés

en tranches, ceux-ci atterrissent dans les portefeuilles d’investisseurs ou dans des fonds en quête de rendement face à des produits classiques (monétaire, obligataire) moins performants.

La rupture de 2008 Les excès pratiqués dans les octrois de crédit immobilier aux états-Unis déclenchent la crise des subprimes en juillet 2007 et provoquent la disparition de Lehman Brothers un an plus tard, évènement qui dégénère en séisme mondial. Les investisseurs constatent que certains produits financiers au cœur du système sont illisibles et conduisent à une mauvaise évaluation du risque. L’argent ne circule plus, personne ne sait où est le risque. Pris de panique, de nombreux investisseurs cherchent refuge dans le cash et sortent des marchés, provoquant une baisse de toutes les classes d’actifs. Les sociétés de gestion alternative débouclent simultanément leurs positions, dont l’effet de levier accroît la pression vendeuse. Fin 2008, toutes les stratégies alternatives s’effondrent. Le scandale Madoff éclate. En un an, les actifs sous gestion fondent de 18 % dans le monde, après une période de croissance de 12 % par an entre 2002 et 2007. Les marchés ne se relèvent à partir de mars 2009 que grâce aux plans de garantie et de relance publics et aux trombes de liquidités déversées par les banques centrales, qui initient un retour timide de l’appétit pour le risque au printemps 2009. Les demandes des investisseurs ont une nouvelle fois changé. Plus exigeants sur la liquidité et la transparence, ils rejettent tout ce qui est perçu comme opaque. La réglementation leur emboîte le pas, pousse les institutionnels à limiter leurs risques (Solvabilité 2, Bâle 3…) et tente d’encadrer les pratiques de l’industrie (Directive européenne AIFM). Les investisseurs n’attendent plus seulement des sociétés de gestion de la performance, mais aussi des outils de gestion du risque.

Le crédit immobilier atterrit dans les portefeuilles d’investisseurs en quête de rendement

2000

> arrivée des ETF en France

2001

> records historiques pour les marchés actions

2008

> faillite de Lehman Brothers

2010

> vote de la directive AIFM sur la gestion alternative

© Jeon Heon-Kyun/epa/Corbis

La montée en puissance des hedge funds Née dans les années 1950 et médiatisée par les activités spéculatives de Georges Soros dans les années 1990, la gestion alternative se développe à une très large échelle, notamment portée par la déréglementation, l’irruption des technologies de l’information et l’accompagnement des banques d’investissement, qui leur adressent des offres en matière de prime brokerage et de comptes gérés. Ce type de gestion est fondé sur des

effets de levier et des modèles de gestion très libres, qui les affranchissent des contraintes de gestion traditionnelles, et répond aux besoins de performance absolue d’un nombre croissant d’investisseurs, notamment institutionnels et de family offices. Au premier trimestre 2011, l’encours géré dépasse 2 000 milliards de dollars, selon HFR, excédant allègrement les montants records atteints avant la faillite de Lehman Brothers.

Un siècle de gestion d’actifs I 9


De la remise en question à la consolidation

Après

Vers de 2011 nouveaux horizons

Les demandes se complexifient et se segmentent au niveau mondial. Pour rester compétitifs, les acteurs globaux s’organisent en pôles de concentration. La crise a freiné la croissance des encours, mais l’industrie peut compter sur deux relais de croissance : le financement des retraites et l’essor des nouveaux bassins d’épargne dans les pays émergents.

La crise a durablement rebattu les cartes pour l’industrie de la gestion d’actifs. Sur le plan économique, les mesures pour sortir de la récession portent éventuellement les germes de nouvelles crises. Le sauvetage du système financier et les plans de relance se sont traduits par un gonflement des endettements publics et un transfert du risque vers l’obligataire d’état, tandis que les politiques monétaires ultra-accommodantes font flamber le prix des matières premières et font craindre le retour de l’inflation, créant ainsi de l’incertitude sur les perspectives de croissance des pays développés. Avec 23 700 milliards de dollars sous gestion (48 % aux États-Unis et 33 % en Europe), l’industrie mondiale de la gestion collective apprend à vivre avec un environnement durablement volatil, où la tendance haussière n’est plus certaine.

Le secteur se polarise Par sa brutalité et son ampleur inattendues, la crise met à mal les fondements théoriques sur lesquels les sociétés de gestion ont fondé leurs modèles, soudainement pris en défaut par une vision trop simplificatrice de la réalité des marchés. Si

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« les processus browniens (…) se sont révélés des outils extrêmement puissants et commodes pour modéliser les fluctuations financières », leur utilisation systématique dans la gestion a conduit « à attribuer aux phénomènes financiers plus de régularité qu’ils n’en ont », explique Christian Walter, directeur de la chaire éthique et Finance à l’Institut Catholique de Paris. En clair, les risques ont été sous-estimés. Conséquence de la crise, les investisseurs modifient peu à peu leurs demandes. En plus de performance, ils recherchent des outils de gestion du risque. Cas emblématique de cette tendance lourde, le fonds de pension californien Calpers a annoncé une nouvelle stratégie d’allocation d’actifs destinée à ajuster les performances en fonction des risques. Plus largement, c’est une complexification des demandes qui est adressée. « L’environnement réglementaire se durcit et exige une segmentation des offres, explique Philippe Morel, directeur associé senior au Boston

Consulting Group à Paris. Les fonds de pension et les compagnies d’assurance demandent des compétences en matière de conseil ou de gestion actif-passif, tandis que les particuliers recherchent un service en matière d’allocation stratégique. D’autres se focalisent plus sur l’exposition à certaines classes d’actifs ou à certains marchés sous-jacents, dans le cadre d’une approche indicielle ou vont chercher un surcroît de performance (génération d’alpha) ».  Si elle représente une opportunité pour le secteur, l’hétérogénéité de ces exigences se traduit pour les sociétés de gestion par le développement de nouvelles expertises tous azimuts et par une réduction des marges sur les produits les plus standards. Pour rester dans la course, elles doivent engager de lourds investissements et donc, rechercher des synergies de coûts. En découlent une course à la taille critique et une remise en question des acteurs de

Les acteurs globaux doivent engager de lourds investissements et rechercher des synergies de coûts

© istockphoto.com


ter, afin de créer un nouveau type d’architecture ouverte maîtrisée autour de pôles de concentration. C’est le cas de Natixis Global Asset Management, qui rachète des acteurs historiques, tels que Loomis Sayles, ou accompagne des lancements de sociétés de gestion entrepreneuriales, comme récemment avec H2O Asset Management.

Vers des nouveaux relais de croissance L’augmentation des besoins de financement de la retraite par capitalisation et l’essor des nouveaux bassins d’épargne dans les pays émergents vont parallèlement apporter de nouveaux relais de croissance à l’industrie. Déjà considérées par les sociétés de gestion comme une classe d’actifs à part entière, ces zones sont peu à peu perçues comme des débouchés. Avec un avantage de poids pour les Européens : l’enveloppe UCITS, reconnue dans le monde. Toutefois, « il ne s’agit pas d’un eldorado, souligne Philippe Morel. Les conditions d’accès à ces marchés sont difficiles, tandis que les régulateurs ont tendance à privilégier les acteurs locaux au détriment des étrangers. » Pour ces raisons, les marchés émergents sont, pour l’heure, davantage des marchés d’exportation que d’implantation, même si certaines sociétés de gestion s’y installent ponctuellement avec des distributeurs locaux. Ils concernent donc plus les grands institutionnels que les ménages, qui nécessitent une proximité et un ancrage culturel hors de portée de la plupart des occidentaux. Cette phase ultime de la mondialisation du secteur demandera du temps.

Les marchés émergents entrent au cœur des stratégies d’investissement

Les atouts de la gestion d’actifs française © AFG

taille intermédiaire, qui s’interrogent sur la pertinence de leur présence dans ce secteur de plus en plus mobilisateur de capitaux. Ainsi, Barclays a vendu sa filiale BGI à BlackRock, déjà marié à Merrill Lynch Investment Managers cinq ans plus tôt. En France, on assiste à la création de Natixis Global Asset Management. SGAM et CAAM donnent naissance à Amundi, tandis que BNP Paribas a récupéré la gestion de Fortis. Si la crise a ralenti la tendance, ces opérations ne sont que les prémices d’une rationalisation beaucoup plus poussée à venir. Car parallèlement, les candidats à la consolidation sont légion. Si l’émergence d’acteurs globaux nécessite une taille critique sans cesse plus élevée pour amortir l’inflation annoncée des coûts fixes, la création de sociétés de gestion entrepreneuriales exige en effet peu de barrières à l’entrée. Focalisées sur une stratégie, voire sur une classe d’actifs, elles ont des contraintes de rentabilité moins élevées et peuvent externaliser une grande partie de leur activité. La complémentarité de ces deux modèles pousse progressivement à vider un midmarket en panne de croissance, accélère la polarisation du secteur et multiplie les passerelles entre boutiques et acteurs globaux. Les premiers apportent de nouveaux moteurs de performance absolue et résolvent les conflits d’intérêts. Les seconds offrent leur réseau de distribution et l’adossement à un acteur solide. « La demande des particuliers s’oriente vers des fonds d’accès assez standard, tandis que les institutionnels exigent des solutions à forte valeur ajoutée, explique Bruno Crastes, fondateur d’H2O Asset Management. La polarisation des demandes accroît dès lors la polarisation du secteur. » Plusieurs modèles de partenariats s’apprêtent à cohabi-

Paul-Henri de La Porte du Theil, président de l’Association française de gestion financière (AFG)

Les sociétés de gestion françaises sont bien armées pour saisir les opportunités qui s’ouvrent à elles. Grâce à leur masse, d’abord. Avec plus de 20 % des encours gérés en Europe, la gestion d’actifs française pèse 2 656 milliards d’euros. Grâce à leur diversité et à leur créativité, aussi. La France compte 4 sociétés de gestion parmi les 20 premières mondiales et 600 acteurs. Les gérants français s’illustrent en développant des expertises en gestion obligataire, en gestion structurée ou dans l’ISR. La France dispose aussi d’un vivier de talents en mathématiques et en ingénierie financière reconnu dans le monde. « Nos sociétés de gestion ont traversé les frontières pour répondre aux appels d’offres internationaux, notamment des fonds de pension et des fonds souverains du Golfe ou d’Asie, ainsi que pour s’implanter à l’étranger », rappelle Paul-Henri de La Porte du Theil, président de l’Association française de gestion financière. Cas emblématique : la société de gestion entrepreneuriale Carmignac doit l’essentiel de son hypercroissance aux pays européens limitrophes.

Bibliographie Michel Aglietta, Macroéconomie financière, La Découverte, Repères, 2005 Pierre Bollon, Carlos Prado, « Actifs gérés pour compte de tiers : citius, altus, fortius ? », Revue d’économie financière, 2005 Boston Consulting Group, rapports annuels sur la gestion d’actifs dans le monde John Brooks, The Go-Go Years : The Drama and Crashing Finale of Wall Street’s Bullish 60s, Wiley, 1999 Matthew P. Fink, The Rise of Mutual Fund, Oxford University Press, 2008 Lee Gremillion, Mutual Industry Handbook, Wiley, 2005 Elaine Hutson, The early managed fund industry : Investment trusts in 19th century Britain, International Review of Financial Analysis, 14 (2005) 439-454 Charles Kindleberger, Robert Aliber, Manias, Panics and Crashes, Palgrave, 2005 Louis Lowenstein, « Searching for Rational Investors in a Perfect Storm », Journal of Behavioral Finance, 2006, Vol.7, n°2, 66-74 Jim O’Neill, « Building Better Global Economic BRICs », Goldman Sachs Global Economic Paper, n°66, 2001 Christian Walter, Michel de Pracontal, Le virus B, Seuil, 2009 Christian Walter, « La représentation brownienne du risque : une faute morale collective ? », Finance & The Common Good/Bien Commun, n°31-32, II-III/2008 Ingo Walter, « The Asset Management Industry in Europe », in Jean Dermine, Pierre Hillion (eds), European Capital Markets With a Single Currency, Oxford University Press, 1999.

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A C T I F. OUVRIR DE NOUVELLES PERSPECTIVES D’INVESTISSEMENT Face aux nouveaux enjeux du siècle, Natixis Asset Management place la recherche et l’innovation au cœur de sa stratégie. Grâce à l’expertise de ses équipes, Natixis Asset Management conçoit des solutions d’investissement optimisées pour ses clients.

Avec 298 milliards d’euros d’actifs sous gestion au 31 mars 2011, Natixis Asset Management apporte à ses clients de nouvelles solutions de création de valeur. Expert européen de Natixis Global Asset Management

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