Numéro 90 Juillet > Septembre 2021

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JUILLET  > SEPTEMBRE 2021

ÉDITO

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ACTUALITÉ

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DANSE À BIARRITZ #84

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SENSIBILISATION

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BALLET  T

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JOURNAL D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL DE NOUVELLE-AQUITAINE EN PYRÉNÉES-ATLANTIQUES MALANDAIN BALLET BIARRITZ

FESTIVAL

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SANTÉ

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EN BREF

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CALENDRIER

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Sinfonia © Olivier Houeix


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ÉDITO

Après avoir marqué

l’an dernier le début et la fin de la plus courte saison chorégraphique qui soit, en septembre prochain, si les dieux de bonne humeur le veulent bien, le festival le Temps d’Aimer connaîtra sa 31ème édition. Dans l’intervalle, à l’image de la grenouille qui durant son existence subit de singulières métamorphoses, afin de perpétuer la manifestation par ces temps difficiles d’instabilités, le conseil d’administration de Biarritz Culture présidé par Jakes Abeberry et le conseil d’administration du Malandain Ballet Biarritz présidé par Catherine Pégard, ont validé à l’unanimité son intégration et celle de son équipe (1) au sein du Centre Chorégraphique National. Mais plutôt que de disséquer à la loupe l’anatomie de ce changement, je veux ici remercier tout particulièrement Jakes Abeberry, personnalité emblématique de la culture et de la vie politique au Pays basque : il y a trois décennies, avec le sénateur-maire, Didier Borotra, que l’essor de Biarritz préoccupait au premier plan, Jakes Abeberry, esprit libre, volontaire et sensible, fit le pari, comme adjoint, chargé de la culture, que le réveil de la station endormie sous d’inévitables clichés passait par le souffle pour ne pas dire le baiser de l’art. Prenant sa source dans l’idéal, le miracle eut lieu. En témoigne des équipements culturels ambitieux, et en temps ordinaire de paix et de civilisation, un foisonnement d’activités et d’évènements consacrant tous les domaines de l’art : l’un des ornements essentiels à la vie humaine. Car en jouant la variété des sentiments que l’homme éprouve sur les cordes de l’âme, l’art contribue au lien et au bien collectif, stimule la curiosité et le plaisir des sens, élève l’esprit à la connaissance … et, plus on connaît, plus on aime. Aussi, osons le mot, c’est avec le cœur que Jakes Abeberry, danseur, puis directeur artistique des Ballets Basques de Biarritz Oldarra, enfin figure tutélaire du mouvement abertzale, qui en basque signifie « amant de la patrie », plébiscita la danse. D’où la création du festival le Temps d’Aimer, puis dans la foulée celle

du Centre Chorégraphique National. Mais, pouvait-il en être autrement de la part d’un amant sans frein de Terpsichore ? Suivant le vœu confiant de la nouvelle municipalité menée par Maider Arosteguy, il nous appartient désormais de poursuivre cette œuvre que Jakes Abeberry dévoua au bonheur des autres, à la félicité publique. Ceci avec gratitude et humilité, en se gardant d’imiter la grenouille de la fable, même si pour être vénéré dans bien des mythologies comme symbole de transition, de transformation, de résurrection, l’animal aux pieds verts a été choisi pour promouvoir cette 31ème édition du Temps d’Aimer. En conséquence de longs mois passés dans un bocal : se hâtant, courant, jouant des coudes tout en mettant en jeu de solides relations au plus haut niveau de la fonction météorologique, cette grenouille, dont on admira l’agilité et la souplesse au casting, supplanta aussi tous les candidats dans nos objectifs promotionnels par les tribulations auxquelles elle avait été soumise. Son histoire de sorcière qui l'avait changée en batracien, la balle d’or tombée dans une fontaine, la princesse et le baiser merveilleux « qu’on sentit » venir comme dans Blanche-Neige, tout cela nous prit une bonne demi-heure à écouter. Aux sceptiques de l’équipe, aux complotistes de l’année, doutant de tout et de tous, le récit de l’amphibien verdâtre et visqueux transformé en prince charmant par la grâce de l’amour parut quand même très fantaisiste. Mais au bout du « conte », le profil des personnes à cibler n’étant pas à négliger, il fut admis à la majorité que cette histoire empreinte de merveilleux était propre à agir sur la sensibilité du public, et qu’en ces temps étasuniens de promotion de la vertu, il y avait aussi un intérêt moral à rappeler que sous une apparente laideur pouvait s’épanouir une beauté intérieure. La beauté intérieure de l’âme, murmura quelqu’un d’une voix sainte, avant de faire remarquer au milieu du trouble jeté dans la réunion que c’était depuis 30 ans la ligne artistique du festival de donner à voir la beauté de la danse sous toutes ses formes. Alors, pourquoi changer pour, sinon faire plus mal, du moins ne pas faire mieux ?

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ÉDITO

••• Étant admis que la grenouille avait symboliquement la portée de manifester dans l’inconscient la transition, la transformation et la résurrection en dernier ressort. Avec calme, il fallut, de nouveau, expliquer que nous l’avions choisi pour signifier qu’on se bassinait dans un bocal sous le couvercle de la peur et des interdits depuis un an, et que, par ce fait, le festival constituait une forme de délivrance pour les déchaînés de la danse ; qu’il prenait un tournant par la force des choses, mais qu’on ferait exactement pareil autrement mieux. Redire encore une fois qu’afin d’évoquer de manière allusive la couleur de l’espérance et le nouvel engagement éco-responsable de la manifestation, un papillon ou une papillonne aurait certes fait l’affaire. Tout le monde en était d’accord, c’était léger, gracieux et plus joli. Mais voilà, se définissant comme : mâle blanc cisgenre privilégié hétéro romantique sexuel plus actif de l'aile gauche, mais « woke » à 100 %, c’est-à-dire totalement éveillé aux droits des minorités et à la question du « blantriarcat », Robert Lépidoptère, alias Bob Butterfly, le seul spécimen convaincant, s’était déclaré hostile au « green face ». Enfin, dans un premier temps, car sensible à la problématique de l'environnement, en apprenant que l’édition 2021 du Temps d’Aimer profitait du soutien du Groupe SUEZ, vert de rage, il rappela le secrétariat. Trop tard, la grenouille ayant convaincu les uns par le récit de son histoire mirobolante, les autres avec ses belles cuisses élastiques, secondairement appétissantes en fricassée, son contrat de cession de droits photographiques venait d’être expédié.

De tête en cape, Cie Balkis Moutashar © mirabelwhite

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En ces temps incertains, il reste maintenant à espérer que notre grenouille, qui durant le « shooting » se montra très orgueilleuse de ses fonctions de baromètre, au point de s’enfler comme un bœuf, mais qui n’a pas de défaut ?, marquera en septembre le temps qu’il faut. Car sans parler d’un partenariat avec l'Atabal, la Scène de musiques actuelles de Biarritz, à la question quoi d’autre de neuf sous le soleil ? On se réjouira d’une première collaboration avec la Scène nationale du Sud-Aquitain donnant lieu à des représentations à Bayonne et Anglet, et d’autres en collaboration avec les villes de Mauléon,

Saint-Palais et Saint-Pée-sur-Nivelle. Autrement, par solidarité nationale, sinon pour contribuer à soutenir l’effort de paix, les compagnies à l’affiche de ce retour à la vie artistique et sociale seront hexagonales ou bien euro-régionales. Car on ne va pas vous coasser des fariboles comme à l’époque de Tchernobyl : au Pays basque les vapeurs nuageuses de la danse dont il n’existe malheureusement qu’un mot


ÉDITO

pour exprimer les nuances ne s’arrêtent pas aux frontières. Mais rassurez-vous, à l’analyse, même à fortes doses les exhalaisons chorégraphiques sont bien tolérées par l'organisme et ne sont pas toxiques. Le seul effet secondaire observé étant d’aimer le Temps d’Aimer et d’être éventuellement pris de dansomanie. Ce qui n’est pas dangereux, puisque Santé publique Danse invoque même un effet désirable pour les cœurs rebelles et les empêcheurs de danser en rond. Mais son opinion n’est pas la règle, la liberté retrouvée offre aussi d’autres merveilles, pour dire qu’en septembre, grenouille ou

pas chacun fera le bœuf comme il l’entend sous des bravos retentissants après une année « d’échos vides ». À notre échelle, attendu que l’amour embellit tout, c'est le vœu le plus ardent que nous puissions aujourd’hui formuler. À un degré différent, restituer à la danse son caractère sacré, fut dans les années 30 l’engagement de Renée et Josette Foatelli, deux originales danseuses à découvrir dans ce Numéro 90, qui « en toute humilité chrétienne » firent de leur art une sorte d’apostolat. S’appuyant sur une profonde érudition, proches de René Schwaller de Lubicz, spécialiste de la pensée hermétique et de la symbolique de l’Égypte ancienne, Renée et Josette Foatelli accomplirent leur mission en pleine campagne, lors de fêtes rurales, à la ville, à l’usine, etc. Saluée « pour rendre au peuple français le goût de la belle danse », en raison de leurs ouvrages sur les danses religieuses chrétiennes et de leur prière à Notre-Dame de la Danse, il serait facile et quelque peu péjoratif de les qualifier ici de « grenouilles de bénitier ». Toutefois, confessons que tirer de l’oubli ces deux prêtresses de la danse dont l’une soutint une thèse de doctorat sur Denys l’Aréopagite, auteur vers l’an 500 de traités chrétiens de théologie mystique, tandis que l’autre devint « Grand Archimaître » d’un Ordre initiatique qui compta parmi ses membres : Pierre Loti, Jean Cocteau, André Gide, Fernand Léger, Éric Satie et d’autres, fut véritablement une épreuve pour ne pas écrire « la croix et la grenouillère ». Mais c’est à ce prix qu’est la passion constructive de remettre en lumière les rois et rainettes de la danse confinés dans le bocal de l’Histoire, fussent d’étranges grenouilles bleues que l’on reconnait parce que les autres sont vertes aurait dit Georges Brassens (2).

n Thierry Malandain, juin 2021

(1) Eloixa Ospital, Sonia Mounica, Noémie Zabala Pihouée, Katariñe Arrizabalaga, Jean-Pascal Bourgade. (2)

La grenouille bleue

Remerciements à la Cie Balkis Moutashar, photo Sandrine Garcia (mirabelwhite) tirée du spectacle : De tête en cape


ACTUALITÉ

Diffusion Le mois de juillet rimera avec report. Ainsi la représentation de la Pastorale prévue en mars au Moulin du Roc Scène Nationale de Niort sera donnée le 6 juillet. De même pour le Festival International de Musique et de Danse de Grenade, annoncé en 2020, c’est le 10 juillet que les danseurs interpréteront la Pastorale dans les jardins de l’Alhambra. Report toujours pour Limoges, où Marie-Antoinette sera jouée les 22 et 23 juillet à l’Opéra durant le Festival « Que reste-t-il de nos beaux jours ? ». Dans le cadre des Estivales, manifestation transfrontalière initiée par le CCN, juillet s’achèvera par quatre représentations de la Pastorale au Teatro Victoria Eugenia de Donostia - San Sebastián, les 29, 30, 31 juillet et le 1er août. Le Malandain Ballet Biarritz retrouvera ensuite la Gare du Midi pour trois représentations de la Pastorale, les 4, 5 et 6 août avant de se produire au Festival International de Santander avec Marie-Antoinette le 10 août. Après quelques semaines de congés viendront les créations de deux ballets d’Igor Stravinski : l’Oiseau de feu par Thierry Malandain et le Sacre du printemps par Martin Harriague, artiste associé au CCN. Avant-première le 11 septembre au Festival le Temps d’Aimer, première au Cratère – Scène Nationale d’Alès les 28 et 29 septembre.

Les Estivales : la Pastorale à Donostia / San Sebastián et Biarritz

musique Ludwig van Beethoven chorégraphie Thierry Malandain décor et costumes Jorge Gallardo lumières François Menou réalisation costumes Véronique Murat assistée de Charlotte Margnoux conception décor Loïc Durand réalisation décor Frédéric Vadé avec Noé Ballot, Giuditta Banchetti, Julie Bruneau, Raphaël Canet, Clémence Chevillotte, Mickaël Conte, Jeshua Costa, Frederik Deberdt, Clara Forgues, Loan Frantz, Irma Hoffren, Hugo Layer, Guillaume Lillo, Claire Lonchampt, Nuria López Cortés, Arnaud Mahouy, Alessia Peschiulli, Alejandro Sánchez Bretones, Ismael Turel Yagüe, Yui Uwaha, Patricia Velázquez, Allegra Vianello et Laurine Viel coproducteurs Chaillot - Théâtre national de la Danse, Beethoven Jubiläums Gesellschaft (Allemagne), Norddeutsche Konzertdirektion Melsine Grevesmühl GmbH, Theater Bonn (Allemagne), Le Parvis scène nationale Tarbes Pyrénées, Opéra de Reims, Ballet T, Donostia Kultura - Victoria Eugenia Antzokia de Donostia / San Sebastián (Espagne), CCN Malandain Ballet Biarritz partenaires Théâtre de Gascogne - Scènes de Mont de Marsan, Espace Jéliote Oloron Sainte-Marie, L’Odyssée - Scène Conventionnée de Périgueux, Scène du Golfe / Théâtre Anne de Bretagne – Vannes, Opéra de Saint-Étienne, Théâtre Olympia d'Arcachon, Escenario Clece / Teatros del Canal - Madrid

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Avant-propos Il s’agit naturellement de la 6ème Symphonie de Ludwig van Beethoven dont on connaît l'épigraphe du manuscrit : « Symphonie Pastorale, ou Souvenir de la vie rustique, plutôt émotion exprimée que peinture descriptive ». Traduisant l'amour ardent du compositeur pour la nature : « Je suis si heureux quand une fois je puis errer à travers les bois, les taillis, les arbres, les rochers ! Pas un homme ne peut aimer la campagne autant que moi » (1), hormis le chant des oiseaux et l'orage, la Symphonie pastorale exprime en effet le sentiment plus qu'elle n'imite les choses. Empreinte de sérénité et foncièrement idéaliste, on peut y voir les sentiers fleuris de la pastorale antique, l’innocence et la tranquillité des premiers temps. Ou bien encore, planant comme une auréole, les poussières sacrées d'Athènes, cité vénérée d’âge en âge par l'imagination des poètes et des artistes pour avoir créée la Beauté. Composée en même temps que la 5ème Symphonie, qui montrait l'homme aux prises avec le destin, en abandonnant ses états d'âme à la nature, Beethoven ressuscite à nos yeux l’Arcadie de l’âge d’or : « terre de bergers où l'on vivait heureux d'amour ». Mais peut-on s’écarter du réel ? Couplée à quelques motifs des Ruines d'Athènes et à la Cantate op 112, intitulée : « Mer calme et heureux voyage », dans les pas d’un « Compagnon errant », sorte de héros romantique, la Pastorale invoque l’antiquité hellénique, comme lieu de nostalgie et de perfection artistique, de la douleur d’un désir sans fin à la béatitude de la lumière originelle.

n Thierry Malandain (1)

Lettre à Thérèse Malfatti, 1807

Irma Hoffren, Hugo Layer & Mickaël Conte, La Pastorale © Olivier Houeix

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ACTUALITÉ

Victoria Eugenia Antzokia Donostia/San Sebastián

29, 30, 31 juillet et 1er août 20h Tarifs : 15€, 23€, 32€, Billetterie : +34 943 48 18 18 www.donostiakultura.eus/sarrerak

Gare du Midi - Biarritz

4, 5 et 6 août 21h Tarifs de 12€ à 36€ Billetterie : www.malandainballet.com Office de Tourisme de Biarritz Tél. 05 59 22 44 66 www.tourisme.biarritz.fr Guichets des offices de tourisme de Bayonne et Anglet

Infos Covid-19 Le placement libre a été privilégié, les jauges des salles étant susceptibles d’être modifiées. L’accès aux spectacles ne nécessite pas le Pass Sanitaire, mais le masque reste obligatoire en salle. L’accueil du public se déroulera suivant les mesures sanitaires en vigueur.


L’Oiseau de feu & le Sacre du printemps à Biarritz

Avant la Scène nationale Le Cratère d’Alès et Chaillot - Théâtre national de la Danse, le 11 septembre, le CCN présentera dans le cadre du Festival le Temps d’Aimer deux ballets d’Igor Stravinski : l’Oiseau de feu (Thierry Malandain) et le Sacre du printemps (Martin Harriague, artiste associé au CCN).

Claire Lonchampt, Hugo Layer & Mickaël Conte répétition L'Oiseau de feu © Olivier Houeix

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L’Oiseau de feu Avant-propos Conte dansé du chorégraphe Michel Fokine sur une musique d’Igor Stravinski, l’Oiseau de feu fut créé à l’Opéra de Paris le 25 juin 1910 par les Ballets russes de Serge Diaghilev. « Ivan Tsarévitch voit un jour un oiseau merveilleux, tout d’or et de flammes ; il le poursuit sans pouvoir s’en emparer, et ne réussit qu’à lui arracher une de ses plumes scintillantes », ainsi débute le libretto puisé dans les contes traditionnels russes. Mais ce n’est pas le portrait de cet oiseau que nous allons dessiner, ni celui que réalisa George Balanchine en 1949 d’après cet argument sur la suite d’orchestre de 1945 pour le New-York City Ballet. Stravinski qui tira trois suites de son ballet en 1910, 1919 et 1945, confiera à ce propos : « Je préfère la chorégraphie de Balanchine pour la version 1945 de la suite de l’Oiseau de feu à l’ensemble du ballet de Fokine et à la musique aussi : la musique du ballet complet est trop longue et de qualité inégale » (1). À l’instar de Balanchine, c’est la suite de concert de 1945 que nous utilisons, Maurice Béjart dont il me valut de danser la version en 1979 au Ballet du Rhin s’étant appuyé à l’Opéra de Paris en 1970 sur celle plus courte de 1919. Oiseau porteur d'espoir, ou bien icône révolutionnaire guidant des partisans vêtus de battledress, Béjart précisera en avant-propos : « Stravinsky, musicien russe, Stravinsky musicien révolutionnaire. […] L'Oiseau de feu est le phénix qui renaît de ses cendres. Le poète comme le révolutionnaire est un oiseau de feu » (2).

musique Igor Stravinski chorégraphie Thierry Malandain costumes Jorge Gallardo lumières François Menou réalisation costumes Véronique Murat, assistée de Charlotte Margnoux

répétition L'Oiseau de feu © Olivier Houeix

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De notre côté, on retiendra que les oiseaux symbolisent ce qui relie le ciel et la terre, voire que le phénix se décomposant pour renaître personnifie dans la religion chrétienne l’immortalité de l’âme et la résurrection du Christ. Au reste, dans son commentaire de la partition, le compositeur Reynaldo Hahn évoqua en 1910 : « un souffle très pur, très fort, et qui vient des hauteurs » (3). D’où la tentation de faire de l’Oiseau de feu un passeur de lumière portant au cœur des hommes la consolation et l’espoir, à l’image de François d’Assise, le saint poète de la nature qui conversait avec ses frères les oiseaux qu’ils soient beaux rayonnants d’une grande splendeur, ou bien simples moineaux.

n Thierry Malandain, février 2021 Memories and Commentaries de Igor Stravinsky, Robert Craft 1959 p.33

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Maurice Béjart, 1970

(3)

Le Journal, 27 juin 1910


ACTUALITÉ

Le Sacre du printemps Avant-propos Le rapport de l’homme et de la nature fascine et inquiète Martin Harriague. De ce qu’il évoquait déjà dans ses créations récentes (Sirènes, Fossile, Serre) - la renaissance du vivant, sa puissance, la lutte pour sa survie - l’œuvre iconoclaste et géniale de Stravinski pour les Ballets russes contient tout, et plus encore. Par bien des aspects, le Sacre était une avancée « révolutionnaire », tant par sa chorégraphie de Vaslav Nijinski que pour sa partition.

musique et argument Igor Stravinski chorégraphie et scénographie Martin Harriague lumières François Menou et Martin Harriague costumes Mieke Kockelkorn réalisation costumes Véronique Murat, assistée de Charlotte Margnoux réalisation décor/accessoires Frédéric Vadé

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répétition Le Sacre du printemps © Olivier Houeix

Martin Harriague décide de s’emparer du mythe en respectant l’intention originelle du compositeur : illustré par un rite païen, « c’est la sensation obscure et immense à l’heure où la nature renouvelle ses formes, et c’est le trouble vague et profond d’une pulsion universelle », précise Stravinski dans un article que Martin Harriague prend pour référence (CND, revue Montjoie, 29 mai 1913). Jacques Rivière, clairvoyant directeur de la NRF, parlait à l’époque d’un « ballet biologique » : « le printemps dans son effort, dans son spasme ... On croirait assister à un drame du microscope ». Le martèlement rythmique complexe qui donne à l’œuvre sa force sauvage et menaçante convient au langage corporel de Martin Harriague, explosif et terrien. Parce que la musique le lui dicte, il renonce cette fois à tout lyrisme gestuel ; il se concentre sur le pouvoir expressif du mouvement primitif et des figures fractales par lesquelles le groupe s’enroule, se déploie, se contracte comme le vivant resurgit, se fraie partout un chemin avant d’exploser. À Nijinski qui avait osé cette rupture transgressive avec le langage classique, Martin Harriague emprunte le piétinement des Augures printaniers qui « marquent de leur pas le pouls du Printemps ». Les citations du ballet originel s’arrêtent là, mais la pièce toute entière témoigne de la volonté de s’appuyer, pour mettre en scène la vision de Stravinski, sur l’expressivité de la musique, particulièrement éclatante sous la baguette de Teodor Currentzis. On ressent physiquement l’énergie sauvage et l’effroi intemporel qui habitent ce groupe confronté à la violence du vivant, purifié par le rite. On perçoit la sauvagerie et la nécessité de l’offrande finale de l’élue, principe féminin incarnant l’énergie du printemps, la sève, pure et saine, qui monte, allégorie du vivant qui s’élève vers la lumière.

avec Noé Ballot, Giuditta Banchetti, Julie Bruneau, Raphaël Canet, Clémence Chevillotte, Mickaël Conte, Jeshua Costa, Frederik Deberdt, Clara Forgues, Loan Frantz, Irma Hoffren, Hugo Layer, Guillaume Lillo, Claire Lonchampt, Nuria López Cortés, Arnaud Mahouy, Alessia Peschiulli, Alejandro Sánchez Bretones, Ismael Turel Yagüe, Yui Uwaha, Patricia Velázquez, Allegra Vianello et Laurine Viel

coproducteurs Donostia Kultura Victoria Eugenia Antzokia -Donostia / San Sebastián (Espagne) – Ballet T, Chaillot-Théâtre national de la Danse – Paris, Théâtre des Salins, Scène nationale – Martigues, Le Cratère – Scène nationale Alès, Opéra de Reims, La Rampe – Scène conventionnée Echirolles, CCN Malandain Ballet Biarritz partenaires Théâtre Olympia d'Arcachon, Le Parvis - Scène nationale de Tarbes Pyrénées, Théâtre de Saint Quentin-en-Yvelines - Scène nationale, Festival de Danse Cannes - Côte d’Azur France

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LA DANSE À BIARRITZ # 84

Renée et Josette Foatelli

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Deux sœurs, nées dans la première décennie du siècle. D’origine corse ? Après des débuts et une formation éclectique : classique, rythmique, isadorien, etc. elles se sont spécialisées dans des danses religieuses. Elles ont donné de fréquent galas avec des groupes de musique ancienne, enseigné jusque dans les années 50. Elles ont publié plusieurs ouvrages : Les danses religieuses dans le christianisme ; Pour le théâtre chrétien ; La danse et nous ; Méthode de danse chrétienne ». Ainsi Jacqueline Robinson, danseuse, chorégraphe et pédagogue, remémora en 1990 le souvenir de Renée et Josette Foatelli dans L'Aventure de la danse moderne en France (1920-1970). « Les deux originales danseuses » s’étant produites au Pays basque, nous allons tenter d’aller plus loin, même si peu d’éléments biographiques subsistent sur celles qui eurent à cœur de restituer à la danse son caractère sacré et firent de leur art une sorte d’apostolat. C’est à l’occasion d’une conférence sur « Napoléon et la Corse » donnée à Angoulême, le 7 février 1932 que le journal La Charente évoqua le parcours de Renée, la plus âgée des Foatelli qu’on nomma « la danseuse corse » : « D'origine corse, Renée Foatelli est née à Paris. Jeune fille, du monde, — son père est médecin réputé, — elle eut pu se "laisser vivre", mais le démon de la danse la domina impérieusement et, dès l'âge de 15 ans, elle s'embarque seule pour l'Amérique. Elle ne peut débarquer que grâce à la complicité de journalistes qui la disent « fille de bandit » venant assouvir une vendetta, tout autre aurait profité de cette publicité, mais sa nature droite y répugne ; elle proteste et personne ne s’intéresse plus à la petite corse. Soudain elle apprend qu'on a besoin d’une corse pour un film ; elle se présente et tourne avec grand succès. Rentrée en France, elle se lie avec Loïe Fuller, entre dans les ballets de la célèbre artiste. À 16 ans, elle apparaît à Paris, au théâtre des Champs-Elysées ; puis part en tournée avec le danseur Raymond Duncan et visite ainsi la Grèce, l'Allemagne, les pays baltes, etc... Après un léger repos, elle part pour l’Egypte, danse devant le roi qui la félicite, rentre en France, part pour l’Algérie, la Tunisie, le Maroc. Elle a 20 ans ! À Paris, elle est remarquée par Paul Franck, dénicheur de vedettes, débute à l'Olympia, repart pour l’Egypte, puis pour la Belgique, la Hollande. Actuellement en Tchécoslovaquie, elle revient pour participer à la conférence du 7 février. Ne croirait-on pas, à lire ce

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qui précède, qu'il s'agit d'une artiste de 50 ans ? Or, la jolie Renée Foatelli a... 22 ans » (1). Au vrai, selon les recherches généalogiques réalisées par Anne Londaïtz, née le 26 octobre 1903 à Agnetz (Oise), Renée Foatelli était alors âgée de 29 ans. Corse par son grand-père originaire d’Olivese, elle était la fille de Bonaventure Foatelli, médecin né à Bourges en 1873 et d’Henriette Diolot, née à Issy-lesMoulineaux en 1869, lesquels légitimeront l’enfant lors de leur mariage à Paris en 1906. Quant à Josette, plus jeune de 18 ans, née Josette Walker à Paris le 7 janvier 1921, de père et mère non dénommés, elle sera régulièrement déclarée « enfant recueillie » lors de recensements effectués au 47, avenue de Saint-Mandé, longtemps l’adresse familiale. Cependant, la généalogie révèle parfois bien des surprises, puisque le 28 octobre 1926, devant Maître Paul Simon, notaire à Paris, Renée reconnut Josette comme son enfant. Malgré cela, en 1936, elle sera encore dite « enfant recueillie » et jusqu’au bout mère et fille seront données comme sœurs. Dans cette étrange comédie du mensonge, seul Alfred Braquis pour ce que l’on sait parla en 1927 de : « Renée Foatelli et de sa délicieuse fillette Josette », mais le journaliste écrivait dans la Revue du vrai et du beau ce qui explique peut-être cela. Par la voix du Chicago Tribune and the Daily News, New York, c’est en décembre 1919 que Renée nous apparaît pour la première fois : « Je suis une jeune française, âgée de seize ans, qui a à cœur d'exprimer son admiration et sa gratitude envers le noble peuple américain qui est venu si vaillamment soulager notre pauvre France conquise, écrit-elle. […] Mon père, capitaine dans l'armée française, a passé la fin de la guerre avec les soldats du Nouveau Monde, et a pu appréciez leu r grande valeur, tant militaire que morale. […] Aux libérateurs du monde, à ceux qui sont morts dans notre cause et pour notre cause loin de leur propre pays, que ceux-ci soient bénis, leur gloire est éternelle ! Salut aux soldats d'Amérique ! » (2). Promu en 1916 au grade de médecin-major de 2ème classe, son père recevra la Croix de guerre et la Légion d'honneur. Sans quoi, en mars 1922, le même journal nota : « Miss Renée Foatelli a récemment navigué sur le Rochambeau pour remplir un engagement d'un an avec la société Paramount Film à Los Angeles. Elle était accompagnée de Mme Richard de Paris et de New York. Miss Foatelli est membre du Club WashingtonLafayette de Paris » (3). Fondé en juin 1921, le Washington-Lafayette Club avait « pour but de faire connaître les Français aux Américains et les Américains aux Français,


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en les réunissant dans une association amicale, où les distractions étaient variées et fréquentes ». En rappelant que Josette s’appelait Walker, c’est peut-être dans ce cercle franco-américain, qu’à 17 ans passé, Renée connut le père de son enfant avant d’accoucher chez Jeanne Courtois sage-femme rue Cortambert. Un an plus tard, s’affranchissant des devoirs de la maternité, en tous cas, laissant sa fille dans les bras d’une nourrice ou de sa mère, le 11 mars 1922, au départ du Havre, elle embarqua sur le Rochambeau pour New-York. Dite « artiste », elle sera la seule sur la liste des passagers à se rendre à Los Angeles, pour souligner que Mme Richard dont on ignore tout n’y figure pas sous ce nom. Dès son arrivée, à l’instar du Richmond palladium and sun-telegram du 28 mars, divers journaux publièrent un article étrangement titré : « Une femme de ménage de France utilise un poste radio sur un paquebot ». Illustré d’un cliché la montrant suspendue au téléphone, « dont elle est fan », on apprend sur un ton moqueur : « qu’elle se rend à Los Angeles pour écrire et jouer ses propres films ». La presse américaine numérisée, ne livre rien d’autre. On raconta toutefois à son retour, que des imprésarios voulant édifier sur son nom et ses origines une publicité à grand fracas, on la fit passer pour la fille d'un bandit, pour une descendante de Colomba, mais ne voulant devoir son succès qu’à son talent d’artiste, elle refusa avant de tourner un film sur l'Ile de Beauté, qui la lança outre-Atlantique. Le film en question n’a pas été retrouvé, ni ces deux échos étasuniens qui lui serviront ensuite de réclame : « L'unique danseuse Corse Renée Foatelli nous apparaît comme une grande révélation d’art » — (Los Angeles Evening Express). « Enfin une danseuse de récital qui sait faire des pointes, des jetés, des battus. La technique de Renée Foatelli est impeccable » — (Theater Magazine). En effet, sans savoir qui la forma, plébiscitant son travail, Joseph Folliet, le fondateur de La Vie catholique illustrée écrira en 1937 : « Mêlant savamment la danse classique, la rythmique et la mimique, douée d'un sens admirable du costume et de l'utilisation qu'on en peut faire sous les projecteurs, Renée Foatelli apparaît, sur les tréteaux, comme l'âme même de la danse. Elle séduit les auditoires les plus prévenus ou les plus somnolents. Elle leur fait comprendre ce que peut donner la danse lorsqu'une pensée et un enthousiasme l'animent » (4). Après dix mois d’absence, on revit Renée à Paris en janvier 1923, vendant des poupées au Moulin de la galette, lors d’une fête de charité animée par André de Fouquières. Le 19 septembre suivant, après avoir déclaré : « la Danse c’est une magie ! », l’homme de lettres ouvrit à

Biarritz le Bal Petrouchka donné au Casino municipal. Peu avant, les 31 août et 1er septembre, les Ballets fantastiques de Loïe Fuller s’étaient produits au Casino de Saint-Jean-de-Luz et au Théâtre municipal de Bayonne avant de se rendre à San Sebastián, où « la grande artiste » remporta « avec son école de danse admirablement homogène tous les suffrages du public enthousiaste ». Elle confiera alors : « San Sebastián et surtout le Grand Casino comptent parmi mes meilleurs souvenirs. J’aime ce public vibrant et fidèle au vrai art et si compréhensif » (5). Bien qu’il soit difficile de l’affirmer, puisque seul le nom

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Renée Foatelli, « Vocero corse », 1932, photo Germain Douaze Renée et Josette Foatelli, photo Iris

Richmond palladium and sun-telegram, 28 mars 1922

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de « la magicienne de toutes les lumières » figurait sur les programmes, Renée dite « 1ère danseuse de la Loïe Fuller », participa sans doute à ces spectacles. En effet, ayant écrit : « [Loïe Fuller] perdit la vue et c’est à peu près aveugle que je fis sa connaissance. Elle m’engagea dans son ballet, où je parus à l’Opéra » (6), on peut en déduire quelle dansa sur la scène du palais Garnier du 10 juin au 6 juillet 1923 : Chimères, ballet de Loïe Fuller sur une musique d’Armande de Polignac, donné le plus souvent en lever de rideau de Pâdmavatî d’Albert Roussel. Avec d’autres compositions la troupe passa ensuite à Genève, Aix-les-Bains, Thononles-Bains, Caen, Dinard, Saint-Jean-de-Luz, Bayonne, San Sebastián avant de retrouver l’Opéra en septembre et le Théâtre des Champs-Elysées en novembre. Ensuite, si l’on en croit La Charente, Renée partit en tournée avec « l’esthète hellénoaméricain » Raymond Duncan, le frère et le maître de « l’immortelle » Isadora.

Raymond Duncan et Janine Solane, 1953, photo Éclair Mondial

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Jane Catulle-Mendes, photo Chéri-Rousseau & Glauth

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Car Paul-Hyacinthe Loyson, le rappelle : « [c’était] lui le penseur, et elle l'artiste, lui le principe et elle la grâce » (7). Cependant, à cette époque, portant les cheveux longs, la toge et les sandales, l’apôtre de la vie antique, qu’on écouta à Biarritz, le 23 septembre 1929, exposer ses idées « sur une philosophie future », avait une autre actualité, pour dire qu’il ne sera pas question de tournées avant 1927. Expulsé en juin 1924 pour non-paiement des loyers de son Akademia, autrement nommée le Théâtre Raymond Duncan, « le nouveau Socrate » « conférençait » Salle des Ingénieurs Civils, où lors d'une causerie faite en janvier 1925, « quelques-unes de ces anciennes fidèles, échappées au charme (ou au joug) du prêtre de la beauté, vinrent protester avec énergie, déclarant que les actions et la vie de M. Duncan s'accordaient assez mal avec sa doctrine » (8). À ce titre, se proclamant détaché des biens du monde, d’autres souriront de le voir conduire son automobile comme un simple mortel. Mais plein d’idées et de ferveur artistique, Duncan était un personnage complexe, difficile à saisir et surtout éclectique, puisqu’entre ses conférences, ses dialogues socratiques, ses cours de gymnastique hellénique, sa boutique de travaux d’art, le philosophe peignait, tissait, imprimait ses écrits. Citons Oidipous, tragédie créée au Théâtre Femina, le 9 avril 1927, vu que la pièce fut jouée en mai à Riga, Kaunas, Tallin et Varsovie. Renée donnait alors un récital à Paris, aussi lâchons sa note biographique sans concordance précise avec des faits relatés pour nous appuyer sur ses apparitions dans la presse. Passée la fête de charité de janvier 1923, après deux années sans échos, on revit Renée les 26 et 28 mars 1925 au Concours de chant et de déclamation du journal Comœdia, dont elle fut finaliste. Le 26 mai, elle participe à un gala à la Maison des Arts et des Cultures, puis le 16 novembre au Caméléon, où se tenaient les soirées artistiques de l'Université Alexandre Mercereau, elle paraît dans des danses exotiques accompagnée à la flûte. Homme de lettres lié au développement de l'art moderne, Mercereau dont Renée fut diton la secrétaire avait fondé au Caméléon, boulevard Raspail, une sorte de libre université où l'on pouvait s’instruire sur la création intellectuelle du monde entier. Appelée « la Sorbonne montparnassienne », le 18 décembre, Renée y créa Danses de l'aviation sur un livret de Louise FaureFavier, journaliste, écrivaine, pionnière de l'aviation. Puis le 20 décembre, « sous la gracieuse royauté de Jane CatulleMendes », poétesse et journaliste ce fut Danses chimériques. Un cliché la montre alors auprès de Léonie Ricou décédée en 1928. Salonnière, mécène, collectionneuse d’art proche de Mercereau, avec lequel elle lança le mouvement cubiste, Ricou côtoie Guillaume Apollinaire, Paul Fort, Pablo Picasso, Constantin Brancusi,

Amedeo Modigliani,... pour dire que Renée fréquenta probablement le milieu artistique cosmopolite parisien. Fervente catholique, Ricou accompagna aussi Max Jacob dans sa conversion, il y a peut-être là un indice permettant d’expliquer le passage de Renée aux danses sacrées, sans parler de son intérêt pour l’Égypte, peutêtre guidé par Alexandre Stoppelaëre, peintre, égyptologue, époux de Léonie Ricou. Autrement, le 27 février 1926 au Théâtre de la Madeleine, pour le gala des Enfants artistes, Le Figaro annonça : « une petite danseuse, la fille du docteur Foatelli, étonnera par la grâce de ses mouvements » (9). « L’instinct de la danse, réfugié dans un corps de poupée » (10) Josette avait 5 ans et preuve qu’on maîtrisait l’art du faux-semblant en famille : « Mère triomphante, Mme Foatelli expliquait à tout venant : "Vous savez qu'elle n'a jamais appris. Elle improvise tout. Son père, qui est médecin, n'en revient pas. Moi non plus. Mlle [Carlotta] Zambelli non plus. Mlle [Jeanne] Chasles lui a promis de la faire entrer au Conservatoire quand elle aura huit ans" » (11). Ce fut peutêtre le cas, puisque La Gazette de Biarritz parla en 1939 de « Josée (sic) Foatelli, du Conservatoire de Paris » (12). Pendant ce temps, Renée prêtait son concours aux manifestations les plus variées, comme la Fête de carnaval des parisiens de Dunkerque, où Salle Poissonnière, elle dansa le 10 mars avec Christiane Dargyl, de l’Opéra et Léda Ginelly, alias Elsa Petry, émule barcelonnaise d’Isadora Duncan et de Jaques Dalcroze qui se réfugia à Biarritz en juin 1940. Le 16 mars, au gala des vieux pays de France donné Salle Comœdia, après « des danseurs basques superbes, en leur costume rouge, amenés par M. Sensenacq » dont on ignore tout, « l’admirable artiste » parut dans des évocations tragiques de « vendetta » corses


LA DANSE À BIARRITZ # 84 mimées et dansées sur des voceri chantés par Jane Brunel. On ne saura rien de plus précis sur ces chants funèbres, mais ainsi en parla un critique : « Pieds nus, toute de noir vêtue, sur une scène à peine éclairée d'une demi-teinte qui rappelait le bon coin du feu ancestral des villages corses où tout n'est qu'amour et poésie, Mlle Foatelli était superbe de grâce et de simplicité. À la fois pieuse et tourmentée, douce et terrible, grave et féroce, soumise et fière, grâce à son incomparable mimique, l'ardente danseuse incarne d'une façon saisissante toute l'âme de la Corse » (13). Le 20 avril, Renée revint Salle Comœdia pour y danser cette fois les Folies françaises de François Couperin, ainsi que des œuvres de Franz Schubert, Claude Debussy, Albert Roussel et Igor Stravinski accompagnées par Jane Brunel, Pauline Aubert (clavecin) et Paul Remond (flûte). Le lendemain, « le nombreux et élégant public qui [avait fait] un succès triomphal à Mlle Foatelli, y associa la jeune sœur de la belle artiste, une mignonne fillette de cinq ans qui promet de devenir une étoile de la danse » (14). Passons sur les danses orientales que Renée offrit le 23 avril aux Ingénieurs Civils, jusque-là annoncée, 1ère danseuse de Loïe Fuller, la presse la donne subitement du Théâtre Albert-Ier, sans que l’on puisse le vérifier. On la retrouvera avec Josette, le 6 mai au Caméléon, Le Petit Journal d’écrire alors : « la fillette, gentiment costumée en bergère Watteau ou en robe à la Paméla, se livre sur une petite scène à des improvisations rythmiques, naïves et gentilles. Sa grande sœur, Renée, jolie corse brune au profil grave, aux gestes harmonieux, est, elle aussi, artiste chorégraphique et interprète des danses corses, marocaines, créoles, indochinoises. Elle guide, au piano, les variations de la petite Josette sur les airs du Menuet d’[Emmanuel] Nérini, et même de la Chevauchée des Walkyries ! Si jeune ! Mais puisque cette enfant montre

d'étonnantes dispositions, pourquoi ne pas attendre un peu. Si mignonne soitelle, — et même à cause de sa gentillesse, — on ne peut s'empêcher de juger ce spectacle un peu mélancolique » (15). Le 5 juin après une soirée dédiée à l’Art exotique colonial français donnée à SaintGermain-en-Laye, on lira que ses danses créoles étaient mauriciennes, que sa danse marocaine créée sur un air de Maurice Bellecour s’intitulait Djinane El Alhane (Josette l’exécutera à Enghien le 20 juin) enfin que Pao-Pei était le nom de sa danse indochinoise. Toujours au Caméléon, en juillet, Renée fut appréciée dans des danses anciennes, avant dit-on de diriger les ballets du Théâtre du Petit Monde, sans que l’on puisse à nouveau l’assurer, d’autant qu’après un récital à Rouen le 10 mai, on lira : « On vit aussi Josette Foatelli, maîtresse de ballet au théâtre du Petit Monde et qui est âgée de cinq ans. Mais la petite vedette n’était pas en " train ". Elle était fatiguée par le voyage. Elle avait froid. Il fallut réchauffer ses petits petons » (16). Brièvement, après le lancement en 1919 d’un journal pour enfants intitulé Le Petit Monde, Pierre Blum, dit Humble, avait eu l’idée de leur offrir dans la Salle des Annales des matinées de « cinéma éducateur, de comédies et d’attractions de cirque ». Seul le Châtelet proposait alors aux écoliers une pièce par an. Poussé par le succès, dès 1921, Humble se spécialisa dans la création de spectacles tirés de la Bibliothèque rose, des contes de Perrault ou de personnages de bandes dessinées à l’instar de Bécassine. Principalement jouées par des enfants, ces pièces faisaient appel à la danse, ainsi Mauricette Cebron, Marguerite Quinault et Laetitia Couat, de l’Opéra de Paris, réglèrent les ballets tout en enseignant à l’Université du Petit Monde où les élèves recevaient une instruction préparant les uns à jouer en amateurs, les autres à faire carrière. Rien de neuf, en 1664, Jean-Baptiste Raisin avait obtenu de Louis XIV la permission de monter une troupe enfantine, tandis qu’en juin 1839, « les délicieuses miniatures » de Pierre Castelli danseront la Sylphide (1832) à Bayonne. Le ballet de Filippo Taglioni arrangé par Victor Bartholomin mettait en avant Fanny Delachaux, 10 ans et Jules de Groot, 11 ans. Pour dire que Josette, « la plus jeune danseuse de France », qui peut-être passa par la troupe de Pierre Humble n’était pas une exception, lui faisait même concurrence « la plus petite danseuse du monde » : Yvette Raspaud, 9 ans en 1928, dont le « nom de guerre » était Yetta Raspodi. Pour conclure, suivant l’agenda du Théâtre du Petit Monde, peut-être Renée régla-t-elle les danses de Diloy le Chemineau, pièce de Paul de Pitray, d'après la comtesse de Ségur créée le 14 octobre 1926 au Théâtre Femina. En revanche, en novembre, elle partit assurément en tournée avec les Ballets Jimmy Telis.

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Yetta Raspodi Léda Ginelly, photo Michel Eck

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Jimmy-Telis Renée et Josette, les Dimanches de la femme, octobre 1928

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Ressortissant grec, Jimmy Telis, alias Aristote Hatzoglou, dirigeait à Marseille le Grand Institut de Danses Jimmy, où il enseignait les danses modernes, acrobatiques, théâtrales, etc. En 1928, organisateur des Olympiades de la danse qui eurent lieu à Paris du 2 au 9 juin Salle Washington, le Ministère de l’Intérieur commanda une enquête à son sujet au préfet des Bouches-du Rhône (17). Outre sa naissance en Bulgarie à Varna, le 29 décembre 1899, l’on apprendra qu’arrivé en France en 1917, il servit dans l’armée américaine durant la guerre comme volontaire du 24 mai au 15 novembre 1918, avant de se fixer à Marseille. Attaché à l’établissement la Cigale, il donnait aussi des cours particuliers à son domicile, lequel « servait de lieu de rendez-vous à des jeunes gens et à des jeunes filles plutôt que de salons de danse ». « Marié, le 24 juin 1920, à une française, la nommée Sylvie Roux, père d’un enfant d’un an et demi » : « il est avéré qu’il a une maîtresse,

employée des postes, et que sa femme à un amant » dixit la Direction de la Sureté Générale, qui néglige de rapporter qu’en avril 1923, il détint le record mondial de danse après avoir évolué durant 48h, 7min et 30s avec Marcelle Tref. Sans quoi, « le professeur Jimmy » présidait l'Union internationale des chorégraphes, dont le premier congrès se tint à Paris en 1924. Directeur de l’Académie supérieure de danses de Paris, il dirigeait aussi la revue La Danse et le Théâtre, qui devint en 1925 : Terpsica. Officiellement : « l’organe des théâtres et des dancings de France », selon le rapport, l’hebdomadaire « avait pour but avoué de développer l’art de la danse, mais il n’était en réalité qu’un journal de chantage auprès des directeurs des établissements de nuit ». En attendant, très actif, il proscrivit en congrès le charleston, « qu'il accusa d'être une danse nègre, immorale d'aspect et de tendances et par conséquent indigne d'être pratiquée dans la bonne société » (18). En 1926, il fut « l’objet de poursuites pour escroquerie ; on lui reprochait d’avoir détourné les fonds recueillis au cours d’une fête donnée à la Cigale au bénéfice de l’œuvre des Pupilles de la Nation. Faute de preuves suffisantes, il bénéficia d’une ordonnance de non-lieu. Toutefois, l’enquête de moralité commandée à ce moment-là par M. Goggia, juge d’instruction confirma les faits ». Passant « pour s’être livré au trafic de la cocaïne et de la morphine », Jimmy reprit seul en février 1928 à Marseille : le Nirvana, lieu de « concerts symphoniques et de thés dansants selects », puis en mai 1930 : l’Éolienne Palace-Casino avant de disparaître des annales de la danse et du radar des autorités. Mais sans doute ne faisait-il qu’un avec le commandant Aristote Hatzoglou, ingénieur aviateur, inventeur en 1932 du « Moteur humain Aristote ». « La presse marseillaise a fait quelque bruit autour de l'invention d'un chercheur grec […] nous doutons d'un système permettant à un monsieur qui pédale de tirer 8 CV de la seule puissance de ses muscles » (19) écrira Les Ailes. Non pas né à Varna, mais à Athènes, le 16 décembre 1892 et mort accidentellement


LA DANSE À BIARRITZ # 84 à moto avec sa maîtresse à Aix-enProvence le 20 août 1934, « l'inventeur de l'aéroplane humain » résidait à Marseille où il présidait le Moto-Ball-Club. À l’instar de Jimmy, souvent dit « ancien officier de marine », il avait pendant la guerre servi dans la marine anglaise et non américaine. En revanche, sa femme s’appelait aussi Sylvie Roux et leur aîné Léonidas. Patronnés par Terpsica, les Ballets Jimmy Télis, « manifestation d’art unique au monde » (20) débutèrent le 13 novembre 1926 à Sète, puis ce fut Besançon, Châlons sur Saône, Toulouse en décembre, et Alger en janvier 1927. Outre Jimmy et Renée également chargée des jeux de lumières, dont elle avait acquis la technique auprès de Loïe Fuller, la troupe comptait Billy d’Arville, du Casino de Lyon et les sœurs Gay. La première, Lydiane fut bientôt remplacée par Suzanne Laurens, quant à Rosette, dans ses danses classiques et réalistes, elle sera en avril 1939 la « French vedette » du Sacro-Monte, cabaret biarrot tenu place Clemenceau par Pierre Zavala. Sur des musiques d’Ange de Luca qui conduisait l'orchestre, le spectacle réglé par Jimmy s’achevait par Daphné, ballet en 2 actes dont il avait signé le livret, mais on verra aussi Renée dans la Mort de Pierrot, la Pavane du roy, Rondino printanier, les Peaux-Rouges et Au Pays du ranch. De retour d’Alger, le 22 février Renée dansa à l'Union Interalliée au profit de l'École du secrétariat fondée par des femmes du monde. Puis après d’autres manifestations, le 26 mai avec Josette, elle offrit un récital Salle Comœdia. En plus de ses voceri, « où sa mimique si expressive reproduisit de manière saisissante la douleur d’une mère se lamentant sur le cadavre de son enfant » (21), ses créations les plus applaudies furent : Ondine de Maurice Ravel, Nedjma de Maurice Bellecour, la

Danseuse au lys noir de Marcel Bernheim et sur un motif de Richard Wagner, la Danse spirite, accompagnée de projections lumineuses « qui transportèrent les spectateurs par leur originalité et par la richesse de leur représentation ». Alfred Braquis ajoutant : « Mme Foatelli est particulièrement remarquable dans les danses lentes et graves auxquelles la prédispose la noblesse native de ses attitudes et semble dans certaines être la fresque mouvante d'un beau vase antique » (22). Quant à « l’adorable » Josette, elle souleva l’enthousiasme dans la Statuette antique, avant d'être décorée en août de la médaille de la Croix-Rouge américaine pour « services rendus depuis l'âge de trois ans » à cette organisation « en

prêtant son concours aux manifestations d'art et de charité ». On revit Renée, le 22 novembre à l'Union Interalliée lors d’une conférence de Marthe Bernos, lauréate de l’Académie française sur deux danseuses du XVIIIème siècle : Madeleine Guimard et Marie-Anne de Cupis Camargo. La presse toujours bien informée parla « de jolies danses gracieusement exécutées par Mlle Foatelli, de l'Opéra ». Sous la baguette du musicien suisse Gustave Ferrari, exaccompagnateur d’Yvette Guilbert, le 29 novembre « la prestigieuse danseuse corse » se produisit au Conservatoire de Genève dans des danses anciennes non identifiées. Puis, le 20 décembre, elle traduisit le sextuor pour harpes d’Auguste Chapuis au Conservatoire de Paris avant de voir son portrait envoyé au Salon d'hiver inauguré le 10 février 1928 au Grand Palais. « Son peintre et sa confidente » s’appelait Louise Lavrut et Renée de déclarer à Paris-Midi : « Quand après quelques séances de délicats bavardages, je me suis approchée de mon portrait, j'ai été ravie. Seule une main de femme avait pu donner cette expression à mes yeux, tandis que tant de peintres, de la plus jolie fille font une horrible caricature et ont plutôt l'air, passez-moi l'expression, de se payer

leur portrait » (23). Intitulée Appassionata, la toile n’ayant pu être retrouvée, c’est avec Danseuse, huile anonyme du temps, que nous illustrons cet article, toutefois le critique Émile D'Arnaville nota : « Appassionnata de Louise Lavrut, me plaît et me trouble » (24). Élève de Tony RobertFleury, peintre à Biarritz des cartouches du plafond du grand salon du Château Boulard, « la puissante coloriste » louait alors un atelier au 85, rue de Rome. En septembre 1939 et durant quatre ans au moins, Louise Lavrut occupera à Biarritz avec sa sœur : « un petit bungalow, dans un coin retiré, tout à fait campagnard ». Situé impasse Babeuf à Aguilera, elle y organisa des vernissages, mais en décembre 1942,

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Égypte, carte adressée à Pierre Dominique Danseuse, Louise Lavrut

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à défaut de galeries, elle adopta un mode d’exposition offrant aux biarrots un but de promenade, puisqu’aux côtés des réputés : Ramiro Arrue, Mariano Andreu, Louis Dewis, Ivan Chouklin, Boris Pastoukhoff, Berthe Grimard, Pierre Choribit, Gaëtan de Rosnay et d’autres artistes locaux ou réfugiés, elle exposa dans les vitrines des boutiques de la station. Pour revenir à Renée, engagée par Paul Franck, mime, auteur et découvreur de talents, du 12 au 18 octobre 1928, elle passa à l’Olympia avec ses danses corses qu’elle accompagnait de son chant. Âgé de 25 ans « l’incarnation magique de la Colomba de Mérimée » prêtait aussi sa voix à Radio-Paris tout en obtenant seule ou avec Josette « le plus grand succès » dans les salons, les causeries et les fêtes. Ainsi après un séjour sur l’Île de Beauté dont témoigna la presse – « en costume de ses aïeules », elle pose alors « en photo à la manière de Colomba sur la place de l'église du village de Zicavo », mais aussi en Isadora au bord de la Méditerranée - en décembre 1929, elle participa à Paris à l’Arbre de Noël de l'Union générale des Corses. En

accord avec sa note biographique, on lira qu’elle rentrait d’Égypte et c’est peut-être de ce séjour que date la carte postale qu’elle envoya à Pierre Dominique, alias Pierre Dominique Lucchini, médecin, écrivain, journaliste à Paris-Soir : « Hôtel National Le Caire - En cet admirable pays où je suis fêtée et très heureuse, j’ai une pensée affectueuse que vous voudrez bien accepter cher Maître. Renée Foatelli ». Enchaînant les fêtes jusqu’en province, le 5 janvier 1930, Renée participa à Nantes au Bal de la Légion d’honneur : « L’attraction consistait dans une série de danses de caractère, mimées et chantées par Mlle Foatelli, gracieuse et délicate, connaissant son art sur le bout... des pointes, et sachant comme dans le Charleston vu par une danseuse classique, le rendre infiniment spirituel » (25). Outre un programme allant d’une marche militaire du 1er Empire à sa danse Indochinoise en passant par ce charleston sur pointes, notons qu’entre ses apparitions le bal continuait aux accords d’un orchestre, tandis qu’elle s’accompagnait d’un pick-up. On la baptisa d’ailleurs : « la danseuse aux disques ». Il mérite toutefois de souligner que marquant « une date importante dans l'histoire du spectacle moderne » (26), Robert Quinault et Iris Rowe avaient été les premiers dans la Poupée d’Arlequin en 1928 à se produire en scène sur une musique gravée dans la cire. Après Nantes et d’autres lieux comme Rennes où en juillet les Nuits de Musset la donnèrent « première danseuse d'opéra, de Vienne, de Paris, du Caire, etc. » passons au 19 mai 1931. Ce jour-là, Salle Iéna, accompagnée de Josette, Renée « convia ses amis à regarder, transfigurées par la danse ses impressions de voyages ». Sauf l'Amérique, l’Algérie et l’Égypte, on ignore si ses voyages étaient réels ou imaginaires, mais pour Paris-Midi qui n’évoqua que la moitié du récital « les cinq continents y participèrent » : « l'Europe figure par la danse classique, l'Amérique — il faudrait d'ailleurs préciser New-York — fournit la plus originale inspiration. Dans un costume qui tient de la statue de la Liberté et du gratte-ciel, Mlle Foatelli sut mimer toute une série de réflexes communément admis comme spécifiquement américains et cela pour le plus grand amusement des spectateurs. Car cette danseuse, qui danse dans la joie, a beaucoup de sûreté dans l'expression — sa pantomime est excellente — et elle sait très exactement ce qu'elle veut et l'extériorise. Aussi, dans une pleureuse en grands voiles noirs saura-t-elle se montrer d'une sobriété qui atteindra au pathétique » (27). Après ce détour par la Corse, tout en alimentant la fable qu’elle avait l’accent d’Ajaccio, L’Ami du peuple compléta : « Nous avons assisté, cette semaine, à un récital donné par deux charmantes jeunes filles, Renée et Josette Foatelli, venues de " l’île parfumée " pour danser

à Paris. Leur programme, très copieux, présentait une extrême variété ; différents genres expression et de styles ont tenté Renée et Josette Foatelli — l’aînée devant être le professeur attentif de la cadette, elles ont pu montrer dans des danses romantiques ou très modernes la même grâce jeune et alerte, le même entrain souriant qui leur valut de nombreux applaudissements. On fit particulièrement fête à la toute jeune Josette, dont la grâce rose et menue, dans le Beau Danube rose, fut extrêmement séduisante. Elle montra dans cette danse un joli travail de pointes qu’elle réussit avec une application charmante. Renée Foatelli avait inscrit à son répertoire — faisant ainsi en une soirée le tour du monde — cinq danses symboliques, intitulées : Amérique, Asie, Europe, Afrique et Océanie. Elle fit revivre sur la musique d’Extrême Orient, dissonante et d’une barbarie raffinée, les gestes précieux des danseuses cambodgiennes, et mima dans Océanie, la joie ensoleillée d’une jeune Tahitienne. Renée et Josette Foatelli surent mettre dans toutes leurs danses une si franche sincérité, une si vive et si jeune ferveur qu’elles gagnèrent de très vifs applaudissements » (28). L’année 1932 n’apportant rien de neuf, le 16 novembre 1933 avec Josette, dite alors « des Théâtres de l'Alhambra et des Champs-Elysées », sans qu’on puisse en témoigner, Renée passa à Gaveau avec un nouveau « récital de danses à l'électrophone ». Il comptait l'Âme des peuples par la danse, et deux compositions réalistes et humoristiques : Au dancing et Noce à la campagne. Parmi les échos, Le Petit journal nota : « Renée Foatelli […] est une jeune Corse qui, à quinze ans, quitta l'île de Beauté pour les lointains horizons dont rêve la jeunesse. Elle visita tour à tour l'Espagne, l'Italie, l'Autriche, la Russie, la Palestine, les Indes, la Chine et le Japon, et en rapporta un certain nombre de disques, "souvenirs de voyage". Au son de ces musiques, en une série de tableaux-danses qui se nomment, Grenade, Chandernagor ou Bethléem, elle exprime maintenant ses impressions de route. Ne voilà-t-il pas une des formes les plus séduisantes d'un genre littéraire fort à la mode de nos jours, le récit de voyage ? » (29). Charles Galland dans Beaux-arts fut plus critique : « Le beau récital que viennent de donner à la salle Gaveau les sœurs Foatelli fait présager que l’art le plus sûr sera toujours menacé d’étouffement par une excessive richesse de culture. Ah ! la trop belle mariée ! Durant


LA DANSE À BIARRITZ # 84 ce spectacle d’une qualité et d’une conscience rares, où exprimant "l’âme des peuples par la danse", Renée et Josette Foatelli ont tour à tour présenté des images irréprochables (pas un fil d’un costume, pas un bijou, pas un mouvement qui ne fût exact et fidèle) de Grenade, Phnom-Penh, Chandernagor, Batavia, Vienne et Bethléem, nous souhaitions qu’un jour très prochain le démon de la danse, un peu libéré, fit éclater ces compositions presque trop parfaites ; et nous n’avions pas à imaginer beaucoup pour pressentir quels effets tireront ces deux jeunes filles, le jour où leur danse ne vivra que de souvenirs, d’une formation aussi sure. Parmi les expressions chorégraphiques, plus difficiles, que présentait seule Renée Foatelli, l’aînée (sa sœur Josette n’a pas treize ans) et où s’affirmait avec éclat le goût de la synthèse, nous avons particulièrement aimé son Italie : une simple robe noire aux larges manches prétoriennes, un masque dur, quelques pas de conquête qui comme par éclairs s’attendrissent au refrain de Giovinezza, [hymne garibaldien, puis mussolinien] dans une valse désuète, à peine dansée. Il était difficile de mieux exprimer l’ardeur bronzée, avec échappées d’allégresse, du fascisme italien. Moins heureuse était la France. Comment une artiste aussi visiblement intelligente a-t-elle pu ne pas éviter le poncif « Marseillaise » ? Également un peu trop littéraires étaient ces estampes, d’un dessin impeccable et qui n’était pas sans évoquer Félicien Rops, de la maison de danses. Mais pour notre plaisir, Mlle Foatelli a su, en terminant, sur une sorte de "Naissance de l’Amour" se souvenir qu’elle fut élève de Loïe Fuller et qu’elle savait aussi libérer ses muscles, son inspiration, ses mouvements et ses pas » (30). Enfin, d’un autre avis à propos de la Marseillaise Édouard Beaudu ajouta dans L’intransigeant : « Étroitement unies dans l’amour — que dis-je — dans la passion de la danse, ces deux sœurs ont déjà fait le tour du monde à seule fin d’aller demander à des peuples lointains le secret de leurs danses. […] Mlle Renée a brandi le marteau et la faucille des Soviets ; fait resplendir les couleurs du fascisme, porté le masque de guerre des hitlériens, et exalté par le geste, la réelle beauté de la Marseillaise, tâche ingrate dont a tenu compte le public. N’allons pas plus loin. Notons seulement avec une satisfaction que doivent partager tous les amis du disque, que le phonographe seul accompagnait les deux artistes » (31). S’agissant, de ce que La Liberté nomma par ailleurs : « la stylisation de la révolution hitlérienne », il est à croire que Renée utilisa les harangues du 5ème congrès du parti national-socialiste

qui se tint à Nuremberg dès le 30 août 1933, puisque le journal nota : « affirmé par un phonographe puissant, le fameux disque de Nuremberg servit à créer l'atmosphère » (32). En pleine crise politique, économique et sociale, 1934 marqua un tournant dans la carrière de Renée, puisqu’au désir

« d'employer son art au service de la propagande des idées chrétiennes », elle rejoignit Les Jongleurs : « un groupement d’artistes exclusivement professionnels et catholiques » fondé en juin 1933 par l’acteur Maurice Leroy et patronné par des personnalités allant de l’écrivain François Mauriac au cardinal Verdier, archevêque de Paris depuis 1929. Dans les pas du père Pierre Lhande, « apôtre des banlieues » originaire de Bayonne, dont les sermons sur Radio-Paris et les écrits, tel Le Christ dans

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Affiche, La danseuse corse, Renée Foatelli

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Fêtes gallo-romaines de Vic-Fezensac

Méthode de danse religieuse

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la banlieue témoignaient de la détresse matérielle et spirituelle des populations de la ceinture rouge parisienne, face à l’indifférence du milieu ouvrier envers la religion, « le grand œuvre » du cardinal Verdier fut « les Chantiers du cardinal » créés en 1931 avec l’ambition de développer le réseau spirituel dans ce qu’on appelait la Zone. Alors que les forces de gauche croissaient, il s’occupera aussi de restructurer les mouvements de jeunesse créés par l'Église dans le cadre du catholicisme social, à l’exemple de la Jeunesse ouvrière chrétienne (J.O.C) ou de la Jeunesse agricole catholique (J.A.C) aux fêtes desquelles Renée collabora avec Les Jongleurs. Dans ce mouvement de reconquête catholique de la société, en 1925 voulant « restituer au théâtre son caractère religieux, ses rites sacrés, sa pureté originelle » (33), avec l’aide de Jacques Copeau, Henri Ghéon, médecin, auteur et critique littéraire avait fondé Les Compagnons de Notre-Dame : troupe d’amateurs défendant un « théâtre populaire catholique ». Avec pour exergue cette parole franciscaine : « Que sont les serviteurs de Dieu, sinon comme ses jongleurs qui doivent élever les cœurs des hommes et les émouvoir de la joie spirituelle ? », au moyen de l’art dramatique, Maurice Leroy eut pour but de « retrouver cette grande communication entre le peuple de France et l’expression des vérités traditionnelles » (34). Le Moyen Âge où se réalisa un théâtre populaire et une unanimité dans la foi à travers les Mystères et les Miracles joués sur les parvis des cathédrales apparaît alors comme une période exemplaire. Ainsi, outre les classiques Britannicus, Andromaque, etc., représentés dans les petites villes, les villages, pour les travailleurs de la terre ou les ouvriers, Les Jongleurs et Renée donneront dès 1935 des représentations de la Nativité, tirée du Vrai Mystère de la Passion (1452) d'Arnould Gréban, poète et organiste de Notre-Dame de Paris. Mais avant engagée par Les Jongleurs en novembre 1934, et « se proposant également d'employer son art au service de la propagande nationale, qu'elle soit agraire, sociale ou patriote » (35). Renée nous apparaît le 22 décembre dans le Lot-et-Garonne à la VIIème Semaine rurale de Galapian dans des danses exprimant le retour à la terre, le travail à l'usine, la beauté de la maternité, etc. C’est toutefois « sur la strophe finale de l’hymne de la J.A.C [Jeunesse agricole catholique] : "Et plantons la croix de lumière sur notre terre" qu’elle souleva une tempête d'applaudissements » (36). « J’ai essayé d’exprimer tout ce qu’il évoque de grandeur et de fécondité paysanne » (37) dira-t-elle au micro du père AimonMarie Roguet, conseiller de la centrale catholique du cinéma et de la radio. Le 29 décembre, Salle Iéna, toujours sous l’égide des Jongleurs, avec Josette il s’agira cette

fois d’une matinée enfantine, avec les clowns Goglin et Ploum et l’illusionniste Marcel Curier. On parle alors d’une tournée et du programme qu’elle compte présenter : Dansons français, Retour à la terre, Front national, Maffia et cie et 6 février en référence à la manifestation antiparlementaire organisée en 1934 devant la Chambre par l’Action française, les Jeunesses patriotes, et d'autres à la suite de l'affaire Stavisky impliquant le Crédit municipal de Bayonne. Les partis de gauche décideront alors de s'unir contre « le danger fasciste ». En attendant, faute de pouvoir la suivre pas à pas, on retiendra les trois danses de « propagande nationale » : Retour à la terre, Hymne à l’usine et France d’abord qu’elle créa à Pleyel au gala des Jeunesses Patriotes le 7 décembre 1935, et ses voceri donnés aux Archives Internationales de la Danse (AID), le 13 décembre dans le cadre de l’Exposition des vieilles danses de France pour laquelle elle prêta un costume de bigoudène. Moins active en 1936, en janvier 1937 un article titré « Josette et Renée Foatelli danseuses nationales » et repris par divers journaux fait le point sur son actualité : « On peut s’étonner qu’un art aussi éloigné de la politique puisse servir et propager la cause Nationale ! Cependant la danse, comme le cinéma, le théâtre, peut exprimer des idées, des symboles, surtout si cette chorégraphie est accompagnée de textes appropriés et de musiques descriptives. C’est ce que Josette et Renée Foatelli ont imaginé et réalisé. Elles ont déjà présenté devant un public enthousiaste et vibrant quelques créations comme : France d’abord, la Paix, Maffia et cie, la Francmaçonnerie contre la Patrie, etc. Titres évocateurs et combien sympathiques aux patriotes amateurs de sensations tricolores ! Mlles Foatelli partent bientôt pour une tournée de récitals.


LA DANSE À BIARRITZ # 84 Ces jeunes artistes, aidées par la Ligue patriotiques des Françaises et par nos groupements nationaux, sont assurées d’un succès certain. Et comme tous les chemins mènent à Rome, on chuchote dans les milieux avertis que celui de la danse va conduire aussi Renée Foatelli devant le Duce, pour interpréter l’Hymne Fasciste et la Marseillaise, tandis qu’au Vatican les autorités ecclésiastiques vont demander au Pape une permission spéciale pour Mlles Foatelli priées de reconstituer des danses liturgiques pour une messe extraordinaire, selon d’anciens rites Gallicans, qui sera dite à la Pentecôte dans une très belle église du Gers ! Nous n’y voyons pas d’inconvénient puisque saint Basile déclare que la danse est la principale occupation des anges ! Dante avait bien raison de la placer aux régions supérieures de son paradis ! » (38). Alors que la danse avait mauvaise presse dans les milieux catholiques, saluée par Joseph Folliet, « pour rendre au peuple français le goût de la belle danse », dans le courant de 1937 René lâcha un peu ses « sketchs sur des thèmes sociaux », au profit de spectacles d’Art Chrétien composés de danses bibliques, liturgiques ou sacrées parmi les plus antiques : danses rituelles de Bali, danses hindoues, danses juives, etc. : « Je recherche des musiques authentiques sur lesquelles, grâce à des documents également authentiques, je place des gestes et des figures exprimant la mentalité religieuse de ces pays ou de ces temps lointains » confia-t-elle au père Roguet, qui lui répondit : « Vous êtes vraiment apôtre par la danse, et c’est ce qui permet à des ecclésiastiques d’assister sans honte aux récitals que vous donnez fréquemment pour leurs œuvres ». Le 12 juillet 1937, jour du Congrès de la J.A.C. au Parc des Princes représentant aux yeux de Renée une date dans les annales du catholicisme et de l’art : « Chants, danses, défilés rythmés, texte [Jean Lorraine]. Tout fut l’apothéose de la Force par la Foi qui était ici présentée sous l’aspect imagé d’un spectacle » (39). Avant cela, le 6 juin, elle participa aux fêtes gallo-romaines de Vic-Fezensac (Gers) : « Une reconstitution véridique des fêtes et cérémonies qui se célébraient en Aquitaine au IIIème siècle ». Le matin aux Arènes sur des airs de Marcel Bernheim au tableau dédié à Mithra, Renée exécuta une danse du feu, tandis que Josette enchaîna une danse invocation. L’après-midi, suivirent danse des crotales, danse pompéienne et danse romaine. Sans quoi, Pier-Luigi Marzoni, 1er danseur et maître de ballet au Capitole régla les autres danses sur des musiques d’Aymé Kunc pour Lucienne Uxaut, Toutoune Theisz, Angèle Davin et le corps de ballet toulousain. Plus loin, le 10 février 1938 au Cercle militaire, au profit de l'Aide morale de la jeunesse traduite en justice, présidée

par la maréchale Foch, Renée et Josette alors âgées de 35 et 17 ans enchaînèrent des danses bibliques, liturgiques, juives, aztèques, balinaises, javanaises, hindoues, corses, etc. : « La Marseillaise, donnée, en clôture et qui ne figurait pas au programme, fut écoutée et admirée debout ». Mais dans cette « soirée d’une saveur intellectuelle rare, d’une réalisation esthétique de choix » (40) signalons avec Josette « une sorte d’essai, mi-parlé mi-dansé » sur

le thème de la vie et la mort intitulé : Dames de beauté, dont Renée avait écrit le poème, tandis qu’Adeste Fideles [Accourez, fidèles] hymne du XVIIIème chanté au temps de Noël soutenait leurs pas. Avec ce programme, souvent donné au profit d’œuvres catholiques, « ces belles artistes qui christianisent Euterpe » (41) dixit Maurice Brillant, écumèrent les salles paroissiales, les cinémas, les théâtres, mais pas seulement. Ainsi interrogée en octobre 1938, Renée répondit : « Cet été, ma sœur et moi avons donné de nombreux récitals de danse en Bretagne, sous la présidence d’autorités ecclésiastiques... car nous demeurons D.S. (danseuses sacrées) et évoluons même dans les couvents, cloîtres et abbayes. […] J’écris un livre sur les danses religieuses dans le christianisme et ce sont les Dominicains qui présideront à son lancement. Puis je pense fonder une confrérie de danseuses sacrées, mais ceci dans quelque temps » (42).

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Les danses religieuses dans le christianisme Prospectus

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Achevé en octobre 1938, Les danses religieuses dans le christianisme paru en janvier 1939 chez les Jésuites aux éditions Spes. Dédié à Josette : « mon inspiratrice dans la voie du bien et du beau », il s’agit d’une étude historique sur les origines de la danse dans le christianisme et ses survivances au XXème siècle. L’ouvrage sera réédité en décembre 1947 avec une préface d’Alphonse de Parvillez, père

Renée Foatelli, « la Marseillaise », prospectus Pau, 1940

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Jésuite belge, dont voici un extrait : « Il fallait l’enthousiasme d’une artiste pour se jeter dans la mêlée ! mettre en lumière la place et l’influence des danses religieuses dans le christianisme, en montrer la légitimité et l’utilité, en favoriser le renouveau, c’était déclarer la guerre aux adversaires les plus tenaces : l’ignorance, le parti-pris, le préjugé et la routine ».

Convaincue de l’origine sacrée de la danse, plutôt que l’envisager « comme une distraction légère et vulgaire » Renée dira la regarder : « comme un moyen d’expression propre à développer des sentiments élevé : une source génératrice de piété, un levier d’âmes cherchant à s’élever vers Dieu », avant de conclure : « Fleurs éphémères du mouvement, ces évolutions peuvent tout traduire : douleur, inquiétude, paix, joie, etc. C’est ce que je désigne sous le nom de "chorégraphie pensée" au service des idées que l’on veut évoquer ». Dans cette croisade entreprise pour « redonner à la danse sa vraie signification », Renée et Josette se produisent alors partout au bénéfice d’œuvres sociales et chrétiennes. Ainsi, selon L’Indépendant des BassesPyrénées, « grâce à des études poursuivies en Palestine et aux Indes, pour reconstituer dans leur stricte vérité des danses rituelles et liturgiques » (43), le 26 janvier 1939, elles donnèrent au Palais d’Hiver de Pau une suite de douze danses au bénéfice des Missions Africaines des Pères Blancs « du glorieux fils de Bayonne le cardinal Charles Lavigerie ». Ce qui inspira les dames patronnesses du Comité bayonnais Sahara-Soudan, puisque le 12 avril sous la présidence de Mgr Houbaut, évêque du diocèse, « les célèbres danseuses corses » passèrent au Théâtre municipal. « Une élite avait répondu, hier soir, à l’appel que notre journal avait lancé en faveur de l’art des sœurs Foatelli » nota La Gazette de Biarritz. En effet, alors qu’elle traitait couramment la danse par-dessus la jambe au point de faire de nos recherches un Chemin de croix, la campagne d’articles publicitaires avait débuté un mois plus tôt, et suivront deux longs comptes-rendus, dont celui-ci : « Les Sœurs Foatelli ont obtenu un gros succès, [l’assemblée] ne fut point déçue dans ses espérances d’un grand récital de danse et elle bissa chaque numéro d'un programme qui nous a laissés sur le désir de revoir ces brillantes et généreuses artistes. Nous croyons, au surplus, en exprimant ce vœu, répondre à celui de toute l’assistance ravie. Analyser par le détail chaque danse de Renée ou de Josette Foatelli serait un vif plaisir pour le critique et la découverte d’une infinité de trésors artistiques que nous ont dispensés pendant deux heures les deux jeunes artistes. De forte culture générale et chorégraphique, puisque bientôt leur concept se manifestera sous la forme d’un maître-livre des éditions Spes, elles font précéder leur récital d’une causerie qui ne contribue pas peu à nos agréments puisqu’il nous est ainsi permis de mieux savourer les évocations liturgiques et autres des danseuses sacrées. Certains numéros, tels que ceux de la Marche chouanne et la Marseillaise, et aussi cette danse hindoue, si typique, remportèrent mieux qu’un succès puisque les bis


LA DANSE À BIARRITZ # 84 Pères Blancs, ce fut au Casino municipal de Biarritz. Le spectacle était précédé d’un thé-goûter organisé par les dames patronnesses et suivi « d'une vente de curiosités indigènes du Soudan français et de l’Afrique du Nord avec costumes kabyles et des territoires du Sud » (46).

jaillirent impératifs des lèvres les moins accoutumées à exprimer des ravissements de cette qualité. Mgr Houbaut, après la première partie du programme, vint dire le "mot de la fin". Il ne manqua pas de souligner que dans son diocèse, à la différence de ce qu'il voyait dans l’Est, la danse est partie intégrante des manifestations catholiques, et il fit observer aussi que le noble but des sœurs Foatelli, à l’art de qui il sut rendre un délicat et pertinent hommage, n'était autre que la cause de la Charité. Chaque parole de Mgr Houbaut fut suivie de bravos qui prouvaient à la fois l’affection et la communion de la salle, avec le plus éminent de ses spectateurs. Et le spectacle reprit et de nouveau les talents exceptionnels de ces deux brillantes étoiles de la chorégraphie française et sacrée se manifestèrent dans des numéros où des images bibliques, des évocations corses et des compositions chrétiennes d’une grande classe apportèrent la preuve de la pureté et de la maîtrise d’une technique rare » (44). Le 23 août suivant, « les danseuses missionnaires » passèrent à Saint-Jeande-Luz au « Théâtre de Gure-Etxea » (salle paroissiale) : « les danses aztèques, balinaises, hébraïques, hindoues, corses, se succéderont dans un enchantement de costumes magnifiques et de lumières féériques » (45). Le lendemain en matinée, avec le même programme et toujours au profit des Missions Africaines des

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Cardinal Lavigerie, 1888

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Abbaye au Bois

La danse et nous, Renée Foatelli

En 1940, le 17 janvier, Renée revint seule danser à Pau, le programme du Cinéma Saint-Louis mentionne une suite de danses en première partie « Mes voyages en Europe Centrale et Orientale à la veille de la Guerre », puis, après l’entr’acte, un récital de danses folkloriques avec Berceuse corse, Danses juives du ghetto de Varsovie et la Marseillaise. Sinon, distinguées par le père Émile Legault, fondateur à Montréal de la troupe Les Compagnons de Saint-Laurent, comme « des jeunes filles d’une rare qualité » (47), le 11 mai, « les demoiselles Foatelli » offrirent un gala de danses balinaises, javanaises et hindoues au Cinéma du Musée de l’Homme au Palais de Chaillot. Le Poignard malais (1931) film policier de Roger Goupillières passa après les danses, mais surtout les troupes allemandes envahissaient la Belgique. Quelques jours plus tard, les éditions Gabriel Enault publièrent « Pour le théâtre chrétien » dialogues, poèmes, scènes et ballets. Puis en décembre 1941, préfacée par le père Jacques Webert, aumônier de l’Union catholique du théâtre, et illustrée de dessins et photographies, chez Desclée de Brouwer parut « Méthode de danse religieuse », que « ses humbles servantes » dédièrent à « Notre-Dame de la Danse, Reine du Ciel et des Arts ». Permettant « aux danseuses chrétiennes de contrebalancer l’influence néfaste de la danse païenne », avec ses exercices tirés des écoles classiques et rythmiques, ou puisant aux sources de l’Extrême-Orient, cette « nouvelle tendance chorégraphique » était parallèlement enseignée à l’Abbayeaux-bois. Un ancien couvent parisien de bernardines, où Renée et Josette ouvrirent une école à une date ignorée. S’appuyant sur « la rythmique grégorienne », glissons que le costume d’étude consistait en une robe et un voile de ton bleu pâle ou blanc, « afin de faire oublier le corps, que la danse classique met en valeur ». En décembre 1942, passant au crible toutes les formes de danse, Renée sortit aux éditions Spes : La danse et nous. Puis, selon Hervé Le Boterf dans La Vie parisienne sous l’Occupation, ayant fondé le groupe de la Trilogie, afin « de préparer leurs semblables aux félicités célestes » (48), à l’automne 1943, alors que disparaissait le Docteur Foatelli, Renée et Josette présentèrent Salle Chopin, le Chemin de la croix de Paul Claudel. On ne sait rien des 14 stations de ce chemin de douleur, mais on lira à rebours qu’en février 43, Arthur Honegger s’insurgea contre leur interprétation du Requiem de Fauré : « Voilà qui dépasse les limites de la stupidité et de l'indécence.

Publicité, Cinéma du Musée de l’Homme

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Josette, « Ora pro nobis », photo Renée Foatelli

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Le fils de Gabriel Fauré, Emmanuel FauréFremiet, professeur au Collège de France, et Alfred Cortot, président du Comité d'organisation professionnelle de la Musique, sont intervenus immédiatement pour essayer d'empêcher ce sacrilège, et nous espérons qu'il aura été fait droit à leur protestation »  (49). Probablement dans La Chronique de Paris, la coupure de presse n’est pas renseignée, Henriette Blond, nous informe que les héritiers du musicien eurent gain de cause avant d’écrire sévèrement : « Un physique de virago, un port de manche à balai et un esprit un tantinet revendicateur font de l’aînée des sœurs Foatelli un personnage

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intensément comique. Les créations de cette spécialiste de la danse religieuse ne manquent d’ailleurs pas de science, de sincérité et d’agrément lorsqu’elles sont exécutées par la plus jeune des fanatiques, mais le sublime est un genre difficile. Aussi pervertis que nous soyons, est-ce notre faute si devant ces lentes processions, ces chastes ondoiements de poignets, il nous vient une furieuse envie de voir un déboulé sur pointes ou un grand écart de cancan ? C’est probablement pour nous éviter de pareilles tentations que les descendants de Fauré ont interdit à Mlle Renée Foatelli de s’attaquer au Requiem ».

Le 14 mai 1944, après un succès non décrit à Pleyel, Renée et Josette passèrent à Dijon dans « des œuvres exprimant dans toute leur beauté les sentiments les plus purs » (50). Il faudra ensuite attendre le 29 novembre 1947 pour une conférence aux A.I.D sur les danses mystiques « avec de nombreuses créations » dont la Messe des morts. Le 29 juin 1948 on reverra « Renée Foatelli et son ensemble de danse » lors de la Foire-Exposition de Vincennes : Maurice Leroy mettait en scène : À la Gloire du travail, jeu scénique de Jean Bergeaud. Enfin, en décembre 1949, Paris-Match informa : « La danseuse corse Renée Foatelli donne ses récitals dans les églises. " Je sais que je peux ramener des âmes à Dieu en dansant" dit-elle. Avec sa sœur Josette, elle a dansé le Chemin de croix à NotreDame. Il n’y a eu aucune protestation dans l’assistance » (51). Il s’agit là du dernier écho retrouvé. Alors, mère et fille avaient 46 et 28 ans et vivaient toujours avec Mme Foatelli, avenue de Saint-Mandé. Mais à tous les points de vue, elles étaient des danseuses peu ordinaires. Ainsi, toujours en quête de connaissances sur les vérités suprêmes des choses humaines et côtoyant des personnalités hors du commun, au début des années 70, elles collaborèrent avec la revue Atlantis, durant plus de 80 ans, une publication de référence sur les traditions ésotériques et l’archéologie créée en 1927 dans le prolongement de la Société d'Études Atlantéennes fondée à la Sorbonne en 1926 par deux hommes de lettres : Roger Dévigne et Paul Le Cour. Féru d'occultisme, s’intéressant « beaucoup à la danse en tant que moyen de réaliser l’harmonie du corps, d’une part, et l’harmonie entre le corps et le cosmos, d’autre part, grâce à l’inspiration spirituelle » (52) dixit son disciple Jacques d’Arès, écrivain, conférencier, diacre de l’Église orthodoxe de France, mais aussi amateur de danse ; Paul Le Cour situait « la source mystérieuse de la tradition sacrée pré-chrétienne » sur le continent disparu de l'Atlantide. Proche de ce dernier, en 1971, sous le nom de Natya, Josette, dite médium, publia un premier article intitulé Denys l’Aréopagite et le mystère dyonisien. En fait, en juillet 1965, Josette avait soutenu à l’Institut de Théologie Orthodoxe Saint-Denys, créé en 1944 par Eugraph Kovalevsky, futur premier évêque de l’Église orthodoxe de France, une thèse de doctorat sur les écrits de Denys l’Aréopagite, auteur vers l’an 500 de traités chrétiens de théologie mystique. Mais avant en 1954, au 5 rue de Logelbach, chez Fernand Pignatel, journaliste, essayiste, éditeur, elle fonda un centre de rencontres à caractère spirituel, le Centre initiatique Natya. Collaborateur d’Atlantis, dans Batailles maçonniques (1928), Pignatel « profane », mais sympathique aux Loges, avait traduit son regret de voir l’Église et la franc-maçonnerie vivre sans cesse en état de guerre. Le sujet est trop


LA DANSE À BIARRITZ # 84 complexe, mais entre des conférences sur les tziganes, l’Afrique noire, par le détour de la foi orthodoxe, il semble que le Centre Natya ait été un lieu d’échange sur le renouveau du christianisme. En 1972, toujours pour Altantis, Josette examina cette fois le mystère de Sarah, la Vierge noire des Saintes-Maries-de-la-Mer. Tandis qu’en 1973, sous le nom d’Amma, Renée livra d’abord un article sur les mégalithes, puis un second sur l'île de Sein. Enfin, en 1974, illustré d’une médaille réalisée par le sculpteur Fernand Py pour servir d’insigne à leur école, mère et fille traitèrent de La danse sacrée à travers les âges. En revanche, en 1975, c’est Élisabeth Duchaussoy dont on ignore tout qui répondit à la question : La Corse fut-elle une colonie atlante ?

réaffirmer la noblesse du travail manuel et la nécessité d’une véritable hiérarchie […] qui ne soit ni celle de la naissance, ni celle de l’argent, mais celle de la qualité dans le travail » (53) explique Erik Sablé. Et d’ajouter : « Les Veilleurs possédaient une coopérative comprenant un magasin d’alimentation, une école, une crèche, un centre agricole. Il fut aussi créé un centre de travail artisanal, dans les domaines de la céramique, des vitraux, des émaux, de la tapisserie, ainsi que des ateliers d’artistes ». C’est peut-être ici qu’intervinrent Renée et Josette. Attachée à rendre vie à l'École des Mystères d'Égypte, la seconde branche des Veilleurs s’intitulait les Frères de l'Ordre

Autrement, sans pouvoir les suivre avec sureté dans le labyrinthe de la philosophie hermétique, toutes deux appartenaient à l'Ordre Initiatique de la Voie Sacrée, d’où leurs noms mystiques d’Amma et Natya. Différemment nommé « l’Ordre Symbolique, Régulier et Souverain des Francs-maçons du Double Pays d'Égypte », cet ordre attaché au Rite de Mer Nefer et fondé sur l’ésotérisme et la mystique de l’Ancienne Égypte devait sa résurgence à René Schwaller de Lubicz, dit Aor, et connu pour ses études sur les hiéroglyphes, les mathématiques, les symboles décrits dans le livre qui couronna son œuvre : Le Temple de l'Homme (1957). Fondateur d’une égyptologie « symboliste » opposée à l’égyptologie officielle, la civilisation pharaonique était selon lui basée sur la connaissance de la Grande Loi d’Harmonie, clef de la genèse des formes de la nature et des phénomènes vitaux, et sur l’Intelligence du Cœur, qui isolément du mental et de la raison permettait l’éveil à une autre conscience. En 1927, Schwaller s’était remarié avec Jeanne Germain, veuve de Georges Lamy, riche armateur de Caen. Théosophe, écrivaine sous le nom d’Isha Schwaller de Lubicz, d’après de précieuses informations recueillies sur le site même de l'Ordre Initiatique de la Voie Sacrée, élève de Renée, elles fondèrent une école de danse sacrée. On supposera qu’il s’agissait de l’Abbaye-aux-bois. Sans quoi, bien avant, chimiste, peintre (élève d’Henri Matisse), Schwaller lié au mouvement théosophique et rédacteur au journal Le Théosophe, avait participé en 1919 à la création d’un groupe nommé Les Veilleurs, divisé en deux ordres, l'un extérieur, l’autre intérieur. On sortait des années terribles de 14-18, et selon l’un des fondateurs, Carlos Larronde, « poètes des ondes » et créateur d'un théâtre radiophonique, afin de redonner un sens à l'incertitude, le premier ordre des Veilleurs appelait à « une vie meilleure et une régénération de l'homme », et s’opposait à la production industrielle : « Elle était pour eux la principale cause du mal du monde contemporain et ils voulaient

Mystique de la Résurrection, et compta Pierre Loti, Jean Cocteau, André Gide, Fernand Léger, Éric Satie, etc. parmi ses membres. L’aventure des Veilleurs s’acheva officiellement en 1921 après une campagne de presse diffamante. Alors, Schwaller partit avec sa famille et quelques amis à Saint-Moritz où il fonda une communauté consacrée à l’artisanat, à la recherche scientifique et spirituelle appelée Suhalia, dont l’activité cessa en 1926. Selon, le site déjà évoqué : « durant cet intermède suisse, l’Ordre Mystique de la Résurrection continua un parcours souterrain à Paris, sous la conduite de Renée Foatelli ». En

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Josette, « Ave Maria », photo Renée Foatelli

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René Schwaller de Lubicz Atlantis, La danse sacrée à travers les âges, 1974

Le Temple dans l'Homme, René Schwaller de Lubicz

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1939, Schwaller et son épouse s’établirent en Égypte, où ils formèrent Le groupe de Louxor qui compta Alexandre Stoppelaëre, peintre-égyptologue que Renée avait connu dans les années 20. Le 4 juillet 1939, lors d’une campagne de fouilles, l’un des ouvriers de Schwaller tomba sur un objet en or : « Il s’agit en fait d’un cartouche en excellent état d’une dizaine de centimètres de longueur sur trois, présentant des signes hiéroglyphes ciselés au repoussé dans le métal. Aor vient de mettre la main sur le Chen de la Voie Sacrée. Le Chen qui signifie Chaîne, Anneau, Alliance représentait le soleil et ce qui l’entourait, c’est-à-dire l’univers, figuré sous la forme d’une corde fermée par un nœud. Pour permettre d’y inscrire le nom royal, il prit une forme allongée et était le plus souvent peint de jaune ou recouvert d’or. Le Chen représente le symbole de l'initiation ». N’allons pas plus loin, sinon pour ajouter que durant cet épisode égyptien, Renée « avait été chargée d'entretenir et de développer l'Ordre à Paris et en France. Dans la correspondance qu'il entretenait avec elle, Aor indiquait l'urgence à ramener les mouvements initiatiques à leur source égyptienne et de les réunir dans un même objectif, celui d'une véritable fraternité ». Après la guerre semble-t-il, l'Ordre Mystique de la Résurrection devint l'Ordre Initiatique de la Voie Sacrée. Quant à Schwaller, en 1952 de retour d'Égypte, il se retira à Plan-de-Grasse au Mas de Cougagno avec son épouse Isha, et Lucie la fille de celle-ci, pour se dédier à l’écriture du Temple de l’Homme. « Quelques disciples et amis venaient le voir », Renée fit certainement le voyage, en attendant, le 9 janvier 1953, Lucie lui écrivit : « Aor travaille toujours sur le livre que vous connaissez et je passe beaucoup de temps avec lui à optimiser les planches qu'il souhaite insérer. J'ai acheté un projecteur qui me permet d'agrandir les images et de les reproduire avec beaucoup plus de détails et de finesse. Je suis très contente de la façon dont ce travail se déroule, car il permet à Aor d'échapper à la langueur à laquelle il s'est habitué ces jours-ci. […] Il se rebelle parfois en disant qu'il révèle un trésor de savoir et que personne n'en veut. Il sait trop bien ce que cela signifie, "nul n'est prophète dans son pays", parce que c'est maintenant l'Amérique qui lui apporte reconnaissance et louange » (54).

Schwaller disparut le 7 décembre 1961, mais en 1960, Renée « recueillit le Chen qui est en quelque sorte le symbole de la Chaîne initiatique immémoriale, le lien qui existe entre tous ceux qui ont reçu l'Anneau sacré et la Patente du Rite. Ce fut le testament initiatique de Aor ». Le 27 décembre 1960, ce dernier lui avait écrit : « Ma Chère Sœur Amma, je tiens à vous remercier d'avoir assuré la conduite de notre Ordre pendant toutes ces années. Vous avez toujours été présente, aux heures glorieuses, comme à celles qui l'étaient moins ... marquées par l'abandon et l'échec de certains. […] Après tant d'années passées à étudier mon cher pays ; après avoir enseigné la parole que j'ai entendue, comprise et transmise, il est temps pour moi de vous donner le flambeau pour que notre lumière continue de briller dans les ténèbres de ce monde. Je sais que mes jours touchent à leur fin et, même si Jean [médecin, frère de Lucie] prétend le contraire, mon passage à l'horizon lointain est proche. Amma, je veux vous léguer le Chen qui est pour nous le Signe visible de la Chaîne immémoriale qui nous relie à l'Origine et au Principe. Personne d'autre que vous ne serait digne de cette mission, car vous avez le sceau précieux qui relie les vieilles âmes de TA MERI [le pays bien aimé]. Gardezle comme gage de fidélité à la Voie Sacrée sur laquelle nous cheminons avec bonheur. Cela s'est avéré efficace pendant des millions d'années ». Ainsi, en 1960, l’année même où elle perdit sa mère, Renée devint « Grand Archimaître » de l'Ordre Initiatique de la Voie Sacrée. Plus tard, en novembre 1972, rendant hommage à son fondateur, elle se souvint :


LA DANSE À BIARRITZ # 84 « Durant l'été 1960 entre mi-juillet et début août, j'ai passé mes vacances au Mas de Cougagno […] J'ai confiance en ma mémoire pour rassembler les mots et les idées qui ont été échangés pendant ces chaudes journées et lors de nos soirées sous le ciel étoilé, accompagnées du chant des cigales. Isha et Lucie se joignaient fréquemment à ces discussions et ajoutaient de temps en temps des détails que le Maître lui-même avait oubliés ou manqués à juste titre... Il convient de noter que lorsqu'on lui posait une question, Aor ne répondait jamais directement mais il conduisait la conversation vers un autre pôle d'intérêt. Cela s'est souvent avéré plus prometteur que la réponse à la question. C'était sa manière d'enseigner sans entrer dans une ligne doctrinale ; il était horrifié par le mot doctrine. Mais j'ai été étonné cet été, il n'utilisait plus cette manière détournée, propre aux anciens initiés : son langage était devenu clair. J'avais l'impression qu'un voile était déchiré, mais je n'imaginais pas que c'était le voile de sa réalité humaine, c'est-à-dire que sa condition mortelle prenait fin. Une force d'amour intense sortait de lui, une douceur et une profondeur prodigieuse, une énergie devant laquelle rien ni personne n'aurait pu résister. Je pense que c'est la dernière image que je garderai d'Aor : il a livré à tous son cœur, son intelligence, son être ... » Le 10 février 1979, à 76 ans, Renée s’éteignit à Paris à l’Hôpital Rothschild. Depuis le 1er janvier, elle était domiciliée avec sa fille au 3 rue Jules Lemaitre, siège d’une entreprise de « services récréatifs, culturels et sportifs ». Ce qui laisse supposer que Josette à 58 ans enseignait peut-être encore la danse. Restée célibataire, elle décéda à l’Hôpital Rothschild, le 8 août 1999 à 78 ans.

n TM

Renée Foatelli

Remerciements à Anne Londaïtz, à Matthias Million, Chargé d’études documentaires aux Archives nationales, et au site de l'Ordre Initiatique de la Voie Sacrée http://www.oivs.fr/

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(1)

La Charente, 4 février 1932

The Chicago Tribune and the Daily News, New York, 25 décembre 1919

(2)

The Chicago Tribune and the Daily News, New York, 22 mars 1922

(3)

(4)

Sept Hebdomadaire du temps présent, 21 mai 1937

(30)

Beaux-arts, 24 novembre 1933

(31)

L’intransigeant, 21 novembre 1933

(32)

Liberté, 21 novembre 1933

Le Théâtre catholique en France 1920-1940, Henry Phillips (33)

(34)

(5)

La Gazette de Biarritz, 9 septembre 1923

L’Art sacré, 1er janvier 1938

(35)

(6)

Atlantis, mars-avril 1974, p.283

La Liberté, 16 novembre 1934

(36)

(7)

Comœdia, 23 mai 1909

La Croix, 28 décembre 1934

(37)

(8)

Comœdia, 26 janvier 1925

Actualité catholique, 12 février 1932

(38)

(9)

Le Figaro, 19 février 1926

Le Républicain normand, 9 janvier 1937

(39)

Les danses religieuses dans le christianisme, p.101

(10)

Rouen Gazette, 15 mai 1926

(40)

(11)

Le Journal, 7 mai 1926

L’Art musical, 25 février 1938

(41)

(12)

La Gazette de Biarritz, 17 août 1939

Prospectus publicitaire

(42)

(13)

Comœdia, 14 avril 1926

L’Art musical, 14 octobre 1938

(14)

Comœdia, 22 avril 1926

(15)

Le Petit Journal, 7 mai 1926

(44)

La Gazette de Biarritz, 13 avril 1939

(16)

Rouen Gazette, 15 mai 1926

(45)

La Gazette de Biarritz, 23 août 1939

(17)

Archives nationales : 19940494/10 Dossier n° 773

(46)

La Gazette de Biarritz, 7 août 1939

(18)

Le Journal, 14 mai 1926

(47)

(19)

Les Ailes, 10 mars 1932

(20)

Terpsica, 10 novembre 1926

(21)

Comœdia, 1er juin 1927

(49)

(22)

Revue du vrai et du beau, 25 juin 1927

Comœdia, 20 février 1943

(50)

(23)

Paris-Midi, 25 avril 1 928

Le Progrès de la Côte-d’Or, 13 mai 1944

(51)

(24)

Le Monde colonial illustré, juin 1928

Paris-Match, 17 décembre 1949

(52)

(25)

Le Phare de la Loire, 6 janvier 1930

Atlantis, Jacques d’Arès, mars-avril 1974

(26)

Excelsior, 15 janvier 1934

(27)

Paris-Midi, 24 mai 1931

(28)

L’Ami du peuple, 22 mai 1931

(29)

Le Petit Journal, 21 novembre 1933

L’Indépendant des Basses-Pyrénées, 13 décembre 1938 (43)

Lettre d’Émile Legault à Henri Brochet, 6 mars 1939

(48) La Vie parisienne sous l’Occupation, Hervé Le Boterf, p.356

La vie et l’œuvre de René Schwaller de Lubicz, Érik Sablé, 2003, p.32.33 (53)

Site de l'Ordre Initiatique de la Voie Sacrée - http:// www.oivs.fr/

(54)

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SENSIBILISATION Sensibilisation et médiation Sensibilisation en tournée À l’occasion de la représentation de la Pastorale du 6 juillet au Moulin du Roc - Scène Nationale de Niort, Dominique Cordemans animera une master classe et un atelier de répertoire pour les élèves de cycle 3 du Conservatoire danse et musique Auguste Tolbecque de Niort. La classe et la répétition des danseurs seront ouvertes aux élèves et enseignants d’écoles de danse de la ville.

Conservatoire Maria de Avila Madrid), Carole Philipp (CCN de Tours – JeanChristophe Maillot, Malandain Ballet Biarritz, professeur diplômée CA) et Fábio Lopez (Rudra Béjart Lausanne, Malandain Ballet Biarritz, directeur-chorégraphe Cie Illicite – Bayonne). Dans ce cadre, Dominique Cordemans animera des ateliers de répertoire Thierry Malandain, tandis qu’Urtzi Aranburu proposera des ateliers de répertoire Jiri Kylian et Jon Inger. Une présentation du travail des stagiaires aura lieu le 3 août à 20h45 à la Gare du Midi, en entrée libre sur réservation : www.malandainballet.com Informations Tél. 06 50 10 16 06 contact@biarritz-academie-danse.com www.biarritz-academie-danse.com

Formation : Ressentir et mieux comprendre le quotidien d'une personne âgée En préambule d’un projet Culture et Séniors soutenu par le Conseil Départemental des Pyrénées-Atlantiques, le 3 mai, le CCN a organisé une journée de formation pour ses deux intervenantes en sensibilisation, Dominique Cordemans et Ione Miren Aguirre, auxquelles se sont joints des artistes chorégraphiques du Ballet, volontaires et intéressés par cette thématique : Nuria López Cortés, Clémence Chevillotte, Yui Uwaha, Frederik Deberdt et Raphaël Canet, ainsi que Aureline Guillot, ex-danseuse du Ballet aujourd’hui professeur à Instant Présent. Le but de cette formation, dispensée par Miren Fuertes Arrizabalaga, psychomotricienne et responsable d’antenne PyrénéesAtlantiques de ReSantez-Vous était de

Dans le cadre d’un partenariat initié en 2017, Nuria López Cortés (marraine du projet) et Raphaël Canet ont donné le 30 juin un atelier chorégraphique aux résidents du CSAPA Broquedis à SaintAndré-de-Seignanx. Au cours de cet atelier de mise en mouvement douce et progressive, les participants ont travaillé autour de leur conscience corporelle et de leur relation à leur propre corps, la relation aux autres, ainsi que sur les notions de confiance et d’estime de soi.

Journée mondiale de l’Océan

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En restitution du projet EAC mené par Ione Miren Aguirre auprès des classes de CM1 et CM2 de l’École privée Donibane - Sainte Famille d'Urquijo de Saint-Jean-de-Luz, soutenu par la Communauté Pays Basque, le 8 juin lors de la Journée mondiale de l’Océan, les élèves ont dansé leur chorégraphie sur la Plage d’Erromardie. Cette chorégraphie, inspirée du ballet Sirènes de Martin Harriague, artiste associé au CCN a pour thème la sensibilisation à la protection de l’océan contre la pollution par les déchets plastiques et les hydrocarbures. Cette présentation a bénéficié d’une captation.

© Olivier Houeix

Du 1er au 6 août, en parallèle des Estivales, se déroulera la 32ème édition de l’Académie Internationale de Danse de Biarritz soutenue par la Ville de Biarritz. L’équipe pédagogique sera composée de Carole Arbo (étoile de l’Opéra national de Paris), Bertrand Belem (Opéra national de Paris), Lienz Chang Oliva (étoile du Ballet national de Cuba), Isabel Hernandez (English national Ballet), Béatrice LegendreChoukroun (professeur des Conservatoires de Paris), Eva Lopez Crevillen (directrice

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Centre de Soins et d’Accompagnement en Addictologie Broquedis – Association Caminante

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Académie Internationale de Danse de Biarritz

comprendre le vieillissement pour mieux adapter son accompagnement lors d’un atelier chorégraphique. À l’aide d’un simulateur de vieillissement, les participants ont pu faire l’expérience des troubles liés à la vieillesse afin de pouvoir adapter leurs interventions à un public de séniors.


© Johan Morin

Projet « Itinéraires Danses » - La transformation

Aide Sociale à l’Enfance À la suite d’un partenariat initié en 2020 avec le Conseil Départemental des Pyrénées-Atlantiques, le CCN poursuit son action à destination de l’Aide Sociale à l’Enfance. Dans ce cadre, un groupe d’enfants sera accueilli le 5 août à l’occasion des Estivales. Après une visite de la Gare du Midi durant laquelle les enfants seront sensibilisés aux activités de la compagnie : les métiers de la technique, les costumes et accessoires, le travail des danseurs sur le plateau. L’après-midi se poursuivra par un atelier de découverte et d’initiation à la danse, avant une représentation en soirée de la Pastorale.

© Olivier Houeix

Depuis 2005, en partenariat avec le Lycée André Malraux, le CCN contribue à développer la culture chorégraphique de lycéens inscrits dans la filière Lettres-Arts spécialité Danse. Dans ce cadre, le 11 juin la Gare du Midi a accueilli la restitution du travail réalisé cette année par les 35 étudiants. Ainsi, les élèves de Première et Terminale ont respectivement interprété une chorégraphie de Chloé Yssambourg et de Zoé Dumont, ex-élèves de l’Option Art Danse du Lycée André Malraux, aujourd’hui intervenantes pédagogiques diplômées et bel exemple de réussite du cursus de formation à Biarritz. Les élèves de Seconde ont présenté le travail chorégraphique encadré par Carole Philipp, professeur et ex-artiste du Malandain Ballet Biarritz. Par ailleurs, les Terminales ont interprété leurs chorégraphies personnelles proposées à l’épreuve du Baccalauréat. Dans le même temps, le Centre de Formation en Danse (CFD) de l’École de Ballet - Studios de Biarritz a présenté le Boléro de Thierry Malandain.

Festival le Temps d’Aimer Durant le Festival le Temps d’Aimer, de nombreux parcours pédagogiques et actions de médiation destinées à tous les publics seront proposés autour de la programmation ainsi que des rencontres professionnelles.

Planeta Dantzan Dans le cadre du projet Planeta Dantzan, programme de sensibilisation à l’environnement via l’art chorégraphique soutenu par l’Eurorégion NouvelleAquitaine Euskadi Navarre, Pauline Bonnat et Julen Rodriguez, artistes chorégraphiques à Dantzaz ont présenté Fossile, de Martin Harriague dans les 17 établissements scolaires partenaires du projet. Après avoir visionné la captation, les élèves ont pu échanger avec les artistes sur leurs impressions et approfondir leur connaissance de l’œuvre, du métier de danseur et du fonctionnement d’une compagnie de danse professionnelle.

© Olivier Houeix

Présentation spécialité Danse du Lycée André Malraux et du CFD Biarritz

Ce projet initié par Biarritz Culture répond à une situation inédite, vécue durant la période de confinement, celle d’un corps confiné, limité dans ses possibles, contraint, et à mobilité dirigée. Trois enseignantes d’établissements et de niveaux différents ont retrouvé, au sortir du confinement, des élèves corporellement transformés. C’est à partir de ce constat que le projet est né. Dans le cadre du dispositif Itinéraire danses (DSDEN), Pantxika Telleria, chorégraphe de la compagnie Elirale est intervenue au Lycée Cantau (Anglet), au collège Marracq (Bayonne) et à l’École primaire Jean Moulin (Bayonne) pour permettre aux élèves de construire, par une pratique corporelle sensible, des modes de communication respectueux envers les autres et emmener l’enfant à prendre conscience de ses transformations, et trouver les outils pour se construire et se situer dans le groupe. Une restitution de ce travail s’est déroulée le 3 juin au stade Girouette d’Anglet. N’ayant pas pu assister aux 3 spectacles prévus dans l’année à cause de la situation sanitaire, les élèves en petits groupes et de niveaux mélangés se sont enseignés mutuellement des phrases corporelles issues de leur propre cheminement chorégraphique au travers du thème de la transformation. Ils aboutiront ensuite à une création collective sur le modèle des « don’t rushchallenge » ou du cadavre exquis accompagnée par le musicien Mixel Etxekopare.

Stage d’été Danzagunea Ione Miren Aguirre donnera des cours de danse classique et des ateliers de répertoire lors du stage d’été de Dantzagunea qui se déroulera du 5 au 16 juillet prochains à Errenteria.

BALLET T Renouvellement convention Ballet T Le 7 juin dernier, le Théâtre Victoria Eugenia, le Malandain Ballet Biarritz et les villes de Donostia / San Sebastián et de Biarritz ont signé une convention pluriannuelle d’objectifs 2021-2025 Ballet T / Pôle de coopération territoriale Biarritz / Donostia San Sebastián. Elle s’inscrit en continuité des actions initiées en 2007 qui visent à faire rayonner l’art chorégraphique entre Biarritz et Donostia / San Sebastián.


FESTIVAL

31ème Festival le Temps d’Aimer Du 10 au 19 septembre

SUEZ, partenaire principal du Temps d’Aimer Le groupe SUEZ s’engage auprès du festival en devenant son partenaire principal. Le soutien apporté permettra de dresser les enjeux de l’accès à la culture, de la création artistique, de l’éducation et de la vie des territoires. C’est pourquoi, au-delà du soutien financier, la collaboration prendra des formes plurielles en appui sur des collaborations croisées avec d’autres associations locales, du mécénat de compétences, des temps forts de partage, d’expérience commune entre des membres du CCN, du groupe SUEZ et des publics empêchés du territoire, ou encore la co-production de supports de communication qui exprimeront cet engagement et ces valeurs communes. De plus, le soutien de SUEZ et le nouveau partenariat avec l’ONG Water Family seront des leviers puissants pour la transition écoresponsable du festival.

À L'AFFICHE • Cie Balkis Moutashar,

• Lucia Lacarra et Matthew Golding,

• Cie Node,

• Ballet de l'Opéra-Théâtre MetzMétropole – Laurence Bolsigner-May,

• Cie Maritzuli – Claude & Jon Iruretagoyena,

Gigabarre © Olivier Houeix

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• Cie Pedro Pauwels,

• Malandain Ballet Biarritz,

• Bilaka,

• Led Silhouette,

• Martin Harriague,

• Cie Christine Grimaldi,

• Sam Dougados,

• Cie Écrire un Mouvement - Thierry Escarmant,

• Collectif Musique d’Apéritif,

• Cie Hors Série - Hamid Ben Mahi, • Dantzaz – Adriana Pous Ojeda,

• Université du Mouvement – Aureline Guillot,

• Cie EliralE - Pantxika Telleria,

• Horizon Danse,

• Étienne Rousseau-Plotto, • Arnaud Mahouy,

• Ballet de l’Opéra national de Bordeaux - Éric Quilleré,

• Richard Coudray,

• Cie Mazel Freten,

• Cie Hervé Robbe,

• Sine qua non art - Christophe Béranger & Jonathan Pranlas-Descours,

• CCN de la Rochelle - Kader Attou, • Ballet Preljocaj, • Cie Affari Esteri, • CCN de Nantes - Ambra Senatore, • B&M2 Junior Compagnie,

Infos / Billetterie www.letempsdaimer.com

• Gilles Schamber,

• Kukai Dantza – Jon Maya,

• Cie Attention Paillettes – Charlotte • Nopal, • Chrystel Guillebaud,

• Amaia Elizaran,

• Gibus de Soultrait, • Centre de Formation en Danse – Studios de Biarritz, • Cie Poisson pilote – Anne-Marie Porras, • CCN-Ballet de l’Opéra national du Rhin – Bruno Bouché


SANTÉ

Bénéfices de la préparation physique en danse En avril, l’équipe médicale du Malandain Ballet Biarritz a accueilli Alexis Ngoma, stagiaire STAPS de Nice. Il a assisté Jean-Baptiste Colombié dans sa tâche de préparateur physique. L'occasion de revenir sur cette particularité du Malandain Ballet Biarritz. En effet, très peu de compagnies ont recours à la préparation physique. Ce n’est pourtant pas le besoin qui manque ! Comme dans toutes disciplines physiques, chaque danseur est confronté à un véritable dilemme pour faire évoluer ses qualités athlétiques : soit augmenter encore le volume d’entrainements, soit introduire d’autres activités afin de répondre à des besoins spécifiques. C’est la définition de la préparation physique : organiser l’ensemble des procédures d’entrainements au service de la performance physique et de la prévention des blessures. Les assouplissements sont un bon exemple en matière de préparation physique : vautil mieux s’assouplir par la danse ou par un travail spécifique ? La pratique répond par elle-même. En plus des meilleures performances, de la réduction des facteurs de blessures, les assouplissements (en dehors de la classe, lors du Yoga, du Safe floor) permettent une meilleure disponibilité physique, ce qui se retrouve dans la qualité artistique du mouvement. Il ne s’agit pas bien sûr de ne plus danser à la classe pour passer son temps à s’étirer ! Mais plutôt de gagner du temps en ciblant son travail et s’enrichissant de nouvelles pratiques. La danse, qui nécessite un engagement corporel et émotionnel important, expose le danseur à de forts risques de blessures. Augmenter encore et encore son volume d’entrainements conduit généralement au surentrainement, pour un gain physique mineur.

l’amélioration de la performance artistique via la préparation physique. Tâche difficile : comment mesurer l’évolution de la qualité artistique du mouvement ? Dans la plupart des études, des maitres de ballet ont dû évaluer le passage de danseurs avant et après préparation, sans savoir à quel groupe, témoin ou test, ils appartenaient... Trois études internationales ont retenu notre attention. En 2007 aux USA, 18 danseuses préprofessionnelles de 18 à 23 ans ont effectué un entrainement en sauts type danse ou un entrainement de renforcement musculaire. Après une période de 6 semaines d’entraînement, il y a une amélioration de la hauteur de saut, de la force des membres inférieurs et de la performance en danse pour les deux groupes. On peut donc en conclure que le renforcement musculaire peut se substituer ou compléter le travail de sauts, réduisant ainsi la charge des impacts répétés. La seconde étude réalisée également en 2007 en Grande-Bretagne incluait 27 femmes et 5 hommes (âge moyen 19 ans, niveau de danse préprofessionnel) réalisant un entrainement cardio respiratoire et de renforcement musculaire sur 12 semaines. A la fin du programme, on constatait des améliorations significatives en force, en cardio respiratoire, en flexibilité, en hauteur de saut et en performance artistique et ce sans changement morphologique. La dernière étude, réalisée en 2020, impliquait 24 danseurs de ballet ou contemporain d’un niveau préprofessionnel. L’objectif visait à améliorer la hauteur de saut via un entrainement de gainage. Au bout de 8 semaines d’entrainement, il a été démontré une amélioration significative de la hauteur de saut, de la proprioception et de la coordination : ainsi le travail du centre autrement qu’en dansant a des effets bénéfiques sur le mouvement dansé.

Alors comment préparer au mieux les danseurs ? Tout d’abord en déterminant les qualités nécessaires à la danse. On pourrait les diviser en 5 catégories :

Afin d’agencer au mieux ces différentes qualités physiques, la préparation physique a été dissociée en 3 grands temps : 1. La Préparation Physique Générale (PPG), qui sert à développer les qualités physiques de base (force, endurance, vitesse). Elle se place en début de saison et permet de créer ou de renforcer les bases du danseur et de le préparer à supporter la charge d’entrainement. A Biarritz, le bilan médical de pré-saison est essentiel pour évaluer le niveau global de la compagnie. Et les axes de travail commun de la saison. De nombreux topos éducatifs aux danseurs viennent optimiser cette prise en charge. Ils préconisent des exercices adaptés (certains éducatifs sont accessibles sur la chaine Youtube du Dance living Lab) et le recours à d’autres pratiques (surf, yoga, vélo, pilates, Safe floor, marche sportive, natation…) 2. La préparation physique spécifique qui vise à développer des composantes plus fines (puissance, explosivité, coordination). Elle se place après la PPG, au cours de la saison. Elle est dite spécifique car elle est personnalisée à chaque danseur et répond à des problématiques bien définies. A Biarritz, ils sont déterminés collectivement par le danseur (objectifs personnels), par l’équipe médicale (objectifs préventifs) et par les maîtres de ballet et le chorégraphe (objectifs artistiques), et déclinés sous formes de protocoles d’exercices évolutifs. 3. La préparation physique intégrée qui se place au plus proche des échéances, au cœur de la discipline : durant la classe par les maîtres de ballet. Elle permet de travailler les qualités physiques dans le mouvement dansé. On retiendra que la préparation physique est d’abord un moyen efficace de se libérer du temps en progressant sans augmenter sa charge de travail. Il s’agira ensuite de bien l’incorporer au travail et au rythme de vie. Elle limite surtout le risque de blessure, enrichit l’expérience corporelle du danseur, et améliore plus rapidement la performance scénique.

n Jean-Baptiste Colombié – Aurélie Juret - Alexis Ngoma

• La force (pour les portés, les sauts…) • La vitesse (de gestuelle, pour la fréquence de mouvements…)

https://www.youtube.com/BalletBiarritzDanceLivingLab

• La souplesse (mobilité articulaire et musculaire)

La préparation physique, c’est donc fuir les risques liés à la pratique intensive de la danse pour y revenir plus performant.

• La coordination /proprioception (fluidité du geste, équilibre, perception du corps dans l’espace etc…)

Le monde scientifique s’est d’ailleurs emparé du sujet : des études de qualité ont été menées pour démontrer

• Le cardio respiratoire (pour tenir la durée d’une représentation, enchainer les spectacles, améliorer la récupération…)

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EN BREF q

Malgré l’annulation de l’édition 2021 du Festival Regards Croisés, dans le cadre de cet événement et du projet Atalak de Dantzaz, la chorégraphe Matxalen Bilbao est intervenue auprès des élèves de la Classe d’Orientation Professionnelle (COP) du Conservatoire Maurice Ravel Pays Basque dirigée par Fabrice Loubatieres. Son travail a été présenté à huis clos au Colisée de Biarritz, capté et retransmis en direct par le Conservatoire le 2 avril. Reportage : http://bit.ly/regards-croises-21

© Olivier Houeix

Regards Croisés

Martin Harriague, artiste associé au CCN a quant à lui créé SOL. pour les étudiants de la Section Danse-Etudes de l’INSA Toulouse qui participent à Regards Croisés depuis sa création. Ce projet danse-vidéo réalisé en une journée avec les élèvesingénieurs témoigne de la solitude des étudiants durant la crise sanitaire.

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Barre sur la plage à Arcachon

Le 26 septembre, Richard Coudray, maître de ballet animera une barre sur la plage dans le cadre du Festival Cadences d’Arcachon.

© Olivier Houeix

Carré des mécènes Remerciements à la Clinique d’Amade, établissement de santé mentale à Bayonne, qui rejoint le Carré des mécènes. Son soutien permettra notamment de mettre en œuvre des parcours autour de la danse au profit de la santé et de la re-socialisation au bénéfice de leurs patients.

XXIVe Gala de la Journée internationale de la danse Le 29 mai, Irma Hoffrén et Mickaël Conte ont interprété leur duo tiré de Mozart à 2 au Teatro Victoria Eugenia de Donostia San Sebastián.

Prix de la Critique de Barcelone Le Malandain Ballet Biarritz nominé au Prix de la Critique de Barcelone aux côtés du Ballet de l'Opéra de Vienne et de Lucia Lacarra, l'a emporté dans la catégorie Danse de répertoire et de base classique avec le programme Sirènes, la Pastorale et Nocturnes.

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Giuseppe Chiavaro© O. Houeix

On danse chez vous Lancé l’an dernier par Mehdi Kerkouche et sa compagnie EMKA, le Festival On danse chez vous soutenu par la Fondation de France a pour but de fédérer la communauté des danseurs, chorégraphes, professeurs de danse et de récolter des fonds pour venir en aide aux plus démunis. Le 24 avril, près de 200 danseurs et chorégraphes français se sont mobilisés depuis 35 lieux culturels au profit des étudiants en grande précarité. Martin Harriague, artiste associé au CCN a participé à ce projet en proposant un extrait de son Sacre du printemps avec les danseurs du Malandain Ballet Biarritz diffusé en live sur le compte Instagram @emkadanceproject.

Mozart à 2 et Don Juan en Croatie

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concept : Maxime Dos & Martin Harriague images & montage : Maxime Dos chorégraphie : Martin Harriague, musique : Xabi Etcheverry (directeur de Bilaka) & Martin Harriague Vidéo : http://bit.ly/sol-insa

Du 15 juin au 13 août prochain, Giuseppe Chiavaro, maître de ballet remontera Mozart à 2 et Don Juan au Croatian National Ballet Split dirigé par Ilir Kerni. La première aura lieu les 13 et 14 août en clôture du Split Summer Festival.


centre chorégraphique national de nouvelle-aquitaine en pyrénées-atlantiques

présidente Catherine Pégard vice-président Guillaume Pepy trésorière Solange Dondi secrétaire Richard Flahaut déléguée à la transition éco-responsable Monique Barbaroux déléguée à la coopération territoriale et internationale Marie-Christine Rivière administrateurs Gratien Maire, Anne Méhu président d’honneur Pierre Durand Direction directeur / chorégraphe Thierry Malandain directeur délégué Yves Kordian Artistique / Création artiste associé Martin Harriague maîtres de ballet Richard Coudray, Giuseppe Chiavaro artistes chorégraphiques Ione Miren Aguirre, Giuditta Banchetti, Raphaël Canet, Clémence Chevillotte, Mickaël Conte, Jeshua Costa, Frederik Deberdt, Clara Forgues, Loan Frantz, Irma Hoffren, Hugo Layer, Guillaume Lillo, Claire Lonchampt, Nuria López Cortés, Arnaud Mahouy, Alessia Peschiulli, Alejandro Sánchez Bretones, Ismael Turel Yagüe, Yui Uwaha, Patricia Velazquez, Allegra Vianello, Laurine Viel professeurs invités Bruno Cauhapé, Sophie Sarrote pianistes Alberto Ribera-Sagardia, Jean- François Pailler

Production / Technique directrice technique Chloé Brèneur régisseur général Frédéric Bears régie plateau Jean Gardera régie lumière Christian Grossard, Mikel Perez régie son Nicolas Rochais, Maxime Truccolo techniciens plateau Bertrand Tocoua réalisation costumes Véronique Murat, Charlotte Margnoux régie costumes Karine Prins, Annie Onchalo construction décors et accessoires Frédéric Vadé techniciens chauffeurs Guillaume Savary, Stéphane Tisserand, Vincent Ustarroz agent d’entretien Ghita Ballouk Sensibilisation / Relations avec les publics responsable sensibilisation / transmission du répertoire aux pré-professionnels Dominique Cordemans intervenante EAC Ione Miren Aguirre intervenante option Art-Danse et Académie Carole Philipp Diffusion chargée de diffusion Lise Philippon attachée de production Laura Delprat agents Le Trait d’union / Thierry Duclos, Klemark Performing Arts et Music / Creatio 300, Norddeutsche Konzertdirektion / Wolfgang et Franziska Grevesmühl, Internationale Music / Roberta Righi Communication responsable image Frédéric Néry  /  Yocom responsable communication Sabine Cascino attachée à la communication Elena Eyherabide attaché de presse Yves Mousset  photographe Olivier Houeix Pôle chorégraphique territorial administratrice de projet Carine Aguirregomezcorta Secrétariat général / Mécénat secrétaire général Georges Tran du Phuoc Ressources humaines, finances et juridique responsable administrative et financière Séverine Etchenique comptable principale Arantxa Lagnet comptable Marina Souveste secrétaire administrative Virginie Sichem Suivi et prévention médicale des danseurs Romuald Bouschbacher, Jean-Baptiste Colombié, Aurélie Juret Festival le Temps d’aimer production Katariñe Arrizabalaga technique Jean-Pascal Bourgade communication Eloixa Ospital médiation / billetterie Noémie Zabala-Pihouée administration Sonia Mounica Biarritz - Donostia / San Sebastián Malandain Ballet Biarritz co-présidence du projet Thierry Malandain co-directeur du projet Yves Kordian chef de projet et administration Carine Aguirregomezcorta communication Sabine Cascino Victoria Eugenia Antzokia co-présidence du projet Jaime Otamendi co-directeur du projet Norka Chiapusso chef de projet Koldo Domán administration María José Irisari communication María Huegun CCN Malandain Ballet Biarritz Gare du Midi • 23, avenue Foch • F-64200 Biarritz tél. +33 5 59 24 67 19 • ccn@malandainballet.com

Hugo Layer, Sinfonia © Olivier Houeix

Transmission du répertoire maître de ballet Giuseppe Chiavaro


CALENDRIER

JUILLET > SEPTEMBRE 2021

Représentations au Pays basque

la Pastorale [ Les Estivales – projet Ballet T ]

Donostia/San Sebastián

30/07

Donostia/San Sebastián

la Pastorale [ Les Estivales – projet Ballet T ]

31/07

Donostia/San Sebastián

la Pastorale [ Les Estivales – projet Ballet T ]

01/08

Donostia/San Sebastián

la Pastorale [ Les Estivales – projet Ballet T ]

04/08

Biarritz

la Pastorale [ Les Estivales – projet Ballet T ]

05/08

Biarritz

la Pastorale [ Les Estivales – projet Ballet T ]

06/08

Biarritz

la Pastorale [ Les Estivales – projet Ballet T ]

11/09

Biarritz

l’Oiseau de feu (Malandain) - le Sacre du printemps (Harriague) • [ avant-première ]

06/07

Niort

la Pastorale

22/07

Limoges

Marie-Antoinette

28/09

Alès

l’Oiseau de feu (Malandain) - le Sacre du printemps (Harriague) • [ première ]

29/09

Alès

l’Oiseau de feu (Malandain) - le Sacre du printemps (Harriague) • [ première ]

Représentations à l’International 10/07

Grenade (Espagne)

la Pastorale

10/08

Santander (Espagne)

Marie-Antoinette

direction de la publication Thierry Malandain • conception et design graphique Yocom.fr • impression Graphic System (Pessac) • ISSN 1293-6693 - juillet 2002

www.malandainballet.com

Représentations en France

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Licences 2- 1020149 et 3-102015 Récépissé DOS20187745

Sinfonia © Olivier Houeix

29/07


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