Flash "GIEC en question(s)" par S.Hallegatte et R.Klein

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Avril 2010

Impact Climate Change Le GIEC en question(s) par Stéphane Hallegatte et Richard Klein, membres du Comité Scientifique Climate Change de Natixis Asset Management Le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’Evolution du Climat (GIEC) est une institution internationale créée en 1988. Il s’agit d’une organisation regroupant 194 pays réunis sous la tutelle de l’Organisation Mondiale de la Météorologie et du Programme des Nations Unies pour l’Environnement. Le GIEC est piloté par un bureau(1) composé de 31 membres élus par les pays membres prenant soin de conserver un équilibre entre les différentes régions du monde.

n Quel rôle pour le GIEC ? Le mandat du GIEC est de fournir périodiquement aux décideurs de tous pays un bilan des progrès scientifiques sur l’évolution du climat, sur les risques liés au changement climatique et les stratégies possibles pour y faire face. Ce mandat précise par ailleurs que les rapports visent avant tout à informer la décision publique, sans pour autant formuler de recommandation politique. Ainsi, le GIEC ne se prononce ni sur l’opportunité d’une mise en place de politiques climatiques, ni sur la forme qu’elles doivent prendre. Le GIEC ne doit donc être qu’un fournisseur d’information dans le processus de décision publique, il ne doit pas le remplacer. À ce titre, on peut noter que l’expression "recommandation du GIEC" que l’on retrouve fréquemment dans les médias est un non-sens, puisque les rapports du GIEC ne contiennent aucune recommandation, ni aucune prise de position.

n Les rapports du GIEC : l’information avant tout Le GIEC a publié 4 rapports clés depuis 1991. Ils résument, synthétisent et évaluent l’état d’avancement des connaissances sur le changement climatique, les impacts de celuici et les politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le Comité Scientifique Climate Change de Natixis Asset Management Pour mieux appréhender les enjeux et les solutions au changement climatique, Natixis Asset Management a constitué le Comité Scientifique Climate Change rassemblant des experts reconnus. Présidé par Carlos Joly, un des initiateurs des Principes pour l’Investissement Responsable des Nations-Unies, ce comité se réunit 2 fois par an. Le Comité Scientifique Climate Change de Natixis Asset Management assume 3 missions : 1. Eclairer les membres du Comité Exécutif de Natixis Asset Management et les gestionnaires de portefeuille sur le changement climatique et ses impacts ; 2. Emettre des avis sur la pertinence des valeurs sur lesquelles le portefeuille est investi ; 3. Assurer un rôle d’information.

(1) Le Bureau du GIEC est composé de scientifiques élus par l’Assemblée plénière du GIEC de manière à représenter les différentes disciplines et régions du monde. Ses 31 membres incluent le Président, 3 vice-Présidents, les bureaux de chacun des 3 groupes de travail, les 2 co-Présidents de l’équipe spéciale. Parmi les 3 groupes de travail, le Groupe de travail I évalue les aspects scientifiques du système climatique et de l’évolution du climat ; le Groupe de travail II s’occupe des questions concernant la vulnérabilité des systèmes socioéconomiques et naturels aux changements climatiques, les conséquences négatives et positives de ces changements et les possibilités de s’y adapter ; le Groupe de travail III évalue les solutions envisageables pour limiter les émissions de gaz à effet de serre ou atténuer de toute autre manière les changements climatiques. L’équipe spéciale pour les inventaires nationaux de gaz à effet de serre est quant à elle chargée de mettre en œuvre le Programme du GIEC pour les inventaires nationaux de gaz à effet de serre. Le Bureau actuel du GIEC a été élu en 2008, et la prochaine élection aura lieu après la remise du 5e Rapport, en 2014. (Sources : site du Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de la Mer en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat et site de l’IPCC, l’Intergovernmental Panel on Climate Change [www.ipcc.ch]). Banque de financement & d'investissement / épargne / services financiers spécialisés

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Le processus de rédaction

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Etape 1 : définition du plan Des scientifiques sélectionnés par le bureau se réunissent afin d’établir le "plan" de ces rapports, lequel est ensuite validé en réunion plénière par l’ensemble des pays membres du GIEC. Etape 2 : sélection des auteurs Les auteurs de chaque chapitre du rapport sont ensuite sélectionnés par le bureau sur proposition des pays et sur la base de critères liés aux références scientifiques des auteurs et de leur représentativité. Etape 3 : de l’examen critique "interne" à l’appréciation "externe" Les auteurs sélectionnés rédigent une première version des différents chapitres, soumise aux commentaires des autres scientifiques choisis. Une seconde version des textes est ensuite élaborée en tenant compte des commentaires reçus. Celle-ci est à son tour évaluée par tout scientifique qui le souhaite, ainsi que par les gouvernements des pays membres du GIEC qui sollicitent, pour cela, leurs propres experts. Etape 4 : échanges publics autour des textes Les auteurs doivent traiter toutes les remarques, soit en corrigeant le texte original, soit en expliquant pourquoi ils ne tiennent pas compte des commentaires. Ces échanges sont publicisés, pour rendre le processus aussi transparent que possible. Malgré ces revues successives, certaines erreurs peuvent néanmoins subsister dans les milliers de pages du rapport, surtout si elles n’affectent pas les conclusions principales. La formalisation d’un consensus scientifique Les rapports du GIEC doivent extraire un "consensus scientifique", c'est-à-dire un accord unanime ou quasi unanime sur ce que l’on sait, mais aussi sur ce que l’on ignore. C’est pourquoi les rapports décrivent aussi les controverses et les incertitudes qui subsistent, sans les passer sous silence. Celles sur l’influence des nuages sont, par exemple, bien explicitées dans les 3e et 4e rapports. Sur ce point, on peut d’ailleurs noter que certains auteurs qui attaquent le GIEC sont également fréquemment cités (par exemple, Richard Lindzen(2)). Certes, les auteurs principaux d'un chapitre ont une influence sur le contenu du rapport, mais leurs marges de manœuvre sont limitées car il y aura toujours un auteur, un scientifique ou un expert gouvernemental pour signaler une lacune ou une omission durant la rédaction ou la consultation de chaque contribution. Le résumé pour décideurs Tout rapport fait ensuite l’objet d’un "résumé pour décideurs" qui subit une revue encore plus drastique. Il est discuté, modifié et approuvé ligne à ligne lors d’une réunion

des délégations de tous les pays membres. Dans certains cas, il a fallu des heures de discussion pour se mettre d’accord sur un seul mot. Pour le rapport de 2007, par exemple, plusieurs heures ont été nécessaires afin de décider si le rapport allait dire qu’il était "probable"ou "très probable"que les impacts du changement climatique étaient déjà observables. Au final, comme tous les rapports, celui-ci n’a été publié qu’une fois l’intégralité du texte acceptée à l’unanimité par les 194 pays composant le GIEC, dont l’Arabie Saoudite, le Koweït et les Etats-Unis sous l’administration de G.W. Bush. On comprend bien qu’une position "alarmiste" ne pourrait passer ce filtre extrêmement sévère.

n Le GIEC au cœur des débats Accusations de manipulation Au regard de ces procédures, l’idée selon laquelle le GIEC cherche à manipuler l’opinion publique apparaît totalement irréaliste. Il faudrait pour cela la "complicité" des 194 gouvernements des pays membres du GIEC, inclus les pays de l’OPEP(3). Il semble au contraire que le GIEC soit un espace de débat unique entre scientifiques et gouvernements, qui permet de rendre accessibles des résultats scientifiques souvent complexes, selon des procédures d’une grande rigueur et d’une grande transparence. Sortir des faux-débats Les attaques que subit actuellement le GIEC viennent principalement d’acteurs qui cherchent à éviter le débat scientifique et ses règles afin de se positionner dans les médias grand public qui laissent plus facilement passer approximations, simplifications et erreurs, et ne permettent pas d’entrer dans les détails pourtant nécessaires à tout argumentaire solide. En réalité, le GIEC simplifie grandement la conduite des négociations sur les politiques climatiques qui ont lieu dans le cadre de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC). En effet, le GIEC réalise d’abord un consensus sur les connaissances scientifiques sur le climat, qui est explicitement accepté par tous les pays. Les négociations de la CCNUCC peuvent ensuite partir de cette base commune pour discuter des actions à entreprendre. Séparer les deux questions – ce que l’on sait d’une part, ce qu’il faut faire de l’autre – facilite les discussions. L’absence d’un tel mécanisme est d’ailleurs souvent citée pour expliquer l’échec des négociations sur d’autres problèmes environnementaux, comme la désertification ou la biodiversité. Les négociateurs passent en effet leur temps à discuter des bases scientifiques du problème sans entrer dans le cœur de la question, à savoir les mesures à mettre en place pour améliorer la situation.

(2) Richard Lindzen, climatologue, titulaire de la chaire Alfred P. Sloan du MIT. (3) OPEP : Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole.

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n Le GIEC : une source scientifique solide sur le changement climatique Aujourd’hui, on peut toujours considérer que le GIEC est la source la plus crédible d’information scientifique sur le changement climatique. Ses principales conclusions restent donc valables : • Le changement climatique est sans équivoque, et les données météorologiques montrent une augmentation régulière de la température de 0,7°C au 20e siècle. • La cause de ce changement est probablement d’origine humaine, les auteurs du GIEC évaluant à 90 % la probabilité que ce soit le cas. En effet, l’augmentation des gaz à effet de serre permet d’expliquer les changements observés, et notamment la structure géographique des changements. Aucune théorie alternative parmi celles proposées (comme celle qui met en avant le rôle du soleil) ne permet d’expliquer ces changements.

sécheresses dans certaines zones (par exemple la Méditerranée ou l’Ouest américain), inondations dans d’autres (par exemple, sur l’équateur). D’autres événements vont au contraire devenir plus rares, comme les vagues de froid. Dans de nombreux cas toutefois, il reste de grandes incertitudes. On ne sait parfois pas prédire le signe même des évolutions futures (c’est par exemple le cas pour la mousson indienne ou africaine). • Ces changements auront des conséquences sur les écosystèmes et les économies et demanderont des transformations significatives, notamment au niveau des infrastructures. Chiffrer le coût économique de ces changements est hors de portée. • Les modèles économiques suggèrent que les technologies actuelles suffisent à réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais que ceci demande des politiques volontaristes. • Une stabilisation autour de 450 ppm(4) de CO2 équivalent dans l’atmosphère (qui donne une probabilité d’environ 50 % de rester en dessous d’un réchauffement de 2°C) demande de commencer à réduire les émissions mondiales autour de 2015, ce qui semble aujourd’hui difficile.

• En l’absence de politiques climatiques supplémentaires, les modèles climatiques projettent une augmentation de température comprise entre 1 et 6°C en 2100. Cette incertitude provient, pour moitié, de l’incertitude sur les émissions futures de gaz à effet de serre et pour l’autre, de l’incertitude sur la réponse du climat à ces émissions.

• Le coût d’une stabilisation autour de 550 ppm serait de quelques pourcents du PIB mondial et ne menacerait pas la croissance mondiale. Mais ces estimations restent contestées et doivent être prises avec précaution.

• Certains événements extrêmes vont devenir plus fréquents et plus intenses. C’est notamment le cas des vagues de chaleur sur l’ensemble du globe et des inondations côtières en raison de la montée du niveau de la mer. Selon les régions, on pourra également observer l’augmentation d’autres types d’événements :

Rédigé le 06 avril 2010 par Stéphane Hallegatte, spécialiste des impacts socioéconomiques du changement climatique et Richard Klein, spécialiste de l’adaptation au changement climatique, tous deux membres du Comité Scientifique Climate Change de Natixis Asset Management

(4) ppm (parties par million) : nombre de molécules de CO2 par million de molécules d'air sec.

Les auteurs Stéphane Hallegatte, chercheur en économie de l’environnement et en science du climat à l’Ecole Nationale de la Météorologie, à Météo-France et au CIRED (Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement). A également participé au GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) en 2007.

Richard Klein, chercheur à l’Institut de l’Environnement de Stockholm où il coordonne la recherche des politiques sur le changement climatique entre 7 centres de recherche. Spécialisé depuis plus de 15 ans sur les aspects méthodologiques du risque climatique, d’évaluation de la vulnérabilité et des processus d’adaptation climatique dans la société. Se concentre aujourd’hui sur l’intégration de la problématique climatique dans la politique de développement.

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