Numéro 88 Janvier > Mars 2021

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JOURNAL D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL DE NOUVELLE-AQUITAINE EN PYRÉNÉES-ATLANTIQUES MALANDAIN BALLET BIARRITZ

JANVIER  > MARS 2021

ÉDITO

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ACTIVITÉ

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DANSE À BIARRITZ #82

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SANTÉ

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SENSIBILISATION

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SAISON

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EN BREF

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CALENDRIER

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Irma Hofren & Mickaël Conte,création Sinfonia © Olivier Houeix


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A

près dix mois de surplace, entrecoupés de sept représentations à Biarritz, San Sebastián, Paris et Terrassa donnant presque envie de croire aux miracles, nous voilà en 2021, marchant toujours dans le vide avec l’incertitude comme guide. Mais en dépit de la persistance d’une crise dont les conséquences ne peuvent s’envisager qu’avec effroi pour l’avenir de tout ce qui est humain, espérons avec la nouvelle année et la toute-puissance de la grâce, un retour à la vie en commun dans le meilleur des mondes possibles. Et pour le bien de notre petite paroisse, de retrouver le temps béni, où danser ensemble et à sa guise ne figurait pas « au rang des péchés mortels » pour amener l’attention sur Paul-Louis Courier, helléniste et pamphlétaire, qui sous la Restauration publia une Pétition pour les villageois qu'on empêche de danser. « Menant la guerre du bon sens contre les folies du pouvoir » (1) selon le mot d'Anatole France, prix Nobel de littérature et l’un des fondateurs de la Ligue des droits de l'Homme ; tous les ouvrages de Paul-Louis Courier, lettres ou pamphlets, dont bon nombre lui valurent procès, amendes et un séjour à la prison Sainte-Pélagie « respirent ou chantent la liberté, l'indépendance, et fustigent le fanatisme et l'oppression, c'està-dire tout ce qui gêne ou entrave l'essor des peuples » (2) écrit son biographe Louis Marchadier. Canonnier de métier, ayant quitté l’armée en 1809, Paul-Louis Courier s’établit en 1818 à Véretz en Touraine, d’où il ne put s’empêcher de fronder. Ainsi pour dénoncer l'intrusion de l'Église et du gouvernement de Louis XVIII dans la vie privée, édita-t-il à Paris, Chez les Marchands de nouveautés, sa Pétition pour les villageois qu'on empêche de danser. Il faut avoir en mémoire qu’après la Révolution synonyme d’impiété, la Restauration instaura le catholicisme comme religion d’État et fut la grande époque des missions paroissiales chargées de réévangéliser la France.

Paul-Louis Courier, BnF Irma Hofren & Mickaël Conte, création Sinfonia © Olivier Houeix

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Ainsi, en juillet 1822, avec l’appui du préfet d'Indre-et-Loire, qui dépêcha la gendarmerie pour veiller à l’application de l’interdit, l’abbé Bruneau, curé d’Azay-sur-Cher, « bouillant de zèle, à peine sorti du séminaire » défendit aux habitants de danser les dimanches et fêtes sur la place du village. Supprimé par la Révolution, le repos dominical était redevenu sacré, et dans l’Ain, Jean-Marie Vianney, le fameux saint curé d’Ars, qui n’avait rien à voir avec les Agences Régionales de Santé, mais voyait dans la danse « une fournaise d'impudicité » se livrait à la même croisade,


N'ayant fait que défendre le bien-être et la liberté de danser la bourrée, le branle mais aussi la gigue et le rigaudon, PaulLouis Courier n'imaginait pas être inquiété. La chose ne se passa pas ainsi, puisqu’il fut traduit le 26 novembre 1822 à Paris devant le tribunal correctionnel. Prévenu « d'avoir outragé la religion de l'État, la morale publique et religieuse », il ne fut pas condamné, mais l’on saisit son ouvrage, et par la suite, « montrant dans son style la grâce enjouée de La Fontaine et l'élégante simplicité de Pascal » écrit Anatole France, dont l’œuvre littéraire fit l’objet rappelonsle d’une condamnation papale en 1922 ; Paul-Louis Courier eut recours à la presse clandestine. Jusqu’au 15 avril 1825, date où son corps fut retrouvé sans vie, percé d’une balle. « "Pour faire le coup, ils étaient bien cinq" dira Sylvine Grivault, employée dans les fermes et témoin cachée d’un crime dont le coupable, un garde-chasse mort avant le procès, et ses complices furent acquittés. Mais celui qui pressa la gâchette n’était sans doute pas le seul assassin, et la question resta posée : "  qui pouvait avoir intérêt, à faire disparaître le terrible pamphlétaire, effroi de la Restauration ? " » (3). Sans transition brutale, sous l’insécurité originelle de la terre et des cieux, voilà près d’un an qu’un virus couronné roi de l’effroi joue à la roulette russe avec les vies humaines et les peurs, tout en faisant tomber une ombre écrasante sur l’activité économique et des valeurs suprêmes : la liberté, la vie privée, la justice, l’égalité, le bien-être, la culture... Une sacrée gâchette s'offensant des voix discordantes, mais l’avenir dira peut-être le dernier mot sur ce grandmaître de l’épouvante. En attendant, sans savoir à quel saint se vouer, privés d’offices chorégraphiques durant la seconde vague d’assaut, mais libres de créer à l’abri des regards, notre défense active s’est organisée en deux congrégations de création. Ainsi, dès novembre, malgré la fermeture des fleuristes, Martin Harriague, artiste associé au Malandain Ballet Biarritz, capable de forcer la nature et d’opérer des fécondations avec discernement sema le bon grain d’un Sacre du printemps dont la livraison est

prévue à l’automne prochain. Bonté du ciel ! Il n'y a vraiment plus de saisons, mais ça Martin n’y peut rien. Quant à moi, entre « l’effroi » et le chaud, j’ai aligné des pas que l’on ébourgeonnera mi-avril, sauf « nouvelle vague » façon période Mao des Cahiers du cinéma. Personne ne me les ayant commandés, j’ai choisi une œuvre orchestrale plus susceptible de ne pas être programmée que de séduire, mais qui n'en demeure pas moins un monument de la musique des années 60. Mêlant des fragments du livre de Claude Lévi-Strauss, le Cru et le cuit à des

ÉDITO

car la bourrée et le branle ne respectaient pas les gestes barrières entre les sexes. Au surplus, bien que saint-Vincent dût aimer le vin et les vignerons puisqu’il était leur saint patron, le curé d’Ars marchanda avec les taverniers leurs fermetures dominicales. Mais à la vérité, pendant qu’il disait encore aux joueurs de violon : « Vous faites-là un métier que le bon Dieu n’aime pas », ses ouailles insensibles aux récompenses célestes promises allaient danser dans les villages voisins, là où l’idée de Dieu était moins austère. À Azay, écrit Paul-Louis Courier, « le désappointement fut grand pour tous les jeunes gens, grand pour les marchands en boutique et autres qui avaient compté sur quelques débits. Qu’arriva-t-il ? […] Malgré l’arrêté, on dansa hors du village, au bord du Cher, sur le gazon. […] Nos dimanches d’Azay, depuis lors, sont abandonnés. Peu de gens y viennent de dehors, et aucun n’y reste ».

extraits de l'Innommable de Samuel Beckett, il s’agit de la Sinfonia pour huit voix et orchestre de Luciano Berio, créée à New York en 1968-69. Années des plus turbulentes aux États-Unis et en France, où « vivre sans contraintes et jouir sans entraves » se déclina en slogans. Mais aussi années de la grippe dite de Hong Kong, qui en moins de deux ans fit plus d'un million de morts dans le monde. La Planète était grippée, mais continua de tourner. Tout comme au temps de la terrible grippe espagnole, où durant la 3ème vague de de décembre 1918, heureusement moins mortelle, le chorégraphe Victor Natta auquel les pages sur la Danse à Biarritz sont consacrées, régla à Toulouse les ballets d’une opérette de Henri Goublier : la Demoiselle du printemps. Au reste, en décembre 69, au pic de l’épidémie, il sera donné de lire en toussant : « Giscard relance la machine grippée » (4).

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ÉDITO Frissons, fièvre et goutte au nez : apparu en Chine à l'été 68, le virus A (H3N2) venu d’Espagne commença par frapper le SudOuest fin novembre 69. Un quart de la population est alors alité, mais à l’instar du journal Le Monde, qui le 11 décembre, indique que « l’épidémie de grippe n’est ni grave ni nouvelle » et que « la crainte qu’elle inspire n’est qu’une psychose collective », elle apparaît en parler journalistique comme « un marronnier » dans les colonnes des « faits d’hiver ». D’où un festival de brèves parisiennes carabinées qu’on ne relèvera pas par charité. Paris-presse titrera néanmoins : « 40 % de décès de plus que la moyenne des dix dernières en décembre : la grippe pourrait en être la cause »   (5). Selon les chiffres de l’I.F.O.P de janvier 70, 36% des français adultes avaient été atteints, et l’on sait à présent qu’en deux mois plus de 30.000 personnes périrent sans inquiéter les médias, ni le ministère de la Santé publique. Autre temps, autre esprit, on ne mourait qu’une fois, qu'importait la manière, et puis : « il vrai que la grippe [n’était] pas inscrite au catalogue des grandes maladies infectieuses » (6). Par conséquent, l’existence suivit son cours habituel avec ses peines et ses joies, ses problèmes et ses plaisirs ordinaires. Alors que partout flottait « une légère odeur de pharmacie et de rhum chaud », Paris-presse annoncera par exemple, en gros et en gras : « Le Lac des cygnes dans les choux » afin de prévenir les balletomanes, encartés ou pas, que Maïa Plissetskaïa, l’étoile du Bolchoï souffrant « d’une méchante grippe » était contrainte d’annuler deux de ses représentations à l’Opéra de Paris. Ou encore, cette fois en petits caractères : « Les spécialistes U. S. doutent de l’efficacité du vaccin [...] L’observation minutieuse des événements ayant prouvé que la vaccination n’avait pratiquement en rien modifié le nombre des cas »  (7). En effet, le vaccin n’était pas adapté. Mais avec une réserve de 200.000 doses pour plus de 51 millions d’âmes, les stocks étaient de toute manière épuisés. Un calvaire doublé d’un profond mystère dont nous laisserons débattre les experts, car à ce stade, pour ne pas dire à cette station du chemin de croix, se pose une question : après les masques, les tests, sur le plan de l’organisation, la fille aînée de l'Église ne serait-elle pas à l’origine du concept de l’immortalité ou de l’idée de résurrection, tant les fouets, pardon les faits sont têtus et cruels ? Empêcheur de marcher en rond, frondeur désolant pour ses attaques, Daniel Benoist, chirurgien gynécologue et député socialiste de la Nièvre, qui avait déposé devant l’Assemblée nationale une question orale sur « les graves conséquences de l’épidémie de grippe » n’est pas à cette époque le seul inquiet, et bien des gens, sont mécontents : « Ils trouvent que les producteurs de vaccins n’ont pas été assez prévoyants […] Mais les Laboratoires sont catégoriques : il fallait s’y prendre plus tôt pour lutter contre la grippe » (8).

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Par miséricorde, on s’abstiendra de nommer les contorsionnistes, d’autant que Sinfonia ne puise pas son inspiration dans l'art de la dislocation, ni même dans les voies impénétrables de la vaccination. Mais tel un effet secondaire ou un éternuement de l’Histoire, Sinfonia que Luciano Bério fait entendre dans son sens étymologique de « sonner ensemble », réagit tout simplement à l'effroi causé par l’empêchement de danser libre à plusieurs sous couvert d’assurer le salut de tout un chacun. Les dévots de la Restauration veillaient sur celui de l’âme, le bien par excellence, contre un corps impur

accusé de toutes les turpitudes. Après tant d’efforts pour combler cet injuste partage entre la chair et l’esprit, après tant de luttes criblées de balles pour se libérer d’un joug encombrant, voilà que pour le bien de notre prochain et notre propre salut, tout contact est devenu suspect, déconseillé, dangereux, dénoncé, sanctionné, incongru. Oui mais, et la vie et l’amour dans tout cela ? Avec une pensée émue pour son pote Marcel, coq ardéchois tué en mai dernier par un voisin qui trouvait son chant trop bruyant, mais surtout en songeant à François d'Assise, le seul saint parmi les humains qui l’ait appelé mon frère, « c'est la nuit qu'il est beau de croire à la lumière » assure chez Edmond Rostand


création Sinfonia © Olivier Houeix

ÉDITO

le brave coq Chanteclerc. En attendant son Hymne au soleil et que s’élève dans le ciel une année pleine d'humanité, belle autant que bonne, même si par déveine à la fin de la pièce de Rostand, un coup de fusil part, et c'est le rossignol à la voix d'or qui est blessé à mort ; pour aller tranquille votre chemin voici un dernier mot de Paul-Louis Courier : « Adieu mes amis ; buvez frais, mangez chaud, faites l’amour comme vous pourrez » (9). Bien entendu, en sachant être raisonnable sur le nombre de convives à table. Et pour les sourds comme une bûche au jugement de Salomon, on ne le répètera jamais assez : « Papi et

mamie mangent dans la cuisine et nous dans la salle à manger ». Enfin, les libertins cela va de soi, pas de « Cène » d’orgie, ni même en rêve avec la reine de Saba. Mais, courage les amis, « Saba » venir, car de là où « les Anges & les Âmes se pénètrent les uns les autres » (10) dixit le Sieur de la Chambre dans le Système de l’âme, sur un char en or attelé à des papillons couleur d’azur « un nouveau matin français » se pointe dans le silence et l'air pur.

n Thierry Malandain, janvier 2021

(1)

L'Œuvre, 10 septembre 1918

Paul-Louis Courier : son domaine de la Chavonnière, sa vie intime et son assassinat, amis et ennemis, monuments élevés à sa mémoire / L. Marchadier, 1925 (2)

(3)

Le Petit parisien, 13 mai 1913

(4)

Paris-presse, 23 décembre 1969

(5)

Paris-presse, 14 mars 1970

(6)

Paris-presse, 16 janvier 1970

(7)

Paris-presse, 4 janvier 1970

(8)

Paris-presse, 12 décembre 1969

Lettre au Major M. Griois, Milan, 10 mars 1809 (9)

Le Système de l’âme, par le Sieur de la Chambre, 1664

(10)


ACTIVITÉ

Malandain Ballet Biarritz au Théâtre des ChampsÉlysées

Le 15 octobre dernier, à l’invitation de Vony Sarfati, trois pas de deux tirés de Mozart à 2, dansés par Clémence Chevillotte et Arnaud Mahouy ; Nuria López Cortés et Raphaël Canet ; Irma Hoffren et Mickaël Conte ont été présentés dans le cadre de la soirée « Francendanse » organisée par les Productions Sarfati au Théâtre des Champs-Élysées.

LA PRESSE EN PARLE « Un des chefs-d’œuvre de Thierry Malandain, ce Mozart à deux, l’une de ses pièces les plus cruelles, les plus tragiques, ou mine de rien, comme la musique de Mozart, il explore sans concessions les états amoureux de quelques couples, de la douleur au conflit et à l’harmonie. Trois sur les six que comporte la pièce étaient ici présentés. Un moment de grande tension, presque douloureux, comme fréquemment avec Mozart, où la grâce de la musique ne faisait qu’accentuer l’intelligence du chorégraphe et où brillait particulièrement l’excellent Mickael Conte, avec cinq subtils comparses du Malandain Ballet Biarritz, rompus aux finesses de Malandain, souvent oniriques, ici plus charnelles ».

Le Ballet de l’Opéra national de Paris, le Ballet de l’Opéra National de Bordeaux, le Ballet du Capitole de Toulouse et le Ballet de l’Opéra National de Lyon participaient également à cette soirée « mettant à l’honneur le Ballet français ».

n Concertclassic.com, Jacqueline Thuilleux, 16 octobre 2020

Clémence Chevillotte & Arnaud Mahouy Mozart à 2 © Olivier Houeix Claire Lonchampt & Irma Hoffren Nocturnes © Olivier Houeix

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Giuditta Banchetti & Michaël Garcia Mozart à 2 © Olivier Houeix

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Théâtre des Champs-Élysées © Olivier Houeix

« La palme de la soirée revenait à Thierry Malandain et sa compagnie biarrote avec Mozart à 2, trois pas de deux illustrant des épisodes amoureux lors d’une soirée de bal, réglés sur des adagios de concertos pour

piano et orchestre de Mozart (interprétés ici par Murray Perahia), récupérés de la chorégraphie Bal Solitude créée en 1997 à Saint-Etienne, puis reprise pour le Ballet de Leipzig puis celui de Vienne, qui l’ont inscrit à leur répertoire. Nous avions pu apprécier la version plus large lors de l’inauguration du Temps d’Aimer la Danse à Biarritz en septembre dernier. Les trois couples de danseurs, Arnaud Mahouy, Clémence Chevillotte, Raphaël Canet, Nuria López Cortés, Mickaël Conte et Irma Hoffren, ont su restituer la magie de cette chorégraphie néoclassique complexe avec une grâce et une fluidité parfaites ».

n ConcertoNet, Olivier Brunel, 16 octobre 2020

« Enfin, cerise sur le gâteau, Mozart à deux, ensemble de trois duos concoctés par Thierry Malandain qui, fidèle à son habitude, a signé, sur quelques pages extraites de divers concertos pour piano de Mozart, une pièce d’une grande originalité et d’une musicalité extrême, mettant en valeur tant les émotions qui étreignaient l’âme de ses interprètes que leur palpitante énergie ».

n Critiphotodanse, Jean-Marie Gourreau, 17 octobre 2020

« Ce ne sont ensuite pas moins de six danseurs du Malandain Ballet Biarritz qui se succèdent sur scène dans Mozart à 2, trois pas de deux sur la musique de Mozart. On est frappé par l’incroyable contraste entre le corps puissant et musclé des danseurs et la silhouette fine des danseuses. C’est le cas pour les deux premiers duos, à l’écriture fluide pour les femmes et un travail du haut du corps très puissant pour les hommes. Tous partagent en revanche


ACTIVITÉ une grande musicalité et de l’humour dans la danse. À l’image du troisième duo, qui offre un superbe échantillon du savoir-faire du chorégraphe ».

Diffusion

ULÉE SANITAIRE ANN LA CRIS

ON DE EN RAIS

n ResMusica, Delphine Goater,

« Récemment reprise durant le festival Temps d’aimer, les extraits de Mozart à 2 (1997) constituent le coup de poing de la soirée : trois pas de deux s’enchaînent en un crescendo émotionnel, passant du badinage (Arnaud Mahouy et Clémence Chevillotte) à la violence (Raphaël Canet et Nuria López Cortés) pour aboutir à l’harmonie (Mickaël Conte et Irma Hoffren). Il y a dans cette pièce de Thierry Malandain une inventivité chorégraphique et une intensité dramatique peu communes ; on s’esbaudit de la virtuosité du style – superbement servie par ses interprètes – mais aussi des trésors de trouvailles expressives, comme lorsque les protagonistes du dernier pas de deux confient au vent, de leurs mains, leur parole amoureuse ».

Sirènes © Olivier Houeix

19 octobre 2020

n Les Balletonautes, James, 21 octobre 2020

«   Parmi toutes ces performances impres-sionnantes et variées, le grand moment de toute la soirée était sans doute Mozart à 2 de Thierry Malandain, une pièce plus ancienne (1997) de solos et duos qui incarne sa danse à la fois fluide et physique. Malandain offre toujours une danse très sensible mais incarnée avec une touche d'humour ajoutée. Il a la capacité d'occuper l'espace à sa manière. Ses danseurs excellent dans une sensualité si ancrée et ludique, notamment Arnaud Mahouy qui ouvre cette pièce sur les hauts et les bas de l'amour avec des mouvements hypnotiques ».

En raison de la crise sanitaire, l’ensemble des représentations des mois de janvier et février ont dû être annulé. Le mois de mars verra la compagnie au Moulin du Roc – Scène nationale de Niort le 2 avec la Pastorale, le 4 avec Marie-Antoinette à Meaux au Théâtre Luxembourg, puis du 6 au 12 à Lyon où le programme Nocturnes – Sirènes fera l’objet de 9 représentations tout public et scolaires à La Maison de la Danse.

Le 13 nous danserons Nocturnes dans le cadre de la 5ème Quinzaine de la Danse à la Filature de Mulhouse aux côtés de huit autres troupes : CCN Ballet de Lorraine, CCN-Ballet de l’Opéra National du Rhin, CCN Ballet national de Marseille, CCN Ballet Preljocaj, Ballet de l’Opéra national de Lyon, Hessisches Staatsballett, Ballet du Capitole de Toulouse, Ballet de l’Opéra National de Bordeaux. Le 16, le Malandain Ballet Biarritz se rendra au Luxembourg au Théâtre de Esch-sur-Alzette pour danser Mozart à 2 et Beethoven 6 tiré du ballet la Pastorale. Enfin, dernière date du mois de mars au Théâtre Municipal de Thionville, le 23 avec la Pastorale.

n Dance Europe, François Fargue, novembre 2020

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LA DANSE À BIARRITZ # 82

C’

Victor Natta

« Une lutte homérique, vient de s'engager, à l’ÉdenThéâtre, entre la danse italienne et la danse française ; le public, choisi comme juge, a décerné le prix à celle-ci représentée par M. Natta »  (1).

Rue Magnaque, Toulon Charles de Blasis, BnF

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est en 1886, époque où régnait la danse italienne que Victor Natta attira les regards dans Brahma, ballet d’Hippolyte  -  Georges Sornet, dit Monplaisir découvert à Paris grâce au directeur de l’Éden-Théâtre, Francis de Plunkett. Mais sauf Amandine de Pérignon, auteure en 2013 d’un article s’appuyant sur des informations recueillies auprès du professeur Charles Sérié, petit-fils de Victor Natta, peu se souviennent aujourd’hui du danseur et maître de ballet (2). Selon les éléments généalogiques récoltés par Anne Londaïtz : fils de Lorenzo Natta, boulanger et de Madalena Gondolfo, originaires de Bestagno (Italie), Victor Marius Placide Natta vit le jour le 22 juillet 1862 à Toulon, 17 rue Magnaque. Suivront : Baptistin, le 22 octobre 1866, mort le 23 mars 1868 et Joseph, le 27 août 1868, décédé le 26 juin 1869. Après quoi, Victor et ses parents rentrèrent en Italie, peut-être à Bestagno, village montagneux de Ligurie, ou bien à Coni dans le Piémont voisin, où naquit Angela le 31 août 1875. Âgé de 13 ans, Victor étudiait dit-on à l'école de la Scala de Milan. Il est permis de le croire, mais sans le renfort de preuves on ne peut l’assurer. Car la Scala n’était pas en Italie la seule pépinière de danseurs, et surtout l’attrait de Victor pour la pantomime, élément de la culture marseillaise, et ses débuts méridionaux émettent plutôt l’hypothèse d’une éducation à Marseille, où vivaient des proches. « Qui n'a pas dansé à Marseille n'a pas dansé ! »  (3). Cette boutade entendue à l’Éden-Théâtre pourrait être une galéjade si elle n’avait pas un fond de vérité. Car à l’instar de Bordeaux, qui n’eut de cesse de fournir les rangs de l'Opéra de Paris, l’antique Phocée fut aussi féconde en talents dansants. Carlo Blasis, danseur, pédagogue, théoricien des plus célèbres, directeur de l’école milanaise de 1837 à 1850 en est un exemple frappant. Né à Naples en 1797, Blasis arriva à Marseille à 4 ans avant de relater : « Après avoir travaillé pendant quelque temps à l'école d'un coryphée, je fus prendre des leçons de M. [Jean] Dutarque » (4). Ce dernier était alors maître de ballet au Grand-Théâtre, Blasis y entra à 12 ans en 1807, puis s’en alla en 1811 se perfectionner à Bordeaux : « sous la direction de M. [Jean-Baptiste] Blache, un de nos meilleurs maîtres de ballets ». En clair, le père de toute une génération de danseurs, dans lequel les bordelais avaient trouvé un successeur au montpelliérain Jean Bercher, dit Dauberval. Bordeaux étant « après Paris, la première ville de France pour l'exécution des grands ballets », en août 1817, Blasis se présenta à l’Opéra : « M. [Pierre] Gardel, le premier des orchésographes modernes, me fit voir dans ses productions toutes les beautés de l'art. Encouragé et assisté par lui, ce fut alors que je dansai à l'Académie royale de Musique ». Pure flatterie à l’égard du « redoutable autocrate de l’Opéra », car d’après Flavia Pappacecena « l’expérience n’eut pas de suite, à cause des prétentions

exorbitantes du danseur » (5). Pour d’autres, les intrigues le mirent dans la nécessité de démissionner, tels avant lui, Dauberval, Jean-Pierre Aumer, Louis Duport, A.J.J. Deshayes ou Louis Henry consacré à Milan. Là où Blasis perpétua les traditions et trouva la gloire. Cela étant, même si l’acte de mariage de Victor disparut à Bestagno dans un incendie, il est certain qu’il épousa la milanaise Amalia Fagnani. Née en 1863, la ballerine, que le seul Furet Nîmois, présenta en 1887 comme 1ère danseuse de la Scala, lui donna quatre enfants, qui s’illustreront dans la danse. Pour l’heure, sans donc vraiment savoir où et qui stimula son ardeur, même si l’on pense à Xavier Hus, élève de l’Opéra installé à Marseille depuis 1839, c’est à l’Alcazar-Lyrique de Béziers, dans « l’excellente troupe de M. Cerri » que Victor âgé de 19 ans nous apparaît pour la première fois en mai 1881. À l’exemple d’Émile Couleau, danseur à Marseille et fondateur en 1869 d’une troupe itinérante la Compagnie phocéenne ; Joseph Cerri, né à Marseille, le 30 mai 1848 de parents italiens et « battant avec aisance les plus audacieux entrechats » dirigeait sa propre troupe que nous retrouverons. On lira avant à Béziers : « M. Natta, danseur noble, s’acquitte de son rôle avec adresse, goût et conscience ; les applaudissements du public doivent lui prouver que ses efforts sont prisés » (6). Ensuite, passés les débuts réglementaires, Victor fut reçu 1er danseur noble au Grand-Théâtre de Lyon dirigé par Auguste Deloche, dit Campo-Casso. Épreuve d’une grande sévérité, le début désignait la première apparition d’un artiste dans un emploi. Il s’y soumettait dans trois ouvrages pour savoir si son contrat passé avec la direction était ratifié ou non par le public qui se manifestait à Lyon par acclamations ou sifflets. Suivant


LA DANSE À BIARRITZ # 82 les trois genres : noble, demi-caractère, comique, ladite place réservait à Victor les rôles sérieux auprès de la 1ère danseuse noble ou « di rango francese » Edwige Forlani. Cette notion d’emploi liée à la physionomie, Blasis « modèle du danseur polyvalent, parvenant à concilier style pur et technique prodigieuse » (7) en avait récapitulé les impératifs dans son Traité de l’art de la danse (1820) : « Celui qui se destinera à la danse sérieuse ou héroïque, doit posséder une belle taille et de belles formes ; son genre de danse exige absolument ces qualités physiques. Son port, son maintien doivent être élevés, élégants, nobles et majestueux sans affectation. Le danseur demi-caractère doit être d'une stature moyenne, avoir des formes élancées et élégantes. Le danseur d'une taille médiocre, et d'une construction vigoureusement ramassée, s'adonnera au genre comique, pastoral ou villageois » (8). À Lyon, le 1er danseur comique s’appelait Anthelme Ruby. Né à Caluire, le 8 janvier 1829, à 52 ans, il était aussi chef de l’école de danse et 2ème maître de ballet auprès de l’anversois Loris Grietens. Lequel, suivant ce qui était encore commun en province disposait d’un 2ème et 3ème danseur, MM. Dumont et Noble, d’un mime, M. Brialou, père, d’une 1ère danseuse demi-caractère, Lucia Juliani, d’une 2ème danseuse, Blanche Coquelle, d’un 1er travesti Angelina Fioratti, de coryphées et de 20 dames et 8 hommes selon les années. Rythmée par les débuts, la saison lyonnaise ouvrit le 1er octobre 1881 avec deux opéras de Meyerbeer, les Huguenots, dont le divertissement « assez bien réglé » par Grietens fit place le 6 à celui de Robert le Diable : « Au pas de quatre, il nous a été donné de faire connaissance avec notre 1er danseur noble, M. Natta écrivit Raoul Sforzi. M. Natta, danseur noble, cela nous paraît étrange après les évolutions excentriques que nous lui avons vu exécuter hier. Serait-ce M. Ruby qui a réglé la variation qu’il nous a dansé, après tout rien ne nous étonnerait. M. Ruby cherchant à s’accaparer la haute direction du ballet, pourrait déjà faire des siennes, Mais là, vraiment, nous nous demandons encore à quelle diable d'école M. Natta a bien pu faire ses premières études. On eut dit un acrobate dans un cirque et on s'attendait à un superbe saut périlleux. […] M. Natta a cependant quelques qualités, beaucoup de légèreté et assez de précision, […] mais il faudrait éviter le genre Ruby, assez déplacé dans le grand opéra » (9). Précis dans l'exécution, léger dans les pas, Victor possédait les qualités allouées au danseur noble et par de vieilles conventions empreintes d’un sentiment de supériorité à l’école française, alors que « le dévergondage de ses sauts et de ses cabrioles » (10) en faisait le produit de l’école italienne. À chaque école ses valeurs, mais

dans l’état où se trouvait la danse française, c’est-à-dire à peu près ruinée, encore aurait-il fallu qu’un homme qui danse ne soit pas regardé comme « la chose la plus bizarre, la plus niaise, la plus extravagante du monde » (11). Ainsi, à la suite d’un divertissement de Grietens, éreinté par La Renaissance, on lira : « Le divertissement de M. Grietens, nous a apporté une autre désillusion. Nous comptions y retrouver M. Natta, danseur noble s’il vous plait, aussi drôle que dans Robert le Diable, mais il s’est montré sérieusement et noblement ennuyeux. Du reste, n’ayant

jamais complètement compris l’utilité d’un 1er danseur – même noble – que celui-ci soit M. Natta ou M. Chose, l’acceptation ou le refus de ce titulaire d’emploi nous laisse bien indifférent »   (12). Soulignons que dans ce désamour hexagonal de la danse masculine, les pirouettes et sauts extravagants, goûtés chez les danseurs comiques, mais outrageusement vulgaires pour un danseur sérieux étaient ce qui restait aux hommes pour se faire applaudir. Soulevant la réprobation des gardiens du temple, alors que l’Opéra se fournissait de l'autre côté des Alpes, ces prouesses

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Victor Natta, photo Provost, 1922

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LA DANSE À BIARRITZ # 82

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cultivées par les italiens des deux sexes, avaient de l’emprise sur « le public spécial », entendez populaire dixit les élégants, à l’instar des ballets italiens applaudis dès 1883 à l’Éden que les mêmes jugèrent plaisants « par le piquant de la nouveauté, mais d’un art facile et grossier » (13).

Marie Carrère, photo Cayol frères

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Après Robert le Diable, Victor eut « sa part de bravo » dans la Juive, d’Halévy, mais les activités de la troupe cantonnée presque toujours aux divertissements lyriques, actualisant ce que le napolitain, Leopoldo Adice, danseur et pédagogue à l'Opéra notait en 1859 : « Faut-il croire qu'on donne peu de ballets parce que l'école française est déchue, ou que celle-ci est déchue parce qu'on donne peu de ballets ? »  (14), la pauvreté des chroniques oblige à passer à la saison 1882-83. Elle vit Alfred Dufour succéder à Campo-Casso, mais la municipalité d’Antoine Gailleton n’ayant pas voté la subvention on ne joua pas d’opéras. Alors, Victor et sa camarade Blanche Coquelle, traitèrent avec M. Mathieu, directeur du Cirque de Troyes et Joseph Cerri, 1er danseur comique jouant les Pierrots à Marseille. Ils ne perdirent pas au change, car mêlant vaudevilles, pantomimes et ballets, l’affiche était variée. De plus garnissant tous les soirs la salle en bois de 1.000 places, le public se montra reconnaissant par son assiduité. Tels le Déserteur (1785) de Dauberval, les Meuniers (1787) de Jean-Baptiste Blache ou les Amoureux d'Annette (1868) ballet probablement dû à Xavier Hus, qui ouvrit le 3 septembre 1882, maints titres offerts par les sept artistes du Ballet Cerri puisaient dans le répertoire des ballets pantomimes de genre comique dont « les plaisanteries désopilaient la salle entière ». Citons Sir-Job ou le danseur éternel, où Victor impressionna par « sa vigueur peu commune »  (15). Autrement nommé, Sir-Job ou le dansomane, ce ballet dans lequel Henri Laurençon avait perdu une main à St-Etienne en 1862 par suite de l'explosion d'une arme à feu, avait été créé à Bordeaux, le 14 octobre 1859 par son père, Etienne Laurençon, héritier de la gloire bouffonne de Charles Mazurier. Sinon, entre la Fée des amours, Rasefin, le Fils du Bailly, le Vésuve, la Styrienne, les Villageois, les Odalisques, etc. on retiendra Une Nuit de Carnaval, ballet de F. Jacquet

créé par Cerri aux Folies-Bordelaises, le 13 novembre 1879, mais aussi, les Marins en congé pour cet éloge : « L’agilité de M. Natta est très remarquable. Ses pas sont nettement détaillés » (16). JeanBaptiste de Croze, maître de chapelle de la cathédrale de Marseille était l’auteur de la partition et signera le 18 novembre, le Faune amoureux : un faune est amoureux d’une déesse pour laquelle un berger s’est également pris d’une violente passion. Figurant le berger, Victor lira alors : « M. Natta nous parait faire chaque jour de nouveaux progrès. Ses mouvements gagnent en souplesse et précision » (17). Le 6 janvier 1883, la troupe fit ses Adieux : « Nous exprimons nos regrets de voir le Ballet Cerri quitter sitôt le concert du Cirque. Ce sont là des artistes de valeur que l’on ne trouve pas tous les jours sur nos scènes de province » (18) nota Le Petit Troyen. Ensuite, du 15 janvier au 9 mars, Cerri et douze artistes, non nommés, se fixèrent à Marseille au Palais de Cristal. Victor suivit sans doute, mais il ne reparaîtra à nos yeux qu’en septembre 1883 à Lyon sous la régie d’Alfred Dufour. Avait-il entre-temps épousé Amalia Fagnani ? Sans doute, car dans son édition du 22 septembre, La Bavarde, le journal des indiscrétions lyonnaises, cite « Mmes Natta, Adelina Gedda, Elvira Gedda, etc. parmi les principales danseuses de la troupe ». Seules les sœurs Gedda seront reçues à l'unanimité, mais peut-être Amalia figurait-elle parmi les coryphées ? La saison débuta le 1er octobre par la Juive, avant que la troupe n’enchaîne le Trouvère de Verdi et Guillaume Tell de Rossini dont « le ballet nous a permis d'applaudir chaleureusement […] un jeune danseur, M. Natta » (19) nota L’Europe artiste tout en cognant sur Ruby passé maître de ballet : « Quant à l'ensemble des ballets, ils sont réglés en dépit du bon sens par M. Ruby » (20). Mais, le 24 octobre, après Robert le Diable, Victor fut à son tour ciblé : « Natta, le danseur noble, déploie une frénésie telle que MM Léon et Rancy se battent à coup de billets de mille pour se l’attacher en qualité de clown » (21). En septembre 1882, Théodore Rancy, maître écuyer avait ouvert à Lyon son établissement, où il accueillait d’autres troupes tel le Cirque Continental de M. Léon, qui venait de faire débuter le clown Foottit à Bordeaux. Léon et Rancy donnaient aussi à voir des ballets, à l’égal du « très gracieux » ballet Champagne dansé à Troyes avant le séjour de Victor. Lequel se rattrapa aux yeux de la presse lyonnaise dans les Noces d'Ivanowna, ballet « merveilleux » d’Alexandre Luigini, réglé par Ruby le 24 novembre. Mais ne pas espérer des précisions sur la chorégraphie, l’interprétation, on lira seulement : « Mlles Gedda et M. Natta méritent toutes nos félicitations » (22) ou bien « Mlles Gedda ont été parfaites et ces deux charmantes


LA DANSE À BIARRITZ # 82 ballerines ont partagé avec M. Natta le succès de cette première » (23). Faute d’en savoir plus long, Victor termina le 30 mars 1884 par les Trois Amoureux de Lise, ballet de Charles Tourey et Ruby avant de s’effacer. Mais ne pouvant rester sept mois inactif, il enchaîna forcément les contrats lors des saisons de Pâques et d’été. En effet, ayant créé sa troupe, on le retrouvera en août au Café des fleurs de Béziers. Puis en septembre aux Folies-Narbonnaises : « Tour à tour danseur noble et danseur comique, M. Natta excelle dans les deux genres. Quelle bonne fortune pour les narbonnais d’avoir l’occasion d’admirer un artiste d’une pareille valeur » (24). Lorsque Victor revint à Lyon, recrutée par Dufour pour relever Adelina Gedda, sa partenaire s’appelait Maria Valain. Venant de Lisbonne, elle débuta le 1er octobre 1884 dans Guillaume Tell. Au 1er acte, « le ballet fut vertement sifflé, le 3ème mérita grâce, et l’admission d’Elvira Gedda et de Natta », mais quand il fallut se prononcer sur la 1ère danseuse, jugée ailleurs « de bonne école », elle fut refusée. En attendant d’être remplacée par Emilia Scarlino, afin de rendre service, Valain parut dans les Huguenots « sous les vociférations de quelques gens du parterre et des hautes galeries » et un chroniqueur d’écrire : « J’ai vu le moment où cette pauvre femme allait se trouver mal, de grosses larmes étaient au bord de ses paupières » (25). Mais Victor ne sera pas ménagé, puisque L’Aigle, journal prônant un retour incongru à l'Empire nota : « Quant au ballet ! il est supérieurement détestable. M. Natta, fait encore partie de la troupe et nous le regrettons car son succès aurait été de meilleur aloi au Cirque Rancy » (26). À défaut d’audace plus surprenante, le 2 novembre, Victor créa Une Fête provençale, ballet de Ruby sur une musique d’Alexandre George et des mêmes, Une Ruse de conscrit, le 15 février 1885. La saison d’après, Scarlino s’étant envolée, Victor fit couple avec la bordelaise Marie Carrère, qui avait récolté chez elle en 1876 « une ample moisson de bravos » dans Giselle au bras d’Auguste Cluzeau. À Lyon, on l’applaudit avec Victor le 7 décembre 1885 dans Fleurs et papillons, ballet de Luigini et Ruby, avant qu’ils n’enchaînent au Théâtre des Célestins, les Pommes d’or, opéretteféerie d’Audran. On lira alors : « Quant à M. Natta, je doute que [Auguste] Vestris ait pu faire mieux. Natta, à lui seul, vaut l'argent. Allez-le voir pirouetter, vous serez ébloui » (27). Il est à croire que le conseil eut son effet, puisque Plunkett l’engagea pour relever Giorgio Gaetano Saracco dans Brahma à l’Éden-Théâtre. Près de l’Opéra, l’inauguration de l’Éden avait été un évènement en 1883. « Ultramoderne », sa salle, pouvait contenir 4.000 personnes et son plateau était « machiné » pour accueillir les grands ballets importés d'Italie. Il ouvrit le 7 janvier avec Excelsior

(1881) de Luigi Manzotti, musique de Romualdo Marenco, qui célébrait les découvertes technologiques du siècle : « La salle entière était plongée dans une stupeur profonde. Jamais, à Paris, on n'avait rien vu de pareil à cette organisation, à cette discipline, à cet ensemble dans les moindres mouvements » (28). Le succès dura plus d’un an : « On a essayé d'établir une comparaison entre ce ballet et ceux qu'on a l'habitude d'applaudir à l'Opéra. C'est absurde dira Émile Mermet. Il n'est qu'une seule partie du ballet italien qu'on puisse donner comme exemple aux danseuses de notre école française : ce sont les ballabiles. Cela, dépasse tout ce que l'on a fait de mieux à l'Opéra, non comme danse, mais comme manœuvres, comme mouvements d'ensemble, comme sûreté d'exécution. Le jour où les danseuses de [Louis] Mérante seront disciplinées comme celles de Manzotti, on verra des merveilles » (29). Au vrai, outre la discipline, l’ardeur au travail, et la place accordée aux hommes, il y avait d’autres aspects à suivre. Ainsi aucune pièce lyrique ne figurait sur l’affiche avec Excelsior. Ce que l’Opéra avait tenté avec Sylvia (1876) de Léo Delibes et Louis Mérante, en causant quelques déplaisirs : « Le ballet est une sucrerie artistique. Qu'on le glisse comme intermède dans un opéra, c'est parfait. Mais qu'on prétende en faire le régal de toute une soirée... non ! ça me tourne le cœur » (30) écrira Pierre Véron. Dès lors, pour que la danse soit digeste par les estomacs délicats, il faudra attendre sous Jacques Rouché, le soir du 24 mars 1922, puis après ce coup d’essai, en plein été, les Saisons de ballets français de 1922 et 1923 ; enfin en octobre 1940 « les mercredis de la danse » institués par Philippe Gaubert et Serge Lifar. Mais revenons à Victor, dont les débuts dans Brahma eurent lieu le 23 août 1886. Éblouissant par le luxe de sa mise en scène, l’harmonie « des manœuvres, à mouvements automatiques de têtes, de bras, de jambes » (31), ce ballet-féerie en 3 actes avait été créé à la Scala en 1868. Précédent Excelsior de 13 ans et regardé comme le prototype du grand ballet féerique italien, son auteur Hyppolite Monplaisir, maître de ballet à Marseille, Bordeaux et Bruxelles était né en 1821 à Bordeaux. Remportant des succès continus en Italie de 1866 à sa mort en 1877, jusqu’à

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l'Eden Théâtre, Paris

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Brahma, à l'Eden Théâtre Elena Cornalba, photo A. Liebert

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la première parisienne de Brahma, (31 mai 1886) son œuvre était inconnue à Paris. Enfin presque, car le 28 juin 1871 aux Variétés, il avait réglé les Fleurs du sérail, dans le Royaume des femmes ou le Monde à l'envers (1833) pièce de Théodore et Hippolyte Cogniard, revue par Ernest Blum, où les hommes accomplissaient toutes les taches féminines. Sinon, selon certains en 1873, Olivier Halanzier, son directeur à Marseille, l’avait fait venir à l’Opéra pour un ballet intitulé Viviane. Pour d’autres, en fait de ballet, il s’agissait du divertissement de Jeanne d’Arc (1876) d'Auguste Mermet, alors Monplaisir était reparti. Mais, si l’on juge par cet écho de la Tempête (1889), ballet d’Ambroise Thomas réglé par le bruxellois Joseph Hansen, les conceptions qu’il défendait avec Manzotti et d’autres ne laissèrent pas indifférent : « Depuis l'établissement du ballet italien rue Boudreau, chaque ouvrage nouveau donné à l'Opéra a marqué d'un grand pas l'abandon des traditions de l'école française en faveur de celles de l'école italienne, […] le comble de l'art semble devoir être, d'obtenir des mouvements d'ensemble d'une absolue régularité, […] Mlle [Rosita] Mauri en est réduite aux tours de force. Elle les exécute avec une admirable précision » (32).

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Dû à Monplaisir, le livret de Brahma était complexe, c’est pourquoi au prologue ces mots apparaissaient en lettres lumineuses : « Brahma, tu ne rentreras dans le séjour des dieux que lorsque tu auras trouvé sur la terre une femme qui t’aime d’un amour pur et désintéressé ». Servant de prétexte à des danses indiennes, chinoises, persanes…, on parla de « ballet ethnographique », Brahma (Antonio Monti) cherchait l’amour dans le monde entier, et après mille épreuves, le trouvait en l'esclave Padmana (Antonietta Bella) avant d’être condamné à périr sur un bûcher. Padmana s'y précipitant, par cette preuve d’amour, la condition était remplie et le ciel s’ouvrait en apothéose montrant Brahma à sa place dans l'Olympe indien. Victor incarnait Hyder-Ali, le méchant chef des Thugs, rival en amour de Brahma. Costantino Dall'Argine avait signé la musique : « une tempête de trompettes, de grosse caisse et de cymbales. […] Cela fait tant de bruit qu'on n'entend plus rien » dira Henry Fouquier. En fait, il en était ainsi pour couvrir le brouhaha des conversations. Enfin, « il signor [Giovanni] Butturini très au fait des traditions chorégraphiques […] de Brahma, dont il avait réglé vingt ou trente exécutions » (33) était venu monter le ballet. C’est toutefois avec le vénitien Achille Balbiani, maître de ballet de l’Éden que Victor répéta. Passée la 100ème, le 18 septembre, l’Éden écrasé de frais, renouvela son affiche avec un ballet déjà joué la Belle de Séville avec Mlle Carmen, alias Adela Iglesias, et trois nouveautés moins ruineuses. D’abord, Il n’y a plus d'enfants, ballet de Miss Bridges réglé sur une partition d’Hector Mariotti par Silène de Gaspari, directeur de l’école danse de l’Éden. Il montrait les élèves « d'une précocité inquiétante mais curieuse » dans des scènes de Brahma notamment. Puis « un ballet moderne » c’est-à-dire en costumes de ville intitulé la Brasserie devant laquelle nous passerons puisque Victor n’y entra pas. Enfin, la Fille mal gardée (1789) : après Bordeaux sur la musique de Jean-Baptiste Piot, le ballet de Dauberval avait fait escale à Londres en 1791, à Venise en 1792 avant de courir le monde et de subir des changements. Ainsi, à la suite du Théâtre de la Porte-SaintMartin en 1803, réglé par Jean-Pierre Aumer, disciple de Dauberval à Bordeaux, en 1828 l'Opéra avait commandé à Aumer une nouvelle version sur une partition de Ferdinand Hérold. Glissons que Victor créera la sienne avec Raoul Schubert, le chef l’orchestre de Brahma. Pour l’heure, sous le titre de la Précaution inutile, le marseillais Marius Petipa et Lev Ivanov venaient de monter le ballet à Pétersbourg avec Virginia Zucchi et Pavel Gerdt sur la musique écrite à Berlin par Peter Ludwig Hertel pour Paolo Taglioni en 1864. Partition qu’utilisa Balbiani à l’Éden pour la rentrée « triomphante d’Emilia Laus, bien secondée par M. Natta »  (34). Mais vu que trois ballets nouveaux, c’était trop pour la presse, on ne saura rien de plus

sur Victor qui tenait le rôle de Colin. En revanche, à l’instar du Journal des débats, on épilogua sur la musique de Hertel, laquelle était berlinoise rappelons-le : « [le ballet] nous revient aujourd'hui tellement modifié par les Italiens que les parties d'orchestre françaises ne peuvent plus servir. Les musiciens de Milan ont rogné par ci, ajouté par là. On ne s'y reconnaît plus. Cette mixture transalpine se présente sous le nom d'Heurtel » (35). « Quant au sujet de la Fille mal gardée » dira Le Matin « nous n'y insisterons pas outre mesure ; ce sujet, en somme, est aussi incompréhensible que tous les sujets qui servent tous les ballets » (36). Malgré cela « ce ballet de moissonneurs qui ne manque ni de gracieux costumes, ni de gais décors, ni de jolies filles » fut joué jusqu’au 27 février 1887. Mais la vogue de l’Éden déclinait. Afin de lutter contre l’éternel déficit des théâtres et revenir au luxe des premiers succès, Plunkett s’attacha à monter un grand ballet non pas italien, mais français. Ainsi l’on répéta Viviane, ballet en 5 actes d’Edmond Gondinet, musique de Raoul Pugno et Clément Lippacher dont le peintre Jules Chéret créa l’affiche sans désigner le chorégraphe : Antonio Pallerini. Selon Émile Blavet du Figaro, 17 ans plus tôt, Gondinet avait eu l’idée de tailler un opéra dans la légende arthurienne, Émile Perrin grâce auquel l’Opéra connut une ère florissante, « reçut d'enthousiasme le scénario, sous réserve d'une modification assez importante. Ladite modification consistait à supprimer les paroles ; en d'autres termes, à faire de Viviane un ballet » (37). Il fallait un musicien, Gondinet rencontra Delibes, le triomphateur de Coppélia, mais en 1871, sous la Commune, Perrin fut écarté et la fée Viviane resta dans les cartons. Pour tout dire, on raconte qu’Halanzier son successeur s’était épris du sujet, mais n’ayant pu s'entendre avec Gondinet sur la mise en scène, sinon effrayé par les frais


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de l’entreprise, laissa tomber l’affaire. Ce serait à cet instant que Monplaisir aurait vu s’évanouir l’opportunité de créer un ballet à l’Opéra. On dit aussi qu’après Delibes, Plunkett sollicita Massenet, mais celui-ci ne voulant pas se compromettre sur les planches de l’Éden, Pugno et Lippacher se mirent au travail.

habitants. La 1ère danseuse étant absente, on la remplace par un ouvrier mécanicien, qui se trouve là par hasard. Cette fable est légère, mais M. Natta l'est encore davantage. Ses pointes et ses pirouettes m'ont paru sans défaut et son ballon a conquis tous les suffrages. Au physique, M. Natta n'est pas joli, il est pire. Le nez est canaille, et la bouche insuffisamment meublée, mais l'ensemble est piquant et assez parisien. La taille est peut-être un peu épaisse, les épaules un peu maigres et les attaches un peu grosses, mais la jambe ne manque ni de finesse ni de distinction. Et puis, M. Natta est blonde, comme Eve, comme Vénus. En somme, c'est une très agréable petite personne. On affirme qu'un riche et myope étranger, trompé par l'apparence, a fait offrir à M. Natta un Lot Turc, [Emprunt des Chemins de Fer de la Turquie] en échange d'un seul regard. La 1ère danseuse, très digne, a fait répondre qu'il ne mangeait pas de ce lapin-là » (41).

Prétexte à galants tournois et à effets merveilleux, incarnée par Elena Cornalba, « la 1ère danseuse du monde entier » Viviane triompha le 28 octobre 1886. Possédant « une force d’élévation prodigieuse, des pointes infatigables », Cornalba était secondée « par un jeune danseur très fort et très élégant, M. Natta »  (38). Mais le monde de la « haute-gomme » se lassant des ballets, en clair « l’Éden glissant vers la déconfiture », le 23 décembre on lâcha Viviane pour Éden-revue, un florilège des succès italiens depuis 1883, tels qu’Excelsior, la Cour d’Amour, Sieba, Brahma, Messalina et Speranza, ballet de Luigi Danesi où au triomphe de la Cornalba, on associa « le jeune Natta dont la souplesse et la force sont extraordinaires » (39). « Cet éblouissant défilé de merveilles » comptait aussi un pas nouveau, la Napolitaine « fort bien dansé par Mlle Laus et M. Natta ». Mais la liquidation était proche. En attendant, le 7 mars 1887 on salua le bayonnais Jean-Paulin Habans, dit Paulus dans sa chanson en vogue En revenant de la Revue « intercalée avec beaucoup de goût dans un divertissement, auquel prend part tout le personnel du ballet »  (40). À savoir, le Roman comique, dont l’originalité aurait pu être taxée de bizarrerie, puisque Victor dansait sur pointes. Ce fut un succès, mais il faudra attendre d’être à Marseille pour apprendre que Victor et Raoul Schubert en étaient les auteurs.

Victor dansa le Roman comique jusqu’au 14 avril, puis quitta l’Éden, où le 3 mai, Charles Lamoureux, joua pour la première fois Lohengrin (1850) de Wagner : « À bas Lamoureux, À bas la Prusse ! ». Armée de pierres, une foule manifesta contre l’ouvrage. Mais « les sujets et danseuses de l’Éden », étaient à Marseille pour le Tour du monde en 80 jours (1874), dont Victor signa les ballets au Grand-Théâtre du 7 mai au 5 juin : « Le ballet est irréprochable » admettra La Vedette. « Nos nouvelles ballerines, par leur correction et leur ensemble, nous obligent à les préférer à nos corps de ballets habituels. Enfin nous avons pu voir un vrai danseur M. Natta, si léger, si souple, si élégant même dans ses entrechats, nous avons admiré et applaudi une bien gentille danseuse, Mlle Fagnani, mais l'étoile, celle devant qui tout s'éclipse, c'est la Pogliani » (42). Passée la féérie de Jules Verne et Adolphe d’Ennery, Amina Pogliani quitta Marseille, mais Jacques Roudil, directeur du GrandThéâtre parvint à s’attacher Amalia Fagnani et Victor, son mari qu’il engagea comme 1er danseur noble et maître de ballet. Mais avant, le 31 mai au profit des victimes de l’incendie de l’Opéra-Comique, ils dansèrent le Roman comique : « M. Natta arrive sur scène habillé en 1ère danseuse, la Fagnani, parait revêtue du costume de danseur. Cette interversion de rôle est d'un effet très comique » (43). Puis du 9 au 27 juillet avec Franceschina Sampietro dans le rôle de Pogliani, ils donnèrent le Tour du monde à Genève où l’on parla « d’un danseur de l’Éden d’une agilité étonnante, et dont les sauts et pirouettes tiennent du prodige » (44).

« Je ne vous analyserais pas le Roman comique », écrira néanmoins Raoul Toché, « c'est un simple cadre destiné à faire valoir l'aisance avec laquelle M. Natta modifie son sexe. Des saltimbanques arrivent dans un village pour donner une représentation aux

La saison à Marseille ouvrit le 5 octobre 1887 avec les Huguenots. Le 7 vint la Favorite de Donizetti avec les débuts d’Enrichetta Comolli, 1ère danseuse noble, d’Anne Bercé 1ère demi-caractère et de Victor « vivement applaudi dans

ses voltiges ». Aux 20 dames du ballet, s’ajoutaient 4 coryphées, dont Amalia 1er travesti au besoin. Le danseur comique n’est pas mentionné et il y avait peut-être 8 hommes. Après Faust le 14 octobre, le 18 tous furent reçus dans Guillaume Tell, qui « présentait un intérêt exceptionnel », car Victor avait rétabli dans la Tyrolienne, le pas de trois, qui n’avait plus été donné depuis des années, et le pas des soldats, était dansé sans coupures. Mais cassant l’ambiance, L'Europe artiste pointera : « Quant à M. Natta, il semble oublier, chaque soir, par ses pirouettes, qu'il tient l'emploi de danseur noble, et non celui d'acrobate » (45). Le cahier des charges fixé par la ville obligeant Roudil à cinq représentations par semaine et une matinée, après les divertissements, passons aux ballets toujours couplés à un opéra. Le premier titré le Retour au village fut créé le 17 novembre sans laisser de traces, mais « toutes les mains applaudirent M. Natta, un vrai prestidigitateur des jambes » (46). Le second dansé le 6 janvier 1888 par tout le personnel était le Roman Comique.

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Viviane, ballet d'Edmond Gondinet Viviane, à l'Eden Théâtre

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Enfin le 16 mars, sur un livret d’Elzéard Rougier, poète et journaliste phocéen, ce fut Callirhoë, ballet symphonique de Cécile Chaminade : « Je suis heureux de constater la brillante réussite d'une symphonie chorégraphique, écrira Le Petit Provençal, véritable œuvre d’art, très délicatement savoureuse, telle que depuis Coppélia, il ne nous avait plus été donné à Marseille d'en goûter de cet ordre. Que de charmantes et souriantes choses dans cette partition de Callirhoë que Delibes on Widor eût volontiers signée, à laquelle un coloriste tel que Massenet ne pourra manquer de rendre hommage ! » (47).

Amoureux de Callirhoë (Comolli), le guerrier Alcmèon (Victor) dépérit de langueur. Mais Vénus (Amalia) veille. Pour animer le cœur de la jeune fille, elle dépêche vers elle des Amours armés de flèches, mais Callirhoë résiste et Vénus irritée la change en statue. Éperdu de douleur, Alcmèon se prosterne alors à ses pieds et le miracle d'amour s'opère. La statue se ranime et Callirhoë se laisse tomber dans les bras du guerrier. Mais « que dire des mignons Amours, Mlles Angèle Natta et Louise Barfiga, fort gentilles sous leurs maillots roses et leurs jupes de tarlatane azurée ? » (48). On évoquera ailleurs, « deux petites filles de dix ans qui font déjà les pointes avec une très gentille assurance ». Angèle, la seconde fille de Victor naîtra à Lyon en 1893, il s’agissait donc de sa sœur Angela âgée de 13 ans. Sans preuve, puisque les actes ont disparu, nous pensons que leur mère était décédée, et qu’Angela vivait avec son frère. En attendant, au baisser du rideau, on rappela plusieurs fois la compositrice, le maître le ballet et l'auteur de Callirhoë, donné cinq fois jusqu’aux Adieux du 3 mai. Engagé dans la troupe formée par l’Agenzia Teatrale Internazionale d’Enrico Carozzi, Victor s’en alla à Milan, et de là en Russie. Amalia et Angela l’accompagnaient certainement. Réunie autour de Virginia Zucchi, la compagnie été menée par Joseph (José) Méndez, né à Madrid (sans date) et mort à Nice, le 4 mai 1905 à 65 ans. Élève de Blasis, après avoir brillé en Italie, « l’excellent danseur » était depuis 1879 chef du ballet et de l’école du GrandThéâtre de Varsovie. En même temps, il reproduisait partout jusqu’en Égypte les ballets de Paolo Taglioni, Monplaisir et d’autres. Il venait de quitter Varsovie et sera appelé en novembre 1889 au Bolchoï de Moscou pour diriger le ballet et les grandes classes de l’école jusqu’en 1898. Sans citer coiffeur, cordonnier, costumier, machinistes, la troupe comptait 32 dames de ballet, 24 danseurs, 8 solistes, 7 mimes, la 1ère danseuse Elvira Pezzatini et Venezia Lapucci demi-caractère. Quant à Victor tout en secondant Méndez, il était le cavalier de la Zucchi. Afin de mettre en relief les talents d’actrice de « l’éblouissante » ballerine, Méndez remonta Brahma donné dès le 17 juillet 1888 à St-Pétersbourg au Théâtre de l’Hermitage. Sans date, vint ensuite la Fille mal gardée et pour les Adieux, la Esmeralda (1844) de Cesare Pugni et Jules Perrot. De même, le 28 novembre, on donna à Moscou au théâtre privé de Vladimir Rodon, Catarina ou la Fille du bandit (1846), puis la Esmeralda où Méndez était Quasimodo, enfin Brahma dès le 23 janvier 1889. Le 2 mars tous quittèrent Moscou pour Riga, Jelgava, Liepãja en Lettonie, puis Vilnius avant St‑Pétersbourg où Zucchi traita avec Raoul Gunsbourg, directeur de l’Arcadia et de l’Opéra de Nice. Son partenaire sera alors le polonais Viktor Gillert, le 1er prince du

Lac des cygnes (1877) de Tchaïkovski créé à Moscou par le tchèque Václav Julius Reisinger, avant la reprise moscovite de Joseph Hansen en 1880 et 1882 donnée à tort comme un naufrage, puis celle de Marius Petipa et Lev Ivanov à Pétersbourg en 1894. Sans doute auparavant passés par Montpellier, c’est au Grand-Opéra de Lyon, sous la régie de Marius Poncet, que Victor et Amalia reparurent en octobre 1889. En tant que maître de ballet, Victor disposait de trois hommes : M. Pianazzi, danseur comique et MM. Noble, Brialou, père mimes. Et peut-être huit dans le corps de ballet, mais alors bien cachés. Sinon, les vingt dames étaient menées par Franceschina Sampietro et les sœurs Gisela et Elvira Viola. Venant de Toulouse, on raconte à propos de Sampietro, que Georges R., sous-lieutenant aux chasseurs d'Afrique, dont le père habitait Lyon, s’était tiré un coup de révolver. L’amour n’était pas étranger à son suicide, puisqu’il avait dit-on conçu une passion violente pour la danseuse. « Aussi jolie femme que distinguée artiste », elle rejoindra en fin de saison l’Éden avant que celui-ci ne tombe sous la pioche des démolisseurs. En attendant, alors que le public se prononçait désormais sur les artistes en votant à bulletin secret, la Favorite servit d’ouverture le 5 octobre et remit Victor face au dédain des jugements bourgeois puisque Le Salut-Public nota : « Tout le monde déclare qu’un danseur est chose grotesque et lorsqu’il s’en produit un sur la scène on lui fait un succès. Ça été le cas hier de M. Natta dont on a applaudi à tout rompre les tours d’acrobatie. M.Natta saute à des hauteurs démesurées, un peu plus il disparaissait dans les frises. Peu nous importe que M. Natta danse ou saute plus ou moins haut ; chez lui il n’y a que le maître de ballet qui nous intéresse. Qu’il discipline le bataillon des danseuses, nous ne lui en demandons pas davantage » (49). On pourrait remplir des pages de propos analogues, mais si l’on en croit celui qui signait F.L., puis Francis L. et que nous nommerons Francis, le 15 octobre Victor ayant exécuté dans le Trouvère, un pas désavoué par un confrère, le danseur lui écrivit « qu’il ne s’était aperçu qu’à la représentation de l’inconvenance de ce pas, mais qu’il ne le reprendrait pas […] son seul désir [étant] de satisfaire le public et la presse ». Et Francis de conclure : « Soyons donc indulgent pour ce danseur qui reconnaissant sa faute se montre repentant » (50). Fort heureusement on lira aussi par-ci par-là que « les ballets marchèrent à merveille ». Sans citer ceux des opéras, le premier fut la Fille mal gardée de Raoul Schubert. Victor était Colin et Sampietro Lisette. Il aurait eu là matière à dire, mais nous n’avons rien lu. Quant à la date de la première, la Société des auteurs dont Victor était membre note le 30 novembre 1889, la presse


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locale le 25. Sur une partition du même Schubert, le 11 février 1890, Victor offrit le Marin, puis le 5 avril, après les Cloches de Corneville de Planquette, la Sabotière du maestro Luigini dans lequel : « M. Natta s’est livré à ses pirouettes habituelles, aux sauts merveilleux qui lui sont familiers. Ce style étonnait sur une scène d’opéra, mais il ne faut pas oublier que nous sommes dans la saison d’opérette » (51) écrit Francis. Le 30 avril, ce fut la Cigale et la Fourmi, opérette d’Audran où Victor en faune « exécuta des sauts fantastiques ». Et alors que la saison était close, le 30 mai, il fit l’actualité en passant au tribunal. Les faits remontaient au 15 janvier : « M.  Natta faisait répéter à une jeune danseuse Mlle S… un pas que cette dernière devait danser le soir dans la Juive. Mlle S… ne comprenant pas les explications de M.  Natta, celui-ci se fâcha et adressa à la danseuse une vive remontrance à laquelle celle-ci répondit en faisant un pied de nez. À ce geste, M. Natta furieux, répondit par un autre familier aux marseillais. […] Dans un duel quand deux balles sont échangées on déclare l’honneur satisfait, mais la femme du maître de ballet estima qu’il n’en était pas de même de deux gestes. Son illustre mari avait été outragé et l’insulte méritait une vengeance. Elle la traduisit par une gifle retentissante. C’était paraît-il une maîtresse gifle, car la conséquence en fut de faire garder le lit pendant huit jours à la jeune danseuse. Mlle S… estima de son côté, que pareille gifle valait bien 1.000 frs et elle assigna en dommages-intérêts M. et Mme Natta. […] Bref, l’affaire s’est terminée par la condamnation de M. et Mme Natta à 16 francs d’amende et 100 frs de dommages-intérêts » (52). Avec Gabrielle et Louise Monge, et Mlle Boglio, travesti, la saison reprit le 4 octobre 1890, tandis que le 13 naissait Luisa. Le lendemain, l’Africaine, de Meyerbeer justifia des éloges de Francis : « le ballet du 4ème acte où il n’y a que des mouvements

d’ensemble a été très convenablement dansé et n’a pas fourni au public l’occasion de ces plaisanteries dont il est familier. Un bon point à M. Natta que j’ai souvent critiqué et qu’il est juste de louer quand il le mérite » (53). Le 15 décembre, c’est à St-Etienne que Victor et Gabrielle Monge dansèrent Pasquinade, un pas de deux sur une musique de Louis Moreau Gottschalk, avant de retrouver Lyon pour lire : « Nous n’insisterons pas sur les bonds de M. Natta qui n’ont de comparables que ceux de la panthère noire de Java » (54). Victor ayant droit à une soirée à bénéfice, le 11 février 1891, il reprit Callirhoë. La direction s’était mise en frais de costumes, ce qui n’échappa pas à Francis : « Il y a bien longtemps que nous n’avons pas vu un ballet présenté dans d’aussi bonnes conditions. Les costumes n’ont rien de très riches, mais ils ont - ce qui est le principal - une grande fraîcheur ». En revanche, on avait économisé sur le décor, mais n’en parlons pas, et lisons : « Il y a dans Callirhoë beaucoup d’ensembles qui ont été dansés avec une précision, une correction auxquelles nous ne sommes pas habitués. […] M. Natta nous a prouvé à quels résultats il peut arriver lorsqu'il le veut sérieusement. Raison de plus pour nous montrer sévère lorsque, comme cela est arrivé quelquefois, il nous présente un corps de ballet sautant comme un troupeau de moutons » (55). Du 2 mai au 7 juin, Victor finit la saison avec le Tour du monde en 80 jours, qui fit à nouveau réagir Francis : « Le clou de la pièce est incontestablement le ballet. [….] Ce ballet est fort joli et se compose surtout d'ensembles, de groupements et de tableaux qui sont parfois d'un pittoresque effet. J'aime peu, pour ma part, les exercices d’acrobatie auxquels se livre M. Natta sous prétexte de danse. Dans son pas de deux, il jongle littéralement avec Mlle Monge comme il le ferait avec une balle élastique. Le public n’est pas sur ce point de mon avis, car il fait un grand succès au danseur qui sort de ces exercices haletant et ruisselant comme un triton. Ce n’est pas à M. Natta qu’on peut reprocher de ne pas gagner son pain à la sueur de son front »   (56). Notons que les duos acrobatiques seront à la mode 30 ans plus tard. Avec Monge, Maria Tosi et Blanche Walker, de l’Opéra travesti la saison 189192 débuta le 6 octobre par Aïda de Verdi qui avait une résonance particulière à Lyon, puisqu’en 1879, Luigini y avait fait entendre son Ballet égyptien réglé au 2ème acte par le bordelais Alfred Lamy : « Il a comme d’ordinaire son grand succès », nota L'Écho de Lyon, « peut-être Natta l'at-il fait ressembler à un déballage d’étoffe, mais il ne faut pas être trop difficile, quoiqu’il eut été plus naturel et peut-être plus heureux de conserver l’ancien ballet réglé par Lamy » (57). En réaction ou pas, le 15 octobre, Victor et Luigini créèrent les Écharpes. Le 8 décembre, on reprit Étienne Marcel de Saint-Saëns auquel Lamy avait

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Franceschina Sampietro José Mendèz, photo Karoli & Pusch

Callirhoë

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aussi collaboré en 1879 et Francis d’écrire : « Le ballet ne ressemblait en rien à celui d’autrefois ; les costumes dont on a fait un long usage dans d’autres ouvrages manquaient de fraîcheur et M. Natta s’est dans les ensembles très maladroitement inspiré de l’école italienne »  (58). Le 25 janvier 1892, ce fut le Meunier, ballet de Luigini, puis le 3 mai, le Roman comique : « un charmant ballet » dira la presse en service minimum, mais dans le Pays de l'or, où les danses tenaient une place de choix, on tressa des éloges à Victor pour la façon dont il les avait réglés. Cette pièce à grand spectacle de Léon Vasseur fut jouée du 13 mai au 7 juin. Ensuite, engagé par Vincent Pompéi au Palais de Cristal, Victor se rendit à Marseille pour s’y produire en trio du 21 juin au 22 juillet : « Le roi des danseurs, […] secondé par deux ballerines du plus gracieux effet, est chaque soir

Le Trio Natta

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chaleureusement applaudi » (59). Longtemps la presse taira l’identité de celles qui formaient avec Victor le Trio Natta, mais il s’agissait de sa femme et de sa sœur. De retour à Lyon, la saison débuta le 6 octobre 1892, sans nouveauté particulière, le public revit toutefois « avec grand plaisir la Fille mal gardée, M. Natta a déployé tout son savoir et a su mener à la victoire son bataillon de jeunes filles, bataillon qui certes ne doit être si facile à commander » (60). C’était le 5 janvier 1893, le jour même où naissait Angèle. Puis annoncée dans le cadre de « l’Exposition universelle, internationale et coloniale de Lyon en 1894 », mais dansée sans explication le 1er avril 1893 ce fut Sylvia de Delibes. Et le Bulletin officiel de l'Exposition d’écrire : « Le ravissant ballet en 3 actes, n’avait jamais été joué à Lyon, Gabrielle Monge se montre fort

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gracieuse dans le rôle de la nymphe, sa sœur ainée Louise Monge en travesti dans le personnage d'Aminta […] M. Natta est un Orion plein de fougue, et Mlle Tosi, d'une correction toujours irréprochable au point de vue chorégraphique. Personnel nombreux avec élèves école de danse » (61). Sur le papier, le ballet partageait l’affiche avec les 4 actes de Mignon de Thomas, on sait manger à Lyon, mais pour éviter le cholestérol, vit-on Sylvia dans une version allégée ? La saison terminée, recruté par Eugène Bonnardel, le Trio Natta parut du 29 mai au 4 juin à l’Éden-Concert de StEtienne dans Autour du globe, ballet de Louis Gérin, professeur au Conservatoire de Lyon. On parla d’un divertissement à transformations, de danses cosmopolites. Du 17 juin au 19 juillet, le trio retrouva le Palais de Cristal avec Autour du globe, puis Jean-Jean, ballet de Raoul Schubert créé le 27 juin et sans doute imité de Jean-Jean ou les Bonnes d'enfants (1824) d’Alexis Blache, l’un des fils de Jean‑Baptiste Blache. « D'une force vraiment surprenante », ce fut ensuite l’Olympia du 7 au 28 septembre, et toujours à Paris du 30 au 2 octobre, BaTa-Clan acquis par Paulus, que Victor avait connu à l’Éden. Reprenant à Lyon le 13 octobre 1893 avec les mêmes artistes, le 16 on redonna le Meunier de Luigini. On apprendra alors que le ballet était cette fois calqué sur les Meuniers de Jean-Baptiste Blache. « L'enfant chéri de nos provinces » l’avait créé à Montpellier en 1787 et encore sous le bordelais Henri Justamant, en clair de 1858 à 1861, les Meuniers clôturaient à Lyon les spectacles dominicaux réservés au public populaire. Et Francis d’ajouter : « À cette époque le ballet comique était en grande vogue et mettait en liesse les spectateurs. Mais les temps ont changé, quelles que soient la vigueur et l’agilité que déploie M. Natta, il reste dans ces exercices bien inférieurs aux acrobates de profession » (62). Le 26 décembre, ce fut la Reine des blanchisseuses, ballet d’Eugène Fournier, musique d’Eustache Miquel. Puis Arlequin écolier, de Luigini le 4 avril et enfin, le 17 avril, le Voyage de Suzette, opérette à grand spectacle de Levasseur : « Les ballets sont nombreux, et quelquesuns sont d'une longueur démesurée, on pourrait les abréger sans inconvénient car s'il faut des ballets pas trop n’en faut » (63) écrira Francis, pour qui rien n’allait jamais. La saison s’acheva sur un bilan de 148 représentations, 17 opéras, 7 opéras comiques, 4 ballets : 9 représentations pour la Fille mal gardée, 8 pour le Meunier, 3 pour la Reine des blanchisseuses, 2 pour Arlequin écolier. « Nous apprenons que M. Natta notre chef de ballet, est engagé au Grand-Théâtre de Marseille ». Mais avant, donnés comme les danseurs cosmopolites du Kursaal de Genève, de la mi-mai au 5 juin le Trio Natta passa à l’Éden-Concert de Montpellier, puis


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du 25 août au 2 septembre au Casino des Arts de Lyon : « Superbe, Natta a fait une création ravissante, nouvelle, gracieuse. C'est un de nos succès de la saison » (64) dira Le Nouveau Lyon. Enfin, le 14 octobre 1894, sous Ferdinand Mobisson, Victor commença à Marseille par les Huguenots et les débuts soumis à une commission municipale, qui refusa la 1ère danseuse Elisa Rivolta contre le vœu unanime du public. Venant de la Monnaie de Bruxelles, elle avait aussi dansé à l’Éden. Le 26 octobre, le public clamant « À bas la commission ! », la police fit évacuer la salle pendant Guillaume Tell, et plus tard, Rivolta confia : « Le public est bon, parce qu’il est juste. Je le remercie. Mais je n'incrimine qu’à demi les membres de la commission qui m’ont exécutée. Ils se sont laissé circonvenir par le maître de ballet, qui ne me pardonne pas d’avoir été engagée par M. Mobisson et non par lui. Il a dit à ces Messieurs que je suis sans talent, que je ne me peigne jamais, que mes costumes sont d’une propreté douteuse... » (65). Pour l’anecdote, notons que les solistes de la danse et du chant étaient partout engagés avec leurs costumes personnels. À Marseille, ceux du ballet et du chœur étaient loués chez Roise, costumier phocéen qui fournissait entre autres le Casino de Biarritz. En 1877, pour Coppélia (1870) ballet de Delibes et Arthur-Saint-Léon reproduit le 3 janvier par Lamy, Charles Roize en avait créé de frais et pimpants. Depuis, ils n’avaient pas servi à Marseille, et l’affiche n’annonçant pas de costumes neufs, sans doute est-ce ceux qu’utilisa Victor 17 ans après. En attendant, Rivolta ayant eu droit le 28 octobre à un 4ème début dans la Nuit de Walpurgis du Faust de Gounod, elle ne fit pas ses malles et dansa les divertissements obligés, puis Coppélia, joué en entier le 6 décembre sans écho spécial après Werther de Massenet. Ensuite comme au palais Garnier le 2ème acte servit d’appoint aux

opéras, à l’exemple du divertissement du Cid de Massenet donné le 4 janvier 1895 et dans lequel Rivolta et Victor firent « assaut de verve et de bravoure ». Le 5 février naquit Florine. Puis « afin de pouvoir monter quelques grands ballets avant la fin de la saison », Mobisson engagea Mlle Salmoiraghi, dont le prénom resta en Italie. Elle débuta le 5 avril dans la Fille mal gardée, « grand ballet en 2 actes et 4 tableaux dans lequel M. Natta a, dit‑on, fait des merveilles » (66). Nulle ne les évoquera et le 10 mai Victor fit ses Adieux aux massaliotes. Le Trio Natta se produisit toutefois le 12 lors d’un gala à l’Alcazar, haut-lieu de la pantomime, puis du 2 juin au 13 juillet, Victor retrouvant sa ville natale, le Casino de Toulon afficha le Ballet Natta dans : la Fille mal gardée, Callirhoë, le Marin, Jean-Jean et le Roman comique. Plus tard en août, seul le Trio Natta sera salué à Bordeaux au Casino des Lilas, puis à Paris aux Ambassadeurs du 2 au 8 octobre. La suite nous permet un gain de place, car en 1895-96 le trio ne fit qu’une apparition à Marseille au Casino de la Plage du 26 juillet au 13 août 1896, avant de nous laisser deux ans sans nouvelle. C’est néanmoins à cette époque qu’une danse russe de Victor et une écossaise exécutée à priori par sa sœur et sa femme furent filmées en Italie pour le compte des frères Lumière. « Plus acclamé que jamais », le trio reparut au Casino de Toulon du 1er au 10 septembre 1898, puis à l’Alcazar de Marseille du 14 au 22 septembre et en octobre au Casino de Nîmes, où on lira que « toujours en forme grâce à un travail continuel, l’ancien et regretté maître de ballet du Grand-Théâtre de Lyon est accompagné de deux ballerines, qui sont sa femme et sa sœur »  (67). Toujours en octobre, Victor, Amalia et Angela passèrent au Casino de Reims, à l’Éden-Théâtre de St-Etienne du 6 au 11 novembre 1898, puis ce sera pour nous l’inconnu jusqu’en octobre 1899. Engagé par Jean Castex, Victor était alors 1er danseur et maître de ballet au Grand-Théâtre de Bordeaux. « En homme de savoir et d'expérience », à 37 ans il succédait à Lamy, mais naguère si brillante, « la première école, le premier ballet du monde » (68) était bien dégénéré. En effet, les dames du ballet n’avaient plus de «  partners  », et comme ailleurs, il avait fallu recruter la crème de la troupe en Italie. Ainsi après admission par une commission, Leonide Staccioni, Angelina Gini et Angiolina Bertoglio, travesti, furent les principales interprètes de Victor qui pourra aussi compter sur le régisseur de scène, André Girard pour les rôles mimes. La saison débuta le 5 octobre par les Huguenots et dénombra 19 autres opéras dont Cendrillon de Massenet, le 6 décembre 1899. Après son succès en mai à l’Opéra-comique, dans la chorégraphie de Mariquita, Victor était le premier à régler

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Le Palais de Cristal Elisa Rivolta, photo Chalot Danse russe (Catalogue Lumière)

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••• les Mandores et autre Rigaudon du roy en province. Il le fit « très habilement » avant la Fille mal gardée, qui passa le 25 janvier 1900. C’était le seul ballet de la saison, La Petite Gironde écrivit : « M. Natta s’était révélé au public bordelais comme un bon maître de ballet, réglant avec goût les divertissements ; il vient maintenant de se montrer virtuose de la danse, d'une vigueur et d’un entrain merveilleux, léger et hardi, souple et fort, et il a remporté, dans la Fille mal gardée qu’il a eu la bonne idée de ressusciter, un vertigineux succès. Que les vieux amateurs, qui parlent souvent des gloires du ballet bordelais d'autrefois, aillent voir bondir et tournoyer sur la scène M. Natta ; ils seront émus, se croiront rajeunis d'un demi-siècle et plus. Et à côté de M. Natta, ils applaudiront aussi Mlle Staccioni, soit seule, exécutant ses pointes avec cette précision, cette maîtrise qui la classent ballerine de premier ordre, soit avec son maître de ballet, dans des poses et des variations où surgissent toutes les ressources de l’art chorégraphique. […] Si l’on aime encore le ballet à Bordeaux, on ira voir la Fille mal gardée ! » (69). Après avoir « soulevé l’enthousiasme général par ses intrépides pirouettes et son vigoureux talent », le 4 mai Victor fit ses Adieux dans le Cid. On le retrouvera en trio du 3 au 7 juillet au Casino de Nîmes, puis du 4 au 14 août à Bordeaux au Casino des Lilas, enfin au Grand-Théâtre de Genève comme 1er danseur et maître de ballet. La saison ouvrit le 5 octobre 1900 par les Huguenots, donnant lieu à des scènes de désordres, car avec la suppression des débuts le public manifesta vivement ses impressions à l’égard des artistes recrutés par Marius Poncet que Victor avait connu à Lyon. Ainsi le ballet fut-il copieusement hué : « Il est vrai qu’il est assez piteux cette année. Mlle [Pepina] Tognoli danse réellement, le reste piétine » (70) dira Le Journal de Genève, bête noire du ballet avant de convenir que Victor avait été fort applaudi dans Guillaume Tell et que la Juive était « mieux réglée et dansée que d’habitude ». Néanmoins comme chaque soir la Juive se termina sous les cris de démission à l’adresse de Poncet. Lequel après des scènes d’émeutes réprimées

Armide, photo Paris qui Chante

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par la police et une pétition demandant la résiliation de certains artistes, congédia huit chanteurs et une danseuse. Les nouveaux parurent plus mauvais encore et les protestations reprirent. Mais le public fit fête à Angelina Gini et l’on s’en tiendra là. Le Meunier fut le premier ballet qu’offrit Victor en novembre : « Nous avons eu la primeur d’un ballet comique, où l’on voit un superbe moulin à vent qui marche tout seul. Les danses de ce ballet d’Alexandre Luigini sont d’une musique agréable et le scénario arrangé par M. Natta sur une ancienne pièce serait assez amusant s’il ne tombait pas trop souvent dans la parade et l’acrobatie. M. Natta s’y est montré bon gymnaste dans des exercices d’échelle et même dans une course en sac. Il danse aussi fort bien, mais le temps des danseurs est passé, on le voit bien à l’impatience du public quand ses exercices se prolongent trop » (71). Passé cet écho décrivant 113 ans plus tard ce que l’on connaît des Meuniers de Blache, avec « un art exquis » Victor régla les ballets de Rothomago (1862),

féerie à grand spectacle jouée du 29 décembre au 10 février 1901. Sans pouvoir être précis, entre le 13 et 17 février, naquit Laurent. Puis le 27 mars pour le bénéfice de Tognoli, c’est Lisette, ballet de Raoul Schubert qui vit le jour. Ayant quitté Genève, le 15 mai Victor ouvrit à Bordeaux la saison d’été du Casino des Quinconces avec Jean-Jean, puis le 22, « le gracieux corps de ballet si bien dirigé par M. Natta » créa le Printemps, du même Schubert. Le 26 lors d’un gala au profit l’hôpital suburbain des enfants, Victor et Marguerite Vincent, du Grand-Théâtre « se montrèrent, dans un pas de deux, celle-ci sa grâce vive et brillante ; celui-là sa souple vigueur, ses élans vertigineux » (72). Ensuite ce fut un gros succès pour Callirhoë, jusqu’au 24 juillet où la troupe reprit les Marins. Enfin le 2 août, on afficha, Autour du globe, fantaisie dansée par M. et Mme Natta et Giovanna Gianassi : « Un travail proprement stupéfiant » acclamé jusqu’à la création de Max, ballet d’Antoine ColoBonnet donné du 22 au 30 août. Ensuite avec femme et enfants, Victor retrouva Marseille.

Par suite de faillites successives, la ville avait décidé d’abandonner le système de la concession qui engageait le directeur sur ses propres deniers, pour tenter la régie directe avec Albert Vizentini. En outre, les débuts étaient supprimés, néanmoins après un mois ceux qui ne plaisaient pas étaient résiliés par une commission. La rentrée se fit le 11 octobre 1901 avec Manon de Massenet dont le ballet du Roy permit « d'admirer la grâce et la beauté du corps de ballet ». Sur le papier 16 danseuses, 8 coryphées parmi lesquels Mme Natta, et peut-être des messieurs. C’est toutefois le 15 dans Faust, « superbement réglé », qu’Antonietta Porro, 1ère danseuse étoile fut mise en évidence. Elle était secondée par Elena Colombo, 1ère danseuse double, et par trois danseuses demi-caractère, Livia Bigotti, Maria Calvi et Victorine Ghibaudi. Pour n’oublier personne, Eva Méry était travesti, mais c’est surtout Maria Calvi qu’on employa, tandis que Léon Darroz, régisseur du ballet tenait les rôles mimes. Outre les opéras, le 4 décembre « Natta, ce maître de la danse, […] qui nous présente des ensembles chorégraphiques irréprochables »  (73) reprit une Aventure de la Guimard, ballet d’Henri Cain et André Messager, créé par Mariquita aux fêtes officielles de Versailles le 1er octobre 1900, avant l’Opéra-Comique le 6 novembre. En résumé : abusé par un sergent recruteur, qui le fait boire et le grise, un amoureux sans le sou s’engage dans les gardes. Survient, « la reine de la danse », Madeleine Guimard, qui arrache au sergent l'engagement qu'elle déchire, permettant au jeune homme de retrouver l’élue de son cœur. Victor « su régler avec goût » ce petit tableau du Paris sous Louis XV dans lequel il tint le rôle du sergent, Porro celui de la Guimard, Ghibaudi et Calvi figurant les deux amoureux. Alors la presse se réveillant évoquera « les messieurs du corps de ballet » pour ne plus en reparler. Sans quoi, le 7 janvier 1902, « le distingué maître de danse, se tailla un joli succès » dans la Belle au Bois-dormant, féerie lyrique de Charles Silver créée à Marseille. Suivra la Fille mal gardée, « un ballet assez vieillot, où se sont fait remarquer Mme Porro et M. Natta, deux artistes d'une valeur incontestée »  (74) dixit La Vedette. Puis après les Globe-trotters, « prestigieux ballet » créé le 10 février au Palais de Cristal pour le bal-spectacle du Syndicat de la presse, en mars la municipalité décida que « Marseille aurait comme Milan son école de danse ». « L’excellent Natta vient d’en établir le budget et, dès ce printemps, les jeunes filles bien disposées seront initiées, par les soins de la ville, à la science du pas de quatre »  (75). Devenant une succursale du Conservatoire, elle ouvrit le 10 avril avec 24 élèves de 7 à 17 ans, dont 4 petits garçons, qui « au mois d'août de chaque année, subiront un examen en présence d’un jury nommé par le maire ». Toujours selon le communiqué, « les élèves toucheront des appointements


LA DANSE À BIARRITZ # 82 fixes, […] et ceux reconnus capables de faire partie du corps de ballet recevront l’augmentation du traitement prévu »  (76). Républicain progressiste, le maire JeanBaptiste Chanot entendait ainsi fournir le théâtre de « quadrilles autochtones ». Il restait à Victor cinq ans pour y parvenir et sans doute ses filles : Luisa, 12 ans, Angèle, 9 ans et Florine, 7 ans suivirent ses leçons. En attendant, les examens d’août, Victor termina la saison le 6 avril avec Coppélia. Puis sans faire parler de lui durant l’été, il reprit le 8 octobre 1902 avec la Juive sous la direction de Joël Fabre avec M. Pianazzi comme régisseur du ballet et danseur comique. Le 30 octobre Coppélia revint à l’affiche, Victor figurait Coppélius auprès de Porro (Swalnida) et de Calvi (Franz). Plus loin, 11 février 1903, ce fut la Maladetta (1893) ballet de Pedro Gailhard et Paul Vidal créé à l’Opéra par Joseph Hansen. « M. Natta tenait à sa réputation de ne nous présenter quelque chose de très bien ; il s'est acquitté généreusement de sa dette »  (77) lira-t-on avant le 14 février où il créa au Mont Ida, ballet de Louis Gérin pour le bal-spectacle de la presse. Sans rien de neuf, hormis signaler que dans Aïda, « le pas des négrillons, montra qu'on apprenait quelque chose à l'école de danse »  (78), la saison s’acheva le 7 avril. Mais du 28 août au 3 septembre, on retrouva le Trio Natta « dont la réputation est universelle » au Casino de Toulon. Sous le nom d’Opéra municipal et la direction d’Henri Valcourt, la rentrée eut lieu à Marseille le 8 octobre 1903 avec Sigurd de Reyer et Angelina Gini comme 1ère danseuse noble. Laquelle fut ensuite refusée par la commission, tout comme Livia Bigotti, qui lui succéda le 13 janvier 1904 dans Sylvia. Réglé par le bordelais Oscar Poigny, le ballet avait été vu à Marseille en 1896 et La Vedette attesta du temps passé : « Le ballet ne fut point aussi riche que nous l'espérions : le char de Bacchus, les décors, les corbeilles de fleurs tout cela nous parut bien défraîchi... Mlle Bigotti, gracieuse, mais trop froide, dansa gentiment »  (79). Le Petit Provençal sera plus exalté : « Mlle Bigotti, dont on avait pu déjà apprécier la grâce séduisante et le talent indiscutable, a remporté un chaleureux succès. Parfaite dans sa danse, elle a également conquis le public par sa mime expressive et charmante. Après cet excellent début, l’admission de cette élégante artiste ne saurait plus faire de doute ». Mais « par cinq non contre deux oui et deux bulletins blancs, elle fut blackboulée ». Rivalités de coulisses diront les uns, pour d’autres, c’était la suite d’une campagne payée en sa faveur. En tous cas, de son côté Victor pourra lire : « Nous ne marchanderons pas nos éloges à M. Natta, un maître de ballet, véritablement épris de son art. Dans Sylvia, il a été une fois de plus acclamé et c’est justice »  (80). Afin de calmer les esprits, le 6 février, Victor régla l’Entente cordiale, ballet allégorique

créé au bal-spectacle de la presse. Puis le 12 mars, Dounka, ballet russe de Luigini, soi-disant inédit. En fait, il avait été monté à Biarritz en septembre 1902 par Rita Papurello. Laquelle dirigeait à Marseille le ballet du Palace-Casino, pour dire que d’autres salles concurrençaient l’Opéra municipal, où la saison s’acheva le 4 avril. On retrouva Victor aux Arènes de Béziers pour Armide de Gluck donné devant 12.000 personnes les 28 et 31 août. Michel-Ange d’Alessandri devait régler les ballets, mais pour une raison ignorée Fernand Castelbon de Beauxhostes, le mécène du « Bayreuth français », les confia à Victor. La presse parisienne resta sur d’Alessandri ou les attribua au régisseur M. d'Herbilly, mais Le Petit Provençal confirme : « La partie chorégraphique, confiée au dernier moment à M. Natta, a été en tous points excellente et ce fut merveille de voir évoluer les [60] ballerines de Milan » (81). « Le Trio Natta est un numéro de premier ordre, parfait et élégant et qu’on n’a gère souvent l’occasion de voir sur une scène de musichall »  (82). Après un gala, le 16 septembre 1904 à l’Eldorado de Montpellier, Victor retrouva Marseille où les trois débuts avaient été rétablis. Ils confirmèrent Olga Mauri, Lucy Raulin et Pauline Charbonnel, travesti pour une saison 190405 qui débuta par les grands divertissements du répertoire lyrique dansés en lever de rideau ou en fin de soirée. Mais le 1er janvier 1905, Victor créa Écossais et Écossaises, ballet de Charles Silver, avant de reprendre Coppélia amputée ou non d’un acte. Puis le 4 février ce fut Black and Withe à la salle Prat pour le balspectacle de la presse. Enfin, cette fois intitulé les Meuniers et « soulevant les rires de la salle entière », le 16 mars « le ballet-bouffe » fut donné devant les élèves les plus méritantes des écoles communales de filles, qui n’étaient pas moins de 1.400. Le 30, la matinée fut réservée aux garçons. Sans quoi, la saison s’acheva le 18 avril, 36 opéras et 3 ballets avaient été joués, formant un total de 144 représentations. Ne pouvant rester inactif, même s’il donnait les leçons à l’école, et que le personnel rentrait bien avant l’ouverture du théâtre, sans doute Victor traita-t-il avec quelques villes d’eau. Nous savons seulement qu’il reprit à Marseille le 12 octobre 1905 avec Sigurd et en tête du ballet, Lucia Flemma, Elena Colombo et Jeanne Vandenesse, travesti. Luisa son aînée, appelée Louise, figurait à 15 ans

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La fille mal gardée, Le Théâtre Illustré

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parmi les 8 coryphées. Le lendemain, la troupe brava le ridicule du temps en dansant le 1er acte de Sylvia avant la Traviata, mais « agréables aux lorgnettes friandes », toutes furent reçues par la commission. « Il faut aller voir Javotte c’est tout à fait bien ! ». Créé simultanément le 3 décembre 1896 à Lyon par Jean Soyer de Tondeur et à Marseille le 1er janvier 1897 par Oscar Poigny, c’est le 10 décembre 1905 que Victor reprit Javotte, ballet champêtre de Jean-Louis Croze et SaintSaëns : « M. Natta en a admirablement bien régler les épisodes, dont quelquesuns obtinrent un grand succès. Il y a d’ailleurs contribué lui-même en réalisant un garde-champêtre qu'il contraint à des sauts, à des pirouettes fort drôles qui mirent le public en joie. Javotte, c’est Mlle Colombo, c’està-dire la légèreté même. […] Mlle Vandenesse, qui l'assiste, donne au paysan amoureux tout le charme de sa grâce calme et de son mélancolique sourire »  (83).

Les danseuses du roi Sisowath

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Le 19 janvier 1906, ce fut au tour de Callirhoë d’être réaffiché, alors que Victor apprenait sa nomination d’officier de l’Instruction publique. Puis, sans rien de neuf, le 11 avril vinrent les Adieux. « Le corps de ballet parfaitement discipliné évolua dans un parterre fleuri », mais ne partit pas en congés, car le 15 avril la 3ème Exposition coloniale ouvrit à Marseille, et le 14 juin la troupe dansa pour Sisowath 1er, roi du Cambodge. « Sa Majesté, admira, certes, les artistes qui se présentèrent sous la direction de M. Natta, le maître de ballet expert, mais le succès qu’obtinrent ses danseuses [dirigées par sa fille] inspira au roi un légitime sentiment de fierté »  (84). Sans écho sur ses activités estivales, Victor fit sa rentrée à Marseille, le 12 octobre 1906 avec la Juive et Alaa Scardovi admise à la place de Colombo. Le même soir, son épouse débuta au Théâtre du Gymnase, dans la Reine Clémentine du Barbe Bleu d’Offenbach. Notons par ailleurs qu’en raison de l’indisposition de Flemma et Vandenesse, le 8 novembre, Victor dansa le pas de deux des Huguenots avec Scardovi. Pour dire qu’à l’ordinaire Vandenesse exécutait les pas masculins et les portés. Le 15 suivant, Victor monta un ballet bucolique de Jules Deveux, que le phocéen François Ambrosiny, avait créé en mars à Genève. Intitulé Marion, les

premiers rôles étaient Scardovi (Marion), Mme Natta (Lucas) et Victor encore en garde-champêtre. Le 31 décembre, ce fut Bertrand et Bertrand, un ballet « n’engendrant pas la neurasthénie », mais non renseigné, à l’instar de Cornavaglia créé à la salle Prat, le 2 février 1907 pour le bal-spectacle de la presse. Puis Coppélia revint à l’affiche, et la saison se clôtura le 5 avril avec Faust. Toutefois Victor enchaîna au Palais de Cristal avec la Lune, un ballet posthume d'Edmond Audran, dont le livret était dû à Fernand Beissier. Deux fils de la Cannebière, que Victor honora le 13 avril avec en prime le loisir de lire dans Le Figaro : « La chorégraphie était excellemment réglée par Natta » (85). Sinon, engagé au Grand Cercle d'Aix-les-Bains alors que les ballets et divertissements étaient du ressort d'Alessandri, le 11 juillet, il créa le Retour, ballet de Félix Hesse, puis le 27 août pour Adelina Cammarano, Nedda de Bienvenu Molinetti, 2ème chef à Marseille. « Harmonieusement réglé par l'excellent maître Natta », qui tenait le rôle d’un valet poltron, on lira plus tard à Toulouse que le livret de Nedda dû à Charles Varigny appartenait « au genre du ballet-pantomime qui a toutes les faveurs du public populaire, en Italie et dans la région marseillaise »  (86). Avec Cammarano engagée par Valcourt, ainsi que Martha Brillanti et Laura Cerri, travesti, Victor reprit le 11 octobre 1907 à Marseille avec Javotte, puis le 26 novembre sans écho ce fut Cigale (1904), ballet d’Henri Cain et Massenet que Mariquita avait créé à l’Opéra-Comique. Enfin, le 1er février 1908, vint l’Idylle interrompue de Varigny et Molinetti, avec le chanteur, Fernand Baër changé en « Zambelli au grand pied » pour le bal-spectacle de la presse. Laquelle presse ne leva pas la jambe pour évoquer le départ de Victor. Mais alors que la saison était finie, le 19 avril ouvrit l’Exposition internationale des applications de l'électricité. C’eût été le lieu d’un ballet sortant de l’ordinaire, mais après la farandole de Mireille, de Gounod, les 20 et 25 mai on dansa Jean-Jean et les Meuniers. Toutefois engagé à Aix-les-Bains, le 5 septembre, Victor y créa Lison de Léon Jehin et le 14 Claironnette d’Eugène Berthol-Graivil et Henri Hirchmann. Notons que sa fille Louise faisait partie de la distribution et qu’il était en pourparlers avec le Théâtre khédivial du Caire. Il signa cependant à Toulouse, laissant Marseille à un jeune algérien de 26 ans, Charles Cifai, dit Céfail, élève de Joseph Cerri. Sous la concession des frères Édouard et Pierre-Raymond Broca, le Capitole frappa les trois coups le 15 octobre 1908 avec Guillaume Tell, mais La Dépêche, préférant attendre Faust « pour mieux apprécier la valeur du bataillon de M. Natta », lequel comptait Rachele Fabris, Jeanne et Delphine Ferraris, travesti et 16 dames. Ce n’est que le surlendemain que Bernard Fournez écrira : « Le ballet de M. Natta s'est


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présenté avec avantage dans la scène du Walpurgis. Mlle Fabris nerveuse et légère, a pirouetté avec élégance et virtuosité. À la consultation, quelques sifflets stridents ont traversé les applaudissements, tandis que les évolutions des maturités ultra-plantureuses des sœurs Ferraris ne rencontrèrent que des bravos. Pourquoi ? Il y a dans l'art chorégraphique des mystères qui échappent toujours aux profanes. Les profanes, dont je suis, auraient réservé leurs applaudissements à Mlle Fabris. Dans l'ensemble, le ballet a paru coquettement réglé »  (87). Notons que Fournez n’escamotera jamais la danse, même dans les opéras, c’était rare. Mais ne pouvant tout rapporter, nous nous en tiendrons aux ballets, en signalant que dès son arrivée, Victor donna au théâtre des leçons gratuites pour les demoiselles de 15 à 18 ans. Ceci officiellement, car outre son fils, entre 1910 et 1912, il aura pour élève Pierre Conté, danseur, chorégraphe, théoricien du mouvement qui publiera son propre système d’écriture en 1931. Pour l’heure, couplée avec Lakmé, de Delibes, la Fille mal gardée fut donnée d’entrée le 19 novembre 1908. Alors qu’elle avait été jugée incompréhensible à Paris en 1886, « le sujet n'a rien de compliqué » dira Fournez avant d’en faire part, tel que nous le connaissons aujourd’hui, mais surtout d’insister sur le renom de la pantomime marseillaise chère au public de l’Alcazar où Charles Deburau « l’inimitable Pierrot » avait fait des émules nommés Louis Rouffe et Séverin : « La Fille mal gardée est un de ces nombreux ballets pantomimes dans le genre qui fait la joie des marseillais. M. Natta, qui séjourna longtemps à Marseille, nous apporte l'école phocéenne ». Au vrai, la comédie-villageoise créée à Bordeaux en 1789 avait peu à voir avec les canevas et les personnages de la comédie italienne. À travers Dauberval et ses héritiers, elle appartenait plutôt à l’école bordelaise où la pantomime était aussi

en faveur. Ainsi Charles Deburau engagé en 1863 à l’Alcazar de Bordeaux, dont la façade était ornée des bustes de Colombine et Pierrot, s’y était fixé deux ans avant de s’établir à l’Alcazar de Marseille de 1867 à 1871. Ensuite, il revint à Bordeaux, où il mourra en 1873. Mais avant, il appela Louis Rouffe qu’il avait formé pour lui succéder. Ce dernier retournera à Marseille en juin 1874, toutefois jusqu’à sa mort en 1885, sa troupe passera par la Gironde tandis que Séverin son élève depuis 1879 sera plusieurs fois la vedette des Bouffes-Bordelais et des Quinconces où il partagea la scène avec Victor dans JeanJean et Pauvre Pierrot  ! en mai 1901. Dans le même temps, avec Antonio Pascual, Cadier, Florian ou Pitoiset, Bordeaux avait ses propres Pierrots, pour dire que la pantomime marseillaise avait une rivale ignorée de Fournez. Mais là où les échos sur la chorégraphie étaient inexistants, il écrira sur la Fille mal gardée : « La nouveauté [des] combinaisons chorégraphiques [de M. Natta] nous avait déjà frappé à plusieurs reprises. Hier, son ingéniosité apparut manifeste dans les grands ensembles de son nouveau ballet. Il y a là des combinaisons de bouquets, des corbeilles animées, des massifs de fleurs qui se rassemblent et puis, brusquement, s'éparpillent, d'un pittoresque tout à fait gracieux. M. Natta est, en outre, un virtuose : il pirouette comme Mlle Fabris elle-même » (88). Le 8 janvier 1909 « la troupe bien exercée » dansa Nedda de Molinetti, puis le 2 février ce fut Almenia, ballet avec odalisques et almées que Joseph Belloni avait créé à Bordeaux en 1907 sur une musique de Laurent Luigini, cousin d’Alexandre Luigini. Enfin le 30 mars, Victor reprit Marion de Deveux, mais Fournez ayant laissé sa rubrique à Paul Labordère, on revint aux plates considérations sur la danse, et ce en pleine déconfiture. Car ne pouvant payer le personnel, le 13 avril les frères Brocca furent déclarés en faillite. Sauf un conseiller municipal partisan de supprimer la subvention d’une salle « où décors, rideau, plancher et matériel tombaient en ruines », la ville décida de l’augmenter et déclara la concession ouverte. En attendant, le 15 avril, après les Adieux, Victor rejoignit le Théâtre de Carcassonne pour la saison de Pâques. En tête de la troupe figuraient Fabris, Sacchi et sa fille Louise, que l’on reverra le 23 mai à Toulouse dans Samson et Dalila de Saint-Saëns joué au Théâtre de la Nature du Ramier. Mais le 13 juin, retenues au dernier moment à Carcassonne, elles ne paraîtront pas à Toulouse dans Carmen : « c'est à peine si on s'en est aperçu » glissa Labordère, avant que Victor ne rejoigne le Kursaal de Cabourg où le 19 septembre triompha Claironnette avec Sacchi, Vandenesse, mais aussi Louise et Angèle Natta « artistes de grand avenir ».

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Lison, partition Foyer de la danse du Capitole

Sous la direction de Roger Olive et Roger Cambot, Victor rentra au Capitole le 19 octobre 1909, avec sa femme comme régisseur de la danse, ses filles Louise et Angèle dans le ballet et pour principales interprètes : Amelia Costa, Sacchi, Vandenesse qui plurent dans la Juive mais ne seront admises qu’après Faust le 28. Le toulousain Paul Vidal dirigeant sa partition, Zino-Zina fut le premier ballet joué le 8 décembre. Sur un livret de Jean Richepin, il avait été créé par Emma Sandrini, de l’Opéra, le 1er août 1906 chez le comte de Clermont-Tonnerre à Maisons-Laffitte. On parla « d’un coup de maître » et Sandrini le remonta à Monaco en décembre. Depuis, il dormait dans les tiroirs, Victor le remit en scène « avec sa sûreté de goût habituelle ». Ne chômant pas, le 16 décembre, en garde-champêtre, il reprit Javotte, puis Claironnette le 2 février 1910. Le 25 ce fut Quo vadis ? opéra de Nouguès, où faute de danseurs, il mêla aux « exquises trouvailles » de ses groupes féminins « deux athlètes aux biceps rebondis ». Le

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Théâtre des Variétés

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29 mars, il reprit Marion, avant les Adieux du 19 avril où toutes ses interprètes furent comblées de fleurs. Mais avec celles qui étaient libres et des supplémentaires dont la 1ère danseuse Ida Cecchini, « l'habile maestro » régla les ballets du Tour du Monde en 80 jours donnés du 6 au 22 mai. Le 16 juin, le Cinéma Pathé projeta la Miniature de Michel Carré : « Le ballet est réglé et joué par M. et Mlles Natta, artistes de notre ville, aussi talentueux que modestes » (89) dira La Dépêche. En juilletaoût, Victor se rendit à Cabourg pour la saison du nouveau Casino. À son épouse, mime et régisseur du ballet, s’ajoutaient Sacchi, Cammarano, Vandenesse, Louise et Angèle parmi les 16 dames, lesquelles entre opéras et opérettes, dansèrent Marion, Claironnette et Fantaisie Louis XV, créée le 22 août sur une musique de Fernand Lemaire.

le goût du public, de faire l'éducation artistique du peuple ; Considérant que dans un régime démocratique surtout il importe de puiser dans l'enseignement oral et visuel du Beau, les sentiments d'esthétique qui élèvent et éduquent ; Considérant que les scènes lyriques font vivre des familles nombreuses qui ne trouvent qu'en elles leurs moyens d'existence ; Considérant que les théâtres alimentent le commerce en provoquant les déplacements et l'extériorité de la vie ; la municipalité émet le vœu que l'État, qui subventionne si largement les scènes de la capitale, vienne efficacement, généreusement en aide aux théâtres de province, en leur donnant les subventions nécessaires pour leur permettre de vivre, de faire œuvre artistique et décentralisatrice » (93).

Le 18 octobre 1910, sous la direction de François Cazelles, Victor fit sa rentrée au Capitole avec les Huguenots. Le ballet conduit par Elena Colombo, Sacchi et Vandenesse parut fort bien réglé : « Jeunesse, grâce et discipline. Bravo Natta ! » (90) nota Fournez de retour, avant d’apprécier Callirhoë le 17 novembre : « Natta nous a servi son grand jeu. Toujours classique dans l'ensemble, sa chorégraphie ne dédaigne pas cependant parfois les audaces acrobatiques à la mode du jour »  (91). Le 11 janvier 1911, Victor reprit Une Nuit de Carnaval dont M. Fac, le photographe des artistes, exposa les agrandissements dans sa vitrine. Puis, le 31 janvier ce fut Chez un sculpteur de Louis Reynaud dont Fournez ne dira mot. En revanche, Serenata, ballet de Raoul Sonnier créé le 3 mars, retint son attention et la nôtre, puisque Fournez évoque en résumé une pantomime mêlée de danses sur les infortunes du blanc Pierrot : « très expressivement mimée par Natta, lequel fut élevé à la grande école des mimes marseillais »  (92). Autrement dit, loin de Scala milanaise. Pour continuer, le 29 mars Victor reprit Lison, avant la clôture du 17 avril. En 24 semaines, on avait donné 158 représentations, 36 opéras et 6 ballets avec Coppélia donné une fois, malgré cela la saison se solda par un déficit considérable. Au reste, même si cet article est déjà bien long, la municipalité avait émis ce vœu en janvier :

Comme les années précédentes, Victor passa l’été à Cabourg, avant de rentrer à Toulouse, non pas au Capitole, où Jules Boyer avait engagé le bordelais Camille Laffont, mais aux Variétés. Avec Colombo, Sacchi, Vandenesse et 12 dames, il débuta le 30 septembre 1911 et ne régla que des opérettes à l’exception de Jean-Jean le 11 octobre. Puis remplacé par Emma de Consoli, il se rendit sur la Riviera pour signer les ballets au Casino de Cannes sous la direction de Camille Baron et au Palais du Soleil dirigé par James Morlay. À Cannes, avec Fabris et Vandenesse, il attaqua le 15 janvier 1912 par Coppélia, joué plusieurs fois entre les opéras jusqu’au 31 mars où il reprit Callirhoë avec Adelina Pozzi, Clotilde Marengo et Pauline Charbonnel, travesti avec lesquelles, il finit la saison le 30 avril. Son épouse était régisseur du ballet. Dans le même temps, au Palais du Soleil sis à Beausoleil, à la frontière de la Principauté, avec Fabris, Vandenesse et des artistes de la troupe monégasque que menait Saracco, il débuta le 5 janvier par la Nuit de Walpurgis, puis enchaîna du 11 au 17, six représentations de la Fille mal gardée, avec Sonia Pavlov notamment. Ce fut ensuite Autour du Globe, puis Une Nuit de Carnaval du 10 au 19 février. Après quoi, Max Viterbo, successeur de Morlay changea le Palais du Soleil en music-hall avec la Revue du Palais. Néanmoins Victor y reprit Jean-Jean, Marion et créa les Roses, ballet de Louis Reynaud le 1er avril.

« Considérant que partout l'exploitation de l'art théâtral lyrique devient de plus en plus difficile et entraîne tous les jours des dépenses plus lourdes pour les cités ; Considérant que devant l'effrayante disproportion des recettes et des dépenses, plusieurs grandes villes se verront peut-être dans la nécessité de fermer les portes de leur théâtre dans un avenir peu éloigné ; Considérant qu'il importe au plus haut degré de coopérer à la diffusion de l'art, d'assurer l'avenir de nos Conservatoires, de maintenir

« Le réputé maître de ballet » quitta ensuite la Riviera, mais avant, sans doute assista-til avec son fils Laurent, aux spectacles des Ballets russes de Serge Diaghilev donnés à Monaco du 8 avril au 5 mai, puisque sans s’étendre sur le sujet, Laurent prétendra avoir travaillé avec Vaslav Nijinski et reçut de lui le secret de sa technique saltatoire. Le 8 juillet, déclaré veuf et âgé de 79 ans, Lorenzo, le père de Victor décéda à Toulouse, au 33 rue Laganne, peut-être l’adresse familiale ? On ignore de même si Victor assista à l’inhumation, car avec


LA DANSE À BIARRITZ # 82 Pozzi, Marengo, Charbonnel, travesti et 12 dames parmi lesquelles Angèle et Louise, il était à Cabourg. La troupe ouvrit le 13 juillet avec les Cloches de Corneville, mais c’est dans Marion que le public eut « l'heureuse surprise d'un pas comique, dansé par Angèle et son père », tandis qu’on applaudira Callirhoë, Fantaisie Louis XV et d’autres titres avant les Adieux fin août. Faute d’en savoir plus, avec les mêmes solistes, Victor reprit le 19 décembre 1912 à Cannes, où après Coppélia, passa Lydia, de Louis Reynaud le 31 janvier 1913, puis le 21 février, Héro et Léandre, ballet mimodrame d’Alexandre Bloch et du pianiste Victor Staub. Ce n’était pas la première fois qu’on portait en scène les amours tragiques d’Héro, la prêtresse d’Aphrodite, déjà en 1799 Louis Milon en avait fait un ballet à l’Opéra, mais Le Littoral et L’Écho de Cannes n’auront que banalités à dire, quant au local de Comœdia, il fera dans le classique : « Un corps de ballet charmant, que commande M. Natta, vêtu — si on peut dire — de costumes extra légers du plus gracieux effet a évolué, un temps trop court, sous les yeux charmés » (94). On sait malgré tout que Callirhoë fut affiché le 2 avril, puis Javotte le 10, tandis qu’on lira le 3 mai : « Nous apprenons que M. Natta nous reste ». Le même soir, Tamara Karsavina et Nijinski dansaient le Lac des cygnes à Monaco. On revit ensuite « le sympathique maître de ballet » à Toulouse où le 1er juin il signa les danses d’Aïda au Théâtre de la Nature du Ramier. Rompant l’ordinaire, c’est au High-Life Casino de Dinard qu’il passa l’été avec Pozzi, Marengo et Charbonnel toujours fidèles. On y « admira l'ingéniosité et le goût de M. Natta » dans Fantaisie Louis XV, Callirhoë, Lydia, etc., mais aussi le 9 août dans le Pacte diabolique, ballet du maestro Jaap Spaanderman, sur un livret du marquis de Montferrier dont on ne saura rien, la salle était élégante et il fallait bien nommer ceux qui s’y trouvait. Après Cabourg laissé en septembre, le 22 novembre 1913, Victor passa aux Variétés à Toulouse pour régler un « ballet très applaudi » dans le Prétendant, une opérette de son ami Louis Reynaud, chef de musique du 148 ème régiment d'infanterie, en garnison à Toulouse. Puis, il rejoignit Cannes, où parmi 31 œuvres lyriques, on retiendra la Veuve joyeuse, de Lehár le 7 janvier 1914 pour un quadrille excentrique dansé par « les trois sœurs Natta, qui eut les honneurs du bis ». Ainsi, Florine, 19 ans était entrée dans la carrière. Sinon, parmi les 6 ballets, le 18 décembre, ce fut Margot, puis le 22 janvier 1914, Elvya, de Georges Ricou et Eugène Picheran. En 1917, le 23 janvier sur un livret de Mariquita et du même Ricou, cette « idylle mimée et dansée » sera annoncée à Favart comme une œuvre nouvelle, Victor l’avait donc créée en premier. Toujours sur des airs de Picheran, le 17 février, Victor « mima et dansa à la perfection », un monomime de Joseph

Poncet intitulé Songe et mensonge. Puis le 21 mars, fraîchement nommé officier d'Académie, il régla au Cercle Nautique : Vous dansez, marquise de Gaston Lemaire : « quatre jeunes filles - délicieux marquis, exquises marquises - esquisseront le pas de Gavotte que mon ami Natta a réglé avec l'art et le talent qu'on lui connait. Ce sera une jolie évocation de danses anciennes » (95) dira le musicien. Tandis que dans un article sur la contrefaçon, Jean-Louis Croze nota : « Non ! Il n'y a pas d'office, ni de dépôt légal pour les combinaisons et trouvailles chorégraphiques. Mais il devrait exister, c'est au moyen du cinéma qu'il le faudrait établir. Sans compter que la mise, en scène d'un ballet étant la chose la plus délicate, la plus compliquée — et aussi la plus variable du monde – on constituerait avec le cinéma, d'admirables archives chorégraphiques. Les maîtres de ballet de province auraient ainsi très facilement la manière de Mme Mariquita, de MM Clustine, Staats, Saracco, Natta, etc., Il semble bien que le cinéma ait un " pas " à faire dans cette voie-là » (96). Le sujet tombe à pic, puisque le 5 avril, Victor reprit Djali, ballet oriental de Serge Basset et Georges Ménier créé par Mariquita à Favart le 5 juin 1913. L’on sait comment se faisait un ballet, mais rien n’est jamais dit sur la manière de le reproduire. Ainsi Mariquita envoya-t-elle quelqu’un ou bien la chorégraphie était-t-elle nouvelle ? Pour reprendre le cours, le 29 avril la troupe fit ses Adieux à Cannes, mais dans un but de décentralisation, une partie engagée par Paul Goyet, directeur du journal phocéen Theatra et des Galas-Theatra-Partout, enchaîna avec Carmen jouée à notre connaissance le 6 mai au Palais de Cristal, le 7 au Grand-Théâtre d’Aix, le 10 aux Arènes d’Arles, le 15 à Montpellier, le 17 aux Arènes des Amidonniers à Toulouse, le 23 au Théâtre de Bayonne et encore à Montpellier le 2 juin. C’est ensuite à Castres, fin juin, sous les arbres du Jardin du Mail que l’on retrouvera Victor dans Coppélia. Sacchi se détachait en Swanilda et tout laisse penser qu’elle était entourée de toulousaines, car l’orchestre du Capitole les accompagnait. Au reste, une fois la guerre déclarée les Natta s’établirent à Toulouse. Gaston Traverso successeur de Boyer démissionna. Quant à Camille Laffont, âgé de 66 ans, il s’était retiré près d’Arcachon avant de reprendre du service à Bordeaux en 1917. Le Capitole resta fermé jusqu’au 9 décembre 1914, date où réunis en Société les artistes non-mobilisés assurèrent la saison avec des spectacles souvent donnés au profit des œuvres de guerre. Victor ayant pris en charge les quinze danseuses, il créa ce jour-là, En marche, ballet militaire peut-être dû au maestro Henri Tartanac, en tous cas mené par Colombo et Mlles Natta. En clair, Louise qui se faisait à présent appelée Gina, puis Angèle et Florine. On les reverra le 19 dans la Favorite et d’autres opéras, mais aussi aux Variétés dans des opérettes.

S’agissant des ballets, retenons la reprise le 17 février 1915 de Globe-Trotter, « grand ballet d’actualité » pour les uns, « amalgame de danses de diverses nations, intelligemment réglé par M. Natta » pour les autres. Le 14 avril, un mois après Mariquita à Favart, ce fut Scènes alsaciennes de Massenet. Était-ce le même ballet patriotique ? Le 6 mai vint celui du Cid, pour lequel on demanda des enfants de 8 à 10 ans, puis le 31 la troupe joua la Fille du régiment de Donizetti au Cirque Théâtre Caton de Tarbes. On spécifiera alors que Victor avait fait la mise en scène, mais il semble qu’il les signait toutes. Le 19 juin au profit des ambulances italiennes, il donna un ballet franco-italien. Peut-être Poupées d'Italie, Joujoux de France déclaré à la Société des auteurs pour un spectacle à l’Apollo le 17 août, sans le nom du musicien, mais déjà donné le 8 août aux Arènes de Toulouse. Là où le 13 septembre « l'admirable corps de ballet » dansa En Marche et les Roses, avant de réinvestir le Capitole et les Variétés. Ceci sans congé montrant « le plus bel exemple de solidarité et dévouement ». La saison 1915-16 s’enchaîna de la même façon sans évocation de déficit. Au répertoire dansant s’ajouta Margot le 16 janvier 1916, les Pierreuses le 17 février et le 23 mars un spectacle patriotique, l'Épopée, paroles et musique de Tartanac. « Méritant des éloges pour sa mimique impressionnante dans la scène de la défense du drapeau » (97), Victor tenait le rôle du héros, Sylvain le Général. Le 10 avril au profit des Croix-Rouge françaises et italiennes, au cinéma Pathé, ses filles exécutèrent des danses anciennes de Georges Guiraud, l’organiste de StSernin. La saison s’acheva le 10 juin, mais dès le 1er juillet débutèrent les spectacles en plein air au Théâtre du Ramier. Ainsi, le 14 juillet devant « un parterre bleu de militaires », la troupe donna le Ballet des Nations, puis le 13 août, Pages de Hollande, du maestro Raymond Frécheville. La Dépêche, plus que lente nous apprendra alors qu’on lui devait aussi Margot et Poupées d'Italie, Joujoux de France. Même

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••• lieu, le 3 septembre 1916 ce fut Thaïs, puis s’enchaînèrent opéras et ballets au Capitole : Fantaisie Louis XV, Scènes alsaciennes, Coppélia et des opérettes aux Variétés. Et ceci jusqu’au 10 août 1917, où à 14h le Capitole prit feu : « L'administrateur de la Société des artistes du théâtre, M. Mestre, causait à ce moment dans son cabinet avec M. Natta. Ils s'entretenaient de la représentation organisée pour le 12 août. Leur surprise fut extrême, ils durent se rendre à l’évidence le feu était au logis. Ayant fait un paquet des papiers de l’administration, ils se retirèrent et les pompiers déjà prévenus commencèrent aussitôt leur besogne de sauvetage »  (98). Mais à 16h, il ne restait plus qu'un amas de

ruines du théâtre. Jusqu’au 3 septembre l’Association des artistes enchaîna les spectacles au Ramier, puis on annonça que la direction des Variétés représentée par Pierre Audoui s'attachait « pour toute la durée de la saison, M. Natta, maître de ballet, ainsi que ses gracieuses demoiselles si applaudies du public »  (99). En attendant, le 9 septembre, elles parurent dans Guillaume Tell aux Arènes de Bayonne. Jusqu’à la veille, le temps avait été menaçant et il y eut très peu de monde. « Le public a eu tort, et pour bien des raisons », nota La Gazette de Biarritz. « La première, c’est qu’il a fait un temps idéal, la seconde que la représentation a été fort

Théâtre du Capitole, 1917, photo Provost

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belle, la dernière enfin, c’est que les efforts courageux faits par certaines personnes pour donner du mouvement à la saison et pour réaliser des spectacles d’art, de beauté, méritent mieux que le désintéressement »  (100). Gaston Coste dirigeant l’orchestre, on dansa la Tyrolienne et le Pas de trois avec « un légitime succès », tandis que Jean-Baptiste André avait signé la mise en scène. Depuis 1908, il était le régisseur général du Casino municipal de Biarritz où le 13 après la Tosca, le divertissement de Lakmé, de Delibes « magistralement dansé par Mlles Natta » clôtura la soirée. Biarritz passait pour une des villes de France où l'espionnage sévissait le plus fort, mais on ne saura rien de plus, sauf que l’incendie du Capitole ayant mis la puce à l’oreille de la municipalité de Bayonne, le 16 septembre, les pompiers firent des exercices au théâtre « pour éprouver le bon fonctionnement du matériel et la force ascensionnelle de l’eau ». Les débuts de Victor aux Variétés eurent lieu le 13 octobre 1917 dans Rip de Planquette, plus tard le 27 vint la Mascotte d’Audran avec au 2ème acte, un ballet dans lequel parurent « la petite Nelly et le jeune Natta ». « Ils s'attirèrent d'unanimes bravos et M. Natta fils dont c'étaient les premiers pas sur la scène, reçut un très chaleureux accueil. Cela ne surprendra personne : il a de qui tenir » (101) lira-t-on. Laurent avait alors 16 ans, et outre les opérettes et une reprise de Jean-Jean, il créa ensuite avec ses sœurs Étudiants et Midinettes, le 9 février 1918, les Bayadères d'Ali de Louis Reynaud, le 11 avril et les Gentlemen’s, le 18 mai. Le 27 un gala donné au bénéfice paternel débuta par le monomime Songe et mensonge. Et, La Dépêche d’écrire : « Le nombreux public qui se pressait hier aux Variétés a permis à M. Natta de juger de l'estime où le tiennent les Toulousains. Le sympathique maître de ballet a affirmé au cours de nombreuses saisons un goût artistique très sûr servi par une science et une ingéniosité inépuisables. À l’hommage qu'on lui a rendu il faut associer Mlles Natta et M. Natta, fils qui se sont taillés, aux côtés de père " Pierrot " admirable d'expression et de vie, un très gros et très chaleureux succès » (102). Le 11 juin marqua la fin de la saison aux Variétés et les adieux du Ballet Natta, lequel avait créé la veille un ballet de Mary Escaffit, intitulé Mascarada. C’était au cinéma le Trianon, où le 23, Victor signa Fleurs de France. Puis le 14 juillet sur la scène de l’île du Ramier, ce fut Lakmé, avec au 2ème acte la Bayadère, ballet dansé par Gina et Florine. Enfin, le 31 août, la troupe se fit applaudir au Kursaal de Sète dans les Saltimbanques de Ganne. Notons que ladite troupe était réduite à quatre danseuses auxquelles s’ajoutaient Gina, Florine, Laurent et Victor qui à 56 ans dansait encore. Quant à Angèle, selon Amandine de Pérignon citée en ouverture :

« atteinte d’une maladie invalidante [elle] dû renoncer à sa carrière ». Il est un fait qu’elle quitta l’affiche en 1918. « Toujours à la hauteur de sa réputation », en octobre 1918, Victor entama une nouvelle saison aux Variétés mêlant opéras, opérettes et ballets. Évoquons Sigolène, ballet créé le 26 octobre 1918 et composé par Félix Fourdrain et son élève argentin Floro Ugarte. Puis après l’armistice, en pleine épidémie de grippe espagnole, la Demoiselle du printemps, opérette de Goublier, permit le 15 décembre d’applaudir dans un quadrille, Florine, Louise et Natta père et fils. Le 5 janvier 1919, The Quaker Girl, comédie musicale de Lionel Monckton ressuscita le Trio Natta, mais nous y reviendrons. En attendant, le 19 janvier ce fut Roulotte tzigane, ballet du maestro Jean Bascou et d’autres titres jusqu’à la clôture le 23 juin. Alors que se discutait la reconstruction du Capitole, les Variétés reprirent le 27 septembre 1919 avec les Andalouses, ballet non renseigné comme presque tous. Dans le même temps, Victor ouvrit avec sa fille Gina un cours de danse : 39 rue AlsaceLorraine. Se trouvait-là, les magasins de la Belle Fermière, mais aussi l’appartement familial. Suivra, le 18 octobre, Pepita, ballet de Louis Aurouze, directeur de l'Harmonie municipale de St-Jean-de-Luz et nous finirons par les Nymphes, ballet de Picheran créé le 26 avril 1920, lors d’une soirée au bénéfice de Victor : « Ce fut un délire : les bravos devinrent un trépignement, et les acclamations furent vociférées tandis que de tous les étages tombaient dru une pluie fleurie jonchant la scène, où des colombes enrubannées apportaient des messages d’admiration et où s’accumulaient les innombrables cadeaux d’amis enthousiasmés » (103). Après d’autres évènements, du 17 juin au 17 juillet le Trio Natta formé de Gina, Florine et Laurent parut aux Bouffes-Casino de Bordeaux dans une parodie de la Veuve joyeuse commentée par La Petite Gironde : « les Natta extraordinaires danseurs dans leur sketch, Dandys et dégrafées constituent un des plus beaux numéros de danse acrobatiques et artistiques » (104). Alors que Pierre Audoui était mort en juillet, ses frères Joseph et Georges rouvrirent les Variétés le 25 septembre avec la Mascotte et le Trio Natta. Puis le 15 octobre ce fut Faust : « Le corps de ballet a pris une agréable ampleur : huit ballerines au lieu de quatre ; avec toujours en tête la constellation resplendissante des Natta » (105). Mais c’est après Guillaume Tell, le 26 novembre qu’on lira : « Ballet éblouissant dansé par l'incomparable Trio Natta, dont un membre — si j'en crois la naissante rumeur — serait sur le point de nous être soufflé par Paris l'insatiable » (106). Il s’agissait de Laurent, lequel en attendant créa le 4 janvier 1921, Santuccia, ballet de Picheran, avant de reprendre Callirhoë, le 3 mars sans écho de La Dépêche qui se réveilla le 7 avril pour la soirée de bénéfice :


LA DANSE À BIARRITZ # 82 « Les quatre bénéficiaires mimèrent et dansèrent avec leur verve et leur virtuosité coutumières un charmant petit balletpantomime délicieusement écrit, pour la circonstance, par le très estimé maestro M. Picheran ». Joué avant la Mascotte, il ne sera pas nommé. Sans quoi « le succès de la fête fut étourdissant : ovations et rappels sans nombre : gerbes et corbeilles fastueuses ; souvenirs et cadeaux de toutes sortes » (107). À cette occasion, l’héliogravure et phototype toulousaines, édita une série de cartes postales figurant parmi les rares illustrations retrouvées. Le 28 mai, « le ballet lilliputien de M. Natta prêta son concours aux Fêtes de Toulouse », il s’agissait des élèves de Gina, laquelle déjà fiancée épousa le docteur Jean Sérié, le 7 juin. Le mariage fut célébré au Capitole, par Ernest Béluel, adjoint aux beaux-arts, puis dans l'église de St-Jérôme : « Trop étroite, elle était remplie d'une foule compacte, avide de contempler une dernière fois la charmante étoile qui disparaît de son ciel ». Et La Dépêche de poursuivre, « ce n'est pas sans une pointe de regret égoïste que nous adressons nos compliments et nos vœux aux jeunes époux et à la famille Natta, si étroitement unie, pour laquelle les Toulousains professent une sympathie universelle et une estime particulièrement flatteuse » (108). La saison étant close, le 24 juin, le Ballet Natta parut à Toulouse dans Jean-Jean aux Nouveautés, puis dans Carmen le 3 juillet à Gaillac-sur-Tarn et aux Arènes de Toulouse le 18 septembre. Montée en grade, Angèle Tourmyre dansait la Séguedille, tandis qu’avec Florine pour étoile, les danseuses étaient dix. Ayant cédé aux tentations de la capitale, Laurent avait quant à lui signé à La Cigale. « L’extraordinaire danseur » y débuta le 1er octobre dans Tu peux y aller !, revue de Georges de La Fouchardière, avec Régine Flory et d’autres vedettes : « M. Natta, par l'élégance de ses bonds et de ses virevoltes, s'est fait acclamer » (109) nota Jane CatulleMendès dans La Presse, tandis que Simone Heller du Chicago Tribune écrivait : « Natta danse intelligemment mais pourquoi essaie-t-il d'imiter Nijinsky quand il saute ? » (110). Française mariée à un américain, que voulait dire Simone Heller en tançant Laurent d’imiter Nijinski ? On n’en sait rien. Mais ne jurant que par le nouveau, peut-être Nijinski, dans les ténèbres depuis 1919, était-il pour elle déjà du passé. Son souvenir demeurait toutefois intact et le dernier cri était de comparer « les sauteurs » à l’illustre modèle. Ainsi de Robert Quinault à Gustave Ricaux en passant par Robert Roberty et d’autres, tous les hommes bondissants seront associés à l’artiste russe. « Il ne retombait pas ; il planait » (111) dira Gérard d’Houville du jeune dieu. À l’image du phocéen Antoine Paul, dit l’aérien, qui en 1820, « passait en l'air la trentième partie de sa vie », tel Victor accusé de sauter « à des hauteurs

démesurées », il y avait certainement quelque chose d'extraordinaire dans les bonds de Nijinski. Dans le même temps, il convient de dire que les fossoyeurs de la danse masculine, en clair les élites parisiennes, étaient en partie revenus sur leurs préjugés. Ainsi, devisant sur le succès des Ballets russes, Maurice Barrère écrira en 1909 : « En France il est devenu presque impossible, presque ridicule de présenter sur la scène un danseur, si bon soit-il. À Paris on ne le regarde même pas ; en province on rit, on le blague, on pousse de petits cris moqueurs. Et voilà que, soudain, toute la grande ville acclame les pirouettes (vertigineuses, éblouissantes, je l'avoue), mais décriées la veille encore, d'un jeune artiste : M. Nijinsky. Il n'est plus question que de lui » (112). Ce qui nous porte à évoquer ce que Bernard Mercier, élève de Laurent à Grenoble en 1957 dévoila dans un article en 2010 : « Laurent Natta a eu l'occasion de travailler avec Nijinsky quand ce dernier se trouvait à Paris, sans doute dans les années 1910 et suivantes, mais je n'ai pas retenu les dates exactes ». Rappelons qu’en 1910, Laurent était âgé de 9 ans, et que l’opportunité d’assister aux spectacles des Ballets russes lui fut offerte à Monaco en 1912 et 1913. Et Bernard Mercier, de spécifier que la technique saltatoire de Nijinski impliquait de ne pas poser les talons : « Pour bien comprendre ce que préconisait Nijinsky, soyons concret : il ne s'agit pas de discuter s'il faut ou non poser les talons. Mais plutôt décrivons le geste par lequel Nijinsky l'a fait comprendre à Laurent Natta. D'abord, il lui a demandé de lui donner la paire de chaussons qu'il avait aux pieds. Il est allé ensuite chercher deux punaises qu'il a enfoncées dans la semelle au niveau du talon, et lui a rendu ses chaussons en disant en mauvais français quelque chose comme " Maintenant tu peux danser ! ". Laurent Natta n'en fut pas trop surpris car il savait que ce procédé était connu des anciens maîtres de ballet, mais qu'ils ne l'utilisaient sans doute pas de façon systématique. Au lieu d'une punaise, c'était le plus souvent une pièce de monnaie fixée à l'intérieur du chausson à l'emplacement du talon. Par contre, ce qui l'avait vraiment étonné, c'était de voir Nijinsky y accorder une importance de tout premier plan, comme s'il considérait cette technique comme indispensable, fondamentale » (113).

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Angèle Natta

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Au vrai, punaises et monnaies relèvent à notre connaissance de la fantaisie, car interrogé sur le secret de ses sauts, Nijinski ne dira rien d’autre que : « Il n’y a qu’à s’élever en l’air, et puis on fait une petite pose là-haut » (114). En clair, ses envols étaient prolongés par des moments d’arrêts, ce que commandaient tous les maîtres, tous les dieux de la danse, à l’instar d’Auguste Vestris auquel Victor avait été associé à Lyon, et dont le père, Gaetano Vestris, aussi vaniteux que possible disait : « C'est par pitié pour ses camarades, que mon fils consent à toucher la terre » (115). Pour clore cette digression, Laurent dansa à La Cigale jusqu’au 5

Florine Natta

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décembre 1921, avant de disparaître, mais sans doute resta-t-il à Paname, puisqu’en avril 1922 on le dira venu de Paris avec « sa jeune et charmante femme pour ajouter en peu plus d'éclat à la soirée » au profit de son père. Laurent qui convolera trois fois, l’avait épousé à Toulouse le 22 février. Née dans la Cité des violettes, le 8 novembre 1901, elle s’appelait Marie-Thérèse Dauty. Avant leurs noces, ils formèrent le duo Natta, et ouvrirent à Biarritz, le 28 janvier 1922 la saison de music-hall du Casino municipal dans « leurs danses classiques ». On les reverra le 3 avril au gala paternel « dans une éblouissante fantaisie chorégraphique, dans le goût moderne ». Mais le clou sera le 2ème acte de Coppélia, « dansé par M. Natta, merveilleux de robustesse et de jeunesse éternelles et sa fille, Florine en plein épanouissement de talent et d'harmonieuse beauté » (116). Entre temps, Victor avait créé Chez la Marquise, le 9 décembre 1921, Étudiants et Grisettes, le 3 février 1922, les Réservistes, le 21 mars tandis que le 7 juin, trois élèves reprirent Dandys et Dégrafées. Des ballets dont les titres nous font dire que Victor n’était plus à la page, mais se dépensant sans compter au milieu des difficultés, il réussissait et la satisfaction des spectateurs en témoignait à chaque fois. La saison 1922-23, qui vit Laurent et son épouse passer au Casino d’Alger en octobre 1922, n’offrit rien de différent. Comme de coutume, elle fut marquée le 17 avril 1923 par une soirée à bénéfice durant laquelle, Victor par ses entrechats et ses pirouettes, prouva dans un ballet titré la Coquette qu’il était toujours alerte. À son succès, le public associa Florine, « sur le point de prendre sa retraite matrimoniale ». En effet, le 14 juillet 1923, elle épousa à Bestagno, Henry Meyrieux, agent commercial parisien. Mais avant, on évoquera la soirée du 22 mai où dans Poupées d'Italie, Joujoux de France, « joliment dansé par le corps de ballet, […] on acclama, une fois de plus, les élégantes et vertigineuses pirouettes » (117) de Laurent. On l’applaudit ensuite dans ses danses aux Nouveautés, puis le 24 juillet à Luchon lors d’une fête de nuit offerte dans le parc du Casino en l’honneur du Bey de Tunis. La saison d’après, sous Charles Céfail, il dansa en représentation à l’Opéra de Nice, tout en signant à 22 ans au Grand-Théâtre de Toulon comme maître de ballet et 1er danseur. Quant à son père, il reprit aux Variétés, qui annoncèrent un retour à la tradition en raison de la reconstruction du Capitole. Et, Georges Audoui d’expliquer qu’après avoir « joué par piété artistique au frère

aîné », c’est-à-dire en jouant des opéras, « il redevenait le benjamin, le petit théâtre populaire aux places bon marché » (118). Ainsi avec Éole Dormel comme étoile et 6 danseuses, Victor ne régla plus que des opérettes et des ballets faisant voir la vie en rose, comme Alphonse et Titine, le 28 décembre. Entre temps, le Capitole rouvrit le 6 novembre avec les Huguenots. On ignore si pour « récompense d'un long et méritoire travail accompli à Toulouse, d'un infatigable dévouement aux œuvres de charité et d'un attachement exemplaire au devoir professionnel » (119) Victor fut approché. Mais la place de maître de ballet échut au belge Pierre de Wandelaer. Dès lors, le 3 avril 1924 la soirée à bénéfice de Victor prit la forme d’un triomphe. Car le sachant sur le départ, « le public voulut attester avec plus de force que les années précédentes son attachement à un artiste favori, sa reconnaissance pour les plaisirs dus à ses talents ». Pour finir en beauté, Victor créa Val Demonio, ballet de Louis Reynaud, qui « témoigna que si les moyens lui avaient parfois manqué, il n'avait rien perdu de sa maîtrise ». En tête figuraient Tylda Amand, étoile à Bordeaux, Dormel et Laurent. Ensuite, sur des airs de Chopin orchestrés semble-t-il par Henri Combaux, le 28 juin il signa Vision à l’Olympia toulousain, puis le 3 août à la grotte du Mas-d’Azil en Ariège, il reprit les Nymphes de Picheran et créa « avec beaucoup d’originalité » Rêverie et Chant du soir sur des pages de Robert Schumann. Enfin, le 16 août, il se consacra une dernière fois aux fêtes de la ville en reconstituant la Cour des miracles d’après Victor Hugo au Grand-Rond à Toulouse. Puis laissant les Variétés à Elena Colombo, il rejoignit Nantes. Recruté par Georges Costes au titre de maître de ballet et 1er danseur, Victor débuta le 4 octobre 1924 au Théâtre Graslin par le divertissement d’Hérodiade de Massenet. Geneviève Denis, Henriette Bordes, Andrée Ravel, travesti et 12 dames l’entouraient et selon Paolo du Phare de la Loire : « Ce fut une première victoire ». On peine à le croire, car le danseur avait tout de même 62 ans. Mais ledit Paolo, qui avait aussi de la bouteille - à sa mort son fauteuil à Graslin portera les dates 1898-1933 - reviendra souvent sur les qualités de mime de Victor, sur « ses jarrets souples et nerveux » et ses talents de chorégraphe. Ainsi après Faust le 5 suivant, Paolo de son vrai nom Alexis Backmann, nota : « La Nuit du Walpurgis a été pour M. Natta l’occasion d’un début sensationnel. Il nous faut remonter loin dans nos souvenirs - jusqu’à Léopold Roux - pour y retrouver un divertissement chorégraphique ordonné et réglé avec autant de soin, de goût et nous dirions presque même de magnificence » (119). Au vrai, sous Léopold Roux, c’est-à-dire de 1885 à 1891, Paolo, représentant l’État danois, n’écrivait pas dans les journaux,


LA DANSE À BIARRITZ # 82 mais son devancier, Étienne Destranges témoigne : « Habile maître de ballet, danseur de goût, M. Roux, pendant son séjour parmi nous, a accompli de véritables prodiges »  (120). L’occasion étant donnée de le faire revivre, Léopold Roux était né à Marseille le 12 mai 1853 où il mourra le 2 juin 1902. Fils d’un sergent de la garde municipale, son maître qui « inculquait l'art chorégraphique à l'aide de nombreux et généreux coups d'archet » était Xavier Hus. Élève de l’Opéra, ex‑maître des ballets des théâtres d'Autriche, d'Italie, d'Angleterre et de Marseille, Hus enseigna au Grand-Théâtre ou en ville de 1839 à sa mort en 1886. Quant à Léopold, engagé à Marseille à 14 ans, au décès de son père en 1870, il laissa la danse pour le chant, puis redevint danseur et maître de ballet en divers lieux jusqu’à son service militaire en juin 1879. Selon le tirage au sort, le temps de régiment était de 5 ans ou 1 an. Sous les ordres du colonel Francis Pittié, dont il devint le secrétaire, Léopold fut libéré en 1880 et rejoignit comme danseur et maître de ballet la troupe de Louis Rouffe à l’Alcazar de Marseille. En 1882, alors que la troupe s’était installée à l’Alcazar de Béziers, Léopold épousa le 29 juillet, Josefa Juratovitch Smetbaba. Née le 15 mars 1860 à Jaska (Croatie), puis adoptée par le gymnasiarque moldave Smetbaba, mort à Marseille en 1881, Joséphine Roux sera 1ère danseuse demi-caractère à Nantes, où naîtra Yvonne le 8 mai 1889. Pour revenir à Victor, Coppélia fut le premier ballet offert aux nantais le 11 novembre, suivra le 16 février 1925, Poupées d'Italie, Jouets de France : « un véritable triomphe ». Mais retenons le Freischütz de Weber, puisque le 28 février, Victor régla l’Invitation à la valse orchestrée par Berlioz comme l’avait fait le marseillais Joseph Mazilier à l’Opéra en 1841. Le 1er mars ce fut Fantaisie Louis XV, puis le 5 sur un livret de Pierre Jobbé-Duval, Siang-Sin, ballet de Georges Hüe que Léo Staats avait créé un an avant à l’Opéra. Sous les yeux du musicien « trainé en scène pour y récolter une ovation » Victor figurait l’Empereur et lira dans Le Phare de la Loire : « M. Natta a eu enfin l’occasion de nous dévoiler là toutes les ressources de son art » (121). Le 3 avril la troupe fit ses Adieux dans la Favorite et reprit le 6 octobre 1925 avec Manon. Que fit Victor entre temps ? On l’ignore, mais son fils qui avait passé la saison à Grenoble signa à Montpellier et lorsque Victor rentra à Nantes la direction d’une « École municipale de danseuses » s’ajouta à ses fonctions. Sur proposition de Gaston Veil, adjoint aux beaux-arts, la subvention fut votée le 25 septembre à l'unanimité, « moins les voix socialistes ». On aurait aimé connaître l’avis des opposants à une école qui devait « faciliter le recrutement d’un personnel chorégraphique devenant de plus en plus malaisé ». Plus tard, Pierre Lamblin de L'Ouest-Éclair lui consacra un reportage dont voici un extrait :

« Il nous a paru intéressant de voir et de dire ce qu'est cette classe municipale de chorégraphie qui souleva tant de commentaires parfois si désobligeants. Des légendes souvent absurdes s'accréditent on ne sait pourquoi et deviennent des préjugés sans fondement. Il ne viendrait pas à l'esprit de trouver ridicule une équipe de gymnastes se livrant à des exercices de force ou de souplesse, mais si ces gymnastes sont des jeunes filles apprenant la danse pour le théâtre on sourit d'un air entendu et des gens sottement pudibonds s'émeuvent. Au cours d'une enquête il nous a été donné d'entendre les explications d'un homme éminemment simple et bon qui se double d'un artiste probe, consciencieux, convaincu. […] Mais voici M. Natta. Deux yeux extraordinaires qui paraissent terribles, auxquels une bouche qui rit parfois donne un démenti. Le geste éloquent, large, persuasif. Si son destin ne l'avait fait maître de danse, M. Natta eut été tribun. Songez, me dit-t-il, songez qu'il faut au moins cinq ans pour faire un sujet intéressant. Cinq ans de bonne volonté, d'endurance à la fois physique et morale, cinq ans de théorie et d'exercices gradués. Le public est loin de se douter. Justement, il faut le dire. Il faut un travail soutenu, permanent pour développer et conserver ensuite la souplesse des muscles et des articulations. Un docteur ayant entrepris une enquête analogue à la vôtre, voulut se rendre compte scientifiquement de la dépense physique fait par une danseuse au cours d'une seule séance d'entraînement. Eh bien, il a obtenu cette certitude qu'une élève danseuse, en une heure d'exercice dépense plus d'énergie qu'un ouvrier en huit heures de travail. […] Je demande à la petite Lucienne S. Il a l'air bien méchant, M. Natta ! Oh non, Monsieur, on croirait, parce qu'il parle fort, mais il est très doux et il apprend si bien. Mais la baguette sur le parquet sonne un ralliement précipité, impératif » (122). Outre les opéras, avec Henriette Bordes passée 1ère danseuse et Andrée Dyncourt, travesti le 25 octobre 1925 Victor fit « valoir ses qualités d’invention » en reprenant Vision, tandis que le 17 décembre, il y mit en scène son personnel et ses élèves dans l’Africaine de Meyerbeer, puis le 18 février 1926 dans les Nymphes où l’on

h

Laurent Natta, photo J. Rosa, 1924

••• 26 37


LA DANSE À BIARRITZ # 82

••• g i Georges Razigade, 1918 ii

Tombe de Laurent Natta en Isère a Burcin

Gina, Victor, Florine, Laurent Natta photo Provost, 1921

applaudira « ses jarrets toujours souples et vigoureux ». Sinon, le 10 juin eut lieu le 1er examen de l’école. Veil, l’adjoint aux beaux-arts, présidait un jury de notables, dont les seules expertes étaient Jeanne Lapoutge, maîtresse de ballet à Tours et sa sœur Marguerite. Mais « l’on demeura étonné et émerveillé des résultats obtenus au bout de quelques mois, par l’habile maître de danse, assisté parfois dans son travail par une épouse dévouée » (123). De fait, 4 élèves entrèrent dans la troupe, néanmoins le 14 juillet lors du Festival de la place de la Duchesse-Anne, toutes participèrent au quadrille, les Clodoches. Recruté par Louis Maillard, Victor était au Casino de Royan depuis le 1er juillet où entre opérettes, opéras et son répertoire, il créa les Trois couleurs, ballet de Maurice Babin. On parle d’une suite française, que l’on imagine en bleu, blanc, rouge, puisque c’était aussi le 14 juillet à Royan. Sinon, le 5 août sur des airs américains mêlés à Massenet, ce fut Sports, ballet où Mlles Lorenzi et Cazalis pratiquaient le golf, tandis que « les dames du ballet jouaient à la balle, sautaient à la corde ou même arpentaient en zigzags la scène à bicyclette ». Que faisait le 1er danseur Robert Dawson ? on l’ignore. Enfin, le 19 août, pour la première fois en province, en présence du maestro, ce fut Monsieur Beaucaire, opérette de Messager avec son Menuet des roses et sa Pastorale, tirée de Une Aventure de la Guimard. Fin septembre, Victor retrouva Nantes, tandis que son fils, quittait Montpellier pour l’Opéra d’Alger.

28 29

Le rideau de Graslin se leva le 5 octobre 1926 sur Carmen, puis le lendemain les Cloches Corneville sonnèrent le retour des opérettes. Auparavant, elles venaient en tournée du Grand-Théâtre d’Angers. Sinon avec les mêmes Bordes et Dyncourt auxquelles s’ajouta Mlle Dalbos, le 19 octobre Victor créa Montmartre, ballet de Frécheville. Puis le 4 novembre, l’on reprit Mârouf, savetier du Caire, opéra-comique de Rabaud que la presse avait passé sous silence en fin de saison. L’ouvrage avait été

créé en 1914 à Favart par Mariquita avec Sonia Pavloff et Robert Quinault âgé de 27 ans dans le divertissement du 3ème acte. À Nantes, Victor, 64 ans, parut au milieu de ses danseuses, et Paolo d’applaudir « les prouesses acrobatiques accomplies par Mlle   Bordes, légère comme une plume entre les bras vigoureux de M. Natta, sur qui le fardeau des ans ne semble d’ailleurs pas peser davantage » (124). Sinon, le 11 novembre on reprit les Trois couleurs, puis le 26 décembre, le 27 selon la Société des auteurs, Victor créa Bombardes et binious de Georges Razigade. Pour l’anecdote, ce ballet breton dont Razigade, était l’auteur du livret - ce qu’il tenait à préciser - avait vu le jour à Bordeaux le 5 décembre 1924 réglé par Georges Belloni sous le titre de Binious et Bombardes. La Société des

auteurs le notera ainsi, mais au concert, à la radio et sur scène jusque dans les années 30, c’est Bombardes et binious qui prima comme le 5 août 1928 aux fêtes bretonnes de St-Jean-de-Luz, ce qui va de soi. Le 14 janvier 1927, Victor reprit Sports, puis le 11 février Colibri. Réglé par Louise Stichel, sur une partition de Sélim d’Arondel de Hayes, ce ballet avait été créé à Nantes, le 20 avril 1901. Bordes dansa le Colibri, Victor ayant cédé le rôle du prince charmant à Dyncourt joua l’intendant, tandis que Paolo, l’auteur du livret laissa sa plume à un confrère, qui ne relata pas grand-chose ce qui tombe à pic. Puisqu’en laissant de côté toutes les activités de Victor en ville et à l’école de danse dont les examens eurent lieu le 8 juillet, il nous faut passer à la saison d’après. Sans aller à Royan où Marguerite Mercy lui succéda, Victor reprit à Nantes le 4 octobre 1927 avec Faust et en tête Nandette Caméré et Angèle Tourmyre. Suivra Hérodiade, puis le 15 octobre, le Comte de Luxembourg, opérette de Lehár avec Laurent dans des danses russes. Marié depuis juin à Marie Noélie Aguettaz, on salua « d'ovations et de bis frénétiques ses bonds et ses tourbillons vertigineux » (125). Le 8 novembre ce fut Coppélia, le 24 décembre la Bouquetière, ballet de Molinetti. Puis, le 29 février 1928, autour d’une coupe de champagne, Gaston Coste s’acquitta d’une commission dont l’avait chargé l’Association des Artistes Français (fondation du baron Taylor) en remettant une médaille de bronze à Victor, qui prenait sa retraite. Son spectacle d’Adieux eut lieu le 28 mars avec Callirhoë et prit « les proportions d’un véritable événement tant par l’énorme affluence de public, que par le triomphal accueil dont fut l’objet l’excellent et distingué maître de ballet relate Paolo. Au succès qu’y rencontra notre corps de ballet bien discipliné, et à la tête duquel Mlles Caméré et Tourmyre resplendirent une fois de plus en étoiles de première grandeur, nous nous plaisons à pouvoir associer le personnel au grand complet des élèves


LA DANSE À BIARRITZ # 82 de notre école municipale de danse. Ce fut-là, un précieux renfort, comme aussi l’aimable concours des jeunes athlètes de la société La Nantaise qui constitua un entourage de figuration tout à fait hors de pair. […] Lorsque le rideau tomba sur le groupement final, il dut se relever tout aussitôt au crépitement des bravos et des acclamations enthousiastes de toute la salle pour une nouvelle apothéose, celle de M. Natta, appelé à grands cris en scène et à qui M. Ravaux, régisseur général, vint remettre, au nom de la direction et de tous ses camarades du théâtre, un lot de cadeaux, souvenirs, palmes et gerbes de fleurs, en les accompagnant de quelques paroles émues et que l’on sentait partir du cœur. Incapable à son tour de pouvoir exprimer autrement que par gestes l’émotion qu’il éprouvait de cette manifestation aussi touchante que flatteuse, M. Natta chargea son camarade, l’éloquent M. Leroux, de se faire auprès du public l’interprète de ses remerciements et de sa reconnaissance. Et la fête ne prit fin ensuite qu’après trois ou quatre rappels frénétiques du bel et brave artiste qui, pour la dernière fois hélas, en avait été le héros ! » (126). Victor prit congé le 11 juillet, après l’examen de l’école et céda sa place à son fils, qui fit à Nantes une saison « neuve et moderne » avant d’être remplacé par Suzy Vincent. Alors, il fonda sa troupe, laquelle passa entre autres à Paris à Olympia. Puis, il dirigea la danse à l’Opéra municipal de Grenoble (1929-30), au Casino de Nice (1930-31) au GrandThéâtre de Toulon (1931-32). Plus tard, sans avoir été 1er danseur étoile à l’Opéra, ce qui se saurait, il ouvrit l’École d’art chorégraphique à Grenoble, où il épousa en 1950 Joséphine Louise Guillermin. Mort en 1980, il repose à Burcin (Isère). Quant à ses sœurs, elles avaient laissé la danse et il serait trop long d’évoquer leurs activités. Mais, selon Amandine de Pérignon, Angèle suivit ses parents à Bestagno. Depuis 1928, le village était rattaché à la commune de Pontedassio, où Victor s’éteignit le 20 juillet 1935 à 73 ans.

n TM

(1)

Le XIXème siècle, 27 août 1886

Toulousains de Toulouse et amis du vieux Toulouse, 2013-12

(2)

Bestagno

Remerciements à Anne Londaïtz et Amandine de Pérignon

Le Salut-Public, 18 avril 1894

(64)

Le Nouveau Lyon, 27 août 1894

(65)

Le Petit Marseillais, 28 octobre 1894

(3)

Un coin de l'Éden, Paul Devaux, 1885, p. 46

(66)

(4)

Traité de l'art de la danse, 1820, p. 96

Le Sémaphore de Marseille, 3 avril 1895

(67)

Nîmes-journal, 15 octobre 1898

(68)

La France théâtrale, 15 novembre 1846

(69)

La Petite Gironde, 26 janvier 1900

(70)

Le Journal de Genève, 7 octobre 1900

(71)

Le Journal de Genève, 16 novembre 1900

(5) Traité de l'art de la danse, Flavia Pappacen, 2007, p.51 (6)

La Scène, 21 mai 1981

Traité de l'art de la danse, Flavia Pappacen, 2007, p.16 (7)

(8)

Traité de l’art de la danse, 1820, p.88

(72)

La Petite Gironde, 8 juin 1901

(9)

Le Réveil lyonnais, 7 octobre 1881

(73)

La Vedette, 26 octobre 1901

(10)

La Renaissance, 16 octobre 1881

(74)

La Vedette, 23 janvier 1902

(11)

La France théâtrale, Jacques Arago, 24 août 1845

(75)

Le Petit Marseillais, 26 mars 1902

(12)

La Renaissance, 23 octobre 1881

(76)

Le Petit Marseillais, 11 avril 1902

(13)

Le Temps, 17 mars 1889

(77)

Le Sémaphore de Marseille, 12 février 1903

(14)

Le Temps, 11 janvier 1876

(78)

La Vedette, 10 janvier 1903

(15)

Le Petit Troyen, 11 octobre 1882

(79)

La Vedette, 16 janvier 1904

(16)

Le Petit Troyen, 10 septembre 1882

(80)

Le Petit Provençal, 14 janvier 1904

(17)

Le Petit Troyen, 23 novembre 1882

(81)

Le Petit Provençal, 30 août 1904

(18)

Le Petit Troyen, 31 décembre 1882

(82)

L'Eclair, 18 septembre 1904

(19)

L’Europe artiste, 28 octobre 1883

(83)

Le Sémaphore de Marseille, 12 décembre 1905

(20)

L’Europe artiste, 14 octobre 1883

(84)

Le Petit Marseillais, 16 juin 1906

(21)

Le Zig-Zag, 28 octobre 1883

(85)

Le Figaro, 14 avril 1908

(22)

Le Zig-Zag, 23 décembre 1883

(86)

La Dépêche, 9 janvier 1909

(23)

La Bavarde, 1er décembre 1883

(87)

La Dépêche, 17 octobre 1908

(24)

Le Lapin, 6 septembre 1883

(88)

La Dépêche, 20 novembre 1908

(25)

L’Impérial, 9 novembre 1884

(89)

La Dépêche, 16 juin 1910

(26)

L’Aigle, 12 octobre 1884

(90)

La Dépêche, 19 octobre 1910

(27)

Lyon s'amuse, 20 décembre 1885

(91)

La Dépêche, 17 novembre 1910

(28)

Le Gaulois, 23 novembre 1883

(92)

La Dépêche, 5 mars 1911

(29)

Annuaire de la presse française, 1883

(93)

La Dépêche, 15 janvier 1911

(30)

Le Journal amusant, 17 juin 1876

(94)

Comœdia, 11 mars 1913

(31)

Le Rappel, 2 juin 1886

(95)

Comœdia, 19 mars 1914

(32)

La Justice, 1er juillet 1889

(96)

Comœdia, 9 mars 1914

(33)

Le XIXème siècle, 7 juin 1886

(97)

La Dépêche, 24 mars 1916

(34)

La Petite République, 20 septembre 1886

(98)

La Dépêche, le 11 août 1917

(99)

La Dépêche, le 10 octobre 1917

Journal des débats politiques et littéraires, 19 septembre 1886 (35)

(36) (37) (38) (39)

Le Matin, 19 septembre 1886 Le Figaro, 29 octobre 1886 Le Moniteur universel, 29 octobre 1886 Le Moniteur universel, 29 octobre 1886

(40)

Le Radical, 25 août 1887

(41)

Le Gaulois, 8 mars 1887

(42) (43) (44)

La Vedette, 21 mai 1887 La Vedette, 4 juin 1887 Le Journal de Genève, 12 juillet 1887

(45)

L'Europe artiste, 8 janvier 1888

(46)

La Vedette, 19 novembre 1887

(47) (48) (49)

h

(63)

Le Petit Provençal, 19 mars 1888 La Vedette, 24 septembre 1888 Le Salut-Public, 6 octobre 1889

(100)

La Gazette de Biarritz, 10 septembre 1917

(101)

La Dépêche, 28 octobre 1917

(102)

La Dépêche, 28 mai 1918

(103)

La Dépêche, 29 avril 1920

(104)

La Petite Gironde, 21 juin 1920

(105)

La Dépêche, 16 octobre 1920

(106)

La Dépêche, 27 novembre 1920

(107)

La Dépêche, 8 avril 1921

(108)

La Dépêche, 8 juin 1921

(109)

La Presse, 2 octobre 1921

(110)

The Chicago Tribune, 7 octobre 1921

(111)

Le Figaro, 2 février 1931

(112)

Correspondance d'Orient, 1er juin 1909

(113)

http ://nijinsky. over-blog.fr/.

(114)

Theater Street, Tamara Karsavina, 1981, p. 235

(50)

Le Salut-Public, 19 octobre 1889

(51)

Le Salut-Public, 8 avril 1890

(115) Lettres et entretiens sur la danse, AugustevBaron, 1824, p.16

(52)

Le Salut-Public, 31 mai 1890

(116)

La Dépêche, 4 avril 1922

(53)

Le Salut-Public, 16 octobre 1890

(117)

La Dépêche, 23 mai 1923

(54)

Le Salut-Public, 3 janvier 1891

(118)

La Dépêche, 23 septembre 1923

(55)

Le Salut-Public, 13 février 1891

(119)

La Dépêche, 4 avril 1924

(56)

Le Salut-Public, 6 mai 1891

(57)

L'Écho de Lyon, 9 octobre 1891

(58)

Le Salut-Public, 9 décembre 1891

(59)

Le Petit Marseillais, 27 juin 1892

(60)

Lyon Théâtre, N°10, 1893

(61) Bulletin officiel de l'Exposition de Lyon, 6 avril 1893 (62)

Le Salut-Public, 17 octobre 1893

Le théâtre à Nantes depuis ses origines jusqu'à nos jours, 1893 (120)

(121)

Le Phare de la Loire, 7 mars 1925

(122)

L'Ouest-Éclair, 19 avril 1926

(123)

Le Phare de la Loire, 25 juin 1926

(124)

Le Phare de la Loire, 7 novembre 1926

(125)

Le Phare de la Loire, 17 octobre 1927

(126)

Le Phare de la Loire, 31 mars 1928


SANTÉ

SENSIBILISATION

Afin de répondre aux nombreuses problématiques de santé des danseurs, l’équipe médicale du Malandain Ballet Biarritz recherche des solutions notamment dans la littérature scientifique ou auprès de ses pairs.

• L’instabilité de cheville du danseur : quel impact de la méthode Allyane dans le travail de stabilisation de la cheville. • Un protocole de soin du Carrefour postérieur : comment prévenir et guérir cette pathologie si spécifique de la danseuse sur pointe ?

© Olivier Houeix

• L’impact de la thérapie miroir sur le danseur blessé : comment le danseur en arrêt peut progresser en assistant aux classes ?

Programme Art et Environnement “Planeta Dantzan” - Eurorégion Nouvelle-AquitaineEuskadi-Navarre

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• Le travail d’ouverture de hanche : comment mesurer et améliorer son en-dehors ?

© Olivier Houeix

Néanmoins, cette dynamique a ses limites, au regard de la spécificité des pathologies mais aussi du manque de ressources littéraires à propos de la santé des danseurs. Pour y remédier, l’équipe médicale a commencé en juillet dernier un travail de recherche scientifique autour de différentes thématiques :

Le Malandain Ballet Biarritz, la Fondation Cristina Enea et l'équipe d'éducation à l'environnement de la ville de Pampelune proposent aux collèges des Pyrénées-Atlantiques, du Guipuzcoa et de Navarre de participer au programme Art et Environnement intitulé « Planeta Dantzan ». Ce projet pédagogique innovant a pour objectifs de sensibiliser les élèves à la préservation des milieux naturels et à l’art chorégraphique. Il allie ateliers de pratique chorégraphique, activités didactiques, spectacles et excursions scolaires et sera mené de janvier à juin 2021. Ce projet reçoit le soutien de l’Eurorégion NouvelleAquitaine Euskadi Navarre au titre d’un partenariat stratégique territoire durable.

Kultura Bidean avec la Communauté Pays Basque L’équipe médicale est aidée par des étudiants kinésithérapeutes, souvent passionnés de danse, pour effectuer les recherches bibliographiques. Les danseurs et maîtres de ballet sont également mis à contribution pour développer les solutions pratiques. Nul doute que ce travail en co-création portera ses fruits en termes de soins et de prévention des blessures. Leur partage, lors de forums, congrès… a pour objectif de contribuer à une meilleure prise en charge de la santé des danseurs.

Contrairement aux représentations publiques, les interventions en milieu scolaire du début de saison ont pu être maintenues. Ainsi, dans le cadre du projet culturel Kultura Bidean soutenu par la Communauté Pays Basque, Ione Miren Aguirre, artiste chorégraphique intervient depuis novembre auprès des écoles primaires Idekia d’Ustaritz, et la Sainte Famille d’Urqui de Saint-Jean-deLuz (64). Les élèves participent à des ateliers chorégraphiques pour une durée totale de 18 heures et assisteront en mars à une représentation du spectacle Humanimal de la compagnie belge 3637 à l'Espace culturel Larreko de Saint-Pée-sur-Nivelle, ainsi qu’à une représentation de Fossile de Martin Harriague en mai à la Gare du Midi de Biarritz.

Grandir avec la Culture – Conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques Dans le cadre du dispositif « Grandir avec la Culture » initié par le Conseil Départemental des Pyrénées-Atlantiques, tout au long de l’année scolaire, Ione Miren Aguirre anime 50 heures d’ateliers auprès des élèves de 5ème du Collège La Hourquie à Morlaàs. Ils s’articulent autour des ballets Fossile et Sirènes de Martin Harriague. Parallèlement, les élèves assisteront à une représentation de Fossile et une restitution de leur travail sera présentée en mai à Biarritz lors du Rendezvous sur le quai de Gare.

En tournée Tarbes Autour des représentations de Sirènes de Martin Harriague et Nocturnes de Thierry Malandain, des 4 et 5 février, à la Scène Nationale Tarbes-Pyrénées Le Parvis, plusieurs actions de médiation et de sensibilisation sont organisées. Ainsi au Conservatoire de Musique et Danse Henri Duparc de Tarbes, les 2, 3 et 4 février, Dominique Cordemans, responsable de la sensibilisation des publics et de la transmission du répertoire aux préprofessionnels, donnera des master classes et ateliers de répertoire aux élèves de fin de cycle 2 et cycle 3 CHAD – Classes en horaires aménagés danse qui bénéficieront également d’un échange autour des ballets programmés. Par ailleurs, au Parvis même, le 3 février, Dominique Cordemans proposera une master classe et un atelier de répertoire pour les élèves des écoles de danse de Tarbes, tout en animant le 4, une Mégabarre ouverte à tous au Centre Commercial Le Méridien. Renseignements et inscriptions - Le Parvis Tél. 05 62 90 60 43 - avecvous@parvis.net


SAISON Niort À l’occasion de la représentation de la Pastorale le 2 mars au Moulin du Roc – Scène nationale de Niort, Dominique Cordemans donnera la veille une master classe et un atelier de répertoire aux élèves de cycle 3 du Conservatoire danse et musique Auguste-Tolbecque. Le jour du spectacle, la répétition des danseurs sera ouverte aux élèves des écoles de danse de la ville. Meaux Lors de la représentation de MarieAntoinette le 4 mars au Théâtre Luxembourg de Meaux, Dominique Cordemans proposera la veille un atelier « Voulez-vous danser avec nous ? » pour adultes initiés ou non à la danse et animera une rencontre autour du documentaire « Marie-Antoinette, les coulisses de la création » avant le spectacle.

Compagnies en itinérance Dans le cadre de sa mission Accueil-studio et de son Pôle chorégraphique territorial, le CCN en collaboration avec la compagnie EliralE de Pantxika Telleria de Saint-Péesur-Nivelle, poursuit le développement de son projet de circulation interrégionale de compagnies via la 3ème édition de « Soirée partagée ». À cette occasion, le 20 février à 20h et le 21 à 16h, sous la direction artistique d’Adriana Pous Ojeda, Dantzaz présentera deux pièces de Martin Harriague, artiste associé au Malandain Ballet Biarritz à l’Espace culturel Larreko de Saint-Pée-sur-Nivelle.

ULÉE SANITAIRE ANN LA CRIS

ON DE EN RAIS

Fossile Chorégraphie et scénographie : Martin Harriague Musique : Franz Schubert Assistante : Françoise Dubuc Lumières et costumes : Martin Harriague Réalisation décor : Loïc Durand et Frédéric Vadé Technique : Eragin Stac Coproduction : Korzo Den Haag, CCN Malandain Ballet Biarritz

Renseignements et inscriptions Théâtre Luxembourg de Meaux Tél. 01 83 69 04 44

Transmission du répertoire auprès de jeunes danseurs

© Johan Morin

Dans ce programme, Martin Harriague met en scène deux pièces engagées. Ainsi, accompagné par la musique de Franz Schubert, le duo Fossile aborde l’urgence environnementale dans un duo plein d’espoir entre poésie et espièglerie, tandis que Walls réglé pour les dix danseurs de Dantzaz porte une réflexion sur la société actuelle où les murs sont devenus omniprésents.

Walls

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Dans le cadre d’un partenariat avec l’École de Ballet et le Centre de Formation en Danse (CFD) de Biarritz, Dominique Cordemans transmettra durant une semaine en février et trois week-ends en mars-avril, Boléro de Thierry Malandain, qui sera restitué le 11 mai à la Gare du Midi de Biarritz lors du Rendez-vous sur le quai de la Gare, et le 5 juin au spectacle de l’École de Ballet et du CFD.

© Olivier Houeix

École de Ballet – Centre de Formation en Danse de Biarritz

Musiques : J.S. Bach, G. Verdi, Yemen Blues, José Alfredo Jiménez (voix de D. Trump et A.M. Lopez Obrador extraites de discours publics sur Internet) Chorégraphie : Martin Harriague Conception lumière, scénographie, costumes, samplings et ambiance sonore : Martin Harriague Assistant lumière : Alberto Arizaga Assistante costumes : Nahia Salaberria Scènographie et décors : Martin Harriague / Dantzaz Menuiserie : Kitto Technique : Eragin Stac Pièce coproduite dans le cadre du programme Atalak Tarifs : 8 à 14 € Billetterie www.malandainballet.com Office de tourisme de Biarritz, Anglet et Bayonne

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SAISON Regards Croisés / Begirada Gurutzatuak #11

Répétitions publiques 19h • Studio Gamaritz / Gare du Midi © Stéphane Bellocq

14 janvier

25 mars • 21h • Colisée / Biarritz

28 janvier

A

Kale Companhia de dança (Portugal)

Triplo

A

Cie Gilschamber : Ephémère de Gilles Schamber

Chorégraphes : Daniela Cruz (Portugal), Hamid Ben Mahi (France), Igor Calonge (Espagne) Lumières : Joaquim Madaíl Répétiteurs : Sara CM Moreira et Inês Negrão La compagnie constituée de jeunes danseurs collabore avec trois chorégraphes issus du Portugal, de France et d’Espagne pour une soirée de créations.

© Nagore Legarreta

A

Cie Illicite Bayonne - Fábio Lopez : programme Girls avec Morai de Ludmila Komkova, Crying after night de Fábio Lopez et Nos Omnes de Nicole Muratov

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Présenté du 24 au 27 mars par le Malandain Ballet Biarritz, la Fundición de Bilbao, et la Compagnie Kale de Vila Nova de Gaia au Portugal avec le soutien de la Communauté Pays Basque en collaboration avec Dantzagunea – Gipuzkoa, Regards Croisés, programme d’échange et de circulation des œuvres, accompagne la création contemporaine en donnant l’opportunité à des artistes de présenter leur travail en Iparralde (Biarritz), Hegoalde (Bilbao), jusqu’au Portugal (Vila Nova de Gaia).

annulé

19 février

A

Malandain Ballet Biarritz 25 février Cie Androphyne : No futur, no passé simple de Pierre-Johann Suc et Magali Pobel Entrée libre sur réservation Tél. +33 (0)5 59 24 67 19

Jeunesses croisées 26 mars • 21h • Colisée / Biarritz Cie Amaia Elizaran (Guipúzcoa)

Mar

24 mars • 21h • Colisée / Biarritz Cie Myriam Perez Cazabon (Guipúzcoa)

Mutu

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Mutu met en scène trois épisodes ou espaces de communication où le silence se substitue à la parole et où l’échange émotionnel et la compréhension entre les personnes prennent corps à l’aide de gestes plus petits. C’est à l’image de la société actuelle, où les relations personnelles sont exagérées autant que les relations humaines sont en déclin.

Tarifs : 8 à 14 € Billetterie www.malandainballet.com Office de tourisme de Biarritz, Anglet et Bayonne 27 mars au Conservatoire Maurice Ravel à Biarritz

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Direction : Amaia Elizaran Interprètes : Amaia Elizaran, Leire Otamendi, Xabier Zeberio Musique : Xabier Zeberio Costumes : Mariló Miguez Lumières : Sergio Garcia Son : Jean Phocas Regard extérieur : Marti Güell, Beatriz Churruca Accompagné de musique en direct, la personnalité de chacun gagne en force au cours de cette pièce, dans une atmosphère envoûtante. À travers Mar, Amaia Elizaran tente de recréer le mouvement perpétuel de l’Océan à peine perceptible mais inévitable.

Journée de rencontres et d'échanges autour de classes et d’ateliers pour les jeunes danseurs amateurs, préprofessionnels et professionnels du Pays basque en partenariat avec l’école d’ingénieurs, l'Institut National des Sciences Appliquées (INSA) de Toulouse, le Conservatoire Maurice Ravel - Pays Basque et le programme Atalak de Dantzaz.

Par ailleurs, afin de favoriser les échanges entre le public et les artistes, des répétitions publiques, ateliers, conférences, débats seront également proposés autour des représentations de Regards Croisés. Le programme détaillé sera disponible courant février sur www.malandainballet. com.


Nuria Lopez Cortes & Raphaël Canet, Mozart à 2 © Olivier Houeix


EN BREF

Le 3 novembre, Jean-Baptiste Colombié, kinésithérapeute du sport et préparateur physique au Malandain Ballet Biarritz, a dirigé deux ateliers en ligne depuis Biarritz pour le Centre National de la Danse de Paris. Les thématiques étaient : Instabilités de la cheville : comment les détecter et les traiter ? et Le cardio du danseur : solutions pratiques. Par ailleurs, à l’initiative du Centre National de la Danse, Aurélie Juret, médecin du sport et Jean-Baptiste Colombié ont participé au tournage de « Capsules Santé » : vidéos conseils proposées pour mieux accompagner les artistes chorégraphiques dans leur reprise d’activité suite au premier confinement. Disponibles sur le site du CND, ces vidéos ont été réalisées par le studio Miles et ce projet a pu être mis en place grâce à un mécénat exceptionnel de Van Cleef & Arpels. www.cnd.fr

Martin Harriague, artiste associé

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Santé au Centre National de la Danse

© Olivier Houeix

Programme Planeta Dantzan

Fossile (création 2019) de Martin Harriague, artiste associé au Malandain Ballet Biarritz sera présenté le 26 janvier au KulturStadtLev de Leverkusen en Allemagne avec deux danseurs de Dantzaz : Pauline Bonnat et Julen Rodriguez Flores. Par ailleurs, au Centre National de la Danse, dans le cadre de la manifestation Canal : deux journées durant lesquelles les studios du CND sont investis par une vingtaine d’institutions culturelles actives pour la danse en France et Europe, le 28 janvier des extraits de Fossile seront présentés à quatre reprises.

Don Juan à Budapest Du 9 février au 5 mars, Giuseppe Chiavaro, maître de ballet au Malandain Ballet Biarritz remontera à Budapest, au Hungarian National Ballet dirigé par Tamás Solymosi, Don Juan, ballet de Christoph Willibald Gluck réglé par Thierry Malandain. La Première est prévue le 6 mars au Hungarian State Opera de Budapest.

Nouveau venu

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Le 29 octobre, sur France 2, à l’occasion du centenaire du Théâtre National de Chaillot que dirige Didier Deschamps, les danseurs du Malandain Ballet Biarritz étaient les invités d’Anne-Sophie Lapix et du Grand Échiquier où ils ont dansé en direct un extrait de la Pastorale. Le 30 octobre sur France 5, le Magazine de la Santé a diffusé un reportage consacré au « pied du danseur » tourné à la Gare du Midi avec la participation des danseurs. Enfin, sur Mezzo, la captation de la Pastorale, réalisée par Patrick Lauze – Les Films Figures Libres, le 19 décembre 2019 à Chaillot-Théâtre National de la Danse a été diffusée durant le mois de novembre.

© Olivier Houeix

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Télévision

Alejandro Sánchez Bretones, né à Elche (Espagne). Formé dans sa ville natale à l’Escuela de Danza Pilar Sánchez, puis auprès de Sofía Sancho à Alicante. En 2011, il est admis à l’Escuela de Danza Víctor Ullate à Madrid et débute sa carrière en 2014 au Víctor Ullate Ballet. Engagé à Lisbonne en 2019 dans la Companhia Nacional de Bailado (CNB), il rejoint le Malandain Ballet Biarritz en décembre 2020.

Le 19 octobre, le Malandain Ballet Biarritz, la Fondation Cristina Enea de Donostia/ San Sebastián et l’Équipe du service d’éducation à l’environnement de la Ville de Pampelune ont signé un partenariat stratégique territoire durable avec l’Eurorégion Nouvelle-Aquitaine Euskadi Navarre. Cette dernière accompagnera pour trois ans, les partenaires dans la mise en œuvre et le développement du projet Planeta Dantzan qui vise à sensibiliser les collégiens à la protection de l’environnement en s’appuyant sur le répertoire du Malandain Ballet Biarritz, du contenu didactique et des ateliers de danse.

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Mécénat

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Le Malandain Ballet Biarritz remercie la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique qui renouvelle pour trois années son soutien aux créations, aux tournées mais également aux actions d’éducation artistique et culturelle menées auprès des jeunes publics. Un grand merci à André Elustondo, directeur de la maison Jean-Vier et à toute son équipe pour la fabrication des masques personnalisés pour le Malandain Ballet Biarritz.


centre chorégraphique national de nouvelle-aquitaine en pyrénées-atlantiques Gare du Midi 23, avenue Foch • F-64200 Biarritz tél. +33 5 59 24 67 19 • fax +33 5 59 24 75 40 ccn@malandainballet.com

présidente Catherine Pégard vice-président Guillaume Pepy trésorière Solange Dondi secrétaire Richard Flahaut Trésorière adjointe Monique Barbaroux Déléguée à l’international et au transfrontalier Marie-Christine Rivière président d’honneur Pierre Durand Direction directeur / chorégraphe Thierry Malandain directeur délégué Yves Kordian Artistique / Création artiste associé Martin Harriague maîtres de ballet Richard Coudray, Giuseppe Chiavaro artistes chorégraphiques Ione Miren Aguirre, Giuditta Banchetti, Raphaël Canet, Clémence Chevillotte, Mickaël Conte, Jeshua Costa, Frederik Deberdt, Clara Forgues, Loan Frantz, Michaël Garcia, Irma Hoffren, Hugo Layer, Guillaume Lillo, Claire Lonchampt, Nuria López Cortés, Arnaud Mahouy, Alessia Peschiulli, Alejandro Sánchez Bretones, Ismael Turel Yagüe, Yui Uwaha, Patricia Velazquez, Allegra Vianello, Laurine Viel professeurs invités Bruno Cauhapé, Sophie Sarrote pianistes Alberto Ribera-Sagardia, Jean- François Pailler

Production / Technique directeur technique Chloé Brèneur régisseur général Frédéric Bears régie plateau Jean Gardera régie lumière Christian Grossard, Mikel Perez régie son Nicolas Rochais, Maxime Truccolo techniciens plateau Bertrand Tocoua réalisation costumes Véronique Murat, Charlotte Margnoux régie costumes Karine Prins, Annie Onchalo construction décors et accessoires Frédéric Vadé techniciens chauffeurs Guillaume Savary, Stéphane Tisserand, Vincent Ustarroz agent d’entretien Ghita Ballouk Sensibilisation / Relations avec les publics responsable sensibilisation / transmission du répertoire aux pré-professionnels Dominique Cordemans intervenante option Art-Danse et Académie Carole Philipp Diffusion chargée de diffusion Lise Philippon attachée de production Laura Delprat agents Le Trait d’union / Thierry Duclos, Klemark Performing Arts et Music / Creatio 300, Norddeutsche Konzertdirektion / Wolfgang et Franziska Grevesmühl, Internationale Music / Roberta Righi

Raphaël Canet, Mozart à 2 © Olivier Houeix

Transmission du répertoire maître de ballet Giuseppe Chiavaro

Communication responsable image Frédéric Néry  /  Yocom responsable communication Sabine Cascino attachée à la communication Elena Eyherabide attaché de presse Yves Mousset  photographe Olivier Houeix Pôle chorégraphique territorial administratrice de projet Carine Aguirregomezcorta Secrétariat général / Mécénat secrétaire général Georges Tran du Phuoc Ressources humaines, finances et juridique responsable administrative et financière Séverine Etchenique comptable principale Arantxa Lagnet comptable Marina Souveste secrétaire administrative Virginie Sichem Suivi et prévention médicale des danseurs Romuald Bouschbacher, Jean-Baptiste Colombié, Aurélie Juret Biarritz - Donostia / San Sebastián Malandain Ballet Biarritz co-présidence du projet Thierry Malandain co-directeur du projet Yves Kordian chef de projet et administration Carine Aguirregomezcorta communication Sabine Cascino Victoria Eugenia Antzokia co-présidence du projet Jaime Otamendi co-directeur du projet Norka Chiapusso chef de projet Koldo Domán administration María José Irisari communication María Huegun Numéro direction de la publication Thierry Malandain conception et design graphique Yocom.fr impression Graphic System (Pessac) ISSN 1293-6693 - juillet 2002

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CALENDRIER

JANVIER > MARS 2021

A annulé Représentations en France 21/01

Echirolles

la Pastorale

22/01

Echirolles

la Pastorale

24/01

Istres

la Pastorale

04/02

Tarbes

Nocturnes, Sirènes ( tout public )

04/02

Tarbes

Sirènes jeune public

23/02

Mérignac

Marie-Antoinette

26/02

Aix-en-Provence

Marie-Antoinette

27/02

Aix-en-Provence

Marie-Antoinette

02/03

Niort

la Pastorale

04/03

Meaux

Marie-Antoinette

06/03

Lyon

Nocturnes, Sirènes

07/03

Lyon

Nocturnes, Sirènes

09/03

Lyon

Nocturnes, Sirènes ( 2 représentations )

10/03

Lyon

Nocturnes, Sirènes ( 2 représentations )

11/03

Lyon

Nocturnes, Sirènes

12/03

Lyon

Nocturnes, Sirènes ( 2 représentations )

13/03

Mulhouse

Nocturnes

23/03

Thionville

la Pastorale

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Représentations à l’International

Mozart à 2, Beethoven 6

Cagliari (Italie)

Mozart à 2, Beethoven 6

10/01

Cagliari (Italie)

Mozart à 2, Beethoven 6

14/01

Winterthur (Suisse)

Marie-Antoinette ( avec orchestre )

15/01

Winterthur (Suisse)

Marie-Antoinette ( avec orchestre )

16/01

Winterthur (Suisse)

Marie-Antoinette ( avec orchestre )

17/01

Winterthur (Suisse)

Marie-Antoinette ( avec orchestre )

27/01

Pavia (Italie)

La Pastorale

29/01

Pordenone (Italie)

La Pastorale

13/02

San Pölten (Autriche)

Marie-Antoinette ( avec orchestre )

20/02

Budapest (Hongrie)

La Pastorale

21/02

Budapest (Hongrie)

La Pastorale

16/03

Esch-sur-Alzette (Luxembourg)

Mozart à 2, Beethoven 6

18/03

Bruxelles (Belgique)

La Pastorale

19/03

Bruxelles (Belgique)

La Pastorale

20/03

Bruxelles (Belgique)

La Pastorale

26/03

Valladolid (Espagne)

La Pastorale

27/03

Valladolid (Espagne)

La Pastorale

28/03

Valladolid (Espagne)

La Pastorale

31/03

Viersen (Allemagne)

La Pastorale

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Sassari (Italie)

09/01

www.malandainballet.com

08/01


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