Laissez vous conter robert delandre (2)

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TRÉSORS DE L’ABBAYE SAINT-WANDRILLE

DE L’ART DÉCO AUX ANNÉES 1950 14 JUIN21 SEPT.

LA FABRIQUE DES SAVOIRS 7, cours Gambetta - Elbeuf Entrée gratuite

www.la-crea.fr


« Un artiste qui s’occupe de vêtements sacrés doit posséder comme tout grand couturier cette science du drapé... Alors seulement, on peut songer à la place de la décoration. »

« On les traitera comme des vêtements de théâtre, lisibles à 25 mètres environ, tout en tenant compte de l’éclairage local. En tout cas, des lignes simples, de belles matières, de vives oppositions de couleurs, des tons francs, et une composition quasi architecturale. »

Dom Courbet, 1937


L’abbaye Saint-Wandrille

DES VÊTEMENTS SPÉCIFIQUES POUR LA LITURGIE Si tous les membres d’une abbaye sont moines par l’observance de la règle, certains sont également prêtres, afin d’assurer des services spirituels et la célébration de l’eucharistie. Ils portent alors des vêtements variés, qui revêtent une solennité graduée selon les fêtes.

LA VIE MONASTIQUE

Leur couleur est en lien avec le temps liturgique : • Le vert pour le temps ordinaire,

Fondée en 649, l’abbaye Saint-Wandrille est une abbaye bénédictine. Elle suit la règle de saint Benoît, rédigée à la fin du VIe siècle, et appartient à la Congrégation de Solesmes. Après une longue histoire, l’abbaye est vendue à la Révolution, et il faut attendre 1894 pour que la vie monastique y soit restaurée. En 1901, à la suite de la loi sur les congrégations, la communauté s’exile en Belgique, et ne revient définitivement en Normandie, dans ses bâtiments historiques, qu’en janvier 1931.

• Le violet pour les temps de pénitence, comme le carême, • Le blanc pour les fêtes du Christ, de la Vierge Marie et des saints, • Le rouge pour le Saint Esprit et les fêtes des martyrs, • Le noir pour les funérailles.

Suivant la règle de saint Benoît, la vie monastique est chaque jour partagée entre plusieurs temps différents :

LES GRANDS TYPES DE VÊTEMENTS LITURGIQUES

• des moments de prière communautaire avec l’office de la fin de la nuit (vigiles) et les offices du jour (laudes, tierce et la messe, sexte, none, vêpres et complies),

Le prêtre revêt la chasuble de forme circulaire et très ample. Le mot chasuble, du latin casula, signifie petite maison, en raison de l’aspect enveloppant, uniquement relevée sur les avant-bras. L’étole est une bande d’étoffe posée sur le cou, portée sous la chasuble, et qui tombe jusqu’aux genoux.

• des temps d’oraison et de lecture, • des moments de travail manuel, afin d’assurer la gestion de la maison dans ses différentes dimensions : entretien du parc, des jardins et des bâtiments, bibliothèque, cuisine, infirmerie, buanderie, et différents ateliers ouverts sur l’extérieur (boutique, restauration de peintures, etc…).

Le diacre, serviteur de la parole et de l’eucharistie, revêt une dalmatique en forme de T. Il porte l’étole sur l’épaule gauche. Elle lui barre la poitrine et se noue sur la hanche droite. La chape, en latin pluviale, est à l’origine une grande cape à capuchon pour se protéger de la pluie. Le capuchon a souvent disparu, devenant une décoration dans le dos, sauf dans certaines chapes monastiques. Elle est portée par le célébrant à l’office des vêpres ainsi que par les chantres lors des offices solennels.

Ces activités se déroulent au sein du domaine abbatial, constitué de 14 hectares intra-muros où sont disposés les bâtiments conventuels, dont la construction s’échelonne entre le XIe et le XVIIIe siècle. Autour du cloître s’organisent l’église abbatiale et la sacristie, le réfectoire et la cuisine, la salle capitulaire, la bibliothèque et les cellules, ainsi que les bâtiments des communs et de l’hôtellerie. Saint-Benoît, début XVIe siècle, stuc polychrome, coll. abbaye Saint-Wandrille

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UNE EXPERIENCE FORMELLE ET INTELLECTUELLE

LES PRINCIPES DE CREATION L’atelier de Saint-Wandrille est dès l’origine conçu comme un atelier de couture, avec la création de patrons et d’esquisses préparatoires. Des séances de poses sont demandées aux moines dans le cloître afin d’étudier le tombé et le plissé des vêtements. Une fois la forme générale décidée, le décor est dessiné, s’inspirant souvent de l’Art déco. Les principes sont simples : alternance de lignes droites et de courbes, de tissus mats et brillants, goût pour les décors géométriques… Des doublures colorées et aux décors raffinés tranchent avec la sobriété générale du vêtement.

Dans le premier tiers du XXe siècle, le vestiaire liturgique est encore tributaire du style néogothique en vogue au siècle précédent. Une réaction s’était pourtant amorcée au lendemain de la Première Guerre mondiale par la création, dès 1919, des Ateliers d’Art Sacré avec Maurice Denis et George Desvallières. L’atelier liturgique de Saint-Wandrille débute à partir de 1930, sous l’abbatiat de dom Jean-Louis Pierdait. Cette initiative est à mettre en lien avec le Mouvement Liturgique, qui tend alors vers une meilleure compréhension de la liturgie à travers ses rites et ses textes. L’atelier est animé par dom Paul Sironval et dom Gaston Courbet, qui en sont les principaux artisans pour les vêtements liturgiques et l’orfèvrerie religieuse. En réaction au style néogothique encore entretenu vers 1925-1928, l’abbaye se tourne alors résolument vers la création contemporaine.

Pour les tissus de fond, les soieries à motifs religieux sont délaissées au profit de la rayonne, dite aussi viscose ou soie artificielle. Des motifs décoratifs sont réalisés à partir du lamé des robes de soirée ou des tissus d’ameublement à grands décors, dont certains empruntent leur inspiration à la Chine ou à la jungle tropicale.

UNE OUVERTURE VERS LE MONDE CONTEMPORAIN

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À l’origine de la réflexion se trouve la prise de conscience que les pièces réalisées sont avant tout des vêtements, devant s’adapter au corps et épouser les mouvements. Cette conception résulte de l’étude des vêtements portés dans la Rome antique, mais aussi de l’observation de la statuaire du XIIIe siècle de la cathédrale de Chartres, caractérisée par des tissus fluides et une sobre décoration.

Projet de calice, vers 1945/1950, coll. abbaye Saint-Wandrille

Ce mouvement est aussi à mettre en parallèle avec la mode profane des années 1920-1930. Peu de temps avant, les couturiers parisiens avaient redécouvert la fluidité du vêtement et de son architecture, grâce à Paul Poiret (1879-1944), précurseur dans ce domaine. L’atelier de l’abbaye s’inspire également des costumes de scène créés en 1909 pour les Ballets Russes, avec des tons tranchés et de vives oppositions de couleurs. En 1925, l’Exposition internationale de Paris consacre le style Art déco et la modernité dans les arts décoratifs et l’architecture. Cet art géométrique fascinera pendant deux décennies les moines artistes de Saint-Wandrille dans les créations de leur atelier. Léon Bakst, Le Péri, Ballets russes, 1910, coll. abbaye Saint-Wandrille

Dessin préparatoire au calice de dom Bignon, 1950, coll. abbaye SaintWandrille

Pour l’orfèvrerie, les créations de l’abbaye se caractérisent par un travail pointu sur le volume, la proportion et la lumière. La simplicité fait ainsi valoir les qualités essentielles de la matière. La forme recherche également une adaptation entre l’objet et sa fin : un calice est avant tout une coupe, il aura donc un maximum de stabilité. Le choix des matériaux participe de cette réflexion : l’argent poli et doré pour l’intérieur de la coupe, éléments du décor en métaux précieux, pierres dures, cristal, marbre, ivoire ou bois précieux.


Robert Delaunay, Rythme sans fin, 1934, huile sur toile, Paris, musée national d’art moderne.

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LES SOURCES D’INSPIRATION

LE SUCCES D’UNE FIBRE MODERNE

L’atelier de création liturgique de l’abbaye Saint-Wandrille est pleinement intégré à la vie de la communauté, et est donc situé dans la clôture monastique. Il a pourtant entretenu, dans les années 1930, des liens étroits avec la création profane du moment. Plusieurs pièces témoignent ainsi d’emprunts directs à des œuvres contemporaines, comme le Rythme sans fin créé en 1933 par le peintre Robert Delaunay (1885-1941).

Dès les origines, l’atelier de Saint-Wandrille rompt avec la tradition en utilisant pour ses vêtements liturgiques une étoffe artificielle appelée viscose ou rayonne. Ce matériau sobre, moderne et léger s’éloigne résolument des luxueuses matières traditionnelles utilisées jusqu’au début du XXe siècle. Soie, velours ou brochés polychromes relevés de fastueux décors de paillettes et de fils métalliques sont ici remplacés par des pièces de tissus taillées dans la nouvelle matière.

La transmission des modèles artistiques semble s’être faite essentiellement par le biais des livres. L’abbaye conserve en effet une très importante bibliothèque, dont une part significative est consacrée aux arts. Les moines en charge de l’atelier pouvaient y consulter des ouvrages récents, contenant des reproductions nombreuses et de qualité. C’est le cas du catalogue de l’Exposition internationale des arts décoratifs de 1925, qui eut un rôle fondamental dans la diffusion du mouvement Art déco en France, ou bien d’un recueil des œuvres d’Edouard Bénédictus (1870-1930). La mode profane, notamment la haute-couture féminine, a également eu une forte influence sur l’atelier. Par le traitement général des étoffes comme par celui du décor, les vêtements liturgiques créés à l’abbaye dans les années 1930 s’inscrivent dans une esthétique proche de celle alors développée par les grands couturiers du temps, comme Madeleine Vionnet (18761975) ou Paul Poiret (1879-1944). Certaines chasubles empruntent également leur décor à des motifs extrême-orientaux ou nord-africains. Le même phénomène s’observe pour les vases sacrés, dont les formes géométriques simples et la discrétion du décor rappellent les réalisations Art déco contemporaines et profanes de grands orfèvres comme Christofle.

LA NAISSANCE D’UNE NOUVELLE FIBRE

Usine de fibres artificielles de la Société française de la Viscose, Arques la Bataille: entrée de l’usine et des Bureaux, vers 1930.

Chargé d’une étude sur une maladie du ver à soie frappant l’industrie française, Hilaire de Chardonnet (1839-1924) est le premier à reproduire la soie en laboratoire, puis à la fabriquer industriellement. Il invente ainsi en 1884 une soie artificielle à base de cellulose et de collodion, douée des mêmes propriétés que la fibre naturelle : brillance, légèreté, tenuité. La même année, il dépose un brevet pour la fabrication de fibre artificielle à partir de nitrocellulose et, en 1892, se lance dans la production industrielle avec la Société de la soie Chardonnet. Dans les années 1930-1950, la soie n’est plus fabriquée en France, les guerres ayant réduit la main-d’œuvre et l’exportation de soie naturelle revenant trop chère. On se tourne donc vers la soie artificielle, ou viscose, nommée « rayonne » par une loi de 1934. Cette fibre a la particularité d’absorber l’humidité et a une remarquable faculté à recevoir la teinture. UNE PRODUCTION BIEN IMPLANTEE EN NORMANDIE Le Comptoir des textiles artificiels fondé en 1911 regroupait plusieurs sociétés fabriquant de la soie artificielle. Si un certain nombre se trouvait dans l’est de la France et la vallée du Rhône, deux étaient localisées en Seine-Maritime. À Arques-la-Bataille, la Société française de la Viscose crée en 1904 la première usine de fabrication mondiale. Elle ferme dans les années 1960 et les ouvriers rejoignent le site d’Echirolles. À Saint-Aubin-lès-Elbeuf, la Nouvelle société de soie artificielle s’installe vers 1923, mais son activité est courte, l’eau utilisée ne convenant pas à la fabrication.

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UNE ORFEVRERIE MODERNE Les pièces d’orfèvrerie étaient dessinées par les moines, notamment dom Courbet, Sironval ou Gontard, avant d’être réalisées par des orfèvres professionnels. Les calices étant créés à l’occasion des ordinations, les moines et leurs familles entretiennent une correspondance étroite avec les orfèvres en charge de la réalisation. Les échanges portent sur les choix stylistiques comme sur les matériaux utilisés et le mode de financement. L’abbaye a recours à plusieurs orfèvres, surtout parisiens parmi lesquels Albert Schwartz. Ainsi, huit pièces lui sont attribuées sur les quinze présentées ici. Quatre autres sont réalisées par Paul Brunet, Donat Thomasson ou François Biais. L’abbaye collabore également avec Armand Rivir, membre de l’Arche, qui travaille aussi pour les moines de Solesmes. De nombreux modèles de calices et patènes des deux abbayes sont d’ailleurs tout à fait comparables. UNE OUVERTURE VERS LES ARTISTES DU MOMENT

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La modernité des calices se lit tant dans la forme que dans l’usage de pierres précieuses, d’ivoire ou de pâte de verre, qui demande la collaboration d’artistes spécialisés. Ainsi, Armand Rivir confie l’ivoire employé pour les tiges de certains calices au sculpteur Fernand Py, qui réalise aussi le maître-autel des Missions catholiques de l’Exposition de 1925. L’orfèvre collabore également avec le verrier François Décorchemont, qui réalise la tige en pâte de verre d’un autre calice. Ami de l’abbaye, Décorchemont avait offert en 1934 à la communauté un vitrail représentant une Vierge à l’Enfant. Un second projet, non réalisé, prévoyait dès 1951 la réalisation de deux autres vitraux en lien avec le précédent. Les relations de l’abbaye avec le milieu artistique ne cessent de se développer. Ainsi, le sculpteur Roland Coignard réalise au tournant des années 1950-1960 la crosse abbatiale ainsi qu’un bâton de chantre. Enfin, la communauté acquiert dans les mêmes années un bas-relief représentant la Cène de Jean Lambert-Rucki, réalisé dans les années 1930.

Armand Rivir, Ostentoir de dom Courbet (détail), 1935, argent, marbre noir et verre, coll. Saint-Wandrille

commissariat général

Nicolas Coutant (La CREA - Fabrique des Savoirs), Pascal Pradié (Abbaye Saint-Wandrille – membre attaché au CNRS)

commissariat scientifique

Lise Auber (Département de Seine-Maritime, CAOA), Nicolas Coutant, Séverine Fontaine (Département de Seine-Maritime, CAOA), Marie-Noëlle Médaille (Région de HauteNormandie, Service Inventaire et Patrimoine), Pascal Pradié

Alexandra Bosc Conservatrice au musée de la mode de la Ville de Paris – Palais Galliera Roland Coignard Sculpteur Agnès Deleforge Pôle Image Haute-Normandie Zelda Egler Historienne de la mode Anne Gros Responsable du musée et des archives Christofle

Cette exposition n’aurait pu voir le jour sans le soutien de dom Jean-Charles Nault, abbé de Saint-Wandrille.

Sophie Grossiord Conservatrice au musée de la mode de la Ville de Paris

Ce projet a bénéficié des prêts généreux de l’abbaye Saint-Wandrille, de l’Orfèvrerie Christofle, du Musée des Arts Décoratifs de Paris, du Musée de la Mode de la Ville de Paris- Palais Galliera, des Archives départementales de Seine-Maritime, de la Direction des archives de Paris et du Musée du verre de Conches-en-Ouche.

Gwenaëlle Hocquard et Sébastien Juillard Opéra de Rouen – Haute-Normandie Rudi Kieger Historien de l’art Dom Didier Le Gal Abbaye Saint-Wandrille

ont également apporté un indispensable soutien

Isabelle Bédat Restauratrice textile Véronique Belloir Conservatrice au musée de la mode de la Ville de Paris – Palais Galliera Bernard Berthod Conservateur du musée d’art religieux de Fourvière, à Lyon

PARTENAIRES Mécénat Abbaye Saint-Wandrille Orfèvrerie Christofle Crédit Agricole Opéra de Rouen – Haute-Normandie Alpha plan


LA FABRIQUE DES SAVOIRS

Champ 32 de Foire

Calvaire

A B C D E

A D E

7, cours Gambetta 76500 Elbeuf www.la-crea.fr

BUS

Carnot

IUT

D

Comment venir ? • Bus : Ligne D : arrêt IUT ou arrêt Poussin Ligne A arrêt Calvaire - Au départ de Rouen : ligne 32 • Train : Gare de Saint-Aubin-lès-Elbeuf (puis ligne A vers Elbeuf arrêt Calvaire) • Stationnement : parking place Lécallier, parking rue Léveillé, parking de la gare

Abbaye SaintWandrille

LA CREA - Direction de la Communication © Crédit photo : Service de l’Inventaire du patrimoine Haute-Normandie

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