Truffaut

Page 1


7 Serge Toubiana

Ce ruban qui éclate

Le désir de consacrer une exposition à François Truffaut est multiple. D’abord, l’envie d’évoquer son souvenir, sa mémoire, trente ans après sa disparition le 21 octobre 1984. Ensuite, rappeler que la Cinémathèque française fut pour lui un lieu essentiel durant toute sa jeunesse : c’est là qu’il se forma et forma son regard sur le cinéma. Pour la génération Truffaut, Godard, Rivette, Chabrol, Rohmer et tant d’autres, la Cinémathèque d’Henri Langlois fut le passage obligé d’une école buissonnière, tantôt avenue de Messine, tantôt rue d’Ulm, plus tard à Chaillot, assidûment fréquentée par des jeunes gens pour qui le cinéma était l’horizon unique au sortir de la guerre. La fidélité à Langlois, celle de Truffaut tout particulièrement, fut totale. Elle se manifesta en février 1968, juste retour des choses, lorsque le directeur de la Cinémathèque fut brutalement débarqué de son poste par le conseil d’administration (au sein duquel siégeait Truffaut), obéissant à une directive d’André Malraux, alors mal conseillé par son administration culturelle. Tandis qu’il réalisait Baisers volés, son septième long métrage, Truffaut se mobilisa, après ses journées de tournage, pour militer ardemment en faveur de la cause de Langlois. Et la cause fut gagnée. Baisers volés fut d’ailleurs dédié à Langlois, de la main même du cinéaste. Cela suffirait déjà à justifier une exposition François Truffaut. D’autant que grâce à la confiance de la famille (Madeleine Morgenstern, Laura, Éva et Joséphine Truffaut),

François Truffaut.

les archives du cinéaste ont été déposées dans nos murs depuis une quinzaine d’années. Elles constituent le fonds le plus important, le plus cohérent et le plus consulté par les étudiants, les chercheurs et les professionnels du cinéma, qu’ils viennent de France ou du monde entier. Ce fonds d’archives mérite d’être exposé, donc offert au regard du visiteur. Truffaut collectionneur Comment exposer Truffaut ? Sous quelle forme cela présente-t-il un intérêt pour le visiteur curieux ou le cinéphile admirateur des Quatre Cents Coups ou de La Chambre verte ? De quoi est faite cette exposition ? Les réponses sont à mon avis dans la vie et l’œuvre du cinéaste, cette dernière trouvant son point d’origine dans l’écrit et y revenant sans cesse, pour y puiser sa force et son imagination, des personnages qui la fécondent en retour. Dans plusieurs films de Truffaut, les personnages lisent des lettres et en écrivent, les raturent, les jettent au panier pour les récrire à nouveau, lisent des livres, les transportent, les commentent – on sait le rôle primordial de la voix off dans les films de Truffaut –, quand ce n’est pas le cinéaste lui-même qui les annote, les filme au générique (par exemple, dans Les Deux Anglaises et le Continent), les conçoit comme des objets sacrés ou des reliques. L’exposition dédiée à Truffaut sera donc riche en documents, qui se présentent de manière diverse et parcourent non seulement son œuvre, mais sa vie même.


« Mes deux cents premiers films, je les ai vus en état de clandestinité, à la faveur de l’école buissonnière, ou en entrant dans la salle sans payer… » François Truffaut, Les films de ma vie.

Si l’on s’amuse à imaginer François Truffaut écolier, on ne peut le voir qu’au piquet, puni par son maître d’école pour quelque bêtise, ou alors faisant l’école buissonnière. Le jeune François ne fut pas un « enfant sauvage » mais un gamin timide et solitaire, trop souvent délaissé par ses parents qui aimaient passer leurs week-ends à faire de l’escalade en forêt de Fontainebleau. Il se réfugie dans la lecture, se nourrit de romans – dévore Balzac –, souvent recueilli chez sa grand-mère maternelle à Juvisy. Très tôt, il se lie d’amitié avec Robert Lachenay qui habite comme lui le 9e arrondissement de Paris. Pendant la guerre, fuyant l’école, les deux complices sillonnent le quartier de Pigalle, hantent les salles de cinéma et se forgent une cinéphilie avide et sauvage dont ils ne se départiront plus. François Truffaut s’éduque en dehors des règles familiales et des codes scolaires, de manière purement autodidacte, ce qui le marquera pour la vie. Carnets, notes griffonnées, titres de films vus, photos arrachées à la devanture des salles de cinéma, fréquentation précoce de ciné-clubs, telle sera l’enfance et l’adolescence du jeune Truffaut. Non pas l’« enfance d’un chef » mais celle d’un cinéphile. Le cinéma lui offre un monde parallèle et clandestin dans lequel il trouve refuge. L’après-guerre est une période d’effervescence cinéphile qui voit la prolifération des ciné-clubs et des festivals. Sevrés de films américains durant l’Occupation allemande, les spectateurs découvrent les films d’Orson Welles, John Ford, William Wyler, Roberto Rossellini, ou ceux que Jean Renoir a tournés aux États-Unis où il s’est installé en 1940. Avec son ami Lachenay, Truffaut crée en 1947 son propre cinéclub, le « Cercle Cinémane », dont l’existence sera éphémère. Ne pouvant rembourser ses adhérents, l’adolescent est conduit au poste de police par son père et se voit enfermé quelque temps dans un centre pour mineurs délinquants. En 1949, le Festival du film maudit se tient à Biarritz, sous la houlette de Jean Cocteau, René Clément et Jean Grémillon, réunissant la fine fleur de la critique : André Bazin, Jacques Doniol-Valcroze, Alexandre Astruc, Pierre Kast ou encore Claude Mauriac. François Truffaut, alors âgé de dix-sept ans, Jean-Luc Godard, Jean Douchet, Jacques Rivette, Éric Rohmer et bien d’autres s’y sont donné rendezvous. Cette jeune génération fréquente assidûment la Cinémathèque française d’Henri Langlois. En avril 1951, André Bazin, Jacques Doniol-Valcroze et Lo Duca fondent les Cahiers du cinéma. Empêtré dans ses démêlés avec l’armée qui l’accuse d’avoir déserté, Truffaut reçoit l’aide décisive d’André Bazin, lequel l’initie à la critique. Commence alors pour Truffaut une période d’apprentissage boulimique, sous l’égide de quelques figures tutélaires – outre André Bazin, citons Jean Cocteau et Jean Genet. Jeune, pauvre et révolté, François Truffaut apprend à voir et à écrire. Et il apprend vite.

Carnet de Claude Véga, ami d’enfance de François Truffaut, où sont notés les films et les pièces de théâtre vus entre 1943 et 1944.


48

49

1

3

2

5

4

1  Odette Ferry, Alfred Hitchcock, François Truffaut et Laura Mauri, vers 1955. Il s’agit de l’une des premières rencontres entre François Truffaut et Alfred Hitchcock. 2  François Truffaut et Max Ophuls, années 1950. 3  François Truffaut et Roberto Rossellini au Festival de Cannes, 1959. 4  Lettre de Jacques Audiberti à François Truffaut, 20 juin 1955. 5  Carte de presse de François Truffaut pour le Festival de Cannes, 1957. 6  Extrait d’une retranscription de l’entretien de Jacques Becker paru dans le nº 32 des Cahiers du cinéma, Jacques Rivette et François Truffaut, février 1954.

6


62

1

63

2

1  Lettre de Jean-Pierre Léaud à François Truffaut, 1958. 2  Les Quatre Cents Coups (1959), essais de Jean-Pierre Léaud.


70

71 2

1

1  Lettre de Jean Cocteau à François Truffaut, 20 mai 1959. 2  François Truffaut et Jean Cocteau sur le tournage du Testament d’Orphée, 1959. 3  Lettre illustrée de Jean Cocteau à François Truffaut, 1960.

3


100

101

1

3

2

4

1  Jean-Pierre Léaud, Jacqueline Bisset et François Truffaut dans La Nuit américaine, 1973. 2  Nelly Borgeaud et François Truffaut sur le tournage de L’homme qui aimait les femmes, 1977.

3  François Truffaut et Isabelle Adjani sur le tournage de L’Histoire d’Adèle H., 1975. 4  François Truffaut et Fanny Ardant sur le tournage de Vivement dimanche !, 1983.


208

209

1

3

2

1  Édition anglaise du livre Le Cinéma selon Hitchcock, François Truffaut et Helen Scott, éditeur Secker & Warburg, 1968. 2  Carte de Noël d’Alma et Alfred Hitchcock à François Truffaut, années 1970. 3  Affiche promotionnelle pour l’édition du livre Hitchcock/Truffaut chez Ramsay, vers 1983. 4  Alfred Hitchcock et François Truffaut, Los Angeles, août 1962.

4



Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.