Numéro 35 - Juillet/Septembre 2007

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BALLET BIARRITZ THIERRY MALANDAIN

CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL

ÉDITO

SOMMAIRE

Victor Hugo qui ne connaissait pas d’endroit plus charmant et plus magnifique que Biarritz, écrivait qu’il fallait allumer les grandes dates, comme on allume les flambeaux ! Et aujourd’hui en est une, puisque le Centre Chorégraphique National entame sa dixième saison. Le temps nous égare, le temps nous étreint, le temps nous est gare, le temps nous est train aurait dit Jacques Prévert, si, comme avant, le rail s’arrêtait à la Gare du Midi. Son démon, en revanche agit toujours, poussant notre équipe à multiplier les aventures depuis le jour où Ballet Biarritz s’y installa. S’agissant de ce nom, révélons qu’il fut préféré à celui de Compagnie des Chemins de Fer du Midi, parce que la « reine des plages » passant pour être la « plage des rois » nous avions à cœur d’y danser comme des as. Restera à mettre les petits pas dans les grands pour que dans les coquillages on n’entende plus seulement battre l’océan, mais le cœur d’un ballet.

ACTUALITÉ ACTIVITÉ EN AQUITAINE ACTIVITÉ INTERNATIONALE SENSIBILISATION LA DANSE À BIARRITZ N°30 INTERVIEW COULISSES EN BREF CALENDRIER

Le jour de cette union, selon la tradition, la mariée devait porter quelque chose d’ancien ainsi que du neuf. Née des premiers états d’âme de l’humanité, la Danse fut choisie sachant qu’il faudrait innover pour ne pas finir en tête-à-tête sans plus rien n’avoir à se dire. Quelque chose de bleu témoignant de la fidélité de l’engagement. Ce sera la couleur de notre logo. Enfin, et si possible, quelque chose emprunté au bonheur de quelqu’un. Nous étions alors si nombreux à nous réjouir qu’il serait difficile d’en nommer une seule. Et dix ans plus tard, cette félicité va au-delà des espérances, puisque grâce à l’activité déployée par le CCN et les autres institutions « dansomaniaques » de la ville, les Pyrénées ne sont plus ici seulement Atlantiques, mais chorégraphiques.

© Le Doaré

BULLETIN D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL / BALLET BIARRITZ / THIERRY MALANDAIN JUILLET – AOÛT – SEPTEMBRE 2007

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Suivant le Livre de l’Anniversaire cher à Victor Hugo et Juliette Drouet, un Numéro à paraître retracera les épisodes de cette décennie qui n’est pas La Légende des siècles, mais celle de Travailleurs de la mer épris d’un Art éphémère dont la saison à venir devrait offrir quelques reflets. Ainsi la création de l’Amour Sorcier de Manuel de Falla et du Portrait de l’infante de Maurice Ravel auquel s’associera l’artiste espagnol Manolo Valdès, grâce au soutien de Pierre Levai, directeur de la Malborough Gallery à New York, du Grand Théâtre de Luxembourg, de l’Opéra Théâtre de Saint-Étienne et du Victoria Eugenia de San-Sebastián. Avant, Ballet Biarritz et le Ballet Biarritz Junior s’uniront pour présenter Casse Noisette à Biarritz et San-Sebastián. Pour le reste, fidèles à nos missions il sera question d’actions de sensibilisation et de tournées. On parle de l’Allemagne, des États-Unis, de l’Exposition Internationale de Saragosse et de la Russie. Un pays où après la parution d’un premier ouvrage sur notre travail intitulé Danser pour danser, Oleg Petrov publiera Le Présent infini. Titre laissant penser qu’à l’aube de cette dixième saison, Ballet Biarritz a encore de beaux jours avant la retraite… aux flambeaux. Thierry Malandain, juin 2007.


ACTUALITÉ

Ballet Biarritz Junior 2 et Ballet Biarritz à Biarritz

Spectacles d’été 2007 Festival de Chateauvallon Les Créatures Les Créatures. © Didier Fioramonti

Beethoven / 13 juillet

Théâtre de Verdure / Nice Don Juan

Le Ballet Biarritz Junior 2 se produira à la Gare du Midi le jeudi 9 août 2007 à 21 heures dans Ibilaldi associant créations et reprises de Christine Grimaldi, Gaël Domenger, Christophe Garcia et Thierry Malandain. Quant au Ballet Biarritz après s’être produit en juillet et août dans divers festivals en France, en Pologne et en Italie, il jouera à domicile le mardi 14 août 2007 à 21 heures à la Gare du Midi présentant Les Créatures (extraits), La Mort du cygne et Ballet Mécanique.

Gluck / 15 juillet

Carpentras Don Juan Gluck / 17 juillet

Baux-de-Provence Mozart Ballets 19 juillet

Sopot / Pologne Les Créatures Beethoven / 28 juillet

Aigues-Mortes Ballet Mécanique 6 août

Biarritz Ballet Biarritz Junior 9 août

Billetterie Office du Tourisme de Biarritz (Javalquinto, Square d’Ixelles) tlj de 10h à 19h, tél : 05 59 22 44 66 Fnac www.fnac.com Carrefour, France Billet tél: 0 892 683 622 www.Ticketnet.fr tél : 0892 69 70 73 Virgin Bayonne Centre Culturel Leclerc Anglet (RN 10)

Dans le cadre du festival Le Temps d’Aimer, avec vue sur mer, Ballet Biarritz présentera Mozart à 2, La Mort du cygne et Ballet Mécanique, le dimanche 16 septembre à 18 heures, place Bellevue.

Ballet Biarritz Junior 2 Plein tarif : 16 € Tarif réduit : 12 € (1) Tarif enfant : 8 € (2)

Verone / Italie Les Créatures Beethoven / 9,10,11 août

Biarritz Ballet Mécanique 14 août

Ballet Biarritz Plein tarif : 27 € Tarif réduit : 20 € (3) Tarif jeune : 10 € (4) Amis du Ballet Biarritz : 18 € (1) Amis du Ballet, demandeurs d’emploi. (2) moins de 18 ans, élèves écoles de danse. (3) Carte Biarritz Culture, Les Amis du Théâtre, Les Amis du Musée de Guéthary, Synergie 2000, Les Amis d’Arnaga, Scène Nationale de Bayonne, Tournées Charles Barret, groupe de 10 personnes, parents d’élèves des écoles de danse, des scolaires sensibilisés par le CCN et du Conservatoire National de Région de Bayonne. (4) moins de 18 ans, Carte Étudiant, Carte Jeune, demandeurs d’emploi, élèves écoles de danse, du Conservatoire National de Région de Bayonne et scolaires sensibilisés par le CCN.

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Renseignements : Ballet Biarritz-Thierry Malandain Tél. 05 59 24 67 19 www.balletbiarritz.com

Les Créatures


ACTIVITÉ EN AQUITAINE

Activité en Aquitaine 33 Gironde À l’invitation de Charles Jude et Thierry Fouquet, directeur de l’Opéra national de Bordeaux, Ballet Biarritz s’est produit au Grand Théâtre les 9,10 et 11 mars 2007 avec Les Petits Riens et Don Juan.

territoires : la Communauté de communes Fumélois-Lémance, Marmande et Nérac où furent proposés des ateliers, des master classes, des conférences, une chorégraphie réalisée par deux classes de primaire sous la conduite de Dominiques Cordemans fut présentée en lever de rideau d’un spectacle à Fumel.

La presse en parle Il peut paraître surprenant de présenter une relecture des premiers ballets d’action du XVIIIe siècle à un public qui n’a pas la moindre idée des ballets originaux : c’est comme si on découvrait Le Lac des cygnes par la version de Mats Ek ! Faute de DVD des chorégraphies de Noverre et d’Angiolini, on aurait aimé voir au Grand Théâtre les reconstitutions présentées par Marie-Geneviève Massé à l’Opéra Royal de Versailles… Il n’empêche que les deux chorégraphies de Thierry Malandain sont des

plaisir des danseurs est communicatif. Le personnage de Don Juan inspire forcément le chorégraphe d’une toute autre façon, quoique aussi musicale. Même si elle ne peut rivaliser avec l’opéra de Mozart, la partition de Gluck n’est pas dénuée de sens dramatique et mériterait d’être jouée en direct plutôt que diffusée sur de médiocres hauts-parleurs. L’interprétation du héros par trois danseurs différents rend mieux compte de l’universalité du mythe . À ses yeux, tous, hommes

œuvres à part entière, indépendantes

et femmes sont des Elvire : seule-

de leurs références. Costumés en

ment à ses yeux ? Voilà une danse

doryphore (du jardin, pas de Policlète…), quatorze danseurs des

forte qui interroge sans qu’on y prenne garde… Et l’usage immo-

deux sexes batifolent dans les buis-

déré des tables rappelle que la vie

sons sur la musique enjouée des Petits Riens de Mozart : c’est gai,

n’est qu’un banquet… funèbre ! Sud-Ouest, François Clairant,

ludique, parsemé de trouvailles, et le

22 mars 2007.

47 Lot-et-Garonne Depuis 1998, le département du Lot-etGaronne invite régulièrement Ballet Biarritz. Cet accueil s’est à nouveau illustré du 15 au 27 mars 2007 lors d’une tournée coordonnée par l’Office d’Action Culturelle (ODAC). Outre des représentations sur trois

64 Pyrénées Atlantiques Les 11,12 et 13 mai 2007, en partenariat avec Biarritz Culture, le CEFEDEM d’Aquitaine dirigé par Josiane Rivoire et le Conservatoire de Région Bayonne Côte Basque, Biarritz a été le théâtre d’évènements chorégraphiques dont certains mettaient en scène l’activité du CCN. Ainsi le 11 mai, à la Gare du Midi deux représentations jeune public associèrent le Ballet Biarritz Junior et Ballet Biarritz dansant respectivement Danses qu’on croise et Ballet Mécanique. Le même jour, le Lycée André Malraux était à l’affiche du Théâtre du Colisée où après la présentation d’un parcours culturel Danse, théâtre, arts plastique conduit par Joxelu Berasategui, Christine Siné et Célia Thomas de la Compagnie Elirale auprès de la classe de seconde B, les classes de seconde et de première option Art-danse animées par Gaël Domenger se produisaient. Le travail remarquable réalisé par ce dernier avec le concours des enseignants Agnès Baty et Anne Schaller permit la présentation des Sept péchés capitaux de Kurt Weill et d’une composition chorégraphique inspirée du Théâtre de Marionnettes d’Heinrich von Kleist. Le soir au Théâtre du Casino Municipal, Biarritz Culture invitait le Ballet Junior Contemporain du Conservatoire de Paris présentant des œuvres de Sylvain Groud, Paco Decina et Jean Alevi. Le 12 mai, dans le cadre d’une journée autour du thème Culture et Handicap initiée par la ville de Biarritz, Ballet Biarritz donnait Les Créatures, La Mort du cygne et Ballet Mécanique à la Gare du Midi. En ouverture, la compagnie Symbiose et Danse réunissant des danseurs valides et invalides dirigés par Anne-Marie Larrebat présentait quelques pages de son répertoire. Enfin, le 13 mai, Ballet Biarritz clôturait ces journées auxquelles assistèrent plus de 4 000 personnes par une ultime représentation. Don Juan © Olivier Houeix

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ACTIVITÉ INTERNATIONALE

États-Unis La Fleur de Pierre Les 4, 5 et 6 mai 2007, le Ballet Florida dirigé par Marie Hale a présenté à West Palm Beach La Fleur de Pierre de Serge Prokofiev dans la version de Thierry Malandain remontée par Françoise Dubuc.

Serbie Les Petits Riens et Don Juan À l’invitation du Festival de Danse de Belgrade, partageant l’affiche avec le Nederlands Dans Theater et le Cullberg Ballet, Ballet Biarritz s’est produit le 15 mai 2007 au Théâtre dramatique de Belgrade avec Les Petits Riens et Don Juan. Deux jours plus tard avec le même programme et le soutien du Centre culturel français de Belgrade, c’est le Théâtre national de Novi Sad qui l’accueillait.

Lettonie, Riga Les Créatures

La presse en parle L'esthétisme de pointe du Ballet Florida fait briller l'œuvre finale

tant le cas. Car ce qu'apporte ce romantisme délirant, délicieusement

de Prokofiev.

dégoulinant, ce sont des visions

Le vocabulaire de Malandain associe plusieurs motifs spécifiquement récurrents de type angulaire, mécanique, typiques de la danse contemporaine européenne (nous avons rarement vu autant de genoux et de pieds flex utilisés avec une telle variété et une telle vitesse !) à des éléments réconfortants et touchants d'inspiration folklorique. Contrastant joliment avec ce monde rustique, diamants, pierreries et autres trésors sont décrits par un travail de pointes en pur argent et cristal taillé dans un monde de valses

mélodramatiques dans ce qu'elles ont de meilleur. Nous sommes actuellement dans une période où les avis diffèrent en Amérique, sur la place du répertoire des ballets descriptifs dans l’évolution à venir de l'art chorégraphique. Cette Fleur de pierre est un exemple du genre et montre l’objectif à atteindre pour amener un nouveau public à apprécier la puissance de l’extraordinaire moyen de communication qu’est le théâtre dansé dans toute son excellence. Ainsi grâce à une combinaison irrésistible associant une chorégraphie inno-

virevoltantes. Cela s'achève dans les festivités triomphantes d'un final débordant de couleur et de savoir-faire dans lequel les pierres sont transformées en objets extraordinaires. On peut s'étonner que cela marche mais c'est pour-

vante et spectaculaire à une théâtralité astucieuse, le Ballet Florida a fait revivre une partition oubliée de l'un des plus importants compositeurs du XXe siècle. Sun Sentinel, Laurence Budmen, mai 2007

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Dans le cadre d’Un Printemps français en Lettonie organisé par la direction de concerts de Lettonie et CulturesFrance et coordonné par l’Ambassade de France en Lettonie et le Centre culturel français de Riga, le 1er juin 2007, accompagné par l’Orchestre et les chœurs de l’Opéra national de Lettonie dirigés par Martins Ozolins, le Ballet de Riga a inscrit Les Créatures à son répertoire, remontées par Françoise Dubuc.


Hong Kong, Indonésie, Thaïlande Les Créatures

Donostia/San-Sebastián Ballet Biarritz Junior 2

Dans le cadre du French May et d’Un Printemps français en Asie, avec le soutien de CulturesFrance, Ballet Biarritz s’est produit les 22 et 23 mai au Grand Théâtre de Hong Kong, le 31 mai au Graha Bhakti Budaya de Jakarta et le 6 et 7 juin au Thailand Cultural Center de Bangkok.

Lors de représentations données les 19 et 20 mai 2007 au Centre Culturel Egia de Donostia/San-Sebastián, le Ballet Biarritz Junior 2 a présenté son second programme de la saison. Il comprenait trois chorégraphies de Thierry Malandain : Gnossiennes, Danses qu’on croise et Blé Noir, remontées par Adriana Pous Ojeda.

La presse en parle Ces trois œuvres ont fait les délices du public qui a pu profiter d'une danse de qualité, à la fois esthétique et très amusante. La première, Gnossiennes est une chorégraphie exquise qui développe une infinité de formes abstraites

mise en scène qui a su conjuguer la valeur esthétique au déroulement de l’action, en donnant un poids décisif à cette œuvre accomplie. Pour clôturer le programme, Danses qu'on croise nous a plongé dans l’atmosphère

Danses qu’on croise © Conny Beyreuther

Hong Kong Sextet Le 4 mai 2007, dans le cadre du French May, l’Academy for Performing Arts de Hong Kong présentait Sextet de Steve Reich remonté par Françoise Dubuc.

autour d’une barre de danse, en déployant un jeu spatial plus qu'intéressant dans un langage formel, auquel Malandain ajoute un élément important d’apesanteur. Dans cette pièce, les danseurs étaient corrects, dans leur description de lignes pures, mais manquaient parfois de fluidité. En revanche, les mouvements vifs et énergiques de Blé Noir ont été interprétés avec brio et expressivité par les deux jeunes protagonistes qui ont fait preuve d’une

des anciens salons de danse, illustrative d’une multitude de situations paradoxales entre les participants, utilisant à cette fin un ton simple, accessible, riche d’humour… Les jeunes interprètes du Ballet Biarritz Junior accomplissent ici un travail impeccable faisant preuve, au-delà de la maîtrise technique, d’une expressivité claire et ouverte. Et, en interprétant avec bonheur leurs amusants personnages, ils ont régalé le public

complicité et d’une clarté convaincante dans leurs mouvements. Cette chorégraphie particulière, construite sur une musique populaire bretonne, était

avec leurs lignes rigoureuses, mais surtout, avec leur interprétation pleine de hardiesse insouciante… El Diario Vasco, Ana Remiro, mai 2007

accompagnée d’une très belle

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SENSIBILISATION

Aquitaine

Languedoc Roussillon

Pour la troisième année, Ballet Biarritz était partenaire de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour et du Concours chorégraphique inter-universitaire UPPAdanse, initié par Maryse Raffestin, vice-présidente d’UPPAdanse. Onze lauréats de l’édition 2006 venus de Lille, Bayonne, Bordeaux et Pau ont été accueillis en résidence au CCN pour travailler durant une semaine avec Dominique Cordemans Ouverture Cubaine de Thierry Malandain. Associés aux neuf lauréats de 2005 qui avaient travaillé Boléro avec Françoise Dubuc, ils se sont produits au Théâtre Saragosse à Pau, au Colisée à Biarritz et à la Maison des Arts de Bordeaux-Pessac. Enfin, les quinze lauréats du concours 2007 venus de Bordeaux, Caen, Montpellier, Toulouse et Toulon seront reçus en septembre au CCN pour travailler Sextet de Thierry Malandain avec Dominique Cordemans.

À Montpellier, à l’École professionnelle supérieure d’enseignement de la Danse (EPSE DANSE) dirigée par Anne-Marie Porras, vingt-deux étudiants en formation scène ont travaillé Boléro de Thierry Malandain durant une semaine avec Dominique Cordemans. Onze minutes de la chorégraphie originale ont été remontées, le reste de la partition faisant l’objet de propositions chorégraphiques des étudiants. Ainsi revisité, Boléro a été présenté en juin au Théâtre de Gignac. Par ailleurs, deux étudiants de cette formation, primés au concours chorégraphique d’UppaDanse 2007, seront accueillis en résidence au CCN, au mois de septembre.

À l’initiative de l’Espaces Pluriels de Pau et avant une représentation de Casse Noisette au Zénith en janvier, des rendez-vous chorégraphiques ont été mis en place avec l’École nationale de Musique et Danse de Pau. Outre des master classes et des ateliers chorégraphiques, lors d’une rencontre intitulée Regards croisés, Thierry Malandain avait choisi de présenter au public Didon et Enée du chorégraphe américain Mark Morris. Par ailleurs, le Coffret Découverte Ballet Biarritz destiné aux enseignants des écoles et des collèges du département publié avec le soutien du Conseil général des Pyrénées Atlantiques et des Éditions Atlantica, avec la participation de l’IEN et du CDDP de Pau, a été officiellement présenté à cette occasion. À l’initiative de Garazikus – Scène de Pays, des parcours culturels ont été menés durant la saison avec des classes de Saint-Jean-Pied-dePort et Lacarre. Cinquante élèves et leurs enseignants ont ainsi été accueilli pendant une journée au CCN. Au programme : visite de la Gare du Midi, découverte de la scène, des coulisses, de la lumière, du son et de la machinerie du théâtre, lecture-vidéo, répétition des danseurs, échange avec le maître de ballet, enfin atelier d’initiation à la danse. Des classes des écoles St-Bernard et du lycée Cassin de Bayonne, des écoles Victor Duruy et Paul Bert de Biarritz ont également été concernés par ces parcours, assistant à cette occasion aux répétitions de la Compagnie Robinson de Claude Magne reçue en accueil studio au CCN. Dans le cadre du Festival des lycéens, à la demande de l’OARA, le CCN a accompagné le projet Les Boîtes de Concerts proposé par 9 élèves de Terminale du Lycée René Cassin de Bayonne, présenté en mai à La Teste de Buch.

Poitou-Charente Dans le cadre des projets régionaux de tutorat initiés par la DRAC Poitou-Charente, associant une école de danse, un lieu et un artiste professionnel, Dominique Cordemans a séjourné en novembre, février et avril au Théâtre La Hune de Saint Benoît. Outre des master classes et des ateliers de relecture de Boléro avec des élèves issus du pôle danse des Jeunes Amis de la Danse, il a été proposé aux élèves et à leurs professeurs-chorégraphes, Karine Brigeon et Delphine Jouteau d’intégrer leur propre travail à cette relecture. Le résultat a été présenté au Théâtre La Passerelle de Nouaillé Maupertuis en avril en clôture d’un stage de danse et au Théâtre La Hune en juin, dans le cadre du spectacle de l’école de danse.

Midi Pyrénées À l’initiative du Conseil général du Tarn et de l’ADDA, avant une représentation à l’Espace Apollo de Mazamet en décembre, Dominique Cordemans a animé des ateliers chorégraphiques au sein des Écoles nationales de Musique et de Danse d’Albi et de Castres.

Centre Avant un spectacle à Montargis en mars, Lyane Lamourelle a animé des ateliers chorégraphiques dans une école privée et à l’École nationale de Musique et de Danse. La représentation était précédée d’une répétition publique.

Provence Alpes Côte d’Azur À Istres lors du Festival des Elancées, avant des représentations de Casse Noisette au Théâtre de l’Olivier, Gaël Domenger a animé en février des lectures-vidéo et des ateliers chorégraphiques auprès de vingt-deux classes de sections maternelle et primaire.

Île-de-France Dans le cadre d’une collaboration entre le CCN et le CDC Le Cuvier de Feydeau, Dominique Cordemans a animé en mars des ateliers chorégraphiques auprès de jeunes danseurs.

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Avant un spectacle au Théâtre Paul Eluard de Bezons en janvier, des master classes, des ateliers et des lectures-vidéo ont été conduites par Dominique Cordemans dans les Écoles nationales de Musique et de Danse de Bezons et d’Argenteuil. Par ailleurs, des classes de collèges et des personnes du troisième âge ont assisté à une répétition publique et à un débat avant la représentation.


La danse Plages à Biarritz # 30 d’histoires

Les Ballets Suédois En 1909, alors que toutes les troupes européennes sont attachées à des théâtres lyriques, des danseurs en congés du Mariinski de St-Petersbourg réunis par Serge Diaghilev se produisent avec succès à Paris. L’initiative sera répétée deux fois avant que l’animateur des Ballets Russes ne rompe avec la Russie pour constituer en 1911 la première compagnie privée. Cette même année, Anna Pavlova forme aussi une troupe avec laquelle elle parcourira le monde jusqu’en 1931. Enfin, en 1920 naîssent Les Ballets Suédois. L’idée en revient au chorégraphe Michel Fokine. Artisan des premiers triomphes de Diaghilev, il quittera ce dernier en 1912 après un différend pour trouver asile au Ballet royal de Stockholm où il fait la connaissance d’un danseur nommé Jean Börlin. En 1914, Diaghilev renoue avec lui avant de lui préférer le jeune Léonide Massine. Attendant des jours meilleurs, courant octobre 1914, Fokine séjourne à Biarritz, logé à l’Hôtel Continental avec son épouse, la danseuse Véra Fokina. Le couple rejoint ensuite la Russie qu’ils quitteront en 1918 pour la Suède. Là, Fokine envisage de fonder une compagnie, mais l’entreprise nécessite des fonds. Il songe alors à Rolf de Maré, un riche industriel suédois, collectionneur et amateur d’art connu

La création du monde en 1923, sur un livret de Blaise Cendrars, création à laquelle participent Jean Börlin, Fernand Léger et Darius Milhaud. © Isabey

lors de son première séjour. Séduit par le projet, Rolf de Maré va réunir des artistes du Ballet royal de Stockholm et du Ballet royal de Copenhague, auxquels il propose l’aventure et des salaires élevés. Mais contre toute attente, c’est à Jean Börlin qu’il confie les fonctions de chorégraphe et de danseur principal de la compagnie. Déçu, Fokine partira pour les États-Unis, disant plus tard : « Börlin était de tous celui qui me ressemblait le plus ». Quant à Rolf de Maré, jugeant la Suède trop isolée, mais aussi contraint à l’exil pour avoir débauché les meilleurs éléments de deux institutions, c’est vers la France qu’il se tourne. Profitant de relations dans les milieux artistiques de la capitale, il installe sa troupe au Théâtre des Champs-Élysées dont il achète le bail pour sept ans. Après des mois passés à la constitution d’un répertoire, le 25 octobre 1920 la première représentation officielle des Ballets Suédois est annoncée. On y affiche Ibéria d’Isaac Albeniz, Jeux de Claude Debussy et Nuit de St-Jean de Hugo Alfven, ballet tirant son inspiration du folklore nordique et portant au devant de la scène une nouvelle forme de danse populaire. Elle suscite l’enthousiasme du public et un aimable accueil de la presse. En revanche, quinze jours plus tard, empruntant au mouvement expressionniste, La Maison de fous de >> BULLETIN D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL / BALLET BIARRITZ – NUMÉRO 35 PAGE 7


Jean Börlin.

Ralph De Maré. © Isabey

>> Viking Dahl est éreintée par la critique qui ne comprend pas que la danse puisse exprimer l’horreur et la souffrance. Et alors que Les Ballets Suédois semblent indésirables à Paris, un ultime programme comprenant El Greco d’Emile Inghelbrecht, Les Vierges Folles de Kurt Atterberg, œuvre tirée de peintures populaires suédoises et Chopiniana, un ballet sur pointes inspiré des Sylphides de Fokine, on reconnaît le tour de force de Jean Börlin qui en neuf créations a su embrasser la danse du ballet classique aux plus audacieuses expressions de son temps. À la suite de ces représentations, grâce aux conceptions neuves et hardies de Jean Börlin et à l’intuition de Rolf de Maré, Les Ballets Suédois vont partout créer l’événement et prendre la tête de l’avantgarde chorégraphique. On engage ainsi des collaborations avec Fernand Léger, Foujita, Giorgio de Chirico, Francis Picabia, avec les musiciens du groupe des six, Erik Satie et Cole Porter, mais aussi avec Paul Claudel, Jean Cocteau ou Blaise Cendrars. C’est en 1923, que ce dernier signe le livret de La Création du monde, un ballet faisant références aux mythes africains auquel participent Jean Börlin, Fernand Léger et Darius Milhaud. Avec l'avance reçue Cendras achètera une Alpha Roméo peinte ultérieurement par Georges Braque. Elle constitue à l’époque son seul bien et c’est à son volant, qu’il sillonne le pays basque. En effet, par l’intermédiaire de Jean Cocteau, Cendrars connaît

Depuis la fondation de la compagnie, Jean Börlin aura assuré près de neuf cents représentations et créé plus de vingt ballets Eugenia Errazuriz, riche héritière d’une famille chilienne d’origine basque qui possède à Biarritz La Mimoseraie. Située route de Bayonne cette villa, aujourd’hui détruite avait la particularité d’avoir été décorée par Picasso en 1918. C’est à La Mimoseraie, qu’en 1925, il écrit une partie de son fameux Moravagine. Cette année là, le 9 février, Les Ballets Suédois se produisent au théâtre municipal de Bayonne. Selon les archives de la compagnie, trois ans plus tôt, en août 1922, ils seraient venus à Biarritz mais la presse n’en fait pas écho. En revanche, à Bayonne on se souvient d’un programme comprenant La Marchande d’oiseaux de Germaine Tailleferre, Le Roseau de Daniel Lazarus ainsi que Dansgille, une sélection de danses populaires suédoises mises en

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musique par Eugène Bigot. Ce compositeur et chef d’orchestre avait aussi la mission de devancer la troupe dans chacune des villes pour préparer l’orchestre local. S’agissant du spectacle, Le Courrier de Bayonne note que « les décors sont curieux, d’un modernisme aigu et franchement cubistes » avant de conclure que « le public a fait la fête à Jean Börlin ». Toutefois, nul ne remarque l’épuisement du danseur. En effet, depuis la fondation de la compagnie, Jean Börlin aura assuré près de neuf cents représentations et créé plus de vingt ballets. La presse ignore également qu’au retour d’une tournée américaine se soldant par d’importantes pertes financières, Rolf de Maré découvre qu’une partie des revenus du Théâtre des Champs-Élysées n’entre pas dans la comptabilité, les billets étant imprimés en double. Dès lors, quelques semaines après Bayonne, au final d’une morne représentation donnée le 17 mars 1925 à Epernay, Rolf de Maré annonce la dissolution de la troupe. Il prendra par la suite la direction générale du Théâtre de l’avenue Montaigne avant de fonder en 1931 les Archives Internationales de la Danse avec l’objectif de promouvoir l’Art chorégraphique à travers un concours, des conférences, des expositions, mais aussi par la collecte de documents. Après la Seconde Guerre mondiale qui met un coup d’arrêt à ses activités, Rolf de Maré décidera de partager entre la France et la Suède les collections de l’institution qu’il fonda et soutint financièrement. Quant à Jean Börlin auteur d’œuvres novatrices, soulevant parfois la controverse, même si les réactions étaient tempérées par le classicisme d’autres réalisations, à l’issue d’une brève aventure artistique (1920-1925), il poursuivra sa carrière de danseur et de chorégraphe à Paris et New York avant de décéder en 1930 à l’âge de 37 ans. « Hélas ! Jean, je ne te verrai pas créer le ballet Outre Atlantique, le grand ballet des Foules Démocratiques, ni ce spectacle en plein air, dans un stade, Les Sports, dont nous avions si souvent parlé et pour lequel nous avions trouvé un magnifique orchestre qui nous réjouissait tant, de klaxons et de moteurs d’avions ! » (Blaise Cendrars).


INTERVIEW Les notes et les gestes : une histoire d’amour Propos recueillis par Jacqueline Thuilleux, journaliste au Figaro Magazine Imaginons Stravinski sans Nijinski : pas de scandale, pas d’acte fondateur du Ballet nouveau, à l’orée du XXe siècle. Mais si Nijinski n’avait pas eu le support du Sacre du Printemps, où se serait située l’onde de choc de sa danse révolutionnaire ? D’emblée le XXe siècle faisait fusionner les deux arts. Et surtout, il allait libérer la musique de son carcan distingué, en l’ouvrant aux chorégraphes quelle que fut sa forme. Isadora Duncan, parmi les premières, osa puiser dans l’héritage des siècles, Gluck, Wagner, Franck, tandis que les Ballets russes, eux, jouaient sur tous les tableaux, de Chopin et Schumann aux compositeurs de génie qui se mêlèrent à leur aventure. Ensuite, le mariage est consommé : tous s’y adonneront, et notamment Georges Balanchine, à qui Mozart et Bach paraîtront les plus faciles à chorégraphier, sans parler de son quasi partenariat avec Stravinski. Pour Maurice Béjart, les gestes se filent en compagnie de Berlioz, Strauss, Ravel ou encore de Pierre Henry, car pour lui, le son pur engendre le geste pur. Sans parler de John Neumeier, immergé dans l’énorme œuvre symphonique de Mahler, ou suivant comme un pèlerin les vagues de la Passion selon Saint Matthieu. Chez tous, dissection, illustration, mise en valeur ou collage, simples correspondances, tissent le dialogue, ou la fusion des deux genres. Thierry Malandain s’inscrit lui aussi dans la danse des XXe et XXIe siècle comme un chorégraphe-musicien. Le geste silencieux, voilà qui n’est pas pour lui. C’est un classique dans son rapport au son et à la courbe mélodique, qui ose garder Giselle et Adam comme chef d’œuvre à vénérer, mais aussi un curieux, un amoureux sans préjugés, sans gradation sacramentelle dans ses goûts. Seules comptent pour lui les notes qui ont des ailes. Pas de caste donc, dans cette fabuleuse galerie musicale où son œuvre nous promène : Haendel et Chopin, Poulenc et Prokofiev, Weber et Chostakovitch, Mozart et Debussy, Offenbach et Gershwin, musique médiévale et mambos. Chez lui, la musique donne l’élan, la pulsion, comme un cœur qui bat. Il ne la lâche pas, et garde au sein de ses imaginaires, de ses illuminations les plus fantasques, la structure intacte de la partition. Le geste habite la note, tout s’interpénètre et cependant garde sa vie propre, libre. Une alliance, beaucoup plus qu’une illustration. On a envie de redire à son endroit les mots d’Isadora Duncan, qu’il aime tant : « J’ai dansé sous cette musique,

menée par elle comme une feuille au vent. » Jacqueline Thuilleux : Quels furent vos premiers contacts avec la musique ? Thierry Malandain : Quand j’étais gamin, j’avais fabriqué un bras de tourne-disques en lego avec des disques découpés dans des boîtes à chaussures. J’obligeais tout le monde à m’écouter tout en ayant l’air de les faire marcher. Puis j’ai saccagé l’électrophone de mes parents, en mettant tout le temps les quelques microsillons qu’il y avait à la maison. Plus tard, avec l’argent qu’on me donnait pour déjeuner, j’achetais des disques que je cachais dans le garage et je redescendais la nuit ! J.T : Est-ce que très vite cette passion instinctive pour la musique a cohabité avec le geste ? T.M: Au début, j’ai approché le piano, ou tout au moins celui de la mairie du village de l’Eure où j’habitais. Mais c’était compliqué, je devais réserver mon tour. Puis la danse s’est imposée comme une évidence: c’est moi qui la réclamais. À la même époque, un terrible accident est arrivé à ma sœur, la privant de la parole et du mouvement, et je crois que cela a exalté en moi l’envie de voler, de lui donner des ailes par procuration. Il m’est difficile d’en parler, mais c’est inscrit très fortement en moi.

Quatuor n°3 de Lekeu, génie disparu à 24 ans, est d’une très belle écriture, et n’a rien de marginal à mes yeux. Le hasard me l’avait fait découvrir. Et je l’ai aimée. Mais à l’époque, tout était jeu : je ne pensais être pas chorégraphe. En fait, j’avais postulé pour être pris dans la compagnie de Jiri Kylian, mais il ne restait plus de place. Si cela s’était fait, la face de ma vie en aurait été changée ! Depuis, le jeu est devenu métier, avec ses lourds enjeux, quand on a une équipe qui compte sur vous. Dans vos premiers actes chorégraphiques, la musique contemporaine, ou tout au moins du XXe siècle, a tenu une plus grande place qu’à ce jour. Stockausen, Prodromides au début, Britten beaucoup, pour l’Homme aux Semelles de vent, Metamorphosis et les Illuminations, entre autres. Mais le problème avec cette période de la musique, ce sont hélas les droits, quand les compositeurs ne sont pas encore tombés dans le domaine public. On est ainsi ramené à des contingences qui n’ont rien à voir avec l’inspiration. C’est également le problème des commandes à des compositeurs vivants.

J.T : La musique vous est-elle demeurée une compagne fidèle ? T.M : De chaque instant, et souvent très intériorisée. Mais je souffre de ne plus pouvoir en écouter chez moi autant que je voudrais, car elle m’inspire immédiatement des images, des mouvements. C’est une pulsion irrésistible qui m’empêche de me concentrer sur autre chose et qui me détourne de la tâche à accomplir. Elle me commande, et c’est particulièrement sensible en studio lorsque je travaille sur une nouvelle chorégraphie : j’ai besoin d’accomplir physiquement la musique choisie pour savoir si elle me parle. Il arrive qu’en l’écoutant, je me lance jusqu’au bout dans le mouvement, et de façon non contrôlée, ce qui est un peu dangereux lorsqu’on est moins jeune.

J.T : Est-ce qu’en vous l’idée du ballet jaillit de la musique ou naît d’elle-même ? T.M : Les deux cohabitent, et tout se présentent dans un ordre qui n’est pas systématique. Ainsi pour la genèse du ballet Les Créatures de Prométhée : je travaillais sur Le Sang des étoiles, et dans le même temps, la musique de Beethoven s’est imposée à moi. À l’époque j’avais imaginé un texte — oh combien prétentieux — où Dieu refaisait la Vie ! Puis je suis tombé sur un tableau représentant Adam et Ève, et tout est venu très simplement. La musique m’a dicté le mode d’expression adéquat pour mes Créatures : tel passage baroque, tel autre dans l’esprit d’Isadora Duncan. C’est elle qui me permet aussi de résoudre le délicat problème posé par le trajet qui mène le danseur d’un point à un autre. Petipa le faisait avec des pas d’école, parfois en courant, Bournonville, toujours en dansant. Eh bien pour moi, c’est la musique qui me dicte comment faire route sur cet espace scénique.

J.T : Votre premier opus sur une page peu connue de Lekeu a déjà sonné comme un défi, en regard des chefs d’œuvres musicaux auxquels vous vous êtes ensuite incorporé. Comme le fut d’ailleurs cette décision de me présenter au concours Volinine en 1984, qui a tout lancé. T.M : La page que j’avais utilisée, le

J.T : Comment se concrétise votre travail sur la musique ? Avez-vous une technique d’approche ? T.M : Généralement, elle rentre en moi souplement et me dicte des gestes que j’essaie de dessiner, bien que l’idée vole plus vite que la main. Mais il est vrai que si je m’imprègne de ses couleurs, de ses pul-

sions, et que cela me suggère des images, j’ai également tendance à coller au plus près à sa structure et à ses plus infimes nuances, à ses surprises instrumentales ou rythmiques. Elle a son ordre intime, et je le respecte, sans d’ailleurs me poser la question. En plus, il me paraît facile de glisser dans l’aléatoire. Dans la Gavotte d’Orphée, de Gluck, par exemple, la musique trace des guirlandes, nous livre des dessins, des entrelacs. Je n’ai nulle envie de les trahir. En revanche, il m’a été plus difficile de suivre pas à pas l’ensemble de cet Orphée, que j’ai mis en scène à Saint-Étienne et Reims. Là, le chant et la structure dramatique imposent leur loi de façon beaucoup plus contraignante que dans la danse librement portée par une musique. C’était là pour moi une autre approche et l’aventure m’a passionné, mais je ne suis pas sûr de vouloir la tenter à nouveau. J.T : Quels compositeurs vous suggèrent le plus de correspondances gestuelles ? T.M : Honnêtement tout me paraît susceptible d’être dansé, de Mozart à Rossini, de Beethoven, dont j’aimerais habiter certaines Sonates, à Steve Reich, sur lequel j’ai chorégraphié Sextet, un ballet pour lequel je garde une tendresse particulière. Peut-être ai-je une prédilection pour la musique baroque, et notamment Bach et Vivaldi, parce qu’elle permet une grande liberté. Elle demeure distante par rapport aux mouvements qu’elle suscite, sans expressivité trop envahissante. Je pense ainsi à Concerto baroco de Balanchine, qui illustre parfaitement cette démarche. Mais c’est une chaîne, car chez moi, les retombées de chaque musique nourrissent les suivantes, comme chaque ballet engendre l’autre : ainsi Orphée a un peu porté mon Icare à l’Opéra de Paris. Les choses ne sont jamais tranchées. J.T : Sur l’île déserte, quelles œuvres emporteriez-vous ? T.M : Chopin peut-être, et ses valses, qui provoquent en moi des visions d’anges déchus. Mais en réalité, aucune je crois, même si cela a l’air grandiloquent. En fait, j’ai rêvé d’une plage déserte où par magie je serai à moi seul tous les grands compositeurs : je réinventerai alors une musique faite de leurs œuvres mêlées. Incontestablement, il m’est très difficile de me connecter au concret. Ainsi, je me suis inspiré ni par la mer, ni par le vent, en fait par aucune des musiques de la nature. Je suis nourri de tout, mais l’idée maîtresse vient vraiment de moi

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COULISSES

C’est quoi remonter une chorégraphie ? ette activité souvent évoquée dans Numéro au registre des informations est principalement assurée à Ballet Biarritz par Françoise Dubuc, mais cette saison d’autres anciens de la compagnie s’y sont employés. Ainsi Patrice Delay remonta Mozart à 2 pour le Ballet de l’Opéra-Théâtre d’Avignon, tandis qu’Adriana Pous Ojeda remonta divers titres au Ballet Biarritz Junior. En un mot, il s’agissait pour eux de transmettre à d’autres danseurs des œuvres issues du répertoire de Ballet Biarritz. N’ayant pas la maîtrise des systèmes connus de notation de la danse, c’est avec le soutien d’écrits personnels, de la vidéo ou tout simplement de la mémoire qu’ils le firent. En général, ce travail s’effectue en deux étapes. La première consistant à apprendre l’ensemble des pas aux danseurs, tandis qu’au cours de la suivante, j’interviens en apportant des précisions sur le style, le sens de l’œuvre. C’est ce que nous appelons « nettoyer ». Ces derniers mois, outre Gnossiennes, Blé Noir et Danses qu’on croise remontés au Ballet Biarritz Junior, Mozart à 2 à Avignon, Sextet à Hong Kong et La Fleur de pierre aux États-Unis, Les Créatures furent remontées au Ballet de l’Opéra national de Lettonie. Connu à l’étranger comme le Ballet de Riga, cette troupe de 65 danseurs dirigée par Aivars Leimanis interprète les grands titres du répertoire classique, tout en s’ouvrant depuis quel-

C

Nous avons remonté Les Créatures au Ballet de Riga dans le cadre d'une coopération entre la Lettonie et la France ques années aux œuvres actuelles. C’est dans le cadre de cette politique et d’une coopération entre la Lettonie et la France que sous l’égide de CulturesFrance, Françoise Dubuc et moi fûmes invités à Riga. Six semaines scindées en deux séjours furent utiles pour transmettre et conduire en scène ce ballet de 70 minutes. Dans un premier temps, il fallut faire les « distributions », c’est-à-dire choisir les interprètes. Concernant les costumes, Véronique Murat qui les avait confectionnés à la création du ballet, nous accompagnera pour présenter les maquettes de Jorge Gallardo et échantillonner les tissus. Elle reviendra pour suivre les derniers essayages. L’Opéra national de Lettonie compte deux ateliers travaillant distinctement pour les femmes et les hommes. Sauf que les costumes de Créatures sont unisexes et que chaque interprète porte un tutu. Alors outre, les différences de coupe qu’il faudra rectifier, cette production amusera en donnant aux couturiers l’occasion de réaliser pour la première fois des tutus. En février, s’adaptant à un planning extrêmement serré, puisque les danseurs se produisaient parallèlement dans quatre autres programmes, Françoise parviendra en trois semaines à transmettre la majeure partie du ballet. Chaque troupe ayant ses usages, il faudra s’accommoder des vingt minutes de pause par heure travaillée, contre cinq minutes aux États-Unis ou bien aucune PAGE 10 NUMÉRO 35 – BULLETIN D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL / BALLET BIARRITZ

Opéra National de Lettonie à Riga.

au Japon. Il faudra également s’arranger de la langue, certains danseurs ne comprenant que le letton ou le russe. Enfin, la plupart devront s’habituer à un vocabulaire et à un style chorégraphique distant de Giselle ou Don Quichotte. En juin, trois semaines avant la première, Françoise et moi reviendrons pour finaliser le travail. Entre-temps, comme souvent, le ballet n’aura pas été revu, tout juste « filé » à la hâte entre d’autres titres, si bien qu’il faudra réapprendre certains passages avant d’harmoniser l’ensemble. Heureusement, la dernière semaine sera exclusivement consacrée à ce spectacle. Il s’agira alors de le mettre en scène et de répéter avec l’orchestre. L’Opéra national de Lettonie dispose de deux phalanges accompagnant en alternance la danse et les ouvrages lyriques. Nous bénéficierons du même chef, Martins Ozolins, mais selon les jours celui-ci conduira un orchestre différent. En revanche le chœur qui clôture Les Créatures sera interprété par les quarante même chanteurs. Huit jours avant la première, Jean-Claude Asquié, concepteur des lumières du spectacle arrivera pour les remonter. Il devra aussi les adapter aux contraintes techniques imposées par la programmation qui proposait d’autres ouvrages en alternance. Enfin, après la conférence de presse et les interviews, le 1er juin en présence de l’Ambassadeur de France en Lettonie, Monsieur André-Jean Libourel, la première attendue de Radisana, traduction lettone des Créatures s’achèvera en triomphe, ce qui bien entendu « remonta » le moral. TM


EN BREF

Mozart à 2 à Avignon Remonté par Patrice Delay, le Ballet de l’Opéra-Théâtre d’Avignon a présenté Mozart à 2 le 31 mars 2007 à Avignon. L’Orchestre Lyrique de Région Avignon-Provence était conduit par Dominique Trottein avec au piano Anne Queffelec.

Développement Mouvements de troupes Entrés à Ballet Biarritz en 2004, Camille Aublé et Miguel Pla Boluda rejoindront prochainement le Ballet de Bâle que dirige en Suisse Richard Werlock. Ils seront remplacés par Audrey Perrot et Florent Mollet.

Le CCN accueille un nouveau venu, Gérôme Lormier qui occupera le poste de chargé de développement. Né à Toulouse, il étudie la danse au Conservatoire national de région de Toulouse avant de rejoindre le Conservatoire

national supérieur de musique et de danse de Paris. Son parcours de danseur le conduira en Allemagne au Ballet de Karlsruhe, au Ballet de l’Opéra de Berlin avant d’intégrer le Ballet Béjart Lausanne, puis le Ballet national de Marseille. En 2000, il met un terme à sa carrière et se dirige vers la production et l’organisation de spectacles. À son actif, entre autre, la tournée des dix ans du Rudra Béjart Lausanne en France, la création du Festival des Nuits du Château à Solliès-Pont dont il est le directeur artistique depuis 2002, l’administration

des tournées d’Andrès Marin, Mercedes Ruiz, Cigala et Tomatito en France, Espagne, Allemagne et en Hollande avec la SLU Artemovimiento (Séville), la production des tournées du Ballet de l’Opéra de Nice (Marc Ribaud). Il est aujourd’hui chargé de la programmation dans divers festivals du sud de la France.

Audrey Perrot est née à la Rochelle. Elle étudie la danse au Conservatoire national de région de La Rochelle avant de rejoindre le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris. En 2002 elle intègre le Ballet Junior du Conservatoire national supérieur de Paris, puis est engagée en 2004 au Ballet de l’Opéra du Rhin (Bertrand d’At). Elle entre à Ballet Biarritz en 2007. Décor du tableau final de Mercure réalisé par Picasso en 1924.

Florent Mollet est né à Tours. Il étudie la danse au Conservatoire national de région de Tours avant de rejoindre l’École de danse de l’Opéra de Paris, puis le Rudra Béjart Lausanne. En 2002, il intègre la Compagnie M (Maurice Béjart) avant d’entrer comme stagiaire aux Ballets de Monte-Carlo (Jean-Christophe Maillot). En 2004, il est engagé au Ballet de l’Opéra de Nice (Marc Ribaud), puis au Ballet de l’Europe (Jean-Charles Gil). Il entre à Ballet Biarritz en 2007.

Jury À l’invitation du Comité Régional de Danse d’Aquitaine, Dominique Cordemans a participé les 5 et 6 mai au jury des Rencontres régionales de Danse d’Aquitaine qui se déroulaient à Libourne.

Engagés À l’issue d’une saison passée au Ballet Biarritz Junior 2, Mickaël Conte a été engagé au Ballet de Lorraine, Pierre Henrion au Ballet de l’Europe et Erick Odriozola au Gran Canaria Ballet.

Mercure pour Europa Danse Courant août, à l’invitation de Jean-Albert Cartier, dans le cadre d’un programme célébrant Picasso et la danse, Thierry Malandain montera Mercure d’Erik Satie pour les jeunes interprètes d’Europa Danse dans les décors et costumes créés par Picasso en 1924.

Ballet Biarritz sur LCI Dans le cadre de la tournée de Ballet Biarritz en Asie, un reportage réalisé par Jacques Collet a été diffusé sur LCI à plusieurs reprises courant juin.

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Gare du Midi 23, avenue Foch F-64200 Biarritz Tél. : +33 5 59 24 67 19 Fax : +33 5 59 24 75 40 ccn@balletbiarritz.com Président Pierre Durand Trésorier Marc Janet Secrétaire Paul Barrière Directeur / Chorégraphe Thierry Malandain Maîtres de ballet Richard Coudray, Françoise Dubuc Artistes chorégraphiques Ione Miren Aguirre, Véronique Aniorte, Camille Aublé, Giuseppe Chiavaro, Annalisa Cioffi, Frederik Deberdt, Cédric Godefroid, Mikel Irurzun del Castillo, Miyuki Kanei, Fabio Lopes, Silvia Magalhaes, Arnaud Mahouy, Miguel Pla Boluda, Magali Praud, Thibault Taniou, Nathalie Verspecht Professeur invité Angélito Lozano Pianistes Alberto Ribera, Miyuki Brickle, Corinne Vautrin Responsable sensibilisation Dominique Cordemans Administrateur Yves Kordian Chargé de développement Gérôme Lormier Assistante administrative / Chargée de diffusion Françoise Gisbert Chargée de communication Sabine Lamburu Comptable principale Rhania Ennassiri Chargée de l’accueil et de la logistique Lise Saint-Martin Directeur de production / Concepteur Lumière Jean-Claude Asquié

Magali Praud et Frederik Deberdt dans Don Juan. © Jose Usoz

Régisseur général Oswald Roose Technicien Lumière Frédéric Eujol Technicien Plateau Chloé Bréneur Techniciens Son Jacques Vicasiau, Éric Susperegui Techniciens Chauffeurs Jean Gardera, Anthony Mota

CALENDRIER / JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2007

Costumière Véronique Murat Régie costumes / Couturière Habilleuse Karine Prins

REPRÉSENTATIONS EN FRANCE mar 10 juillet Mimizan ven 13 juillet Chateauvallon dim 15 juillet Nice mar 17 juillet Carpentras Les Baux de Provence jeu 19 juillet Aigues-Mortes lun 06 août jeu 09 août Biarritz mar 14 août Biarritz dim 16 septembre Biarritz REPRÉSENTATIONS sam 28 juillet mer 08 août jeu 09 août ven 10 août

À L’ÉTRANGER Sopot (Pologne) Vérone (Italie) Vérone (Italie) Vérone (Italie)

REPRÉSENTATIONS TRANSFRONTALIÈRES sam 07 juillet Markina ven 13 juillet Donostia

Responsable construction décors Michel Pocholu

Ballet Biarritz Junior 2 Ibilaldi Les Créatures Les Petits Riens, Don Juan Les Petits Riens, Don Juan Mozart à 2, Les Petits Riens Don Juan, La Mort du cygne, Ballet Mécanique Ballet Biarritz Junior 2 Ibilaldi Les Créatures, La Mort du cygne, Ballet Mécanique Extraits du répertoire dans le cadre du festival Le Temps d’Aimer

Techniciennes de surface Annie Alegria, Ghita Balouck Attaché de presse Yves Mousset / MY Communications

Egia Kultur Etxea Baztan Kalea, 21 20012 Donostia/San-Sebastián Tél. : +34 943 29 80 27 Fax : +34 943 28 72 19 donostia@balletbiarritz.com Directeur Filgi Claverie Coordinatrice artistique Adriana Pous (Ballet Biarritz) Assistante administrative Sofia Alforja

Les Créatures Les Créatures Les Créatures Les Créatures Ballet Biarritz Junior 2 Ibilaldi Ballet Biarritz Junior 2 Gari Beltza

Le Cercle des mécènes de Ballet Biarritz apporte son soutien aux nouvelles productions, aux tournées internationales de prestige, aux projets à caractère évènementiel.

Chorégraphe invité / Maître de ballet Gaël Domenger (Ballet Biarritz) Professeur invité Iñaki Landa Artistes chorégraphiques Mickael Conte (Bordeaux), Miren Gomez (Irun), Léa Guilbert (Grasse), Pierre Henrion (Anvers), Irma Hoffren (Donostia-San-Sebastián), Vivian Ingrams (Londres), Aurélie Luque (Oloron Sainte-Marie), Erick Odriozola (Gabiria), Gisela Riba (Barcelone) Numéro Directeur de la publication Thierry Malandain Création graphique Jean-Charles Federico Imprimeur SAI (Biarritz) ISSN 1293-6693 - juillet 2002

www.balletbiarritz.com


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