Prise en charge des dermohypodermites bactériennes et fasciites nécrosantes Journée anesthésie chirurgie - MSF France 6 décembre 2014 Dr Aurélie Godard, référente soins intensifs
Hippocrate : « when the exciting cause was a trivial accident or a very small wound… the erysipelas would quickly spread widely in all directions. Flesh, sinews, and bones fell away in large quantities… There were many deaths. »
Définitions • « Infections de la peau et des tissus mous » – Plusieurs maladies – Gravité variable – Traitements très différents
• Terminologie fluctuante avec le temps
Gangrène gazeuse, érysipèle nécrosant, fasciite suppurative, gangrène à Clostridium
• Difficultés de traduction entre anglais et français • Études compliquées : population de patient, définition de cas…
Définitions (2) • Terme anglo-saxon de « cellulite » regroupe les infections extensives des tissus sous cutanés • Mieux vaut utiliser terme selon structure anatomique atteinte et nature de la lésion – Dermo-hypodermite bactérienne = erysipèle – Dermo-hypodermite bactérienne nécrosante +/fasciite – Myosite
Définitions (3)
Fasciite nécrosante = nécrose de l’aponévrose
Epidémiologie • Difficile à définir avec précision • Autour de 5-10 cas/100 000 hab/an (USA) • Mortalité –
30 - 40% dans les années 70
–
20 - 30% dans les années 2000
• Prise en charge médico-chirurgicale, lourde (en moyenne, 21 jours en SI et 32 jours d’hospitalisation (Endorf, J Burn Care Res 2008))
• Diagnostic clinique
Physiopathologie • Porte d’entrée (pas toujours retrouvée) • Développement de l’infection et « fonte » de l’hypoderme (sans pus franc) : –
Inflammation œdémateuse avec infiltration massive de polynucléaires
–
Nécrose et micro abcès juxtaposés
• Microthromboses diffuses des vaisseaux des tissus sous cutanés expliquent œdème et hypoxie • (Muscle longtemps protégé de la nécrose par l’aponévrose)
Clinique (1) • Facteurs de risque : – Locaux : effraction cutanée/muqueuse (60 à 80%), évidente ou méconnue. – Généraux : – Diabète – Âge > 60 ans – Artériopathie – Alcoolisme, toxicomanie IV, – Immunosuppression (cancer, HIV, AINS, corticoides…) – Malnutrition – Obésité – Maladies chroniques (cardiaque, pulmonaire…) Ho H. Phan, Crit Care Med 2010; 38
Clinique (2) • Incubation : 6 à 48 heures
Ho H. Phan, Crit Care Med 2010; 38
• Signes locaux : – Initialement discrets : zone grisâtre, tension locale, infiltration érythémateuse… – Puis œdème, erythème extensif – Douleur violente – Lésions cutanées : phlyctènes, nécrose
• Signes généraux
Clinique (3)
Clinique (4) • Les signes généraux : – Altération de l’état général – Fièvre – Sepsis sévère, voire choc septique : hypotension, hypoperfusion périphérique – Syndrome inflammatoire biologique
La myonécrose • Ou « gangrène gazeuse » • 0,1 à 0,4 cas / an / 100 000 hab • Plaies de guerre, traumatologie routière… • Surtout Clostridium (C. perfringens) • 2 modes de contamination : – Portes d’entrée traumatique, plaie souillée ++ : inoculation massive +/- lésion vasculaire, fracture ouverte… – Porte d’entrée médicale : ulcère, pied diabétique, injection, chirurgie…
Place de l’imagerie ? • Radios : – Œdème des parties molles – Bulles d’air : peu sensible : 40% (Wall DB, Am J Surg 2000)
• Echographie : – Pas de collection donc peu contributive – Permet d’éliminer thrombose veineuse
• Autres : TDM, IRM…
Localisation (1) • Membres • Thoraco-abdominale • Périnée • Cervico-faciale
Tiu , ANZ J Surg 2005
Localisation (2) • Problématique « septique » commune • Problématique propre à chaque localisation – Faciale : ouverture de bouche, atteinte oculaire, Sd de Lemierre… – Cervicale : diffusion médiastinale, compression voies aériennes, … – Périnéale : contamination secondaire (urine/selles)
• Orientation bactériologique selon site
Microbiologie • Inoculum élevé : 1010 à 1012 bactéries/mg de tissu • Polymicrobien le plus souvent –
Streptocoques (ß hémolytique du groupe A notamment)
–
Staphylocoques
–
Entérobactéries
–
Anaérobies
• Choc toxinique : « streptocoque mangeur d’homme » • Hémocultures positives : environ 1/3 des cas • Prélèvements per-opératoires +++ si labo
Microbiologie (2) • 3 types –
I : polymicrobien (anaérobies, gram + et -) : 55-75%
–
II : monomicrobien à Streptocoque +/- Staph. Choc toxinique
–
III : lié au Clostridium ou Vibrio Vulnificus (Asie, eaux chaudes)
• Selon localisation, « tendance » bactériologique : –
Périnée : poly-microbien le plus souvent, incluant des entérobactéries +++, des anaérobies
–
Membres : + souvent streptococciques
Traitement • Antibiothérapie large spectre • Chirurgie précoce et débridement large • Traitement du choc • Support nutritionnel
Antibiothérapie large • En urgence, agissant sur germes suspectés : CG+, anaérobies • Mais : – Conditions locales défavorables : ●
● ●
- Inoculum important
- Microthromboses - Œdème compressif, anaérobiose, réaction inflammatoire, zones purulentes…
- Conditions générales défavorables ● ●
- Choc septique - Pharmacocinétique : défaillance d’organe, hypoprotidémie…
Antibiothérapie (2) • Recommandations MSF : –
« fasciite nécrosante » : benzylpénicilline + clindamycine
–
« gangrène gazeuse » : benzylpénicilline + metronidazole + gentamycine
• Recommandations françaises (Société Pathologie Infectieuse de Langue Française, 2000) –
DHBN cervico faciales et membres : pénicilline G + clindam.
–
DHBN abdo et périnéales : pénicilline large spectre + metronidazole + aminoside
• Recommandations américaines (IDSA 2014)
Antibiothérapie (3) • Annales Françaises d’Anesthésie et Réanimation JP Bedos, 2006 –
DHBN cervico faciales et membres : amoxicilline/ac. clavulanique + gentamycine
–
DHBN abdo et périnéales : [C3G + métronidazole + gentamycine] ou [amoxicilline/ac. clav + gentamycine]
–
Compromis ???
–
–
–
amoxicilline/ac. clavulanique + gentamycine ? Problèmes des bactéries multi résistantes, même chez des patients « communautaires »
Antibiothérapie (4) • Durée ? AFAR 2006, Necrotising cutaneous infection and fasciitis : what antibiotic agents to use ?
IDSA Practice Guideline for SSTI 2014
• Attendre au moins 48 à 72 heures d’apyrexie, et bonne évolution locale
Chirurgie large et urgente • Clé de voute du succès • Facteur indépendant de mortalité si retardé ➚ de 4,2 à 38 % de mortalité si retardée de quelques heures ou imparfaite (Bilton BD, Am surg 1998)
• Reprises chirurgicales fréquentes, « second look » • Excision large de tous les tissus nécrosés jusqu’aux tissus sains bien vascularisés • Difficulté +++, chirurgien entrainé
Chirurgie urgente
Chirurgie large !
Principes généraux • Les tissus atteints ne saignent pas et se clivent aisément • Débridement large du tissu sous cutané jusqu’aux aponévroses musculaires • Le tissu sain opposera une « résistance » au clivage à la main, et saignera • Exérèse de tous les tissus nécrosés • Lavage abondant • Drainage • Traitement de la porte d’entrée
Reprise(s), gestes complémentaires
• Si geste initial non « ultime » • Second look systématique à 24-48 heures : poursuite exérèse tissus nécrotiques IDSA Practice Guideline for SSTI 2014
• Puis selon constatations et tolérance, pansement au bloc ou en salle • DHBN périnéale : colostomie en zone saine si zones de décollement atteignent la marge anale • Amputations ?
Traitements du choc • Possible sepsis sévère, voire choc septique, notamment si prise en charge retardée ou inadaptée • Prise en charge en soins intensifs si possible pour traitement symptomatique • Remplissage (cristalloides) selon –
pression artérielle moyenne,
–
diurèse,
–
signes de choc
• Oxygénothérapie
Traitements adjuvants • Evaluation et traitement adapté de la douleur • Support nutritionnel d’emblée : –
Chirurgies itératives, mises à jeun itératives
–
Maladie catabolique +++
–
Réparations tissulaires massives
–
Malades parfois préalablement dénutris
• Thromboprophylaxie rapide • Kinésithérapie après la phase aigüe • Support psychologique, prise en charge du handicap ??
Des questions ? Merci de votre attention