accents danse vol.02 n.01

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Chorème c’est aussi une ressource éducative pour les enseignants, animateurs et éducateurs et une section ludique remplie de jeux pour les jeunes de 8 à 11 ans.

7,95 $

vol. 2, no1

automne 2008 Chorème c’est un site Web qui vous propose de parcourir la collection inédite de la Bibliothèque de la danse de l’École supérieure de ballet contemporain : affiches, programmes de spectacles, extraits vidéo et articles biographiques des artisans de la danse au Québec.

Les jeunes et la danse :

nous on veut danser ! + Génération électro + Dena Davida, dénicheuse de talents + Tchétchénie, danser pour résister

+ CULTURE | FORMATION | HISTOIRE | SANTÉ


éditorial Déjà une année s’est écoulée depuis l’apparition du magazine Accents danse, une des rares revues québécoises, strictement dédiées à la promotion de la danse. Dès le lancement du premier numéro, plusieurs acteurs du milieu de la danse nous ont fait part de la pertinence d’une telle publication pour le milieu. Malgré tous les bons mots et les compliments, Accents danse est encore très jeune et demeure probablement un objet de curiosité pour certains. Nous demeurons cependant persuadés de la raison d’être de ce magazine qui est né de la nécessité d’offrir un médium d’informations sur les réalités et les préoccupations de tout le milieu de la danse. Le message que nous voulons faire passer est qu’au-delà de cette publication, il est important pour nous d’être au fait des besoins du milieu et de contribuer activement aux différents débats et de partager les préoccupations du moment.

Abonnez-vous !

Avec l’engouement indéfectible de nos collaborateurs, les deux premiers numéros nous ont permis de donner une voix aux dirigeants, formateurs, pédagogues, créateurs et artistes professionnels. En plus d’avoir ouvert une porte au dialogue, nous avons réellement tenté de prendre part aux discussions sur les enjeux importants pour le milieu.

Magazine Accents danse L’unique publication spécialisée en danse au Québec ! Une publication de 32 pages, imprimée en 4 couleurs sur du papier Pacesetter certifié FSC.

Chaque numéro est longuement réfléchi et discuté afin d’assurer que l’information soit la plus accessible pour nos lecteurs. Dans le présent numéro, notre comité éditorial a décidé de mettre l’emphase sur la jeunesse. Vous y trouverez des articles intéressants qui parlent des jeunes danseurs d’ici et d’ailleurs. Le texte de Marie-France Garon jette un regard sur le phénomène de la tecktonik et Fabienne Cabado nous explique comment la Compagnie Virevolte forme ses danseurs. Anne-Christelle Le Hir nous parle de la relation entre l’élève et l’enseignant et Elaine Gaertner donne son point de vue sur le rôle primordial de la musique dans une salle de cours. Quant à Anne Dryburgh, elle analyse le passage de certains élèves aux concours du Festival International Danse Encore de Trois-Rivières. Dans un texte fort intéressant, Stéphanie Brody nous présente des jeunes pour qui la danse est un formidable outil de résistance aux horreurs de la guerre. Finalement, comme dans tous les numéros, les sections Formation, Santé et Infos danse, vous présentent des informations pratiques et utiles.

Accents danse se veut une publication accessible au grand public tout en s’adressant aux divers intervenants du milieu de la danse. À chaque numéro, Accents danse propose, sous une thématique particulière, des articles de fond, des entrevues, des portraits d’artistes, des bribes d’histoire, ainsi qu’un survol des méthodes complémentaires à la danse, des conseils judicieux pour la santé et la formation. Accents danse aborde l’art du mouvement sous quatre volets complémentaires : • CULTURE • FORMATION • SANTÉ • HISTOIRE

Nous gardons donc bon espoir qu’Accents danse devienne un réel outil de promotion de la danse auprès des écoles, des compagnies et autres organisations qui veulent faire connaître leurs produits et services à nos nombreux lecteurs. Bonne lecture et continuez à nous faire part de vos commentaires. Alix Laurent, directeur de la publication

Le caractère éducatif et informatif du magazine permet d’approfondir ses connaissances du monde de la danse tout en restant au fait de l’actualité de cette discipline artistique. En vous abonnant, vous contribuez à assurer la pérennité du magazine. Un abonnement facile et efficace. Il faut simplement remplir le coupon inséré au magazine, y joindre votre paiement et finalement le mettre à la poste.

Magazine Accents danse Automne 2008, volume 02, numéro 01 Éditeur École supérieure de ballet contemporain de Montréal Directeur de la publication Alix Laurent Comité éditorial Fabienne Cabado, Didier Chirpaz, Marie-France Garon, Alix Laurent, Marie-Josée Lecours, Judith Ouimet, Christine Vauchel Collaborateurs Francine Arsenault, Stéphanie Brody, Lydie Bounay, Anne Dryburgh, Elaine Gaertner, Anne-Christelle Le Hir, Judith Lessard Bérubé, Katya Montaignac, Benoit Pelletier Révision Louise Chabalier Responsable de la production et des communications Marie-France Garon Graphisme Umberto Cirrito + Fabrizio Gilardino Photo de couverture Dorothée Thébert

Le magazine Accents danse est une publication semestrielle qui se consacre à la danse sous quatre volets : Culture, Histoire, Formation et Santé. Le prochain numéro est prévu pour le printemps 2009.

Dépôt légal Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada ISSN : 1913-8636

Merci à Cossette Communications et au ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.

Abonnement annuel (2 numéros) Taxes et frais de port inclus Canada : individuel 20 $ institutionnel 35 $ États-Unis : 25 $ International : 35 $

Les textes publiés dans Accents danse sont assumés par les auteurs et n’engagent pas la responsabilité de la rédaction. Tous les droits de reproduction, en tout ou en partie, sont réservés. Impression sur papier Pacesetter [Issu de forêts bien gérées, certifié FSC]

Rédaction 4816, rue Rivard Montréal (Qc) H2J 2N6 Tél. 514.849.4929 communications@esbcm.org

4 12 18 22 28 29 31

Dossier : Génération électro par Marie-France Garon 08 Virevolte, grandir au sein d’une compagnie d’enfants danseurs par Fabienne Cabado 11 Comme des pros ! Portraits de jeunes danseurs par Katya Montaignac Culture : Donner le goût de la danse par Katya Montaignac 14 L’école de danse n’est plus ce qu’elle était par Anne-Christelle Le Hir Histoire : Tchétchénie, danser pour résister par Stéphanie Brody 20 Dena Davida, dénicheuse de talents par Benoit Pelletier Formation : Journal de bord d’une professeure, compétition à Trois-Rivières par Anne Dryburgh 24 Premiers pas en solo par Christine Vauchel 26 Quand la musique mène la danse par Elaine Gaertner

Santé : On your feet, un guide pour danseurs par Fabienne Cabado Infos danse : La danse en brèves 30 Livres et DVDs par Marie-Josée Lecours

Répertoire


éditorial Déjà une année s’est écoulée depuis l’apparition du magazine Accents danse, une des rares revues québécoises, strictement dédiées à la promotion de la danse. Dès le lancement du premier numéro, plusieurs acteurs du milieu de la danse nous ont fait part de la pertinence d’une telle publication pour le milieu. Malgré tous les bons mots et les compliments, Accents danse est encore très jeune et demeure probablement un objet de curiosité pour certains. Nous demeurons cependant persuadés de la raison d’être de ce magazine qui est né de la nécessité d’offrir un médium d’informations sur les réalités et les préoccupations de tout le milieu de la danse. Le message que nous voulons faire passer est qu’au-delà de cette publication, il est important pour nous d’être au fait des besoins du milieu et de contribuer activement aux différents débats et de partager les préoccupations du moment.

Abonnez-vous !

Avec l’engouement indéfectible de nos collaborateurs, les deux premiers numéros nous ont permis de donner une voix aux dirigeants, formateurs, pédagogues, créateurs et artistes professionnels. En plus d’avoir ouvert une porte au dialogue, nous avons réellement tenté de prendre part aux discussions sur les enjeux importants pour le milieu.

Magazine Accents danse L’unique publication spécialisée en danse au Québec ! Une publication de 32 pages, imprimée en 4 couleurs sur du papier Pacesetter certifié FSC.

Chaque numéro est longuement réfléchi et discuté afin d’assurer que l’information soit la plus accessible pour nos lecteurs. Dans le présent numéro, notre comité éditorial a décidé de mettre l’emphase sur la jeunesse. Vous y trouverez des articles intéressants qui parlent des jeunes danseurs d’ici et d’ailleurs. Le texte de Marie-France Garon jette un regard sur le phénomène de la tecktonik et Fabienne Cabado nous explique comment la Compagnie Virevolte forme ses danseurs. Anne-Christelle Le Hir nous parle de la relation entre l’élève et l’enseignant et Elaine Gaertner donne son point de vue sur le rôle primordial de la musique dans une salle de cours. Quant à Anne Dryburgh, elle analyse le passage de certains élèves aux concours du Festival International Danse Encore de Trois-Rivières. Dans un texte fort intéressant, Stéphanie Brody nous présente des jeunes pour qui la danse est un formidable outil de résistance aux horreurs de la guerre. Finalement, comme dans tous les numéros, les sections Formation, Santé et Infos danse, vous présentent des informations pratiques et utiles.

Accents danse se veut une publication accessible au grand public tout en s’adressant aux divers intervenants du milieu de la danse. À chaque numéro, Accents danse propose, sous une thématique particulière, des articles de fond, des entrevues, des portraits d’artistes, des bribes d’histoire, ainsi qu’un survol des méthodes complémentaires à la danse, des conseils judicieux pour la santé et la formation. Accents danse aborde l’art du mouvement sous quatre volets complémentaires : • CULTURE • FORMATION • SANTÉ • HISTOIRE

Nous gardons donc bon espoir qu’Accents danse devienne un réel outil de promotion de la danse auprès des écoles, des compagnies et autres organisations qui veulent faire connaître leurs produits et services à nos nombreux lecteurs. Bonne lecture et continuez à nous faire part de vos commentaires. Alix Laurent, directeur de la publication

Le caractère éducatif et informatif du magazine permet d’approfondir ses connaissances du monde de la danse tout en restant au fait de l’actualité de cette discipline artistique. En vous abonnant, vous contribuez à assurer la pérennité du magazine. Un abonnement facile et efficace. Il faut simplement remplir le coupon inséré au magazine, y joindre votre paiement et finalement le mettre à la poste.

Magazine Accents danse Automne 2008, volume 02, numéro 01 Éditeur École supérieure de ballet contemporain de Montréal Directeur de la publication Alix Laurent Comité éditorial Fabienne Cabado, Didier Chirpaz, Marie-France Garon, Alix Laurent, Marie-Josée Lecours, Judith Ouimet, Christine Vauchel Collaborateurs Francine Arsenault, Stéphanie Brody, Lydie Bounay, Anne Dryburgh, Elaine Gaertner, Anne-Christelle Le Hir, Judith Lessard Bérubé, Katya Montaignac, Benoit Pelletier Révision Louise Chabalier Responsable de la production et des communications Marie-France Garon Graphisme Umberto Cirrito + Fabrizio Gilardino Photo de couverture Dorothée Thébert

Le magazine Accents danse est une publication semestrielle qui se consacre à la danse sous quatre volets : Culture, Histoire, Formation et Santé. Le prochain numéro est prévu pour le printemps 2009.

Dépôt légal Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada ISSN : 1913-8636

Merci à Cossette Communications et au ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.

Abonnement annuel (2 numéros) Taxes et frais de port inclus Canada : individuel 20 $ institutionnel 35 $ États-Unis : 25 $ International : 35 $

Les textes publiés dans Accents danse sont assumés par les auteurs et n’engagent pas la responsabilité de la rédaction. Tous les droits de reproduction, en tout ou en partie, sont réservés. Impression sur papier Pacesetter [Issu de forêts bien gérées, certifié FSC]

Rédaction 4816, rue Rivard Montréal (Qc) H2J 2N6 Tél. 514.849.4929 communications@esbcm.org

4 12 18 22 28 29 31

Dossier : Génération électro par Marie-France Garon 08 Virevolte, grandir au sein d’une compagnie d’enfants danseurs par Fabienne Cabado 11 Comme des pros ! Portraits de jeunes danseurs par Katya Montaignac Culture : Donner le goût de la danse par Katya Montaignac 14 L’école de danse n’est plus ce qu’elle était par Anne-Christelle Le Hir Histoire : Tchétchénie, danser pour résister par Stéphanie Brody 20 Dena Davida, dénicheuse de talents par Benoit Pelletier Formation : Journal de bord d’une professeure, compétition à Trois-Rivières par Anne Dryburgh 24 Premiers pas en solo par Christine Vauchel 26 Quand la musique mène la danse par Elaine Gaertner

Santé : On your feet, un guide pour danseurs par Fabienne Cabado Infos danse : La danse en brèves 30 Livres et DVDs par Marie-Josée Lecours

Répertoire


dossier

De l’Europe à l’Amérique en passant par l’Afrique, un nouveau style de danse galvanise les jeunes d’aujourd’hui. Portrait d’un phénomène qui a le vent en poupe. Ils sont des milliers, de 13 à 25 ans, à pratiquer passionnément la nouvelle danse électro. Du matin au soir, on peut les voir un peu partout, dans la rue, les cours d’école, le métro et, surtout, lors des rassemblements appelés Aprèm ou Meeting Électro. Croisé au cours d’une rencontre à Montréal, le danseur Flexx en témoigne : « Quand tu as de l’électro dans les oreilles, tu ne peux pas t’arrêter de bouger. Par exemple, quand tu es dans le métro, tu te retiens pour ne pas danser. C’est vraiment une passion. » Pour beaucoup, ça devient même une façon de vivre.

Génération électro Marie-France Garon

Photo : Federico Ciminari

DIFFUSION ÉLECTRO… NIQUE La danse électro a été largement disséminée par la voie d’Internet grâce, entre autres, au premier site sur le sujet : DanceGeneration, un blog sur l’actualité de la danse électro. En plus d’attirer près de 75 000 membres, il indique les liens vers les blogs de l’important réseau qu’il a engendré en France et un peu partout en Europe (Suisse, Grèce, Belgique, Italie, Allemagne, Grande-Bretagne et Portugal), mais aussi en Afrique (Algérie, Maroc, Tunisie et Côte-d’Ivoire) et en Amérique du Nord. Au Québec, la vague a déferlé par le biais de vidéos sur YouTube montrant des danseurs devenus de réelles stars : Jey-Jey, Caliméro, Neemo, Spoke, Storm, Lecktra, Lili Azian, Jo Clubber Fou… Par exemple, le tube Wantek, mettant en vedette le danseur Jey-Jey, a été visionné plus de dix millions de fois. En France, le premier film sur le phénomène, SMDB, Génération électro, trace le portrait de l’une des plus importantes équipes de danseurs français ayant activement participé à façonner le mouvement.

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dossier

De l’Europe à l’Amérique en passant par l’Afrique, un nouveau style de danse galvanise les jeunes d’aujourd’hui. Portrait d’un phénomène qui a le vent en poupe. Ils sont des milliers, de 13 à 25 ans, à pratiquer passionnément la nouvelle danse électro. Du matin au soir, on peut les voir un peu partout, dans la rue, les cours d’école, le métro et, surtout, lors des rassemblements appelés Aprèm ou Meeting Électro. Croisé au cours d’une rencontre à Montréal, le danseur Flexx en témoigne : « Quand tu as de l’électro dans les oreilles, tu ne peux pas t’arrêter de bouger. Par exemple, quand tu es dans le métro, tu te retiens pour ne pas danser. C’est vraiment une passion. » Pour beaucoup, ça devient même une façon de vivre.

Génération électro Marie-France Garon

Photo : Federico Ciminari

DIFFUSION ÉLECTRO… NIQUE La danse électro a été largement disséminée par la voie d’Internet grâce, entre autres, au premier site sur le sujet : DanceGeneration, un blog sur l’actualité de la danse électro. En plus d’attirer près de 75 000 membres, il indique les liens vers les blogs de l’important réseau qu’il a engendré en France et un peu partout en Europe (Suisse, Grèce, Belgique, Italie, Allemagne, Grande-Bretagne et Portugal), mais aussi en Afrique (Algérie, Maroc, Tunisie et Côte-d’Ivoire) et en Amérique du Nord. Au Québec, la vague a déferlé par le biais de vidéos sur YouTube montrant des danseurs devenus de réelles stars : Jey-Jey, Caliméro, Neemo, Spoke, Storm, Lecktra, Lili Azian, Jo Clubber Fou… Par exemple, le tube Wantek, mettant en vedette le danseur Jey-Jey, a été visionné plus de dix millions de fois. En France, le premier film sur le phénomène, SMDB, Génération électro, trace le portrait de l’une des plus importantes équipes de danseurs français ayant activement participé à façonner le mouvement.

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Naturellement, qui dit battles dit teams. À Montréal, il y a en plus de six qui sont sérieuses. Leur développement s’est réalisé grâce aux Meetings Électro où les jeunes se rencontrent, échangent, rivalisent et partagent leur goût de la danse.

« Au lieu que les enfants prennent de la drogue ou fassent des conneries, ils viennent danser. » Bikka, 16 ans

Photo : Fred Dufour / AFP

La plupart des Québécois rejettent le nom tecktonik pour parler de danse électro, de Milky Way ou de Vertigo. PRATIQUES ET DÉNOMINATIONS Originaire de France, la danse électro a vu le jour dans les discothèques parisiennes, notamment au cours de soirées appelées Tecktonik Killer, nom qui a été déposé par la suite comme une marque de commerce vu le succès grandissant de ce mouvement. D’ailleurs, dans l’Hexagone, la tecktonik est rapidement devenue un phénomène commercial avec une gamme de vêtements, une boisson énergisante, une compilation musicale, etc. Même si la danse est très typée en France avec la coupe de cheveux avec crête et les vêtements fluo, il en est autrement à Montréal. Ici, les jeunes ont préféré garder leur propre style. D’ailleurs, la plupart rejettent le nom tecktonik pour parler de danse électro, de Milky Way ou de Vertigo. Basée sur la musique hardstyle, cette danse a évolué pour s’étendre à plusieurs genres musicaux, comme le house, le trip hop ou autres courants de

musique électro. Le rythme étant essentiellement très rapide, la danse est très tonique. Le langage de base implique surtout les bras, mais un bon danseur va également bouger ses pieds. Certains gestes portent des noms officiels comme Le pot de gel, Le moulinet, Le pantalon. Les danseurs intègrent aussi le jumpstyle, plusieurs éléments du popping, du locking et du voguing. Pour eux, la danse électro demande beaucoup de coordination, de rapidité, de flexibilité et d’agilité. Très influencé par le hip-hop, le mouvement de la danse électro en a récupéré des caractéristiques : les crews ou teams, les surnoms pour les danseurs et les battles. BATTLES ET TEAMS Avec les battles vient le vrai challenge : celui de surpasser l’adversaire. Les duels peuvent se faire en solo ou en groupe et, pour déterminer le vainqueur, des juges évaluent les danseurs selon la technique, le style, la rapidité des mouvements, leur fluidité et l’originalité de la danse. La philosophie des battles étant le dépassement de soi, elles incitent les danseurs à innover en développant de nouveaux mouvements et techniques tout en proposant un style bien personnel et original se démarquant des autres.

L’EXPRESSION D’UNE GÉNÉRATION Pour Félix-Antoine, nouvel adepte originaire de Longueuil, ce mouvement, « c’est un vent de fraîcheur. C’est ce qui manquait à la scène et à la musique électro. » Il avait été impressionné par les mouvements ouverts et dynamiques d’une inconnue dans un bar de la Rive-Sud et, depuis, il s’informe et s’implique grâce aux différents groupes sur Facebook. Toutefois, le mouvement ne fait pas l’unanimité et plusieurs personnes, qui détestent la danse électro et la jugent ridicule, ont créé des blogs ou des vidéos anti-tecktonik (plus de 60 000 documents sur Internet), dont certains sont assez violents. Malgré ces différentes positions, la danse électro s’inscrit résolument dans la mouvance des danses vernaculaires et urbaines qui représentent l’expression créative d’une jeunesse et sa quête d’affirmation identitaire. La danse électro invite les jeunes d’aujourd’hui à faire partie d’une grande famille où ils partagent des valeurs communes comme l’expression de soi à travers les mouvements et la musique, la définition de leur personnalité par un style vestimentaire et une attitude. D’ailleurs, même si ce mouvement est issu des discothèques, il prône la santé et la non-consommation de drogues. La plupart des jeunes rencontrés au 3e Meeting Électro désirent que le mouvement grandisse et que les gens découvrent cette nouvelle danse. « C’est vraiment une danse qui mérite de se faire connaître, le monde se fait des amis. Y a pas de vraies batailles, c’est juste danser. Au lieu que les enfants prennent de la drogue ou fassent des conneries, ils viennent danser. C’est bien mieux », exprime Bikka, jeune danseuse de 16 ans. Souhaitons longue vie à cette danse qui encourage la rencontre, le rassemblement, les échanges et le partage dans un environnement full respect.

Mélodrama, Bikka et Swiizer.

ET LES FILLES ?

Photo : Federico Ciminari

Comme dans le breakdance, la danse est plus populaire chez les garçons. Malgré tout, les filles y sont aussi bonnes : « Même les gars nous disent qu’on est plus fortes qu’eux. C’est vraiment un compliment pour nous », de constater Bikka, membre d’Électrozone, première team exclusivement féminine de Montréal. Même si elles ne dansent l’électro que depuis quelques mois, les quatre membres ont développé leur propre signature : « Notre style à nous ce n’est pas de copier les autres. On fait nos propres moves, nos propres chorégraphies », souligne Bikka. « Et nos propres vêtements », d’ajouter Swiizer, une autre membre de l’équipe. Mélodrama, qui fait du popping, du locking et du krump depuis sept ans, a rejoint le mouvement, car elle adore la musique électro. « Partout où il y a de la musique, on danse. C’est une façon de montrer qui tu es. C’est vraiment original. Le monde est vraiment étonné quand il voit ça. C’est marginal. » À voir, cette équipe qui ne laissera pas sa place dans les prochaines battles des Meetings Électro de Montréal.


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Naturellement, qui dit battles dit teams. À Montréal, il y a en plus de six qui sont sérieuses. Leur développement s’est réalisé grâce aux Meetings Électro où les jeunes se rencontrent, échangent, rivalisent et partagent leur goût de la danse.

« Au lieu que les enfants prennent de la drogue ou fassent des conneries, ils viennent danser. » Bikka, 16 ans

Photo : Fred Dufour / AFP

La plupart des Québécois rejettent le nom tecktonik pour parler de danse électro, de Milky Way ou de Vertigo. PRATIQUES ET DÉNOMINATIONS Originaire de France, la danse électro a vu le jour dans les discothèques parisiennes, notamment au cours de soirées appelées Tecktonik Killer, nom qui a été déposé par la suite comme une marque de commerce vu le succès grandissant de ce mouvement. D’ailleurs, dans l’Hexagone, la tecktonik est rapidement devenue un phénomène commercial avec une gamme de vêtements, une boisson énergisante, une compilation musicale, etc. Même si la danse est très typée en France avec la coupe de cheveux avec crête et les vêtements fluo, il en est autrement à Montréal. Ici, les jeunes ont préféré garder leur propre style. D’ailleurs, la plupart rejettent le nom tecktonik pour parler de danse électro, de Milky Way ou de Vertigo. Basée sur la musique hardstyle, cette danse a évolué pour s’étendre à plusieurs genres musicaux, comme le house, le trip hop ou autres courants de

musique électro. Le rythme étant essentiellement très rapide, la danse est très tonique. Le langage de base implique surtout les bras, mais un bon danseur va également bouger ses pieds. Certains gestes portent des noms officiels comme Le pot de gel, Le moulinet, Le pantalon. Les danseurs intègrent aussi le jumpstyle, plusieurs éléments du popping, du locking et du voguing. Pour eux, la danse électro demande beaucoup de coordination, de rapidité, de flexibilité et d’agilité. Très influencé par le hip-hop, le mouvement de la danse électro en a récupéré des caractéristiques : les crews ou teams, les surnoms pour les danseurs et les battles. BATTLES ET TEAMS Avec les battles vient le vrai challenge : celui de surpasser l’adversaire. Les duels peuvent se faire en solo ou en groupe et, pour déterminer le vainqueur, des juges évaluent les danseurs selon la technique, le style, la rapidité des mouvements, leur fluidité et l’originalité de la danse. La philosophie des battles étant le dépassement de soi, elles incitent les danseurs à innover en développant de nouveaux mouvements et techniques tout en proposant un style bien personnel et original se démarquant des autres.

L’EXPRESSION D’UNE GÉNÉRATION Pour Félix-Antoine, nouvel adepte originaire de Longueuil, ce mouvement, « c’est un vent de fraîcheur. C’est ce qui manquait à la scène et à la musique électro. » Il avait été impressionné par les mouvements ouverts et dynamiques d’une inconnue dans un bar de la Rive-Sud et, depuis, il s’informe et s’implique grâce aux différents groupes sur Facebook. Toutefois, le mouvement ne fait pas l’unanimité et plusieurs personnes, qui détestent la danse électro et la jugent ridicule, ont créé des blogs ou des vidéos anti-tecktonik (plus de 60 000 documents sur Internet), dont certains sont assez violents. Malgré ces différentes positions, la danse électro s’inscrit résolument dans la mouvance des danses vernaculaires et urbaines qui représentent l’expression créative d’une jeunesse et sa quête d’affirmation identitaire. La danse électro invite les jeunes d’aujourd’hui à faire partie d’une grande famille où ils partagent des valeurs communes comme l’expression de soi à travers les mouvements et la musique, la définition de leur personnalité par un style vestimentaire et une attitude. D’ailleurs, même si ce mouvement est issu des discothèques, il prône la santé et la non-consommation de drogues. La plupart des jeunes rencontrés au 3e Meeting Électro désirent que le mouvement grandisse et que les gens découvrent cette nouvelle danse. « C’est vraiment une danse qui mérite de se faire connaître, le monde se fait des amis. Y a pas de vraies batailles, c’est juste danser. Au lieu que les enfants prennent de la drogue ou fassent des conneries, ils viennent danser. C’est bien mieux », exprime Bikka, jeune danseuse de 16 ans. Souhaitons longue vie à cette danse qui encourage la rencontre, le rassemblement, les échanges et le partage dans un environnement full respect.

Mélodrama, Bikka et Swiizer.

ET LES FILLES ?

Photo : Federico Ciminari

Comme dans le breakdance, la danse est plus populaire chez les garçons. Malgré tout, les filles y sont aussi bonnes : « Même les gars nous disent qu’on est plus fortes qu’eux. C’est vraiment un compliment pour nous », de constater Bikka, membre d’Électrozone, première team exclusivement féminine de Montréal. Même si elles ne dansent l’électro que depuis quelques mois, les quatre membres ont développé leur propre signature : « Notre style à nous ce n’est pas de copier les autres. On fait nos propres moves, nos propres chorégraphies », souligne Bikka. « Et nos propres vêtements », d’ajouter Swiizer, une autre membre de l’équipe. Mélodrama, qui fait du popping, du locking et du krump depuis sept ans, a rejoint le mouvement, car elle adore la musique électro. « Partout où il y a de la musique, on danse. C’est une façon de montrer qui tu es. C’est vraiment original. Le monde est vraiment étonné quand il voit ça. C’est marginal. » À voir, cette équipe qui ne laissera pas sa place dans les prochaines battles des Meetings Électro de Montréal.


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dossier

Virevolte

Grandir au sein d’une compagnie d’enfants danseurs Fabienne Cabado

Ils ont entre 10 et 18 ans, ils vont à l’école comme tout le monde et ils consacrent presque tous leurs loisirs à la formation et à la création en danse contemporaine. L’expérience est aussi riche que passionnante, même si leur choix n’est pas toujours facile à assumer. Une répétition de 22h 41mn 05 sec GENÈVE Photo : Dorothée Thébert

Basée à Genève, la Compagnie Virevolte fête son 10e anniversaire cette année. La plupart des interprètes qui la composent sont issus de l’Atelier Danse Manon Hotte, fondé cinq ans plus tôt par une Québécoise, danseuse, enseignante et chorégraphe établie sur les bords du lac Léman en 1981. « Pour moi, la danse est avant tout un moyen d’expression, déclare celle qui fut l’élève de Ludmilla Chiriaeff. J’ai voulu explorer cette dimension en donnant aux jeunes les moyens de traduire en mouvement ce qu’ils souhaitent exprimer. Mais on ne fait pas de l’expression corporelle ! Ce sont de vrais danseurs contemporains avec une vraie technique et des idées à défendre. » Selon leur âge, les interprètes-créateurs de Virevolte passent de 8 à 15 heures par semaine en studio, entre formation technique et ateliers de création. Ils dansent le soir après les cours, les mercredis après-midi (congé d’école en Suisse) et, très

souvent, le samedi. Tous les deux ans, ils présentent une douzaine de fois sur une scène professionnelle la création chorégraphique dirigée par Manon Hotte à partir de leurs préoccupations et de leur gestuelle. Il arrive aussi que des chorégraphes invités exploitent leurs talents. « Les sujets tournent beaucoup autour d’euxmêmes parce qu’ils sont dans une période de recherche de soi et de construction de leur identité, commente Manon Hotte. Par exemple, un questionnement sur la différence les a menés à créer un spectacle sur l’exil à l’époque où ils accueillaient beaucoup de réfugiés kosovars dans leurs classes. Ils ont commencé par se demander s’il fallait tous s’habiller pareil pour avoir des amis et ils ont abouti à une réflexion plus profonde sur l’intégration de jeunes étrangers qui ont vécu la guerre et ne parlent pas français. » Résultat : le public est souvent ému par la justesse des thématiques, déstabilisé

22h 41mn 05 sec GENÈVE, au Théâtre AmStramGram en mai 2007 Photos : Dorothée Thébert

par la maturité des œuvres, surpris que la qualité des performances fasse oublier certaines maladresses et que certains corps atypiques puissent être si touchants. Du côté des jeunes, même s’ils adorent la danse et que la démarche de création est passionnante, le soutien des familles et la motivation du groupe sont nécessaires pour les aider à tenir le coup dans les moments difficiles. Les copains de la danse deviennent si précieux que les amitiés qui se tissent là sont solides et durables. Et puis, il y a les « cahiers de Virevolte », qui remplissent la triple fonction de journal de bord, de journal intime et de journal créatif. Les relire permet de mesurer la valeur des épreuves traversées et du chemin parcouru.

« Les jeunes se questionnent sur leur rôle d’artistes et de citoyens et ils apprennent à se positionner par rapport à leur environnement. » « Les jeunes développent très vite une autonomie parce qu’il faut être archi-organisé pour pouvoir gérer les études, la vie familiale, la vie sociale avec les amis, la danse et savoir se réserver des moments pour soi, assure Manon Hotte. De plus, leur capacité de réflexion est stimulée par le travail de création. Ils se questionnent sur leur rôle d’artistes et de citoyens et ils apprennent à se positionner par rapport à leur environnement, à exprimer ce qu’ils

pensent et à échanger. Nous faisons aussi un gros travail d’éducation somatique, de connaissance de soi par la sensorialité, qui favorise l’acceptation de son propre corps : quand on découvre que tel type de corps induit telle façon de bouger, on peut choisir de développer ou d’améliorer certains points, mais il y a une acceptation de soi tel que l’on est. Et à cet âge-là, ce n’est pas évident, car ils subissent la pression des modèles de beauté véhiculés par les médias. » Là encore, les cahiers de Virevolte sont précieux, ainsi que les échanges entre amis. Les discussions en groupe font d’ailleurs partie intégrante des processus de formation et de création, tout comme les entretiens individuels avec Manon Hotte, qui aident à gérer les conflits intérieurs et interpersonnels. Plus du tout néophytes mais pas encore tout à fait professionnels, les danseurs de Virevolte s’engagent pour une création et rempilent souvent pour une deuxième, une troisième, puis une quatrième. Et si les diffuseurs ne savent pas trop où placer cette compagnie atypique dans leur programmation et que la scolarité demeure incompatible avec la vie de tournée, les vocations se nourrissent de l’expérience. Bien sûr, certains quitteront le bateau avant d’arriver à bon port, mais des quatre pionnières de Virevolte qui se sont engagées dans un cursus professionnel, deux font partie de compagnies et une autre fait ses premiers pas de chorégraphe indépendante avec des performances multimédias. Et quel que soit l’avenir professionnel des jeunes qui y dansent, Virevolte s’avère un excellent terreau pour le développement de leur sensibilité artistique et de leur personnalité.


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dossier

Virevolte

Grandir au sein d’une compagnie d’enfants danseurs Fabienne Cabado

Ils ont entre 10 et 18 ans, ils vont à l’école comme tout le monde et ils consacrent presque tous leurs loisirs à la formation et à la création en danse contemporaine. L’expérience est aussi riche que passionnante, même si leur choix n’est pas toujours facile à assumer. Une répétition de 22h 41mn 05 sec GENÈVE Photo : Dorothée Thébert

Basée à Genève, la Compagnie Virevolte fête son 10e anniversaire cette année. La plupart des interprètes qui la composent sont issus de l’Atelier Danse Manon Hotte, fondé cinq ans plus tôt par une Québécoise, danseuse, enseignante et chorégraphe établie sur les bords du lac Léman en 1981. « Pour moi, la danse est avant tout un moyen d’expression, déclare celle qui fut l’élève de Ludmilla Chiriaeff. J’ai voulu explorer cette dimension en donnant aux jeunes les moyens de traduire en mouvement ce qu’ils souhaitent exprimer. Mais on ne fait pas de l’expression corporelle ! Ce sont de vrais danseurs contemporains avec une vraie technique et des idées à défendre. » Selon leur âge, les interprètes-créateurs de Virevolte passent de 8 à 15 heures par semaine en studio, entre formation technique et ateliers de création. Ils dansent le soir après les cours, les mercredis après-midi (congé d’école en Suisse) et, très

souvent, le samedi. Tous les deux ans, ils présentent une douzaine de fois sur une scène professionnelle la création chorégraphique dirigée par Manon Hotte à partir de leurs préoccupations et de leur gestuelle. Il arrive aussi que des chorégraphes invités exploitent leurs talents. « Les sujets tournent beaucoup autour d’euxmêmes parce qu’ils sont dans une période de recherche de soi et de construction de leur identité, commente Manon Hotte. Par exemple, un questionnement sur la différence les a menés à créer un spectacle sur l’exil à l’époque où ils accueillaient beaucoup de réfugiés kosovars dans leurs classes. Ils ont commencé par se demander s’il fallait tous s’habiller pareil pour avoir des amis et ils ont abouti à une réflexion plus profonde sur l’intégration de jeunes étrangers qui ont vécu la guerre et ne parlent pas français. » Résultat : le public est souvent ému par la justesse des thématiques, déstabilisé

22h 41mn 05 sec GENÈVE, au Théâtre AmStramGram en mai 2007 Photos : Dorothée Thébert

par la maturité des œuvres, surpris que la qualité des performances fasse oublier certaines maladresses et que certains corps atypiques puissent être si touchants. Du côté des jeunes, même s’ils adorent la danse et que la démarche de création est passionnante, le soutien des familles et la motivation du groupe sont nécessaires pour les aider à tenir le coup dans les moments difficiles. Les copains de la danse deviennent si précieux que les amitiés qui se tissent là sont solides et durables. Et puis, il y a les « cahiers de Virevolte », qui remplissent la triple fonction de journal de bord, de journal intime et de journal créatif. Les relire permet de mesurer la valeur des épreuves traversées et du chemin parcouru.

« Les jeunes se questionnent sur leur rôle d’artistes et de citoyens et ils apprennent à se positionner par rapport à leur environnement. » « Les jeunes développent très vite une autonomie parce qu’il faut être archi-organisé pour pouvoir gérer les études, la vie familiale, la vie sociale avec les amis, la danse et savoir se réserver des moments pour soi, assure Manon Hotte. De plus, leur capacité de réflexion est stimulée par le travail de création. Ils se questionnent sur leur rôle d’artistes et de citoyens et ils apprennent à se positionner par rapport à leur environnement, à exprimer ce qu’ils

pensent et à échanger. Nous faisons aussi un gros travail d’éducation somatique, de connaissance de soi par la sensorialité, qui favorise l’acceptation de son propre corps : quand on découvre que tel type de corps induit telle façon de bouger, on peut choisir de développer ou d’améliorer certains points, mais il y a une acceptation de soi tel que l’on est. Et à cet âge-là, ce n’est pas évident, car ils subissent la pression des modèles de beauté véhiculés par les médias. » Là encore, les cahiers de Virevolte sont précieux, ainsi que les échanges entre amis. Les discussions en groupe font d’ailleurs partie intégrante des processus de formation et de création, tout comme les entretiens individuels avec Manon Hotte, qui aident à gérer les conflits intérieurs et interpersonnels. Plus du tout néophytes mais pas encore tout à fait professionnels, les danseurs de Virevolte s’engagent pour une création et rempilent souvent pour une deuxième, une troisième, puis une quatrième. Et si les diffuseurs ne savent pas trop où placer cette compagnie atypique dans leur programmation et que la scolarité demeure incompatible avec la vie de tournée, les vocations se nourrissent de l’expérience. Bien sûr, certains quitteront le bateau avant d’arriver à bon port, mais des quatre pionnières de Virevolte qui se sont engagées dans un cursus professionnel, deux font partie de compagnies et une autre fait ses premiers pas de chorégraphe indépendante avec des performances multimédias. Et quel que soit l’avenir professionnel des jeunes qui y dansent, Virevolte s’avère un excellent terreau pour le développement de leur sensibilité artistique et de leur personnalité.


Katya Montaignac

Photo : Michael Slobodian

Sandrine Robitaille-Bissonnette

| automne 2008

À 11 ans, ils sont déjà montés sur scène

accents danse |

Comme des pros !

10 + 11

« La danse, c’est pour mon plaisir. » Fille du célèbre couple de danseurs classiques Louis Robitaille et Anik Bissonnette, Sandrine est montée sur scène pour la première fois dans le Casse-Noisette des Grands Ballets Canadiens de Montréal, dans le rôle d’une petite souris. Âgée de sept ans, elle suivait les cours du soir à l’Académie de ballet classique de Montréal. Depuis, elle a dansé trois fois dans ce ballet, incarnant d’autres personnages, comme une enfant de la fête ou un mouton. L’expérience lui a donné le goût de s’inscrire au programme danseétudes de l’École supérieure de ballet contemporain de Montréal (ESBCM) où elle suit depuis trois ans des cours de ballet, de folklore et de conditionnement physique. Une nouvelle occasion lui a été offerte cette année de danser sur scène dans une chorégraphie de Margie Gillis réunissant des danseuses de 10 à 72 ans. Une première expérience de danse contemporaine qu’elle a particulièrement appréciée : « C’était plus facile que le ballet. Je ne jouais pas un personnage, j’étais moimême. » Cela dit, Sandrine ne rêve pas d’une carrière dans la lignée de sa maman : « La danse, c’est pour mon plaisir et ma mère respecte mes choix. »

Photo : Michael Lifshitz

Richard Lifshitz « Quand je danse, je me sens libre, j’oublie tout… » Richard doit sa première expérience de danse à sa cousine, qu’il est allé encourager lors d’un concours de danse latine : « J’avais six ans et j’ai commencé à danser dans les coulisses. Mes parents m’ont alors inscrit à un cours de danse latine et j’ai adoré. » Deux ans après, il est tenté par le ballet : « Pour moi, tout est de la danse. Quel que soit le style, la base est toujours la même. » Le voilà donc inscrit à l’ESBCM : « La technique du ballet m’aide énormément en danse latine pour les postures, le maintien, pointer les pieds, tendre les jambes… » Il a été surpris et heureux d’être choisi l’an dernier pour le rôle de Fritz dans CasseNoisette, « le rôle le plus intéressant pour un garçon », et aimerait pouvoir interpréter un jour celui du prince. En attendant, il a dansé un solo de danse latine à l’occasion du SquatDanse 2008 de la Place des Arts : « C’était aussi une belle expérience, car le public était assis sur la scène. Je n’avais jamais dansé devant des personnes aussi proches de moi ! » Richard confie préférer danser en solo, car, s’il se trompe, il peut improviser. Mais son but est de devenir chorégraphe. « J’adore faire des chorégraphies. J’aime surtout improviser, en danse latine comme en ballet. Quand je danse, je me sens libre, j’oublie tout… »

Photo : Jane Mappin danse

Antonia Mappin-Kasirer « J’ai réalisé que j’aimais inventer. » Élève de l’École Buissonnière, école primaire privée dont le programme propose un enseignement artistique pluridisciplinaire, Antonia est aussi la fille de la chorégraphe Jane Mappin. Elle a d’ailleurs participé à deux de ses créations. Dans la première, sa présence cristallisait la troublante relation mère-fille, qui était le sujet du spectacle : « Elle est moi et moi, je suis elle. Je suis elle quand elle était petite. On fait les mêmes gestes de mains toutes les deux. » Pour le second spectacle, Antonia a tellement insisté pour danser que sa mère a décidé de l’engager comme interprète à part entière. Le goût de la chorégraphe pour des séquences d’improvisation lui a permis de conserver un maximum de spontanéité dans le jeu d’interprétation de sa fille. « Au début, je ne pensais pas que ça pourrait être le fun, car on devait pratiquer, pratiquer, pratiquer… J’aime performer, mais je n’aime pas pratiquer. Je trouvais la danse moderne plate. Mais ma mère m’a expliqué que la danse moderne, on peut l’inventer. Comme j’ai beaucoup d’imagination, j’ai aimé. J’ai réalisé que j’aimais inventer. »


Katya Montaignac

Photo : Michael Slobodian

Sandrine Robitaille-Bissonnette

| automne 2008

À 11 ans, ils sont déjà montés sur scène

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Comme des pros !

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« La danse, c’est pour mon plaisir. » Fille du célèbre couple de danseurs classiques Louis Robitaille et Anik Bissonnette, Sandrine est montée sur scène pour la première fois dans le Casse-Noisette des Grands Ballets Canadiens de Montréal, dans le rôle d’une petite souris. Âgée de sept ans, elle suivait les cours du soir à l’Académie de ballet classique de Montréal. Depuis, elle a dansé trois fois dans ce ballet, incarnant d’autres personnages, comme une enfant de la fête ou un mouton. L’expérience lui a donné le goût de s’inscrire au programme danseétudes de l’École supérieure de ballet contemporain de Montréal (ESBCM) où elle suit depuis trois ans des cours de ballet, de folklore et de conditionnement physique. Une nouvelle occasion lui a été offerte cette année de danser sur scène dans une chorégraphie de Margie Gillis réunissant des danseuses de 10 à 72 ans. Une première expérience de danse contemporaine qu’elle a particulièrement appréciée : « C’était plus facile que le ballet. Je ne jouais pas un personnage, j’étais moimême. » Cela dit, Sandrine ne rêve pas d’une carrière dans la lignée de sa maman : « La danse, c’est pour mon plaisir et ma mère respecte mes choix. »

Photo : Michael Lifshitz

Richard Lifshitz « Quand je danse, je me sens libre, j’oublie tout… » Richard doit sa première expérience de danse à sa cousine, qu’il est allé encourager lors d’un concours de danse latine : « J’avais six ans et j’ai commencé à danser dans les coulisses. Mes parents m’ont alors inscrit à un cours de danse latine et j’ai adoré. » Deux ans après, il est tenté par le ballet : « Pour moi, tout est de la danse. Quel que soit le style, la base est toujours la même. » Le voilà donc inscrit à l’ESBCM : « La technique du ballet m’aide énormément en danse latine pour les postures, le maintien, pointer les pieds, tendre les jambes… » Il a été surpris et heureux d’être choisi l’an dernier pour le rôle de Fritz dans CasseNoisette, « le rôle le plus intéressant pour un garçon », et aimerait pouvoir interpréter un jour celui du prince. En attendant, il a dansé un solo de danse latine à l’occasion du SquatDanse 2008 de la Place des Arts : « C’était aussi une belle expérience, car le public était assis sur la scène. Je n’avais jamais dansé devant des personnes aussi proches de moi ! » Richard confie préférer danser en solo, car, s’il se trompe, il peut improviser. Mais son but est de devenir chorégraphe. « J’adore faire des chorégraphies. J’aime surtout improviser, en danse latine comme en ballet. Quand je danse, je me sens libre, j’oublie tout… »

Photo : Jane Mappin danse

Antonia Mappin-Kasirer « J’ai réalisé que j’aimais inventer. » Élève de l’École Buissonnière, école primaire privée dont le programme propose un enseignement artistique pluridisciplinaire, Antonia est aussi la fille de la chorégraphe Jane Mappin. Elle a d’ailleurs participé à deux de ses créations. Dans la première, sa présence cristallisait la troublante relation mère-fille, qui était le sujet du spectacle : « Elle est moi et moi, je suis elle. Je suis elle quand elle était petite. On fait les mêmes gestes de mains toutes les deux. » Pour le second spectacle, Antonia a tellement insisté pour danser que sa mère a décidé de l’engager comme interprète à part entière. Le goût de la chorégraphe pour des séquences d’improvisation lui a permis de conserver un maximum de spontanéité dans le jeu d’interprétation de sa fille. « Au début, je ne pensais pas que ça pourrait être le fun, car on devait pratiquer, pratiquer, pratiquer… J’aime performer, mais je n’aime pas pratiquer. Je trouvais la danse moderne plate. Mais ma mère m’a expliqué que la danse moderne, on peut l’inventer. Comme j’ai beaucoup d’imagination, j’ai aimé. J’ai réalisé que j’aimais inventer. »


12 + 13

Petit public deviendra grand

Donner le goût de la danse

On a beau savoir que les arts sont une composante essentielle de l’éveil des enfants, les contraintes budgétaires nuisent grandement à leur enseignement dans les écoles. Quelques ateliers de danse y sont tout de même donnés en marge des spectacles pour jeune public qui offrent une filière de diffusion des plus intéressantes.

Katya Montaignac

Casse-Noisette, Les Grands Ballets Canadiens de Montréal Photo : John Hall

Dans la foulée de l’essor du théâtre jeune public qui se développe depuis 25 ans au Québec, la danse pour jeune public fleurit depuis quelques années dans le paysage chorégraphique québécois. Outre le traditionnel Casse-Noisette de Fernand Nault, présenté chaque hiver depuis 1964 par les Grands Ballets Canadiens de Montréal (GBCM), les propositions se multiplient désormais du côté des chorégraphes contemporains. Diverses mesures gouvernementales ont d’ailleurs été établies afin d’encourager et de soutenir l’éclosion de ce créneau de création et de diffusion. De fait, tandis qu’un spectacle de danse peut être présenté une vingtaine de fois (souvent beaucoup moins), il n’est pas rare qu’un spectacle jeune public totalise plus de 100 représentations. En même temps qu’il contribue au développement du public de demain, le genre permet aussi aux artistes d’avoir une plus grande visibilité et de mieux vivre de leur art.

accents danse |

automne 2008

|

culture


12 + 13

Petit public deviendra grand

Donner le goût de la danse

On a beau savoir que les arts sont une composante essentielle de l’éveil des enfants, les contraintes budgétaires nuisent grandement à leur enseignement dans les écoles. Quelques ateliers de danse y sont tout de même donnés en marge des spectacles pour jeune public qui offrent une filière de diffusion des plus intéressantes.

Katya Montaignac

Casse-Noisette, Les Grands Ballets Canadiens de Montréal Photo : John Hall

Dans la foulée de l’essor du théâtre jeune public qui se développe depuis 25 ans au Québec, la danse pour jeune public fleurit depuis quelques années dans le paysage chorégraphique québécois. Outre le traditionnel Casse-Noisette de Fernand Nault, présenté chaque hiver depuis 1964 par les Grands Ballets Canadiens de Montréal (GBCM), les propositions se multiplient désormais du côté des chorégraphes contemporains. Diverses mesures gouvernementales ont d’ailleurs été établies afin d’encourager et de soutenir l’éclosion de ce créneau de création et de diffusion. De fait, tandis qu’un spectacle de danse peut être présenté une vingtaine de fois (souvent beaucoup moins), il n’est pas rare qu’un spectacle jeune public totalise plus de 100 représentations. En même temps qu’il contribue au développement du public de demain, le genre permet aussi aux artistes d’avoir une plus grande visibilité et de mieux vivre de leur art.

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automne 2008

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culture


14 + 15

INCURSIONS DANS LES ÉCOLES Depuis 2005, les GBCM sont soutenus par le ministère de l’Éducation pour accompagner le programme de Casse-Noisette d’un atelier chorégraphique destiné à quelque 1500 élèves de 6 à 11 ans issus de milieux défavorisés. Après une rencontrediscussion avec des danseurs de la compagnie au sujet de leur profession et de la pièce, une période d’expérimentation pratique est proposée autour d’une des scènes du ballet comme la bataille entre les souris et les soldats. Les enfants font ainsi partie intégrante du rêve de Clara, l’héroïne du ballet, prenant directement part à la magie du spectacle. Et si les candidats sont nombreux pour vivre cette expérience inoubliable et assister à une représentation de ce ballet mythique, tous n’auront pas la chance d’en profiter : chaque année, les 54 classes participantes sont désignées par tirage au sort.

L’intérêt des jeunes pour la danse prend principalement racine dans les relations qui se nouent au cours des rencontres avec les artistes. De son côté, la compagnie Bouge de là s’adresse aux enfants de quatre ans et plus. Après chaque représentation, ils sont invités à monter sur scène pour participer à un atelier de création autour des thèmes abordés dans le spectacle.

Julie Marcil dans Chut !, Bouge de là | Photo : Rolline Laporte

À la fois chorégraphe et enseignante en danse créative, Hélène Langevin allie ces deux activités pour transmettre aux enfants le goût du mouvement et les rendre « capables de créer leur propre danse, comme ils créent leurs propres dessins ». Professeure de danse, Irène Galesso a suivi ces ateliers avec des élèves de l’École Buissonnière : « Les spectacles qui intègrent différentes pratiques artistiques fonctionnent bien auprès des enfants : la danse-théâtre, la danse et la musique, la danse et les arts visuels… Un spectacle chorégraphique pour jeune public offre généralement un bel exemple d’intégration des arts. » En résidence permanente à la Maison culturelle et communautaire de Montréal-Nord, la compagnie d’Hélène Langevin intervient tout le long de l’année dans les écoles du secteur, donnant aussi l’occasion aux enfants de suivre la progression d’une création. L’intérêt pour la danse prend principalement racine dans les relations qui se nouent au cours de ces rencontres. « Il faudrait établir un meilleur suivi avec les écoles, lance à ce propos Simon Ampleman. Petit à petit, on pose des traces et les traces font leur chemin. » Animateur culturel collaborant régulièrement avec la chorégraphe Hélène Blackburn, de la compagnie Cas public, il a conçu une série d’ateliers qui place le jeune au cœur de la création chorégraphique : « Ma stratégie est de partir d’eux plutôt que d’arriver avec des mouvements montés d’avance. » Par exemple, autour du spectacle Journal intime, créé pour les 12-16 ans, des adolescents ont rédigé leurs propres textes sur le thème de l’amour, en ont extrait des phrases et les ont mises en mouvement. Ces séquences chorégraphiques ont ensuite été transmises aux danseurs de Cas public qui les ont interprétées devant les élèves dans le cadre d’un spectacle. Une expérience stimulante et valorisante qui redonne une place centrale au corps dans l’éducation de jeunes baignant de plus en plus dans un monde virtuel et télévisuel. Sur ce point, Irène Galesso avance que « les enfants appartiennent à une génération où tout va très vite. Il leur faut des spectacles accessibles, ni trop complexes ni trop bébé. Cela dit, ces rencontres et ateliers font d’eux un public plus avisé, même quand ils sont petits. » Simon Ampleman souligne à ce titre que « ces ateliers permettent de changer le regard de l’enfant par rapport à la danse,en lui donnant notamment le droit de se raconter sa propre histoire personnelle, différente de celle de son voisin ». Le goût de l’art se développe lentement à partir de là.

L’école de danse n’est plus ce qu’elle était Anne-Christelle Le Hir

Dans un monde en quête de repères, que reste-t-il des principes ayant longtemps encadré la formation du danseur et la relation élève-enseignant ? Le point sur les valeurs en vogue dans le système d’enseignement au Québec pour faire de l’interprète un être accompli.

Longtemps, la culture de la danse s’est principalement articulée autour de celle du ballet et des valeurs qui lui étaient associées. Dans cette quête sans relâche de l’excellence esthétique, les valeurs dominantes reposaient sur un système hautement hiérarchisé. Il n’était pas rare que l’enseignant exerce une discipline de fer dans sa classe. Si ses corrections étaient redoutées, les blessures apparaissaient comme une véritable fatalité à laquelle il fallait remédier au plus vite. Christine Williams, enseignante à l’École supérieure de ballet contemporain de Montréal (ESBCM) se souvient de ses maîtres d’alors : « C’était la vieille époque… avec le bâton ! » dit-elle en souriant. France Roy, son homologue au Département de danse de l’Université du Québec à Montréal, souligne avec humour le manque de compréhension du corps en ce temps-là. « C’était toujours : “Rentre ton ventre, serre tes fesses !” et non pas : “Travaille avec tes abdominaux !” »

Christine Williams Photo : Michael Slobodian

DE LA TYRANNIE À L’ÉPANOUISSEMENT Depuis, le milieu de la danse a évolué. Les méthodes des pédagogues actuels se basent sur des valeurs privilégiant davantage le respect et l’épanouissement du danseur. Lucie Boissinot, directrice artistique et des études à LADMMI – l’école de danse contemporaine, confie : « L’ère des tyrans est finie. En tant qu’éducatrice, je participe à perpétuer ce

automne 2008

Être élève aujourd’hui

accents danse |

Avec la compagnie Bouge de là, la chorégraphe Hélène Langevin produit depuis l’an 2000 des spectacles chorégraphiques exclusivement dédiés au jeune public et organise de nombreux ateliers afin de permettre aux enfants de goûter eux-mêmes à l’expérience du mouvement. À Québec, Le fils d’Adrien danse, compagnie dirigée par Harold Rhéaume, propose depuis la même année des spectacles pour la jeunesse accompagnés d’ateliers pédagogiques. Depuis 2001, Hélène Blackburn a créé trois pièces pour des publics à partir de 6, 8 et 12 ans, et elle prépare actuellement une création pour les tout-petits. En 2006, son Journal intime était le résultat d’une commande de la section Danse jeunesse du Centre national des Arts à Ottawa, qui offre depuis 2004 un programme de soutien à la création d’œuvres pour adolescents. Plusieurs autres chorégraphes en ont profité, comme le Torontois Matjash Mrozewski, le tandem Noam Gagnon et Dana Gingras, de Vancouver, et Martin Bélanger avec la compagnie Montréal Danse. D’autres formes d’aide sont également mises en place pour encourager les jeunes chorégraphes à s’engager dans de telles initiatives. Par exemple, Marie-Julie Asselin a bénéficié de la structure Création etc. pour concevoir et faire tourner Les traqueurs, tandis que Marie Béland a créé Twis-manivelle en 2005 grâce à l’appui de la Fondation du maire de Montréal pour la jeunesse.

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INCURSIONS DANS LES ÉCOLES Depuis 2005, les GBCM sont soutenus par le ministère de l’Éducation pour accompagner le programme de Casse-Noisette d’un atelier chorégraphique destiné à quelque 1500 élèves de 6 à 11 ans issus de milieux défavorisés. Après une rencontrediscussion avec des danseurs de la compagnie au sujet de leur profession et de la pièce, une période d’expérimentation pratique est proposée autour d’une des scènes du ballet comme la bataille entre les souris et les soldats. Les enfants font ainsi partie intégrante du rêve de Clara, l’héroïne du ballet, prenant directement part à la magie du spectacle. Et si les candidats sont nombreux pour vivre cette expérience inoubliable et assister à une représentation de ce ballet mythique, tous n’auront pas la chance d’en profiter : chaque année, les 54 classes participantes sont désignées par tirage au sort.

L’intérêt des jeunes pour la danse prend principalement racine dans les relations qui se nouent au cours des rencontres avec les artistes. De son côté, la compagnie Bouge de là s’adresse aux enfants de quatre ans et plus. Après chaque représentation, ils sont invités à monter sur scène pour participer à un atelier de création autour des thèmes abordés dans le spectacle.

Julie Marcil dans Chut !, Bouge de là | Photo : Rolline Laporte

À la fois chorégraphe et enseignante en danse créative, Hélène Langevin allie ces deux activités pour transmettre aux enfants le goût du mouvement et les rendre « capables de créer leur propre danse, comme ils créent leurs propres dessins ». Professeure de danse, Irène Galesso a suivi ces ateliers avec des élèves de l’École Buissonnière : « Les spectacles qui intègrent différentes pratiques artistiques fonctionnent bien auprès des enfants : la danse-théâtre, la danse et la musique, la danse et les arts visuels… Un spectacle chorégraphique pour jeune public offre généralement un bel exemple d’intégration des arts. » En résidence permanente à la Maison culturelle et communautaire de Montréal-Nord, la compagnie d’Hélène Langevin intervient tout le long de l’année dans les écoles du secteur, donnant aussi l’occasion aux enfants de suivre la progression d’une création. L’intérêt pour la danse prend principalement racine dans les relations qui se nouent au cours de ces rencontres. « Il faudrait établir un meilleur suivi avec les écoles, lance à ce propos Simon Ampleman. Petit à petit, on pose des traces et les traces font leur chemin. » Animateur culturel collaborant régulièrement avec la chorégraphe Hélène Blackburn, de la compagnie Cas public, il a conçu une série d’ateliers qui place le jeune au cœur de la création chorégraphique : « Ma stratégie est de partir d’eux plutôt que d’arriver avec des mouvements montés d’avance. » Par exemple, autour du spectacle Journal intime, créé pour les 12-16 ans, des adolescents ont rédigé leurs propres textes sur le thème de l’amour, en ont extrait des phrases et les ont mises en mouvement. Ces séquences chorégraphiques ont ensuite été transmises aux danseurs de Cas public qui les ont interprétées devant les élèves dans le cadre d’un spectacle. Une expérience stimulante et valorisante qui redonne une place centrale au corps dans l’éducation de jeunes baignant de plus en plus dans un monde virtuel et télévisuel. Sur ce point, Irène Galesso avance que « les enfants appartiennent à une génération où tout va très vite. Il leur faut des spectacles accessibles, ni trop complexes ni trop bébé. Cela dit, ces rencontres et ateliers font d’eux un public plus avisé, même quand ils sont petits. » Simon Ampleman souligne à ce titre que « ces ateliers permettent de changer le regard de l’enfant par rapport à la danse,en lui donnant notamment le droit de se raconter sa propre histoire personnelle, différente de celle de son voisin ». Le goût de l’art se développe lentement à partir de là.

L’école de danse n’est plus ce qu’elle était Anne-Christelle Le Hir

Dans un monde en quête de repères, que reste-t-il des principes ayant longtemps encadré la formation du danseur et la relation élève-enseignant ? Le point sur les valeurs en vogue dans le système d’enseignement au Québec pour faire de l’interprète un être accompli.

Longtemps, la culture de la danse s’est principalement articulée autour de celle du ballet et des valeurs qui lui étaient associées. Dans cette quête sans relâche de l’excellence esthétique, les valeurs dominantes reposaient sur un système hautement hiérarchisé. Il n’était pas rare que l’enseignant exerce une discipline de fer dans sa classe. Si ses corrections étaient redoutées, les blessures apparaissaient comme une véritable fatalité à laquelle il fallait remédier au plus vite. Christine Williams, enseignante à l’École supérieure de ballet contemporain de Montréal (ESBCM) se souvient de ses maîtres d’alors : « C’était la vieille époque… avec le bâton ! » dit-elle en souriant. France Roy, son homologue au Département de danse de l’Université du Québec à Montréal, souligne avec humour le manque de compréhension du corps en ce temps-là. « C’était toujours : “Rentre ton ventre, serre tes fesses !” et non pas : “Travaille avec tes abdominaux !” »

Christine Williams Photo : Michael Slobodian

DE LA TYRANNIE À L’ÉPANOUISSEMENT Depuis, le milieu de la danse a évolué. Les méthodes des pédagogues actuels se basent sur des valeurs privilégiant davantage le respect et l’épanouissement du danseur. Lucie Boissinot, directrice artistique et des études à LADMMI – l’école de danse contemporaine, confie : « L’ère des tyrans est finie. En tant qu’éducatrice, je participe à perpétuer ce

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Être élève aujourd’hui

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Avec la compagnie Bouge de là, la chorégraphe Hélène Langevin produit depuis l’an 2000 des spectacles chorégraphiques exclusivement dédiés au jeune public et organise de nombreux ateliers afin de permettre aux enfants de goûter eux-mêmes à l’expérience du mouvement. À Québec, Le fils d’Adrien danse, compagnie dirigée par Harold Rhéaume, propose depuis la même année des spectacles pour la jeunesse accompagnés d’ateliers pédagogiques. Depuis 2001, Hélène Blackburn a créé trois pièces pour des publics à partir de 6, 8 et 12 ans, et elle prépare actuellement une création pour les tout-petits. En 2006, son Journal intime était le résultat d’une commande de la section Danse jeunesse du Centre national des Arts à Ottawa, qui offre depuis 2004 un programme de soutien à la création d’œuvres pour adolescents. Plusieurs autres chorégraphes en ont profité, comme le Torontois Matjash Mrozewski, le tandem Noam Gagnon et Dana Gingras, de Vancouver, et Martin Bélanger avec la compagnie Montréal Danse. D’autres formes d’aide sont également mises en place pour encourager les jeunes chorégraphes à s’engager dans de telles initiatives. Par exemple, Marie-Julie Asselin a bénéficié de la structure Création etc. pour concevoir et faire tourner Les traqueurs, tandis que Marie Béland a créé Twis-manivelle en 2005 grâce à l’appui de la Fondation du maire de Montréal pour la jeunesse.

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culture


de la performance et de leur carrière. Scénario identique à l’ESBCM où le comité d’intégrité physique et psychologique, créé à l’initiative de parents d’élèves, veille efficacement au bon déroulement de la formation et de la croissance des élèves à tous les niveaux. La pédagogie actuelle puise d’ailleurs beaucoup au sein des techniques d’éducation somatique. L’intelligence du corps apportée, par exemple, par le body-mind centering, le Pilates et les méthodes Alexander et Feldenkrais permet aujourd’hui aux artistes de « se mouvoir en toute connaissance de cause », souligne Lucie Boissinot.

On sait aujourd’hui que les valeurs humaines transmises par le pédagogue sont déterminantes pour le bien-être et la performance de l’artiste.

accents danse |

changement. Nous travaillons les uns avec les autres. […] Et c’est important, car cela évacue la notion de peur. » Le mot est lâché. Si France Roy se souvient avec enthousiasme de Kamila Malachenko, qui lui a transmis son amour du métier, elle se rappelle aussi avoir redouté plusieurs de ses enseignants. « Ce sont pourtant des années cruciales pour le développement de la personne ! » s’exclame avec humanité Lucie Boissinot, qui considère ses étudiants avant tout comme des « collaborateurs » et « de jeunes artistes en développement ». C’est ainsi qu’à LADMMI le système pédagogique vise avant tout à stimuler la confiance chez les jeunes et à les accompagner vers leur accomplissement. Afin de favoriser leur épanouissement physique et psychologique, les services offerts aux étudiants comprennent notamment un entraînement personnalisé et encadré par un coach, des cours d’anatomie et des ateliers en nutrition ainsi qu’en gestion

automne 2008

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L’HUMANITÉ AU SERVICE DE LA VIRTUOSITÉ Si l’évolution des mentalités et des pratiques a eu le don de guider chacun vers une meilleure compréhension de son corps, elle a aussi amené un plus grand respect de la psyché du danseur. On sait aujourd’hui que les valeurs humaines

Département de danse de l’UQAM Photos : Robert Duguay

transmises par le pédagogue sont déterminantes pour le bien-être et la performance de l’artiste. Sur ce plan, Christine Williams insiste beaucoup sur des notions comme l’écoute et le respect de la diversité des élèves. Plutôt que d’essayer de les amener à se conformer à tout prix à une discipline, elle dit préférer « soutenir les forces et le caractère de chacun […] car on ne va pas tuer l’âme au prix de la virtuosité ! » Pour elle, prendre le temps d’appréhender la personnalité de chacun est la condition essentielle pour harmoniser le groupe et lui transmettre des valeurs fondamentales comme l’ouverture et la tolérance. Si elle constate à terme que cela assure aux élèves de meilleurs résultats, ces principes essentiels leur seront précieux au cours de leur carrière dans leurs relations de travail. Au nombre des valeurs de cette pédagogue figure également celle du plaisir à la

tâche. Son plus grand mantra ? « Qu’ils aient du fun, du plaisir à danser ! » Les danseurs étant souvent perfectionnistes, il leur est facile de tomber dans les travers de l’insatisfaction et de la compétition. À ce sujet, Christine Williams insiste sur le fait que c’est précisément « le plaisir dans la quête qui est important et moins la réussite elle-même ». Même chose pour France Roy qui dit privilégier autant la rigueur que l’humour. « Souriez ! dit-elle s’exclamer dans ses classes. En plus d’expulser l’air, vous aérez l’espace ! » Sensible à la valeur de l’être humain et à la responsabilité du pédagogue d’en prendre soin, elle se réjouit que certains directeurs artistiques mettent aussi un point d’honneur à préserver l’harmonie au sein de leur compagnie. Une valeur fondamentale à ses yeux, qui fait aussi toute la différence sur scène.


de la performance et de leur carrière. Scénario identique à l’ESBCM où le comité d’intégrité physique et psychologique, créé à l’initiative de parents d’élèves, veille efficacement au bon déroulement de la formation et de la croissance des élèves à tous les niveaux. La pédagogie actuelle puise d’ailleurs beaucoup au sein des techniques d’éducation somatique. L’intelligence du corps apportée, par exemple, par le body-mind centering, le Pilates et les méthodes Alexander et Feldenkrais permet aujourd’hui aux artistes de « se mouvoir en toute connaissance de cause », souligne Lucie Boissinot.

On sait aujourd’hui que les valeurs humaines transmises par le pédagogue sont déterminantes pour le bien-être et la performance de l’artiste.

accents danse |

changement. Nous travaillons les uns avec les autres. […] Et c’est important, car cela évacue la notion de peur. » Le mot est lâché. Si France Roy se souvient avec enthousiasme de Kamila Malachenko, qui lui a transmis son amour du métier, elle se rappelle aussi avoir redouté plusieurs de ses enseignants. « Ce sont pourtant des années cruciales pour le développement de la personne ! » s’exclame avec humanité Lucie Boissinot, qui considère ses étudiants avant tout comme des « collaborateurs » et « de jeunes artistes en développement ». C’est ainsi qu’à LADMMI le système pédagogique vise avant tout à stimuler la confiance chez les jeunes et à les accompagner vers leur accomplissement. Afin de favoriser leur épanouissement physique et psychologique, les services offerts aux étudiants comprennent notamment un entraînement personnalisé et encadré par un coach, des cours d’anatomie et des ateliers en nutrition ainsi qu’en gestion

automne 2008

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L’HUMANITÉ AU SERVICE DE LA VIRTUOSITÉ Si l’évolution des mentalités et des pratiques a eu le don de guider chacun vers une meilleure compréhension de son corps, elle a aussi amené un plus grand respect de la psyché du danseur. On sait aujourd’hui que les valeurs humaines

Département de danse de l’UQAM Photos : Robert Duguay

transmises par le pédagogue sont déterminantes pour le bien-être et la performance de l’artiste. Sur ce plan, Christine Williams insiste beaucoup sur des notions comme l’écoute et le respect de la diversité des élèves. Plutôt que d’essayer de les amener à se conformer à tout prix à une discipline, elle dit préférer « soutenir les forces et le caractère de chacun […] car on ne va pas tuer l’âme au prix de la virtuosité ! » Pour elle, prendre le temps d’appréhender la personnalité de chacun est la condition essentielle pour harmoniser le groupe et lui transmettre des valeurs fondamentales comme l’ouverture et la tolérance. Si elle constate à terme que cela assure aux élèves de meilleurs résultats, ces principes essentiels leur seront précieux au cours de leur carrière dans leurs relations de travail. Au nombre des valeurs de cette pédagogue figure également celle du plaisir à la

tâche. Son plus grand mantra ? « Qu’ils aient du fun, du plaisir à danser ! » Les danseurs étant souvent perfectionnistes, il leur est facile de tomber dans les travers de l’insatisfaction et de la compétition. À ce sujet, Christine Williams insiste sur le fait que c’est précisément « le plaisir dans la quête qui est important et moins la réussite elle-même ». Même chose pour France Roy qui dit privilégier autant la rigueur que l’humour. « Souriez ! dit-elle s’exclamer dans ses classes. En plus d’expulser l’air, vous aérez l’espace ! » Sensible à la valeur de l’être humain et à la responsabilité du pédagogue d’en prendre soin, elle se réjouit que certains directeurs artistiques mettent aussi un point d’honneur à préserver l’harmonie au sein de leur compagnie. Une valeur fondamentale à ses yeux, qui fait aussi toute la différence sur scène.


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Stéphanie Brody

En 1999, à Grozny, capitale de la République tchétchène, Ramzan Akhmadov fonde la compagnie Daymokh : 60 enfants âgés de 6 à 15 ans, dont plusieurs n’ont connu que les affrontements entre les forces d’occupation russes et les indépendantistes tchétchènes. « À traîner dans les gravats, les enfants risquaient de prendre de mauvaises habitudes », confie cet ancien interprète du Ballet national tchétchène. Mais à peine a-t-il fondé sa troupe que la Russie lance un nouvel assaut contre Grozny : les enfants et leurs familles se terrent ou, comme Akhmadov, s’exilent. En 2001, le fondateur de la compagnie rentre à Grozny. Daymokh renaît de ses cendres. Grâce aux danses traditionnelles caucasiennes qu’il transmet aux enfants, un peuple résiste. « Ce n’est pas seulement notre culture que l’on montre [en dansant], mais l’âme qui brûle en nous, lance le jeune Magomed. […] L’âme tchétchène ne sombre pas. Ils peuvent tuer, déporter : les Tchétchènes vivent. » Ce message de résistance, Akhmadov et les enfants de Daymokh l’ont porté au-delà des frontières. Entre 2001 et 2005, parrainés par la documentariste française Mylène Sauloy et des amis solidaires, les jeunes magnétisent les foules partout en Europe. À Paris, Ariane Mnouchkine, metteure en scène de l’illustre Théâtre du Soleil, leur offre sa scène.

« On nous colle une étiquette de terroristes, de bandits, de barbares, lance Akhmadov aux danseurs. Notre but est de montrer au monde entier que nous sommes des gens normaux. »

Images du film Danse avec les ruines de Mylène Sauloy

En spectacle, Daymokh électrise : les filles sont aériennes et les garçons, de petites tornades. La grâce, la technique et la discipline des enfants impressionnent même les danseurs de l’Opéra de Paris et la chorégraphe Maguy Marin qui les

accueille à Lyon. C’est que le maître est exigeant. « On nous colle une étiquette de terroristes, de bandits, de sauvages, de barbares, lance Akhmadov aux danseurs avant qu’ils n’entrent en scène. Notre but est de montrer au monde entier que nous sommes des gens normaux. Pour ça, on doit montrer la plus grande éducation. Vous comprenez ? Cette responsabilité incombe à chacun de nous. Pour ça, je ne ménagerai personne, pas même moi-même. » Sauloy raconte même l’avoir souvent vu houspiller des enfants, après un spectacle ovationné : « C’est ton peuple que tu mets sur la scène et c’est tout ce que tu donnes ?! » Mais voilà, Akhmadov ne forme pas des danseurs : il forme des hommes et des femmes. « Il les a pris en pleine guerre pour leur redonner confiance en eux, explique Sauloy, dont le film Danse avec les ruines retrace le périple de la troupe. Ce qu’il veut, c’est qu’ils aillent de l’avant, avec force et dignité. » Sauloy a essayé d’inscrire des enfants dans des écoles de danse en France ; Akhmadov n’est pas intéressé. « Il participe, avant tout, explique-t-elle, à un mouvement de protection de sa culture et de ses traditions contre la russification. Et la Tchétchénie est un pays en survie ! Danser, c’est chouette, mais il faut un vrai boulot, faire des études, devenir comptable ou ingénieur. » D’ailleurs, Magomed et Khassan (le fils de Ramzan Akhmadov) étudient actuellement en Angleterre. « D’autres, confie Sauloy, sont devenus formateurs de la troupe, comme Amina, la fille de Ramzan, Vakha, le merveilleux qui tourne si vite, et Anzor, acrobate de génie. Certains ont rejoint Vainakh, la troupe d’adultes dirigée par le père d’un des enfants, également ministre de la Culture. Plusieurs filles se sont mariées et sont mamans… » Dans un pays toujours secoué par les violences et les rivalités, la vie résiste.

Note : Les citations de cet article sont tirées du documentaire Danse, Grozny, danse de Jos de Putter (Pays-Bas, 2002), de Danse avec les ruines de Mylène Sauloy (France, 2002) et d’une récente entrevue réalisée pour Accents danse avec Mylène Sauloy.

automne 2008

Danser pour résister

Certains vivent pour danser, d’autres dansent pour vivre. C’est le cas des enfants de la troupe tchétchène Daymokh, créée pour les soustraire au traumatisme de la guerre. Pour eux, comme pour leur maître, la danse est avant tout un formidable moyen de résistance.

accents danse |

Tchétchénie

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histoire


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Stéphanie Brody

En 1999, à Grozny, capitale de la République tchétchène, Ramzan Akhmadov fonde la compagnie Daymokh : 60 enfants âgés de 6 à 15 ans, dont plusieurs n’ont connu que les affrontements entre les forces d’occupation russes et les indépendantistes tchétchènes. « À traîner dans les gravats, les enfants risquaient de prendre de mauvaises habitudes », confie cet ancien interprète du Ballet national tchétchène. Mais à peine a-t-il fondé sa troupe que la Russie lance un nouvel assaut contre Grozny : les enfants et leurs familles se terrent ou, comme Akhmadov, s’exilent. En 2001, le fondateur de la compagnie rentre à Grozny. Daymokh renaît de ses cendres. Grâce aux danses traditionnelles caucasiennes qu’il transmet aux enfants, un peuple résiste. « Ce n’est pas seulement notre culture que l’on montre [en dansant], mais l’âme qui brûle en nous, lance le jeune Magomed. […] L’âme tchétchène ne sombre pas. Ils peuvent tuer, déporter : les Tchétchènes vivent. » Ce message de résistance, Akhmadov et les enfants de Daymokh l’ont porté au-delà des frontières. Entre 2001 et 2005, parrainés par la documentariste française Mylène Sauloy et des amis solidaires, les jeunes magnétisent les foules partout en Europe. À Paris, Ariane Mnouchkine, metteure en scène de l’illustre Théâtre du Soleil, leur offre sa scène.

« On nous colle une étiquette de terroristes, de bandits, de barbares, lance Akhmadov aux danseurs. Notre but est de montrer au monde entier que nous sommes des gens normaux. »

Images du film Danse avec les ruines de Mylène Sauloy

En spectacle, Daymokh électrise : les filles sont aériennes et les garçons, de petites tornades. La grâce, la technique et la discipline des enfants impressionnent même les danseurs de l’Opéra de Paris et la chorégraphe Maguy Marin qui les

accueille à Lyon. C’est que le maître est exigeant. « On nous colle une étiquette de terroristes, de bandits, de sauvages, de barbares, lance Akhmadov aux danseurs avant qu’ils n’entrent en scène. Notre but est de montrer au monde entier que nous sommes des gens normaux. Pour ça, on doit montrer la plus grande éducation. Vous comprenez ? Cette responsabilité incombe à chacun de nous. Pour ça, je ne ménagerai personne, pas même moi-même. » Sauloy raconte même l’avoir souvent vu houspiller des enfants, après un spectacle ovationné : « C’est ton peuple que tu mets sur la scène et c’est tout ce que tu donnes ?! » Mais voilà, Akhmadov ne forme pas des danseurs : il forme des hommes et des femmes. « Il les a pris en pleine guerre pour leur redonner confiance en eux, explique Sauloy, dont le film Danse avec les ruines retrace le périple de la troupe. Ce qu’il veut, c’est qu’ils aillent de l’avant, avec force et dignité. » Sauloy a essayé d’inscrire des enfants dans des écoles de danse en France ; Akhmadov n’est pas intéressé. « Il participe, avant tout, explique-t-elle, à un mouvement de protection de sa culture et de ses traditions contre la russification. Et la Tchétchénie est un pays en survie ! Danser, c’est chouette, mais il faut un vrai boulot, faire des études, devenir comptable ou ingénieur. » D’ailleurs, Magomed et Khassan (le fils de Ramzan Akhmadov) étudient actuellement en Angleterre. « D’autres, confie Sauloy, sont devenus formateurs de la troupe, comme Amina, la fille de Ramzan, Vakha, le merveilleux qui tourne si vite, et Anzor, acrobate de génie. Certains ont rejoint Vainakh, la troupe d’adultes dirigée par le père d’un des enfants, également ministre de la Culture. Plusieurs filles se sont mariées et sont mamans… » Dans un pays toujours secoué par les violences et les rivalités, la vie résiste.

Note : Les citations de cet article sont tirées du documentaire Danse, Grozny, danse de Jos de Putter (Pays-Bas, 2002), de Danse avec les ruines de Mylène Sauloy (France, 2002) et d’une récente entrevue réalisée pour Accents danse avec Mylène Sauloy.

automne 2008

Danser pour résister

Certains vivent pour danser, d’autres dansent pour vivre. C’est le cas des enfants de la troupe tchétchène Daymokh, créée pour les soustraire au traumatisme de la guerre. Pour eux, comme pour leur maître, la danse est avant tout un formidable moyen de résistance.

accents danse |

Tchétchénie

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histoire


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automne 2008

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histoire

Photos : Vincent Roy

En coulisse

Dena Davida, dénicheuse de talents Benoit Pelletier

En remettant à Tangente son Grand Prix 2007, le Conseil des arts de Montréal a salué les efforts déployés depuis 1980 par Dena Davida, directrice artistique et générale de ce lieu de diffusion voué à la danse émergente. Docteure en études et pratiques des arts, elle assure aussi des cours théoriques à l’UQAM après y avoir enseigné l’improvisation et la composition. Flashback sur le parcours d’une femme à l’esprit libre.

UNE ENFANT DE BROADWAY Née à New York dans une famille de gens de théâtre, la petite Dena ne tient pas en place, sauf quand sa mère la berce de chansons françaises. On la dirige vers la danse. Un premier contact raté : une sévère classe de ballet ; interdiction de boire pendant le cours ; Dena est outrée. C’est lors d’un cours de contact-improvisation qu’elle renoue avec la danse et pour de bon : « J’y découvrais la liberté de m’exprimer pleinement sur scène en demeurant moi-même. » Après des études californiennes en théâtre, la jeune femme choisit Minneapolis pour sa florissante communauté de la danse. Elle enseigne alors la danse créative et pratique le contact-improvisation. Une époque riche mais trouble, car le cauchemar de la guerre du Vietnam tourmente les esprits. Chez Dena, comme chez nombre de ses compatriotes, monte un lourd sentiment : « Ne plus être américain. » Le voisin du Nord l’attire. Au cours d’un premier voyage dans l’Ouest canadien, elle apprend avec étonnement, grâce à l’emballage bilingue d’un tube de dentifrice, qu’il existe une province francophone. L’année suivante, explorant l’est du pays, la francophile découvre Montréal. Le sort en est jeté !

Lorsque Dena Davida s’y installe en 1977, Montréal offre un terreau fertile pour la danse, mais beaucoup reste à faire. MONTRÉAL, UN TERREAU FERTILE Lorsque Dena Davida s’y installe en 1977, Montréal offre un terreau fertile pour la danse, mais beaucoup reste à faire. Il y a les Grands Ballets Canadiens de Montréal, les Ballets Jazz de Montréal, mais Nouvelle Aire vient de se dissoudre et le Groupe de la Place Royale a déménagé à Ottawa.

Seuls quelques événements ponctuels sont organisés en danse contemporaine malgré un bassin d’interprètes et de chorégraphes piaffants et un public restreint mais fidèle. Construire un centre de développement pour la danse contemporaine, voilà le projet qu’échafaude l’immigrante. En 1980, elle fonde Tangente avec Louis Guillemette, Silvy Panet-Raymond et Howard Abrams. Le lieu de diffusion s’établit d’abord dans un petit loft, puis promène ses saisons d’un espace à l’autre. On y reçoit beaucoup de figures éminentes, comme Mark Morris, mais on y assiste aussi aux premiers pas de créateurs comme Ginette Laurin. Dena Davida se rappelle, amusée : « Je téléphonais aux gens de notre public, un par un, pour les presser d’assister à l’un de nos spectacles ! » En 1991, Tangente emménage dans le pavillon de danse de l’UQAM et prend enfin son essor. Un important centre de documentation sur la danse contemporaine y sera implanté. AS TIME GOES BY En 2008, le paysage de la danse est bien différent. Dena Davida n’a plus de difficulté à remplir toute une saison avec des propositions d’artistes émergents d’ici. Elles se multiplient, multiformes et bien articulées. Les créateurs qui sortent des écoles professionnelles et des universités manifestent une meilleure conscience de leur corps, de ce qu’ils font et de l’évolution de la danse contemporaine. Le public grandissant montre une compréhension de cet art. Il a accès à une offre variée, bien couverte par les médias, notamment par au moins une demi-douzaine de critiques de danse, chose impensable en 1977 ! Dena Davida, toujours animée par la passion de la danse, continue de contribuer à son développement à Tangente, dont elle prépare la relocalisation. Et si elle songe à se consacrer de plus en plus à la recherche et à l’enseignement, elle reste à Montréal, heureuse d’y vivre « cette expérience bilingue » dont elle rêvait.


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histoire

Photos : Vincent Roy

En coulisse

Dena Davida, dénicheuse de talents Benoit Pelletier

En remettant à Tangente son Grand Prix 2007, le Conseil des arts de Montréal a salué les efforts déployés depuis 1980 par Dena Davida, directrice artistique et générale de ce lieu de diffusion voué à la danse émergente. Docteure en études et pratiques des arts, elle assure aussi des cours théoriques à l’UQAM après y avoir enseigné l’improvisation et la composition. Flashback sur le parcours d’une femme à l’esprit libre.

UNE ENFANT DE BROADWAY Née à New York dans une famille de gens de théâtre, la petite Dena ne tient pas en place, sauf quand sa mère la berce de chansons françaises. On la dirige vers la danse. Un premier contact raté : une sévère classe de ballet ; interdiction de boire pendant le cours ; Dena est outrée. C’est lors d’un cours de contact-improvisation qu’elle renoue avec la danse et pour de bon : « J’y découvrais la liberté de m’exprimer pleinement sur scène en demeurant moi-même. » Après des études californiennes en théâtre, la jeune femme choisit Minneapolis pour sa florissante communauté de la danse. Elle enseigne alors la danse créative et pratique le contact-improvisation. Une époque riche mais trouble, car le cauchemar de la guerre du Vietnam tourmente les esprits. Chez Dena, comme chez nombre de ses compatriotes, monte un lourd sentiment : « Ne plus être américain. » Le voisin du Nord l’attire. Au cours d’un premier voyage dans l’Ouest canadien, elle apprend avec étonnement, grâce à l’emballage bilingue d’un tube de dentifrice, qu’il existe une province francophone. L’année suivante, explorant l’est du pays, la francophile découvre Montréal. Le sort en est jeté !

Lorsque Dena Davida s’y installe en 1977, Montréal offre un terreau fertile pour la danse, mais beaucoup reste à faire. MONTRÉAL, UN TERREAU FERTILE Lorsque Dena Davida s’y installe en 1977, Montréal offre un terreau fertile pour la danse, mais beaucoup reste à faire. Il y a les Grands Ballets Canadiens de Montréal, les Ballets Jazz de Montréal, mais Nouvelle Aire vient de se dissoudre et le Groupe de la Place Royale a déménagé à Ottawa.

Seuls quelques événements ponctuels sont organisés en danse contemporaine malgré un bassin d’interprètes et de chorégraphes piaffants et un public restreint mais fidèle. Construire un centre de développement pour la danse contemporaine, voilà le projet qu’échafaude l’immigrante. En 1980, elle fonde Tangente avec Louis Guillemette, Silvy Panet-Raymond et Howard Abrams. Le lieu de diffusion s’établit d’abord dans un petit loft, puis promène ses saisons d’un espace à l’autre. On y reçoit beaucoup de figures éminentes, comme Mark Morris, mais on y assiste aussi aux premiers pas de créateurs comme Ginette Laurin. Dena Davida se rappelle, amusée : « Je téléphonais aux gens de notre public, un par un, pour les presser d’assister à l’un de nos spectacles ! » En 1991, Tangente emménage dans le pavillon de danse de l’UQAM et prend enfin son essor. Un important centre de documentation sur la danse contemporaine y sera implanté. AS TIME GOES BY En 2008, le paysage de la danse est bien différent. Dena Davida n’a plus de difficulté à remplir toute une saison avec des propositions d’artistes émergents d’ici. Elles se multiplient, multiformes et bien articulées. Les créateurs qui sortent des écoles professionnelles et des universités manifestent une meilleure conscience de leur corps, de ce qu’ils font et de l’évolution de la danse contemporaine. Le public grandissant montre une compréhension de cet art. Il a accès à une offre variée, bien couverte par les médias, notamment par au moins une demi-douzaine de critiques de danse, chose impensable en 1977 ! Dena Davida, toujours animée par la passion de la danse, continue de contribuer à son développement à Tangente, dont elle prépare la relocalisation. Et si elle songe à se consacrer de plus en plus à la recherche et à l’enseignement, elle reste à Montréal, heureuse d’y vivre « cette expérience bilingue » dont elle rêvait.


22 + 23 automne 2008

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formation

accents danse |

Journal de bord d’une professeure Compétition à Trois-Rivières Anne Dryburgh, professeure

« La compétition ? C’est montrer qu’on aime danser ! » me lancent les élèves quand je les questionne sur le sujet. « C’est pas juste gagner, c’est aussi participer ! » Les réponses fusent, mais nul ne relève que la compétition peut parfois susciter l’envie et entraîner une certaine rivalité entre les danseurs. Pour ces jeunes, la compétition est d’abord avec soi-même et non avec les autres : elle est une quête de dépassement de soi. Semaine du 2 juin : les répétitions se déroulent de façon harmonieuse. Les élèves anticipent avec joie ce moment où ils seront sur scène. Pour la plupart, il s’agit d’une première expérience et cette compétition représente une occasion unique de voir évoluer sur scène d’autres danseurs. Samedi 7 juin : répétition en studio avec costumes. Dernière occasion pour chaque professeur de peaufiner avec ses élèves. Impatients d’être devant un public, ceux-ci proposent que les performances de chacun soient montrées aux camarades de l’école. Dimanche 8 juin, 9 h : le grand jour ! Malgré la chaleur accablante, la fébrilité et l’ardeur des participants sont palpables. Rien n’échappe aux professeurs, qui souhaitent que leurs élèves soient impeccables : retouche maquillage, laque à profusion, vérification des costumes… Dans les loges, les élèves s’échauffent soigneusement tout en parlant pour contrer leur nervosité. Dimanche 8 juin, 10 h : le concours se déroule dans un immense aréna avec une scène bâtie pour l’occasion. Installés en arrière-scène de façon ordonnée, nous admirons les candidats sur un écran géant disposé en coulisse. Je recueille les commentaires de nos jeunes danseuses avant leur entrée en scène : « Très stressées », disent-elles en chœur. « Oui, stressée, mais il faut avoir confiance en soi », affirme l’une d’elles. Afin de calmer leurs nerfs, les élèves fredonnent l’air des « schtroumpfs », un rituel qui porte bonheur. Le moment

est enfin venu de montrer le fruit de leurs efforts et leur amour de la danse. Debout dans les coulisses, le cœur battant la chamade, nous, professeurs, regardons nos élèves avec un sentiment d’impuissance. Nous ne pouvons plus rien pour eux.

Ayant moi-même été juge, je reconnais la difficulté d’évaluer avec objectivité les numéros qui se démarquent en termes de performance et d’originalité, et d’en mesurer la juste valeur réelle. Après avoir raccompagné mes élèves dans les loges, je me précipite dans la salle pour voir les plus grands danser. Parents, amis et professeurs ont pris place dans les estrades. D’autres ont choisi des chaises pliantes près de la scène. Les gens bavardent, entrent et sortent à leur guise. Certains mangent goulûment des croustilles. On est bien loin de l’atmosphère formelle de la Place des Arts ! Faisant fi du brouhaha, nos élèves dansent pourtant comme s’ils étaient dans un grand théâtre. Ils présentent cinq numéros de groupe explosifs et les quelques dix solistes trouvent une force intérieure qui se manifeste par une expressivité du mouvement exceptionnelle pour certains. À mon retour dans les loges, certains se réjouissent d’avoir mérité la mention « or », d’autres sont déçus par la mention « argent ». Contrairement aux concours de danse en Europe où il y a très peu d’élus, à Trois-Rivières, tous les participants repartent avec un prix. Bien que louable, ce modèle où tout le monde est « gagnant » soulève quelques réflexions.

Ayant moi-même été juge, je reconnais la difficulté d’évaluer avec objectivité les numéros qui se démarquent en termes de performance et d’originalité, et d’en mesurer la juste valeur réelle. De plus, quand tout le monde est gagnant, la motivation est autre que s’il y a un seul vainqueur. En Europe, l’obtention d’une mention dans un concours peut avoir un impact majeur sur la carrière des danseurs (par exemple : être invité à faire partie d’une école internationale ou d’une compagnie reconnue). Ici, les enjeux sont différents et les élèves apprennent que toutes les règles ne sont pas toujours claires et que les différentes préconceptions que l’on a de ses habiletés ne sont pas toujours justes. Mais il demeure que toute la préparation investie symbolise la passion des jeunes pour leur art. Dimanche 8 juin, 17 h : l’épreuve terminée, je me sens fière de l’aplomb et du professionnalisme dont ont fait preuve petits et grands. Ils ont dansé avec cœur et leurs yeux reflètent la fierté de se savoir de futurs ambassadeurs de la danse. Accompagnateurs, parents, amis et récipiendaires des nombreux prix « or » et « argent » repartent avec un sentiment d’accomplissement et des souvenirs inoubliables.

LE FESTIVAL EN BREF Le Festival International Danse Encore voit le jour en 1995 à Drummondville. Trois ans plus tard, ayant pris de l’ampleur, il s’installe à Trois-Rivières. En 2003, sa durée passe de 3 à 10 jours. En 2005, il s’ouvre au grand public avec des animations extérieures de toutes sortes. L’édition 2008, la 14e, a accueilli 45 000 visiteurs, 250 artistes professionnels et 5000 participants. ll a présenté une quarantaine de spectacles et offert 52 classes de maître. 3700 danseurs amateurs et semi-professionnels ont été en compétition avec 485 chorégraphies dans 15 styles de danse. Un trophée a été remis pour chaque chorégraphie, de Bronze à Or plus, selon le pointage accumulé. Des bourses ont également été attribuées : 50 $ pour les solos, 100 $ pour les groupes. Les juges pour la catégorie ballet et danse moderne étaient Kevin Thomas, Bill Coleman et Laurence Lemieux.

Photos : Elaine Gaertner

En juin dernier, des élèves de l’École supérieure de ballet contemporain ont ramené une trentaine de prix et cinq bourses d’excellence du Festival International Danse Encore. Une professeure ayant agi comme répétitrice et accompagnatrice nous livre ses impressions sur l’aventure excitante d’une compétition.


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formation

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Journal de bord d’une professeure Compétition à Trois-Rivières Anne Dryburgh, professeure

« La compétition ? C’est montrer qu’on aime danser ! » me lancent les élèves quand je les questionne sur le sujet. « C’est pas juste gagner, c’est aussi participer ! » Les réponses fusent, mais nul ne relève que la compétition peut parfois susciter l’envie et entraîner une certaine rivalité entre les danseurs. Pour ces jeunes, la compétition est d’abord avec soi-même et non avec les autres : elle est une quête de dépassement de soi. Semaine du 2 juin : les répétitions se déroulent de façon harmonieuse. Les élèves anticipent avec joie ce moment où ils seront sur scène. Pour la plupart, il s’agit d’une première expérience et cette compétition représente une occasion unique de voir évoluer sur scène d’autres danseurs. Samedi 7 juin : répétition en studio avec costumes. Dernière occasion pour chaque professeur de peaufiner avec ses élèves. Impatients d’être devant un public, ceux-ci proposent que les performances de chacun soient montrées aux camarades de l’école. Dimanche 8 juin, 9 h : le grand jour ! Malgré la chaleur accablante, la fébrilité et l’ardeur des participants sont palpables. Rien n’échappe aux professeurs, qui souhaitent que leurs élèves soient impeccables : retouche maquillage, laque à profusion, vérification des costumes… Dans les loges, les élèves s’échauffent soigneusement tout en parlant pour contrer leur nervosité. Dimanche 8 juin, 10 h : le concours se déroule dans un immense aréna avec une scène bâtie pour l’occasion. Installés en arrière-scène de façon ordonnée, nous admirons les candidats sur un écran géant disposé en coulisse. Je recueille les commentaires de nos jeunes danseuses avant leur entrée en scène : « Très stressées », disent-elles en chœur. « Oui, stressée, mais il faut avoir confiance en soi », affirme l’une d’elles. Afin de calmer leurs nerfs, les élèves fredonnent l’air des « schtroumpfs », un rituel qui porte bonheur. Le moment

est enfin venu de montrer le fruit de leurs efforts et leur amour de la danse. Debout dans les coulisses, le cœur battant la chamade, nous, professeurs, regardons nos élèves avec un sentiment d’impuissance. Nous ne pouvons plus rien pour eux.

Ayant moi-même été juge, je reconnais la difficulté d’évaluer avec objectivité les numéros qui se démarquent en termes de performance et d’originalité, et d’en mesurer la juste valeur réelle. Après avoir raccompagné mes élèves dans les loges, je me précipite dans la salle pour voir les plus grands danser. Parents, amis et professeurs ont pris place dans les estrades. D’autres ont choisi des chaises pliantes près de la scène. Les gens bavardent, entrent et sortent à leur guise. Certains mangent goulûment des croustilles. On est bien loin de l’atmosphère formelle de la Place des Arts ! Faisant fi du brouhaha, nos élèves dansent pourtant comme s’ils étaient dans un grand théâtre. Ils présentent cinq numéros de groupe explosifs et les quelques dix solistes trouvent une force intérieure qui se manifeste par une expressivité du mouvement exceptionnelle pour certains. À mon retour dans les loges, certains se réjouissent d’avoir mérité la mention « or », d’autres sont déçus par la mention « argent ». Contrairement aux concours de danse en Europe où il y a très peu d’élus, à Trois-Rivières, tous les participants repartent avec un prix. Bien que louable, ce modèle où tout le monde est « gagnant » soulève quelques réflexions.

Ayant moi-même été juge, je reconnais la difficulté d’évaluer avec objectivité les numéros qui se démarquent en termes de performance et d’originalité, et d’en mesurer la juste valeur réelle. De plus, quand tout le monde est gagnant, la motivation est autre que s’il y a un seul vainqueur. En Europe, l’obtention d’une mention dans un concours peut avoir un impact majeur sur la carrière des danseurs (par exemple : être invité à faire partie d’une école internationale ou d’une compagnie reconnue). Ici, les enjeux sont différents et les élèves apprennent que toutes les règles ne sont pas toujours claires et que les différentes préconceptions que l’on a de ses habiletés ne sont pas toujours justes. Mais il demeure que toute la préparation investie symbolise la passion des jeunes pour leur art. Dimanche 8 juin, 17 h : l’épreuve terminée, je me sens fière de l’aplomb et du professionnalisme dont ont fait preuve petits et grands. Ils ont dansé avec cœur et leurs yeux reflètent la fierté de se savoir de futurs ambassadeurs de la danse. Accompagnateurs, parents, amis et récipiendaires des nombreux prix « or » et « argent » repartent avec un sentiment d’accomplissement et des souvenirs inoubliables.

LE FESTIVAL EN BREF Le Festival International Danse Encore voit le jour en 1995 à Drummondville. Trois ans plus tard, ayant pris de l’ampleur, il s’installe à Trois-Rivières. En 2003, sa durée passe de 3 à 10 jours. En 2005, il s’ouvre au grand public avec des animations extérieures de toutes sortes. L’édition 2008, la 14e, a accueilli 45 000 visiteurs, 250 artistes professionnels et 5000 participants. ll a présenté une quarantaine de spectacles et offert 52 classes de maître. 3700 danseurs amateurs et semi-professionnels ont été en compétition avec 485 chorégraphies dans 15 styles de danse. Un trophée a été remis pour chaque chorégraphie, de Bronze à Or plus, selon le pointage accumulé. Des bourses ont également été attribuées : 50 $ pour les solos, 100 $ pour les groupes. Les juges pour la catégorie ballet et danse moderne étaient Kevin Thomas, Bill Coleman et Laurence Lemieux.

Photos : Elaine Gaertner

En juin dernier, des élèves de l’École supérieure de ballet contemporain ont ramené une trentaine de prix et cinq bourses d’excellence du Festival International Danse Encore. Une professeure ayant agi comme répétitrice et accompagnatrice nous livre ses impressions sur l’aventure excitante d’une compétition.


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formation

accents danse |

automne 2008

Pour la recherche et la création de leur prochain projet, elles tenteront d’obtenir la nouvelle bourse du CALQ, qui offre également des résidences à l’étranger avec ses Pépinières européennes pour jeunes artistes.

Portées par l’énergie des commencements, Geneviève et Émilie vont même jusqu'à New York pour étudier les possibilités de collaboration avec de petites compagnies dynamiques.

Carrière

Premiers pas en solo Christine Vauchel, formatrice en gestion de carrière artistique

L’école est finie. Voici le temps de déployer ses ailes et de lancer sa carrière. Que l’on choisisse d’être interprète ou chorégraphe, cette étape difficile et décisive se traverse mieux si l’on utilise les outils et ressources à la disposition des artistes de la relève. Exemples à suivre. En sortant de l’école, ceux qui cherchent à danser pour une compagnie sont à l’affût de toutes les annonces d’auditions. Ils consultent le site du Regroupement québécois de la danse (RQD), écument les sites d’auditions internationaux et fouillent les ressources de la Bibliothèque de la danse de l’ESBCM, dont les magazines de danse comme le Jobs Guide annuel de Dance Magazine. Ils cherchent aussi à se faire connaître localement en assistant aux 5 à 7 du RQD ou en s’inscrivant à des cours et ateliers de création de chorégraphes locaux et internationaux tels que Springboard Montréal, dont certains ressortent avec un contrat en main. Ceux qui veulent se faire embaucher comme apprenti dans une compagnie peuvent désormais prétendre à une nouvelle bourse du Conseil des arts et lettres du Québec (CALQ) pour la relève. D’autres se lancent tout de suite dans la création et montent des projets chorégraphiques, en solo ou en collectif, pour exprimer une vision personnelle et être plus autonomes. Une bonne connaissance des ressources disponibles aide alors à concrétiser ses ambitions.

À DEUX, C’EST MIEUX Fraîchement diplômées de l’ESBCM, Geneviève Bolla et Émilie Gratton-Beaulieu ont séduit le comité de sélection du Festival LOLA (London Ontario Live Arts) en envoyant un DVD de leur travail chorégraphique. Elles ont ainsi été invitées à présenter Roots en 2007, saisissant alors l’occasion pour créer leur compagnie, Évolucidanse, avec l’aide de professionnels pour les aspects juridiques et de gestion. « C’était notre premier montage d’une chorégraphie au complet, avec les techniciens, etc., donc, énormément de travail, confie Geneviève. Le côté juridique a été un peu compliqué, l’administratif moins. Nous avons suivi la méthode des essais et erreurs, difficile mais enrichissante. » De retour à Montréal, elles retravaillent leur création en électro-soul et s’autoproduisent pour la présenter dans une petite salle. Portées par l’énergie des commencements, elles vont même jusqu’à New York pour étudier les possibilités de collaboration avec de petites compagnies dynamiques. Elles en reviennent avec des contacts à établir d’abord depuis Montréal.

ÇA COMMENCE À L’ÉCOLE La chorégraphe-interprète Anne Thériault a suivi un tout autre parcours. Finissante de l’UQAM, elle est choisie par ses pairs pour présenter une courte pièce dans les Danses buissonnières de Tangente en 2004, puis sélectionnée pour le volet Les Gradués trois ans plus tard. Entre-temps, elle s’inscrit à LADMMI, où on lui demande de monter un projet pour son cours de gestion de carrière : elle présente Valeur ajoutée ajoutée au concours Entrez en scène, qui offre aux jeunes artistes une expérience de production et de diffusion dans un contexte professionnel. Organisé par l’Association des écoles supérieures d’art de Montréal (ADÉSAM) 1 en collaboration avec la Fondation du maire de Montréal pour la jeunesse (FMMJ), il partage 10 000 $ entre plusieurs projets artistiques. Anne obtient une bourse de 2000 $ pour produire sa pièce. « Le fait d’avoir eu une bourse m’a donné un élan, dit-elle, très satisfaite de son expérience. Des gens croyaient en moi et en mon projet. Aussi, avoir un diffuseur qui appuie sa démarche, c’est très valorisant. » Entre les cours à LADMMI et le service personnalisé d’accompagnement pour le plan d’affaires offert par la FMMJ, la créatrice a appris à effectuer des recherches, à connaître les structures et à élaborer un budget.

1 L’ADÉSAM regroupe le Centre NAD, le Conservatoire d’art dramatique de Montréal, le Conservatoire de musique de Montréal, l’École supérieure de ballet contemporain de Montréal, l’École nationale du cirque, l’École nationale de l’humour, l’École nationale de théâtre du Canada, ICARI, INIS, LADMMI et Musitechnic.

AUTRES RESSOURCES Consacré à la relève, le portail Artère fournit de l’information à jour sur toutes les possibilités de financement public et donne une vitrine aux jeunes artistes et compagnies. Le RQD offre aussi des ateliers et des stages de formation pour les interprètes ou les travailleurs du milieu de la danse. Outre les occasions de diffusion offertes par Tangente avec ses Danses buissonnières et ses Bancs d’essai internationaux, les subventions octroyées par le CALQ et la FMMJ, le programme Jeunes volontaires d’Emploi-Québec permet d’explorer des projets d’entreprises artistiques. CALQ : www.calq.gouv.qc.ca Portail Artère : www.artere.qc.ca RQD : www.quebecdanse.org Springboard : www.springboarddansemontreal.com/indexfr.php Tangente : www.tangente.qc.ca

Évolucidanse Photos : Anne Howard


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Pour la recherche et la création de leur prochain projet, elles tenteront d’obtenir la nouvelle bourse du CALQ, qui offre également des résidences à l’étranger avec ses Pépinières européennes pour jeunes artistes.

Portées par l’énergie des commencements, Geneviève et Émilie vont même jusqu'à New York pour étudier les possibilités de collaboration avec de petites compagnies dynamiques.

Carrière

Premiers pas en solo Christine Vauchel, formatrice en gestion de carrière artistique

L’école est finie. Voici le temps de déployer ses ailes et de lancer sa carrière. Que l’on choisisse d’être interprète ou chorégraphe, cette étape difficile et décisive se traverse mieux si l’on utilise les outils et ressources à la disposition des artistes de la relève. Exemples à suivre. En sortant de l’école, ceux qui cherchent à danser pour une compagnie sont à l’affût de toutes les annonces d’auditions. Ils consultent le site du Regroupement québécois de la danse (RQD), écument les sites d’auditions internationaux et fouillent les ressources de la Bibliothèque de la danse de l’ESBCM, dont les magazines de danse comme le Jobs Guide annuel de Dance Magazine. Ils cherchent aussi à se faire connaître localement en assistant aux 5 à 7 du RQD ou en s’inscrivant à des cours et ateliers de création de chorégraphes locaux et internationaux tels que Springboard Montréal, dont certains ressortent avec un contrat en main. Ceux qui veulent se faire embaucher comme apprenti dans une compagnie peuvent désormais prétendre à une nouvelle bourse du Conseil des arts et lettres du Québec (CALQ) pour la relève. D’autres se lancent tout de suite dans la création et montent des projets chorégraphiques, en solo ou en collectif, pour exprimer une vision personnelle et être plus autonomes. Une bonne connaissance des ressources disponibles aide alors à concrétiser ses ambitions.

À DEUX, C’EST MIEUX Fraîchement diplômées de l’ESBCM, Geneviève Bolla et Émilie Gratton-Beaulieu ont séduit le comité de sélection du Festival LOLA (London Ontario Live Arts) en envoyant un DVD de leur travail chorégraphique. Elles ont ainsi été invitées à présenter Roots en 2007, saisissant alors l’occasion pour créer leur compagnie, Évolucidanse, avec l’aide de professionnels pour les aspects juridiques et de gestion. « C’était notre premier montage d’une chorégraphie au complet, avec les techniciens, etc., donc, énormément de travail, confie Geneviève. Le côté juridique a été un peu compliqué, l’administratif moins. Nous avons suivi la méthode des essais et erreurs, difficile mais enrichissante. » De retour à Montréal, elles retravaillent leur création en électro-soul et s’autoproduisent pour la présenter dans une petite salle. Portées par l’énergie des commencements, elles vont même jusqu’à New York pour étudier les possibilités de collaboration avec de petites compagnies dynamiques. Elles en reviennent avec des contacts à établir d’abord depuis Montréal.

ÇA COMMENCE À L’ÉCOLE La chorégraphe-interprète Anne Thériault a suivi un tout autre parcours. Finissante de l’UQAM, elle est choisie par ses pairs pour présenter une courte pièce dans les Danses buissonnières de Tangente en 2004, puis sélectionnée pour le volet Les Gradués trois ans plus tard. Entre-temps, elle s’inscrit à LADMMI, où on lui demande de monter un projet pour son cours de gestion de carrière : elle présente Valeur ajoutée ajoutée au concours Entrez en scène, qui offre aux jeunes artistes une expérience de production et de diffusion dans un contexte professionnel. Organisé par l’Association des écoles supérieures d’art de Montréal (ADÉSAM) 1 en collaboration avec la Fondation du maire de Montréal pour la jeunesse (FMMJ), il partage 10 000 $ entre plusieurs projets artistiques. Anne obtient une bourse de 2000 $ pour produire sa pièce. « Le fait d’avoir eu une bourse m’a donné un élan, dit-elle, très satisfaite de son expérience. Des gens croyaient en moi et en mon projet. Aussi, avoir un diffuseur qui appuie sa démarche, c’est très valorisant. » Entre les cours à LADMMI et le service personnalisé d’accompagnement pour le plan d’affaires offert par la FMMJ, la créatrice a appris à effectuer des recherches, à connaître les structures et à élaborer un budget.

1 L’ADÉSAM regroupe le Centre NAD, le Conservatoire d’art dramatique de Montréal, le Conservatoire de musique de Montréal, l’École supérieure de ballet contemporain de Montréal, l’École nationale du cirque, l’École nationale de l’humour, l’École nationale de théâtre du Canada, ICARI, INIS, LADMMI et Musitechnic.

AUTRES RESSOURCES Consacré à la relève, le portail Artère fournit de l’information à jour sur toutes les possibilités de financement public et donne une vitrine aux jeunes artistes et compagnies. Le RQD offre aussi des ateliers et des stages de formation pour les interprètes ou les travailleurs du milieu de la danse. Outre les occasions de diffusion offertes par Tangente avec ses Danses buissonnières et ses Bancs d’essai internationaux, les subventions octroyées par le CALQ et la FMMJ, le programme Jeunes volontaires d’Emploi-Québec permet d’explorer des projets d’entreprises artistiques. CALQ : www.calq.gouv.qc.ca Portail Artère : www.artere.qc.ca RQD : www.quebecdanse.org Springboard : www.springboarddansemontreal.com/indexfr.php Tangente : www.tangente.qc.ca

Évolucidanse Photos : Anne Howard


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Elaine Gaertner, professeure de musique Traduction : Anne Dryburgh

Plus qu’une option divertissante, l’enseignement de la musique fait partie intégrante de la formation du danseur classique. Mais pour que sa compréhension de la structure musicale soit profonde, l’apprentissage doit passer par le corps avant d’être intégré par l’intellect. L’idée d’enseigner la musique à travers le mouvement a été introduite au début des années 1900 par le musicien suisse Émile Jacques-Dalcroze. Selon lui, le corps humain est la source de toute inspiration musicale et les mouvements humains ont un effet sur les perceptions musicales. Sa méthode encourage les enfants à appréhender la musique par le corps sans trop chercher à la comprendre intellectuellement. « La théorie doit suivre la pratique », disait-il.

Depuis 1997, j’applique ces principes pour combler les besoins spécifiques des élèves de l’École supérieure de ballet contemporain de Montréal, qui doivent être capables de réagir à toutes sortes d’œuvres musicales, mais aussi d’en comprendre la structure, incluant les phrasés et les harmonies. Aussi, ils apprennent à développer un rythme intérieur de manière à pouvoir exécuter les mouvements de façon constante, avec ou sans musique. Car la musique n’est pas uniquement un élément

La musique n’est pas uniquement un élément d’interprétation pour le danseur, elle est aussi une clé lui permettant de saisir les dynamiques du mouvement. De plus, elle doit faire jaillir la créativité et éveiller le sens artistique de l’élève en danse à un niveau beaucoup plus élevé que pour tout autre étudiant pratiquant une autre forme d’art. Les danseurs doivent avoir une écoute très fine et être sensible à la musique des points de vue émotionnel et intellectuel. L’écoute active constitue donc une dimension fondamentale de l’apprentissage en musique. Elle enrichit une pensée critique qui se fonde à la fois sur un esprit analytique et sur une perception intuitive.

doit faire face le danseur sont aussi abordées, comme l’utilisation des contretemps et des accents forts et faibles de la musique. Parfois l’élève sera appelé à exécuter un mouvement de façon de plus en plus ample pour répondre au rythme d’une musique ralentissant graduellement. De plus, les cours de musique sont une belle occasion pour les élèves d’exprimer leur créativité au sein de leur structure quotidienne plus rigide. L’enseignement de la musique à de futurs danseurs ne les aide pas seulement à suivre le rythme, il les aide à insuffler de la vitalité à leurs mouvements, à développer une pensée disciplinée et structurée, à nourrir leur créativité et à augmenter leurs perceptions. C’est sans aucun doute un élément clé pour former des artistes complets plutôt que de bons techniciens.

CORPS À CORPS AVEC LA MUSIQUE Pendant le cours, une période d’écoute est immédiatement traduite de façon kinesthésique soit à travers l’utilisation de la voix, soit en tapant des mains ou en faisant des mouvements. Les explications restent minimes jusqu’à ce que la conscience corporelle de la musique soit totale. Les analyses verbales sont toujours renforcées ou testées à travers le mouvement. Ce qu’on obtient alors est une sorte de croisement entre ce que l’oreille entend, ce que le cerveau interprète et ce qui émane de façon instinctive du corps. Les élèves sont parfois amenés à utiliser l’information apprise dans la classe de ballet. Ils doivent alors interpréter correctement des éléments de la musique, les incorporer de manière créative dans leur danse, puis les reproduire dans une structure musicale imposée. D’autres exercices visent à sensibiliser l’élève à un élément spécifique de musique. Par exemple, le rythme syncopé d’un extrait musical peut se transposer dans une série de mouvements dans laquelle on introduit ce même rythme. Dans un deuxième temps, l’élève utilisera son vocabulaire personnel pour démontrer sa compréhension du rythme. Plusieurs notions complexes auxquelles Photos : Federico Ciminari

automne 2008

d’interprétation pour le danseur, elle est aussi une clé lui permettant de saisir les dynamiques du mouvement et un guide pour mieux mémoriser les pas et la chorégraphie.

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Elaine Gaertner, professeure de musique Traduction : Anne Dryburgh

Plus qu’une option divertissante, l’enseignement de la musique fait partie intégrante de la formation du danseur classique. Mais pour que sa compréhension de la structure musicale soit profonde, l’apprentissage doit passer par le corps avant d’être intégré par l’intellect. L’idée d’enseigner la musique à travers le mouvement a été introduite au début des années 1900 par le musicien suisse Émile Jacques-Dalcroze. Selon lui, le corps humain est la source de toute inspiration musicale et les mouvements humains ont un effet sur les perceptions musicales. Sa méthode encourage les enfants à appréhender la musique par le corps sans trop chercher à la comprendre intellectuellement. « La théorie doit suivre la pratique », disait-il.

Depuis 1997, j’applique ces principes pour combler les besoins spécifiques des élèves de l’École supérieure de ballet contemporain de Montréal, qui doivent être capables de réagir à toutes sortes d’œuvres musicales, mais aussi d’en comprendre la structure, incluant les phrasés et les harmonies. Aussi, ils apprennent à développer un rythme intérieur de manière à pouvoir exécuter les mouvements de façon constante, avec ou sans musique. Car la musique n’est pas uniquement un élément

La musique n’est pas uniquement un élément d’interprétation pour le danseur, elle est aussi une clé lui permettant de saisir les dynamiques du mouvement. De plus, elle doit faire jaillir la créativité et éveiller le sens artistique de l’élève en danse à un niveau beaucoup plus élevé que pour tout autre étudiant pratiquant une autre forme d’art. Les danseurs doivent avoir une écoute très fine et être sensible à la musique des points de vue émotionnel et intellectuel. L’écoute active constitue donc une dimension fondamentale de l’apprentissage en musique. Elle enrichit une pensée critique qui se fonde à la fois sur un esprit analytique et sur une perception intuitive.

doit faire face le danseur sont aussi abordées, comme l’utilisation des contretemps et des accents forts et faibles de la musique. Parfois l’élève sera appelé à exécuter un mouvement de façon de plus en plus ample pour répondre au rythme d’une musique ralentissant graduellement. De plus, les cours de musique sont une belle occasion pour les élèves d’exprimer leur créativité au sein de leur structure quotidienne plus rigide. L’enseignement de la musique à de futurs danseurs ne les aide pas seulement à suivre le rythme, il les aide à insuffler de la vitalité à leurs mouvements, à développer une pensée disciplinée et structurée, à nourrir leur créativité et à augmenter leurs perceptions. C’est sans aucun doute un élément clé pour former des artistes complets plutôt que de bons techniciens.

CORPS À CORPS AVEC LA MUSIQUE Pendant le cours, une période d’écoute est immédiatement traduite de façon kinesthésique soit à travers l’utilisation de la voix, soit en tapant des mains ou en faisant des mouvements. Les explications restent minimes jusqu’à ce que la conscience corporelle de la musique soit totale. Les analyses verbales sont toujours renforcées ou testées à travers le mouvement. Ce qu’on obtient alors est une sorte de croisement entre ce que l’oreille entend, ce que le cerveau interprète et ce qui émane de façon instinctive du corps. Les élèves sont parfois amenés à utiliser l’information apprise dans la classe de ballet. Ils doivent alors interpréter correctement des éléments de la musique, les incorporer de manière créative dans leur danse, puis les reproduire dans une structure musicale imposée. D’autres exercices visent à sensibiliser l’élève à un élément spécifique de musique. Par exemple, le rythme syncopé d’un extrait musical peut se transposer dans une série de mouvements dans laquelle on introduit ce même rythme. Dans un deuxième temps, l’élève utilisera son vocabulaire personnel pour démontrer sa compréhension du rythme. Plusieurs notions complexes auxquelles Photos : Federico Ciminari

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d’interprétation pour le danseur, elle est aussi une clé lui permettant de saisir les dynamiques du mouvement et un guide pour mieux mémoriser les pas et la chorégraphie.

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santé

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un guide pour danseurs Conseils d’amie Fabienne Cabado

Physiothérapeute œuvrant depuis 30 ans, Dawn Nichol a profité du Festival des arts de Saint-Sauveur pour lancer un petit « manuel d’entretien » à l’usage des danseurs. Accents danse a demandé à son auteure d’en extraire quelques conseils pour jeunes danseurs. « Qu’ils soient jeunes ou vieux, spécialisés en danse classique, contemporaine ou en breakdance, tous les danseurs me posent toujours les mêmes questions, affirme Dawn Nichol. Et puis ça fait longtemps qu’ils me demandent de rassembler des informations de base à emporter avec eux quand ils partent en tournée. C’est pour ça que j’ai écrit ce livre. » Totalisant quelque 80 pages, On Your Feet: A Dancer’s Handbook for Self-Care est agrémenté de photos d’art, de dessins et de planches anatomiques fort utiles. Il recense les blessures communes et les attitudes à adopter pour les traiter, mais il porte principalement sur tous les aspects d’une hygiène de vie quotidienne qui permet de les éviter. « C’est un livre simple et pratique qui ne vise pas à changer l’opinion des gens sur leur façon de prendre soin d’eux-mêmes, mais à les aider à mieux le faire », déclare l’auteure. Au-delà des très nombreuses informations qu’elle partage dans son livre, elle nous offre quelques conseils d’ordre général. Tous les professionnels de la danse et les parents de jeunes danseurs devraient considérer l’interprète comme un athlète et le soutenir en lui offrant un programme d’entraînement et des conditions de vie adaptés à ses besoins : nutrition,

repos, prévention, entraînement spécifique pour renforcer les points faibles, etc. Ne négligez pas les petits problèmes musculaires ou tendineux qui apparaissent et disparaissent régulièrement. Ils peuvent devenir de véritables fléaux si on tarde trop à s’en occuper. Le coût d’une visite chez un thérapeute pèse trop lourd dans votre budget ? Vous ferez certainement des économies en demandant conseil à un spécialiste dès les premières douleurs, car cela vous permettra de régler le problème à la source. Faites confiance à votre intuition pour déterminer la cause d’une blessure et ne craignez pas de chercher de l’information sur le sujet. Il y a sûrement une personne-ressource de confiance dans votre entourage, et le Web est une source facile d’accès. (Dawn Nichol mentionne d’ailleurs quelques sites intéressants.) En conclusion, même si cela vous semble une évidence, n’oubliez jamais que prendre soin de soi au quotidien est toujours payant à long terme. Si vous souhaitez en savoir plus sur ce manuel ou vous le procurer, rendez-vous à www.dancershandbook.com.

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On your feet :

De ci de là la danse en brèves LAISSER SA TRACE S’initier à la création chorégraphique, développer du mouvement, rencontrer un chorégraphe et une danseuse étoile, s’approprier une notation chorégraphique inventée… Voilà l’aventure qu’ont vécue au printemps plus de 150 élèves des écoles Lanaudière et Laurier, à Montréal. Imaginé par le Regroupement québécois de la danse (RQD) et la Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal, le projet de médiation culturelle Traceurs à l’œuvre a été conçu autour des Traces chorégraphiques, ces fameuses séquences de pas créées par des chorégraphes québécois et peintes sur les trottoirs pendant l’événement Pas de danse, pas de vie ! Décliné en six ateliers, Traceurs à l’œuvre a été mené par les animateurs Julie Châteauvert et Nicolas Filion avec Katya Montaignac et les chorégraphes Pierre-Paul Savoie et Lucie Grégoire. Le dernier atelier, en compagnie de l’ex-danseuse étoile Anik Bissonnette, a pris l’allure d’une fête lorsque les élèves ont présenté leurs chorégraphies et disposé leurs Traces dans les corridors de leur école. Intégrées à Pas de danse, pas de vie !, ces Traces sont ensuite venues colorer le corridor du métro menant à la Place des Arts lors du SquatDanse du 27 avril dernier. Une belle façon pour le RQD de valoriser la pratique de la danse à l’école et de rendre hommage à ceux et celles qui l’enseignent. (J. L. B.) JE ME SOUVIENS… La Fondation Jean-Pierre-Perreault et la Place des Arts ont annoncé leur partenariat pour la sauvegarde et la mise en valeur d’une partie de l’œuvre picturale de Jean-Pierre Perreault. En tout, 12 éléments de décors de scène réalisés par le célèbre chorégraphe sont désormais exposés en permanence au Théâtre Maisonneuve. De plus, la Place des Arts assure l’entreposage de 37 autres éléments scénographiques signés Perreault. Les archives administratives et visuelles, telles que dessins, peintures et carnets, ont quant à elles été acquises par la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Comme le disait Marc Boivin, président de la Fondation : « La danse n’a pas seulement un avenir, elle a également un passé. » De fait, les archives du créateur de Joe ne sont que la pointe de l’iceberg et la question de la sauvegarde du patrimoine de la danse se pose de manière pressante pour la société québécoise. Souhaitons que, dans la foulée de ce partenariat, des solutions globales et durables voient bientôt le jour pour venir à la rescousse d’un patrimoine en péril. (M.-J. L.)

Traceurs à l'œuvre Photo : Sylvain Légaré

100 % HIP HOP L’année 2008 a vu la naissance de Génération Danses Urbaines, un grand spectacle-compétition suivi d’une journée d’ateliers d’initiation à divers styles de danse : krump, locking, b-boying, hip-hop, house… Issus de neuf studios de danse, 140 danseurs ont participé à la compétition, remportée dans la catégorie junior par Focus, de l’école Focus de Belœil, et par 24K du studio Urban Element de Montréal, dans la catégorie senior. Les plus jeunes ont gagné 1000 $ et une prestation télévisuelle qui sera diffusée sur Canal D et Super Écran cet automne. Leurs aînés ont récolté 2500 $ et un voyage en France pour participer à des ateliers et à un spectacle en banlieue parisienne. À la suite de leur passage sur la scène de Génération Danses Urbaines, plusieurs autres équipes ont reçu des invitations à se produire dans des événements sportifs ou culturels. Quant aux ateliers Immersion, ils ont eu un tel succès qu’un Workshop Tour a été organisé à travers la province pendant des fins de semaine de juin à octobre. L’expérience a été l’occasion de repérer de nouveaux talents pour l’édition 2009, qui devrait prendre la forme d’un festival de cinq jours. (L. B.) Infos : www.generationdansesurbaines.com LA RELÈVE CHEZ LES GRANDS Depuis son arrivée à la barre des Grands Ballets Canadiens de Montréal, en 2000, Gradimir Pankov rêvait de lancer un concours chorégraphique dans tout le Canada. Il faut dire que l’un de ses chevaux de bataille est de détecter de nouveaux talents et de les encourager en leur donnant une chance de s’épanouir. C’est ainsi qu’il a déjà soutenu l’émergence de chorégraphes étrangers comme Didy Veldman et Stijn Celis, auxquels il continue d’ailleurs de commander des créations. Cette année, le rêve est devenu réalité avec la mise sur pied d’un premier concours qui devait donner la chance à quatre jeunes chorégraphes canadiens, dont au moins un du Québec, de créer une œuvre pour la compagnie. Les exigences : avoir 30 ans ou moins, réaliser en cinq semaines une pièce ne dépassant pas 25 minutes et utiliser tout au plus quatre interprètes. Formés en hip hop comme en ballet, les quatre lauréats sont Shay Kuebler et Tiffany Tregarthen, de Vancouver, Lacey Smith, de London, et JeanSébastien Couture, de Montréal. Leurs œuvres sont au programme de l’Agora de la danse les 25, 26 et 27 septembre 2008, à 20 h. Un grand vent de fraîcheur qui s’annonce ! (F. A.)

Troupe Fokus, gagnant Junior, génération danses urbaines Photo : Charlotte Sampermans

Les Grands Ballets Canadiens de Montréal Photo : Serguei Endinian


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un guide pour danseurs Conseils d’amie Fabienne Cabado

Physiothérapeute œuvrant depuis 30 ans, Dawn Nichol a profité du Festival des arts de Saint-Sauveur pour lancer un petit « manuel d’entretien » à l’usage des danseurs. Accents danse a demandé à son auteure d’en extraire quelques conseils pour jeunes danseurs. « Qu’ils soient jeunes ou vieux, spécialisés en danse classique, contemporaine ou en breakdance, tous les danseurs me posent toujours les mêmes questions, affirme Dawn Nichol. Et puis ça fait longtemps qu’ils me demandent de rassembler des informations de base à emporter avec eux quand ils partent en tournée. C’est pour ça que j’ai écrit ce livre. » Totalisant quelque 80 pages, On Your Feet: A Dancer’s Handbook for Self-Care est agrémenté de photos d’art, de dessins et de planches anatomiques fort utiles. Il recense les blessures communes et les attitudes à adopter pour les traiter, mais il porte principalement sur tous les aspects d’une hygiène de vie quotidienne qui permet de les éviter. « C’est un livre simple et pratique qui ne vise pas à changer l’opinion des gens sur leur façon de prendre soin d’eux-mêmes, mais à les aider à mieux le faire », déclare l’auteure. Au-delà des très nombreuses informations qu’elle partage dans son livre, elle nous offre quelques conseils d’ordre général. Tous les professionnels de la danse et les parents de jeunes danseurs devraient considérer l’interprète comme un athlète et le soutenir en lui offrant un programme d’entraînement et des conditions de vie adaptés à ses besoins : nutrition,

repos, prévention, entraînement spécifique pour renforcer les points faibles, etc. Ne négligez pas les petits problèmes musculaires ou tendineux qui apparaissent et disparaissent régulièrement. Ils peuvent devenir de véritables fléaux si on tarde trop à s’en occuper. Le coût d’une visite chez un thérapeute pèse trop lourd dans votre budget ? Vous ferez certainement des économies en demandant conseil à un spécialiste dès les premières douleurs, car cela vous permettra de régler le problème à la source. Faites confiance à votre intuition pour déterminer la cause d’une blessure et ne craignez pas de chercher de l’information sur le sujet. Il y a sûrement une personne-ressource de confiance dans votre entourage, et le Web est une source facile d’accès. (Dawn Nichol mentionne d’ailleurs quelques sites intéressants.) En conclusion, même si cela vous semble une évidence, n’oubliez jamais que prendre soin de soi au quotidien est toujours payant à long terme. Si vous souhaitez en savoir plus sur ce manuel ou vous le procurer, rendez-vous à www.dancershandbook.com.

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De ci de là la danse en brèves LAISSER SA TRACE S’initier à la création chorégraphique, développer du mouvement, rencontrer un chorégraphe et une danseuse étoile, s’approprier une notation chorégraphique inventée… Voilà l’aventure qu’ont vécue au printemps plus de 150 élèves des écoles Lanaudière et Laurier, à Montréal. Imaginé par le Regroupement québécois de la danse (RQD) et la Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal, le projet de médiation culturelle Traceurs à l’œuvre a été conçu autour des Traces chorégraphiques, ces fameuses séquences de pas créées par des chorégraphes québécois et peintes sur les trottoirs pendant l’événement Pas de danse, pas de vie ! Décliné en six ateliers, Traceurs à l’œuvre a été mené par les animateurs Julie Châteauvert et Nicolas Filion avec Katya Montaignac et les chorégraphes Pierre-Paul Savoie et Lucie Grégoire. Le dernier atelier, en compagnie de l’ex-danseuse étoile Anik Bissonnette, a pris l’allure d’une fête lorsque les élèves ont présenté leurs chorégraphies et disposé leurs Traces dans les corridors de leur école. Intégrées à Pas de danse, pas de vie !, ces Traces sont ensuite venues colorer le corridor du métro menant à la Place des Arts lors du SquatDanse du 27 avril dernier. Une belle façon pour le RQD de valoriser la pratique de la danse à l’école et de rendre hommage à ceux et celles qui l’enseignent. (J. L. B.) JE ME SOUVIENS… La Fondation Jean-Pierre-Perreault et la Place des Arts ont annoncé leur partenariat pour la sauvegarde et la mise en valeur d’une partie de l’œuvre picturale de Jean-Pierre Perreault. En tout, 12 éléments de décors de scène réalisés par le célèbre chorégraphe sont désormais exposés en permanence au Théâtre Maisonneuve. De plus, la Place des Arts assure l’entreposage de 37 autres éléments scénographiques signés Perreault. Les archives administratives et visuelles, telles que dessins, peintures et carnets, ont quant à elles été acquises par la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Comme le disait Marc Boivin, président de la Fondation : « La danse n’a pas seulement un avenir, elle a également un passé. » De fait, les archives du créateur de Joe ne sont que la pointe de l’iceberg et la question de la sauvegarde du patrimoine de la danse se pose de manière pressante pour la société québécoise. Souhaitons que, dans la foulée de ce partenariat, des solutions globales et durables voient bientôt le jour pour venir à la rescousse d’un patrimoine en péril. (M.-J. L.)

Traceurs à l'œuvre Photo : Sylvain Légaré

100 % HIP HOP L’année 2008 a vu la naissance de Génération Danses Urbaines, un grand spectacle-compétition suivi d’une journée d’ateliers d’initiation à divers styles de danse : krump, locking, b-boying, hip-hop, house… Issus de neuf studios de danse, 140 danseurs ont participé à la compétition, remportée dans la catégorie junior par Focus, de l’école Focus de Belœil, et par 24K du studio Urban Element de Montréal, dans la catégorie senior. Les plus jeunes ont gagné 1000 $ et une prestation télévisuelle qui sera diffusée sur Canal D et Super Écran cet automne. Leurs aînés ont récolté 2500 $ et un voyage en France pour participer à des ateliers et à un spectacle en banlieue parisienne. À la suite de leur passage sur la scène de Génération Danses Urbaines, plusieurs autres équipes ont reçu des invitations à se produire dans des événements sportifs ou culturels. Quant aux ateliers Immersion, ils ont eu un tel succès qu’un Workshop Tour a été organisé à travers la province pendant des fins de semaine de juin à octobre. L’expérience a été l’occasion de repérer de nouveaux talents pour l’édition 2009, qui devrait prendre la forme d’un festival de cinq jours. (L. B.) Infos : www.generationdansesurbaines.com LA RELÈVE CHEZ LES GRANDS Depuis son arrivée à la barre des Grands Ballets Canadiens de Montréal, en 2000, Gradimir Pankov rêvait de lancer un concours chorégraphique dans tout le Canada. Il faut dire que l’un de ses chevaux de bataille est de détecter de nouveaux talents et de les encourager en leur donnant une chance de s’épanouir. C’est ainsi qu’il a déjà soutenu l’émergence de chorégraphes étrangers comme Didy Veldman et Stijn Celis, auxquels il continue d’ailleurs de commander des créations. Cette année, le rêve est devenu réalité avec la mise sur pied d’un premier concours qui devait donner la chance à quatre jeunes chorégraphes canadiens, dont au moins un du Québec, de créer une œuvre pour la compagnie. Les exigences : avoir 30 ans ou moins, réaliser en cinq semaines une pièce ne dépassant pas 25 minutes et utiliser tout au plus quatre interprètes. Formés en hip hop comme en ballet, les quatre lauréats sont Shay Kuebler et Tiffany Tregarthen, de Vancouver, Lacey Smith, de London, et JeanSébastien Couture, de Montréal. Leurs œuvres sont au programme de l’Agora de la danse les 25, 26 et 27 septembre 2008, à 20 h. Un grand vent de fraîcheur qui s’annonce ! (F. A.)

Troupe Fokus, gagnant Junior, génération danses urbaines Photo : Charlotte Sampermans

Les Grands Ballets Canadiens de Montréal Photo : Serguei Endinian


infos danse

Livres et DVDs Une sélection de Marie-Josée Lecours, bibliothécaire de la Bibliothèque de la danse de l’École supérieure de ballet contemporain de Montréal CHAUSSONS DE POINTES Christine Jannin Objet de fascination pour le public de la danse, source d’inspiration inépuisable pour les créateurs, instrument de torture pour beaucoup de danseuses, les chaussons de pointes ont fait l’objet de peu d’analyses écrites malgré l’intérêt indéniable et de nature diversifiée qu’ils suscitent. Christine Jannin nous offre ici un ouvrage consacré entièrement à cette thématique. Le livre traite de la pointe sous tous les aspects : d’un point de vue historique, anatomique, terminologique, technique. L’ouvrage est richement illustré et dévoile les petits trucs de danseuses professionnelles. Désiris, 2007 DICTIONNAIRE DE LA DANSE Philippe Le Moal Après une première publication en 1999, Larousse offre une réédition de son Dictionnaire de la danse, un ouvrage de référence indispensable tant pour les professionnels de la danse que pour le grand public. Plus de 4000 entrées réparties en trois sections : Le monde de la danse (chorégraphes, interprètes, compositeurs, institutions…), Les œuvres chorégraphiques et Les mots de la danse. Ce nouveau tirage comporte de nombreuses mises à jour qui en font un outil tout à fait d’actualité. Réédité en noir et blanc, l’ouvrage a l’avantage d’être offert à un prix très abordable. Plus aucune raison de rester dans l’ignorance ! Ce Larousse nouveau répondra sans doute à tous vos questionnements sur le richissime monde de la danse. Larousse, 2008 DANSE ET SANTÉ : DU CORPS INTIME AU CORPS SOCIAL Sylvie Fortin Métier d’engagement, de dévotion et de soumission, où l’objectif de dépassement des limites physiques est constant, la danse est souvent perçue comme étant inconciliable avec la santé. Cette question a fait l’objet de plusieurs années de réflexion chez l’auteure Sylvie Fortin qui nous livre, entourée de nombreux collaborateurs, un ouvrage dense et des plus pertinents. Danse et santé regroupe les textes de chercheurs de plusieurs pays qui ont étudié sous différentes perspectives les problématiques liées au corps et à la santé en danse. L’ouvrage constitue une mine d’informations précieuse, propose des pistes de réflexion et est une source d’inspiration pour une approche plus saine de la danse. Presses de l’Université du Québec, 2008 BYRON CHIEF-MOON : LE CAVALIER AU CHEVAL GRIS Marlene Millar et Philip Szporer, DVD Les cinéastes Millar et Szporer proposent un documentaire fascinant sur le chorégraphe et danseur autochtone Byron Chief-Moon. Alors que les danses amérindiennes sont souvent associées à une vision traditionaliste de la culture amérindienne, Chief-Moon puise son inspiration à même ses racines autochtones et développe un langage gestuel contemporain. Le film pose un regard intimiste sur cet artiste et met en lumière les conflits culturels et personnels qui l’habitent : partagé entre tradition et contemporanéité, entre ruralité et urbanité, entre féminin et masculin, entre autochtone et non-autochtone. Mouvement Perpétuel, 2007 www.mouvementperpetuel.net MOVING TO HIS MUSIC: THE TWO MUSES OF GUILLAUME CÔTÉ Yosif Feyginberg Magnifique danseur formé à l’École nationale de ballet du Canada, Guillaume Côté, natif du Saguenay–Lac-Saint-Jean, est adulé par les balletomanes du monde entier et pourtant méconnu du public québécois. Le documentaire Moving to His Music propose une rencontre avec ce surdoué de la danse, devenu danseur principal du Ballet national du Canada à un très jeune âge, qui conjugue à son talent de danseur celui de musicien. Artec film and video, 2006

réper toire SITES D’INTÉRÊT

FORMATION EN DANSE

Artsvivants.ca Site web éducatif sur la danse www.artsalive.ca

MONTRÉAL LADMMI-l’école de danse contemporaine 372, rue Sainte-Catherine O. 514.866.9814 www.ladmmi.com

Dfdanse Magazine Internet de la danse actuelle à Montréal www.dfdanse.com Chorème Un regard sur les traces de la danse au Québec www.choreme.ca La danse sur les routes du Québec www.ladansesurlesroutes.com Regroupement québécois de la danse Association qui représente et défend les intérêts de plus de 500 professionnels de la danse sur les scènes publique et politique, nationale et internationale www.quebecdanse.org Répertoire de la danse canadienne en tournée Le Répertoire de la danse canadienne en tournée dresse un portrait des compagnies de danse canadiennes et de leurs artistes à l’intention des promoteurs internationaux du secteur de la danse. www.canadacouncil.ca/developpement/ ladanseentournee DIFFUSEURS SPÉCIALISÉS EN DANSE MONTRÉAL Agora de la danse 840, rue Cherrier 514.525.7575 www.agoradanse.com Danse-Cité www.danse-cite.org Festival Trans-Amérique 20 mai au 4 juin 2009 www.fta.qc.ca Saison Danse Danse www.dansedanse.net Studio 303 372, rue Sainte-Catherine O., 3e étage 514.393.3771 www.studio303.ca Tangente 840, rue Cherrier 514.525.5584 www.tangente.qc.ca Transatlantique Montréal Manifestation de danse contemporaine 20 septembre au 4 octobre 2008 www.transatlantiquemontreal.com QUÉBEC La Rotonde 336, rue du Roi 418.649.5013 www.larotonde.qc.ca Le Centre Uriel 1415, boul. Charest O., local 108 418.525.5751 AILLEURS AU QUÉBEC Festival International Danse Encore 5 au 8 juin 2008 Trois-Rivières www.festival-encore.com Festival des arts de Saint-Sauveur 31 juillet au 10 août 2008 www.fass.ca OTTAWA Centre national des arts 53, rue Elgin, Ottawa www.nac-cna.ca

Cégep de Saint-Laurent / Danse 625, avenue Sainte-Croix 514.747.6521 www.cegep-st-laurent.qc.ca Conservatoire de danse de Montréal 215, rue Jean-Talon O. 514.272.7727 www.cdmtl.org École supérieure de ballet contemporain de Montréal 4816, rue Rivard 514.849.4929 www.esbcm.org Université Concordia 7141, rue Sherbrooke O. 514.848.4740 www.dance.concordia.ca Université du Québec à Montréal Pavillon de Danse 840, rue Cherrier E. 514.987.3182 www.danse.uqam.ca LAVAL Collège Montmorency / Danse 475, boulevard de l’Avenir 450.975.6100 www.cmontmorency.qc.ca

LÉVIS École de danse Élédanse 17, rue Notre-Dame 418.838.6031 QUÉBEC École Christiane Bélanger-Danse 1415, boul. Charest O., local 108 418.525.5751 www.christianebelanger-danse.com École de danse de Québec 310, boul. Langelier, bur. 214 418.649.4715 www.ecolededansedequebec.qc.ca JONQUIÈRE École de danse Suzanne Maltais-Gagnon Les ateliers en mouvement 3865, rue du Roi-Georges 418.542.1283 www.sagamie.org/dansesmg Le Prisme Culturel 3765, rue du Roi-Georges 418.695.0453 www.sagamie.org/alma/prisme RIMOUSKI École de danse Quatre-Temps 77, 2e rue O., local B-214 418.724.9899 www.edqt.qc.ca Ce répertoire n’est pas exhaustif et chaque organisme d’intérêt pour la danse peut y inscrire ses coordonnées. Coût de l’inscription 50 $


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Livres et DVDs Une sélection de Marie-Josée Lecours, bibliothécaire de la Bibliothèque de la danse de l’École supérieure de ballet contemporain de Montréal CHAUSSONS DE POINTES Christine Jannin Objet de fascination pour le public de la danse, source d’inspiration inépuisable pour les créateurs, instrument de torture pour beaucoup de danseuses, les chaussons de pointes ont fait l’objet de peu d’analyses écrites malgré l’intérêt indéniable et de nature diversifiée qu’ils suscitent. Christine Jannin nous offre ici un ouvrage consacré entièrement à cette thématique. Le livre traite de la pointe sous tous les aspects : d’un point de vue historique, anatomique, terminologique, technique. L’ouvrage est richement illustré et dévoile les petits trucs de danseuses professionnelles. Désiris, 2007 DICTIONNAIRE DE LA DANSE Philippe Le Moal Après une première publication en 1999, Larousse offre une réédition de son Dictionnaire de la danse, un ouvrage de référence indispensable tant pour les professionnels de la danse que pour le grand public. Plus de 4000 entrées réparties en trois sections : Le monde de la danse (chorégraphes, interprètes, compositeurs, institutions…), Les œuvres chorégraphiques et Les mots de la danse. Ce nouveau tirage comporte de nombreuses mises à jour qui en font un outil tout à fait d’actualité. Réédité en noir et blanc, l’ouvrage a l’avantage d’être offert à un prix très abordable. Plus aucune raison de rester dans l’ignorance ! Ce Larousse nouveau répondra sans doute à tous vos questionnements sur le richissime monde de la danse. Larousse, 2008 DANSE ET SANTÉ : DU CORPS INTIME AU CORPS SOCIAL Sylvie Fortin Métier d’engagement, de dévotion et de soumission, où l’objectif de dépassement des limites physiques est constant, la danse est souvent perçue comme étant inconciliable avec la santé. Cette question a fait l’objet de plusieurs années de réflexion chez l’auteure Sylvie Fortin qui nous livre, entourée de nombreux collaborateurs, un ouvrage dense et des plus pertinents. Danse et santé regroupe les textes de chercheurs de plusieurs pays qui ont étudié sous différentes perspectives les problématiques liées au corps et à la santé en danse. L’ouvrage constitue une mine d’informations précieuse, propose des pistes de réflexion et est une source d’inspiration pour une approche plus saine de la danse. Presses de l’Université du Québec, 2008 BYRON CHIEF-MOON : LE CAVALIER AU CHEVAL GRIS Marlene Millar et Philip Szporer, DVD Les cinéastes Millar et Szporer proposent un documentaire fascinant sur le chorégraphe et danseur autochtone Byron Chief-Moon. Alors que les danses amérindiennes sont souvent associées à une vision traditionaliste de la culture amérindienne, Chief-Moon puise son inspiration à même ses racines autochtones et développe un langage gestuel contemporain. Le film pose un regard intimiste sur cet artiste et met en lumière les conflits culturels et personnels qui l’habitent : partagé entre tradition et contemporanéité, entre ruralité et urbanité, entre féminin et masculin, entre autochtone et non-autochtone. Mouvement Perpétuel, 2007 www.mouvementperpetuel.net MOVING TO HIS MUSIC: THE TWO MUSES OF GUILLAUME CÔTÉ Yosif Feyginberg Magnifique danseur formé à l’École nationale de ballet du Canada, Guillaume Côté, natif du Saguenay–Lac-Saint-Jean, est adulé par les balletomanes du monde entier et pourtant méconnu du public québécois. Le documentaire Moving to His Music propose une rencontre avec ce surdoué de la danse, devenu danseur principal du Ballet national du Canada à un très jeune âge, qui conjugue à son talent de danseur celui de musicien. Artec film and video, 2006

réper toire SITES D’INTÉRÊT

FORMATION EN DANSE

Artsvivants.ca Site web éducatif sur la danse www.artsalive.ca

MONTRÉAL LADMMI-l’école de danse contemporaine 372, rue Sainte-Catherine O. 514.866.9814 www.ladmmi.com

Dfdanse Magazine Internet de la danse actuelle à Montréal www.dfdanse.com Chorème Un regard sur les traces de la danse au Québec www.choreme.ca La danse sur les routes du Québec www.ladansesurlesroutes.com Regroupement québécois de la danse Association qui représente et défend les intérêts de plus de 500 professionnels de la danse sur les scènes publique et politique, nationale et internationale www.quebecdanse.org Répertoire de la danse canadienne en tournée Le Répertoire de la danse canadienne en tournée dresse un portrait des compagnies de danse canadiennes et de leurs artistes à l’intention des promoteurs internationaux du secteur de la danse. www.canadacouncil.ca/developpement/ ladanseentournee DIFFUSEURS SPÉCIALISÉS EN DANSE MONTRÉAL Agora de la danse 840, rue Cherrier 514.525.7575 www.agoradanse.com Danse-Cité www.danse-cite.org Festival Trans-Amérique 20 mai au 4 juin 2009 www.fta.qc.ca Saison Danse Danse www.dansedanse.net Studio 303 372, rue Sainte-Catherine O., 3e étage 514.393.3771 www.studio303.ca Tangente 840, rue Cherrier 514.525.5584 www.tangente.qc.ca Transatlantique Montréal Manifestation de danse contemporaine 20 septembre au 4 octobre 2008 www.transatlantiquemontreal.com QUÉBEC La Rotonde 336, rue du Roi 418.649.5013 www.larotonde.qc.ca Le Centre Uriel 1415, boul. Charest O., local 108 418.525.5751 AILLEURS AU QUÉBEC Festival International Danse Encore 5 au 8 juin 2008 Trois-Rivières www.festival-encore.com Festival des arts de Saint-Sauveur 31 juillet au 10 août 2008 www.fass.ca OTTAWA Centre national des arts 53, rue Elgin, Ottawa www.nac-cna.ca

Cégep de Saint-Laurent / Danse 625, avenue Sainte-Croix 514.747.6521 www.cegep-st-laurent.qc.ca Conservatoire de danse de Montréal 215, rue Jean-Talon O. 514.272.7727 www.cdmtl.org École supérieure de ballet contemporain de Montréal 4816, rue Rivard 514.849.4929 www.esbcm.org Université Concordia 7141, rue Sherbrooke O. 514.848.4740 www.dance.concordia.ca Université du Québec à Montréal Pavillon de Danse 840, rue Cherrier E. 514.987.3182 www.danse.uqam.ca LAVAL Collège Montmorency / Danse 475, boulevard de l’Avenir 450.975.6100 www.cmontmorency.qc.ca

LÉVIS École de danse Élédanse 17, rue Notre-Dame 418.838.6031 QUÉBEC École Christiane Bélanger-Danse 1415, boul. Charest O., local 108 418.525.5751 www.christianebelanger-danse.com École de danse de Québec 310, boul. Langelier, bur. 214 418.649.4715 www.ecolededansedequebec.qc.ca JONQUIÈRE École de danse Suzanne Maltais-Gagnon Les ateliers en mouvement 3865, rue du Roi-Georges 418.542.1283 www.sagamie.org/dansesmg Le Prisme Culturel 3765, rue du Roi-Georges 418.695.0453 www.sagamie.org/alma/prisme RIMOUSKI École de danse Quatre-Temps 77, 2e rue O., local B-214 418.724.9899 www.edqt.qc.ca Ce répertoire n’est pas exhaustif et chaque organisme d’intérêt pour la danse peut y inscrire ses coordonnées. Coût de l’inscription 50 $


Chorème c’est aussi une ressource éducative pour les enseignants, animateurs et éducateurs et une section ludique remplie de jeux pour les jeunes de 8 à 11 ans.

7,95 $

vol. 2, no1

automne 2008 Chorème c’est un site Web qui vous propose de parcourir la collection inédite de la Bibliothèque de la danse de l’École supérieure de ballet contemporain : affiches, programmes de spectacles, extraits vidéo et articles biographiques des artisans de la danse au Québec.

Les jeunes et la danse :

nous on veut danser ! + Génération électro + Dena Davida, dénicheuse de talents + Tchétchénie, danser pour résister

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