La donation Polain

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Les objets divers 8

RELIQUAIRE EN FORME DE TOUR ARCHITECTURÉE

Cette monstrance témoigne de l’évolution du style gothique avec l’emploi des contreforts et une ornementation plus abondante. Le reliquaire présenté reste particulier de par sa petite taille, au sein d’une production aux critères plus monumentaux. En Allemagne ou dans le nord-est de la France, des médaillons en forme d’écu apparaissent au XIVe siècle sur le pied des œuvres liturgiques, illustrant le détournement d’œuvres sacrées à une appartenance profane. Cette mode permet l’implantation des armoiries de la famille propriétaire de l’objet ; les écus de ce reliquaire représentent la famille LAMARCK-CLEVES, issue de deux anciennes lignées qui ont marquées l’histoire des régions allemandes.

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La donation

AQUAMANILE

Un aquamanile est un récipient à eau servant aux ablutions des mains et empruntant souvent une forme animale ou humaine. Cet aquamanile, en forme de lion, animal le plus souvent représenté, reprend une facture très stylisée, évoluant vers la fin du Moyen Age. Cette production fut très répandue dans les ateliers Inv. 2005.2.9, bronze fondu de Belgique et dans la région mosane au XIIIe siècle. à cire perdue, Allemagne du Nord ou Scandinavie, La pièce présentée permet d’illustrer la continuité des fin XV siècle. formes et du traitement des ateliers de dinanderie* développés dans la vallée de la Meuse, qui vont principalement s’étendre aux XIVe et XVe siècles en Allemagne ou en Scandinavie. e

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Fiche focus

SCULPTURE EN ALBATRE

Ce bas-relief en albâtre figure la scène du baiser de Judas et de l’arrestation du Christ. Parallèlement, sur la gauche de la scène, saint Pierre remet son épée au fourreau, après avoir tranché l’oreille de Malchus, allongé sur le sol. Cette œuvre s’intègre dans la production établie dans les Midlands anglais du XIVe au XVIe siècle. D’une grande Inv. 2005.2.10, albâtre, Angleterre (atelier autour richesse, ces sculptures d’albâtre se sont exportées outrede Nottingham), seconde Manche dans toute l’Europe et plus particulièrement en moitié du XV siècle. Normandie afin d’échapper aux nouvelles normes régies par la Réforme. Mais ce panneau présente une certaine originalité, relevant d’une iconographie plus rare, par rapport au modèle stéréotypé véhiculé par les ateliers (voir le baiser de Judas R.90.8, à ses côtés). Sa composition claire, le nombre restreint de personnages aux attitudes hiératiques, et le soin des détails, apportent une grande élégance à la sculpture.

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Bibliographie sommaire TABURET-DELAHAYE Elisabeth, L’Orfèvrerie gothique au musée de Cluny, Paris, RMN, 1989. GUILLOT DE SUDUIRAUT Sophie, Sculptures brabançonnes au musée du Louvre, Bruxelles, Malines, Anvers, XVe-XVIe siècles, 2001. D’Angleterre en Normandie : sculptures d’albâtre du Moyen Age, Rouen, Musée départemental des Antiquités, 1998.

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A senestre : l’armoirie du Conte de Lamarck à la fasce échiquetée. A dextre : la famille Clèves, de gueules chargées d’un écu d’argent ayant au cœur un tourteau de sinople d’où partent huit sceptres pommelés et fleuronnés d’or.

n Age. La guilde me des corporations, propre au Moye Les orfèvres sont regroupés par le systè reux. Le livre rigou ment saint Eloi, devait suivre un règle des orfèvres, sous la surveillance de e en vigueur à ation ment règle la de igne témo e, siècl des métiers d’Etienne Boileau, du XIII s sortes et l’aloi* était de réprimer les fraudes de toute cette époque. Le point le plus important sources ont permis ines Certa ns. catio vérifi es strict du métal devait être soumis aux plus sont rarement les œuvres qui nous sont parvenues de retrouver la trace d’orfèvres, mais andes et une production plus comm des ce ndan l’abo avec Age, n documentées. A la fin du Moye de l’orfèvre ou es, tendent à généraliser les poinçons industrielle, les œuvres, rarement signé des villes commanditaires. il semblerait entre artistes et artisans au Moyen Age, Bien qu’il n’existe pas de distinction des matériaux sse riche la à dû r, culie parti tôt d’un statut que les orfèvres aient bénéficié très . iques siast spirituelle des œuvres ecclé utilisés, mais aussi grâce à la dimension

Aloi : proportion de métal fin (or, argent) contenue dans une monnaie ou un objet.

198 rue Beauvoisine 76000 Rouen www.museedesantiquites.fr

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FRAGMENT DE RETABLE EN BOIS

Ce fragment s’intégrait autrefois dans un retable de la Passion, traitant de la vie du Christ. Le thème de la Passion apparu au XIVe en Occident, connut un vif succès. Cette pièce témoigne de la sculpture brabançonne à son apogée, issue d’un grand centre artistique, tel que Anvers ou Malines. Une production qui se diffusa en Europe et Inv. 2005.2.11, bois de eut pour inspiration les grands artistes flamands (comme chêne, région flamande, fin XV - début XVI siècle. Weyden). Le Christ, en compagnie de la vierge Marie et Joseph, forment un petit groupe, les attitudes et les gestes transmettent l’émotion pathétique de la scène, inspiration propre au gothique tardif. e

Le travail des orfèvres

Musée départemental des Antiquités

Crédit photographique : Yohann Deslandes Direction : Caroline Dorion-Peyronnet Conservateur du Patrimoine Réalisation : Marie Guérin

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PEIGNE

Ce peigne en ivoire présente deux rangées de dents, de largeurs différentes, suivant en cela un modèle déjà connu depuis l’Antiquité. Les médaillons et les Inv. 2005.2.12, ivoire, France rinceaux de feuillages sculptés en claire-voie renvoient (Normandie ?), première moitié au style Renaissance ; son répertoire décoratif le du XVI siècle. rapproche de la production normande de cette époque. Le peigne était généralement offert comme cadeau de mariage. L’écusson vierge au centre était alors gravé ou peint des armoiries du jeune couple. La finesse d’exécution due au matériau noble de l’ivoire en fait une pièce de grande qualité. e

Dinanderie : technique qui consiste à mettre en forme les métaux en feuille comme le cuivre, le laiton, l’argent ou encore l’étain au moyen de différents outils dont principalement les marteaux.

IMP. Département de Seine-Maritime / Septembre 2013

Inv. 2005.2.8, cuivre fondu, ajouré, ciselé, gravé, doré et verre, France (moitié nord), deuxième moitié du XIVe-début du XVe siècle.


La donation

Les pièces d’orfèvrerie

Jacques Polain

Coupe à pied utilisée pour la consécration du vin pendant la messe, le calice possède un grand rôle spirituel dans les rites chrétiens au Moyen Age.

Les calices

Jacques Polain, mécène belge qui œuvra toute sa vie à collectionner de nombreux ouvrages d’art, a toujours souhaité que « le privilège du bonheur éprouvé par le collectionneur puisse ainsi être partagé avec les visiteurs et amateurs ». C’est la raison pour laquelle il fît don d’œuvres remarquables à de nombreux musées français dont, en 2005, douze objets d’une grande richesse au Musée départemental des Antiquités à Rouen. Nous retrouvons la plupart de ces pièces dans la galerie Cochet du musée (fig. 1), consacrée aux collections du Moyen Age.

Ces éléments ont fait l’objet d’une donation car ils s’intègrent parfaitement au Musée départemental des antiquités, reflétant et enrichissant la collection existante, dont plusieurs pièces retrouveront leurs pendants à travers la visite. S’étalant du Moyen Age à la Renaissance, ils forment un ensemble exceptionnel par la variété des styles, des techniques et des origines géographiques (France, région mosane, Italie, Allemagne...)

Vers salle Renaissance

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Cette œuvre rappelle les formes répandues des ciboires de la fin du Moyen Age. Ces deux coupes de forme bombée (assemblées par une charnière et une chaînette) correspondent à une particularité régionale du nord de la France, tout comme l’atteste son décor de rosettes sur fond guilloché* sur le réceptacle. Un médaillon gravé sur le pied présente saint Adrien, soldat romain aux emblèmes de son supplice (l’épée et l’enclume) et de sa magnanimité (le lion), patron des forgerons. Ce ciboire témoigne d’une riche activité artistique du nord de la France et de ses relations avec de nombreux centres voisins comme l’Allemagne ou la Flandre, notamment par l’emploi de décors similaires, du nœud côtelé ou du pied polylobé.

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L’Italie dispose d’importants centres de production, diffusant en grande quantité ce type de calice. Ces pièces proviennent d’ateliers florentins ou siennois, deux centres artistiques majeurs de la Toscane. Cette production, largement répandue, répond à des caractéristiques spécifiques, clairement identifiables. Les calices de la donation présentent ces particularités de l’orfèvrerie toscane du Calice à coupe étroite et calice XIVe siècle : proportions massives, décors à coupe large, fin XIV siècle. floraux gravés sur le pied de forme étoilée, frises de losanges et de fleurons sur la tige, gros nœud orné de feuillages estampés et de médaillons gravés et émaillés (voir détail ci-dessous), la corolle gravée soutenant la coupe en argent. Selon les réglementations, on acceptait l’utilisation de matériaux moins nobles pour les objets liturgiques, la plupart en cuivre doré, mais les coupes, en contact avec des éléments sacrés, étaient obligatoirement réalisées en argent ou en or.

Inv. 2005.2.2, cuivre embouti, fondu, gravé ciselé et doré, Nord-Est de la France, fin XIIIe-début XIVe siècle pour le réceptacle, fin XIVe-début XVe siècle pour le pied.

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Les émaux champlevés Les médaillons toscans, typiques de cette production, représentent souvent divers personnages chrétiens, selon la technique des émaux champlevés. Sur la plaque de métal, l’orfèvre creuse des alvéoles que l’on voit distinctement sur la figure ci-contre. L’émail liquide versé dans ces creux devient, en séchant, opaque et lisse, offrant ainsi de belles couleurs durables. En Toscane, ces décorations restent limitées à la tige et au nœud. Sur ce calice, six médaillons illustrent divers personnages : saint Jean, la Vierge Marie, le Christ, sainte Hélène tenant une croix où l’on observe les restes d’émail de couleur jaune, un évêque, et un moine tenant un livre.

Les ciboires

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L’absence d’ouverture ou d’élément transparent permet d’identifier l’objet comme une réserve eucharistique. L’association du coffret fermé, appelé pyxide, et du pied étoilé à haute tige polygonale correspond à une création des orfèvres catalans du XIVe siècle. Cette production présentant des formes rectangulaires observe une exception dans la région de Majorque avec des réceptacles de forme hexagonale, d’où pourrait provenir cet objet. La pyxide pédiculée de la donation Polain correspond également au goût stylistique de cette région par sa grande sobriété. Les rares motifs reprennent le thème du trèfle à quatre feuilles. Ce ciboire, de facture modeste, reste une pièce unique, les œuvres espagnoles étant peu nombreuses dans les musées français, touchées par de nombreuses destructions.

Inv. 2005.2.3, cuivre embouti, fondu et doré, Espagne (Majorque ?), XIVe siècle.

CIBOIRE À DÉCOR DE L’AGNUS DEI

Ce ciboire s’inscrit dans la production florissante de l’orfèvrerie limousine, correspondant à un groupe clairement distinct et homogène de ciboires, aux calottes hémisphériques assemblées à un haut pied muni d’une base circulaire et d’un nœud en forme de cylindre. Ce type d’œuvre apparaît dès la fin du XIIIe siècle et se retrouve tout au long du XIVe siècle. On peut observer quatre médaillons estampés sur la coupe supérieure représentant l’Agneau Pascal, l’Agnus Dei, symbole sacrificiel du Christ voué à expier les péchés du monde. Le choix de ce motif illustre également son origine limousine, caractéristique de cette région.

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L’orfèvrerie religieuse à l’époque got

Inv. 2005.2.1, cuivre embouti, fondu, gravé, doré et médaillons estampés, Limousin, fin XIIIe-première moitié du XIVe siècle.

Le reliquaire est destiné à contenir des reliques, une partie corporelle d’un saint ou un objet lui ayant appartenu. Lorsque la relique est visible et exposée à la vénération des fidèles, on parle de reliquaire-monstrance.

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RELIQUAIRE EN FORME D’ÉDICULE

Ce reliquaire prend la forme d’un édifice au fronton triangulaire et des pinacles à clochetons. Ce type d’œuvre emprunte son vocabulaire décoratif à l’architecture gothique rayonnante qui se développe sur les reliquaires à partir de la fin du XIIIe siècle. Son pied en étoile, caractéristique du XIVe siècle, présente un décor végétal original de rinceaux de feuilles de vignes sur fond guilloché*, utilisé tant dans la région mosane qu’au sud de la France. Ce type d’œuvre connut un grand succès jusqu’à la fin du Moyen Age.

CIBOIRE À RÉSERVOIR HEXAGONAL

Récipient à couvercle dans lequel on conserve les hosties consacrées.

Fig. 1 - Galerie Cochet

Les reliquaires-monstrances

CIBOIRE À DÉCOR DE ROSETTE

e désigne les ouvrages des métaux réputés précieux. Ce term L’orfèvrerie consiste à travailler sur plus large, englobant bien était Moyen Age cette définition fabriqués en or ou en argent mais au ainsi que les objets C’est l’or. de l l’éga e comm idéré , cons d’autres métaux comme le cuivre doré Le travail de ces té. quali leur dans rté du même soin appo liturgiques en or ou en cuivre révèlent x. émau cié aux pierres précieuses ou aux métaux pouvait être également asso s liturgiques : ie comprend principalement des objet èvrer d’orf n uctio prod la de, A cette pério les autres avec lien Le . aires de culte tels que les reliqu ciboires, calices, croix et des objets plication du décor multi une par se ctéri cara se qui ce nt, arts, notamment l’architecture se resse ne se développe abondante que l’orfèvrerie profane qui architectural sur les œuvres d’art. Plus x atouts pour enrichir les lieux beau plus ses de pare se n uctio qu’à la fin du Moyen Age, cette prod et resplendissante de Saint-Denis, « l’orfèvrerie brillante sacrés du culte. D’après Suger, abbé t une grande valeur éran acqu ts » qui doit éclairer les espri est le symbole de la lumière éternelle mystique et transcendantale.

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Inv. 2005.2.6, cuivre doré, fondu, ciselé, gravé et verre, France, première moitié du XIVe siècle.

RELIQUAIRE À CYLINDRE VERTICAL

Cette monstrance développe également un décor architectural reprenant la forme d’un toit imitant des tuiles, une couronne crénelée à la base du toit ou encore deux petits pinacles. La monstrance, destinée à exposer les reliques, se compose d’un cylindre en cristal de roche, une variété de quartz apprécié pour sa luminosité et sa transparence. De production modeste, cette œuvre, d’un style très répandu dans les petites églises médiévales, est caractéristique de l’introduction de l’architecture gothique dans l’orfèvrerie. Le décor sobre et sa forme permettent d’envisager son attribution à une école du nord de la France. Ce type de monstrance à cylindre vertical se rencontre fréquemment tout au long de la période gothique, notamment dans le Limousin, autre centre majeur de l’orfèvrerie française.

Inv. 2005.2.7, cuivre embouti, fondu, gravé, guilloché, doré et cristal de roche, France (Nord ?), première moitié du XIVe siècle. Guilloché : orné de courbes et de traits entrelacés


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