Journal du centenaire de 14 18 dans le Pays de Montfort

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NUMÉRO SPÉCI AL CENTENAIRE DE 14 -18

La Grande Guerre a dévoré 1 315 000 Français. Un quart des 18-27 ans. Morts lors de la bataille de Charleroi, dans la boue de la Somme, dans l’enfer de Verdun, dans la cuvette des Éparges, dans les mines du Vauquois, sous la mitraille du Chemin des Dames ou sur une crête des Vosges. Le destin des soldats disparus du pays de Montfort, “nos chers poilus”, a suivi celui des millions d’autres engloutis dans l’enfer de la guerre la plus meurtrière que le monde ait alors connu. Les survivants sont rentrés, mutilés, brisés, murés dans leur silence. Trop de souffrances. Trop de camarades disparus. Cent ans après, que doit-on à tous ces poilus, héros du front, “morts pour la France” ? Nous leur devons un devoir de mémoire. Pour nous souvenir. Les commémorer pour rendre hommage à leur courage, à leur famille, à leurs descendants.

© THOMAS CR ABOT

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ans notre histoire, la guerre de 14-18 occupe une place particulière, elle évoque pour certains d’entre nous des souvenirs de jeunesse; des récits de grands-parents mais elle est aussi l’épreuve la plus dure que notre Pays ait eue à traverser. D’une ampleur mondiale, elle marque l’entrée dans le XXe siècle, la fin d’un monde et le début d’un autre. Comprendre la première guerre mondiale c’est comprendre notre histoire contemporaine. Ainsi si le traité de Versailles porte en lui une partie des explications qui ont conduit à la seconde guerre mondiale, il porte aussi en lui l’instauration de la Société des Nations en proposant une nouvelle espérance collective, un idéal, prévenir les conflits et les résoudre par la négociation et la discussion. À la lecture du présent magazine vous verrez comment un territoire comme celui du Pays de Montfort fut profondément touché par ce conflit.

Pour commémorer cet événement, nous avons décidé de réunir un certain nombre d’acteurs, associations d’anciens combattants, artistes, écrivains, amateurs de l’histoire locale, élus… De nos rencontres, de nos échanges, est née une programmation de manifestations. Labélisées par le comité national du centenaire, ces animations, dont vous trouverez l’agenda en pages centrales, inscrivent le Pays de Montfort dans une démarche nationale. De la photographie au théâtre, du cinéma à la bande dessinée, d’une exposition à un temps fort de recueillement, d’une table ronde à des productions écrites par commune, nous avons voulu que chaque citoyen, jeune ou moins jeune, puisse s’y intéresser. Nos remerciements vont à tous ceux qui se sont investis, qui ont donné du temps pour que soit mis en lumière un pan entier de notre histoire locale. Pour ce faire nous avons voulu disposer d’un support écrit, c’est pour cela que les auteurs du magazine “Agir Ensemble” (magazine de Montfort Communauté) et “Glanes” ( magazine de la Maison du Patrimoine en Brocéliande, ex. Écomusée) ont décidé d’associer leurs compétences pour vous offrir ce numéro spécial. Merci à tous, bonne lecture et, avec Clemenceau, souvenonsnous que grâce aux Poilus et par eux “la France retrouvait sa place dans le monde pour poursuivre sa course magnifique dans l’infini du progrès humain, autrefois soldat de Dieu, aujourd’hui soldat de l’humanité, toujours soldat de l’idéal”.

• Christophe Martins, vice-président de Montfort Communauté, en charge de la communication, • Joseph Le Lez, président de Montfort Communauté, • Xavier Mallet, président de la Maison du Patrimoine en Brocéliande.

Remerciements Aux auteurs et contributeurs de la revue Glanes qui ont accepté de publier des extraits de leur texte dans ce numéro : • Didier Besnard, professeur d’histoire géographie. Auteur de « L’opinion publique et la guerre en 1914 en Ille-et-Vilaine » — 1984 • Jacques Lesueur, militaire à la retraite. Auteur de « Passaga, le Général oublié ». A publié « Châteaux et manoirs à Iffendic » en collaboration avec Philippe Saint-Marc et Jean-Marc Fillon et « Les appelés iffendicois en Algérie, Tunisie et Maroc » en collaboration avec Jean-Claude Legavre • Bertrand Monvoisin, auteur du texte sur Louis Marie Renault. A publié de « Breteil, Son histoire – 2011 » (2 volumes). Auteur de « Soldats breteillais dans la Grande Guerre 1914-1918 » — À paraître en 2014 • Dominique Turgis, auteur de « Bédée pendant la Grande Guerre », d’après le journal (1914 à 1921) de Louis Leroy, Maire de Bédée. A publié dans Glanes deux textes sur le cyclisme dans le pays de Brocéliande avant 1914 : « Constant Collet de Talensac » et « Tour de France 1910 et 1912 ». • René Jet, auteur de « Iffendic, son histoire. Les gens d’ici » (1999) • Estelle Guilmain, de la Maison du Patrimoine en Brocéliande (anciennement Écomusée du Pays de Brocéliande) Et également… • Erwan Le Gall, directeur du cabinet ingénierie mémorielle et culturelle En Envor • Yann Baron, attaché de conservation du patrimoine, Mairie de Montfort-sur-Meu • Les familles du pays de Montfort qui ont accepté de confier à la Maison du Patrimoine les objets, photos, cartes postales de l’époque de la guerre 14-18.

Ce numéro spécial d’Agir Ensemble et Glanes s’inscrit dans le cadre des commémorations du centenaire de la guerre 1914-1918.

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Hôtel Montfort Communauté, 4, place du tribunal CS 30150 • 35162 Montfort-sur-Meu Cedex Tél. : 02 99 09 88 10 • www.cc-montfort.fr


NUMÉRO SPÉCIAL CENTENAIRE DE 14 -18

Le Pays de Montfort pendant la guerre 1914-1918

L’été 1914

Extraits de « L’opinion publique et la guerre en 1914 en Ille-et-Vilaine », par Didier Besnard (1984) et de « Bédée pendant la Grande Guerre »

MONTFORT, SOUS-PRÉFECTURE

UN CENTRE COMMERCIAL ET ARTISANAL Mais Montfort est surtout un centre commercial et artisanal. Du quartier de la gare à la Promenade du Tribunal, le cœur de Montfort est une concentration de boulangers, débitants

de boisson, hôteliers, tisserands, horlogers, chapeliers… Politiquement, Montfort est acquise au Républicanisme avec son maire et conseiller général Émile Beauchef (Républicain de Gauche). Son discours généralement teinté d’anticléricalisme contraste avec le conservatisme des campagnes environnantes.

LE MONDE RURAL DOMINE © GALLICA.BNF.FR - BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE

En 1914, Montfort est sous-préfecture et chef-lieu d’arrondissement. Avec ses 2 300 habitants, Montfort présente les caractéristiques d’une petite ville en milieu rural. Son rôle administratif et judiciaire, son rayonnement scolaire et la présence de la gare favorisent l’épanouissement d’une bourgeoisie locale de magistrats, de notaires,

de médecins et de notables, autour desquels gravitent un grand nombre de domestiques, de jardiniers et autres concierges.

31 mai 1914, voyage présidentiel : Raymond Poincaré arrive à la préfecture de Rennes.

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Au début de l’été 1914, à l’aube de la première guerre mondiale, le Pays de Montfort vit dans l’insouciance des conflits qui se trament déjà aux portes de l’Europe.

En 1914, le Pays de Montfort présente un paysage de bocage, de landes de bruyère et d’ajoncs, bordé de chemins creux. Caractéristique de ce type de paysage, l’habitat y est dispersé, les hameaux et les fermes sont isolés. Les habitants forment une communauté de vie et de travail repliée sur ses propres ressources.

UN CALME ESTIVAL… LOIN DES BRUITS DE LA GUERRE Les témoins s’accordent à reconnaître la tranquillité du début de l’été 1914. Après l’agitation politique des élections législatives d’avril, Montfort reçoit, en mai 1914, la visite du président de la République, Raymond Poincaré, en voyage présidentiel en Ille-et-Vilaine. Les premiers « trains de plaisir » proposent une escapade sur la Côte d’Émeraude. Les notables locaux se >>

3 Agir ensemble • N° 28 • Janvier 2014


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NUMÉRO SPÉCI AL CENTENAIRE DE 14 -18 de Montfort du dimanche 5 juillet. En revanche, les deux autres hebdomadaires du Pays de Montfort – Le Journal de Montfort et Les Nouvelles de Montfort – font silence sur cette actualité internationale. Tous les articles se montrent prudents sur les conséquences de cet incident. Ils se contentent généralement de relater les circonstances du complot, les funérailles de l’archiduc et l’agitation serbe en Europe Centrale. Rarement la presse locale n’a émis l’hypothèse d’une dégradation du conflit en une guerre européenne généralisée, adoptant le plus souvent un style interrogatif sur l’issue du conflit austro-serbe.

LES CAMPAGNES SE PRÉPARENT À LA MOISSON Un dimanche à la mer sur la côte d’émeraude. Au début du siècle, les trains d’excursion, dits « trains de plaisir », sont mis en service l’été à destination de Saint-Malo.

L’opinion publique apprend la nouvelle de l’attentat de Sarajevo par la presse. Ouest Éclair et Le Nouvelliste de Bretagne, les deux principaux quotidiens d’Ille-et-Vilaine, accordent leur une à l’événement pendant toute la première semaine de juillet. Même constat pour l’hebdomadaire du Courrier Bretonde l’arrondissement

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>> retrouvent sur la Promenade du Tribunal ou à l’hippodrome de Bromedou qui propose, en ce dimanche 28 juin, une série de steeple-chases. Pour les plus sportifs, l’actualité bat son plein avec les premières courses automobiles, les premiers meetings aériens et le départ du 12e Tour de France. Son passage au Nord de l’Ille-et-Vilaine est particulièrement remarqué puisque la moitié des coureurs se trompe de chemin et qu’un nouveau départ doit être donné à Pontorson !

À partir du 8 juillet, l’actualité confirme cette insouciance. Elle se caractérise par l’ambiance estivale, le vote par l’Assemblée Nationale, le 12 juillet, de l’impôt sur le revenu, le voyage du Président Raymond Poincaré en Russie et le célèbre procès de Mme Caillaux, coupable du meurtre de Gaston Calmette, patron du Figaro. Le reste de l’actualité est marqué par la fête du 14 juillet, le sport, la situation agricole et les nombreux faits divers et fêtes locales.

SARAJEVO, LE DÉTONATEUR Le 28 juin 1914, l’archiduc héritier de l’empire d’Autriche-Hongrie, François-Ferdinand, est assassiné à Sarajevo. L’attentat de Sarajevo ne fut que l’étincelle. Les ingrédients pour un embrasement généralisé étaient réunis depuis plusieurs années. Le crime relancera le problème très épineux des nationalités en Europe centrale et entraînera, par le jeu des alliances, le début de la première guerre mondiale.

La une de L’Ouest Éclair du 30 juin 1914. À remarquer : l’orthographe Sérajevo qui est courante à l’époque.

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1908

L’Autriche Hongrie annexe de la Bosnie-Herzégovine qu’elle administrait depuis 1878, provoquant une grave crise diplomatique avec la Russie.

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17 janvier 1913

Raymond Poincaré est élu Président de la République française

1912-1913

Guerres balkaniques. Les hostilités éclatent entre l’Empire ottoman et une coalition d’États (Bulgarie, Grèce, Monténégro et Serbie). La Serbie sortira renforcée des conflits. L’Empire ottoman perd ses derniers territoires à l’exception de la Région d’Istanbul.


deMain, La guerre

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Le lundi 27 juillet 1914, le ministre de la Défense prescrit le retour des unités en déplacement et des permissionnaires. Les congés des moissons sont aussitôt suspendus. Les 28 et 29, les gendarmes et gardes champêtres sillonnent la campagne à la recherche des permissionnaires qui n’ont pas encore regagné leur caserne.

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utre les permissionnaires invités à regagner leur caserne, les autorités locales se trouvent mobilisées avant l’heure et doivent souvent faire appel à l’aide et à la compétence d’un secrétaire de mairie ou d’un instituteur pour faire face aux conditions d’exception mises en place par les autorités. Les « trains de plaisir » pour la côte sont supprimés. Le jeudi 30 juillet, la gare de Montfort-sur-Meu passe sous surveillance militaire. Le vendredi 31, l’ensemble de la ligne Paris-Brest est surveillé par les premiers GVC (les Gardes des voies de Communication), désignés par les communes concernées comme Montfort-sur-Meu, Breteil, Montauban, etc.

LE TOCSIN DE LA MOBILISATION « 1er août 1914 à 5 heures et demie du soir. Eury, le brigadier de la gendarmerie de Romillé s’élance à vélo, accompagné de 3 gendarmes, pour avertir les Maires des communes de son ressort. Ils sont porteurs d’ordres secrets et d’affiches de la mobilisation générale et des tableaux de réquisition ». EXTRAIT DU JOURNAL DE LOUIS LEROY, Maire de Bédée

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Le samedi 1er août 1914, la moisson est loin d’être terminée. Pendant ce temps, dans les villes, la tension s’accroît : la veille, à Paris, Jaurès est assassiné. À Rennes, les centres de presse et les banques sont pris d’assaut. Sur la côte, les touristes partent précipitamment. Dans le Pays de Montfort, si la crainte grandit avec l’incertitude, on ne connaît rien de comparable avec les scènes de panique et d’agitation des grandes villes. À seize heures, la mobilisation des armées de terre et de mer est ordonnée par décret du Président de la République. Grâce aux progrès du téléphone et de la TSF (télégraphie sans fil), l’ordre de mobilisation générale se répand rapidement sur tout le territoire. Dans l’après-midi, nos « bataillons de moissonneurs » accélèrent la cadence, lorsque, vers 17 heures, de tous les clochers dominant la campagne >> CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE

1914 : L’Europe s’enflamme 28 juin 1914

L’Archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d’Autriche, est assassiné à Sarajevo par des nationalistes serbes.

2 juillet 1914

Création de l’impôt sur le revenu en France.

17 juillet 1914

L’Affaire Caillaux passionne les Français.

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Maggi, bouiLLon d’esPions

>> gallaise, sonne le tocsin de la mobilisation. Plus qu’un coup de foudre, c’est une chape de plomb qui s’abat sur les populations, suffoquées par l’angoisse et la stupéfaction. La guerre, la défaite de 1870, la perspective d’une séparation déchirante, sont autant d’images qui traversent les esprits et font craindre le pire. Avant 6 heures du soir sonnait le tocsin de la mobilisation générale, dernière étape avant la guerre. À 10 heures du soir, les cyclistes désignés quelques mois à l’avance, munis de pots de colle avaient placé les affiches de la mobilisation et des ordres de réquisition. La mairie resta ouverte toute la nuit. Le 2 août, à 9 heures du matin, les chevaux et juments requis furent mis en route pour Montfort siège de la commission. Soirée du 2 août au bourg : Grande animation. À l’anxiété succéda un moment de joie, chants patriotiques, quelques cris de « Revanche ! ». Les femmes étaient beaucoup plus tristes et inquiètes que les hommes.

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Dès le déclenchement des hostilités, on accuse Maggi et Kub d’utiliser leurs affiches et plaques émaillées publicitaires pour baliser le parcours des troupes allemandes, ou pour indiquer des objectifs importants comme des ponts. Le gouvernement ordonne leur destruction par télégramme. « Le 4 août, le Préfet d’Ille-et-Vilaine, Lucien Saint, fait parvenir au sous-préfet de Montfort un télégramme les priant de faire détruire complètement et d’extrême urgence toute affiche du Bouillon Kub placée le long des voies ferrées, ponts, bifurcations ». Cette mesure intrigue l’opinion. Les panneaux publicitaires de Bouillon Kub contiennent-ils des codes secrets de repérages pour un débarquement des troupes allemandes sur les côtes bretonnes ? Une supposition qui laisse fleurir l’imagination : les touristes allemands des derniers étés n’étaient-ils pas en réalité des officiers chargés de préparer ce débarquement ? Partout les panneaux des Bouillon Kub sont recouverts ou arrachés. Les mêmes scènes se produiront autour des plaques « Maggi » ou des publicités « Byrrh ».

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EXTRAIT DU JOURNAL DE LOUIS LEROY, Maire de Bédée

Au camp de Coëtquidan (Bretagne), détachement français partant au front.

PROPAGANDE ANTIGERMANIQUE

Caricature antigermanique.

Tout le monde espère une guerre courte. Cette perspective facilite le départ des mobilisés qui répondent, résignés, à l’ordre de mobilisation. Pour tous, l’Allemagne est responsable de la guerre et doit payer. « L’Allemagne a voulu la guerre, que le sang versé retombe sur elle ! » titre Le Nouvelliste du 5 août 1914. Dans chaque bourgade rurale, le climat est très propice à toute propagande antigermanique. À Coëtquidan, ce sont les militaires qui portent l’empereur Guillaume II à l’agonie en le personnifiant

par un cochon pour le ridiculiser ; après l’avoir fait défiler dans tout le camp, immobilisé sur une civière, ils l’enterrent sous des acclamations chauvines et revanchardes. Le conditionnement psychologique, la censure et les premières victoires françaises permettront un temps d’alimenter cette confiance. Mais l’âpreté des combats (27 000 morts français rien que le 22 août 1914), le recul des armées françaises, l’arrivée des premiers réfugiés et les premières lettres du front allaient ouvrir la perspective d’une guerre longue et meurtrière dans les premiers jours tristes et mornes de l’automne 1914.

CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE MEDIATHEQUE DU PATRIMOINE, DIST. RMN-GRAND PALAIS

La Russie alliée des Serbes déclare la mobilisation partielle contre l’Autriche puis l’Allemagne.

31 juillet 1914 s

29 juillet 1914

Jean Jaurès, dirigeant socialiste favorable à la paix, est assassiné à Paris par Raoul Villain, nationaliste d’extrême droite.

1er août 1914

L’Allemagne déclare la guerre à la Russie.

2 août 1914 6 Agir ensemble • N° 28 • Janvier 2014

À 16h, la France lance la mobilisation générale.


La vie continue

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« On s’interdit de faire la fête pendant que les maris ou les frères combattent au front. L’éclairage a été supprimé dans le bourg pendant toute la guerre, dans un souci d’économie. D’ailleurs le 14 juin 1916, on adopte l’heure nouvelle: à 11 heures du soir, les horloges ont été mises à minuit. Les aides sociales ont toujours été versées: vieillards nécessiteux, familles nombreuses et retraites. Certains ont placé leur argent dans les “Bons de défense nationale” et les “emprunts de la Victoire”. En 1915, le commerce des chiffons, peaux et os est peu intense. Le verre est très cher ainsi que les habits. À la fin de la guerre, les effets d’habillement (vêtement, chaussures, coiffure) seront toujours aussi chers mais de qualité médiocre. Le sucre est rationné. Chaque habitant a droit à 750 g de sucre par mois, à condition qu’il prenne ses repas chez lui. En mai 1917, les lundis et mardis de chaque semaine, tout le monde doit faire maigre. Vu l’état du bétail, cela n’est sans doute pas une contrainte.»

Le surnom de “poilu” désigne les soldats français dès le début de la guerre de 1914-1918. Le terme désigne un soldat endurant et courageux, dans l’argot militaire […]. L’usage massif du terme en 1914-1918 tient à plusieurs éléments : la difficulté, dès l’hiver 1914, de se raser, et le caractère rudimentaire de la toilette au front ; l’obligation pour tout militaire jusqu’en 1917 de porter la moustache ; la simplicité de la désignation qui permet aux journaux et à l’arrière de mettre en scène la familiarité et la proximité avec les combattants. […]

À Bédée, dès les premiers jours d’août 1914, la commune eut à loger de nombreux chevaux et juments venant des Côtes du Nord (aujourd’hui les Côtesd’Armor), conduits par des cultivateurs de Broons, du canton de Moncontour, de Lamballe et des communes avoisinantes. Le maire précise que de nombreuses personnes « mettent à la disposition de la municipalité leurs écuries, hangars, préaux et abris couverts pour loger très convenablement toutes ces belles bêtes de réquisition qui, elles aussi, allaient contribuer à la défense de la Patrie en guerre… Les hommes qui les accompagnaient trouvèrent à Bédée bonne table, bon gîte et un excellent accueil. » >> © CHARLES LEGENDRE

EXTRAIT DU JOURNAL DE LOUIS LEROY, Maire de Bédée

« PoiLu »

LES CHEVAUX RÉQUISITIONNÉS

« bourrage de crânes »

Désignation irrévérencieuse du discours dominant patriotique. L’expression, apparue dans la langue française à la fin du XIXe siècle, prend un sens nouveau au cours de la Première Guerre mondiale. Elle est dès lors employée par les combattants qui acceptent mal le décalage entre « bourrage de crânes » et réalités de la guerre des tranchées. Se diffusant peu à peu à la sphère civile, le terme apparaît progressivement dans une fraction de la presse s’élevant contre les articles outranciers des journaux au zèle patriotique le plus affirmé (le Canard enchaîné, fondé en 1915, procède à l’élection du « Grand chef de la tribu des bourreurs de crâne » par le biais d’un vote proposé à ses lecteurs le 29 novembre 1916). C’est avant tout la presse qui est accusée de diffuser le « bourrage de crânes », mais d’autres vecteurs d’information sont également critiqués de la sorte par les soldats.

Source : « Lexique des termes employés en 1914-1918 » par le CRID 14-18, http://www.crid1418.org

CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE MEDIATHEQUE DU PATRIMOINE, DIST. RMN-GRAND PALAIS

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3 août 1914

Les Allemands attaquent la frontière française et déclarent la guerre à la France et à la Belgique.

22 août 1914

La bataille de Charleroi fait 27 000 victimes parmi les soldats français.

6-9 septembre 1914 Bataille de la Marne

Octobre 1914

“Course à la mer” (il s’agit de tenter de prendre à revers l’aile de l’armée adverse située le plus au nord, pour réaliser une manœuvre d’encerclement).

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LES PRIVATIONS


NUMÉRO SPÉCI AL CENTENAIRE DE 14 -18 « Les cultivateurs qui menaient ces chevaux étaient logés chez les habitants du bourg. MM Pierre Vilboux de Besnard et Lepetit du Clos Guen prêtèrent leurs abreuvoirs. M. Bougeault Constant, maréchal-ferrant au bourg, prêta “gratuitement et de très bonne grâce” les chaînes d’attaches en fer et les installa luimême, avec son personnel aux préaux des écoles publiques et privées. En juillet 1918, de nouveau des chevaux vont passer par Bédée. Ils viennent toujours des Côtes du Nord mais ils sont menés par des Américains. Ils passent tous les deux jours en direction, ou en revenant, de Châteaubourg. Quelques-uns commencent à apprendre le français. Ils logent chez l’habitant. « Ils sont grands, alertes et jeunes ».

L’ÉCOLE CONTINUE MALGRÉ L’ABSENTÉISME

Les femmes n’iront pas directement, mais la guerre, elles la feront à leur façon. En l’absence des hommes mobilisés dans la force de l’âge, ce sont elles qui assureront les travaux des champs, elles aussi qui remplaceront les hommes dans les usines d’armement, elles qui guideront les trains ou se transformeront en maîtresses d’école, en facteurs des postes. Aux côtés des infirmières de la Croix-Rouge, beaucoup de bonnes volontés ont offert leurs services. Les femmes des milieux bourgeois s’engagent dans le bénévolat : elles assistent les blessés dans les hôpitaux, aident à l’envoi de colis, deviennent marraines de guerre. DR

EXTRAIT DU JOURNAL DE LOUIS LEROY, Maire de Bédée

LES FRANÇAISES À L’ARRIÈRE DU FRONT

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L’école de Saint-Gonlay.

L’entraide traditionnelle au moment de la moisson et du battage est encore plus forte pendant la durée du conflit. En raison du manque de main-d’œuvre, l’absentéisme à l’école se répand. Les enfants restent aider leur mère. Dès 11 ans, les enfants sont sollicités pour toutes les tâches : la garde du bétail, la conduite des chevaux, le battage, l’arrachage et la rentrée des pommes de terre et même la garde des enfants en bas âge. Comme les autres hommes, les instituteurs sont touchés par la mobilisation. Beaucoup de maîtres manquent mais le système éducatif continue avec ses examens et ses distributions de prix. Ici encore, les femmes prennent le relais. Aux leçons normales s’ajoutent des cours de géographie sur les régions du front, des exposés patriotiques, des sujets de rédaction inspirés par la guerre. Les élèves sont sollicités pour participer aux quêtes et aux innombrables « journées » : du drapeau belge, des orphelins, des éprouvés de guerre, des poilus… Illustration du “Petit Journal” du 26 novembre 1916. CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE

1915 : l’année des “grignotages” Mai 1915

Le 10e Corps d’armée de Rennes attaque dans le secteur d’Arras.

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18 juillet 1915

Les premières permissions de 6 jours sont accordées aux soldats français,

En 1915, Joffre déclare « grignoter » les positions allemandes par une série d’attaques localisées. LE GÉNÉRAL JOFFRE (DR).

25 septembre 1915 Grande offensive en Champagne


NUMÉRO SPÉCIAL CENTENAIRE DE 14 -18 officiels alimentent cette trêve politique qui permet d’unir toutes les forces contre l’ennemi commun : l’Allemagne. Il s’agit de diffuser l’idéal républicain mais aussi la nécessité de le défendre lorsqu’il est attaqué par des « Barbares ». Les populations sont loin d’être enthousiastes mais l’idée de défendre la patrie est plus forte : tous les peuples se sentent agressés. On veut défendre l’indépendance et l’intégrité de la Nation. La propagande prépare les esprits à la guerre.

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LES PRISONNIERS DE GUERRE, DES RECRUES BON MARCHÉ L’église de La Nouaye.

L’UNION SACRÉE

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L’Église et l’École, par l’intermédiaire des enfants mais aussi par une action directe auprès des adultes, encadrent totalement

la société. Elles constituent un relais efficace pour l’effort de guerre du pays. Au début du conflit, aucun signe de révolte n’a lieu et l’unanimité autour de l’élan national a été reconnue et exaltée sous le terme d’« Union Sacrée ». La presse et les discours

À partir d’octobre 1914 et jusqu’en 1920, l’abbaye Saint-Jacques de Montfort devient un camp de prisonniers de guerre. Jusqu’à 2 000 prisonniers Allemands et Autrichiens sont détenus sous la surveillance de soldats territoriaux. En raison de la pénurie de main-d’œuvre, les prisonniers de guerre ont été demandés dans tout le département d’Ille-et-Vilaine, au-delà de l’arrondissement de Montfort. «Les prisonniers venaient de l’Abbaye de Montfort-sur-Meu (on en comptait 2 000). “Ils dormaient sur la paille dans le grenier de Monsieur Jean Lefeuvre à la Prioulais où ils prenaient tous les matins le petit-déjeuner et le café et se rendaient sous bonne escorte dans les fermes désignées. Ils ne créèrent aucun incident et travaillèrent de façon convenable. Le dimanche était consacré au repos et au nettoyage du cantonnement. Ils mangèrent sous une remise du village de la Prioulais ainsi que les sentinelles. C’étaient des gaillards jeunes et solides. L’un d’eux connaissait très bien le français et servait d’interprète.” Du 2 août au 10 septembre 1915, Bédée a accueilli des prisonniers de guerre allemands. La journée coûte aux fermiers 1,25 F par soldat. » EXTRAIT DU JOURNAL DE LOUIS LEROY, Maire de Bédée

Prisonniers de guerre allemands à Montfort. CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE

1916 : l’année des grandes batailles Du 21 février au 11 décembre 1916 À Verdun, l’armée française remporte une victoire décisive sur l’armée allemande après 300 jours et 300 nuits de combats acharnés. 300 000 soldats alliés et allemands meurent dans la bataille.

27 avril 1916

Un diplôme de « Mort pour la France » est créé en avril 1916 en témoignage de reconnaissance de la Nation aux familles des combattants tués pendant la guerre.

1er juillet au 18 novembre 1916 Bataille de la Somme : 1 200 000 soldats tués, blessés ou disparus sur le champ de bataille.

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LES HABITANTS ACCUEILLENT DES RÉFUGIÉS En octobre 1914, les premiers réfugiés Belges débarquent à Montfort-sur-Meu par trains entiers. 800 Belges, chassés par l’ennemi des environs de Charleroi, arrivent en gare de Montfort-sur-Meu. Ils sont accueillis dans presque toutes les communes de l’arrondissement. « Les habitants leur ont apporté spontanément des légumes (carottes, choux, oignons et pommes de terre), certains cultivateurs leur ont apporté des fagots, de la literie. Les réfugiés, mineurs ou ouvriers, vont quitter assez rapidement la région. Ils repartent vers le midi, Paris ou le Centre ». EXTRAIT DU JOURNAL DE LOUIS LEROY, Maire de Bédée

LE MONDE RURAL S’ENTRAIDE Famille de réfugiés belges accueillie à à Montfort-sur-Meu.

EXTRAIT DU JOURNAL DE LOUIS LEROY, Maire de Bédée © CHARLES LEGENDRE

Dans les campagnes, pendant l’été 1914, les deux préoccupations du moment sont l’évolution du temps et la perspective des moissons. Le beau temps

qui dure depuis le 9 ou 10 juillet 1914 permet aux blés d’être mûrs et secs pour le 20. Dès lors, ici et là, les faux coupent les premières gerbes, les javelles se dressent dans les champs et, jusqu’à la mobilisation, on travaillera au maximum des possibilités sans se préoccuper de la crise européenne, qu’on ignore d’ailleurs souvent. Le taux de lecture de la presse, seul moyen d’information, est encore très faible dans les campagnes. Si on achète un journal, ce sera un hebdomadaire, le dimanche après la messe. «Grâce aux prisonniers de guerre, mais aussi à des permissionnaires et à l’entraide des cultivateurs locaux, le battage des céréales par machines à vapeur ou mues par des chevaux s’accomplit assez bien. La récolte de 1915 est assez abondante mais inférieure à celle de 1914 qui avait été exceptionnelle. En avril 1916 : les soldats mobilisés de Bédée, classe 1917, ont eu une permission : 15 jours s’ils étaient agriculteurs, sinon 8 jours seulement. Ils ont travaillé chez eux mais aussi en entraide. Il a plu à la Saint Médard, le 8 juin 1916 ».

Les moissons à la ferme du château du Pin d’Iffendic. CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE

1917 : Le fléchissement Février 1917

Début de la révolution russe. Après le retrait des troupes russes, un cessez-le-feu est signé entre la Russie et l’Allemagne le 26 novembre 1917.

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2 avril 1917

Entrée en guerre des États-Unis aux côtés des Alliés.

16 avril 1917

Offensive du Chemin des Dames à Craonne (Aisne). L’offensive se solde par un échec, le 4 mai 1917. 200 000 poilus y périrent. Les révoltes et les mutineries se multiplient dans le camp français. Les tribunaux militaires prononcent 3 427 condamnations dont 554 à mort ; 49 « mutins » seront exécutés.


COLLECTION DE LA FAMILLE RENAULT-BRETEIL

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Louis-Marie Renault, de Breteil, a 21 ans lorsqu’il incorpore le 124e régiment d’infanterie en décembre 1914. Huit mois plus tard, Il rejoint le 54e RI en octobre 1915 et participe à la bataille de Verdun en juin 1916. Le 21 juin 1916, grièvement blessé à la jambe par un éclat d’obus, il est évacué vers l’hôpital temporaire de Vanves. Amputé de la cuisse gauche, le jeune soldat est décoré de la Croix de guerre : « Bon soldat qui a toujours servi à l’entière satisfaction de ses chefs. Très grièvement blessé, le 21 juin 1916, au cours d’une attaque. Amputé de la cuisse gauche » (ADIV, 1R 2175). Au retour de la guerre, il reprendra l’affaire familiale (trois générations de boucher à Breteil) avant de la céder à son fils Louis en 1949. Ce dernier sera maire de Breteil de 1963 à 1983. Nommé au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur en 1957, Louis Marie Renault décède le 27 janvier 1966 à Breteil.

La bataille est extrêmement dure et tourne au très net avantage des Allemands, plus nombreux et surtout mieux organisés et sachant mieux utiliser le terrain. Héroïques, les charges à la baïonnette des « pantalons rouges » n’en sont pas moins complètement inefficaces face aux nids de mitrailleuses allemandes. Pourtant, un soldat breton paraît se distinguer particulièrement de par sa redoutable efficacité lors de cette bataille. Son nom ? Pierre Lefeuvre. Il porte sur sa capote le cor de chasse brodé en or, insigne distinctif des meilleurs tireurs. Et c’est ainsi qu’il se retrouve à couvrir la retraite française entre Tamines et Falisolle, seul, armé de son Lebel et de plusieurs dizaines de cartouches. Comme dans une redite des combats de Bazeilles, en 1870, le jeune breton, défend seul, le passage de la Sambre, la rivière qui serpente dans cette région que l’on appelle le Borinage. >>

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Louis-Marie Renault convalescent après son amputation en 1916.

LES FAMILLES ENDEUILLÉES Pierre Lefeuvre, de Bédée, est l’un des premiers soldats du pays de Montfort à périr sur le front, en août 1914. À Bédée, beaucoup de soldats ne survivront pas à la guerre 19141918. Leurs visages, jeunes pour la plupart, figurent sur le panthéon photographique édifié à leur mémoire dans l’église de Bédée.

La croix de guerre

Croix de guerre avec une étoile de bronze ayant appartenu à Joseph Lemou de SaintGonlay. (Collection de la famille Lemou). DR

LE RETOUR DES PREMIERS RESCAPÉS DU FRONT

Pierre Lefeuvre, l’un des premiers soldats du pays de Montfort à périr sur le front.

Fils d’agriculteurs, Pierre Marie Joseph Lefeuvre a 23 ans lorsqu’il est mobilisé en août 1914 au 70e régiment d’infanterie de Vitré. C’est avec cette unité qu’il reçoit le baptême du feu lors de la bataille de Charleroi. C’est en effet en Belgique que les troupes de la Ve armée du général Lanrezac, dont dépend le 70e RI, entrent en contact avec l’ennemi.

© THOMAS CRABOT

PIERRE LEFEUVRE, HÉROS DE TAMINES

18 juillet 1918

2e bataille de la Marne. Les Allemands se replient au Nord de la Marne.

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1918 : Armistice

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1919 19 juin 1919

Signature du Traité de Versailles.

11 novembre 1918

L’Armistice est signé entre l’Allemagne et les forces alliés.

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téMoignages…

>> Le combat dure plusieurs heures jusqu’à ce que, à cours de munitions, il soit retrouvé mortellement blessé par les balles allemandes. On relève autour de lui plus de 250 douilles vides et on lui attribue la mort de 58 Allemands. Gageons qu’aujourd’hui la plupart des habitants du Pays de Montfort ne savent pas qui est Pierre Lefeuvre. Une rue porte pourtant son nom à Bédée, qui est le village où ce cultivateur voit le jour, ainsi qu’à Rennes. À Vitré, ville de garnison du 70e régiment d’infanterie, c’est une allée qui rappelle son souvenir. Mais pour beaucoup de Belges, Pierre Lefeuvre symbolise la combativité des Bretons du 10e corps d’armée de Rennes lors de la bataille de Charleroi et, d’une certaine manière, la résistance aux atrocités allemandes commises pendant l’été 1914. C’est ainsi qu’une rue porte son nom à Falisolle, précisément sur les lieux de son décès, et qu’un monument est érigé en son honneur à Tamines, au début des années 1920. Reconstruit en août 1974 à quelques mètres de l’emplacement initial, il porte l’inscription suivante : «C’est ici que le soldat Pierre Lefeuvre, du 70e régiment d’infanterie, s’est héroïquement sacrifié. Hommage de reconnaissance et d’admiration aux glorieux soldats français tombés en août 1914 ». À Bédée, un monument « Pierre Lefeuvre » a été inauguré le 11 novembre 1954. La majorité des 6 000 victimes bretonnes de la bataille de Charleroi, sont inhumées au cimetière breton de Auvelais, Nécropole Nationale Française.

Extrait de « Iffendic, son histoire, les gens d’ici » de René Jet.

Mercredi 8 juin 1915

Tranchée à Souain, dans la Marne : soldats avec un crapouillot.

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Soldats français prêts au combat dans une tranchée en Woëvre.

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11 novembre 1918 « Le retour des hommes du front ne fut pas toujours aussi joyeux qu’on le pense. Ils avaient beaucoup changé. Certains avaient le caractère aigri, d’autres avaient pris goût à l’alcool… Et puis il y avait des estropiés, des gazés, des malades… Là dessus vint se greffer la terrible grippe espagnole qui fit tant de morts en 1918-1919. Peu à peu la vie reprit ses droits, mais plus rien ne fut comme avant. » « Mon oncle pierre venait tout juste de se marier. Il coupait du blé à la faucille quand il entendit le tocsin. De rage, il lança son outil dans la haie ! Saleté de guerre qui le séparait de sa femme et de sa ferme ! Il fut tué au front, peu de temps après. » Claire, née en 1905

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« Chers Sœur et Beau-Frère, Il y a quelques jours, nous étions en tranchée de première ligne. Je me demandais bien s’ils ne nous auraient pas tous tués car jamais on n’avait encore vu ça ! Un bombardement terrible ; il n’y avait pas d’endroits où les obus ne tombaient pas. Je croyais voir ma tête « me sauter de dessus mes épaules ». Nous n’en menions pas large. Nous n’avions pas d’abri convenable : rien que des trous, que nous avons faits dans la tranchée mais à chaque moment, il y en avait qui étouffaient (l’) là-dedans, car quand (d) l’obus tombe sur le haut de la tranchée, la terre recouvre les gars qui sont morts étouffés quand on les retire […] Je vais vous dire que je ne vois pas encore la guerre finie et tant que ça va plus, tant qu’elle est plus terrible. Ils nous avaient dit tout l’hiver que les Allemands n’avaient plus de vivres, ni de munitions, ni de soldats. On voit bien que s’ils nous disent ça, c’est pour qu’on ne se décourage pas trop […] ». Joseph


Passaga, le général oublié

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Dans le carré militaire du cimetière de Montfort repose un illustre officier de la première Guerre mondiale : le général Passaga. Angevin d’origine, le général s’est illustré par de brillantes actions militaires notamment à Verdun. Ses états de service lui valurent des décorations militaires prestigieuses : la Grand-croix de la Légion d’Honneur et la médaille militaire. Sa fille Anne deviendra maire de Monfort de 1955 à 1961. Né le 3 octobre 1863 à Angers, Fénelon, François, Germain Passaga entre à Saint-Cyr en 1883. Il fait une partie de sa carrière dans l’armée coloniale, en Cochinchine, au Cambodge, au Sénégal, au Dahomey. Le 23 mars 1914, à la veille de la Grande Guerre, il prend le commandement du 41e Régiment d’Infanterie stationné à la caserne Saint-Georges à Rennes. Le 5 août 1914, son régiment traverse les Ardennes et franchit la frontière belge le 7 août. Passaga ne quittera plus le front jusqu’en 1918. À la tête du 41e régiment d’infanterie, le colonel Passaga participe aux batailles de Charleroi (22 août 1919) et Guise (29 août 1914). Le 6 septembre 1914, il quitte cette unité pour prendre le commandement de la 38e brigade et est nommé général en février 1916. En 1918, il gagne des batailles décisives à Verdun avec « la Gauloise » surnom donné à la 133e Division d’Infanterie. Après la guerre il commandera le 10e Corps d’Armée à Rennes jusqu’à sa retraite en 1925. Sa fille, Anne, épousera Paul Diéras notaire à Montfort-sur-Meu et deviendra maire de la ville de mai 1955 à mai 1961. À la fin de sa vie, Le général Passaga s’installe chez sa fille et son gendre. Toute sa vie, le général Passaga demeure attaché au souvenir du 41e régiment d’infanterie et préside d’ailleurs régulièrement les réunions de l’amicale des anciens de l’unité. C’est d’ailleurs à ce titre que devenu chef du 10e corps d’armée, il marque de sa présence les cérémonies du 10e anniversaire de la bataille de Charleroi, en 1924. Il décède à Rennes à l’âge de 76 ans en septembre 1939.

Écrivain, le général Passaga a publié • Réalité (1909) • Verdun dans la tourmente, le calvaire de Verdun (1920) • Le combat, ce que nous a appris la guerre (1925) • Le calvaire de Verdun, les Américains autour de Verdun (1927).

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votre commune 100 ans NUMÉRO SPÉCI AL CENTENAIRE DE 14 -18

© THOMAS CRABOT

© COLLECTIONS MUSÉE DE FRANCE – COMMUNE DE MONTFORT

Toutes les cartes postales reproduites ici ne datent pas exactement de 1914. Certaines ont été publiées dans le premier quart du XXe siècle.

BÉDÉE

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© COLLECTIONS MUSÉE DE FRANCE – COMMUNE DE MONTFORT

Rue de Saint-Brieuc, ancienne route de Montauban. Vue sur l’église Saint-Pierre et Saint-Louis.

BRETEIL

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Rue de Montfort.

IFFENDIC Route de Bédée.

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après… © THOMAS CRABOT

© COLLECTIONS MUSÉE DE FRANCE – COMMUNE DE MONTFORT

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PLEUMELEUC

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© COLL MAISON DU PATRIMOINE

L’église vue de la rue de Rennes.

SAINT-GONLAY

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© COLLECTIONS MUSÉE DE FRANCE – COMMUNE DE MONTFORT

Sortie du bourg, rue Louise Grignard de Champsavoie.

TALENSAC Place de l’église, entrée par la rue de Bréal.

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MONTFORT-SUR-MEU © COLLECTIONS MUSÉE DE FRANCE – COMMUNE DE MONTFORT

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Rue de Gaël.

LA NOUAYE L’église paroissiale Saint-Hubert.

• Directeur de la publication : Joseph Le Lez • Rédacteur en chef : Christophe Martins • Conception éditoriale et rédaction : Mediaverbe - 06 15 94 49 82 • Maquette : La Manivelle - 02 23 30 23 78 • Diffusion : C-Pres • Impression : Imprimerie des Hauts de Vilaine • Photo de couverture : © Thomas Crabot • ISSN : 1764-2604 • Tirage : 10 500 exemplaires • Imprimé sur un papier labellisé PEFC certifié gestion durable des forêts.

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En couverture : • Photo d’un soldat de la guerre 1914-1918 (Collection de Michel Muret). • Gourde de soldat (prêt de M. Valbert). • « Rosalie », épée baïonnette à triple arête adaptée aux fusils Lebel des soldats français (Prêt de Michel Muret). • Casque Adrian de l’infanterie française. À l’origine bleu foncé, ce casque métallique a été fourni aux soldats à partir de février 1915. (Prêt de Raymond Lecrocq). • Balle de fusil Lebel (prêt de M. Valbert). • Drapeau français ayant appartenu à un combattant de la guerre 14-18 et offert par ce dernier à Mme Maurel, résistante pendant la guerre 39-45 (Prêt de Elen Salaün). • Croix de guerre et médaille du combattant ayant appartenu à Joseph Lemou (prêt de la famille Lemou).

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AGIR

Comment retrouver un parent soldat de 14-18 ?

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© COLLECTIONS MUSÉE DE FRANCE – COMMUNE DE MONTFORT

votre commune 100 ans après…

Votre aïeul est mort à la guerre et vous souhaitez connaître les circonstances de son décès et son lieu de sépulture. Le ministère de la Défense a mis en ligne il y a quelques années un site des morts pour la France. Toutes les fiches individuelles des soldats disparus pendant la guerre ont été mises en ligne. Pour les consulter, il vous suffit de connaître le nom, le prénom de votre parent et/ou son département de naissance. Chaque fiche répertorie le lieu et la date de naissance, la classe, le numéro de matricule au recrutement, la date et le lieu du décès, le nom de la commune où l'acte de décès a été transcrit. Vous pouvez également retrouver son lieu de sépulture. www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr

Souscription La Maison du Patrimoine en Brocéliande lance une souscription au prix de 20 € pour le catalogue de l’exposition “14-18 la Grande Guerre du côté de chez nous“. Cet ouvrage prévu pour décembre 2014, rassemblera les textes de l’exposition ainsi que de nombreux documents inédits issus d’archives publiques et privées locales. Bulletin de souscription disponible sur www.maisondupatrimoine-enbroceliande.com ou à l’accueil, Tour du Papegault, 2 rue du Château à Montfort (02 99 09 31 81).


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