Uniéco N° 5

N° spécial : initiative sur les salaires minimums

Paul H. Dembinski Professeur d'économie à l'Université de Fribourg

« Je ne suis pas un partisan de l’interventionnisme »

Photo de couverture : Alberto Celada

No 05 — Février-Avril 2014

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NOUS FORGEONS AUJOURD’HUI LE FUTUR DE DEMAIN

Édito

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Milo BožiC Rédacteur en chef Photo: Vanessa Büchel

Salaire minimum, acte III1 Le salaire est-il encore un sujet tabou en Suisse ? Après l’acceptation de l’initiative populaire « Minder », visant notamment à soumettre la rémunération des topmanagers à l’approbation des actionnaires (acte I), et le refus des écarts salariaux maxima dans un rapport de 1 à 12 (acte II), le peuple suisse se prononcera le 18 mai prochain sur l’instauration d’un salaire plancher mensuel et légal au niveau national de 4000 francs brut, soit 22 francs de l’heure (acte III). Actuellement, rappelons que des salaires minima obligatoires sont fixés dans les conventions collectives de travail (CCT) ; selon cette réglementation, un coiffeur titulaire d’un CFC reçoit au moins 3600 francs par mois tandis que les salaires planchers dans l’activité du commerce de détail varient entre 3400 et 4200 francs mensuels.

Pour les partisans d’un salaire minimum généralisé, soit les partis de gauche et les syndicats, cette mesure garantirait un revenu décent à tous les travailleurs. En outre, elle permettrait de lutter efficacement contre la sousenchère salariale – occasionnée par la libre circulation des travailleurs au niveau européen – et le travail dissimulé. Certains font aussi valoir qu’une augmentation du salaire stimulerait, ceteris paribus, la demande intérieure au moyen de la consommation et l’investissement privés, augmentant, in fine, la croissance économique.

Du côté des opposants, les partis de droite et le patronat affirment qu’une telle revalorisation du minimum

salarial (entendez une augmentation notable des charges pour les entreprises) menacerait les places de travail des branches d’activité directement visées par le scrutin, comme la coiffure, l'hôtellerie ou encore la restauration. De surcroît, cela renforcerait l’immigration car les travailleurs étrangers seraient davantage incités à rejoindre les branches d’activités précitées à la faveur de meilleures conditions salariales, engendrant, ipso facto, une concurrence accrue entre employés nationaux et travailleurs étrangers. Par ailleurs, rappelons que l’année passée le Conseil fédéral et le Parlement ont déjà envoyé un signal clair au peuple suisse en rejetant l’initiative pour un salaire minimum légal.

Sur la question, certains experts expriment une position plus nuancée. Ainsi, pour le professeur Sergio Rossi, un salaire minimum légal est nécessaire, mais différencié par branche d’activité et par région (lire son article aux pages 4 à 7). Dans le contexte suisse marqué par un marché du travail résolument libéral et un partenariat social imprégné de la sacro-sainte paix du travail, l’introduction d’une mesure étatique à l’échelle nationale peut paraître arbitraire alors que de fortes disparités se constatent aussi bien en termes de productivité que de coûts de la vie. Dès lors, pourquoi pas renégocier certaines dispositions salariales des CCT existantes, et/ou en créer de nouvelles ? Quelle que soit l’issue du vote, ce débat national aura au moins le mérite de lever des tabous !

Sommaire Éditorial

Salaire minimum, acte III. Milo Božic

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Étudiants

Céline Favre et Fabien Schafer

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Les enjeux d'un salaire minimum.

Jean-Stéphane Yerly

Professeurs

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Pour rire

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Interview

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Président d'honneur

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Faut-il un salaire minimum ?

Sergio Rossi Pour un marketing responsable.

Olivier Furrer

Paul H. Dembinski, professeur d’économie à l’Université de Fribourg.

Milo Božic et Alberto Celada

La caricature économique.

Simon Beuret

Le spécialiste de l'économie.

Jean-Marc Sylvestre

L’association Uniéco et la Fachschaft de droit organiseront un débat à propos de l’initiative sur les salaires minimums. Le conseiller aux États Christian Levrat sera notamment présent. Rejoignez-nous le jeudi 6 mars 2014, dès 18h, dans l’auditoire Joseph Deiss (bd de Pérolles 90).

1

04

Sergio Rossi © 2012 hebdo.ch

Professeurs

Professeur ordinaire.

Titulaire de la Chaire de macroéconomie et d'économie monétaire à l'Université de Fribourg.

Faut-il un salaire minimum ?

Le niveau et les écarts des salaires en Suisse ne sont plus tabous. Le vif débat lancé par l'initiative populaire « Contre les rémunérations abusives », acceptée le 3 mars 2013 par 68 pour cent des votants et la totalité des cantons, a été prolongé par l'initiative « 1:12 - Pour des salaires équitables » et continue dans le cadre de l'initiative sur les salaires minimums.

Les inégalités de revenu, dont les salaires sont savoir, celle qui s'établit entre cet ensemble la partie prépondérante (même si celle-ci a et l'un de ses éléments, le salaire est tributaire diminué d'environ 10 points de pourcentage, des rapports de force, donc du pouvoir relatif en moyenne, entre 1975 et 2010 dans les pays des parties contractantes sur le « marché » du membres de l'Organisation de Coopération et travail. de Développement Economiques), ne peuvent avantages et limites pas être expliquées - comme le prétend la d’un salaire minimum majorité des économistes - par les « lois » du marché, notamment celui du travail. En fait, le salaire n'est pas un prix car le travail n'est pas Or, il est clair que ces rapports de force déun bien mais un facteur de production. Celle- pendent de plusieurs facteurs dont le taux de ci est mesurée en termes économiques par le chômage est l'un des plus importants. Le pounombre d'unités de salaire versées aux tra- voir de négocier une augmentation horaire ou vailleurs pour leurs efforts durant la période mensuelle du salaire pour un travailleur doncorrespondante. L'idée, largement répandue, né est faible lorsqu'il existe beaucoup de chôque le salaire est verLe paiement d'un salaire brut mensuel de 4000 francs sé en fonction de la productivité (margisuisses pourrait être prohibitif pour un certain nombre nale) du travail(leur) d'entreprises à faible valeur ajoutée situées près de la est donc erronée, frontière helvétique. parce que, dans la réalité des faits, le produit en termes économiques ne peut pas meurs dans la branche d'activité concernée et être mesuré autrement que par la rémunéra- il augmente au fur et à mesure que le taux de tion des travailleurs qui en sont à l'origine. Il chômage diminue dans cette branche. Dans la s'en suit, logiquement, que le nombre d'unités perspective d'accroître le niveau de « compéde salaire versées à n'importe quel travailleur titivité » de la dite branche, ses entreprises ne découle pas de critères techniques (selon pourraient être amenées à réduire le « coût du une quelconque fonction de production), mais travail », notamment les salaires, surtout dans il est le résultat d'un processus social déter- les activités économiques qui sont soumises minant le droit de ce travailleur à une partie à la concurrence étrangère. Ce faisant, néandu produit dans l'ensemble du système éco- moins, le pouvoir d'achat des travailleurs est nomique. S'agissant d'une relation sociale, à réduit, avec par conséquent des effets négatifs

05 sur le niveau des dépenses de consommation et des impôts directs et indirects. Cela montre que la détermination du salaire n'est pas une question à résoudre seulement par la négociation entre l'entreprise et son collaborateur, car elle a des implications d'ordre macroéconomique qui peuvent nuire à la stabilité financière « systémique ». Comme le rappelait déjà l'économiste Kalecki dans les années 1930, les travailleurs dépensent ce qu'ils gagnent, tandis que les entreprises gagnent ce qu'elles dépensent sur le marché des facteurs.

La loi du circuit économique est implacable et s'impose toujours sur le comportement des agents, même si l'analyse économique ignore cette loi ainsi que ses effets sur l'ensemble du système économique.

(qui coiffent, néanmoins, seulement la moitié environ des travailleurs de l'économie privée dont une partie n'a pas de salaire minimum).

La question des salaires minimums doit en fait considérer la dimension spatio-temporelle, a fortiori lorsque l'économie nationale est tributaire de la libre circulation des travailleurs, comme c'est le cas actuellement de la Suisse par rapport à l'Union européenne. Au plan géographique, le paiement d'un salaire brut mensuel de 4000 francs suisses pourrait être prohibitif pour un certain nombre d'entreprises à faible valeur ajoutée situées près de la frontière helvétique, étant donné la concurrence et la situation économique au-delà de la frontière. Qui plus est, le progrès technique est censé réduire les coûts de production et, de là, augmenter les marges bénéficiaires des entreprises, qui pourraient dès lors verser des salaires minimums qui augmentent au fur et à mesure des avancées technologiques.

Le débat sur l'instauration d'un salaire minimum légal en Suisse tend aussi à ignorer le caractère systémique de la rémunération des travailleurs.

Les partisans de Un salaire minimum profiterait également au secteur banl'introduction d'un caire car il pourrait contribuer à réduire l'instabilité finansalaire minimum de cière due au processus d'endettement (voire de suren22 francs par heure au plan helvétique dettement) des ménages de travailleurs situés au bas de ignorent la diversité l'échelle des rémunérations. des activités économiques à faible contenu technologique ainsi que les dispari- Cette analyse montre à la fois l'importance de tés régionales du « coût de la vie » en Suisse. l'instauration d'un salaire minimum ainsi que Les opposants à l'introduction d'un tel salaire l'inefficacité d'un salaire minimum légal qui minimum, par contre, le rejettent sur la base fait abstraction des différents types et branches des prétendus mérites du « partenariat so- d'activité au sein de l'économie nationale. cial » et des conventions collectives de travail Compte tenu du fait que, dans bien des ►

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06 pays avancés sur le plan économique, la pauvreté relative est définie par rapport au seuil de 60 pour cent du revenu médian disponible par tête d'habitant, la Suisse pourrait introduire un salaire minimum légal équivalant à ce seuil. Plutôt que d'évoluer selon les variations de l'indice des prix à la consommation qui sous-estime l'augmentation des dépenses nécessaires pour financer un certain niveau de vie - cela permettrait au salaire minimum d'évoluer en fonction du progrès technique dans la branche d'activité et selon l'évolution de la distribution des revenus dans l'ensemble du système économique. Cela contribuerait, d'une part, à inciter les entreprises à innover sans cesse dans leur domaine d'activité - faute de quoi leur marge bénéficiaire diminuerait - et, d'autre part, à rendre la distribution des revenus (davantage) conforme à l'éthique et à la justice sociales. Cela rétablirait par ailleurs les règles de la méritocratie, qui avaient assuré le fonctionnement ordonné du capitalisme industriel mais qui ont été émasculées suite à la globalisation et à la financiarisation des activités économiques après l'abandon en 1971-73 du système monétaire international

établi lors de la conférence de Bretton Woods en juillet 1944.

Les leçons à tirer de cette initiative Les mérites d'un salaire minimum ne sont plus à démontrer en termes économiques. Les travailleurs rémunérés par un salaire minimum dépensent en effet ce qu'ils gagnent avec une propension à consommer relativement élevée.

Cela permet aux entreprises dans leur ensemble d'augmenter leur chiffre d'affaires et au secteur public d'encaisser davantage de recettes fiscales, diminuant en même temps les dépenses pour la protection sociale et en particulier pour les allocations-chômage et l'aide sociale versée aux plus démunis. Le phénomène des travailleurs pauvres (working poor) pourrait alors disparaître avec le versement d'un salaire minimum évoluant de pair avec le progrès technique, qui serait à l'avantage de l'ensemble de la société et pas uniquement des catégories professionnelles situées dans la partie supérieure de la hiérarchie sociale.

Un salaire minimum profiterait également au

▼

Le secteur de la coiffure, comme ici à Fribourg, est directement visé par l’initiative sur les salaires minimums. photo : Vanessa Büchel.

07 secteur bancaire car il pourrait contribuer à réduire l'instabilité financière due au processus d'endettement (voire de surendettement) des ménages de travailleurs situés au bas de l'échelle des rémunérations. Certes, les institutions de crédit peuvent en l'état engranger d'énormes profits, à très court terme, grâce au crédit à la consommation et aux prêts hypothécaires. Néanmoins, il n'est pas nécessaire de se rappeler la crise des subprime pour comprendre que les profits des banques sont plus durables lorsqu'ils reposent sur un revenu formé par des activités de production que sur une anticipation de revenu futur, surtout lorsque celui-ci est tributaire d'un bulle de crédit et devient de plus en plus difficile à générer dans l'ensemble de l'économie au fur et à mesure que la bulle enfle de manière insoutenable pour le système économique.

Or, le salaire minimum restera une chimère aussi longtemps que l'analyse économique dominante ne permettra pas d'avoir une compréhension « systémique » de l'activité de production. ■

Initiative sur les salaires minimums

L'initiative vise à modifier la Constitution fédérale suisse pour y inscrire les principes suivants : • La Confédération et les cantons adoptent des mesures pour protéger les salaires sur le marché du travail.

• À cette fin, ils encouragent l'inscription dans les conventions collectives de travail de salaires minimaux d'usage dans la localité, la branche et la profession, ainsi que le respect de ces salaires.

• La Confédération fixe un salaire minimum légal.

Ce salaire est applicable à tous les travailleurs en tant que limite inférieure contraignante. La Confédération peut édicter des dérogations pour des rapports de travail particuliers.

• Le salaire minimum légal est indexé régulièrement sur l'évolution des salaires et des prix, dans une mesure qui ne peut être inférieure à l'évolution de l'indice des rentes de l'assurancevieillesse et survivants.

• Les dérogations et l'indexation du salaire minimum légal sur l'évolution des salaires et des prix sont édictées avec le concours des partenaires sociaux.

• Les cantons peuvent édicter des suppléments contraignants au salaire minimum légal.

Source: http://www.admin.ch/ch/f/pore/vi/vis399t.html

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Ulrich Burri Responsable Secteur 2 Tél. 079 365 47 33

Régis Chevalley Responsable Secteur 3 Tél. 079 474 80 78

Professeurs

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Olivier Furrer Professeur ordinaire.

Titulaire de la chaire de Marketing à l’Université de Fribourg.

POUR UN MARKETING RESPONSABLE Accusé de créer de « faux besoins » chez les consommateurs, le marketing a mauvaise réputation dans la presse et aux yeux du public. Critiqué pour sa frivolité, le marketing s’est engagé dans un lent processus de transformation vers une plus grande responsabilité sociale et une contribution au développement durable.

Traditionnellement ancré dans une économie de jeunes participent à cette absence de responsamarché prônant la responsabilité individuelle des bilité. Le marketing est également socialement consommateurs, le marketing a longtemps défen- irresponsable lorsqu’il se met au service des seuls du l’idée que, sous réserve du respect des règles consommateurs au détriment des autres parties éthiques, morales, sociales et légales, aucun juge- prenantes de l’entreprise. Chercher à offrir des ment ne devait être porté sur la frivolité des choix prix toujours plus bas en maintenant ses fournisdes consommateurs ou sur ce qui pourrait être seurs à la limite de la faillite, en ayant recours à considéré comme de vrais ou de faux besoins. Ce- de la main d’œuvre bon marché travaillant dans pendant, des voix commencent à s’élever contre des conditions proches de l’esclavage ou en uticette orientation individualiste et appellent de leurs lisant une position de monopole pour éliminer vœux un marketing plus responsable. En effet, le ses concurrents est socialement irresponsable. marketing a de plus en plus mauvaise réputation. Le marketing est toujours socialement irresponIl est accusé de susciter des envies superficielles sable lorsqu’il ne se préoccupe que de profitabichez les consommateurs en créant des besoins lité au détriment des autres responsabilités des artificiels plutôt que On observe aujourd’hui auprès de certaines entreprises, de s’intéresser à leurs besoins vitaux. Le comme dans le monde académique, un lent glissement rythme effréné de lanvers un marketing plus responsable. cement de nouveaux produits dont la durée de vie ne cesse de diminuer et l’encouragement entreprises. Lorsque le marketing s’adonne à la de mouvements de modes éphémères contribuent corruption pour obtenir de nouveaux marchés, à cette image du marketing et à son rôle dans la met en place des ententes cartellaires afin de fixer société. De ce point de vue, le marketing est perçu les prix à des niveaux élevés, ou développe de comme néfaste et socialement irresponsable. nouveaux canaux de distribution qui détruisent le tissu économique local, il agit de façon irresponBien que l’on veuille s’en défendre, il y a du sable. Le marketing est finalement irresponsable vrai dans ces accusations. Le marketing est en lorsqu’il se concentre sur le court terme et contrieffet socialement irresponsable lorsqu’il aide les bue à la dégradation de notre environnement naentreprises à vendre des produits ou des services turel. Le transport sur de longues distances de dont les consommateurs n’ont objectivement pas produits, même de marque, qui pourraient être besoin ou qui peuvent être mauvais pour eux ou fabriqués localement à coûts réduits ou l’utilisaleur santé. Une communication agressive pour tion d’huile de palme bon marché mais dont la des crédits à la consommation ou la création de production a des effets négatifs sur la faune et la nouvelles boissons alcoolisées destinées aux flore contribuent à cette irresponsabilité.

VERS UN MARKETING RESPONSABLE

n’est pas de stimuler la consommation à tout prix mais de contribuer au développement durable de notre planète. De ce point de vue, ce marketing durable est orienté vers deux objectifs clés : premièrement, il consiste à faire du marketing d’une manière durable, c’est-à-dire en cherchant à minimiser les effets négatifs des processus marketing sur l’environnement naturel et social de l’entreprise. Il consiste également à utiliser le marketing pour promouvoir la durabilité, en tant que concept, valeur sociale ou ensemble de pratiques.

Cette seconde dimension contribue à améliorer

Même si ces critiques sont souvent vraies pour un grand nombre d’entreprises et que le marketing n’a jamais été un parangon de vertu, on observe aujourd’hui auprès de certaines entreprises, comme dans le monde académique, un lent glissement vers un marketing plus responsable. Ces entreprises et ces enseignants-chercheurs considèrent que le rôle du marketing est moins de favoriser des transactions que d’établir des relations partenariales à long terme entre les Un marketing responsable s’inscrit dans un horizon de entreprises et leurs clients et consommatemps long, qui ne cherche pas à maximiser sa perforteurs. Des études ont mance à court terme mais qui la cultive dans la durée. montré depuis longtemps déjà qu’attirer un nouveau client coûte plus cher que de conser- la réputation des entreprises et de leurs activités ver un client actuel. Les entreprises se rendent marketing auprès de leurs clients et du public en également compte que les clients fidèles sont des général. à condition toutefois que cela ne reste sources importantes d’information, d’idées et pas que des mots, mais que cette promotion se d’innovation mais aussi de communication par le traduise en actes. bouche à oreille ou son équivalent électronique, le « marketing viral » ou le « buzz ». Ces entreprises UN MARKETING QUI DIT « NON » ne considèrent pas que les clients aient toujours raison mais que le rôle du marketing consiste éga- Un marketing responsable est un marketing engalement à prendre en compte les intérêts des autres gé. L’un des aspects, à première vue iconoclaste, ▼ parties prenantes, telles que les employés et les d’un marketing responsable est qu’il est avant tout Des bananes certifiées Max Havelaar ; fournisseurs. Ceux-ci sont en effet sources de un marketing qui dit « non », en particulier à ses ce label garantit une nouvelles technologies et de compétences et jouent propres clients et consommateurs. C’est un marke- rémunération décente producteurs un rôle important dans le développement des nou- ting qui dit « non » aux consommateurs, lorsque le aux locaux et contribue veaux produits. Les employés, en particulier dans produit ou le service que ceux-ci réclament pour- donc au commerce les services, ont entre leurs mains la valeur qui rait leur être néfaste. C’est un marketing qui dit équitable. est livrée aux clients et influencent directement « non » aux clients lorsque la production de biens source : Hekerui sur la satisfaction de ceux-ci. Pour ces entreprises, ou la provision des services demandés par les ► Wikimedia Commons. établir des relations collaboratives avec leurs fournisseurs et employés et prendre en compte leurs intérêts particuliers, même au détriment des demandes des clients, est primordial d’un point de vue stratégique.

Ces entreprises reconnaissent qu’elles ont aussi un rôle social à jouer, pas uniquement un rôle économique, et que le marketing peut également leur permettre de mieux jouer ce rôle. Bien qu’ayant des activités internationales, de nombreuses entreprises se rendent compte qu’elles sont insérées dans un tissu économique local, même si celuici se trouve dans un autre pays. Cette insertion leur donne des responsabilités sociales en tant qu’entreprise mais aussi en tant que fournisseur de produits et services. Il s’agit pour ces entreprises de cultiver et de préserver la satisfaction de leurs clients et consommateurs dans le long terme. Ces entreprises comprennent que le rôle du marketing

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10 clients est susceptible d’avoir des effets négatifs mandent pas systématiquement le produit ou importants sur certaines parties prenantes de le service le plus cher à leur client. Un markel’entreprise. C’est un marketing qui dit « non » ting responsable, cela peut aussi être des relaaux consommateurs Un marketing responsable peut simplement être des venlorsque ceux-ci cherchent à pousdeurs qui ne recommandent pas systématiquement le proser l’entreprise duit ou le service le plus cher à leur client. à échapper à ses responsabilités sociales. C’est un marketing qui dit « non » aux tions partenariales avec ses fournisseurs pour clients lorsque la fabrication de produits, leur développer ensemble la nouvelle génération de consommation ou leur élimination peut entraî- produits. Un marketing responsable, cela peut ner des effets néfastes durables sur l’environ- encore être une entreprise qui connaît et qui est nement naturel. impliquée dans son tissu social local, où que ce Un marketing responsable, ce n’est pas non soit dans le monde. Un marketing responsable, plus un marketing naïf. Il ne s’agit pas d’éva- cela peut enfin être des produits qui se réparent cuer l’exigence de performance financière et ou se recyclent. de profitabilité des entreprises et du markeLE RÔLE DES ENSEIGNANTSting. Un marketing responsable doit avoir pour objectif premier la pérennité de l’entreprise et CHERCHEURS sa croissance à long terme. Une entreprise qui perd de l’argent ou qui fait faillite ne remplit Quel est finalement le rôle des universitaires pas sa première responsabilité sociale qui est et des enseignants-chercheurs dans l’avèneune responsabilité économique. Pour cela, un ment de ce marketing responsable ? Ce rôle marketing responsable, c’est un marketing qui est double et important. En tant que chercheurs, s’inscrit dans un horizon de temps long, qui ne les universitaires se doivent d’étudier le phénocherche pas à maximiser sa performance à court mène du marketing responsable, ses avantages terme mais qui la cultive dans la durée. Un mar- et ses limites et de largement communiquer keting responsable ne requiert pas non plus né- leurs résultats. En tant qu’enseignants, ils ont cessairement une révolution dans les pratiques aussi la responsabilité de former les nouvelles marketing des entreprises. Il peut consister en générations de « marketeurs » aux techniques de tout petits riens dans les pratiques quoti- propres à un marketing responsable et de cesser diennes. Un marketing responsable, cela peut de diffuser les principes d’un autre âge d’un simplement être des vendeurs qui ne recom- marketing trop souvent irresponsable. ■

La lente marche vers un marketing responsable Favoriser des transactions

Établir des relations

Primauté des clients

Prise en compte des parties prenantes

Responsabilité économique

Responsabilité sociale

Stimuler la consommation

Contribuer au développement durable

Interview

MILO BOžIC ET ALBERTO CELADA

Paul H. dembinski Professeur d’économie à l’Université de Fribourg Directeur de l'Observatoire de la Finance

bio rapide 1978 Licence en sciences politiques à l’IHEID 1982 Doctorat en économie politique à l’UNIGE Depuis 1989 Associé d’Eco’Diagnostic (co-fondateur la même année), cabinet d’expertises économiques Depuis 1991 Professeur associé à l’UNIFR, titulaire à mi-temps de la chaire de Stratégie et de Concurrence Internationales 1993 Publication de son ouvrage Marchés financiers: une vocation trahie ? qui a débouché sur la création de l’Observatoire de la Finance Depuis 1996 Directeur de la Fondation de l’Observatoire de la Finance, lieu d’études et d’échanges sur les questions financières Depuis 1998 Rédacteur en chef de la revue bilingue (français/anglais) « Finance & Bien Commun » Depuis 2004 Membre du Jury du Prix Swiss Venture Club Suisse romande Depuis 2012 Membre, puis président du conseil d’administration des Rentes Genevoises Ouvrages récents : Finance servante ou finance trompeuse ?, Paris : Desclée de Brouwer (2008) ; PME en Suisse : profils et défis, Genève : Georg (2004) ; Economie et finance globales : la portée des chiffres, New York et Genève : Nations Unies (2003)

11

à l’entame de l’interview, on devine le profes- (rires). Autrement dit, nous n’avons pas nécesseur Paul H. Dembinski particulièrement solli- sairement recherché le résultat financier, mais cité : « Les médias me sollicitent aujourd’hui sans plutôt le traitement de thèmes d’intérêt aussi cesse autour de l’affaire Schneider-Amman », politique au sens large ; cela a commencé par nous lance-t-il avant de répondre au téléphone. le rôle de la finance dans l’économie, les causes Bien qu’il soit aujourd’hui un économiste re- des faillites des entreprises, la privatisation et connu, Paul H. Dembinski s’intéressait à la phi- l’aide aux PME dans les pays en transition, les losophie dans sa jeunesse ; ce centre d’intérêt a rapports entre le concept et la mesure dans les continué de l’inspirer au cours de ses études et de statistiques internationales. Cela nous a permis son parcours profesPassé la trentaine, je me suis dit que c’était un sionnel ; depuis de dernière chance de créer ma propre entreprise. nombreuses années, il prône une économie financière ancrée sur des valeurs éthiques et soucieuse du bien de nous orienter dans des directions que nous commun. Passionné d’entrepreneuriat, Paul H. n’aurions peut-être pas choisies dans un cadre Dembinski co-fonde le cabinet de conseil écono- purement universitaire ou privé. Plus simplemique Eco’Diagnostic à la fin des années 1980. ment, je décris la démarche comme un espace Dans la foulée, il crée l’Observatoire de la Finance, de liberté, avec une orientation plus directe sur lieu d’études, d’échanges et d’interpellation des pra- les besoins d’expertise. tiques de la finance dans leur rapport à l’économie réelle et aux valeurs. Il en est toujours le Directeur. Par la suite, vous fondez l’Observatoire Professeur à mi-temps à la chaire de Stratégie et de la Finance dont vous êtes toujours de Concurrence Internationales de l’Université l’actuel directeur. Quel est son but ? de Fribourg, Paul H. Dembinski a rédigé de nombreux ouvrages portant sur la globalisation, Génétiquement parlant, l’Observatoire de la financiarisation ou encore le tissu économique la Finance est en quelque sorte le « bébé » suisse. De surcroît, il est expert auprès de nom- d’Eco’Diagnostic. Dans les années 1990, le probreuses organisations internationales. Interview. fesseur Maurice Cosandey, ancien président de l’EPFL et du Conseil des écoles polytechniques Commençons par votre début de car- fédérales, m’a posé la question alors qu’il me tenrière. Quelles sont les raisons qui vous dait un livre que je venais d’écrire sur la finance ont poussé à créer Eco’Diagnostic en internationale : « À quoi sert la finance ? ». Venant 1989 ? d’un personnage aussi prestigieux et sage que lui, cette question m’a vivement interpellé. En effet, Eco’Diagnostic est un petit institut indépendant suite à cette conversation, j’ai co-écrit un rapport de recherche économique que j’ai créé avec intitulé : « Marchés financiers : une vocation mon associé Alain Schönenberger, professeur trahie ? » (en accès libre sur www.obsfin.ch) lui aussi. Encore aujourd’hui, nous réalisons qui a ensuite débouché en 1996 sur la création des études et des mandats pour des entreprises de l’Observatoire de la Finance. Pour résumer, privées, des collectivités publiques ou encore nous sommes un groupe de réflexion libre sur les des organisations internationales dans divers questions financières. domaines de l’économie ou de la finance. Passé la trentaine, je me suis dit que c’était un peu la Que pensez-vous de la financiarisadernière chance de créer ma propre entreprise tion croissante de l’économie ? Est-ce et que je le regretterais si je ne l’avais pas fait. un phénomène forcément positif pour Aujourd’hui, c’est encore une expérience très l’économie ? enrichissante et je ne regrette pas une seconde d’avoir créé ce bureau de conseil économique. Selon moi, nous sommes arrivés à un point de rupture dans le processus de financiarisation de Comment a évolué Eco’Diagnostic de- nos économies. D’ailleurs, notre observatoire le puis sa création ? dit depuis bien avant la crise. Je reste persuadé que les récentes crises sont la résultante de ce Eco’Diagnostic n’a jamais cherché à concur- phénomène. Bien souvent, les dirigeants des enrencer les quatre grands groupes d’audit du Big treprises ne tiennent pas compte des indicateurs Four [Deloitte, Ernst & Young, KPMG et PwC] non financiers et n’évaluent leurs futurs projets

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peu la

qu’en termes de ratio financier, à l’instar du RSI [retour sur investissement]. La perversion de « la valeur pour l’actionnaire » est en train de « tuer » le potentiel à moyen, voire à long terme des entreprises.

à répondre à une nécessité, c’est-à-dire à un questionnement des étudiants. Une fois leur formation achevée, j’espère qu’ils en garderont quelques bribes, notamment que l’efficacité immédiate est une réponse certes importante mais pas unique.

Existe-il encore une finance « prudente » ou responsable d’un point de Sur le plan politique, que pensez-vous de l’initiative sur les salaires minimums vue éthique ? qui sera prochainement votée par le Chacun de nous doit essayer de la créer. Je peuple suisse ?

m’explique. En finance il y a toujours un prestataire et un utilisateur de services financiers. Les économistes ont toujours « deux mains » : on L’opinion publique néglige trop souvent la the one hand, and on the other hand. Selon moi, deuxième dimension et s’adonne avec délec- il y a donc forcément des arguments pour et tation au banker Nous sommes arrivés à un point de rupture dans le bashing [déniprocessus de financiarisation de nos économies. grement des acteurs financiers].

En Suisse, 100% de la population active est couvert par la pré- contre cette initiative. D’un côté, l’instauravoyance professionnelle dont le pari – qui tion d’un salaire minimum rigidifierait le mardonne aujourd’hui des sueurs froides à plus ché du travail, mais, d’un autre côté, cela per- ▼ Le professeur d’un – est basé sur l’hypothèse de la perfor- mettrait de mieux filtrer le flux des travailleurs Dembinski est l’auteur mance ininterrompue des marchés financiers, frontaliers et aiderait certaines couches de la de nombreuses publinotamment des entreprises les plus financia- population situées en bas de l’échelle salariale, cations qui dénoncent la financiarisation risées. Or, on sait aujourd’hui que la financia- comme les mères seules. Suite à l’acceptation croissante des sysrisation a été un moteur de ces mêmes mar- de l’initiative contre l’immigration massive par tèmes économiques. chés et a donc permis de « servir la soupe à le peuple suisse, les avantages du salaire mini- Photos de l’interview : Alberto Celada. une génération de retraités ». Récemment, j’ai mum sont désormais moins évidents. ► réalisé une étude pour le SECO [Secrétariat d’État à l’économie] montrant que les entreprises cotées en bourse ont un effet de levier plus élevé [entendez qu’elles prennent plus de risque] et que les capitaux y sont nettement moins productifs que les firmes non cotées.

Ces dernières, plus prudentes dans leurs investissements, préfèrent les fonds propres à la dette au nom d’une meilleure autonomie financière, d’une moindre distribution du bénéfice ou bien d’une gestion moins « flamboyante », éléments qu’elles considèrent comme une valeur. Certes, nous ne pouvons peut-être pas généraliser ce fait mais cela ressort néanmoins des études statistiques.

Pourquoi avoir créé un cours intitulé « Éthique en Affaires et en Finance » à l’Université de Fribourg ? Cela répondait-il à un besoin ?

Il y a dix ans, à ma connaissance, il s’agissait du seul cours dispensé Suisse romande qui traitait de l’éthique en affaires, contrairement à d’autres qui traitaient de l’éthique en général. J’estime que cela répondait, et continue

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Plus généralement, prônez-vous un Demain, je souhaite par exemple créer ma État interventionniste ou un régime propre entreprise. Quels sont les secteurs libéral ? porteurs ?

Il faut trouver un équilibre entre les deux.

Fondamentalement, je ne suis pas un partisan de l’interventionnisme – d’autant plus que je connais bien la question pour être né dans la Pologne communiste. à l’inverse, si notre société était portée par des valeurs éthiques et morales, nous n’aurions peut-être pas besoin d’intervention de l’État. Pour schématiser, on pourrait comparer notre société à un triangle équilatéral où les côtés seraient formés par la rémunération (le marché), le bâton (le droit) et l’éthique. Tous les jours nous constatons que seule la carotte et le bâton ne suffisent pas au maintien du lien social ! Il faut donc renforcer en urgence le pôle « éthique », même si ce terme est polysémique.

Actuellement, le milieu du web et le domaine high-tech – en somme, le « bling-bling mediatico-financier ».

Toutefois, mon attention se porte bien au-delà d’un secteur, car encore une fois, c’est surtout la notion de temporalité qui doit être prise en compte lors de la création de toute entreprise. J’étais très impressionné il y a quelques jours par une interview de Nick Hayek [directeur général du Swatch Group] où il parlait de l’importance de « se salir les mains » et de « se coltiner justement dans le long terme ». Pour faire court, cela dépend des objectifs des entrepreneurs. Il y a ceux qui veulent « faire un tour rapide » et ceux qui préfèrent s’engager dans la durée, comme nous le faisons à titre d’exemple depuis près de 25 ans avec Eco’Diagnostic.

Avez-vous des anecdotes qui vous reL’entrepreneuriat est-il une solution à viennent de vos rencontres avec des la crise ? entrepreneurs ?

Indiscutablement, c’est une solution à la crise. J’ai le souvenir d’un ami très proche avec qui j’ai On le voit notamment dans les pays de l’Europe grandi dans ma Pologne natale. Bien que nous étions du Sud. Plus généralement, l’entrepreneuriat dans la période communiste, lui avait déjà une âme amène certains individus à « se prendre en d’entrepreneur. On voyait qu’il n’était pas comme les main » et à assumer des responsabilités vis- autres. Au début, il avait acheté une vieille machine à-vis des tiers. Rappelons que cette notion pour faire des souliers, puis l’a embarquée sur sa moto englobe plusieurs biens, plus que la start-up pour mieux se déplacer chez ses premiers clients. Au qui rêve de bourse ; les dimensions comme gré du temps, il a fini par s’intéresser à la technologie l ’ e n t r e p r e n e u r i a t s o c i a l o u l e m i c r o - de la lumière, domaine dans lequel il est reconnu à ce entrepreneuriat Si notre société était portée par des valeurs éthiques et me paraissent somorales, nous n’aurions peut-être pas besoin d’intervention ciologiquement – et peut être aussi de l’État. économiquement – plus importants que les start-up auxquelles on consacre, soit jour. Cet entrepreneur a toujours construit son entredit en passant, à mon avis trop d’attention prise sans financement, autour d’une stratégie claire et à long terme. Aujourd’hui, celle-ci est présente sur et de moyens. l’ensemble du continent européen.

Comment définiriez-vous un « bon » Comment la société perçoit-elle auentrepreneur ? jourd’hui l’entrepreneuriat ?

Beaucoup d’entrepreneurs – peut-être plus que par le passé – ont une vision court-termiste, c’est-à-dire qu’ils ont tendance à créer des produits, voire l’entreprise elle-même qu’ils vendent tout de suite afin de s’enrichir et « partir ensuite au soleil ». Dès lors, un bon entrepreneur c’est l’exact opposé : celui qui consacre quelques années, voire des décennies de sa vie à son œuvre car la création d’entreprise au sens profond du terme est un processus lent.

La situation a bien évolué. J’ai l’impression qu’il y a une dizaine d’années, la perception liée à l’entrepreneuriat était indéniablement positive. C’est un individu qui s’expose, qui a le courage de ses opinions, de ses choix et qui s’engage et prend des risques en conséquence. Aujourd’hui, l’entrepreneur est plutôt vu comme un « profiteur volatil », qui essaye de tirer une rente ou de faire une opération un peu rapide sur le dos de quelqu’un. Cette

image négative est alimentée par un certain buzz autour de prétendues innovations entrepreneuriales, c’est-à-dire des produits ou des services qui n’apportent réellement rien à la société et qui sont, de ce fait, faux et trompeurs par nature.

L’innovation répond-elle donc à un besoin du consommateur ?

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cemment, j’ai réalisé une étude afin de voir comment la crise financière a frappé les entreprises européennes d’un point de vue financier. En Italie et en Angleterre, certaines PME ne paient leurs fournisseurs qu’au bout d’une année ! En France, – cela concerne surtout les grandes entreprises privées et étatiques – le budget de l’armée affiche, par exemple, des retards de paiement de deux ans ! En Suisse, par contre, on relève une certaine discipline des paiements. Quant aux microentreprises, c’est-à-dire de moins de 10 personnes, elles vivent soit du financement privé par le biais

Pas forcément. Prenons un exemple. Demain, je vous propose une balade inédite en ballon alors que vous n’en éprouvez pas le besoin aujourd’hui.

Après votre vol, En Italie et en Angleterre, certaines PME ne paient vous pourriez être si satisfait fournisseurs qu’au bout d’une année ! que vous souhaiteriez renouveler l’expérience. En revanche, lorsqu’on me vend la de l’hypothèque, soit sont situées hors du système énième version d’un programme en me deman- bancaire et donc ne touchent rien. dant de payer 10% supplémentaire, je n’estime pas nécessairement que cela corresponde à une Pour conclure, que conseillez-vous à un réelle innovation mais suis tout de même « for- étudiant qui souhaite créer son entreprise ? cé » de suivre.

leurs

Et sinon, quels sont aujourd’hui en Je lui dirais que la création d’une entreprise n’est Suisse les principaux leviers de finan- pas une opération à prendre à la légère, car c’est un engagement de moyen terme. Cela demande cement des PME ?

On observe qu’une grande partie des entreprises – particulièrement les PME prospères – n’ont pas besoin de faire appel à des ressources extérieures car elles utilisent l’autofinancement ou les fonds propres. De façon générale, les propriétaires des PME ne veulent pas que les banquiers s’immiscent dans leurs affaires. Le contexte est très différent dans l’Union européenne, notamment en raison de l’allongement des délais de paiement. Ré-

du temps et une disponibilité de tous les instants.

De plus, la plupart du temps, on se rend compte que l’entreprise créée s’avère moins rentable que prévu. Enfin, de manière générale, il faut se soucier du long terme et ne pas penser qu’on vivra tout de suite mieux au sens matériel du terme.

Nous vivrons mieux parce que nous comprendrons mieux les contraintes et les risques auxquels nous sommes exposés. Je recommande la création d’entreprises à tous ceux qui aiment l’adrénaline.■

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étudiants

jean-stéphane yerly

L’instauration d’un salaire minimum légal pour tous, qu’en pensez-vous ?

Céline Favre

Fabien Schafer

Bachelor of Science in Business Administration.

Bachelor of Law. UniFr, deuxième année.

HEG, deuxième année.

Comment mettre en place un système équitable ? Partagé entre le désir de justice des acteurs du marché du travail et la volonté d’assurer la prospérité économique de la Suisse, le débat des salaires est régulièrement mis sur table.

Après l’initiative 1 :12, le peuple suisse sera appelé aux urnes sur les salaires minimaux, un sujet qui éveille en nous un élan de solidarité, une volonté d’agir contre les injustices.

Toutefois, que penser du diktat salarial étatique ? Que penser des PME, éléments charnières du tissu économique suisse, qui devront porter le fardeau croissant de la masse salariale ?

Que penser du nivellement des salaires par le bas et le risque d’une hausse des prix et du développement du travail au noir ? Autant d’éléments à considérer avant de fermer son bulletin de vote. ■

à l’heure où les riches sont toujours plus riches, l’idée d’un salaire minimum paraît une évidence. Néanmoins, il convient de ne pas se laisser guider par ses émotions et de considérer les conséquences réelles d’une telle initiative.

De manière générale, ce système nivelle les salaires vers le bas. De surcroît, un salaire minimum national ne prend pas en compte un coût de la vie différent d’une région à une autre. Il rendrait également le marché du travail plus rigide et entraverait la création d’emplois (exemple des start-up dans un contexte de concurrence internationale). Enfin, la France nous en donne un exemple rebutant !

Toute idée populiste soulève souvent un problème réel. Jusqu’ici, la réponse suisse à ce sujet s’est traduite par une extension des conventions collectives de travail et des efforts de lutte contre le coût de la vie trop élevé dans notre pays. ■

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Pour rire

simon beuret

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La caricature

Vous êtes assuré dʼun séjour tranquille et confortable Hôtel A lʼentrée de Marly, lʼhôtel du Grand-Pré offre 22 chambres spacieuses tout confort, équipées de téléphone, mini-bar, TV, salle de bains/WC et Wi-Fi gratuit.

Restaurant Restaurant « La Cena » avec spécialités italiennes et de saison.

Hôtel du Grand-Pré

Situation Arrêt de bus « Grand-Pré » devant lʼhôtel (centre-ville de Fribourg à 10 minutes et plateau de Pérolles à 5 minutes).

Hôtel du Grand-Pré Impasse du Nouveau Marché 3 1723 Marly 026 436 50 60 info@hotel-grandpre.ch www.hotel-grandpre.ch

PRÉSIDENT D'HONNEUR

Jean-Marc Sylvestre

source: jeanmarc-sylvestre.com

Notre président d’honneur est Jean-Marc Sylvestre, journaliste français de la presse économique et également écrivain. Il a été de nombreuses années le spécialiste de l’économie pour les chaînes de télévision TF1, LCI (filiale du groupe TF1) et iTélé (filiale du groupe Canal+). En 2004, il a été décoré de l’ordre national de la Légion d’honneur.

Pour l’anecdote, le journaliste avait officiellement interviewé Nicolas Sarkozy, alors Président de la République française.

Jean-Marc Sylvestre.

Journaliste français.

Aujourd’hui éditorialiste sur Atlantico.fr, Jean-Marc Sylvestre est également l’auteur d’un blog économique influent (JeanMarc-Sylvestre.com) qui est visité par plus de 100'000 internautes par mois. En 2013, il est le coauteur de Tout va bien (ou presque) ! – La preuve en 18 leçons aux éditions Fayard.

Impressum

Rédacteur en chef Rédacteurs Conception graphique Directeur artistique Layout woman Ont participé à ce numéro

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Magazine Uniéco Route Wilhelm-Kaiser 10 CH-1700 Fribourg unieco@gmx.ch

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Milo Božic Alberto Celada, Jean-Stéphane Yerly Romain Collaud Aurélie Monnier Noémie Sandoz Milo Božic, Alberto Celada, Céline Favre, Olivier Furrer, Sergio Rossi, Fabien Schafer, Jean-Stéphane Yerly Vanessa Büchel, Alberto Celada Simon Beuret Jean-Maurice Délèze

Tirage 2000 exemplaires

Crausaz & Partenaires SA Jean-Marc Sylvestre Sergio Rossi, Coiffure Figaro

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Créée en juin 2012 par Milo Božic et Matthieu Seydoux (respectivement étudiants en management et en droit), l’association Uniéco a pour but de promouvoir l’information économique à travers un magazine trimestriel du même nom.

Uniéco est distribué gratuitement sur le campus de l’Université de Fribourg et à la Haute école de gestion de Fribourg.

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