Le français dans le monde - Numéro 369

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REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS

lefrançais le monde

dans

N° 368 MARS-AVRIL 2010

// MÉTIER //

En Iran, le français fait de la haute montagne

Le Brésil et les plaisirs de l’échange scolaire

// DOSSIER //

Les îles de l’outre-mer dépendantes, ouvertes, métissées // ÉPOQUE //

// MÉMO //

Joann Sfar, quand un auteur de BD passe derrière la caméra pour raconter Gainsbourg

Toute l'actualité des sorties livres, CD, DVD


Difusión et Éditions Maison des Langues lancent la "multimédiaction", le multimédia en action avec

VERSION ORIGINALE Comment ne pas perdre l’interaction entre les apprenants tout en profitant des avancées technologiques ? 4 propositions à votre disposition : Déjà paru

Le manuel numérique : Le Livre de l’élève, projetable sur TBI ou vidéoprojecteur, avec un éventail de ressources complémentaires (images, vidéos, sons, activités interactives). Les fiches pédagogiques numériques : Des indications techniques et pédagogiques d’utilisation des manuels numériques et de leurs multiples ressources complémentaires.

Avril 2010

Les activités 2.0 : Ressource unique dans le monde du FLE pour une interaction entre les apprenants. Ouverture de la classe sur le monde, pour constituer une véritable communauté francophone. Les activités on line : Des activités complémentaires divertissantes et interactives pour renforcer les compétences des apprenants.

Version Originale, l’actionnel pour tous Décembre 2010

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Avril 2011

Difusión : C/ Trafalgar, 10, entlo. 1ª 08010 Barcelone. Espagne Tél.: (0034) 932 680 300 Éditions Maison des Langues : 22, rue de Savoie 75006 Paris. France Tél.: (0033) 0146338559


Sommaire GRAPHE 4. Bonheur ÉPOQUE 6. Portrait

Métier

Nouvelle

La notion de progression

Joann Sfar, conteur né, de la BD au ciné

8. Regard « La culture est devenue un enjeu politique »

24

10.Tendance Face à Facebook

11.Sport Mormeck, droit dans ses gants

12.Économie Mécénat : les entreprises soignent leur image

14. Librairies francophones Antoine, le rendez-vous des francophones libanais

« Voyage à Montfaucon »

40

Dossier

Les îles de l’outre-mer ouvertes, dépendantes, métissées

POÉSIE 16. Anthony Phelps, Mon pays que voici

Histoire Les confettis d’un empire colonial ...46 Économie Guadeloupe : dépendance ou assistanat ? ................................................48 Société La Réunion, île métissée .................50 Langue Enseigner le français aux créolophones .......................................52 Culture « La littérature créole a pour horizon la liberté » .....................................54

MÉTIER 18.L’actu 20.Focus Pour des stratégies d’apprentissage différenciées

22.Mot à mot

44

Dites-moi Professeur…

24.Clés La notion de progression

36.Enquête De l’usage du français dans l’Union européenne

26.Zoom Le bombyx et les papillons

BD 56. Jimmy Beaulieu, « Dire qu’hier encore, on avait froid »

38.Expérience

NOUVELLE 40. Bernard Werber, « Vacances à Montfaucon »

MÉMO 58.À voir 60.À écouter 62.À lire

Un rêve de France, de Rio à Millau

DOSSIER 44. Les îles de l’outre-mer ouvertes,

TESTS ET JEUX 66.Le message secret, etc.

32.Savoir-faire

dépendantes, métissées

Les enfants de Cork ont droit à leur passeport

28.Innovation Microblogue

30.Reportage

Le français de la haute montagne à Téhéran

Le français dans le monde sur Internet : http://www.fdlm.org

34.Ressources Le français dans le monde, revue de la Fédération internationale des professeurs de français, éditée par CLE International – 9 bis, rue Abel Hovelacque – 75 013 Paris – Tél. : 33 (0) 1 72 36 30 67 – Fax. 33 (0) 1 45 87 43 18 – Service abonnements : 33 (0) 1 40 94 22 22 – Fax. 33 (0) 1 40 94 22 32 – Directeur de la publication Jean-Pierre Cuq (FIPF) Directeur de la rédaction Jacques Pécheur (Ministère de l’Éducation nationale – FIPF) Rédactrice en chef Alice Tillier (Ministère de l’Éducation nationale – FIPF) Secrétaire général de la rédaction Sébastien Langevin Relecture/correction Anne Poncelin de Raucourt Relations commerciales Sophie Ferrand Conception graphique Miz’enpage – Commission paritaire : 0412T81661. Comité de rédaction Dominique Abry, Michèle Grandmangin, Isabelle Gruca, Valérie Drake, Pascale Fabre, Chantal Parpette, Jacques Pécheur, Florence Pellegrini, Nathalie Spanghero-Gaillard, Alice Tillier Conseil d’orientation Jean-Pierre Cuq (FIPF), Pascale Fabre (Alliance française), Raymond Gevaert (FIPF), Michèle Jacobs-Hermès (TV5), Tristan Lecoq (CIEP), Xavier North (DGLFLF), Soungalo Ouedraogo (OIF), Florentine Petit (MEN), Jean-Paul Rebaud (MAEE), Madeleine Rolle-Boumlic (FIPF), Vicky Sommet (RFI), Jean-Luc Wollensack (CLE International).

Le français dans le monde // n°368 // mars - avril 2010

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le français dans le monde

Votre nouvelle revue L’écrit avec Internet

Sommaire

Métiers

ÉPOQUE 6. Portrait Joann Sfar, conteur né, de la BD au ciné

8. Regard « La culture est devenue un enjeu politique »

24

10.Tendance Face à Facebook

11.Sport Mormeck, droit dans ses gants

E

n mai 2010, Le français dans le monde va entrer dans sa cinquantième année. Et une nouvelle fois, « ce baromètre des tendances et des changements » évolue. Avec toujours la même préoccupation, « constituer le lien entre tous ceux qui enseignent le français dans le monde et dont beaucoup – dans leur activité professionnelle – se sentent isolés. » En 1994, pressentant alors tout le potentiel de la technologie liée à Internet, la revue crée son premier site. Une autre manière de décliner ce lien. En phase avec son époque Le français dans le monde se prépare à devenir un média global. Parce qu’aujourd’hui le lecteur n’est plus seulement lecteur mais désormais lecteurinternaute. Un lecteur qui a pris l’habitude de se faire entendre, de faire savoir. Lecteur et internaute, il raconte, témoigne, prend position, dialogue, partage… Espace privilégié de la rencontre et de l’échange de la communauté des enseignants de français, Le français dans le monde, désormais magazine et site, se veut pleinement partie prenante d’une révolution médiatique dans laquelle il entend illustrer les valeurs de diversité et de solidarité qui sont au cœur de son projet. Jacques Pécheur

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Un nouveau rythme Le sommaire subit une réorganisation en profondeur autour de ce qui fait sa raison d’être, son titre, « le français dans le monde », donc la langue, sa diffusion, son illustration ; et sa qualité : revue professionnelle des professeurs de français, donc le métier de ceux qui l’enseignent. D’où une organisation des contenus en cinq séquences autour de ces deux massifs, la langue et le métier.

Nouvelle

La notion de progression

4. GRAPHE

12.Économie Mécénat : les entreprises soignent leur image

14. Librairies francophones Antoine, le rendez-vous des francophones libanais

« Voyage à Montfaucon »

40

Dossier

Les îles de l’outre-mer ouvertes, dépendantes, métissées

16. POÉSIE Anthony Phelps, Mon pays que voici Histoire Les confettis d’un empire colonial ...46 Économie Guadeloupe : dépendance ou assistanat ? ................................................48 Société La Réunion, île métissée .................50 Langue Enseigner le français aux créolophones .......................................52 Culture « La littérature créole a pour horizon la liberté » .....................................54

MÉTIERS 18.L’actu 20.Focus Pour des stratégies d’apprentissage différenciées

22.Mot à mot Dites-moi Professeur…

44

24.Clés La notion de progression

26.Zoom

36.Enquête

56.BD

Le bombyx et les papillons

De l’usage du français dans l’Union européenne

Jimmy Beaulieu, « Dire qu’hier encore, on avait froid »

28.Innovation

38.Expérience

Microblogue

Les enfants de Cork ont droit à leur passeport

30.Reportage

40.NOUVELLE

Un rêve de France, de Rio à Millau

32.Savoir-faire Le français de la haute montagne à Téhéran

34.Ressources

Bernard Werber, « Vacances à Montfaucon »

MÉMO 58.À voir 60.À écouter 62.À lire

44.DOSSIER

66.TESTS ET JEUX

Le français dans le monde sur Internet : http://www.fdlm.org

Le français dans le monde, revue de la Fédération internationale des professeurs de français, éditée par CLE International – 9 bis, rue Abel Hovelacque – 75 013 Paris – Tél. : 33 (0) 1 72 36 30 67 – Fax. 33 (0) 1 45 87 43 18 – Service abonnements : 33 (0) 1 40 94 22 22 – Fax. 33 (0) 1 40 94 22 32 – Directeur de la publication Jean-Pierre Cuq (FIPF) Directeur de la rédaction Jacques Pécheur (Ministère de l’Éducation nationale – FIPF) Rédactrice en chef Alice Tillier (Ministère de l’Éducation nationale – FIPF) Secrétaire général de la rédaction Sébastien Langevin Relecture/correction Anne Poncelin de Raucourt Relations commerciales Sophie Ferrand Conception graphique Miz’enpage – Commission paritaire : 0412T81661. Comité de rédaction Dominique Abry, Michèle Grandmangin, Isabelle Gruca, Valérie Drake, Pascale Fabre, Chantal Parpette, Jacques Pécheur, Florence Pellegrini, Nathalie Spanghero-Gaillard, Alice Tillier Conseil d’orientation Jean-Pierre Cuq (FIPF), Pascale Fabre (Alliance française), Raymond Gevaert (FIPF), Michèle Jacobs-Hermès (TV5), Tristan Lecoq (CIEP), Xavier North (DGLFLF), Soungalo Ouedraogo (OIF), Florentine Petit (MEN), Jean-Paul Rebaud Madeleine Rolle-Boumlic (FIPF), Vicky Sommet (RFI), Jean-Luc Wollensack (CLE International).

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Le français dans le monde // n°368 // mars - avril 2010

L

Une lecture à plusieurs niveaux Faciliter la lecture, faciliter l’accès aux textes et articles, le nouveau Français dans le monde organise un nouveau type de lisibilité : principe d’un article par double page, rapport texte – image délibérément magazine, circulation facilitée à l’intérieur de pages beaucoup plus aérées, multiplication des aides à la lecture (accroches, phrases de relance, encadrés, lexique). À chaque page la recherche d’un réel confort de lecture.

l

dépendance ou assistan

lexique On parle aujourd’hui de France métropolitaine par opposition à la France d’outre-mer (« d’au-delà des mers »). Le terme de métropole est hérité de la colonisation : une F ance « mère » de ses c

Antilles sont la partie insulaire des Caraïbes.

La fiche pédagogique à télécharger sur : www.fdlm.org

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REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS

lefrançais le monde

dans

N° 368 MARS-AVRIL 2010

Une couverture transformée Nouveau format, nouveau logo, nouvelle organisation visuelle. Un format plus large offrant la possibilité d’une maquette plus aérée. Un nouveau logo blanc sur fond rouge qui donne délibérément à la revue une identité de magazine. Une nouvelle organisation visuelle de la couverture, invitation à la lecture, qui privilégie l’information à l’illustration.

// MÉTIER //

En Iran, le français fait de la haute montagne

Le Brésil et les plaisirs de l’échange scolaire

// DOSSIER //

Les îles de l’outre-mer dépendantes, ouvertes, métissées // ÉPOQUE //

// MÉMO //

Joann Sfar, quand un auteur de BD passe derrière la caméra pour raconter Gainsbourg

Toute l'actualité des sorties livres, CD, DVD

Le français dans le monde // n° 368 // mars-avril 2010


La mutation de fdlm.org

Décrypter / Époque Montrer une culture en train de se faire, déclinée dans toutes ses dimensions : artistique, économique, sportive, sociétale. Ici des portraits, des entretiens, des rencontres, des analyses, des reportages.

Témoigner, s’informer / Métier • Contribuer à la formation des professeurs : les acteurs du champ de la didactique et de l’éducation s’expliquent ; les notions qui parcourent le domaine sont décryptées ; les mille et une subtilités de la langue trouvent leur explication ; les outils nécessaires à leur métier sont analysés. • Informer les enseignants sur l’état de la diffusion du français dans le monde à laquelle ils contribuent : vie institutionnelle et associative, enquêtes de terrain, analyse, prises de position trouvent ici leur place. • Donner la parole aux professeurs : ici les professeurs échangent, témoignent, racontent, rendent compte, partagent leurs expériences.

Approfondir / Dossier Un thème, une problématique (phénomène de société, thème d’actualité, figure de référence francophone) abordés sous quatre ou cinq angles différents.

Joindre l’utile à l’agréable Donner des plaisirs de lecture et de divertissement sous des formes diverses : temps de la yess qu et de la nouvelle ; apoésie ncapnc MoVa tfauconplaisir de la BD ou du à Mo1n instant Graphe ; moment ludique des 2tests et jeux de langue. Faire en sorte qu’une partie des contenus du magazine puisse 3 donner lieu à une exploitation pédagogique sous forme de fiches utilisables en classe. par Choisi

Choisi par

t Jacky Girarde

tests et jeux //

Le professeur est blond

L

–V –

66

40

J

une à une représen vous savez, ne res poèton envoyait plus large d’aut Cour ! Je extrême: si da – Certes, mais en 1666 pour assister devant lafrançaisjungle que le /temps… – aller Lee de la temps sur : vait voyager dans té par Molière marécag A. aller – descendre – monter – Je veux u/ile.en.ile lui interpré que Caraïbes an.cuny.ed passer – sortir un quelcon Médecin malgré dans2010 . vautreravril www.lehm – pars pas me // mars-ue Pierre Luberon B. déjà – demain – jadis – puis 368 s’offusq // mars 2010 e // n° ! birmane souvent // n° 368 le mond dans le monde Le français veniris–dans C. avoir – être – savoirLe–frança vouloir

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Benoît, qui est ro et mince, et port des lunettes.

Clément, qui est blond et rondelet, et ne porte pas de lunettes.

I

Le professeur est mince

Je ne suis pas le professeur

n Le professeur rues Djamel, qui est b et la saiso est léger. Les larAndré, es qui est blondsoleil brille, l’air ers des signmince, porte et rondelet, et po triste est chemisi et ne porte uin. Lepas er par Pays si des filles en ts, et les des lunettes. lunettes de se parl de lunettes. voient défiler és, jeans moulan Ô mon noires. temps ue jour gement échancr et lunettes venu le a détee-shirts richit chaq qu’il est hommes en de s, Pierre Luberon et de discours venus yeux s’en économies mots Pour ses vacance qu’un la luage des toutes ses l est des placés dans traoriginal : une plus long Le lang cidé de réunir meil vraiment grâce loin qui, l’actualité main dit un voyage Il sait que, (A2) t du som secret s’offrir Le message nner de e de la n dans le temps. de prestation mière ent redo e du tranchan un gest excursio au genre , peuv ce L une ies, poèm gique r ma vie ses économ Il faut avoir vécu ça ps et jeux Le long Des tests Andrée et Michel àestHà sa- portée. O N S ! H E U ?– R E E I tRavec espoir. Anthony Phel pour rêve NO U S EW poussan et aux en S xle goût niveaux de ceux ma taie adaptés vie,VsePdit-il, l.A C K C U E I O Le L I haïtien sa est de beau 3 ? S ont e U O H e E D dans tempore fois poèt plus blur tourisme que voici éloquent, du CECR, pour s l’agence odes les S I O N O U T R E 3 7 N O U 7 VteE L A N de à la dou jouer A D de du mystère. Mon pays t puissant, chan mes épis nation la porte 6 le. fulguranteé, D P O U Q R M - P mE N O N M e-t-elle S demand seul ou en classe… B 0 M A I J? lui là. Ce cousu Recopiez dansl’accueil e détermi d’images et la réalit u époque te j’aurais rêve E àBquelle Une jolie hôtesse 1 L A 2 F C R C E M A I L N L E R E LT U traversé nt le rêve le e est trist la troisième racon désire partir ientrgrille rêver ! Monsieu A Z 1 P A R J T I R llera J O our mêm I N L fait R toujours où se mêle et l’histoire, ïti deA 8 B H A Vm’a écai–caractères p ère d’Ha ment. période qui mais l’am france les obligeam E Z - V O U S C T N Dler le myst du peuple R E compte V ! Cette Z seRrendre E ! A 2 1e H pour rindiens – la souf de Louis XI D ou La Fontain . des Amé – Le siècle l’épopée U E U 1 6 0 4 3p 1 au même sont P S Rs. Je - E contemp Je veux rres de A N .D 3 Q B G Rraffinés temps esclaves noirs , relire Molière les esca étaient Il suffit de puis les gens E Y 0à E D RdeEVersaille , les A M Y S TesAduNpalais emplacement la T X B M I C HL E premiers rince en 1928 e Werber temps-là d alors ce des nt sculptur et qu’en Bernar , les au-P d une figur rie, si importa les lambris les deux dans Je veux […] Né à Port-Phelps est les jardins, r à l’art de la galante N S G H E U D R– E O des a lu comme E J Rmer X S pollué. U S culturelle I F NdeOParis pasDencore pédagogique La fiche livre qu’on vigie m’initie premières. Anthony e de la vie consom de veux l’air du premier d’uneparaît-il,à télécharger veux L L EI N I E U C L Je sur : me jeunes d’auC A S S respirer U O es. Q de V ateur G E D rtant veux tomate. Je lire Hom fond On se souvient, r de amour. impo ent es ni fongicid Pour beaucoup www.fdlm.org pourrez au goût de VousCour. 4 8 N O U 8 V E toL à la fois animateu E goût N O V T Rr le S KniPpesticid A Nconnu ce sera probablem des tomates C Dn’ont aude son premier d’Haïti, , né manger ndras-tu retrouve veux parmi les garçons, ancien ce queetces journaliste littéraire,de théâtre et O N O ! P O U S R N M P E –N des fruits5quiC 9pasteuri M A Isé.KJe S dre me Cet répo de revue jourd’hui, surtout légumes non d’insns, Werber. me pren lait l’art hom roma de. Bernard ont à du E D 2 L A 7 H C R G E M A I L P L E R E U –? La Fontaine x com cachottiers veux goûter radio, poésies, de un ouvrage vent cultive comme seul peu sagas (Les duJe de films b tique. […] 2 P A RMT I R R Aun0bon à Toulouse, L c’est et 1961 ses grandes Toi D 8 F K A V R I Q L t, amis. l’authen , il aQue ce soit dans teur de théâtreen leurs écrit à de il met à la voix iques r.3Vraimen de sur mesure), sens U S F X– O V sourit. Z politet E D de plaire. N e E R ! monsieu H 1 2 E un W (Paradis E D ds, pièces raisons truire 1964 L’hôtess nouvelles voir. des informala Y 8 6 0 5 3 1– donner de E tréal en je vous compren ou dans ses R U etefficace: E S Wend 6 entrepr A NàD et faitRplaisir mais Pour des er à MonFourmis) R - G – Comme es 3 iasme imagion d’édi un récitvigie recette simple crêtenthous lesVotre œuvre une dû s’exil é uneenmais N D R E E - X E T D Z M I C H Ec de de l’in? A ption Y Ld’inscri A Mfiche choix. es. es qui éveillent la curiosité, me delà celle fond d’une ou disqu e b a (B1) par il conte intrus et Hom du motsmorale où bre tions scientifiqu ies sur Elle s’empar la formeLes écrit s soul’om – de poés pédagogique qu’ilqui peut prendre à la réflexion La fiche dandes tion les nue pensé à ses vaccins ? un pays du tiers-monde, des listes, remplir. chacune sur : 1966naire que voici invitationDans a-t-ilL’Arbre chit à télécharger en l’ payspolicière etdeune qu’y histoires de C’est.org qui blan – Monsieur a ! Je ne me rends pas dans son www.fdlm gistre Montrigue chacune des intrus. jusqu’à a un mot iluneyhypothèse v retrouver ique. Dans érance ra enre philosoph même – Des vaccins l’esp si on pouon pour , l’hygiène… its en s’amuse à pousser Lequel ? P Pourquoi ? Est-lecesoleil, tation du dont à l’époque fusée vers possibles, il es des s extra que je sache !

poésie nouvelle jeux

Le menteur (A1)

Un de ces personnages ment, tous les autres disent la vérité. Qui ment ? Qui est le professeur ?

poésie //

nouvelle //

gique pédago La fiche rger sur : à téléchadlm.org www.f

Girardet Jacky

Découvrir / Mémo Pour rester en phase avec une culture à consommer au quotidien, une séquence documentaire sur l’actualité des parutions : livres, CD, DVD en tous genres.

Le français dans le monde // n° 368 // mars-

Le français dans le monde // n°368 // mars-avril 2010

Télécharger / les fiches La fiche pédagogique à télécharger sur : Désormais, les fiches ne www.fdlm.org sont plus dans la revue mais sont téléchargeables pour les abonnés sur le nouveau site. Au CD Fréquence FDLM se substitue des documents sonores réservés aux abonnés, également téléchargeables et mis à jour chaque mois.

Le français dans le monde renouvelle fondamentalement son offre sur Internet. C’est un pari et un enjeu vital pour la revue : la revue de la communauté des professeurs de français n’est rien si son site n’est pas le site de référence de cette communauté. On y trouvera : • Un espace dédié aux abonnés où ils disposeront des fiches pédagogiques liées au numéro en cours, des articles et des informations complémentaires, des sons et des images à télécharger avec leur exploitation. • Un espace d’information sur la vie du domaine (la vie des associations, l’actualité des congrès et des colloques, les échos des initiatives et des manifestations, l’agenda institutionnel, associatif et universitaire). • Un espace de remédiation et d’écoute : des blogues thématiques autour de la langue, l’enseignement bilingue, précoce, sur objectifs spécifiques, le numérique ; un espace spécifique dédié aux jeunes enseignants. • Un espace d’échange : recherche de partenariats (individuels ou de classe) ; petites annonces. • Un espace de solidarité : tchats, forums seront les lieux d’échanges de bonnes pratiques. • Un espace documentaire dédié aux archives du Français dans le monde.

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graphe

époque // « Sur les flots, sur les grands chemins, nous poursuivons le bonheur. Mais il est ici, le bonheur. » Horace « Le bonheur n’est pas de chercher le bonheur, mais d’éviter l’ennui. C’est faisable avec l’entêtement. » Flaubert

Bonheur « On peut défaire n’importe quel bonheur par la mauvaise volonté. » Alain

La fiche pédagogique à télécharger sur : www.fdlm.org

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« Ce n’est pas de vivre selon la science qui procure le bonheur ; ni même de réunir toutes les sciences à la fois, mais de posséder la seule science du bien et du mal. » Platon

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« Tous les hommes éminents sont condamnés à être malheureux. » Aristote

« Le plaisir est le bonheur des fous. Le bonheur est le plaisir des sages. » Barbey d’Aurevilly

« Le souvenir du bonheur n’est plus du bonheur ; le souvenir de la douleur est de la douleur encore. » Lord Byron

« La jouissance du bonheur amoindrira toujours le bonheur. » Balzac

« Dans le bonheur d’autrui, je cherche mon bonheur. » Corneille

« On n’est jamais si heureux ni si malheureux qu’on s’imagine. » La Rochefoucauld Le français dans le monde // n°368 // mars-avril 2010

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6-7 PORTRAIT BAT_230X270 02/03/10 15:55 Page6

époque // portrait ▼ Joann Sfar en 5 dates ■ 1971: naissance à Nice ■ 1994: premiers albums publiés,

Noyé le poisson et Ossour Hyrsidoux ■ 1997: prix Goscinny du meilleur jeune

scénariste pour La Fille du professeur (dessin d’Emmanuel Guibert) ■ 2002: premier tome du Chat du rabbin (La Bar-Mitsva) ■ 2010: premier film, Gainsbourg (Vie héroïque)

© Eric Fougere/VIP Images/Corbis

Grand auteur de bande dessinée, Joann Sfar a choisi la vie d’un géant de la chanson française, Serge Gainsbourg, pour réaliser son premier film. Parcours d’un enfant de la bulle passé derrière la caméra.

Joann Sfar, conteur né,

© Dargaud

de la BD au ciné Le Chat du rabbin, premier grand succès de Joann Sfar.

6

condition d’en sortir, la bande dessinée mène à tout. Même au cinéma. À 38 ans, Joann Sfar, le petit prince de la BD, a délaissé sa table à dessin pour inscrire sur pellicule la biographie de Serge Gainsbourg. Son Gainsbourg (Vie héroïque) égrène la vie et l’œuvre, les tourments et les amours de l’un des plus célèbres chanteurs français du siècle dernier. Si « Sfar » rime avec « Gainsbarre », « Gainsbourg » rime ici avec « amour ». Celui que Joann Sfar éprouve pour ce person-

À

nage qui s’est trouvé une identité en faisant danser les mots et chanter la langue française. Dans une interview accordée au quotidien Le Figaro avant le tournage, il définissait son Gainsbourg comme « un mélange entre le Nosferatu de Murnau, expressionniste chic et sombre, et un séducteur italien façon Vittorio Gas-sman, plus un zeste de Chaplin pour la tendresse et la poésie ». Son film est sous-titré « Un conte de Joann Sfar ». Un conte ? Le mot ne doit rien au hasard. Sfar est un authentique conteur. Son nom l’a peut-

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6-7 PORTRAIT BAT_230X270 02/03/10 15:55 Page7

Par Christophe Quillien

© Delcourt

Extrait de Feuille de chou, journal de bord du tournage de Gainsbourg (Vie héroïque).

et de tenir le deuil à distance en convoquant dans ses récits des fantômes gentils, des monstres rigolos et des esprits brillants causeurs. L’auteur aux cent albums Dès lors, il ne s’est jamais arrêté. À 15 ans, il s’est mis à envoyer, tous les mois, ses projets de bandes dessinées à des éditeurs. Tous refusés. Jusqu’à ce jour de 1994 où, à 23 ans, il a publié son premier livre. C’était chez L’Association, cette maison d’édition alternative née avec les années 1990 qui s’est permis de bousculer les codes de la bande dessinée. Le beau dessin n’a jamais intéressé Joann Sfar. Ce qui compte à ses yeux, c’est sa justesse, l’énergie du trait et la sincérité du propos. Les maladresses, les défauts graphiques, les manques ou les accidents font partie du quotidien du dessinateur, et c’est très bien comme cela. Depuis, Sfar a signé pas moins d’une centaine d’albums. Longtemps, son œuvre de Sfar est restée cantonnée au cercle des lecteurs de BD. Le Chat du rabbin, publié à partir de 2002, est venu tout bouleverser. Gros succès public, reconnaissance critique, préfaces signées par Fellag, Eliette Abécassis ou Georges Moustaki : la saga de ce félin facétieux et doué de parole a donné à Joann Sfar ce qu’il est coutume d’appeler une visibilité médiatique. Sfar système De la bande dessinée au ciné, autre domaine d’expression propice aux belles histoires, il n’y avait plus qu’à franchir le pas. Son Gainsbourg n’aura pas surpris ceux qui s’intéressent depuis longtemps à son travail. D’une certaine manière, il avait déjà mis le chanteur en scène avec ses BD consacrées à Pascin, peintre du Montparnasse bohème des années 1920 qui ressemble étrangement au créateur de « La Javanaise ». Gainsbourg (Vie héroïque) porte la marque de son univers graphique et de ses

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fantasmes, notamment à travers la présence d’une marionnette aux côtés de Gainsbourg ou l’importance accordée aux personnages féminins. Comme dans ses livres, on y trouve beaucoup de fantaisie, un peu de philosophie et pas mal de tendresse. Mathieu Sapin, copain d’atelier de Sfar et auteur de Feuille de chou, journal de bord en bande dessinée du tournage du film, voit une véritable continuité entre ses BD et son cinéma. « Joann a construit son récit visuellement et son film reste du pur Sfar, avec ses obsessions et son humour », analyse Mathieu Sapin. « On retrouve la dimension fantastique, le sens du burlesque et le côté expressionniste de son univers. Un réalisa-

© Getty Images, Inc.

être prédestiné. Il vient tout droit du mot hébreu sofer, qui signifie scribe. Le scribe, c’est celui qui écrit. Et justement, écrire, Joann Sfar n’a jamais fait que cela. De toutes les manières possibles. Avec un crayon ou un pinceau pour réaliser ses bandes dessinées. Avec un stylo pour rédiger des romans. Ou, cette fois, avec une caméra. L’outil change mais la démarche reste la même : raconter des histoires. Sa vocation remonte à loin. Gamin, il faisait rêver ses copains dans la cour de récré. Lorsque sa maman est morte, il avait 3 ans. Ce jour-là, personne ne lui a dit la vérité : on lui a raconté qu’elle était partie en voyage. Quand son grand-père lui a appris qu’elle ne reviendrait jamais, le petit Joann s’est emparé d’un crayon et d’une feuille de papier. Puis il a commencé à dessiner des histoires, inspiré par les fables de la tradition juive venues de sa grandmère. Le dessin et le récit comme une thérapie, en quelque sorte. Comme une manière de nier la mort

teur “classique” n’aurait peut-être pas fait preuve de la même liberté. » Joann Sfar aura ainsi réussi à marier la bande dessinée et le cinéma, la liberté narrative de la première et les contraintes formelles du deuxième. Et après ? Après, il y aura peut-être d’autres films estampillés Sfar. En attendant, il va retourner à sa table à dessin. Il prévoit, pour la fin de l’année, un album mêlant BD et romanphoto aux accents plutôt « trash », provisoirement intitulé De la mort Comics. Joann Sfar n’a pas fini de nous balader et de nous raconter des histoires. Mais personne, parmi ceux qui se sont frottés à son imaginaire, n’aurait l’idée saugrenue de s’en plaindre… ■

Éric Elmosnino interprète Gainsbourg dans le film Gainsbourg (Vie héroïque).

Serge Gainsbourg Il est né sous le nom de Ginsburg en 1928 (Lucien pour l’état civil), il est mort sous le surnom de Gainsbarre en 1991. Entre ces deux dates, Gainsbourg (Serge pour tout le monde), après une tentative de carrière de peintre, aura marqué le XXe siècle par son talent d’auteur-compositeur-interprète et signé quelques-uns des grands titres de la chanson française, du « Poinçonneur des lilas » à « La Javanaise », en passant par son interprétation reggae de « La Marseillaise ». Pour Gainsbourg, « chanteur » rimait avec « provocateur » mais aussi avec « séducteur »: il fut l’ami et l’amant de quelques égéries de la chanson et du cinéma, parmi lesquelles Brigitte Bardot et Jane Birkin pour qui il composa plusieurs titres.

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époque // regard

Par Alice Tillier

Comprendre un peu mieux le monde dans lequel nous vivons, ce que signifie être chiite, sunnite ou Pachtoun, tel est l’un des objectifs essentiels de Maurice Godelier, anthropologue et directeur de recherche à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris.

« La culture est devenue

un enjeu politique » Votre dernier ouvrage veut donner des clefs pour comprendre « les identités en conflits », la France a mis en place ces derniers mois un débat sur « l’identité nationale ». Les questions identitaires semblent pressantes… Maurice Godelier: Chacun d’entre nous est constitué d’une multiplicité d’identités. On est chinois, français, baruya, mais aussi femme ou homme, homosexuel ou hétérosexuel, breton, basque, et selon les contextes, l’une de ces identités passe sur le devant de la scène. Cette identité multiple et hiérarchisée est une structure universelle. Mais on assiste à l’heure actuelle à un large mouvement d’affirmation identitaire: c’est le deuxième aspect de la mondialisation, tout aussi important – même s’il est moins connu – que la généralisation de l’économie de marché. Il s’agit notamment d’identités nationales: les Serbes, les Bosniaques ont revendiqué la création d’un État-nation qui leur permette d’exister au niveau international, les Kurdes le revendiquent toujours. Les First Nations, comme les aborigènes d’Australie, mettent elles aussi leur identité en avant. La culture, à l’origine, se vit. Désormais, elle est bien plus que cela: la cul-

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ture est devenue un enjeu politique, servant de base à la revendication de droits nouveaux. Comment expliquer cette montée des revendications identitaires? M. G. : C’est une réaction à l’uniformisation culturelle liée à la mondialisation. Les replis identitaires se font le plus souvent contre l’Occident. Il n’y a là rien d’étonnant : l’Occident a longtemps dominé, colonisé, le traumatisme est ancien. Beaucoup de pays se sont modernisés en s’occidentalisant, comme la Chine de Mao Zedong, ou le Japon à la fin du XIXe siècle : l’idée était de lutter contre les « barbares » avec précisément les armes des « barbares » ! Aujourd’hui, le mouvement est inverse : les Japonais reviennent à la période d’Edo, idéalisent les samouraïs. Ils puisent dans leur passé, en le réinventant en partie. Les Chinois, eux, ont compris tout le parti qu’ils pouvaient tirer

« Le monde de demain ne sera pas homogène culturellement. » Le français dans le monde // n° 368 // mars-avril 2010


© Eddy Lemaistre/For Picture/Corbis

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« Les replis identitaires se font le plus souvent contre l’Occident, qui a longtemps dominé et colonisé. Le traumatisme est ancien. »

Extrait de la diffusion de leur culture, et ils ont créé les instituts Confucius, sur le modèle du Goethe Institute. Je peux vous assurer que le monde de demain ne sera pas homogène culturellement ! Mais il y a aussi des sociétés et des cultures qui disparaissent, comme celle des Baruya de Papouasie-Nouvelle-Guinée que vous avez étudiés. Peut-on assister à ces disparitions sans regrets, quand on est anthropologue? M. G. : Vous savez, dans l’histoire de l’humanité, certaines sociétés ont disparu sous le coup de génocides, d’autres ont choisi d’intégrer une culture étrangère et ont de ce fait perdu la leur. Le cas de la société Baruya n’est qu’un cas parmi tant d’autres. Eux qui n’avaient jamais vu un Blanc sont devenus, dans les années 1960, sujets de la reine d’Angleterre, puis citoyens d’une Papouasie-Nouvelle-Guinée indépendante. Ils ont perdu ce qui faisait d’eux une société – la souveraineté sur leur territoire, leurs ressources, leurs habitants –, pour n’être plus qu’un « groupe territorial local ». Ils ont peu à peu abandonné leurs traditions, leurs rites initiatiques, se sont convertis au christianisme et se sont installés en ville. Récemment, certains ont recommencé à initier leurs enfants à leurs anciens rites. On voit pourquoi ces hommes sont en conflit avec eux-mêmes. On ne peut que s’efforcer de les comprendre. ■

Le français dans le monde // n°368 // mars-avril 2010

otre analyse nous permet également de préciser la différence qui existe entre une “communauté” et une “société”. Il est essentiel de ne pas confondre ces deux concepts ni les réalités sociales et historiques distinctes auxquelles ils renvoient. Un exemple suffira clairement pour montrer cette différence. Les juifs de la diaspora qui vivent à Londres, à New York, à Paris ou à Amsterdam forment des communautés au sein de ces différentes sociétés et de ces États, la Grande-Bretagne, les États-Unis, la France, les PaysBas, etc. Elles coexistent avec d’autres communautés, turques, pakistanaises, etc., qui ont chacune leurs propres façons de vivre, leurs traditions. Par contre, les juifs de la diaspora qui ont quitté ces pays pour aller vivre en Israël vivent désormais dans une société qu’ils ont fait naître au Proche-Orient et qui est représentée et gouvernée par un État dont ils veulent voir les frontières reconnues définitivement par les populations et les États voisins. Et c’est ce que revendiquent également les Palestiniens, un territoire et un État. Là encore, le critère qui fait société, c’est celui de la souveraineté sur un territoire. Il est important de remarquer que toutes ces communautés mènent au sein de leur société d’accueil une existence sociale qui leur est particulière. »

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LE POLITICO-RELIGIEUX AU FONDEMENT DES SOCIÉTÉS À partir de l’exemple des Baruya, de l’île de Tikopia ou de l’Arabie saoudite, Maurice Godelier mène, dans Société, Communauté, Culture, une réflexion sur les concepts de société et de communauté. À l’encontre d’une idée longtemps admise par l’anthropologie, le fondement des sociétés – même celles qualifiées jadis de « primitives » – n’est pas, pour Maurice Godelier, la parenté. Ce n’est pas non plus la culture, mais un rapport politicoreligieux, un pouvoir légitimé par les dieux, établissant une souveraineté sur un territoire. Ce petit ouvrage, issu du texte d’une conférence dont il a gardé les vertus pédagogiques, offre une réflexion essentielle à une époque où les États, notamment occidentaux, ont des difficultés à gérer l’existence, en leur sein, de différentes communautés ethniques ou religieuses, dans des sociétés de plus en plus multiculturelles.

■ Maurice Godelier, Communauté, Société, Culture. Trois clefs pour comprendre les identités en conflits, CNRS Éditions, 2009, p. 39-40.

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époque // tendance

Comme de nombreux sportifs célèbres, Thierry Henry s’affiche sur Facebook.

Facebook, site-monde qui entend vous « relier à ceux qui comptent ». Engouement et controverses.

Face à Facebook Marrant si on n’y étale pas trop sa vie »; « OK c’est bien, mais pour tout vous dire c’est dangereux »; « Avec Facebook, j’ai rencontré l’amour, donc je suis pour à 100% »; « J’ai supprimé définitivement mon compte sur Facebook »… Pour, contre, personne (ou presque) n’échappe à Facebook. La preuve: ils étaient 1,8 million d’internautes utilisateurs de Facebook en février 2008, ils sont plus de 8 millions aujourd’hui, soit un peu plus de 20% des internautes français. Fans de Nutella ou de leur maman, de tarte au citron ou de yoga, de l’équipe de France de football ou du stylo Bic, il y a toujours un ami qui vous veut du bien sur Facebook, qui vous invite à rejoindre le groupe, la communauté. L’affaire est entendue: Facebook est d’abord une affaire d’amis. Et tout le monde s’y met, y compris les provinciaux de Paris (les plus nombreux, ils représentent 75% des habitants de la capitale) qui ont trouvé là le moyen de se retrouver: « Toulousains exilés », « Bordeaux connection », « Parisgones », « Ch’tis parisiens » (les gens

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Ils étaient 1,8million d’internautes utilisateurs de Facebook en février 2008, ils sont plus de 8 millions aujourd’hui.

du Nord), « Cigognes exilées » (les Alsaciens), le réseau social a vu se multiplier ces groupes qui rassemblent souvent des milliers de membres. Avec un peu toujours le même but: discuter avec des personnes originaires de la même région, se retrouver à l’occasion de soirées ou d’apéritifs, échanger des trucs, des conseils, des bonnes adresses pour réussir son intégration dans la capitale et surtout se retrouver dans une ambiance locale. Resserrer les liens Les sportifs non plus ne sont pas en reste. Qu’il s’agisse de resserrer les liens avec leurs fans: si Nikola Karabatic, le handballeur champion d’Europe et du monde, choisit ses amis avec parcimonie, le nageur recordman du monde Amaury Leveaux tient, lui, porte ouverte. Ou qu’il s’agisse de leur réserver la primeur de certaines informations confidentielles, comme l’ont fait à propos de leurs bobos et blessures le rugbyman « pipolisé » Sébastien Chabal ou le capitaine de l’équipe de France de rugby Lionel Nallet. Sans parler de l’appui des fans dans les moments difficiles

comme ce fut le cas pour le footballeur Thierry Henry qui, vilipendé après son but contesté contre l’Irlande, a bénéficié du soutien de ses 160000 fans. Ainsi va le monde selon Facebook, un monde devenu tellement gros et tellement ouvert qu’il finit par faire peur. Et il fait surtout peur sur tout ce qui touche à la protection de la vie privée. Un débat qui agite aussi bien les internautes que les spécialistes. Pour Éric Delcroix, co-auteur de Facebook, on s’y retrouve!, les internautes ont bien raison de s’inquiéter: « Les personnes croient souvent que les données sont réservées à leurs amis. En fait, elles sont très accessibles à Facebook et aux partenaires de Facebook. »D’où cette mise en garde: « L’internaute doit apprendre à être responsable de son contenu, de ses informations. » Responsables, le fan, l’ami le deviennent, telle cette « addicte »de Facebook qui dit « avoir trouvé enfin son équilibre », à qui « tout ça a fini par rappeler la vie d’un accro à la cocaïne »et « décidé de fermer son compte pour quelques mois avant de le réactiver et de ne plus faire que des petites visites ». ■

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© Eddy Lemaistre/For Picture/Corbis

Par ParJacques JacquesPécheur Pécheur


époque //sport

© Léo Ridet

Par Pierre Godfrin

À bientôt 38 ans, Jean-Marc Mormeck a encore bien des défis à relever avant de quitter le monde de la boxe. Je préfère mourir avec mes idées plutôt que vivre à genoux. C’est ma philosophie, ma devise. » Dans son autobiographie musclée À poings nommés, Jean-Marc Mormeck retrace son parcours atypique, de son arrivée à Bobigny (Seine-SaintDenis), à l’âge de six ans, en provenance de la Guadeloupe, jusqu’à son ultime défi : devenir champion du monde des poids lourds. « Je pense qu’aujourd’hui, dans la catégorie inférieure, j’ai tout prouvé », nous assuret-il, après s’être accordé quelques jours de vacances. Il faut dire que ce trentenaire peut se targuer d’avoir succédé à Evander Holyfield chez les lourds-légers en remportant, en 2005, les deux ceintures mondiales. Même si le Français les a perdues l’une et l’autre en 2007, ses prouesses resteront à jamais gravées dans l’histoire de la boxe. Tout au long de sa carrière, Mormeck a justifié son statut de boxeur hors du

Mormeck,

droit dans ses gants 3 juin 1972: naissance à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) Mars 1995: premier combat en professionnel et premier succès Février 2002: champion du monde WBA des lourdslégers en battant Virgil Hill (États-Unis) Avril 2005: ceinture WBAWBC après sa victoire contre Wayne Braithwaite (Guyane) Octobre 2009: parution de son autobiographie À poings nommés Décembre 2009: premier combat chez les poids lourds et victoire face à Vinny Maddalone (États-Unis)

Le français dans le monde // n°368 // mars-avril 2010

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commun. Pour preuve, lors de leurs six années de collaboration, sa relation tumultueuse avec Don King, son agent, le « roi des voleurs » comme il le surnomme affectueusement : « Nous étions constamment en conflit mais je pense que je l’intriguais un petit peu. C’est une légende. » Son expérience aux États-Unis, Mormeck souhaite la partager avec des boxeurs en devenir en ouvrant notamment une salle de boxe « à l’américaine ». Malgré son épopée américaine, le discours de « The Marksman » (le Tireur d’élite) n’a pas évolué: « Je me suis éloigné un peu de cette banlieue, justement pour revenir et essayer de changer les mentalités. Vous ne pouvez pas vouloir faire sortir les autres d’un endroit où vous êtes encore. » « Rendre à la banlieue ce qu’elle m’a apporté » Le combat pour enfin donner aux banlieues dites « difficiles » leurs lettres de noblesse est certainement le

plus ardu pour celui qui s’autoproclame, non sans ironie, le « Rocky de Seine-Saint-Denis ». « Quand j’entends parler de la banlieue, c’est la drogue et tout ce qui est négatif. On est en déficit d’images positives », regrette-t-il avec amertume. Cependant, le boxeur est conscient que le mal vient également de l’intérieur : « Dans la banlieue, on croit toujours que le bonheur n’arrive qu’aux autres. On a un gros potentiel. Il suffit d’arrêter de se plaindre. Mais il faut aussi s’adapter à ces jeunes de banlieue. » Afin de les aider à trouver leur voie, le natif de Pointe-à-Pitre s’attelle, depuis plusieurs mois, à la création d’un centre de formation audiovisuel. « La gauche comme la droite veulent faire quelque chose pour la banlieue, donc je leur donne une occasion de le prouver. Il faut de l’aide financière, morale. Je ne demande pas juste un coup de pub sans lendemain. » Vous pouvez lui faire confiance : Jean-Marc Mormeck ne jettera pas l’éponge. ■

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époque // économie

Par Marie-Christine Simonet

Mécénat

Les entreprises soignent leur image Mécénat financier, mécénat de compétences, bénévolat des employés… Les entreprises françaises multiplient les actions caritatives dans les pays en développement ou en France. Enquête.

La fiche pédagogique à télécharger sur : www.fdlm.org

© Veolia/Robert King /Interlinks-Image

La fondation Veolia Environnement est intervenue en Haïti en appui à l’ONG Action contre la faim.

e mécénat d’entreprise a de beaux jours devant lui. Le séisme qui a secoué Haïti en janvier 2010 l’a bien démontré. Le Crédit agricole a confié 1 million d’euros à son association Crédit agricole solidarité et développement. L’Oréal a fait un don de 500 000 euros, concentré sur l’aide médicale d’urgence. Orange a aidé au rétablissement des communications locales et sa fondation s’est engagée à soutenir l’Unicef dans l’île. Total, Veolia Environnement, EDFGDF, Axa, tous ont mis la main au porte-monnaie et leurs structures caritatives en état d’alerte. Qu’est-ce qui pousse une entreprise à se lancer dans le mécénat ? Une question d’image ? Pas si simple. On se doute bien que les fondations d’entreprises ne sont pas prêtes à jouer les donateurs occultes, mais l’argument est un peu court.

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Qu’est-ce qui pousse une entreprise à se lancer dans le mécénat? Une question d’image? Pas si simple.

L’ampleur du mécénat ■ 2,5 milliards d’euros consacrés au mécénat par les entreprises françaises ■ 23% des entreprises de 20 salariés et plus (soit près de 30000) pratiquent le mécénat ■ 73% des mécènes sont des entreprises de 20 à 99 salariés ■ En 2009, 73% des budgets consacrés au mécénat sont restés stables; en 2010, 11% vont augmenter, et 14% vont baisser (à une écrasante majorité pour des raisons conjoncturelles). Source: Admical

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Le mécénat fait partie de la stratégie de l’entreprise pour valoriser son image et son activité. Mais surtout, si l’on en croit Géraldine Bories, chargée des publications et manifestations chez Admical (Association pour le développement du mécénat industriel et commercial), « les grands groupes recherchent la cohésion en interne » et cela « fonctionne très, très bien ». D’ailleurs, « les PME (Petites et moyennes entreprises) s’y mettent de plus en plus, dans toute la France, ce qui permet de lancer des actions régionales », précise-t-elle. Un outil de communication interne Loin d’être un alibi pour trouver de nouveaux marchés, le mécénat serait donc devenu un outil de communication interne, de gestion des ressources humaines. Les salariés apprécient de travailler dans une société qui a une bonne réputation et où ils peuvent être appelés à faire valoir leurs talents et aptitudes dans l’action caritative. Cela peut faire la différence : « les nouvelles recrues, plutôt diplômées » sont attirées par l’action citoyenne d’entreprises qui font « partie intégrante de la société civile », relève Géraldine Bories. Cette nouvelle culture est désormais bien ancrée dans les grandes entre-

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© Julien Muguet/IP3

12-13 ECONOMIE BAT_230X270 03/03/10 13:11 Page13

Le séisme qui a touché Haïti en janvier a provoqué la réaction de nombreuses entreprises.

prises. Mais outre ce « mécénat de compétences » (et le mécénat financier plus classique), elles privilégient aussi l’action bénévole de leurs employés. Comme chez BNP Paribas par exemple, dont le programme Coup de Pouce 2009 a retenu 27 projets associatifs d’intérêt général (éducation, santé…) en France et à l’étranger, dans lesquels des employés sont impliqués à titre bénévole et qui se partageront une dotation de 73 500 euros. La crise est passée par là, faisant craindre le pire pour les budgets consacrés aux fondations. Il n’en a rien été. Une enquête réalisée par l’institut de sondages CSA, publiée au printemps 2009 par Admical, a indiqué que les entreprises sont res-

tées mobilisées. Selon cette étude, « la stabilité domine très largement l’attitude des entreprises mécènes dans leur approche budgétaire en 2009. Cependant, parmi celles qui voient leur budget modifié, c’est la baisse qui l’emporte légèrement. » Culture (39 %) et solidarité (32 %) prédominent, en captant plus des deux tiers des montants. Le développement durable a la cote De plus en plus, le mécénat d’entreprise s’oriente vers le développement durable. C’est dans l’air du temps. Ainsi du dernier projet de la toute jeune Fondation Air Liquide – elle date de 2008, avec une dotation de 3 millions d’euros sur cinq

© cultura/Corbis

Les préoccupations environnementales sont au cœur du mécénat d’entreprise. C’est dans l’air du temps.

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Un des produits de première nécessité à acheminer : l’eau.

ans –, qui soutient deux expéditions scientifiques au pôle Nord avec pour objectif de recueillir des données clés concernant le changement climatique. Ou de Veolia Environnement, dotée d’un budget annuel de 7,2 millions d’euros, qui appuie des projets d’intérêt général concourant au développement durable. Parallèlement, la fondation met l’expertise de collaborateurs bénévoles (et volontaires) au service d’organisations humanitaires internationales qui interviennent sur le terrain du développement ou de l’urgence. Ce sont de telles compétences humaines, réunies dans Veoliaforce, qui sont intervenues en Haïti, aux côtés de la Croix-Rouge et d’Action contre la faim. Pour sa part, le groupe Monoprix vise moins loin. Il a lancé en août 2009 sa fondation d’entreprise, dont l’objectif est de créer du lien social dans les centres-villes, en contribuant notamment à la réalisation de projets dans les zones urbaines en lien avec la lutte contre l’exclusion ou l’accès à la culture. Tous ces projets, à forte connotation humaine, non seulement renforcent l’image des entreprises, mais les rapprochent du commun des mortels. Avec comme effet dérivé – et pas forcément justifié – de leur donner une dimension éthique. ■

en bref En 2008, 17% de la population de l’Union européenne à 27 était menacée de pauvreté, ce qui signifie que ses revenus après transferts sociaux se situaient au-dessous du seuil de pauvreté. Depuis 2005, le taux de risque de pauvreté dans l’UE a été relativement stable, variant entre 16% et 17%, selon l’organisme européen Eurostat. L’Union européenne a été appelée le 25 janvier 2010 à Bruxelles par les représentants de 17 pays d’Afrique à s’opposer à de nouvelles ventes d’ivoire et à sauver ainsi les populations d’éléphants décimées par le braconnage. Le PIB (Produit intérieur brut) des ÉtatsUnis a chuté de 2,4% en 2009. Du jamais vu depuis 1946, selon les chiffres officiels publiés fin janvier 2010. Au quatrième trimestre, le PIB avait cependant progressé de 5,7%. En janvier 2010, les députés de la Commission environnement du Parlement européen ont voté en faveur de l’interdiction du commerce international du thon rouge. Par ce vote à valeur consultative, ils demandaient à l’Union européenne – notamment la France – de surmonter ses hésitations à soutenir une telle interdiction.

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14-15 LIBRAIRIES FRANCOPHONES BAT_230X270 02/03/10 17:23 Page14

époque // librairies francophones 1/6

© DR

Par Alice Tillier

La librairie Antoine reste la plus grande librairie francophone du Liban. Fondée en 1933 par Antoine Naufal, elle est aujourd’hui dirigée par son neveu, Sami Naufal.

Antoine, le rendez-vous des

francophones libanais n y trouve les dernières nouveautés littéraires, Marie NDiaye, Frédéric Beigbeder, Marc Levy, des romans anglophones traduits en français, de la poésie française aussi. Et derrière le comptoir, près de l’entrée, le mur est recouvert de casiers où sont placés les journaux des habitués. Des habitués très attachés à la lecture de la presse venue de France, qu’ils reçoivent avec un jour de décalage seulement. « La librairie d’Achrafieh est la plus littéraire et la plus francophile de toutes », note Malaké Chaoui, directrice de la « Librairie française », le département langue française d’Antoine. Achrafieh est le principal quartier chrétien du centre de Beyrouth. L’ambassade de France n’est pas très loin, au pied de la colline, l’université Saint-Joseph non plus. C’est là que se concentre une large partie de l’élite

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La première librairie Antoine, dans le centre de Beyrouth, a été détruite au début de la guerre civile, en 1976.

intellectuelle beyrouthine, très francophone. « Pendant la guerre et l’embargo de l’été 2006, nos clients n’avaient qu’une question à la bouche: quand leurs quotidiens allaient-ils enfin arriver ? » Malaké Chaoui est amusée, mais fière, aussi, de cette francophilie. Si des dix librairies Antoine que compte le Liban, toutes ne font pas une part aussi belle au français, la langue de Molière représente aujourd’hui la moitié des ventes. Le reste se partage entre l’anglais (30 %) et l’arabe (20 %). Sans oublier l’espagnol, qui commence à se faire une petite place sur les rayonnages. « Nous sommes une librairie généraliste, explique Sami Naufal, PDG d’Antoine. Nous répondons à la demande. » Une demande de français En 1933, quand Antoine Naufal ouvre une librairie en plein centre-

ville de Beyrouth, les lecteurs demandent du français : le Liban est devenu, au lendemain de la Première Guerre mondiale, un mandat de la France. Dans la petite librairie de la rue de l’émir-Bachir – une trentaine de mètres carrés à peine –, Antoine et ses deux frères, Pierre et émile, qui le rejoignent bientôt, vendent d’abord de la littérature puis, rapidement, aussi, des livres scolaires. Du français à 90 %, un peu d’arabe et d’anglais. Ces débuts à l’époque du mandat français marqueront durablement l’image de la librairie : dès le début de la guerre civile libanaise, en 1976, le local de la rue de l’émir-Bachir est visé en tant que symbole de l’impérialisme occidental, et réduit en cendres. En attendant, la société « A. Naufal et frères » se développe peu à peu. Elle profite de la création d’Israël en 1948 et de la place laissée, indirectement,

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tions Naufal: il passe contrat avec de grands écrivains libanais – Mikhaïl Naimeh, Emily Nasrallah notamment – et publie aussi du scolaire et des livres jeunesse en arabe. Un développement maintenu malgré la guerre Avec la guerre civile qui éclate au Liban en 1975, les conditions de travail deviennent ardues. « Beyrouth était coupée en deux, l’Est était chrétien, l’Ouest musulman. Entre les deux, il y avait des montagnes de sable et des check points. » L’aéroport de Beyrouth est fermé plusieurs mois par an, tout comme son port. Les livres et les journaux arrivent à Chypre ou à Damas. Il faut ensuite les rapatrier par la mer jusqu’au port de Jounieh ou d’autres ports de fortune le long de la côte libanaise, ou par la route jusqu’à Beyrouth, et ensuite les acheminer jusqu’aux librairies elles-mêmes. La librairie de Sin El-Fil, ouverte dans l’Est de Beyrouth après la destruction

de celle du centre-ville, est située dans un quartier résidentiel relativement épargné par la guerre. La librairie d’Hamra, dans l’Ouest, est elle, plus difficile à approvisionner. Jusqu’au jour où, en 1982, un énorme char israélien s’arrête devant la librairie de Sin El-Fil. L’officier qui en sort n’est autre que le fils d’un libraire de Beyrouth, émigré en Israël en 1948, qui connaissait bien Antoine Naufal et qui propose son aide. « Mon oncle Émile lui demanda s’il pouvait nous frayer un chemin à travers les barricades de conteneurs et de barbelés pour ravitailler notre librairie de la rue Hamra qui manquait cruellement de journaux, de revues et de nouveautés! » Depuis la fin de la guerre, en 1990, les affaires ont repris un cours plus serein. Si le centre-ville a été reconstruit à l’identique, la librairie Antoine n’y a

pas pour autant rouvert de point de vente. Dans une Beyrouth aujourd’hui décentralisée, le centre-ville est moins important que les nombreux centres commerciaux qui parsèment la capitale. Ou la Jordanie voisine, où Antoine s’est implantée récemment. Ou encore la vente en ligne, dans le monde entier, avec Antoine Online, créée en 2007. Partie du français, la librairie a désormais un positionnement plus international que francophone. Mais le français n’est pas oublié : en janvier 2010 naissait une nouvelle maison d’édition franco-libanaise, Hachette Antoine. De quoi sceller pour quelques années encore les liens entre Antoine, la France et le français. ■

Sami Naufal, actuel PDG d’Antoine, neveu du fondateur, Antoine Naufal. Les trois frères fondateurs de la librairie Antoine: Émile, Antoine et Pierre, en 1955.

Une longue histoire avec le français ■ 1933:

ouverture d’une librairie dans le centre-ville de Beyrouth ■ 1968: fondation des Messageries du Moyen-Orient, qui distribuent la presse française et locale ■ 1996: début d’édition de livres scolaires en français ■ 2010: création de Hachette Antoine

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par un libraire grec, juif, qui ferme boutique à Beyrouth pour partir s’installer à Jérusalem. Les dollars tirés du pétrole affluent des pays du Golfe. Dans ce Liban devenu la « Suisse du Moyen-Orient », la librairie Antoine prospère. Elle ouvre un deuxième point de vente en 1946, un troisième en 1960, un quatrième en 1972. Les livres arrivent de France. Des livres Larousse et Hachette avant tout: la librairie Antoine est, jusqu’aux années 1960, leur agent exclusif. Une sorte d’ambassadeur au MoyenOrient. « La librairie Antoine a longtemps porté le flambeau de la culture française », rappelle Sami Naufal. Cette culture française emprunte d’abord la voie maritime. Mais « les lecteurs libanais réclamaient des nouveautés ». En 1968, les frères Naufal fondent les Messageries du MoyenOrient, associées à la société française des Nouvelles Messageries de la presse parisienne. Antoine ajoute à ses activités de libraire une fonction de distributeur et l’acheminement se fait bientôt par avion. Mais la distribution n’est pas exclusivement tournée vers le français. En 1970, Antoine entre au capital de Levant Distributors, qui diffuse la presse et les livres anglo-saxons. Les temps ont changé : le français n’a plus la position dominante qu’il occupait jusqu’alors. La demande d’arabe, elle, est encore faible. Ce qui n’empêche pas Pierre – «plus visionnaire que ses frères » – de lancer en 1970 les édi-

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La librairie du centre commercial ABC Achrafieh, très moderne, et celle de Bab Idriss dans les années 1950. La librairie d’Hamra, quartier musulman de Beyrouth (années 1970). La librairie d’Achrafieh est une librairie de quartier, avec une clientèle d’habitués, très francophiles.

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16-17 POESIE-BAT_230x270 02/03/10 17:25 Page16

poésie

poésie //

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Choisi par Jacky Girardet

Mon pays Ô mon Pays si triste est la saison l est des mots venus de loin qui, placés dans la lumière de l’actualité tragique, peuvent redonner espoir. Le long poème du poète haïtien Anthony Phelps Mon pays que voici est de ceuxlà. Ce chant puissant, éloquent, traversé d’images fulgurantes où se mêlent le rêve et la réalité, le mystère et l’histoire, raconte l’épopée du peuple d’Haïti depuis les temps des Amérindiens et des premiers esclaves noirs. Né à Port-au-Prince en 1928, Anthony Phelps est une figure importante de la vie culturelle d’Haïti, à la fois fondateur d’une revue littéraire, animateur de radio, homme de théâtre et auteur de poésies, de romans, de pièces de théâtre et de films. Pour des raisons politiques, il a dû s’exiler à Montréal en 1964 où il a fondé une maison d’édition de poésies sur disques. C’est en 1966 qu’il écrit et enregistre Mon pays que voici dont on pourra retrouver de plus larges extraits en même temps que d’autres poètes des Caraïbes sur : www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/

I

qu’il est venu le temps de se parler par signes Le langage des yeux s’enrichit chaque jour un geste de la main dit plus long qu’un discours et pour rêver ma vie au tranchant du sommeil à la doublure de ma taie j’aurais cousu mes épisodes les plus beaux mais l’amour même est triste les escarres de la souffrance écailleraient le rêve […] Homme de vigie me répondras-tu Toi seul peux comprendre et donner un sens à la voix du vent Homme de vigie qu’y a-t-il dans l’ombre par delà les crêtes Est-ce l’espérance qui blanchit les nues

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que voici Homme de vigie pourquoi ce mutisme Dis-moi je t’en prie si je peux chanter plus haut que le vent et crier ma joie d’une aube nouvelle […] Terre déliée au cœur d’étoile chaude Fille bâtarde de Colomb et de la mer nous sommes du Nouveau Monde et nous vivons dans le présent Nous ne saurons marcher à reculons n’ayant point d’yeux derrière la tête et le moulin du vent broie les paroles sur nos lèvres car sur les socles de la mémoire dans la farine de nos mots ô mon Pays nous pétrissons pour toi des visages nouveaux Il te faut des héros vivants et non des morts

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Anthony Phelps, Mon pays que voici, Mémore d’encrier, Montréal, 2007.

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métier // l’actu

Le français partout dans le monde! Le lancement de la nouvelle formule de notre revue Le français dans le monde est pour moi l’occasion de rappeler l’attachement du ministère des Affaires étrangères et européennes, et tout particulièrement de sa sousdirection de la Diversité linguistique et du français, à la communauté mondiale des professeurs de français. La France, qui a commémoré l’an dernier un siècle de diplomatie linguistique et éducative, sait ce qu’elle doit aux générations passées et présentes des professeurs de français langue étrangère, langue seconde et langue maternelle pour que vive et se développe le français partout dans le monde. L’appui apporté aux enseignants est au cœur de notre stratégie de promotion de la langue française, priorité de notre action diplomatique. Sans les professeurs de français, rien ne serait possible pour que le français soit et demeure cette grande langue internationale présente sur les cinq continents : deuxième langue étrangère la plus enseignée dans le monde, langue de travail dans toutes les grandes instances multilatérales, langue partagée par les 70 nations regroupées au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie, langue de formation universitaire, langue de culture. Dans les écoles et les universités étrangères, dans les Alliances françaises et les Centres culturels français, dans les lycées français, les professeurs sont les acteurs essentiels. Dans des conditions matérielles et morales parfois difficiles, réunis dans leurs associations nationales et autour de la FIPF, ils sont les véritables militants que nous voulons soutenir partout, tout le temps et autant que nous le pouvons dans nos ambassades et nos établissements culturels et scolaires. Bonne chance à la nouvelle équipe rédactionnelle et longue vie à la revue Le français dans le monde, qui est le lien et l’illustration de cette passion partagée. Jean-Paul Rebaud, sous-directeur de la Diversité linguistique et du français, ministère des Affaires étrangères et européennes

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En bref

Hommage

Semaine de la langue française (20-27 mars) Célébrer la vitalité de la langue, programme très vitaminé proposé cette année par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France. Programme sous le signe de la création verbale dont on retiendra les fameux « Dix mots » chargés d’illustrer cette « fabrique des mots », celle des mots qui se créent, s’empruntent, s’acclimatent ou changent de sens. Création mais aussi joute verbale: ici des mots pour improviser avec un spectaculaire concours de slam, « Dis-moi dix mots dans tous les slams », art oratoire pour aujourd’hui. Sans parler des centaines d’initiatives qui, à travers le monde, célébreront tant le lien social, le lieu de l’expression personnelle, la clé d’accès à la culture et aux savoirs attachés à la langue française.

Journée internationale de la Francophonie (20 mars) 40 ans: bon anniversaire à l’Organisation internationale de la Francophonie! Un anniversaire marqué par l’inauguration le 20 mars de la Maison de la Francophonie, nouveau siège de l’OIF à Paris. Anniversaire placé sous le signe de « La diversité au service de la paix » et illustré par un programme pluriel, culturel et festif qui, au-delà du 20 mars, se prolongera tout au long de l’année dans l’ensemble de l’espace francophone et pour lequel Le français dans le monde et Francophonies du Sud seront au rendez-vous.

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Tribune

André Reboullet, fondateur de la revue Le français dans le monde est en deuil. Alors que la revue entrera dans sa cinquantième année en mai 2010, son fondateur, André Reboullet vient de nous quitter. Il est décédé le 31 janvier 2010 à l’âge de 93 ans. Pendant vingt ans, de 1961 à 1981, André Reboullet a « fait » Le français dans le monde : il en a fait ce « baromètre des besoins et des tendances », jouant tout à la fois du frein et de l’accélérateur. Du français fondamental au communicatif, que de chemin parcouru ! Durant toutes ces années, André

Reboullet s’attache à donner tout son sens au titre de la revue : il joue un rôle majeur dans la création de la FIPF et simultanément de l’AFEF (Association française des enseignants de français). Au moment où le champ du FLE lui paraît suffisamment constitué, il prend l’initiative de susciter la création de la SIHFLES, Société internationale d’histoire du français langue étrangère et seconde. Au-delà de ce qui est le plus visible de son action affleure, une unique et constante préoccupation : le professeur de français. Son prestige, son efficacité et sa dignité.

Billet

Promesse tenue Voici donc la nouvelle version du Français dans le monde ! Suivant le vœu de ses partenaires et de ses lecteurs, la FIPF s’était engagée à cette rénovation, à ce rajeunissement pourrait-on dire, et la promesse a été tenue grâce au travail de tous et plus particulièrement de l’équipe de rédaction, avec Jacques Pécheur et Alice Tillier. À vous maintenant de nous dire si vous l’aimez, et de la faire connaître et partager largement autour de vous.

Cette nouvelle page qui se tourne dans l’histoire déjà longue de notre revue, nous aurions aimé qu’André Reboullet, qui en fut le fondateur, la lise et l’apprécie. Le destin en a voulu autrement puisqu’André Reboullet, qui fut aussi l’un des fondateurs de la FIPF, vient de nous quitter. Dans les deux cas, il aurait sans doute été fier de voir que son œuvre fondatrice se poursuit avec autant d’enthousiasme qu’il avait su en insuffler au départ. Jean-Pierre Cuq, président de la FIPF

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trois questions à

© Thinkstock

Abdellah Baïda, professeur marocain, est président de la Commission du monde arabe depuis juillet 2008. Il enseigne à l’École normale supérieure de Rabat.

«Des signes de renouveau pour le français» Quelle est la situation du français dans les pays arabes? Abdellah Baïda: Il y a des signes de renouveau : le français est à nouveau enseigné en Libye après plus de vingt ans d’absence. Au Maghreb, le français, langue de la colonisation, est redevenu une « langue étrangère » – dite « privilégiée » au Maroc – et on assiste à un renforcement de l’enseignement de la langue française au sein des universités : depuis les années 1970, l’enseignement secondaire se fait en arabe et un hiatus s’est créé entre secondaire et supérieur. Beaucoup d’étudiants se retrouvaient dans l’incapacité de suivre un enseignement supérieur en français… Malgré tout, l’anglais concurrence de plus en plus le français dans l’ensemble du monde arabe. Le cas le plus prononcé est bien sûr le Liban, pays véritablement multilingue. Le français conserve une place importante et pourtant, la Commission du monde arabe est la plus petite des commissions de la FIPF… A. B. : La CMA regroupe seulement quatre associations nationales : l’AMEF marocaine, l’ATPF tunisienne, l’AEPF égyptienne et l’ALEF libanaise. Il faut dire que c’est une commission jeune, créée en 1995 seulement, et que la culture d’associa-

tion manque dans le monde arabe. Le terme d’« association » lui-même fait peur dans certains pays. La CMA réfléchit à l’heure actuelle à d’autres appellations : « groupe de recherche » ou « ligue » – un terme d’usage courant en Libye par exemple. Les congrès, comme celui de Beyrouth, sont l’occasion de faire connaître les actions associatives à des pays qui n’ont pas d’associations.

« Le français est à nouveau enseigné en Libye après plus de vingt ans d’absence. Au Maghreb, le français, langue de la colonisation, est redevenu une langue étrangère – dite “privilégiée” au Maroc. »

Le congrès de Beyrouth a porté sur le livre. Vous enseignez vous-même au Maroc. Quelle est la place de la littérature dans l’enseignement de votre pays? A. B. : Le gouvernement marocain a introduit l’étude d’œuvres intégrales dans les programmes de français au lycée. Des œuvres françaises du xIxe siècle (Maupassant, Balzac…), mais aussi des œuvres marocaines francophones, de Driss Chraïbi, Ahmed Sefrioui, Khaïr-Eddine notamment. C’est une réforme très ambitieuse, d’autant plus que le niveau des élèves est en baisse. L’Association marocaine des enseignants de français a accompagné la réforme. C’est là une de ses missions essentielles, au-delà des activités de publication et d’organisation de rencontres entre enseignants. Propos recueillis par Alice Tillier

Zoom

Le livre au cœur du congrès de Beyrouth Le français dans le monde // n°368 // mars-avril 2010

« Un rêve enfin réalisé! » Ilham SlimHoteit, présidente du comité organisateur, n’a pas ménagé ses mots de joie à l’ouverture du congrès de Beyrouth le 4 décembre 2009: la capitale du Liban, plusieurs fois pressentie, accueillait pour la première fois un congrès de la Fédération internationale des professeurs de français. Deux ans après son premier congrès,

tenu au Caire, la Commission du monde arabe a débattu à Beyrouth du livre en français dans ses différentes dimensions: la lecture, l’utilisation de la littérature en classe, les différents genres (du roman à la bande dessinée en passant par le conte), les nouveaux enjeux du livre numérique… Une façon pour les 240 professeurs

de français venus du Liban, du Maroc, de Tunisie, et d’Égypte – les quatre pays membres de la CMA – mais aussi d’Arabie saoudite, du Soudan, du Yémen ou d’Algérie de célébrer eux aussi l’année « Beyrouth capitale du livre ». Abdellah Baïda, président de la Commission, l’a bien rappelé: « Le livre est au centre de notre combat d’enseignants. » A.T.

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métier // focus

Par Jacques Pécheur

Pour des stratégies

d’apprentissage différenciées

Apprendre une langue est affaire de désir… Pourquoi la pédagogie rime-t-elle si rarement avec le mot « désir »? Jean-Michel Robert : Les besoins langagiers, leur analyse et leur satisfaction ont occupé beaucoup de place dans les années 1970. Avec l’approche communicative puis l’approche actionnelle, on a réhabilité le désir langagier. La volonté d’apprendre une langue ne correspond pas toujours à un besoin et ne doit pas occulter le désir d’apprendre. C’est à la didactique de prendre en compte ce désir et de faire en sorte que l’étudiant ne soit pas confronté à une didactique en dehors de laquelle il n’y aurait ni salut ni acquisition possible. Il y a autant de manières d’apprendre que de manières d’enseigner. Les didacticiens sont-ils les seuls à croire en l’universalité de la didactique? J.-M. R. : C’est hélas assez vrai. Dans les centres de didactique, on a servi aux étudiants le plat unique : approche communicative et, aujourd’hui, approche actionnelle. Les jeunes enseignants n’ont connu que ça et se sont trouvés fort désorientés devant des étudiants chinois rétifs à cette méthode, incapables de leur proposer autre chose, persuadés qu’ils étaient que c’était là la vérité pédagogique à mettre en œuvre. Par ailleurs, leur formation était trop centrée sur la pédagogie et pas assez sur la langue, ce qui les laissait démunis devant certains publics, comme le public slave, qui demandent de passer par la conceptualisation grammaticale.

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© DR

Comment mieux prendre en compte les publics et leurs caractéristiques : nature de leur langue d’origine et culture éducative. Entretien avec Jean-Michel Robert, enseignant et didacticien.

Jean-Michel Robert a enseigné la linguistique et le français langue étrangère en Asie, en Allemagne et en France. Il est actuellement maître de conférences à l’Université d’Amiens (linguistique appliquée et FLE) et membre du Laboratoire d’études sociolinguistiques sur les contacts des langues et de la politique linguistique. Il vient de publier Manières d’apprendre (coll. F, Hachette FLE, 2009).

« Le véritable interculturel est dans la classe, dans la manière d’appréhender le rapport à l’autre. »

La didactique travaille à partir du rapport que les langues entretiennent entre elles suivant qu’elles sont proches ou lointaines. Comment définiriez-vous ces didactiques du proche et du lointain? J.-M. R. : Pendant longtemps, cette distinction n’a pas été faite. La didactique du proche est une didactique de la superposition : ça marche entre les langues d’une même famille, romanes par exemple. Pour un Français qui veut apprendre l’italien, à l’écrit, c’est assez transparent : on bricole le sens et on s’aperçoit que ça fonctionne. Pour les langues lointaines, on repère quelques mots compréhensibles et on construit un système, du plus simple au plus complexe, qui passe par une déconstruction de sa propre langue où l’on juxtapose alors les syntagmes. Ces didactiques d’apprentissage partiel ont mauvaise presse auprès des enseignants qui trouvent que leur rôle est minoré, parce que, pour eux, apprendre une langue c’est apprendre une langue pour communiquer. Le concept d’« inter » (-langue, -culturel, -compréhension, -didacticité) joue depuis trente ans un rôle important en didactique des langues. Est-ce donc là l’alpha et l’oméga de la didactique? J.-M. R. : Parler une langue étrangère, c’est quelque chose d’« inter »… Tous les « inter » n’ont pas la même importance. L’interculturel est partout, mais le véritable interculturel est dans la classe, dans la manière d’appréhender le rapport à l’autre. Dans les travaux de groupe par exemple, Le français dans le monde // n° 368 // mars-avril 2010


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© Image Source/Corbis

à lire

© Corbis

La pédagogie doit prendre en compte la culture éducative de l’autre. Les besoins langagiers ne doivent pas occulter le plaisir d’apprendre.

l’étudiant coréen ou japonais va privilégier le point de vue général à son point de vue personnel, l’étudiant chinois veillera à nuancer, l’étudiant italien ou espagnol s’attachera à faire prévaloir son point de vue dans un souci d’enrichissement du débat. Le véritable interculturel, il est là. Quant à l’interdidacticité, c’est encore un vœu pieux. Pour l’instant, c’est prendre ce qu’il y a de meilleur dans chacune des didactiques, donc établir des passerelles entre elles, qui permettent de respecter les manières d’apprendre et s’y adaptent. Au nom de quel principe interdirais-je à un étudiant japonais ou coréen de traduire un texte en amont ? L’interdidacticité suppose un double travail, en direction de l’apprenant et en direction de l’enseignant. C’est ce que j’appelle aussi une « didactique du compromis ». À une didactique de la différence on substitue aujourd’hui une didactique de la ressemblance. Quelle place reste-t-il à la distance, à l’étrange, à l’inconnu? J.-M. R. : Dans l’approche actionnelle mise en place en Europe, on travaille sur un idéal linguistique qui rapproche. Cette didactique du rapprochement est très politique. On peut même se demander si elle n’est pas purement idéologique. À l’autre bout de la planète, en revanche, on pourra apprendre la langue française uniquement pour la littérature, pour le « radicalement autre ». Il faut qu’il reste une part de ce désir-là dans l’apprentissage. ■ Le français dans le monde // n°368 // mars-avril 2010

THÉORIE ET PRATIQUE DE L’APPROCHE ACTIONNELLE C’est un fait, le CECR a installé l’approche actionnelle et les notions qui vont avec au cœur des choix méthodologiques. Découpé classiquement entre théorie et pratique, L’Approche actionnelle dans l’enseignement des langues, ouvrage collectif publié par Maison des languesDifusión, s’attache à faire le point sur les différentes problématiques attachées à cette notion. Donc, une première partie théorique, qui propose une « lecture de rupture du Cadre » où sont revisitées les notions de compétence « auquel le Cadre donne un nouveau contenu sémantique », d’acteur social envisagé comme « agissant sur et par l’information » ou de tâche, définie comme « scénario d’apprentissage action », le tout placé dans une perspective où l’apprentissage est envisagé comme « une construction progressive de savoirs et de savoir-faire ». Dans la seconde partie, place à la pratique: ici l’ouvrage mobilise les expériences menées en Allemagne, France, Hongrie, Belgique, Grande-Bretagne, pour aborder transversalement les questions d’évaluation, de contextualisation, d’élaboration d’une démarche pédagogique ou d’intégration à la sphère du Web 2.0. À l’arrivée, une contribution qui a l’avantage de réunir chercheurs, responsables institutionnels et praticiens. J. P. FORMATIONS POUR LES MIGRANTS EN FRANCE ET AILLEURS Dans Enseigner le français aux migrants (coll. F, Hachette FLE, 2009), Nolwenn Gloaguen-Vernet propose un panorama historique et actuel du public migrant, jeune et adulte, en France, et un tour d’horizon des politiques linguistiques et des formations pour migrants en Europe et dans le monde. Elle tente ensuite d’identifier les difficultés de mise en route des apprentissages, difficultés tant d’ordre politico-économiques que socioculturelles, identitaires et psychologiques. L’ouvrage s’achève sur des réflexions adaptées aux différents contextes et des propositions de maquettes de formation, d’approches méthodologiques, des référentiels, des formes d’évaluation et des outils de travail. Jean Duverger

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métier // mot à mot

ONDE © Claude Vittiglio/TV5M

Bernard Cerquiglini, éminent linguiste et spécialiste reconnu de la langue française, révèle et explique chaque jour sur TV5Monde une curiosité verbale: origine des mots et expressions, accords pièges et orthographes étranges… Il a aussi accepté de régaler de ses explications gourmandes la curiosité des lecteurs du Français dans le monde. Bienvenue et merci Professeur!

Par Bernard Cerquiglini

Dites-moi Professeur… Question d’emploi

© Beau Lark Corbis, © Bohemian Nomad Picturemakers/Corbis, © Jeffery Titcomb/Corbis

Concert et conserve

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Agit-on de concert avec quelqu’un ou bien de conserve ? Voilà une question habituelle de langue française. Ma réponse est claire : on peut employer les deux. Cela dépend du contexte et du sens. Concert a été emprunté au XVIe siècle à l’italien concerto, signifiant « accord ». Le mot italien et son emprunt ont en français un emploi musical, devenu majoritaire, qui se comprend aisément. Concert garde toutefois son sens premier dans l’expression un concert de louanges (c’est-à-dire des éloges unanimes), dans le verbe

se concerter (c’est-à-dire s’entendre pour agir), et dans la locution de concert. Cette dernière signifie qu’un accord a été conclu, et que l’on agit conjointement en conséquence : « Nous fîmes ces démarches, de concert avec notre avocat. » Conserve, déverbal de conserver, possède des emplois nombreux dans le domaine alimentaire. Il désigne à la fois un procédé de conservation et son résultat: une boîte de conserve, des conserves de fruits ou de légumes. À partir du XVIe siècle, le terme a été utilisé pour un bateau faisant route avec un autre, afin de l’alimenter ou tout simplement pour le pro-

téger. C’est une escorte: ce vaisseau était suivi de sa conserve. D’où l’expression naviguer de conserve, au sens de « suivre la même route », dont on a tiré la locution de conserve. Cette dernière signifie que l’onagitensemble,decompagnie:« Nous fîmes ces démarches, de conserve avec notre avocat. » Nous saisissons la nuance. De concert suppose un accord préalable et une action consécutive; de conserve n’implique pas un tel accord et désigne seulement la compagnie. La nuance est subtile, mais intéressante; sachons la respecter. Des musiciens peuvent agir de conserve, des confiseurs de concert.

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Aux origines de…

Passer à tabac Il est deux mots tabac en français. Le premier est bien connu. Il désigne cette plante dont l’ambassadeur Jean Nicot a protégé la culture. Tabac a été emprunté au xVIe siècle à l’espagnol, qui le tenait lui-même des Indiens Arouaks d’Haïti. Herbe à Nicot a été longtemps utilisé, de même que pétun, emprunté à une langue indienne du Brésil. Ils furent supplantés. L’autre tabac est un déverbal du verbe tabasser. Ce dernier est une forme régionale bâtie sur le radical tabb – ou tapp –, d’origine onomatopéique, et qui signifie « frapper ». Pensons au français taper, au limousin tabastar, à l’ancien français tabuster devenu tarabuster. Tabasser signifie « rouer de coups ». Son déverbal a gardé ce sémantique violent.

Dans l’argot des marins, il désigne une tempête courte et violente : un coup de tabac. Dans la langue du théâtre, il signifie des applaudissements nourris et, par extension, le succès. On disait au xIxe siècle avoir le gros tabac. De nos jours, on fait un tabac. Mais le sens principal et premier de tabac est celui de « bagarre violente ». « Il y aura du tabac cette nuit ! », dit un personnage d’Alphonse Daudet. D’où les locutions construites avec ce mot. Être dans le tabac (dans une situation critique), foutre du tabac à quelqu’un (qu’emploie Vidocq !), enfin passer à tabac qui l’emporte à la fin du xIxe siècle. Le passage à tabac, bien connu des commissariats de police, est un tabassage, une tabassée, dérivés apparus au cours du xxe siècle. Tout cela est bien violent et appartient au vocabulaire de la rixe, de la raclée et des coups. Mais vous ne l’ignorez pas: le tabac nuit gravement à la santé.

Pratique coquine…

Quel beau métier, professeur ! grand sérieux une phrase, dont l’équivoque est La contrepèterie, d’un ancien verbe contrepéter, laissée à la sagacité et à la joie de l’auditeur. échanger (hum…) un son pour un autre, c’est-à- Comme le remarquait un humoriste, la contrepèdire équivoquer, est un art subtil. Il consiste à terie exige que l’on soit trois : un pour la dire, un énoncer une phrase anodine, dont la permutation pour la comprendre, un pour n’y voir que du feu… de quelques sons ou syllabes produit un tout autre « Quel beau métier, professeur ! », ai-je dit. sens. Ce dernier peut être également anodin, ou « Ancien élève du lycée Ampère, passionné de mots grecs et de verbes occitans hérétiques, le aimable, ou légèrement osé. L’ancêtre en fut François Rabelais qui, dans son professeur vante la constitution, les descriptions Pantagruel, nous invita à ne pas confondre les verdoyantes d’Homère, où les filles de Troyes offrent leurs deux joues. » femmes folles de la messe et molles de la fesse. À sa suite, il nous importe de bien distinguer : un Que les chastes oreilles ne s’alarment pas ! C’était solitaire bien mis et un militaire bien sot, un notaire pure pédagogie. Le tout n’était-il pas trop confus ? Allez, prenons attablé et un notable atterré. Mais le résultat obtenu peut être fort indécent. les choses en riant ! Oh ! pardon. Dans ce cas, le contrepéteur énonce avec© Bohemian le plusNomad Picturemakers/CORBIS

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métier // clés

© Lynsey Addario / VII Network / VII

Par­Paola­Bertocchini­et­Edvige­Costanzo­(Italie)

La fiche pédagogique à télécharger sur : www.fdlm.org

La­notion­

de­progression La notion de progression a longtemps été très importante dans l’enseignement des langues, depuis la méthode traditionnelle jusqu’aux méthodes audiovisuelles. Après avoir été « oubliée » par l’approche communicative, elle connaît aujourd’hui un regain d’intérêt.

Paola Bertocchini et Edvige Costanzo sont enseignantes et formatrices. Elles sont les auteures du Manuel de formation pratique pour le professeur de FLE (CLE International).

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l’origine,­la­notion­de progression­concernait l’objet­d’apprentissage : la­ langue.­ Elle­ était fixée­par­les­méthodes et/ou­les­enseignants,­qui­choisissaient­les­éléments,­les­formes­à­faire apprendre­et­leur­distribution­dans le­ temps.­ La­ progression­ pouvait aller­du­simple­au­complexe,­ou­du facile­au­difficile.­Ce­type­de­progression,­appelé­linéaire,­pouvait­se faire­sur­la­base­des­catégories­traditionnelles­de­la­grammaire­normative­(articles­définis­et­indéfinis,­présentatifs,­adjectifs,­noms,­etc.)­ou, plus­tard,­sur­la­base­des­grammaires structurales.­La­progression­lexicale, d’abord­faite­sur­base­thématique, passera­aux­critères­de­fréquence grâce­aux­travaux­sur­Le Français fondamental premier degré (1959). Dans­les­années 1980,­avec­la­diffusion­de­l’approche­communicative, la­notion­de­progression­concerne

À

les­stratégies­et­les­besoins­d’apprentissage­de­l’apprenant :­la­caractérisation­d’« approche »­est­porteuse d’une­ conception­ souple­ de­ l’apprentissage­et­d’une­préséance­du communicatif­sur­le­linguistique.­La progression­est­donc­conçue­« en­spirale » et­peut­être­de­type­fonctionnel. Elle­accompagne­le­concept­d’autonomisation­de­l’apprenant­qui­permet­de­multiplier­les­propositions­de travail­et­de­prendre­en­compte­la­diversité­des­apprentissages. Au­tournant­des­années 2000,­Serge Borg,­reprenant­une­idée­de­Louis Porcher,­parle­de­« polycentrisme ». Pour­lui,­la­notion­de­progression­inclut­ différents­ paramètres­ de l’échange­interactif :­non­seulement l’apprenant,­mais­à­nouveau­l’objet enseigné,­ l’enseignant,­ l’objectif poursuivi,­etc. Aujourd’hui­les­apports­du­Cadre européen commun de référence pour l’apprentissage des langues (CECR)

et,­en­particulier,­son­plaidoyer­pour le­plurilinguisme,­ouvrent­une­nouvelle­voie.­ Des progressions de plus en plus différenciées L’objectif­de­l’approche­actionnelle vise­l’interaction.­Le­but­est­de­faire atteindre­à­l’apprenant­une­compétence « plurilingue et pluriculturelle » et­de­le­rendre­capable­d’activer­une compétence­ communicative­ qui peut­ être­ partielle­ en­ plusieurs langues­ (en­ fonction­ des­ besoins et/ou­motivations)­et­comprendre les­ éléments­ culturels­ dont­ toute langue­est­porteuse.­Aux­activités

Selon le CECR, le terme « progression » renvoie aux progrès accomplis, non à la présentation ordonnée de la matière à enseigner.

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© Lynsey Addario / VII Network / VII

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Les six niveaux de compétences définis par le CECR (de A1 à C2) permettent de mesurer les progrès à chaque étape de l’apprentissage. LE NIVEAU A1 SELON LE CECR

Le Cadre européen commun de référence (CECR) dresse la liste des compétences à acquérir.

« Peut comprendre et utiliser des expressions familières et quotidiennes ainsi que des énoncés très simples qui visent à satisfaire des besoins concrets. Peut se présenter ou présenter quelqu’un et poser à une personne des questions la concernant – par exemple sur son lieu d’habitation, ses relations, ce qui lui appartient, etc. – et peut répondre au même type de questions. Peut communiquer de façon simple si l’interlocuteur parle lentement et distinctement et se montre coopératif. » n

communicatives qui caractérisaient les approches précédentes, on ajoute les activités d’interaction sans hiérarchie dans l’ordre des tâches de réception et de production. Les six niveaux de compétences définis par le CECR (de A1 à C2) permettent de mesurer les progrès à chaque étape de l’apprentissage et sont aujourd’hui à la base de toute épreuve utilisée pour les certifications. Chaque niveau comprend une liste de compétences à acquérir. Elles peuvent être sélectionnées et choisies pour construire des progressions différenciées, selon le type de langue (L1, L2 ou L3).

Bibliographie n Beacco, J.-C., « Le DELF et le DALF à l’heure

européenne, influence du CECR sur les programmes et les dispositifs d’évaluation », Le Français dans le monde n° 336, CLE International, décembre 2004 (www.fdlm.org/fle/article/336/beacco.php). n Borg, S., La Notion de progression, Didier, coll.

Studio Didactique, Paris, 2001. n Chauvet, A., Référentiel pour le cadre européen

commun, Alliance Française/CLE International, Paris, 2008. n Coste, D., Véronique, D. (coord.), La Notion de

progression, coll. Notions en questions, n° 3, Paris, ENS Éditions, 2000. n Klein, W., L’Acquisition de langue étrangère,

Armand Colin, Paris, 1989.

Il s’agit de prendre comme point de départ la description globale de ces compétences et de les répartir ensuite selon les différentes activités langagières : réception orale, réception écrite, interaction orale, production orale en continu et production écrite. De nouveaux outils, comme Le Référentiel des contenus d’apprentissage du FLE en rapport avec les six niveaux du Conseil de l’Europe, à l’usage des enseignants de FLE sont maintenant à la disposition de l’enseignant pour l’aider « à déterminer un niveau de compétence par rapport aux contenus d’apprentissage repérés dans les documents et activités des manuels à sa disposition ». Cet ouvrage propose des fiches, des savoir-faire, des actes de parole, des contenus linguistiques (grammaire et lexique) et des contenus socioculturels à exploiter. L’exemple donné dans l’introduction précise : « Pour maîtriser le savoir-faire “écrire une carte postale simple et

brève” (niveau A1), l’apprenant devra pouvoir utiliser les actes de parole “saluer”, “demander des nouvelles”, “dire la date”, “localiser une ville ou un pays”, “dire le temps qu’il fait” […] Pour cela l’apprenant a besoin de connaître le présent de l’indicatif de quelques verbes, l’emploi des adjectifs et de quelques adverbes de lieu et de temps […] mais aussi du lexique relatif aux pays, villes, vacances, climats […] ainsi que les rituels de la lettre amicale. » Et c’est encore le CECR qui dit que des tableaux comme ceux que l’on vient de présenter ici, en décrivant les compétences des apprenants selon une série de niveaux successifs, sont essentiels pour « représenter ou piloter la progression des apprenants de langue », là où le terme progression n’est pas donné comme présentation ordonnée de la matière à enseigner, mais plutôt comme progrès accomplis, capital dans ce que Wolfgang Klein appelle « l’impulsion à apprendre ». n

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métier // zOOM

Par Hakim (Algérie)

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Le bombyx

et les papillons

Algérie, première année moyenne. Travail sur un récit mettant en scène deux papillons. Le mot est inconnu des élèves…

u moins aujourd’hui, je n’ai pas grand-chose avec les gosses, me suis-je dit un matin d’octobre, où le temps indécis et l’air frais me donnent un peu l’envie de garder le silence plutôt que de parler en classe. Hakim enseigne en Algérie, C’est bien de l’écriture que où l’apprentissage se base je dois faire à ces petites têtes de première année sur la pédagogie de projet. moyenne. De l’écriture. Ils ne vont rien écrire, ou presque. La première séquence du premier projet ne leur apprend qu’à distinguer les moments d’un récit, à connaître le ou les personnages… Pas grandchose, non ? Enfin…

A

« Entrez ! − Bonjour m’siou ! Bandjour m’siéé ! Baaanjor m’sieuuu !… » Remue-tables et chaises… Silence… − Asseyez-vous…

« J’ai préparé mon armée d’idées, de gestuelle, de grimaces. Devant l’incompréhension des termes, mon armée doit intervenir. […] Ma classe a compris l’histoire, et moi, bombyx solitaire, circulant dans les rangs, je m’adressai à mon auditoire de Zigs et de Zags. »

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Les petits yeux, impatients dans leurs orbites, ne finissent pas de bouger, de regarder. « Bon ! dis-je. Aujourd’hui, nous allons lire une petite histoire puis nous allons travailler, un peu ensemble, un peu vous tous seuls, la compréhension et surtout le découpage en : situation initiale, évènements et situation finale. OK les gars ?? − Oué m’siéé !! » Allez hop ! Le livre à la page 26 et « Zig et Zag ». Un petit bruissement et les élèves s’enfoncèrent dans leurs livres, avec quelques retardataires qui le cherchaient encore dans leurs cartables… Après tout, un petit texte, ça fera l’affaire. Je ne vais pas trop me fatiguer. Mais voilà que je me suis trouvé devant une situation un peu embarrassante pour moi. Les petits yeux lisent, mais je ne crois pas qu’ils vont comprendre tout de suite l’histoire… Le voici, le fameux « Zig et Zag » : « En ce temps-là, les papillons volaient en ligne droite. Mais un jour, Zig, un petit papillon, aima Zag, une très belle dame papillon. Or Zag n’aimait pas Zig ; alors elle se mit à voler de droite à gauche et Zig essaya de la suivre. Et c’est depuis ce temps-là que les papillons zigzaguent. » À première vue déjà, l’histoire est basée sur une chose délicate, que je ne suis pas obligé de faire savoir aux gosses mais, vieil intentionné que je suis, je vais quand même poursuivre. C’est une question de pédagogie et non d’éducation familiale, sociale ou… (hum !) Pour ce faire, j’ai préparé mon armée d’idées, de gestuelle, de grimaces. Pourvu que le cours aboutisse. Le français dans le monde // n° 368 // mars-avril 2010


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Mes enfants ne savent même pas ce que c’est que « papillon », alors comment voulez-vous qu’ils aillent vivre une aventure de ces insectes ? « Les papillons volaient en ligne droite », ça c’est simple. J’ai tracé sur le « magique »1 une ligne en pointillés, esquissé deux papillons. Les enfants ont tout de suite compris, ils se sont rattrapés : « Ah ! Boufertettou2… » − Et qui vole, surtout, en ligne droite ? − Mssiéé ! Les oiseaux ! − Très bien ! Hé ! Mais, les papillons, est-ce qu’ils volent maintenant en ligne droite ? − Non, m’sieu… − Qui peut me dire pourquoi ? Allez, lisez, vous allez le savoir… , dis-je, avec un clin d’œil. Les têtes me regardaient, incapables de répondre, d’autres s’enfonçaient encore dans leurs livres pour y rester, pris par la curiosité de l’histoire. − Alors les gars ? Zig aimait Zag… mais Zag n’aimait pas Zig… Devant l’incompréhension des termes, mon armée doit intervenir. Sur un côté du tableau, j’ai dessiné un Zig, un peu plus loin une Zag. Une pre-

lexique

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Le bombyx est une sorte de papillon qui tisse un cocon de soie quand il est à l’état de larve (ver à soie).

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mière flèche va de Zig vers Zag et, au milieu du parcours de la flèche, un cœur en rouge. C’est juste à ce moment précis que les enfants étouffèrent leurs rires. Ils ont compris. De mon côté, j’ai improvisé un rictus de complicité leur faisant comprendre ma satisfaction. « Mais Zag n’aimait pas Zig ». Une deuxième flèche va de Zag vers Zig. Les gars attendaient avec impatience et intérêt le fameux cœur… Je l’ai fait et l’ai barré d’une croix. Les filles étouffèrent alors leurs rires et cachèrent leurs visages ; les garçons rirent tête levée. Les deux camps échangè-

rent des regards tout en rires étouffés. Ma classe a compris l’histoire, et moi, bombyx solitaire, circulant dans les rangs, je m’adressai à mon auditoire de Zigs et de Zags : « Ça va maintenant ? Vous avez compris ? − Oué m’siéé !! − Bon, et maintenant, prenez votre crayon et marquez les trois moments de l’histoire, directement sur votre livre. » Les personnages de l’histoire, eux, mes mômes les connaissent maintenant, à les voir se regarder en riant. ■ 1. Tableau où l’on écrit au marqueur. 2. Papillon, en arabe.

extrait La vie diverse des écoliers C’est un album-photo d’enfants du monde entier : cartables au dos, sur le chemin de l’école – dans un bus scolaire jaune américain ou un rickshaw indien –, apprenant le calcul et la calligraphie dans une salle de classe en dur, au pied d’un baobab ou sous une tente nomade, jouant dans la cour de récréation puis rentrant chez eux… Légendes, textes et témoignages complètent ce tour du monde, qui dresse, pays après pays, le tableau de la situation scolaire (taux d’alphabétisation et de scolarisation, systèmes scolaires, langues d’enseignement) et, audelà, des conditions de vie des enfants. En contrepoint : les enfants obligés de travailler, les enfants-soldats, les enfants de la rue, ou encore les écoles clandestines. Une belle illustration de la diversité de la vie des écoliers avec, à l’arrière-plan, les politiques internationales en faveur de la scolarisation. Alice Tillier Le français dans le monde // n°368 // mars-avril 2010

« L’école se trouvait à 15 minutes à pied de la maison. […] La façade du bâtiment principal, de trois étages, faisait plus penser à une résidence particulière qu’à une école. Par temps sec, il fallait que le gardien “arrose” la terre de la cour pour qu’elle ne soit pas trop poussiéreuse pendant les séances d’éducation physique. Les élèves devaient porter un tablier, dont la couleur était particulière à chaque école, ainsi que l’écusson cousu – le nôtre représentait un pélican, notre emblème. […] Je revois le tableau noir, sur lequel on écrivait à la craie, l’éponge trempée dans un petit seau d’eau pour effacer. À part quelques livres édités à Madagascar, les manuels appartenaient à l’école, et on payait un abonnement à la rentrée pour pouvoir les emprunter pour l’année scolaire. »

Pierre Chavot, Écoliers du monde, Glénat, 2009, p. 77.

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métier // innovation

Par Bruno Marchal (Thaïlande)

Microblogue Un outil d’interaction quasi simultanée entre apprenant et enseignant La téléphonie et l’Internet mobile permettent aujourd’hui de garder un contact direct avec ses apprenants et de leur faire partager de nombreuses ressources immédiatement exploitables, consultables à tout moment, échangeables à volonté et rapprochant les personnes qui veulent parler la même langue, en toute simplicité.

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e microblogue, parfois appelé miniblogue, produit type du Web 2.0, permet de publier des textes type « carnet de voyage » ou « journal intime » sous un format très court puisqu’ils ne dépassent pas 200 caractères et, surtout, sans titre. On peut les agrémenter des mêmes produits scripto-visuels et iconiques (images fixes ou animées) que le blogue. Mais l’intertextualité entre les messages de l’auteur, par des hyperliens de navigabilité d’un message à l’autre, sont très limités, voire nuls. De fait, l’instantanéité des messages et des commentaires fait que leur inscription sur la page principale de lecture dure très peu de temps. L’objectif des microblogueurs n’est pas réellement de partager ses connaissances mais de partager « avec » ses connaissances ou toute personne inscrite dans le carnet d’adresses, ou « amis » relatifs… Le possesseur d’un compte sur un réseau social de microblogue de type Facebook, Twitter, MySpace ou Hi5, reçoit en effet en permanence un flux d’informations sur sa page principale mais aussi dans sa boîte électronique.

L

Chaque activité de ses « amis » ou connaissances donne lieu à l’envoi d’une notification de commentaire par message électronique. Chacun est ainsi informé en temps réel d’un dépôt de message personnel ou partagé par la communauté du réseau constitué. De même, chaque souscripteur peut également s’abonner à un groupe de discussion. Il est tout

Le microblogue: des textes type « carnet de voyage » ou « journal intime » de 200 caractères, sans titre. aussi possible de devenir « fan de », autrement dit un acteur de diffusion en réseau d’une information sur un outil, un produit, une référence culturelle, commerciale, voire politique. Le microblogue n’est donc pas une affaire de spécialistes et ne laisse pas le temps de la réflexion. C’est un outil d’interactions, réactives et instantanées. De ce fait, il rebute l’enseignant qui a l’habitude de préparer son discours, de choisir ses mots, de peser le pour et le contre.

Pourquoi utiliser ce nouveau type d’interactions ? On sait que notre époque oblige à faire des choix rapides, immédiatement identifiables et utilisables qui reflètent le quotidien, les humeurs du moment. Quoi de plus authentique en effet que d’écrire sur son portable ou son mobile deux ou trois phrases que nous inspire le cadre où nous vivons, comme d’autres ont pu le faire autrefois sur des petits cahiers brochés… Et pourtant on s’aperçoit que les apprenants lisent consciencieusement de moins en moins, ou plutôt ils lisent – survolent plus exactement – des pages et des pages sur Internet. Le microblogue permet au moins une compréhension écrite plus ciblée et une expression et une interaction écrites immédiates. On peut s’interroger sur la qualité de l’écrit et sur l’absence de correction, mais il paraît évident que cette diffusion de messages scripto-visuels sans complexes incite à la lecture et à l’écriture. À l’enseignant ensuite de trouver et de mettre en place les moyens de remédiation. Comment l’enseignant peut-il intervenir ? À l’usage d’une plateforme et

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Outil immédiat, instantané, le microblogue rebute a priori l’enseignant qui a l’habitude de préparer son discours.

d’un réseau communautaire, on s’aperçoit très vite que les échanges faits sur ce type de plateforme sont d’ordre ludique, descriptif ou bien commentatif : il s’agit donc d’adapter la pédagogie à ce type de réseau social, ses usages, ses fonctionnalités, ses outils de communication et de dépôt de documents. La nécessité d’un tutorat Première nécessité : introduire un suivi d’activité, appelons-le « tutorat » puisque nous sommes tout de même sur une plateforme, suivant un modèle proactif. Autrement dit le tuteur se doit de créer en amont du processus d’apprentissage les ressources, les consignes explicatives, les médiations et remédiations. Il peut ainsi fournir un ensemble de ressources en FLE dans la création de pages ou de notes associées à son profil contenant des liens, illustrations scripto-iconiques, tout ce qu’il juge nécessaire à un apprentissage de la langue. Ces notes ou pages ont l’avantage de rester visibles en un clic à partir du menu, au contraire des messages, qui eux, disparaissent rapidement au fur et à mesure que

les commentaires sur les messages apparaissent. Deuxième nécessité : rendre le lieu d’échanges sympathique, coloré, actif et ludique. Les apprenants et les humeurs sont très versatiles. Chacun décide quand il se montre. Pour intéresser et « taguer », donc créer une chaîne cognitive, il s’agit de mimer le comportement de ce type d’internaute, c’est-à-dire prêt à se connecter à n’importe quel moment de la journée (ou de la nuit), depuis un ordinateur ou un téléphone mobile. Un exemple d’intervention : la possibilité de création, simple et rapide de miniquiz, sous forme de jeu interactif. On utilise dans cas une micro-application ou widget très facile à mettre en place et à utiliser, qui permet d’entretenir une interaction directe avec ses « amis » ou connaissances. On peut de

Bruno Marchal est professeur au département de français de l’Université Thammasat à Bangkok.

On distingue le « suivi d’activité proactif, qui correspond à des interventions de l’enseignant/tuteur de sa propre initiative et celles qui répondent à une demande des apprenants, ou suivi réactif ». Daniel Peraya (Université de Genève)

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même utiliser les techniques publicitaires propres à l’industrie du cinéma – le teasing – ou aguichage associé à des bandes-annonces qui entretiennent l’envie de savoir. Comme il n’existe pas de téléchargement direct de vidéos (trop gourmand en octets sur les serveurs des réseaux), on doit associer ses messages de liens sur des blogues personnels ou non, qui permettent la diffusion de vidéos intégrées dans une page avec plus de contenu textuel. Le va-et-vient entre les deux systèmes de médiatisation des savoirs se fait facilement : nombre de blogues comportent des marqueurs de pages qui se placent automatiquement sur le mur d’informations du réseau social choisi. Troisième nécessité : se servir des ressources de son propre réseau ou du réseau social choisi afin de compléter l’interaction et susciter l’inscription de nouveaux « amis ». L’avantage d’un « mur » d’échanges est d’être visible par un ensemble communautaire d’abonnés mais aussi, si l’on choisit cette option, par les amis de ses amis, ou le public des internautes en général. Tout dépend de l’objectif pédagogique pressenti.

Facebook, Twitter, MySpace… Autant de réseaux sociaux qui permettent des microblogues.

La construction des savoirs ne se fait plus in cathedra mais par l’interaction avec ses pairs, dans un environnement virtuel, social et culturel, au travers d’un écran. L’enseignant met à disposition de l’apprenant de FLE les éléments nécessaires à l’ossature de son savoir. Il devient un guide, à la fois tuteur et médiateur. ■

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métier // reportage

« J’ai vraiment apprécié la cuisine française, en particulier l’aligot, spécialité de Millau. » (Rafaëla) « J’ai beaucoup aimé la tour Eiffel et les jardins du Luxembourg. Et à Millau, j’ai adoré tout, tout, tout ! » (Andrik)

Un rêve de France, Grâce à la volonté et aux efforts d’une professeure de français, de jeunes Brésiliens de l’État de Rio découvrent la France depuis plus de treize ans. La sixième édition du « Projet France – Un rêve » a fait voyager ces apprenants entre Millau et Paris. Reportage.

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«J

e ne reviendrai qu’avec des élèves!», s’était promis Ana Teresinha Miranda dos Guaranys lors de son premier voyage en France en 1991. Dix-huit ans plus tard, cette professeure de français a de nouveau tenu son pari, et pour la sixième fois: une quarantaine de jeunes Brésiliens sont venus entre octobre et novembre 2009 passer un mois en France dans le cadre du « Projet France – Un rêve ». Venus de Campos dos Goytacazes, dans l’État de Rio de Janeiro, ils ont sillonné la France pendant un mois, entre cours en province et visites culturelles à Paris. C’est en 1996 que la première édition du « Projet France – Un rêve » a pu avoir lieu. Sans aucun apport financier autre que celui des parents et de la communauté lycéenne et des amis, Ana Teresinha se bat pour faire

découvrir la France à ses apprenants de français. Cette année-là, les jeunes sont accueillis dans la ville de Montmorillon, grâce à l’aide de Pierre Brugier, professeur de portugais au lycée Jean-Moulin. Après ce coup d’essai couronné de succès, les voyages se succèdent en 1999, 2002, 2003 et 2006 dans un établissement toulousain et avec le soutien d’une autre enseignante de portugais, Monique Najar. Danse et vieux châteaux Pour cette sixième édition du « Projet France – Un rêve », les Brésiliens ont tout d’abord partagé pendant deux semaines le quotidien de leurs correspondants de Millau, toujours dans le Sud-Ouest de la France. Avec le relais d’une enseignante de portugais, Martine Barrué, ils sont hébergés par des familles des élèves du lycée Jean-Vigo, vont en cours avec

eux et leur offrent même une démonstration de danse frevo, en costume, s’il vous plaît ! Et les jeunes Brésiliens de s’étonner des différences entre le lycée dans leur pays et les cours en France : « La relation entre professeurs et élèves n’est pas du tout la même, relève Thiago. Par exemple, au Brésil, ce sont les professeurs qui changent de salle, en France ce sont les élèves. Et je trouve qu’ici il y a beaucoup de pauses !… », lance le jeune homme en souriant. Plus sérieusement, Lucas renchérit : « Ici, il y a des cours d’économie et de philosophie. Nous n’avons jamais eu ces cours au Brésil, c’est intéressant. » Tous semblent enchantés par leur séjour à Millau, comme le note Lucas : « Millau est une petite ville où les gens sont très sympathiques, ils m’ont appris beaucoup de choses. J’ai adoré le village historique, le château et tous les monuments. Avant, j’avais une image

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Par Sébastien Langevin « C’était magnifique de voir Mona Lisa ou la Vénus de Milo au Louvre, les impressionnistes et l’exposition Van Gogh au musée d’Orsay. Et l’architecture de Paris est très jolie. » (Byron)

« Paris est très beau: Notre-Dame, le Sacré-Cœur, les jardins du Luxembourg en automne, voir Paris de haut en montant sur la tour Eiffel… Découvrir Paris sur les bateaux-mouches, c’était bien aussi, mais il faisait froid. J’ai aussi trouvé amusant d’aller à Disneyland. » (Byron)

de Rio à Millau « J’ai appris de nouvelles expressions comme “Je kiffe”, “C’est trop de la balle”, “C’est chou” ou “Toubib” » (Mylena)

« L’accueil des familles à Millau était vraiment très chaleureux : un grand merci ! » (Luis-Paulo)

de la France où tout va très vite : Paris est vraiment comme ça... » Après avoir passé deux semaines dans le SudOuest, le groupe a pris la direction de Paris, où le programme n’est pas moins chargé. Visites des lieux touristiques et culturels de la capitale, de Notre-Dame à Disneyland, en passant évidemment par Versailles ou la tour Eiffel. Voyages et vocations Pour la plupart en classe de première et de terminale, ces apprenants de français ont dû mériter ce voyage. Cela fait trois ans qu’ils passent dimanches et soirées à travailler tout spécialement pour préparer ce mois en France ! Mais le jeu en vaut la chandelle, explique Ana Teresinha : « En plus de l’apprentissage purement linguistique et culturel, ces jeunes grandissent, ils murissent ici. Ce voyage leur apporte une très grande ouverture. Ces échanges sont particulièrement importants pour eux, d’autant plus que c’est l’année de la France au Brésil. » Ce sixième « Projet France – Un rêve » a reçu une aide importante du Secrétariat à l’éducation de l’État de Rio ainsi que le soutien financier du consulat de France. Le voyage s’inscrit dans une réelle démarche pédagogique et les jeunes sont très suivis durant tout le séjour. Chacun doit ainsi faire un rapport quotidien sur ses activités. Et les résultats sont là, sur le long terme. Suite au voyage de 1999, un étudiant est devenu professeur de français, et deux étudiantes venues en France en 2003 vont bientôt recevoir leur diplôme de français. Parmi les jeunes présents cette année, Marcus veut préparer un master en pharmacologie en France. Alain, lui, accompagnateur cette fois-ci, dit avoir été influencé par sa participation au « Projet France – Un rêve » en 2006 pour, peut-être, préparer un diplôme de tourisme en France. De belles récompenses pour Ana Teresinha, et une nouvelle preuve que non seulement les voyages forment la jeunesse mais suscitent aussi des vocations! n

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métier // savoir-faire © P. Ettefagh

Une dizaine d’alpinistes iraniens apprennent le français de la haute montagne à Téhéran. Objectif: une ascension franco-iranienne dans l’Himalaya en 2012.

Par Nadia Khosraviram et Pejmann Ettefagh (Iran)

as le temps de chercher ses mots quand une avalanche se déclenche ou qu’un compagnon de cordée glisse, il faut réagir très vite et pouvoir communiquer avec les autres. La montagne ne pardonne pas. C’est ce défi qu’a dû relever l’équipe franco-iranienne d’alpinistes qui s’est

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Le français de la haute mont a

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constituée pour faire l’ascension du Karakorum, dans l’Himalaya, en 2012. Si un anglais de base peut servir de langue de secours, la connaissance de la langue de l’autre évite les contre-sens et peut faire gagner un temps précieux ! La coopération entre alpinistes français et alpinistes iraniens n’est pas nouvelle. Les Français furent les pionniers de la découverte géographique et géologique de la haute montagne iranienne au xIxe siècle. De nombreux Iraniens ont été formés à l’École nationale de ski et d’alpinisme de Chamonix. Parmi eux, Kazem Gilanpour, fondateur de l’alpinisme en Iran dans les années

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1950. À la même époque, un grand nombre d’alpinistes savoyards ou lyonnais ouvrent des voies dans les massifs iraniens. À l’origine de cette nouvelle coopération et de ce projet d’ascension himalayenne, la rencontre d’Ebrahim Nowtash et de Jean-Pierre Frésafond. Le premier, Iranien installé en France depuis une vingtaine d’années, était membre du club de montagne iranien Arash. Le second présidait le Groupe de haute montagne du Club alpin français. En septembre 2008, un protocole de coopération est finalement signé entre la Fédération iranienne de la montagne et le Club alpin français. Des rencontres ont lieu trois ou quatre fois par an, tant en France qu’en Iran. Le projet d’ascension commune voit le jour. La mission Sport du service culturel de l’ambassade de France en Iran, interpellée dès 2007, propose alors aux alpinistes iraniens une initiation au français. Les cours, subventionnés, sont confiés à l’Institut français de Téhéran et un enseignant se spé-

cialise dans le vocabulaire de la haute montagne et les techniques d’alpinisme. Depuis, une dizaine d’alpinistes iraniens suivent un atelier spécifique.

LE VOCABULAIRE DE LA HAUTE MONTAGNE ■ Des éléments topographiques: sommet, cime, crête, replat ■ Des termes techniques: face Nord/Sud, dénivelé, couloir neigeux, trace ■ Des termes liés à la sécurité, à aborder en priorité: hors-piste, sauveteur, GPS ■ Mais aussi altitude, chemin, sentier, itinéraire, installation du camp…

Récits et mises en situation Les premiers cours – une vingtaine d’heures au total – ont porté sur l’apprentissage du français général. Dans un second temps, la formation s’est tournée vers l’apprentissage d’un français spécifique à la haute montagne. Point de départ : le récit des expériences professionnelles vécues récemment par les apprenants, comme la mort d’un compagnon de cordée dans une avalanche et la constitution d’une équipe de sauveteurs. L’idée est de travailler sur les évènements-situations rencontrés le plus fréquemment. Ces récits, faits dans un premier temps à l’oral, sont ensuite mis par écrit, par groupes de deux, pour permettre le réemploi des termes techniques tout juste appris. L’exercice donne lieu à une autocorrection,

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© Afshin Yousefi

© DR

© Fressinier

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t agne à Téhéran chaque élève corrigeant la copie du voisin. Puis la classe, s’inspirant de chaque texte, écrit, sous la conduite de l’enseignant, un texte définitif. Autre exercice : des mises en situation, pour travailler le sens de l’orientation ou la lecture de cartes. Les scenarii imaginés sont figurés au sol, un apprenant a les yeux bandés, un second doit le guider, en utilisant des verbes à l’impératif (« tourne à droite », « à gauche », « fais un grand pas »). Ces exercices ont le mérite de faire oublier aux apprenants, pris au jeu, le caractère ardu des règles grammaticales! Une difficulté s’est cependant présentée au cours de la formation : comment introduire les termes de l’orientation dans un pays où les cartes topographiques proprement dites n’existent pas ? L’enseignant a donc eu recours aux connaissances de terrain des apprenants: chacun a, à son tour, représenté au tableau un paysage, en y faisant figurer reliefs, altitudes, cours d’eau et autres points remarquables. D’autres exercices se

sont basés sur la comparaison des géographies des Alpes et des massifs de l’Alborz et du Zagros, des situations en altitude en France et en Iran. Une motivation forte La motivation des Iraniens est bien là. L’objectif est d’atteindre un niveau de communication performant, pour faire face aux nécessités de l’alpinisme, aux parcours difficiles et parfois dangereux et à l’isolement relatif des alpinistes, qui réclame une bonne entente. Un niveau qui ne peut être atteint qu’avec un minimum de 200 heures. Même si les cours s’étalent sur une longue période puisque les apprenants doivent régulièrement s’absenter pour raisons professionnelles, la motivation reste forte: certains ont même commencé à préparer le TCF (Test de connaissance du français). L’engagement de l’enseignant y est pour beaucoup. Il participe à certaines courses de montagne et aux différents stages franco-iraniens organisés en Iran : initiation aux tech-

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Les équipes francoiraniennes à Sangesar/Semnan (Iran), 2009. Rencontre franco-iranienne aux Deux-Alpes, janvier 2010. Stage d’escalade, Iran, 2007.

À SAVOIR Le TCF est un test officiel d’évaluation du niveau de français, organisé par le Centre international d’études pédagogiques, créé en 2002. Reconnu par les ministères français impliqués dans la sélection des étudiants étrangers souhaitant poursuivre des études supérieures en France, il a été adopté par de nombreuses institutions étrangères et internationales. ■

Nadia Khosraviram est directrice des cours à l’Institut français de Téhéran, où Pejmann Ettefagh anime l’atelier « Le français de la haute montagne ».

niques d’escalade sur glace, échanges d’expériences en matière de techniques de grimpe, d’informations, autant d’occasions de faire travailler les alpinistes (« Ce que j’ai aimé… », « Ce qui m’a surpris… », « Ce que j’ai découvert… »). Cette intégration de l’enseignant au sein de l’équipe lui a permis de prendre conscience au mieux des besoins et des priorités de ces professionnels apprenants. Mais en marge de l’alpinisme, il reste un facteur de motivation essentiel : l’attrait de la culture française et le désir de maîtriser la langue pour pouvoir communiquer dans tous les pays francophones. D’où les échanges de lettres ou de courriers électroniques et la création de blogues ! Forts du vécu de leurs prédécesseurs, une vingtaine de nouveaux apprenants se sont déclarés intéressés par ce type d’apprentissage du français. Un petit lexique français-persan/ persan-français à l’usage des alpinistes est actuellement en cours d’élaboration à l’Institut français. ■

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métier // ressources Certification

Lecture

Pour mieux comprendre et préparer le DELF

Fiction et classiques en français facile

Le CIEP et les éditions Didier proposent un ensemble de quatre ouvrages avec CD (Réussir le DELF scolaire et junior) qui informe, conseille et entraîne les apprenants scolaires et juniors en vue de les préparer au DELF. Pour chaque compétence, une page introductive explique le descripteur du CECR, de manière simple et adaptée au niveau linguistique des élèves. De petits encarts accompagnent les premières activités dites « guidées » ou « de sensibilisation » qui permettent aux élèves de se familiariser avec les types de documents, les tâches à réaliser et les stratégies possibles pour les exécuter. Des activités variées sont ensuite proposées dans les quatre compétences, chacune suivie d’une fiche d’auto-évaluation. Chaque ouvrage s’achève sur une épreuve blanche du DELF. Un dossier culturel fourni (la vie quotidienne, une année en France, la vie publique, professionnelle, etc.), avec de nombreux documents écrits et iconographiques, complète chacun des niveaux. Un matériel riche, présenté de manière claire, qui devrait aider les élèves à comprendre le fonctionnement du DELF et les initier à des formes efficaces d’apprentissage. ■ C. P.

En 2420, Luke, Marc et Mina vivent sur une terre sans oxygène et tentent de découvrir ce que peuvent bien être d’étranges objets découverts dans un coffret remontant à l’année 2008. En 1872, Phileas Fogg, accompagné de Passepartout, s’embarque pour un tour du monde en 80 jours. Ce sont les personnages que l’on peut découvrir dans cette collection rénovée LFF-Lire en français facile (Hachette), d’une quarantaine d’ouvrages (niveaux A1 à B1) qui regroupe maintenant « Fiction » et « Classique ». Chacun des récits est accompagné d’un CD qui permet d’écouter l’histoire dans sa totalité. Une aide lexicale au fil du texte et une série d’activités variées guident la compréhension. Les « classiques » comportent aussi un dossier sur l’auteur et le contexte littéraire et historique. À lire ou à écouter, à comprendre puis à discuter, en autonomie ou en groupe, ces récits offrent de multiples entrées pour un apprentissage motivant du français. ■ C. P.

Civilisation

Devinettes culturelles Voilà un matériel original qui, avant de plaire aux élèves, séduit déjà l’enseignant. Tu donnes ta langue au chat ? de Marie-Laure Lions-Olivieri et Gilles Castro (édité par le Scéren), ce sont 35 devinettes culturelles (de A1 à B2) pour installer ou approfondir les connaissances sur ces évènements, personnages ou objets, petits ou grands, qui constituent l’arrièreplan discret mais bien présent des échanges quotidiens des Français. L’écureuil dans l’imaginaire français,

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c’est bien sûr la Caisse d’Épargne. Le cinéma ? Les frères Lumière et le Festival de Cannes. Et que signifierait « la petite madeleine » sans le souvenir de Proust enfoui dans un coin de notre mémoire ? Sur une première page apparaît la devinette que l’enseignant fait écouter aux élèves. Accompagnée d’indices iconiques ou sonores, celle-ci revêt des formes très diverses, autoportrait, petite annonce, dialogue dont il faut deviner le protagoniste principal (le petit co-

chon tirelire téléphonant affolé au commissariat parce qu’on veut le casser et le vider est un joli moment d’humour). La seconde page, « Pour en savoir plus », apporte l’information culturelle qui entoure l’objet ou l’évènement, et que l’enseignant explique aux élèves quand a été dévoilée la devinette. Ce petit fascicule + CD, à l’information simple et au graphisme séduisant, entraîne les élèves dans d’originales activités orales et écrites. ■ Chantal Parpette

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34-35 METIER RESSOURCES BAT_230X270 02/03/10 21:05 Page35

Numérique

Livres électroniques Voici venu le temps de la dématérialisation des supports. Romans, journaux et magazines passent au numérique. Depuis deux ans, le nombre de fabricants qui, avec l’e-reader, se sont lancés dans la course au livre numérique a explosé : les pionniers comme Sony sont désormais talonnés par Asus, Apple, Samsung ou d’autres encore. L’enjeu : conquérir les nouvelles générations nées avec une souris à la main, de moins en moins sensibles au grain et à l’odeur du papier fraîchement imprimé. Sous sa forme traditionnelle, le livre électronique, ultra-plat et portable, tient dans un sac ou encore mieux dans une poche. Pour les alimenter, les sites proposant des téléchargements de livres gratuits prolifèrent sur la toile.

© Marc Abel / Picturetank

Quelle valeur ajoutée? Les réticents évoquent une lecture plus lente et morcelée due au temps de chargement des pages, des difficultés de mémorisation chez l’utilisateur, un prix encore trop élevé pour les nouveautés. Cependant, les convaincus vantent sa facilité de transport (taille et poids réduits), la possibilité de lecture de formats variés issus de traitements de textes, de prise de notes et d’un grand confort de lecture lié à l’encre électronique. Les nouveaux modèles attendus en 2010 (l’iPad d’Apple ou l’Eee Reader d’Asus) offriront la couleur, le son, la vidéo, une connexion 3G sur un écran tactile nettement plus grand. Interactifs et attractifs, les livres électroniques s’ouvriront aux magazines illustrés, bandes dessinées… et méthodes de langue. Et le FLE? Les méthodes de FLE numériques ont fait leur entrée dans le paysage éditorial via le TBI (Tableau blanc interactif). Les éditeurs du domaine (CLE, Didier, Difusión, Hachette) proposent désormais des manuels en version numérique pour la classe avec des fonctionnalités attractives supplémentaires (accès direct aux documents sonores et vidéos, création de liens hypertextes, etc.). Ils parient sur une augmentation rapide des ventes des livres électroniques et sans doute un nouveau marché pour l’édition. ■ Nina Gourevitch et Flore Benard (Alliance française Paris-Île-de-France)

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Le livre électronique, ultra-plat et portable, tient dans un sac ou encore mieux dans une poche.

Des livres à télécharger Des sites gratuits tels que www.ebooksgratuits.com proposent des ouvrages libres de droits et en plusieurs formats. C’est aussi le cas de www.livrespourtous.com qui offre une bibliothèque plus vaste. Google a mis en place également un nouveau service, sur le même principe : www.google.fr

EN SAVOIR PLUS Le site de l’Éducation nationale française propose un dossier particulièrement complet sur le livre électronique sous différents angles : http://www.educnet. education.fr/dossier/livrelec ■ Un article qui fait le point sur les différents modèles de lecteurs disponibles actuellement : http://www.techyou.fr/2010/ 02/livres-electroniques-enattendant-lipad ■ Ces articles du New York Times évoquent d’une part le livre électronique sous l’angle écologique et d’autre part l’avenir des manuels scolaires et de l’édition aux États-Unis: http://greeninc.blogs. nytimes.com/2009/08/31/ are-e-readers-greener-thanbooks http://www.nytimes.com/ 2009/08/09/education/09 textbook.htm ■

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métier // enquête

Par Marie-Christine Simonet

De l’usage du français

dans l’Union européenne Avec 27 États membres et 23 langues officielles, l’Union européenne est une mosaïque de nations et de langues. Au même titre que l’anglais et l’allemand, le français y est à la fois langue officielle et langue de travail.

© Thierry Tronnel/Corbis

LANGUES OFFICIELLES ET LANGUES DE TRAVAIL Les langues de travail de la Commission européenne sont l’anglais, le français et l’allemand. L’Union européenne compte 23 langues officielles qui sont l’allemand, l’anglais, le bulgare, le danois, l’espagnol, l’estonien, le français, le finnois, le grec, le hongrois, l’irlandais, l’italien, le letton, le lituanien, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le slovaque, le slovène, le suédois et le tchèque. ■

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ans un rapport consacré au multilinguisme dans l’Union européenne et remis à la Commission européenne en 2008, l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf s’inquiétait. « Face à un tel foisonnement, écrivaitil, la tentation est grande de laisser s’installer une situation de fait où une seule  langue,  l’anglais,  occuperait dans les travaux des institutions européennes une place prépondérante, où deux ou trois autres langues parviendraient  à  maintenir,  pour  quelque temps encore, une présence déclinante, tandis que la grande majorité de nos langues n’auraient plus qu’un statut symbolique. » Au Parlement européen, la diversité linguistique est manifeste. Dans l’enceinte parlementaire, les eurodéputés, venus d’horizons divers, s’expriment chacun dans leur langue. Mais dans tous les couloirs, les colloques, sur les sites en ligne, c’est bien l’anglais qui est langue commune. La Cour européenne de justice (CEJ) offre une singularité qu’elle définit ainsi : « Chaque État membre ayant sa langue propre et son système juridique spécifique, la Cour de justice des Communautés européennes se doit d’être une institution multilingue. […] Son

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régime linguistique n’a d’équivalent dans aucune  autre  juridiction  au  monde, puisque chacune des langues officielles de l’Union peut être langue de procédure. » Mais, fait notable, les juges délibèrent, sans interprètes, en français. Le délibéré est, par la suite, traduit dans les autres langues de l’Union. À chaque langue son mode de pensée Curieusement, le déclin progressif du français ne date pas de l’entrée, en 1973, du Royaume-Uni dans la Communauté européenne. Mais de celle, en 1995, de la Suède, la Finlande et l’Autriche, pays dont les représentants ont montré fort peu d’appétence pour la langue de Molière. Les élargissements à l’Est de 2004, puis 2007, lui ont donné le coup de grâce. « Si  on  pense  néolibéral,  autant  le faire tout de suite en anglais », commentait déjà en 2004 Pascal Lamy,

«Tous les documents sont écrits d’abord en anglais, même par des fonctionnaires français ou francophones. Là est le vrai recul.»  Jean-Pierre Jouyet

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© Neil Farrin/JAI/Corbis

LE COÛT DE L’INTERPRÉTATION Le coût total de l’interprétation dans l’UE est de 46 centimes par citoyen et par an. Il passera à 50 centimes (250 millions d’euros par an) en 2012. Si on y ajoute le prix de la traduction des documents, on atteint 2 euros par citoyen et par an. La Direction générale de l’interprétation emploie 550 interprètes permanents, 300 à 400 indépendants, le tout pour 50 à 60 réunions par jour. ■

alors commissaire au Commerce. Comme en écho, Denis MacShane, le ministre britannique des Affaires étrangères de l’époque, constatait à son tour que « le langage est davantage que ce qu’il paraît : la suprématie de l’anglais et la décadence du français sont les signes d’une profonde réorientation de l’Europe ». « Ce n’est pas parce qu’on parle anglais qu’on adopte nécessairement le disque dur de la pensée ultra-libérale », objectait récemment JeanPierre Jouyet, ancien secrétaire d’État chargé des Affaires européennes. Il se disait choqué que « tous les documents soient écrits d’abord en anglais, même par des fonctionnaires français ou francophones. Là est le vrai recul. » Pénurie d’interprètes Le français, langue rare ? Ce n’est pas une plaisanterie. C’est le titre d’une récente communication, sous forme de cri d’alarme, de la Commission européenne. Elle a lancé à l’automne 2009 une vaste campagne in-

« La langue française progresse, elle est la deuxième langue la plus enseignée dans le monde, mais paradoxalement nous assistons à l’effacement du français dans les organisations internationales. » Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie, 13 décembre 2009

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titulée « Interpréter pour l’Europe – en français ». Faute d’un nombre suffisant de diplômés qualifiés issus des écoles d’interprètes et des universités, les institutions de l’Union européenne vont perdre près de la moitié de leurs interprètes de conférences francophones dans les dix années à venir du fait des départs à la retraite. « L’usage croissant de l’anglais comme moyen de communication à l’échelle mondiale a véhiculé une croyance répandue selon laquelle la faculté de parler anglais suffit pour les contacts internationaux, à la fois pour le travail et pour la vie personnelle ou sociale », note la Commission. Il en résulte une pénurie mondiale de diplômés en langues, et pas seulement en français. La Commission rappelle que « les effectifs de l’unité française sont critiqués pour le fonctionnement de son service d’interprétation ; 75 % de toutes les réunions des instances européennes sont interprétées vers le français et pratiquement toutes les réunions en ce qui concerne le Conseil de l’Union, le Parlement européen et la Cour de justice ».

Un Plan d’action pour le français En 2003, la France, le Luxembourg, la Communauté française de Belgique et l’Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF) ont mis sur pied un Plan d’action pour le français dans l’Union européenne, visant à promouvoir la diversité linguistique et culturelle au sein des institutions européennes. Ce plan offre notamment une formation de langue française aux fonctionnaires et diplomates des États membres non francophones appelés à siéger à Bruxelles dans des groupes de travail sans interprétation. En quatre ans, les pays qui en ont profité sont passés de 10 à 24, les opérations de formation de 3 à 300 par an et celui des bénéficiaires – conseillers des représentations permanentes, fonctionnaires des administrations centrales, journalistes accrédités, experts et étudiants spécialisés – de 90 à 11 000. Mais l’anglais aussi pourrait tirer parti du plurilinguisme. Les Britanniques commencent à faire les frais de la loi selon laquelle « la mauvaise monnaie chasse la bonne » : l’anglais parlé dans les institutions européennes est en effet un sabir sans nuances, à des années-lumière de la belle langue de Shakespeare. ■

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métier // expérience

Par Aude Tarrega (Irlande)

Les enfants de Cork

ont droit à leur passeport

À l’Alliance française de Cork, en Irlande, l’équipe pédagogique met en place un passeport de français, adapté du Portfolio européen des langues, dans ses classes pour enfants.

U

n petit livret orné d’une tour Eiffel et d’un grand smiley faisant un clin d’œil. À l’intérieur, d’autres icônes : une bouche, une oreille, un petit bonhomme en train de lire ou d’écrire, et d’autres smileys arborant un grand sourire. Ce « French Passport » (« passeport de français »), chacun des enfants élèves à l’Alliance française de Cork le recevra au printemps 2010. Adapté du Portfolio européen des langues, il est destiné à faire l’état des compétences acquises et à favoriser les échanges avec les familles. Mais il s’adresse avant tout aux élèves, qui ont, pour

certains, moins de 6 ans. Il fallait donc un livret simple et ludique. « L’idée de ce passeport de français remonte à 2006, quand le Portfolio européen des langues, lancé en 2001 par le Conseil de l’Europe, nous a été présenté à l’Alliance. Très enthousiastes à l’idée d’utiliser ce nouveau support dans  nos  classes,  nous  avons  été cependant freinés par deux raisons techniques :  la  taille  imposante  du portfolio – comprenant à la fois le passeport des langues proprement dit et un dossier sur la vie personnelle de l’élève – et son prix – 15 euros environ, alors que les parents investissent déjà dans une méthode pour leur enfant. »

© KRINITZ Hartmut/hemis.fr

Un portfolio adapté Trois ans plus tard, l’idée d’un passeport a été remise à l’ordre du jour. L’objectif était double : apporter un cadre de travail commun à l’équipe enseignante et permettre la continuité de la progression pédagogique quand plusieurs professeurs sont amenés à assurer un même cours ; faciliter la communication avec les familles, en leur donnant un plus large aperçu du travail fait en classe et notamment à l’oral, au-delà des polycopiés que les enfants ramènent à la maison.

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« Nous avons donc mis en place un passeport  adapté  à  nos  conditions d’enseignement : deux fois plus petit que le Portfolio européen (format A5 et non A4), comportant 25 pages seulement, il est plus facilement manipulable et peut ainsi être utilisé en tant qu’outil pédagogique. »  Le livret s’ouvre sur une page de brève introduction présentant le passeport et invitant les familles à le considérer avant tout en tant qu’outil de communication. Une deuxième page explique de manière plus technique son fonctionnement. Le passeport s’organise ensuite en 10 thèmes. Pour chaque thématique, qui occupe une double page, quatre compétences générales : production écrite et production orale (« Quand j’écris, je peux… », « Quand je parle, je peux… »), compréhension écrite et compréhension orale (« Quand je lis, je peux… », « Quand j’écoute, je peux… »). Les intitulés des compétences du Portfolio européen ont donc été conservés mais simplifiés et regroupés en quatre catégories seulement. Chacune est accompagnée d’une icône pour aider les enfants à se repérer. Les compétences sont ensuite subdivisées en « micro-compétences »,

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© Bertrand Rieger/Hemis/Corbis

organisées en fonction d’une progression commune établie par l’ensemble de l’équipe pédagogique. Au centre, celles qui sont vues en premier. Vers l’extérieur, les plus complexes, abordées par la suite. Chacune est accompagnée d’un smiley que l’on colorie en classe quand la compétence est acquise. Chaque élève remplit donc son carnet à son rythme avec l’enseignant. En fin de livret, une rubrique de commentaires : parents et enfant peuvent y exprimer leurs impressions ou leurs attentes – « pour nous permettre d’ajuster notre pédagogie » –, l’enseignant ses félicitations ou ses encouragements, à raison

d’un échange annuel dans un premier temps, et peut-être deux ou trois à l’avenir.

C’est à l’Alliance française de Cork, ville du Sud de l’Irlande, qu’est mis en place le passeport de français pour enfants.

Aude Tarrega enseigne à l’Alliance française de Cork.

Refléter positivement le travail de l’élève Ce livret a été conçu pour faire le bilan des compétences acquises et être un reflet positif du travail de l’élève. « Les élèves de l’Alliance ne préparent pas d’examen et les cours sont pour eux de l’ordre du loisir. Il n’est pas question pour nous de les évaluer de manière négative. » D’où un certain nombre de choix : le détail de la progression niveau par niveau n’est pas indiqué – cela permet aussi de laisser aux enseignants une plus

grande liberté pédagogique ; il n’y a pas de code couleur pour distinguer différentes phases d’acquisition (« acquis », « non acquis », « en cours d’acquisition »), et les commentaires, en fin de livret, sont destinés à souligner les progrès. « Notre passeport pourrait être adapté à un autre contexte et assumer une dimension évaluative, incluant un code couleur pour une évaluation annuelle, collective, des élèves. Nous espérons que cet outil va améliorer la qualité à long terme de notre enseignement du français dans les classes enfants. S’il fait ses preuves, l’expérience sera étendue à nos classes adultes de l’Alliance ­ française de Cork. » ■

À savoir Le Portfolio européen des langues se compose de trois parties: le passeport de langue, la biographie langagière et le dossier. Au sein du passeport de langue, une grille pour l’autoévaluation, selon les six niveaux du Cadre européen commun de référence pour les langues (de A1 à C2), pour les cinq activités langagières principales (compréhension de l’oral, compréhension de l’écrit, expression orale en interaction, expression orale en continu, expression écrite). La biographie langagière est un journal personnel. Le dossier répertorie les

documents que l’apprenant conserve par ailleurs et qui viennent illustrer son apprentissage en langue. Le Passeport de l’Alliance française de Cork reprend donc la première partie du Portfolio, de façon simplifiée et adaptée à des enfants, sans distinguer les deux types d’expression orale et sans se calquer sur les niveaux du CECR. Il reprend en revanche le même esprit d’une définition positive des compétences acquises. La partie personnelle (biographie et dossier) a ici été remplacée par la rubrique « Commentaires ».

10 thèmes pour le passeport Moi et les autres Ma famille L’école et le langage scolaire Le calendrier et les nombres Mes loisirs Le temps et la vie quotidienne Où j’habite Les couleurs, la météo et les vacances Les aliments et les magasins Le corps et les vêtements

Chaque double page présente les compétences, du plus simple au plus complexe, du centre vers l’extérieur.

http://www.crdp.ac-caen.fr/didier/portfolio/index.htm Le français dans le monde // n°368 // mars-avril 2010

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nouvelle //

nouvelle

Choisi­par­Jacky­Girardet

La fiche pédagogique à télécharger sur : www.fdlm.org

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Vacances

à Montfaucon

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Bernard Werber

On se souvient, paraît-il, du premier livre qu’on a lu comme de son premier amour. Pour beaucoup de jeunes d’aujourd’hui, surtout parmi les garçons, ce sera probablement un ouvrage de Bernard Werber. Cet ancien journaliste, né en 1961 à Toulouse, cultive comme La Fontaine l’art d’instruire et de plaire. Que ce soit dans ses grandes sagas (Les Fourmis) ou dans ses nouvelles (Paradis sur mesure), il met en œuvre une recette simple mais efficace: des informations scientifiques qui éveillent la curiosité, un récit imaginaire qui peut prendre la forme du conte ou celle de l’intrigue policière et une invitation à la réflexion morale ou philosophique. Dans chacune des histoires de L’Arbre des possibles, il s’amuse à pousser une hypothèse jusqu’à son extrême: si on envoyait une fusée vers le soleil, si on pouvait voyager dans le temps…

uin.­Le­soleil­brille,­l’air­est­léger.­Les­rues voient­défiler­des­filles­en­chemisiers­largement­échancrés,­jeans­moulants,­et­les hommes­en­tee-shirts­et­lunettes­noires. Pour­ses­vacances,­Pierre­Luberon­a­décidé­de­réunir­toutes­ses­économies­et­de s’offrir­un­voyage­vraiment­original :­une excursion­dans­le­temps.­Il­sait­que,­grâce à­ses­économies,­ce­genre­de­prestation est­à­sa­portée.­Il­faut­avoir­vécu­ça­une fois­dans­sa­vie,­se­dit-il,­en­poussant­avec détermination­la­porte­de­l’agence­de­tourisme­temporel. Une­jolie­hôtesse­l’accueille. –­Monsieur­désire­partir­à­quelle­époque ?­lui­demande-t-elle obligeamment. –­Le­siècle­de­Louis XIV !­Cette­période­m’a­toujours­fait­rêver ! Il­suffit­de­relire­Molière­ou­La­Fontaine­pour­se­rendre­compte qu’en­ce­temps-là,­les­gens­étaient­raffinés.­Je­veux­contempler les­jardins,­les­lambris,­les­sculptures­du­palais­de­Versailles.­Je veux­m’initier­à­l’art­de­la­galanterie,­si­important­alors­à­la Cour.­Je­veux­respirer­l’air­de­Paris­pas­encore­pollué.­Je­veux manger­des­tomates­au­goût­de­tomate.­Je­veux­consommer­des légumes­et­des­fruits­qui­n’ont­connu­ni­pesticides­ni­fongicides. Je­veux­goûter­à­du­lait­non­pasteurisé.­Je­veux­retrouver­le­goût de­l’authentique.­[…] L’hôtesse­sourit. –­Comme­je­vous­comprends,­monsieur.­Vraiment,­c’est­un­bon choix.­Votre­enthousiasme­fait­plaisir­à­voir. Elle­s’empare­d’une­fiche­d’inscription­et­entreprend­de­la­ remplir. –­Monsieur­a­pensé­à­ses­vaccins ? –­Des­vaccins !­Je­ne­me­rends­pas­dans­un­pays­du­tiers-monde, que­je­sache ! –­Certes,­mais­vous­savez,­à­l’époque,­l’hygiène… –­Je­veux­aller­en­1666­pour­assister­à­une­représentation­du Médecin malgré lui interprété­par­Molière­devant­la­Cour !­Je­ne pars­pas­me­vautrer­dans­un­quelconque­marécage­de­la­jungle birmane !­s’offusque­Pierre­Luberon. ­Le­français­dans­le­monde­//­n°­368­//­mars­2010


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© DR

PARIS, 1666 1666

L’hôtesse se veut conciliante. – Peut-être, mais en 1666, en France, il y avait encore à l’état endémique la peste, le choléra, la tuberculose, la fièvre aphteuse, et j’en passe. Il faut vous faire vacciner contre toutes ces maladies, sinon vous risqueriez de les rapporter avec vous. C’est une précaution obligatoire. Le lendemain Pierre Luberon revient, un carnet couvert de tampons à la main. – J’ai été vacciné contre tout et plus encore. Quand puis-je partir ? L’hôtesse vérifie les cachets puis lui tend un petit vade-mecum de voyage. – Vous avez là tous les bons conseils pour réussir votre périple. Encore quelques recommandations : prenez de la nivaquine tous les jours et ne buvez surtout pas d’eau. – Alors je bois quoi ? – De l’alcool, bien sûr ! vocifère d’une voix grave un grand barbu, entré derrière lui dans l’agence. – De l’alcool ? s’étonne Pierre en se retournant. – Monsieur a raison, confirme l’hôtesse. En 1666, mieux vaut consommer de l’alcool. Cervoise, hydromel, bière, vin, ambroisie… L’alcool tue les microbes. – Heureusement, il y avait alors de très bons spiritueux, reprend l’autre client. Ils fabriquaient par exemple un vin d’orge dont vous me direz des nouvelles. Pierre le considère avec suspicion. – Vous avez déjà fait le voyage de 1666 ? – Plusieurs fois ! reprend l’homme. Je suis un grand voyageur Le français dans le monde // n°368 // mars 2010

dans l’espace et dans le temps. Laissez-moi me présenter : Anselme Duprès, pour vous servir et vous renseigner. Je suis un touriste chevronné. C’est moi qui ai écrit le Guide du routard temporel. J’ai déjà exploré pas mal d’époques. Pierre se méfie de ce barbu. Il se tourne vers l’hôtesse. […] – Comment s’y prend-on ? La jeune femme lui tend un objet ressemblant à une calculatrice couverte de touches diverses. – Ici, vous inscrivez la date de votre objectif dans le temps et vous validez là. Vous créerez ainsi un carrefour quantique qui vous placera au point d’espace-temps demandé. Mais attention, prenez garde à ne pas vous tromper de date de retour. Cette machine n’est programmée que pour un seul voyage. Vous n’avez pas droit à l’erreur. – Souhaitez-vous souscrire une Temporo assistance ? Pierre examine le papier. – C’est quoi ? – Une assurance. En cas de pépin, une équipe de secours vient vous chercher. Nous avons déjà sauvé pas mal de touristes égarés dans le temps… – C’est cher ? – Mille euros. Mais avec ce contrat, vous bénéficiez d’une sécurité à toute épreuve. Je ne saurais trop vous le conseiller. Pierre déchiffre l’offre en détail. – Je me permets également de vous la recommander, monsieur, dit le client barbu. Je ne voyage jamais sans. – Non, désolé, c’est assez cher comme ça. Je ne veux pas de votre Temporo assistance.

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nouvelle // >>>

L’hôtesse lève les yeux au ciel en signe d’impuissance. – Dommage, Monsieur risque de le regretter. – Ma décision est prise. D’autres recommandations ? – Non, vous pouvez partir à présent. Introduisez votre année et votre lieu de voyage et appuyez là, dit l’hôtesse en lui tendant la calculatrice rouge. Pierre revêt une tenue Louis XIV achetée chez un costumier de cinéma. Il n’emporte avec lui qu’un sac de cuir temporellement indéfini. Puis il s’assied confortablement sur une chaise, affiche la date souhaitée et presse le bouton de départ. Paris. 1666. La première sensation forte qui assaille Pierre, c’est l’odeur. La ville empeste l’urine. Au point qu’il songe aussitôt à appuyer sur le bouton de retour. Mais en réduisant l’ampleur de sa respiration, un mouchoir sur le nez, il parvient à s’accoutumer à cette infamie.

– Appelez la maréchaussée ! crie-t-il à l’adresse des passants. Un des hommes répond par une phrase incompréhensible. Du vieux français populaire sans doute. Heureusement, Pierre avait prévu que la langue de ce siècle serait difficile à saisir. Sa prothèse traductrice implantée dans l’oreille lui vient en aide : – Que se passe-t-il ici, quel est le problème ? demande l’autre. La prothèse-truchement lui fournit les mots pour expliquer qu’il faut prévenir la police. Son interlocuteur brandit alors un gourdin clouté et l’assomme d’un coup bien ajusté. Pierre n’a que le temps de le voir détaler avec son sac de cuir avant de s’évanouir. Lorsqu’il se réveille, une jeune fille est en train de lui placer un garrot et, avant qu’il ait pu réagir, d’un couteau acéré, elle extrait un filet de sang. – Que faites-vous, malheureuse ? Elle hausse les épaules. – Une saignée, bien sûr. Vous étiez mal en point, je vous ai traîné jusque chez moi et vous me remerciez en m’insultant ! […]

© Iris Images/Corbis

Second choc, les mouches. Il n’en a jamais vu autant, même dans les pays du tiers-monde. Il faut dire qu’il n’a jamais vu autant d’excréments humains joncher les rues d’une ville. Il se hâte vers une rue commerçante. Les échoppes sont surmontées d’enseignes aux couleurs vives. Une chaussure pour le cordonnier. Une bouteille pour la taverne. Une poule pour le rôtisseur. Les marchands hurlent pour attirer le chaland. Tout le monde parle un français qui, pour le touriste contemporain, ressemble davantage à du patois qu’à ce qu’il attend de la langue de Molière. […] Il avance dans une rue qui s’élargit et débouche sur le gibet de Montfaucon. Enfin, un lieu célèbre. Enfin du tourisme. Des corps de pendus sont recouverts de corbeaux. […]. Avec son mini appareil photo numérique, il prend quelques clichés qui épateront ses amis. « IMPASSE DES ÉGORGEURS », indique une inscription gravée dans le mur, et dessous, précisément, gît un corps apparemment sans vie, le visage marqué d’une bouche souriant d’une oreille à l’autre.

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– Vous avez de l’aspirine ? demande-t-il. – De quoi ? – Oh, excusez-moi, je veux dire une décoction d’écorce de saule pleureur. Elle fronce les sourcils. – Vous connaissez les plantes médicinales ? La jeune fille semble soudain soupçonneuse et le dévisage comme si elle regrettait maintenant de l’avoir secouru. – Vous ne seriez pas un « sorcier » par hasard ? – Mais non, pas du tout. – Vous êtes un homme bizarre en tout cas, remarque-t-elle, sourcils froncés. […] À son réveil, des hommes du guet l’entourent et l’arrêtent. Pétronille l’a dénoncé comme sorcier. Il est prestement mené à la prison centrale et jeté dans une geôle avec deux autres individus. – Vous êtes là pour quoi, vous ? Le français dans le monde // n° 368 // mars 2010


– Sorcellerie. – Et vous ? – Sorcellerie. – Nous sommes tous ici pour sorcellerie ? Le regard de Pierre se porte sur un objet qui dépasse du gilet d’un de ses codétenus. – Mais vous possédez un appareil photo ! – Tiens, vous connaissez la photographie ? s’exclame l’autre. – Bien sûr, je viens du XXIe siècle. Et vous ? – Pareil. […] Des hurlements atroces résonnent quelque part et les trois détenus frissonnent. – J’ai peur. Que vont-ils nous faire ? Ils ont sans doute l’intention de nous torturer jusqu’à nous faire avouer notre pacte avec Satan, soupire le possesseur de l’appareil photo. Ensuite ils nous pendront au gibet de Montfaucon. […] Le troisième sorcier affiche un visage serein.

suis pas seulement le dévoué rédacteur du Guide du routard temporel, prêt à toutes les expériences et à exercer tous les métiers d’époque pour mieux renseigner mes lecteurs. Je m’occupe aussi du service marketing de Temporo assistance. L’inattendu bourreau lui passe une corde autour du cou et entreprend de la serrer. La vie de Pierre Luberon ne tient plus qu’au minuscule tabouret sur lequel ses pieds s’agitent. Il ferme les yeux et revoit un instant les meilleurs moments de son existence. Duprès s’approche encore pour lui murmurer à l’oreille : – Temporo assistance a décidé de lancer une campagne de promotion à destination des touristes qui partent en juin, avant le grand rush de l’été. Il conviendrait de privilégier cette période. […] Si vous ne mourriez pas là maintenant, vous partiriez à quelle époque l’année prochaine ? – Juin. Juin ou à la rigueur septembre. Vous avez raison, il faut privilégier les mois délaissés par les hordes. Surtout, comme cette fois-ci, j’éviterais le grand rush de juillet/août.

– Vous n’avez pas l’air trop inquiet, vous, remarque Pierre Luberon. – J’ai souscrit un contrat d’assurance Temporo assistance. Si au bout de trois heures je n’ai pas transmis le signal convenu, ils me rapatrieront automatiquement. Ça ne devrait d’ailleurs pas tarder. En effet, subitement, l’homme disparaît, laissant derrière lui des chaînes qui pendent, vides, et un peu de fumée bleue. La porte de la cellule s’ouvre avec des grincements sinistres et entre un personnage à la stature impressionnante, un loup rouge sur les yeux. Le bourreau, sans doute. Son visage n’est pourtant pas inconnu de Pierre Luberon. Cette barbe noire ! C’est le client de l’agence, le soi-disant chroniqueur du Guide du routard temporel, Anselme Duprès. Que fait-il ici ? Un instant, Pierre se prend à espérer qu’il vient le secourir. Il n’a pas le temps de réfléchir davantage. Déjà, des hommes en armes le poussent vers le gibet et Anselme Duprès s’apprête à le supplicier. – Vous auriez dû m’écouter, lui souffle celui-ci à l’oreille. Je ne

Le bourreau, derrière son masque rouge, semble se livrer à un grand effort de réflexion, tandis que la foule s’impatiente. – Vous partiriez en juin et vous prendriez Temporo assistance ? – Sans la moindre hésitation vraiment, j’en ferais même la publicité auprès de mes amis. Sans leur conter ma mésaventure évidemment. – Temporo assistance prend toujours grand soin de ses clients, présents ou futurs. Bienvenue chez nous. D’un geste auguste, Anselme Duprès dépose comme une offrande, dans les mains liées dans le dos de Pierre Luberon, une calculatrice rouge où s’inscrit le chiffre 2000. Pierre appuie sur la touche en se jurant bien que, Temporo assistance ou pas, c’est bien la dernière fois qu’il voyage dans le temps. L’année prochaine, il optera pour une réservation dans un hôtel-club sur la Côte d’Azur. En juillet, comme tout le monde. Fini les excentricités.

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Bernard Werber, L’Arbre des possibles et autres histoires, Albin Michel, 2002.

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© Jean du Boisberranger/Hemis/Corbis

dossier //

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Les îles de l’outre-mer dépendantes E ouvertes métissées Le français dans le monde // n°368 // mars-avril 2010

lles sont souvent méconnues, ces îles de l’outre-mer dispersées sur trois océans, éloignées de la France métropolitaine de plusieurs milliers de kilomètres et rangées par l’Union européenne dans la catégorie des « régions ultra-périphériques ». Ces anciennes terres d’esclavage aux populations métissées, petits îlots de francophonie imprégnés par la langue et la littérature créoles, restent encore largement tournées, sur le plan économique, vers la métropole. Tour d’horizon de ces territoires de l’« au-delà des mers », qui constituent une spécificité bien française.

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dossier // histoire

Par Maïa Werth

© Bettmann/Corbis

© Underwood & Underwood/Corbis

Fort-de-France, en Martinique : métropolitains et locaux.

© Fotolia

Les confettis d’un em De son passé de puissance coloniale, la France conserve encore aujourd’hui une dizaine d’îles et d’archipels, dispersés entre océan Atlantique, océan Pacifique et océan Indien. Retour sur l’histoire de ces territoires qui, pour certains, appartiennent à la France depuis plus de trois siècles.

© Collection Kharbine-Tapabor

La deuxième vague de colonisation veut répondre à la « mission civilisatrice » de la France : « − Récitez votre leçon d’histoire. − Les Francs, nos aïeux, avaient les cheveux blonds et les yeux bleus… »

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H

iver 2009 : les Antilles françaises, Guadeloupe et Martinique, sont paralysées par un mouvement social de grande ampleur qui durera plus de 40 jours. À l’origine de ce mécontentement : le prix élevé de l’essence, les problèmes de pouvoir d’achat et de disparités avec la métropole. Si la tension est retombée depuis, le malaise des habitants, cette fois-ci, de Martinique et de Guyane, s’est récemment exprimé sous une autre forme : le refus net lors du référendum du 10 janvier 2010 d’un statut d’autonomie accrue par peur, entre autres, de la perte d’un certain nombre d’acquis sociaux. Ces deux évènements montrent bien l’ambivalence des relations qui unissent ces territoires d’outre-mer, anciennes colonies, à la France métropolitaine. L’histoire française de ces territoires d’« au-delà des mers » a débuté au xvie siècle, quand la France commence à contester le monopole es-

pagnol et portugais sur la colonisation des Amériques, découvertes par Christophe Colomb en 1492. Face aux prétentions du roi d’Espagne Charles Quint à une « monarchie universelle », François ier n’accepte de reconnaître les droits des Espagnols que sur les terres effectivement découvertes, pas sur celles qui restent à découvrir. S’approvisionner en épices et en sucre Toutefois, il faut attendre le xviie siècle et le règne de Louis xiii pour que la France se lance véritablement dans la conquête de territoires ultramarins. L’objectif est d’assurer un approvisionnement sûr en épices et en sucre. L’économie de la Guadeloupe et de la Martinique repose ainsi dès le début sur des plantations de canne à sucre et sur l’esclavage. Quant à la Réunion, dans l’océan indien, son économie est davantage tournée vers le café et les épices. La plus grande partie de cet empire

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© Walter Bibikow/JAI/Corbis

La colonisation des îles vise à assurer l’approvisionnement de la France en épices, notamment en vanille.

carte d’identité

La diversité des statuts de ces îles aujourd’hui s’explique par l’histoire : les colonies les plus anciennes sont devenues les Départements d’outremer (DOM), les plus récentes des Territoires d’outre-mer (TOM).

pire colonial

© Garcia/photocuisine/Corbis

© Wolfgang Kaehler/CORBIS

colonial ne survivra pas à la défaite de Napoléon face aux autres puissances européennes en 1815 : seuls sont conservés la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Saint-Pierre-et-Miquelon. Mais en 1830 débute, avec la prise d’Alger, une deuxième vague de colonisation, fondée sur des motivations politiques et idéologiques. il s’agit avant tout d’affirmer la puissance de la France

L’économie de la Guadeloupe et de la Martinique a reposé dès le début de la colonisation sur les plantations de canne à sucre et l’esclavage.

Tous les DOM-TOM sont des îles (à part la Guyane). ■ Ils sont principalement situés en zone intertropicale. ■ Superficie : environ 128 000 km² (soit 22 % du territoire métropolitain). ■ Population : 2,6 millions d’habitants. ■ Zone économique exclusive (ZEE) : près de 11 millions de km². ■

et de répondre à sa « mission civilisatrice » auprès de peuples jugés inférieurs. La Polynésie, Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, Mayotte dans l’océan indien deviennent alors français. Ces deux vagues bien différentesde colonisation expliquent la diversité, à l’heure actuelle, des statuts administratifs des territoires d’outre-mer. En Guadeloupe et en Martinique, l’esclavage est aboli en 1848 et tous les habitants deviennent citoyens français à part entière. En revanche, en Nouvelle-Calédonie, les autochtones (les kanaks) sont soumis en 1887 au « code de l’indigénat » qui en fait des citoyens de seconde zone. Tous n’obtiendront le droit de vote qu’en 1953. Intégration française ou autonomie Après la Seconde Guerre mondiale, alors que la majorité des colonies françaises exprime des désirs d’indépendance, les territoires d’outre-mer, eux, s’inscrivent dans une logique d’autonomie accrue. Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion deviennent en 1946 des départements français à part entière – les DOM (Départements français d’outre-mer). Les autres territoires moins anciennement colonisés deviennent des TOM (Territoires d’outre-mer) et ont vocation à une très grande autonomie, voire à l’indépendance si leurs populations le désirent. C’est la voie choisie par la Nouvelle-Calédonie depuis le référendum de 1998, qui lui attribue un nouveau statut : elle obtient un pouvoir législatif et devient de facto un « pays à souveraineté partagée », en attendant un référendum sur une indépendance complète en 2014. La Polynésie a suivi le même chemin puisqu’une autonomie accrue lui a été accordée en 1996. Si la France s’accroche à ses possessions d’outre-mer, c’est que ces territoires permettent une présence sur les

Le café est cultivé sur les plantations de La Réunion.

© Thinkstock

trois principaux océans du globe et qu’ils possèdent une valeur à la fois symbolique – signe de la puissance française –, stratégique et économique. En effet, depuis la définition de zones économiques exclusives dans un périmètre de 200 miles marins au large des côtes, la France possède, grâce à ses territoires d’outremer, une zone économique exclusive pour la pêche et l’exploitation des ressources sous-marines de près de 11 millions de km² alors que les côtes de la métropole ne lui en procurent que 34000 km². Néanmoins, certains en France et à l’étranger considèrent que ces « confettis d’empire » sont un anachronisme condamné à disparaître. D’autres critiquent vertement le coût que représenteraient pour la France ces territoires lointains où les fonctionnaires sont surpayés, la vie chère et le taux de chômage particulièrement élevé. ils oublient sans doute que l’outre-mer est également pour la France une richesse, notamment culturelle. ■ ­

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dossier//économie

© Tibor Bognár/Corbis

L’économie de la Guadeloupe est, comme celle des autres Départements d’outre-mer français, bien davantage tournée vers la France métropolitaine que vers les îles voisines de la Caraïbe.

Par Stéphanie Sérac

Aux Saintes, comme à Marie-Galante ou à la Désirade, îles de l’archipel guadeloupéen, les populations souffrent à la fois de leur éloignement et de la petitesse de leur marché.

La Guadeloupe

dépendance ou assistanat? lexique On parle aujourd’hui de France métropolitaine par opposition à la France d’outre-mer (« d’au-delà des mers »). Le terme de métropole est hérité de la colonisation : une France « mère » de ses colonies. Comme le territoire métropolitain français a une forme grossièrement hexagonale, on utilise aussi le terme d’Hexagone. la caraïbe (ou les caraïbes) est la région du centre du continent américain incluant les îles et les pays côtiers de la mer des Caraïbes. les antilles sont la partie insulaire des Caraïbes.

La fiche pédagogique à télécharger sur : www.fdlm.org

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E

n janvier dernier, en visite à La Réunion, le président de la République française Nicolas Sarkozy évoquait « l’assistanat dont les Départements d’outre-mer (DOM) doivent sortir ». Des DOM assistés : voilà une vision largement répandue dans l’opinion publique française. Alors qu’« il ne nous viendrait même pas à l’esprit de parler d’assistanat pour la Creuse », un département métropolitain rural, rappelle Pascal Blanchard, historien spécialiste des colonisations.

le marché français. Mais ces exportations sont sans commune mesure avec les importations, d’autant qu’elles sont freinées par l’éloignement et les coûts de transport importants. Le déficit commercial s’est creusé en 2008. Pour Mathias Bini, chef du département études/interventions économiques à la chambre de commerce et

la nécessité d’importer Il est vrai que les DOM sont largement tournés vers la France métropolitaine. Leur tissu productif, notamment industriel, est faible. La production locale ne permet de répondre qu’à 6-7 % des besoins de la population et l’île doit importer produits alimentaires, industriels et énergétiques. La Guadeloupe exporte sa production de bananes, de sucre, de rhum et de melons – principalement vers

Les carburants vendus en Guadeloupe viennent d’Amérique du Sud et sont raffinés sur place par la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (Sara), filiale à 50% de Total, afin de respecter les normes européennes. Conséquence: le carburant est cher. Ce prix élevé a été l’une des principales causes du mouvement social de l’hiver 2009. Dans la Caraïbe, Trinité-et-Tobago a du pétrole mais ne fournit pas, pour l’instant, de carburants aux normes européennes. ■

DépenDance et prix élevés : le pétrole

d’industrie de Pointe-à-Pitre, cette situation ne fait pas pour autant des Guadeloupéens des assistés. « Nous payons des impôts. Des droits de douanes sont prélevés. Les aides européennes sont faites pour compenser les écarts entre les régions ! » sortir de la dépendance Comment sortir de la dépendance ? Certains estiment que la Guadeloupe n’utilise pas toutes ses ressources et que l’espace caribéen pourrait lui offrir d’autres débouchés. Le concept de « développement endogène » est ancien : s’il a été repris en 2009, lors du mouvement massif de revendications et de grèves du mois de janvier, il remonte en fait aux années 1940, quand Rémy Nainsouta, communiste progressiste, parlait déjà de « trésors bloqués » et encourageait les Guadeloupéens à fonder des sociétés par actions afin d’investir sur place pour un meilleur développement de leur pays. La situation a bien changé depuis les années 1940, mais le constat n’est tout de même pas très réjouissant. Les

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© S. Sérac

© S. Sérac

En 2009, le secteur touristique a perdu 30 % de son chiffre d’affaires en Guadeloupe.

Des touristes presque exclusivement Français

En Guadeloupe, le coût de la vie est élevé puisque beaucoup de produits sont importés. De petites supérettes approvisionnent une clientèle de proximité.

Stéphanie Sérac est journaliste-reporter au quotidien France-Antilles Guadeloupe.

entreprises se contentent d’un marché local étriqué, celui des 407 000 habitants de Guadeloupe. Sur cet espace insulaire, la taille critique – le niveau de production à partir duquel l’entreprise peut faire des économies d’échelle – est rarement atteinte. Quant à la Caraïbe, ses marchés ne sont pas si simples à pénétrer. L’idée est tentante, mais en réalité les entreprises guadeloupéennes sont doublement concurrencées par les entreprises nationales qui, elles, ont atteint la taille critique et peuvent conquérir des marchés à l’international, et les entreprises caribéennes qui ont des coûts moindres. Les dernières négociations des accords de partenariat économique dans la Caraïbe n’ont pas donné naissance à des accords d’échanges réciproques. Elles ont abouti à l’interdiction d’augmenter les droits de douane ou d’en établir de nouveaux seulement, pour l’instant, sur les produits caribéens importés en Guadeloupe – et non sur les produits guadeloupéens. Le manque d’harmonisation des lé-

gislations dissuade certains investisseurs de miser sur la Caraïbe, par peur de ne pouvoir recourir à la justice en cas de litige commercial. Quelques exceptions tout de même : les producteurs de café, les sociétés d’embouteillages d’eau de source, et évidemment les producteurs de rhum. Ils tentent ce qui est encore une aventure… ■

En Guadeloupe, les touristes viennent à 92 % de la France hexagonale. La forte présence de Français est naturelle : même langue, mêmes normes sanitaires et de sécurité… Mais une autre raison est l’organisation du transport aérien, au départ de l’aéroport d’Orly, et non de Roissy-Charles-deGaulle, principal aéroport de Paris, relié au reste de l’Europe. Les compagnies aériennes, prétextant des coûts d’exploitation plus importants, ont toujours refusé un départ de Roissy. Mais, selon Nicolas Vion, président du Groupement hôtelier et touristique guadeloupéen, et de la Fédération des associations de professionnels de l’hôtellerie et du tourisme, « la réalité est que les dirigeants d’Air France considèrent que la Guadeloupe est une destination indigène et non touristique », attirant essentiellement des Guadeloupéens. Un départ depuis Roissy à l’horizon 2011 est actuellement à l’étude. L’ouverture aux clientèles européennes et américaines permettrait un allongement de la saison touristique. Elle est pour l’instant concentrée sur quatre mois, alors que le soleil brille toute l’année en Guadeloupe. ■

La Guadeloupe exporte sa production de rhum.

© Jean-Daniel Sudres/PxP-Gallery

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dossier // société

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Par Laurent Figon

La société réunionnaise actuelle est le résultat de vagues successives d’immigration sur cette île de l’océan Indien: Africains, Indiens, Chinois, et plus récemment, Comoriens et métropolitains. Un multiculturalisme qui fonctionne bien, malgré quelques tensions.

La Réunion compte une communauté hindouiste importante.

La Réunion, île métissée

Laurent Figon est journaliste reporter d’images basé à SaintDenis, à La Réunion.

a Réunion est une île qui porte bien son nom. Au fil de son histoire récente, des populations d’origine différente sont venues la peupler, telles ces épices des quatre coins du monde qui sont mélangées et broyées dans le kalou, mortier cher à la cuisine réunionnaise. Ces

L

D’après le dernier recensement de 2006 des 794 000 habitants de La Réunion étaient natifs de l’île

85%

1/5 60%

des cadres recensés en 2006 n’habitait pas sur l’île cinq ans auparavant Le taux de chômage, en 2009, avoisine

Plus de

50

27%

des nouveaux arrivants sont des actifs âgés entre 25 et 59 ans

populations vivent apparemment en harmonie : « Ici tout le monde est mélangé, il n’y a pas de discriminations », explique Ganeya, Réunionnaise de 25 ans qui vit à Saint-Denis, la capitale. Mais l’arrivée en masse, ces dernières décennies, de métropolitains et d’habitants de l’île française de Mayotte ont ravivé des tensions sur un espace insulaire miné par le chômage. Les Cafres, les esclaves noirs venus de la côte est de l’Afrique, de Madagascar et de l’archipel des Comores, ont été les premiers à être « broyés » dans le mortier réunionnais, à partir du XVIIe siècle. Puis il y a eu les travailleurs « engagés » – coolies indiens, Africains, Comoriens, Malgaches – qui ont remplacé les esclaves ; et les musulmans indiens du Gujarat et les Chinois de Canton

qui, avec leur sens des affaires, ont rapidement pris une place importante au sein de l’économie et de la société réunionnaise, aux côtés des grands propriétaires fonciers blancs. Entre intégration et tensions « C’est inéluctable que le métissage se fasse au bout de la deuxième génération née sur l’île », constate Chantal, fille de Chinois qui ont fui le communisme et la misère de la région de Canton dans les années 1950. Parlant mal le français, la communauté chinoise s’est au début repliée sur elle-même. Ce n’est qu’à partir des années 1970 que la mixité dans les couples s’est banalisée, les jeunes délaissant le commerce, trop dur et peu rentable, pour des études supérieures, synonyme de réussite sociale. S’ils l’ont étudié au collège, aucun des quatre enfants de Chantal – ni elle

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d’ailleurs – ne parlent mandarin. L’intégration des Comores, les Français de Mayotte essentiellement, arrivés récemment, est plus difficile. Ces familles musulmanes, souvent nombreuses, bénéficient d’allocations familiales et suscitent les jalousies. Pour Moussa, installé à Saint-Pierre depuis une vingtaine d’années, « la communication ne passe pas avec les nouveaux venus. Il y a un malaise. Au lieu de s’intégrer et de se développer comme l’ont fait nos frères Zarabs, les Comoriens n’ont pas eu cette idée-là. Il ne faut pas oublier que nous sommes des invités. » Autre tension: celle entre Réunionnais et métropolitains. Parmi les Zoreys, beaucoup sont fonctionnaires. Cette situation remonte à 1946, quand La Réunion devient un département français. Les fonctionnaires sont alors recrutés en métropole. Et pour les inciter à venir travailler sur une île située à plus d’un mois et demi de traversée en bateau, une prime est mise en place, ainsi que des aides au déménagement et à l’installation. Le fossé social se creuse alors entre Réunionnais et métropolitains. Il demeure encore aujourd’hui : même si aucune statistique n’existe à ce sujet, les recruteurs préfèrent encore, à compétences et diplômes égaux, un

métropolitain à un Réunionnais. Rares sont les places attribuées aux originaires de l’île à des postes-clés, dans le public comme dans le privé. D’autant que les jeunes Réunionnais sont, depuis les années 1990, mis en concurrence, à leur sortie du système scolaire, par une nouvelle vague de migrants métropolitains, diplômés ou non. Charly Lesquelin, artiste peintre réunionnais d’une quarantaine d’années, a pendant longtemps lutté contre une impression « d’invasion » par les Zoreys. Invasion de l’espace public, de son espace artistique. Il frotte alors son art à Richard Blancquart, un sculpteur venu de métropole. « Je m’étais dit que si j’arrivais à confronter mes idées, ma vision à Blancquart, alors je pourrai le faire avec n’importe quel autre artiste extérieur. » Devenus finalement amis, ils travaillent actuellement sur un projet commun, l’un apportant à l’autre des questionnements et parfois des réponses. Richard, quant à lui, est toujours aussi admiratif du niveau de tolérance, d’acceptation des autres qu’il a rencontré sur l’île. « Il existe des tensions, mais comme il en existe dans toute famille, dans tout groupe. Ça n’est pas spécifique à La Réunion. » ■

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portrait

© Laurent Figon

© Antoine Lorgnier / onlyfrance.fr

Témoins du métissage religieux réunionnais : le temple tamoul de Saint-Pierre la grande mosquée Noor-e-Islam, dans la capitale Saint-Denis, qui a été la première mosquée construite sur le sol français, en 1905 l’église de Cilaos.

LES DIFFÉRENTES COMMUNAUTÉS RÉUNIONNAISES ■ les

Cafres (les Noirs) Zarabes (les Indiens musulmans) ■ les Sinois (les Asiatiques) ■ les Malbars (les Indiens) ■ les Yabs (les Blancs des Hauts de l’île) ■ les Comores (les Mahorais et les immigrés de l’archipel des Comores) ■ les Malgaches ■ les Zoreys (essentiellement des métropolitains) ■ les

KAF-MALBAR, HINDOU ET CATHOLIQUE Cédric, 26 ans, assistant de direction dans une école primaire du sud de l’île, est l’archétype du Réunionnais. Son père est un Cafre (ou Kaf en créole), c’est-à-dire que certains de ses aïeux sont d’anciens esclaves affranchis. Certains, car sa grand-mère paternelle, elle, est d’origine chinoise… La mère de Cédric est Malbar, une descendante des Indiens « engagés », venus au milieu du xIxe siècle des côtes sud de la péninsule indienne, de Malabar et de Coromandel. Il se définit comme un Kaf-Malbar, un « KM » en parler jeune. Le métissage ne s’arrête pas là car Cédric vit en concubinage avec Geneviève, une créole blanche des Hauts de l’île, une Yab. Ses aïeux étaient des petits colons. De leur union est né en janvier dernier Keylyan. Malgré ses origines hindoues, Cédric ne pratique plus l’hindouisme. Le travail de la colonisation est passé par là: chez lui, tout le monde est baptisé. S’il respecte la religion de ses ancêtres et de certains membres de sa famille, lui a choisi le catholicisme. « Quand j’étais enfant, j’ai pratiqué les deux religions. Avec le temps, c’est la religion catholique qui s’est imposée car elle est plus simple. Il y a trop de contraintes dans l’hindouisme, et trop de bons dieux! »

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dossier // langue

Par Sébastien Langevin

Lors de la crise de 2009 en Guadeloupe, les slogans s’affichent en créole. Le collectif à l’origine de la grève se nomme Lyannaj Kont Profitasyon, soit « Union contre les abus », en français. Le mot d’ordre « pou detotye Gwadloup » signifie « pour aider (détortiller) la Guadeloupe ».

Enseigner le français

P

© Yadid Levy / Anzenberger / ASK Images - © Thinkstock

À Fort-de-France, en Martinique. Dans les Départements et Territoires d’outre-mer, le créole a longtemps été totalement exclu de l’école.

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arfois qualifiés de patois sans réelle grammaire ou de simples variétés du français, les créoles sont bel et bien des langues à part entière ! Pour la plupart pourvus de systèmes graphiques et consacrés par un certificat d’enseignement du créole de l’Éducation nationale française (CAPES), ils sont désormais reconnus comme « langue régionale » et cohabitent avec le français qui demeure langue officielle, dans l’enseignement par exemple. À La Réunion, en Guadeloupe ou en Martinique, le créole est la langue utilisée dans la rue ou en famille par une grande majorité de la population. Il n’existe pas un mais des créoles, selon les territoires, comme le précise Robert Chaudenson, linguiste spécialiste des créoles : « Il y a

une bonne dizaine de créoles français ; souvent, ils ne sont pas intercompréhensibles. Un Haïtien et un Réunionnais unilingues ne se comprennent pas, s’ils parlent l’un et l’autre leur créole. En revanche, un Seychellois et un Mauricien se comprennent sans trop de difficultés, comme le font des créolophones des Petites Antilles entre eux. Toutefois, un Martiniquais aura bien du mal à comprendre ce qui se dit autour de lui au marché de Port-auPrince en Haïti ! ». Un handicap linguistique et social Malgré de nombreux efforts, notamment financiers, de la part des autorités, les résultats scolaires des jeunes insulaires demeurent nettement inférieurs à ceux de leurs concitoyens de métropole. Et ce, en grande partie à cause d’une mauvaise maîtrise de la

Le français dans le monde // n° 368 // mars-avril 2010

© Philippe Virapin / CIT'images

Langue maternelle majoritaire dans les Départements et Territoires d’outre-mer, le créole n’a que peu droit de cité dans les écoles. Une didactique du français adaptée, qui partirait des créoles, offrirait pourtant de meilleures chances de réussite scolaire à ces petits Français pas tout à fait comme les autres.


pour en savoir plus

Des langues récentes Les créoles à base française seraient parlés par près de 10 millions de locuteurs dans le monde, dont une grande majorité en Haïti (7 millions). Apparus entre le xviie et le xviiie siècle pendant la colonisation, les créoles naissent de la nécessité de se comprendre entre différents groupes de populations n’ayant pas de langue commune puisque les maîtres blancs ne parlaient que le français et les esclaves noirs ne pratiquaient que leurs langues africaines. En revanche, la créolisation ne résulte pas d’un mélange des langues, mais à la fois d’un apprentissage non guidé du français et de l’évolution historique de ces langues. Les créoles se distinguent, notamment, par leur structure grammaticale « agglutinante », tant au niveau nominal que verbal. Ainsi en créole de Guadeloupe: - « le chat » se dit chat-la (chat + défini) - « ce chat » se dit chat-la-sa (chat + défini + démonstratif) - « ces chats » se dit sé chat-la-sa (pluriel + chat + défini + démonstratif).

L’Organisation internationale de la Francophonie cherche à rapprocher le français et le créole dans l’enseignement.

aux créolophones

« Utiliser les éléments communs du créole et du français. »

les éléments communs du créole et du français », commente le linguiste. « Une telle démarche est très importante car elle conduit les locuteurs créolophones à prendre conscience à la fois de ce que leur langue partage avec le français et de ce qui constitue des originalités de leur parler par rapport à cette même langue. On améliore et on accélère par cette démarche l’enseignement du français, tout en valorisant le créole et en montrant sa relation génétique avec le français, composante majeure de toutes les langues et cultures créoles. On apaise donc par là des conflits identitaires dont certains cherchent à faire leur miel idéologique et /ou politique. » La chasse aux créolismes L’essentiel des matériaux linguistiques des créoles (vocabulaire, pho-

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En Guadeloupe, le créole est la langue de la rue.

© Franck Bichon / PxP Gallery

langue française, indispensable pour suivre les cours proposés en français, comme partout en France. Dans ces territoires, l’enseignement du français n’est pas adapté à des apprenants qui ont souvent le créole comme langue maternelle. Pour remédier à ce handicap linguistique socialement très pénalisant, Robert Chaudenson propose, dans le cadre d’un programme mis en place par l’Organisation internationale de la Francophonie, une didactique adaptée à l’enseignement du français en créolophonie. « L’idée principale est d’utiliser de façon dynamique

nétique, grammaire) vient en effet du français. Pourquoi une telle démarche de rapprochement, qui semble aussi évidente qu’indispensable, n’a-t-elle jamais été entreprise ? Selon Robert Chaudenson, « les systèmes éducatifs ont toujours fonctionné, jusque dans les années 1980, sur trois principes. L’exclusion, totale et systématique, du créole hors de l’école. La suprématie de l’écrit et surtout la recherche d’un mythique, “français pur”. La chasse permanente aux créolismes surtout phonétiques : comme si les créolophones n’avaient pas le droit, comme les Marseillais ou les Alsaciens, d’avoir un accent ! » Pourtant très éloignée d’un enseignement du et en créole, cette didactique adaptée de l’enseignement du français risque d’être mal perçue par des populations toujours très sensibles sur ces questions à la fois linguistiques et identitaires. De nombreux locuteurs considèrent que le créole qu’ils parlent n’est pas une langue. Seul le français, socialement survalorisé, a une importance à leurs yeux. Des spots télévisés ont donc été prévus pour informer le grand public. Robert Chaudenson souligne qu’« avant toute chose, il faut chasser les idées reçues sur la relation entre le français et le créole, en particulier chez les créolophones ». ■

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dossier // culture

© J. Foley / Opale

Par Nicolas Dambre

« La littérature créole a

pour horizon la liberté » Romancier, poète et essayiste guadeloupéen, Daniel Maximin est l’auteur de L’Isolé Soleil et de L’Invention des désirades. Acteur majeur de la francophonie, il revient sur les rapports entre langue et littérature dans l’espace créolophone.

Les Français d’outre-mer entretiennent-ils un rapport particulier à la langue française? Daniel Maximin: Comme toute personne bilingue, les Français d’outremer peuvent jouer avec deux langues, le français et le créole. Après l’abolition de l’esclavage en 1848, la langue française est devenue l’outil de l’émancipation grâce à l’école. Le créole et les pratiques créoles ont été rejetés, considérés comme sauvages ou d’arrièregarde. Nous avons reproduit cette coupure, très française, entre les élites bourgeoises et le peuple. Dans les années1960, la langue et la culture créoles ont été mises en avant pour leur authenticité, car elles étaient méprisées par les bourgeois et l’État. Le créole s’est-il inventé face à la langue française du colonisateur? D. M.: Les Antilles sont vues comme

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bilingues, mais en réalité, dans les colonies françaises, on parlait les langues régionales de France – comme le breton ou le béarnais –, pas le français, la langue de l’État. Les premiers colons ont été décimés par le climat tropical et la dureté de la vie. On a alors fait appel à une deuxième vague d’immigration, avec des esclaves achetés en Afrique. D’où la naissance d’une langue nouvelle, le créole, une « langue de compromis » selon Édouard Glissant, inventée par les Blancs et les dizaines de peuples africains amenés dans les colonies, qui avaient interdiction de parler leur langue. À partir de cette multiplicité de langues est né le créole, langue véritablement composite, ni africaine, ni européenne. Bien sûr, l’essentiel du vocabulaire vient du français et a été réadapté. C’est pour cette raison qu’on a pu penser qu’il s’agissait seulement Le français dans le monde // n° 368 // mars-avril 2010


La réalité littéraire dépasse la langue, c’est un lieu extraordinaire d’échanges et de cultures. d’une déformation du français. Contrairement à ce que l’on a pu affirmer dans les années 1960 et 1970, dans les mouvements nationalistes, le créole n’était pas le symbole de l’authenticité ou de la résistance des Noirs à la colonisation : c’était la langue des Noirs et des Blancs, la langue de la plantation, celle du maître et de l’esclave. La langue et la littérature créoles se sont-elles façonnées comme des armes? D. M. : La culture européenne a été imposée aux esclaves pour qu’ils servent leur maître. On a par exemple formé des précepteurs qui devaient apprendre la musique ou savoir lire. C’était une sorte de piège, puisque ces instruments ont été utilisés par l’esclave pour se libérer : si on libère l’expression, on se libère soi-même. Un peu comme lorsque l’on apprenait à des esclaves le maniement des armes pour qu’ils puissent accompagner le maître à la chasse: le fusil risquait d’être utilisé, un jour, contre le maître. Les esclaves ont bricolé leur propre identité sans vraiment choisir leurs outils.

Dans ces conditions, comment la littérature caribéenne est-elle née? D. M.: Les premiers écrits d’esclaves affranchis datent du xvIIIe siècle et ce sont d’abord des femmes, des poétesses, car les hommes travaillaient plutôt dans les plantations. Ces femmes ont écrit sur le modèle que leur maître leur a inculqué, elles s’exprimaient naturellement en français. La femme qui écrit est la représentante de l’oralité et du monde populaire dans l’expression littéraire. L’écriture ne se fait pas contre l’oralité. La coupure entre écrit et oral est une idée européenne. Quelles sont les spécificités de la littérature caribéenne? D. M.: C’est une littérature qui a pour horizon la liberté. Il n’y a par ailleurs pas de coupure entre la dimension poétique et la dimension romanesque. Dans le « réalisme merveilleux » haïtien, le réalisme à la Zola se marie à l’imaginaire d’un Baudelaire. La littérature haïtienne a aussi mêlé le romantisme et le Parnasse, deux mouvements pourtant en opposition. Les pratiques du roman et de la poésie sont libératrices.

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La littérature francophone influence-t-elle la littérature conçue en métropole? D. M.: La littérature française est francophone depuis toujours. C’est-à-dire que sa langue, ses influences, ses usages dépassent les limites de l’Hexagone. On a trop classifié les choses. Nous sommes dans la littérature, un point c’est tout. La réalité littéraire dépasse la langue, c’est un lieu extraordinaire d’échanges de cultures. Et la présence créole en France est beaucoup plus importante et ancienne qu’on ne le pense. ■

QUELQUES GRANDS NOMS DE LA LITTÉRATURE CRÉOLE ■ Parmi les écrivains antillais, Aimé Césaire, fondateur du concept de « négritude » (Cahier d’un retour au pays natal), Édouard Glissant qui préfère lui, le concept d’« antillanité », faisant passer au premier plan l’histoire et le territoire antillais. Mais aussi Joseph Zobel avec son célèbre roman de formation Rue Cases-Nègres, Daniel Maximin, Maryse Condé et ceux qu’on appelle les romanciers de la créolité: Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant notamment, qui parient sur le métissage du français par la langue créole. Texaco, prix Goncourt 1992, en est l’exemple le plus représentatif. ■ En Haïti, René Depestre (Hadriana dans tous mes rêves), Jean Metellus ou encore Dany Laferrière (L’Énigme du retour). ■ À La Réunion, les romanciers Axel Gauvin et Jean Lods, le poète Boris Gamaleya.

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Par Xxxxxxx xx xx xxxx xxxxxx xxxxxx xxxxxx xxx

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La fiche pédagogique à télécharger sur : www.fdlm.org

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L’auteur Né au Québec en 1974, Jimmy Beaulieu vit à Montréal. Auteur, mais aussi éditeur et libraire de bande dessinée, il a notamment publié Côte nord en 2009 aux éditions Colosse et Le Moral des troupes aux éditions Mécanique générale.

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mémo // à voir INVENTAIRE À LA PRÉVERT: LES ACTUALITÉS DU XXE SIÈCLE

Et si nous partions pour un cours d’histoire pas comme les autres? Si nous redécouvrions le xxe siècle à la lumière des « informations filmées »? C’est ce que nous propose Pierre Philippe avec Cinéactualités. Ce livre-DVD est composé de 60 films d’actualité, exposant des évènements singuliers survenus entre 1908 et 1968. 60 films dont les sujets font par ailleurs l’objet d’une nouvelle écrite par l’auteur et illustrée de documents d’époque. Le politique croise le sportif, le littéraire côtoie le criminel, le scientifique frôle l’artiste et tout ce petit monde offre une mosaïque étonnante de la vie du siècle passé, à la manière d’un inventaire à la Prévert. 700 passagers – sur 2200 – survivent au naufrage du Titanic, Yvonne Printemps épouse Sacha Guitry, et puis, Astrid, reine des Belges, meurt à 29 ans, Hitler rend les cendres de Napoléon II à la France en 1940, Piaf fait l’Olympia, Mehdi Ben Barka est enlevé en plein Paris et en 1968, le mois de mai est particulièrement mouvementé… n

PORTRAIT D’UN HOMME PUISSANT Lucas Belvaux, connu comme acteur (notamment sous la direction de Chabrol et Guédiguian), a le don, en tant que réalisateur, de ne pas choisir la facilité. Dans Rapt, s’il s’inspire de l’enlèvement, en 1978, du baron Empain, il dresse surtout le portrait d’un homme puissant et de son humanité révélée par le drame qu’il vit. On aurait aimé des bonus plus conséquents… Heureusement que la puissance du film atténue cette petite faute de goût. n

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Par Bérénice Balta

Éric Rohmer laisse derrière lui une œuvre dense, exigeante, parfois pointue, alors qu’il recherche, souvent, la simplicité.

Découvrir ou redécouvrir Rohmer C’était une légende. Discrète, secrète, mystérieuse. C’était un auteur, un sacré cinéaste. D’abord passé par l’enseignement – il a commencé comme professeur de lettres – et la critique – il a participé, entre autres, aux mythiques Cahiers du cinéma –, Éric Rohmer, né Jean Marie Maurice Schérer, est mort en janvier dernier, à 89 ans. Il laisse derrière lui une œuvre dense, exigeante, parfois pointue, alors qu’il recherche, souvent, la simplicité (mais n’est-elle pas plus difficile à atteindre ?), une œuvre, à tout le moins, cohérente.

Le 9e art a enfin sa collection DVD

Étudiés dans les universités, plébiscités dans le monde entier, les films d’Éric Rohmer sont à découvrir, ou redécouvrir, en DVD. En coffrets thématiques, quand il s’agit des Six contes moraux ou des Comédies et proverbes, à l’unité (Paris vu par… ), ou encore en super coffret collector, pour les fans absolus, avec pas moins de 21 de ses films (publiés par Opening). Il y a matière, en tout cas, à voir ou à analyser, pour qui s’intéresse à un cinéma que l’on peut, d’ores et déjà, qualifier de « classique ». n

La bande dessinée est, aujourd’hui, un art reconnu. Qui a son festival (Angoulême), ses stars (Hergé, Goscinny, Pratt, Bilal), ses genres (comic book, manga, fumetto), ses éditeurs (Dargaud, Casterman, Dupuis) et, maintenant, sa collection DVD ! Alors que la bande dessinée s’affirme de plus en plus comme le langage de tous les possibles – et avec un secteur d’activité toujours en progression malgré la crise –, Arte Éditions a décidé de lui créer une collection DVD pour elle toute seule ! Univers BD se veut la vitrine représentative de ce qui se fait de mieux dans le genre, de sa diversité également. Premiers opus proposés, La BD s’en va t-en guerre, où comment Mark Daniels part sur les traces du BD journalisme et Art Spiegelman, traits de mémoire, un film de Clara Kuperberg et Joëlle Oosterlinck, qui nous permet d’approcher l’univers de celui qui a reçu le prestigieux prix Pulitzer pour Maus, en 1992. En juin sortira un troisième volet, consacré cette fois à l’éclectique Joann Sfar qui, après s’être frotté à Gainsbourg, travaille à l’adaptation de sa propre BD, Le Chat du Rabbin, en dessin animé. n Le français dans le monde // n° 368 // mars-avril 2010


inéma ethnographique… Terme fort docte, que d’aucuns pourraient traduire par ennuyeux. C’est parler sans connaître le travail de Jean Rouch, disparu il y a tout juste six ans, à l’âge de 86 ans, sur les routes du Niger. Grand bonhomme pressé et curieux, il a filmé inlassablement l’Afrique, ses hommes et ses femmes, ses rites, ses coutumes. Il l’a fait certes avec beaucoup de sérieux, avec beaucoup d’humour également. Comme le prouve ce coffret, Jean Rouch, une aventure africaine, qui met en avant toute la vigueur, toute la verve, toute la faconde de ce cinéaste voyageur. Chacun des quatre DVD permet, ainsi, de se fami-

© DR

Un quart de siècle d’exploration africaine

© Fonds Jean Rouch

DEUX FRÈRES, UN JEU DE RÔLES Le cinéma permet de s’amuser, certes, mais également de se cultiver, d’apprendre, de découvrir… Tel ce Demain dès l’aube du trop rare Denis Dercourt. Cette histoire de frères dépassés par ce qui leur arrive donne ainsi à voir comment la pratique de jeux de rôles peut influencer toute une vie, au point de la déconnecter de la réalité. n

liariser avec une époque (Les Fils de l’eau), un peuple (Le Peuple de la falaise), un rite (Sigui), ou encore de voir à quel point l’homme savait faire preuve de légèreté et de bonhomie (Le Rire et l’amitié). Le spectateur peut piocher, picorer presque dans cette somme filmée, passionnée et passionnante. Ici, on lui offre un court-métrage documentaire en noir et blanc, là, un docu-fiction en couleur, plus loin c’est une interview du Maître qui éclaire un point particulier, quant au travail de ses pairs : il est aussi présent, de sorte qu’on a le sentiment d’avoir une approche complète, si ce n’est totale, de l’œuvre de celui qui fut d’abord ingénieur diplômé des Ponts et Chaussées, avant d’être happé par l’ethnologie et le cinéma.

Jean Rouch a filmé inlassablement l’Afrique, ses hommes et ses femmes, ses rites, ses coutumes.

© DR

Coffret 4 DVD, Les Fils de l’eau, Le Peuple de la falaise, Sigui, Le Rire et l’amitié

On ne rappellera d’ailleurs jamais assez qu’il participa à la refonte du cinéma ethnographique, qu’il inventa l’ethnofiction, qu’il porta, quasiment, le cinéma direct sur les fonts baptismaux et qu’il fut l’un des compagnons de route de la Nouvelle Vague! Ce sont, en tout, quelque huit heures d’images qui balayent plus d’un quart de siècle d’exploration africaine, pour nous rendre plus proche, plus palpable ce continent complexe et riche. n­­

PATRIMOINE CINÉMATOGRAPHIQUE AFRICAIN Parce qu’il est capital de sauvegarder, à vocation culturelle en France et dans de valoriser et de faire connaître le pales instituts et centres culturels français trimoine cinématographique africain, à l’étranger. Culturesfrance a entrepris, depuis Le dernier en date, Femmes d’Afrique, quelques années, l’édition de coffrets propose trois classiques savoureux. Bal DVD – diffusés auprès d’organismes poussière d’Henri Duparc et Visages de Le français dans le monde // n°368 // mars-avril 2010

femmes de Désiré Ecaré, exposent avec force humour quelques sujets de société récurrents, telle la polygamie. Quant à Ababacar Samb Makharam, il s’interroge, dans Kodou, sur la dichotomie Afrique-Occident. Pertinent! n

© Christine Tamalet

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JEAN DUJARDIN EST LUCKY LUKE Le cow-boy qui tire plus vite que son ombre est passé, avec bonheur, du trait du dessinateur Morris aux traits de Jean Dujardin… Qui lui prête brillamment vie dans le film de James Huth – et l’on oublie, ainsi, l’interprétation de Terence Hill, dans les années 1990. Relecture toute personnelle, cette adaptation utilise tous les artifices que le cinéma peut offrir pour en faire une œuvre à part, pleine d’humour et de dérision. Personnage mythique de la BD, Lucky Luke est, donc, à redécouvrir. Sans oublier des bonus qui prolongent agréablement l’aventure. n

TENDRESSE ET HUMOUR POUR SES PERSONNAGES Bruno Podalydès, frère aîné du brillant sociétaire de la Comédie-Française, Denis, est un cinéaste fin, drôle et qui aime ses semblables. Il faut découvrir le petit bijou que sont ces Bancs publics (Versailles Rive droite) et les suppléments proposés sur ce riche DVD pour s’en persuader. « Elle a pas inventé le Post-it », réplique hilarante, dite de différentes manières, donnera des idées à plus d’un professeur! n

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mémo // à écouter

Par Jean-Claude Demari et Edmond Sadaka

coups de cœur Musiques du monde 2009

Ce fils d’Oran, Lyon et Paris fut le leader du groupe Carte de séjour. Avec Bonjour, Rachid Taha poursuit avec brio dans un domaine qu’il est le seul à occuper en France : le rock en arabe. Vieux Farka Touré, le fils du grand guitariste malien Ali Farka Touré est parvenu à sortir de l’ombre de son père. Fondo, son deuxième opus, mêle les rythmiques rock, soul et reggae. Le chanteur sénégalais Baaba Maal s’est écarté des musiques traditionnelles. Avec Television, il s’aventure avec bonheur sur le terrain « électro ». Liberté: l’album du retour aux sources pour le roi du raï, Khaled. Le disque convoque luth, violons, flûte, percussions et accordéon.

Corneille revient à la langue de Molière Son premier album Parce qu’on vient de loin, lui avait permis en 2003 de connaître un succès presque immédiat. Le public avait été touché par son histoire : celle d’un rescapé de la guerre au Rwanda. Corneille – qui possède la double nationalité rwandaise et canadienne – avait ensuite publié trois autres albums, dont un en anglais, qui n’ont pas connu les mêmes faveurs du public. Son dernier disque intitulé tout simplement Sans titre est un retour à la langue française. L’un des dix titres aux sonorités groove revient sur son passé tragique – un groupe armé a tué ses parents et frères et sœurs lors du génocide au Rwanda. Corneille évoque aussi son destin hors normes et les dérives du show business. E. S.

© Sofia

Elle est une des plus grandes chanteuses du Mali. Après un long silence, Oumou Sangaré revient avec Seya et fait sensation. De beaux textes humanistes servis par une voix exceptionnelle.

Reconnue comme l’une des grandes interprètes de la musique arabo-andalouse d’Alger, Nassima s’autorise dans Des racines et des chants quelques détours par le Moyen-Orient et les danses latinos. Salif Keita a souffert d’être né albinos. Le dernier album de cet artiste malien s’ouvre sur un superbe hymne à la différence et renoue avec la majesté du chant mandingue (La Différence).

Dans Nha Sentimento, la star du CapVert, Cesaria Evora, propose quatorze très beaux inédits signés en majorité par ses compositeurs fétiches, Manuel de Novas et Teofilo Chantre. Musicien génial et chanteur, l’artiste camerounais Richard Bona propose avec The Ten Shades of Blues un disque émouvant, qui envisage le blues comme un dénominateur commun entre les musiques du monde entier.

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© Richard Duma s

Son style, c’est le mbalax, un genre traditionnel ouvert au jazz et au rock. Omar Pene, pilier de la musique africaine moderne, revient avec Ndam à l’acoustique avec un accompagnement pour le moins original: l’accordéon.

La musique acérée de Luke Dix ans que Luke balance son rock intellectuel et tripal à un public qui l’ovationne à toutes les étapes : La Terre ferme en 2007, La Sentinelle en 2005. Pour son quatrième album en studio, D’autre part, Luke s’est malgré tout remis en question : musique encore plus acérée (magnifique « Manhattan »), textes encore plus recherchés (« Le Robot », hommage à Isaac Asimov, l’entêtant « Faustine »).

Luke est bien au croisement de Noir Désir et de Louise Attaque, plus un génie propre. En témoignent aujourd’hui « Pense à moi », tube pop entêtant au rythme haletant et aux paroles recherchées, « Les Amants de Valence », surpuissant et désespéré, « Fini de rire », déploration vitaminée de la peur du rire… Le rock de Luke n’est qu’un roseau, mais c’est un roseau pensant. J.-C. D.

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Couronné par le prix Renaudot des lycéens et le prix du Roman France Télévisions 2009, le récit de Véronique Ovaldé, Ce que je sais de Vera Candida, fait partie de ces romans flamboyants et exubérants qui gagnent à être contés à haute voix. D’une voix chaude, sensuelle, la comédienne Catherine Falgayrac raconte le retour de Vera Candida à Vatapuna, une île nichée au cœur d’une Amérique du Sud imaginaire. Dans l’entretien avec l’auteur qui figure en bonus, Véronique Ovaldé évoque ses sources d’inspiration, la littérature latinoaméricaine notamment.

Sobre mais brillant, dans une veine beaucoup plus réaliste, le roman de Delphine De Vigan, Les Heures souterraines, lu par la comédienne Marianne Épin, emporte tout autant l’auditeur. Il s’agit ici de deux trajectoires dramatiques. Mathilde, harcelée dans son travail, épuisée, au bord de l’effondrement, vit la sienne en partie dans les transports en commun. Thibault, médecin et amoureux perdu, explore la solitude urbaine plus en surface, dans la voiture qui l’emmène d’un malade à l’autre. Pour les deux, ces heures souterraines correspondent, comme le confie l’auteur, aux « heures cachées, la part la plus intime, ce qui reste à l’abri de la lumière ».

© Na bil Eld erkin

livres à écouter

La grande voix féminine du Bénin n’avait pas donné de nouvelles depuis deux ans. La revoici avec un album principalement composé de reprises soul funk. Angélique Kidjos’est tournée vers les coups de cœur de sa jeunesse (Õÿö). La chanteuse québécoise a eu la bonne idée de dénicher des textes inédits de Vian écrits sur les standards américains. Diane Tell s’est entourée, pour Docteur Boris & Mister Vian, de pointures du jazz comme le pianiste Laurent de Wilde.

Sophie Patois. Molly Malone balade irlandaisede Renaud: treize chansons « adaptées en français » et extraites du meilleur de la tradition irlandaise. Un hommage à l’Irlande. Les thèmes: la fraternité humaine, l’exil, l’insularité, la rébellion...

L’Innocent Jean-Philippe Nataf ©

DR

De 1982 à 1999, on l’a connu à la tête du groupe pop Les Innocents (enregistrement majeur: Fous à lier, en 1992). Depuis 2004 et son album Plus de sucre, Jean-Philippe Nataf chante seul. Clair, son second album solo, est fidèle à son idée de la chanson: mélodies au cordeau, textes recherchés, rythmiques sans excès ni paresse, guitare acoustique et musique pop folk intimiste. On remarque quelques très beaux titres, parmi lesquels figurent « Viens me le dire », qui évoque à la fois William Sheller et le Nino Ferrer de 1975, et « Après toi », qui, appuyé sur des chœurs, affiche un ton bien plus grave qu’à l’habitude. Cette fois, c’est Leonard Cohen qui est convoqué: JP Nataf, comme un oiseau sur le fil… J.-C. D.

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Birdy Nam Nam et ses musiques survoltées sont une référence piquante de la « touche française » électro rock: dans Manual for Successful Rioting, nous aimons « Worried » et « Trans Boulogne Express ». Actrice, chanteuse, épouse de Roman Polanski, Emmanuelle Seigner livre avec Dingue un album rock caressant aux tons parfois gainsbouriens. Écoutez « Dingue » et « Alone à Barcelone ». © DR

Force, tension, chanson rock, textes sans concession dans …Tant pis: le premier album de Soan, surprenant vainqueur 2009 de la « Nouvelle Star » sur M6, est une réussite, dans la lignée de Brel et des Têtes Raides.

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mémo // à LIRE jeunesse Roman en bref

Aimer à travers les siècles Lors d’une visite au musée du Louvre, Zéphyrin Duval s’arrête devant le portrait d’une jeune fille, peint au XvIIe siècle par un artiste hollandais. Alors qu’il tombe amoureux de ce visage vieux de quatre siècles, des gouttes de sang se mettent à couler le long de son bras gauche... L’amour de deux êtres peut-il traverser les siècles ? L’histoire se répète-t-elle inexorablement ou at-on le droit à une seconde chance ? Enquête, aventure et science-fiction sont les ingrédients de récit enlevé que nous découvrons par le biais du journal intime du héros, écrit dans un style simple et familier (Une seconde chance, de Patrick Cauvin). Agnès Ceccaldi

Amitié et tolérance dans le grand Nord Louise grandit dans une vallée belle et rude, dont les habitants n’aiment pas se mêler à « ceux d’en bas ». Aussi lorsque Chems arrive au lycée, elle est la seule à ne pas rejeter cet étranger aux cheveux longs et à la peau bronzée, qui vit dans une caravane au fond des bois. Xavier-Laurent Petit plonge au cœur des paysages montagneux du Nord de l’Amérique pour mieux explorer la puissance des liens qui unissent l’homme et la nature. Il signe avec L’Attrape-rêves un roman magnifique sur l’amitié, la tolérance et, en filigrane, l’amour de la littérature. A. C.

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DERNIERS MOIS D’UN HUMANISTE De septembre 1941 au 22 février 1942 – date à laquelle il s’est donné la mort avec Lotte, sa dernière épouse –, le grand écrivain autrichien Stefan Zweig, contemporain et ami, entre autres, de Freud, Romain Rolland, Rilke, Schnitzler, a vécu en exil au Brésil. Ces derniers mois d’un humaniste vaincu par la guerre et la barbarie, Laurent Seksik – écrivain et médecin – en imagine avec soin et finesse la substance dans Les Derniers Jours de Stefan Zweig. Il éclaire ainsi le geste ultime de l’artiste en soulignant comment, à la lecture de l’essai que Zweig écrivit sur Kleist en 1925, résonne déjà l’écho du suicide ultérieur. Libéré du carcan de la biographie, le récit monte en puissance dramatique et gagne en densité au fil des pages, dévoilant le caractère infiniment mélancolique d’un homme anéanti par l’inéluctable disparition du « monde d’hier » (titre de l’autobiographie de Zweig), la Vienne « fin de siècle » avec laquelle il faisait corps.

COMMISSAIRE DE POLICE EN GUINÉE À N’Zérékoré dans le Sud de la Guinée, non loin du Libéria et de la Côte d’Ivoire, un ancien boxeur est devenu le commissaire de police Doré Dynamite. Une sorte de Colombo mâtiné Nestor Burma qui aurait copiné avec l’inspecteur Ali du Marocain Driss Chraïbi ou encore Fossoyeur et Cercueil, les deux acolytes du romancier américain Chester Himes. Il va devoir démêler une intrigue à la sauce barbouze et affronter les convoitises extérieures et les complicités locales qui organisent la spoliation des richesses du pays.« Affaire » fictive qui en rappelle quelques autres… Un bref polar aux accents caustiques et à la langue inventive pour cet artiste à la biographie richement cosmopolite puisque, né à Paris d’un père guinéen, d’une mère sénégalo-malienne, Sunjata a grandi en Côte d’Ivoire et vit aujourd’hui en France où il exerce aussi ses talents de musicien (trois albums hip-hop) et de cinéaste (Identités, Colonialisme), deux activités dont on retrouve la trace dans l’écriture de ce premier roman, Kalachnikov blues.

Sophie Patois

Bernard Magnier

PARODIE DE ROMAN À L’EAU DE ROSE La narratrice est un écrivain qui avoue d’entrée de jeu la mascarade : elle espérait faire endosser sa propre histoire par une autre (un personnage dénommé Léa) et ne pas dire « je » afin d’oublier ses déboires sentimentaux. Sursaut de lucidité, élan de sincérité, elle tombe le masque et raconte ses désillusions amoureuses à la première personne tout en « dialoguant » avec Léa qui lui permet de garder distance et dignité! Vraie-fausse histoire, parodie de roman à l’eau de rose, dans Tous mes vœux, Anne Weber s’amuse avec subtilité et talent de ce que notre existence comporte de mauvais roman. Née en Allemagne, installée en France depuis presque 30 ans, l’auteur écrit aussi bien dans les deux langues, avec beaucoup d’esprit. Par ce conte cruel, elle décortique au rayon laser l’amour, ou plutôt l’illusion de l’amour, avec humour certes, mais non sans grincements… S. P.

UNE FABLE ANTI-RACISTE En visite à Paris, une femme d’affaires africaine se retrouve victime d’une bavure policière. Mathias, modeste « plume » du maire de Paris, chargé d’écrire ses discours, va se voir confier la délicate mission de réparer l’injustice… Usant d’une ironie joyeuse de la première à la dernière ligne de La Disparition de Paris et sa renaissance en Afrique, Martin Page s’emploie avec bonheur à composer une vraie comédie moderne au rythme vif et incisif. Antihéros par excellence, son personnage principal guide le récit vers la fable anti-raciste en cultivant humour, fantaisie et extravagance. Histoire d’une rencontre interculturelle (l’Afrique/l’Europe) et intergénérationnelle (un jeune quadragénaire et une septuagénaire) plutôt baroque, ce conte d’allure légère porte néanmoins en lui les germes d’une réflexion plus grave qu’il n’y paraît. S. P. Le français dans le monde // n° 368 // mars-avril 2010


Polar Roman

Le sortilège unissant deux jumeaux Il est des livres comme des êtres humains, certains se révèlent plus amples que d’autres, plus consistants, plus attirants. Le Bateau brume de Philippe Le Guillou appartient à cette catégorie. Fortement ancré dans les paysages qu’ils soient bretons, périgourdins, écossais, irlandais ou encore parisiens, ce récit envoûtant livre et délivre au fil de ses pages quelque chose du sortilège qui unit deux jumeaux. D’un style ciselé et éclatant, Philippe Le Guillou (prix Médicis pour Les Sept Noms du peintre) dessine des personnages aux caractères trempés, Gilles et Guillaume, les deux faces d’une même pièce frappée du sceau de la fraternité, de l’amitié, de l’amour. Au bord de la rivière bretonne de l’Elorn, leur point d’ancrage, sous la

figure tutélaire du grand-père, leur propre père s’étant enfui, les deux frères puisent, chacun à leur manière, matière à exalter leur existence : l’un dans la peinture, l’autre dans la politique. Évoquant avec force images les puissances visibles et invisibles de l’art, le récit vaut également par une peinture de la caste politique, sans fard et sans concession. S. P.

MANIPULATIONS EN TOUT GENRE Quand il riposte violemment à l’humiliation de trop, Alain Delambre ne se doute pas qu’il s’engage dans un engrenage fatal. Qu’il va gripper, par une succession de mensonges et de paris désespérés, ce système qui l’a pressurisé, rejeté, dévalorisé. Pour reconquérir sa dignité, sa femme et l’estime de ses filles, il puise dans des ressources humaines insoupçonnées. Avec la complicité des manipulations médiatiques, managériales, Pierre Lemaître piège ses personnages et son lecteur. En trois temps et deux voix, il met en place un dispositif efficace truffé d’hommages littéraires. Un coup de maître. N. R. CRIME ORGANISÉ En général, la Fluviale doit fouiller dans les méandres de la Seine pour repêcher le corps des morts. Alors en cette nuit de décembre où une barque dépose un cadavre sous les fenêtres de la police judiciaire, quelque chose semble s’être déréglé. Ou réglé avec une minutie d’orfèvre? Ce premier roman d’Ingrid Astier, composé comme un parfum, exhale une dose d’esthétisme, un soupçon de soufre, le tout enveloppé dans le flacon ciselé d’un Paris sombre et scandaleux. On plonge dans ce long fleuve intranquille comme dans le sillage de la dame en noir. Avec ivresse et abandon. N. R.

bande dessinée Science-fiction

Le nouveau pari de Pascal En couronnant le troisième volume des aventures de Pascal Brutal meilleur album de bande dessinée de l’année 2009, les jurés du 37e festival international de la bande dessinée d’Angoulême ont fait un choix parfaitement logique et totalement surprenant. Logique, car le créateur de Pascal Brutal est devenu une star : Riad Sattouf a acquis sur grand écran la gloire populaire avec Les Beaux Gosses. Lorsque réalisateur, il met en scène les réflexions sur l’adolescence déjà couchées sur papier dans son Retour au collège, tout coule de source. Surprenant, car avec Pascal Brutal, « l’homme le plus viril de France », Sattouf peaufine une œuvre ambivalente qui fait rire aux éclats, tout

en interrogeant les codes et usages de nos sociétés, en particulier parmi les jeunes de banlieue. Dessin de caricature et couleurs vives servent les histoires de cet anti-héros tendre et féroce à la fois, où un humour décalé permet à l’auteur de glisser des fantasmes peu avouables. Musclé, libéré et simplet, le Tintin du XXIe siècle est né. Sébastien Langevin

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DIX ENTRÉES POUR LE VIEUX ROYAUME Dans sa première version publiée chez le même éditeur en 2007, Janua Vera comportait sept portes d’entrée dans le Vieux Royaume. Cette édition revue et augmentée – dont une nouvelle inédite – invite le lecteur à en pousser trois autres. Jean-Philippe Jaworski esquisse les contours d’un univers moyenâgeux à travers dix portraits intimes et vifs de personnages confrontés à la mort, aux intrigues politiques, aux revirements d’un champ de bataille ou aux simples aléas du quotidien. De Giono à Beaumarchais, de Chrétien de Troyes à Borges, en passant par Terry Pratchett, chaque récit revendique une ou plusieurs influences littéraires. Que l’atmosphère se teinte d’humour, de poésie ou de fantastique, elle repose sur une langue très travaillée et élégante. Chacun de ces textes contredit la fanfaronnade écrite dans l’avertissement au lecteur: « Bref, on écrit toujours pour de mauvaises raisons. Et on lit de la même manière. » Nathalie Ruas

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mémo // à LIRE Essais

Tout sur

Histoire culturelle des Maghrébins en France

les Français

Portrait riche et inédit des Maghrébins en France, de la fin du XIXe siècle à nos jours : musiciens, peintres, écrivains, chanteurs (exprimant l’exil, la nostalgie), cinéastes (présentant une France postcoloniale, multiethnique et transnationale), vedettes de football, humoristes (qui tournent en dérision les stéréotypes), auteurs de bandes dessinées (revisitant l’histoire et la politique). Sont évoqués aussi, à côté de l’histoire militaire et coloniale, la représentation des Maghrébins dans les médias. Composé d’une cinquantaine de contributions d’historiens, de sociologues, d’intellectuels et de 400 documents, Générations illustre l’appartenance de l’histoire culturelle des Maghrébins en France au patrimoine et à la mémoire collective. P. H.

Dans Francoscopie, Gérard Mermet décrit et analyse les attitudes, les comportements et les valeurs des Français dans leur vie quotidienne : santé, éducation, famille, vie sociale, travail, revenus, consommation, loisirs… Il interprète les tendances actuelles, établit des comparaisons dans le temps et dans l’espace et met en évidence les écarts importants entre la réalité et sa perception par les Français. D’où l’identification par l’auteur de six ruptures. Ruptures dans la vision de la vie – où la vie familiale reste prioritaire même si elle est plus accidentée (séparations, divorces, recompositions) : lorsque c’est dur au-dehors, il faut que ce soit doux au-dedans. Ruptures dans la vie sociale avec une vie en société qui s’est globalement désagrégée au profit des appartenances familiales mais aussi tribales, claniques, communautaires. La collectivité nationale a perdu du sens et le mot citoyen du contenu. Ruptures dans le travail : incertain et précaire, mal vécu, générateur de stress, il est moins considéré comme un moyen de s’épanouir ou de s’accomplir. Ruptures dans la consommation où l’on n’observe pas seulement une consommation de crise mais aussi une crise de la consommation. Ruptures dans les

loisirs : les vacanciers partent plus souvent, moins longtemps, de préférence pour moins cher. Ruptures idéologiques qui rendent le système économique et politique d’essence libérale, capitaliste, mondialiste responsable des dérives économiques, sociales et environnementales actuelles. Pour Gérard Mermet, de grandes tendances s’affirment : l’individualisation (ou reconnaissance de la personne en tant que finalité de la société) ; la dématérialisation (développement des activités de service révolution informatique) ; la mondialisation (progression à l’échelle de la planète des échanges économiques et des moyens de communication) et la féminisation (montée des valeurs féminines dans la société actuelle). Philippe Hoibian

Poches francophones Un jeune soldat israélien s’apprête à profiter d’une permission lorsqu’il est enlevé puis abandonné par un commando. Amnésique, sans identité, la tête coiffée d’un keffieh, il est recueilli par une famille palestinienne et connaît les douleurs de… l’autre côté (Hubert Haddad, Palestine). B. M.

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Au bout du bout de la ligne de RER: Joignyles-deux-Bouts, la bien nommée. Dans ce village, le Balto, un bistrot avec ses habitués, et son patron, beauf macho plus détestable que nature, retrouvé baignant dans son sang. Parmi ses clients, chacun aurait eu une bonne raison de vouloir s’en débarrasser. Les Gens du Balto de Faïza Guène: un polar social entre misère, licenciement, désespoir et quotidien ordinaire par l’auteur de Kiffe kiffe demain (2006) et Du rêve pour les oufs (2008). B. M.

Trente-cinq ans après la répression meurtrière de la manifestation pacifique d’octobre 1961 dans les rues de Paris, une jeune fille de 16 ans découvre ce que lui ont tu sa mère et sa grandmère. Elle va à la rencontre de leur passé et de son histoire (Leïla Sebbar, La Seine était rouge). B. M.

Le français dans le monde // n° 368 // mars-avril 2010


Poches

Les enfants

Albert Camus, un mythe décisif

que nous allons laisser à ce monde

Par Claude Oliviéri Critiqué, vilipendé, admiré, jalousé, Albert Camus, avant d’être peut-être panthéonisé par la République, est en passe de devenir un mythe. Le cinquantième anniversaire de sa mort, survenue le 4 janvier 1960, a jeté de nouvelles lumières sur cet éternel Sisyphe. Rédigé par une équipe internationale d’une soixantaine de spécialistes, le Dictionnaire Albert Camus, dirigé par Jeanyves Guérin, est une mine d’informations sur la vie, les œuvres, les personnages, mais aussi le contexte politique d’une histoire que Camus a traversé avec sa fulgurante exigence. L’ordre alphabétique conduit malicieusement le lecteur du leader nationaliste algérien Ferhat Abbas à Zagreus, personnage de La Mort heureuse et comparse de Meursault, cet éternel « étranger ». ■

Philippe Meirieu s’interroge dans Lettre aux grandes personnes sur les enfants d’aujourd’hui sur le monde que nous allons laisser à nos enfants et, corrélativement, sur les enfants que nous allons laisser à ce monde. D’où l’importance accordée à l’éducation, dont l’objectif n’est plus « d’adapter des individus au monde mais de former des êtres capables de le transformer », et à la pédagogie active, dans laquelle « la mobilisation de l’enfant et son activité mentale sont indispensables » et où « le maître garde un rôle décisif ». Ces choix s’accompagnent d’une mise en garde contre l’emprise de la publicité, la société marchande et des écrans qui prennent les enfants pour cibles, et d’un constat: la société actuelle ne favorise pas le rôle des éducateurs. P. H.

Génération

adolescents

« Idéalisation pour les uns, réprobation pour les autres, l’adolescence n’est-elle pas le miroir de ce que nous ne sommes plus, le territoire de notre nostalgie ? » Disposant de leur propre langage et de leur propre réalité culturelle, les adolescents sont difficiles à cerner. Michel Fize illustre et commente différents aspects de cette génération dans Les Adolescents (Éditions Le Cavalier bleu, collection Idées reçues) : mal-être, précocité de la vie sexuelle, particularité des looks, goût pour les activités à risque, relations conflictuelles avec parents et adultes avec un jeu compliqué de partenaires / adversaires ayant des visées antagonistes. Dans cette même collection (ideesrecues.net), on retrouve d’autres titres d’accès facile et intéressants comme supports pour des débats dans la classe. P. H.

Le français dans le monde // n°368 // mars-avril 2010

Ce petit livre de 128 pages retrace sous forme de flash-back l’itinéraire d’Albert Camus de Lourmarin à Alger, en passant par le Paris de Combat, de SaintGermain-des-Prés et du monde du théâtre. José Lenzini partage avec Camus la même terre natale, le refuge de la Provence et l’expérience du journalisme. C’est peut-être ce qui l’a poussé à retrouver la trace de ce jeune étudiant algérien qui avait apostrophé Camus à Stockholm après la réception de son prix Nobel : l’ouvrage apporte un épilogue émouvant à cette polémique sur la justice et la mère (Les Derniers Jours de la vie d’Albert Camus). ■

En 128 pages et 5 chapitres, riches en analyses, témoignages et documents, Pierre-Louis Rey, universitaire d’origine algéroise, revisite avec talent la vie et l’œuvre de ce créateur de mythes, « solitaire et solidaire », qui fut, par sa plume et la constance de ses engagements, la conscience de toute une génération (L’Homme révolté). ■

L’écrivain et metteur en scène d’origine roumaine Virgil Tanase s’est penché sur la vie de Camus avec lequel il a en commun l’amour du théâtre et le rejet du totalitarisme. Rien d’étonnant à ce qu’il ait privilégié cette confidence: « Même mes révoltes ont été éclairées par la lumière. Elles furent presque toujours […] des révoltes pour tous, et pour que la vie de tous soit élevée dans la lumière » (Albert Camus). ■

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jeux

tests et jeux //

Des tests et jeux adaptés aux niveaux du CECR, pour jouer seul ou en classe…

La fiche pédagogique à télécharger sur : www.fdlm.org

Par Haydée Silva

Le menteur (A1) Un de ces personnages ment, tous les autres disent la vérité. Qui ment ? Qui est le professeur ?

1 2

Je ne suis pas le professeur

Clément, qui est blond et rondelet, et ne porte pas de lunettes.

Le professeur porte des lunettes

André, qui est blond et mince, et ne porte pas de lunettes.

Benoît, qui est roux et mince, et porte des lunettes. Djamel, qui est brun et rondelet, et porte des lunettes.

Le message secret (A2)

Andrée et Michel ont le goût du mystère. Recopiez dans la troisième grille les caractères qui sont au même emplacement dans les deux premières. Vous pourrez lire ce que ces cachottiers ont écrit à leurs amis.

Les mots intrus (B1)

Le professeur est mince

Le professeur est blond

H D A 6 E A D 3 A

E D B B 8 E Q M

N A 0 1 B ! B Y

O H N M L H A G S

U V S A A A 2 R T

S P I I 2 V 1 A A

EWS O U S ONO J S O F C R R I N H Z R N D N D R

E ? U N C L R E E

I R 3 A T R MD EM J O E N P S E Y

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N K 3 O I Z E U E

S C 7 U L 1 Z E T

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H E O R L A V 1 B

E I U M E R O 6 M

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E I L N U R T 1 E

U R L D L Y A 0 L

X A E R E R U 0 Z

I D C 5 E D D 3 A

F NO E G D A N C 9 M D 2 L 8 F K EWE R - G MY L

U V S A A A 2 R ?

S Q K I 7 V 1 A A

D O P K H R H N N

E S V N G L R E E

J R O - A C T R E O ! P EMA L R A E N D SWR E - X

N L 4 O I 0 E U E

S C 8 U L 2 Z E T

G U N S P P Y D

H E O R L A V 8 Z

E U I N U 8 NM E R RM O U 6 0 M I

D L V P E T S 5 C

R L E E U I F 3 H

E I L N ? R X 1 E

U R L D L Z A 0 L

X 9 E R E T U Z O

X U N S C I 3 D D

S S O O R Q ! 6 R

3

Dans chacune des listes, il y a un mot intrus. Lequel ? Pourquoi ?

A. aller – descendre – monter – passer – sortir B. déjà – demain – jadis – puis – souvent C. avoir – être – savoir – venir – vouloir

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Le français dans le monde // n° 368 // mars-avril 2010


Québécismes (C1)

L’item unique (B2)

4

Dans cette liste d’expressions ent étonné(e). permettant de dire Je suis vraim sa surprise, une seule Hein ! n’apparaît qu’une fois. Mon Dieu ! Laquelle ? Trouvez-la en moins de 60 secondes. Oh ! C’est fou !

Je n’en reviens pas !

Quoi !

Tiens ! Sans blague !

C’est pas vrai ! Tu plaisantes ?

C’est pas vrai ! Mon Dieu !

Ça alors !

5

Je n’en reviens pas !

C’est sérieux ?

Hein !

Écrivez les synonymes québécois des mots dans les cases correspondantes. Dans la colonne jaune, vous pourrez lire le nom d’une photographe québécoise contemporaine dont les images valent le détour… 1. Voiture. 2. Feuilleton télévisé. 3. Repas du milieu de la journée. 4. Promotion, solde. 5. Faire des courses. 6. Copain, petit ami. 7. Niais, sot.

Ça, c’est la meilleure ! Pas possible ! Quoi !

Tu plaisantes ? Sans blague ! C’est sérieux ? Je suis vraiment étonné(e). Ça alors ! Tiens !

Pas possible !

Oh !

1 2 3 4 5

Ça, c’est la meilleure !

6

7

SOLUTIONS 1. C’est Clément qui ment, naturellement ! Benoît est le professeur. 2. « Nous serons heureux de vous accueillir dans notre nouvelle maison pour pendre la crémaillère le 8 avril à partir de 21 h. Rendezvous au 3, Grande Rue, 60310 Amy. Andrée et Michel. » Remarque : la crémaillère est une tige de fer qui permettait autrefois de suspendre une marmite dans la cheminée.Aujourd’hui, on utilise l’expression « pendre la crémaillère » pour évoquer le repas ou la fête par laquelle on célèbre son installation dans un nouveau logement. 3. À ce jeu, plusieurs réponses justes sont toujours possibles. Voici néanmoins les réponses attendues en fonction des critères d’élaboration utilisés pour ces trois listes : a) Aller (c’est le seul verbe sur les cinq qui n’admet pas l’auxiliaire avoir.) b) Puis (c’est le seul adverbe de temps sur les cinq qui est monosyllabique). c) Venir (c’est le seul verbe sur les cinq qui a une forme régulière à l’impératif). 4. « C’est fou ! » 5. La photographe s’appelle Geneviève Cadieux : char, téléroman, dîner, aubaine, magasiner, chum, niaiseux. 6. A. lavande, B. révolue, C. lasserai, D. itérative, E. terni. Le français dans le monde // n°368 // mars-avril 2010

Anaphrases (C2)

6

Complétez chaque phrase par l’anagramme du mot en italique (par exemple : Je voudrais aimer la belle__________ ➙ Je voudrais aimer la belle Marie, car « Marie » utilise exactement les mêmes lettres qu’« aimer »).

A. Ce vandale a saccagé à lui seul ce champ de __________. B. Il nous faut évoluer et oublier cette époque __________. C. Jamais je ne me __________ de dire combien ces salaires sont dérisoires. D. Le programmateur m’a promis qu’il éviterait toute boucle __________. E. Les méchants rient de voir le souvenir de notre héros ainsi __________.

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