Numéro 8 - Magazine Karma

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Cascadeur

Interview pleine de poésie

Chinese Man

Rencontre pour les 10 ans de leur label

aurélie filippetti

La ministre nous parle de musique

le magazine des musiques actuelles en lorraine et au luxembourg

# 8

été 2014 GRATUIT

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facebook.com/MagazineKarma

www.magazine-karma.fr


Directeurs de la publication : Guillaume Hann & Ugo Schimizzi Directeur de la rédaction : Ugo Schimizzi Directeur artistique : Guillaume Hann Rédacteurs : Nathalie Barbosa Lauriane Bieber Thibaut Clement Manu D’Andréa Rémi Flag Guillaume Hann Cédric Mathias Dom Panetta Ugo Schimizzi Illustrateurs et graphistes : Quentin Crumbach Guillaume Hann Pierre Schuster Photographes : Yvan Cauvez Manu D’Andréa Pierre Hennequin Cédric Mathias Guillaume Sanzée Ugo Schimizzi Correcteurs : Juliette Delvienne Mickaël Fromeyer Marie Hann Scherrer Barbara Jouves Ioanna Schimizzi

Édité par : Association Son’Art Lorraine 40 Avenue de Nancy 57 000 METZ Contact : redaction.karma@gmail.com Le numéro 8 du Magazine Karma est tiré à 5 000 exemplaires sur papier Satimat Green, contenant 60% de fibres recyclées. La diffusion du magazine est assurée par l’équipe et par Julien Siffert, diffuseur. 07 87 77 79 47

IMPRIMÉ PAR L’HUILLIER, IMPRIMERIE VERTE 57 190 FLORANGE ISSN : 2259-356X Dépôt légal : à parution

Le Magazine Karma bénéficie du soutien du groupe Caceis, dans le cadre du programe Be Generous, de la Ville de Metz et de la Région Lorraine, dans le cadre du programme Défilor.

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édito # 8 Le Karma de juin est arrivé et avec lui la saison des festivals. Parmi eux, l’incroyable contingent de milliers de bénévoles, venant défendre, durant quelques dizaines d’heures, leur événement favori. Ces bénévoles, fers de lance de nombreuses associations, constituent une donnée essentielle à la bonne tenue de projets ambitieux. Il en va de même au sein du Magazine Karma et des différents partenaires qui nous accompagnent tout au long de l’année.   C’est pourquoi, malgré les difficultés rencontrées, les écueils possibles, les contraintes particulières, nous sommes fiers de pouvoir, trimestre après trimestre, vous parler encore de ces musiques qui nous animent. Et c’est même avec bonheur que nous nous sommes entretenus avec madame la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, sur nos attentes

< Flashez ce QR code pour retrouver la liste de nos points de diffusion ou rendez vous sur magazine-karma.fr

et le devenir des musiques actuelles. C’est aussi dans cet état d’esprit, humble, inventif mais jamais dénué d’ambition pour un média gratuit, que nous avons eu la chance de rencontrer les mythiques Depeche Mode, Yes ou encore le plus que jamais national et néanmoins lorrain Cascadeur.   C’est avec cette même envie que nous vous reparlerons très prochainement du volume numéro 2 de notre compilation vinyle, qui prend doucement forme, avec l’aide de nos partenaires. Que votre été soit ensoleillé et musical ! à la rentrée !  Ugo Schimizzi Rédacteur en chef Guillaume Hann Directeur artistique


Sommaire été 2014

2 édito 4 le local : Go by Brooks

Premier concert en France pour les Luxembourgeois !

6 Made in Lorraine : Lorraine, terre de blues Quand l’acier rejoint les mélodies bleutées.

8 Made in Lorraine : FML 2014

Lycéens et apprentis, prêts pour la relève musicale.

10 Made in Lorraine : Metz Plage Live Un été en musique… sous les palmiers.

12 Dossier : Around the world Ces morceaux qui font voyager.

18 Infographie : musique & cinéma

Retour sur les grands compositeurs de musique de films.

2O Interview : yes

Le groupe de prog’ fête ses 40 ans de carrière.

22 Interview : Depeche Mode

Une rencontre exclusive avant Bercy !

26 Interview : Chinese Man Discussion zen avec le collectif.

30 Interview : Aurélie Filippetti

La ministre de la Culture parle de musiques.

32 Interview : Enki Bilal & Erik Truffaz Une rencontre entre dessin et musique jazz.

34 Interview : cascadeur

Le Lorrain revient sur son ascension fulgurante.

36 Influences : Beastie Boys 38 Cinéma : Le jukebox de Tarantino 40 Museek : Donkey Kong Country 42 Découpage spécial FML 2014 Photo couverture : Ugo Schimizzi / Photo édito : Yvan Cauvez.

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le local

Par Nathalie Barbosa / Photos : Yvan Cauvez

Les petits ruisseaux font les grandes rivières o By Brooks n’est pas seulement le nom d’un célèbre poème de Leonard Cohen, c’est aussi la dénomination choisie par un groupe de nouveaux venus sur la scène luxembourgeoise. à la source de ce projet : Laetitia Koener.

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L’histoire commence à Paris, où Laetitia termine d’écrire son mémoire de fin d’études sur son idole littéraire et musicale Leonard Cohen. Elle tombe sur ce poème un peu par hasard. Elle ne l’utilisera pas dans ses écrits, mais sa mémoire, elle, en restera marquée. Seule au départ, elle décide, après sa vie étudiante, de lancer son projet musical avec ses propres compositions. Le nom « Go By Brooks » lui vient alors comme une évidence. Il évoque tout ce qu’elle a envie de transmettre : une écriture en perpétuelle évolution, « au fil de l’eau » dirons-nous, prolongeant ainsi la traduction de leur blase. En effet, « brook » signifie « ruisseau » en anglais. Laetitia prend le temps de composer. Les mots entremêlés par les notes coulent naturellement en évitant soigneusement la routine du quotidien.  Samedi 22 mars 2014, le Magazine Karma a lancé son numéro 7 et a invité pour l’occasion le quatuor Go By Brooks, pour les accompagner lors de cet événement acoustique. Suite au franc succès de l’opération et aux nombreuses interrogations du public (« qui sontils ? », « d’où viennent-ils ? ») présent ce jour-là au magasin Freeman T. Porter, partenaire de l’opération à cette occasion, nous avons voulu vous plonger dans l’univers poétique de Go By Brooks et vous faire découvrir leur monde peuplé de libellules.

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Le poème de Leonard Cohen parle du grand voyage de la vie. Le petit ruisseau, joyeux, naïf et enfantin au début du récit, se heurte à des rochers l’obligeant à emprunter des paysages inexplorés. Le projet de Laetitia est au départ lié aux mêmes


Go by Brooks

difficultés : il déambule, il se cherche, il tâtonne. Parfois, la chanteuse laisse des petits rochers de la vie éclabousser ses titres. Sa vie d’étudiante influence ainsi le titre Streets of Paris, dans lequel elle parle de toutes les petites manies dérangeantes de certains Parisiens, habitant la soi-disant City of Love. Elle se rend cependant très vite compte qu’elle a besoin de musiciens de confiance pour explorer toute l’ampleur de ses chansons sur scène. Des concerts sont organisés au compte-gouttes. Son talent n’en est pas dilué pour autant, bien au contraire. Deux de ses anciens camarades de classe se joignent à Go By Brooks sans trop d’hésitations. Grâce à Jérôme, au synthé et à la basse et à Gilles, à la batterie, le projet acoustique se mue peu à peu en projet plus pop-rock. Les goûts musicaux des trois protagonistes s’assemblent en un nouveau son et les chansons douces et mélancoliques se transforment en compositions plus pop ou funky.   Laetitia se sait attendue au tournant, car on ne peut pas choisir une référence comme celle de Cohen, sans avoir des textes bien écrits. Là aussi, le groupe surprend par sa maturité grandissante et une douce langueur, le tout cajolé par la voix chaude de sa créatrice, qui vous enveloppe et vous prend par la main, pour vous faire voyager. La formation n’existe que depuis 2013, mais nous pouvons l’affirmer sans

retenue : de l’eau est passée sous les ponts depuis ses premiers balbutiements. On comprend mieux pourquoi le combo a choisi le visuel emblématique de la libellule, imaginé par leur ami Roy Ostrowski, concepteur du logo. Animal aux multiples significations, notamment reliées à sa transformation au moment de sa mue, l’insecte est riche en contradictions pour sa technique de vol et ses ailes en dentelle finement travaillées. On le retrouve auprès des lacs et des rivières depuis des millions d’années.   Comme les quatre ailes de la libellule, aujourd’hui les membres du groupe forment un harmonieux quatuor : Laetitia, toujours fidèlement attachée à un micro, mais aussi à une guitare, Jérôme au clavier, Gilles à la batterie et à la percussion et le petit dernier, Sacha, à la basse. De grands projets se profilent déjà : une série de concerts prévus en acoustique, mais aussi en version amplifiée, jusqu’en septembre et l’enregistrement d’un premier EP cet été. Après avoir réalisé leur premier concert en France lors de notre release – à l’image de leurs camarades de Seed To Tree – nous sommes prêts à parier que le raz-de-marée sera à la hauteur de leur talent. Comme disait Rafael Alberti : « Il est des portes sur la mer que l’on ouvre avec des mots. » 

Go by Brooks, en showcase chez Freeman T. Porter pour la sortie de notre numéro 7.

Séance photo dès la sortie de la cabine d’essayage.

Go by Brooks est habillé par notre partenaire

Go by Brooks, https://soundcloud.com/gobybrooks

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made in lorraine

Lorraine, terre de blues ? Forger la note bleue

Texte : Manu D’andrea / Photos : Manu D’andrea (M. Pandolfi) & Ugo Schimizzi  Voici quelques décennies, le Nord-Est de la France était irrigué par la sueur des ouvriers de la sidérurgie et des mineurs de fond, qui arrachaient des entrailles de la Terre la fameuse « minette » lorraine, pour en faire un acier que le monde entier se partageait. Dans le cœur de ces hommes durs au labeur se mit à vibrer, telle une plainte, une certaine musique si belle, parce que remplie de la souffrance endurée, dont elle devint l’exutoire ultime. Pour les forçats du fer et de l’acier, le seul remède possible porte le nom du blues.

’est dans ce contexte que cette musique « importée » a pris chez nous, en Lorraine, avec une certaine authenticité, à l’image de ce qui se passa jadis dans les grandes villes industrielles américaines, comme Chicago et Détroit, et avant cela dans les champs de coton du Delta du Mississipi. Il fallait ce terreau fertile de souffrance morale et physique arrosée de sang, de larmes et de sueur, pour que le blues trouve un écho qui résonne. Si ce dernier est, à l’origine, la musique de la communauté noire américaine, descendant des esclaves subissant de plein fouet la ségrégation raciale, on peut considérer par extension qu’il est devenu la musique des pauvres, des travailleurs et finalement du peuple d’en bas. Loin des salles de concerts et des salons mondains. Dans son livre, Le peuple du blues, LeRoi Jones estime que ce style est avant tout une musique fonctionnelle, dont le but

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originel n’est pas de divertir, mais d’accompagner l’Homme dans sa tâche de tous les jours. Héritage africain importé en même temps que la maind’œuvre esclave. Foutaise que tout ceci, diront les détracteurs ! Mais alors, quelle étrange coïncidence, lorsque l’on voit naître Vache de Blues, l’un des plus grands festivals de France consacré au sujet, sur les friches industrielles de Micheville, dans le nord de notre région ? Sur ce site, 3 500 ouvriers ont tout donné pour faire tourner à plein régime la sidérurgie lorraine. C’est peu, me direz-vous, au regard des interminables lignes d’assemblage automobile de Détroit, mais tout de même. Dans ce Chicago du Pays Haut, la fermeture des mines et des usines a créé un No Man’s Land.   Est-ce encore un concours de circonstances si l’avènement réel du blues en Lorraine correspond

au déclin de la sidérurgie ? En effet, c’est dans les années 1980 que vont commencer à émerger des musiciens spécialisés et des groupes comme B’Movies, Blue Magoo’s, Los Nullos et, bien sûr, Alambic Mike. Pierre Ennen, président de l’Association Vache d’Assoc’ explique que le but initial, en 2002, était de pérenniser un festival dédié au blues. La première édition eut lieu l’année précédente en la mémoire de Patrick « Bill » Guyot, porteur initial du projet et figure emblématique de la guitare en Lorraine, malheureusement décédé. Aujourd’hui, l’événement accueille 4 000 personnes sur un week-end et une programmation internationale prestigieuse. Il faut saluer également d’autres initiatives, à l’exemple de celle du Bœuf de Blackwood, qui organise chaque mois, au Bar l’Excelsior à Thionville, un bœuf sur les standards du genre. Comme l’expliquent les instigateurs de ces soirées, Guy Fritsch et Christophe Leduc, c’est l’esprit même de cette musique que l’on tente de préserver à travers ces concerts. L’idée des jukejoints d’antan n’est pas si loin.   C’est dans de tels endroits que l’on rencontre ceux qui font vivre cette musique, les véritables artisans qui façonnent cette matière si noble qui remplit nos têtes et nos cœurs. Parmi les ouvriers du blues local, on peut citer Francesco Pilutti, leader et fondateur de Coco and the Blue Ice, José Tucci (harmonica) et Bruno Brocca (guitare), qui officient dans Never Too Late. Nico Vallone et Denis François sont des grandes références de l’harmonica. éric Starczan


Blues en Lorraine

Marco Pandolfi en concert à Villerupt le 15 mars 2014.

et Laurent Pisula font partie de ces musiciens dont le nom traverse désormais les limites géographiques locales. Layla Guyot a, elle, repris le flambeau et la guitare de son père, le regretté Patrick Guyot, qui visiblement lui a transmis le « feu sacré ». Pour finir notre tour non exhaustif des talents locaux, citons les groupes Cooking on Gas, Made In ou encore Cadillac Blues, qui arpentent les routes en distillant leur musique avec passion, ainsi que Deep South qui vient tout juste de naître.   Focus : Alambic Mike. Les fans de blues locaux le connaissent certainement, les musiciens de la génération précédente aussi. Les feux de la rampe se sont éteints pour lui, un certain soir de 1996 lorsque sa carrière, lancée à 100 à l’heure comme une locomotive américaine des années 1940 en route vers Chicago, sort de la voie. De graves problèmes de santé, provoquent une profonde dépression et une vertigineuse descente aux enfers sur fond de musique du diable. Seuls les plus costauds se relèvent de ce genre d’accident. Mike est à nouveau sur ses jambes, mais son

âme a failli y rester. Sa carrière débute en 1982, lorsqu’après une rupture sentimentale, le blues s’est emparé de lui et en a fait son compagnon de route. Ce blues sort de son cœur comme la fumée des hauts-fourneaux, alimentés par des hommes qui n’ont d’autres choix que de nourrir ces géants d’acier pour vivre. Mike souffre, comme tous les bluesmen. Merveilleusement entouré par certains des musiciens déjà cités, il distille à travers son alambic un Chicago blues qui vient des profondeurs de ses tripes. Les riffs de guitares s’enchaînent sur des shuffles endiablés et l’harmonica souffle comme une « Big Boy » à fond la gomme. Si le train d’Alambic Mike n’avait pas déraillé, il aurait sans doute rejoint les stars, comme Luther Allison, avec qui il a joué à plusieurs reprises. Aujourd’hui, Mike va mieux. Il a vaincu sa maladie et sa déprime. Lorsqu’on lui demande s’il compte un jour remettre le couvert pour refaire de la musique, il répond qu’il n’en a plus envie. La flamme s’est éteinte, le blues est parti, il a fini par entendre sa prière. Jimmy Rogers ne disait-il pas : « Blues, Leave me Alone » ? 

Vache de Blues est un événement incontournable.

Le festival vache de blues aura lieu du 4 au 6 juillet 2014, à Villerupt.

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made in lorraine

Quinze ans  de FML ! Les lycéens au Zénith de Nancy Texte : Guillaume Hann / Photos : Guillaume Sanzée

Retrouvez notre découpage spécial FML en page 42.

Quinze ans déjà que le Conseil Régional de Lorraine, au travers de son Festival de Musique des Lycéens et des Apprentis, offre un véritable tremplin aux jeunes groupes et artistes en devenir. Un événement dignement fêté le 14 mai dernier au Zénith de Nancy, qui accueillait près de 4 000 spectateurs venus découvrir les futurs grands noms de la scène musicale made in Lorraine.

her lecteur, pour donner plus d’impact à ce texte, nous vous suggérons de le lire en imaginant la voix de Nikos Aliagas... de toute façon c’est trop tard, vous l’avez déjà en tête ! Le talent n’attend pas le nombre des années, c’est bien connu. C’est ce que prouve chaque année le Conseil Régional de Lorraine en organisant le FML, mettant en avant les artistes qui seront certainement les nouvelles stars de demain. Et le principe ne date pas d’hier, puisqu’en quinze ans d’existence, le festival lorrain a notamment mis un coup de projecteur sur Philippe Krier, qui, bien avant de fouler les plateaux télé, se faisait déjà remarquer par le jury régional.

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Et en parlant de jury, cette année, la sélection des candidats a été faite parmi plus de cinquante prétendants inscrits aux présélections. Seule une dizaine d’entre eux a eu le privilège de se produire sur la scène du Zénith. Comme le fait remarquer le

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chanteur du groupe folk Lion & Wolf (dont les compositions pleines d’optimisme nous ont séduit), ladite salle a vu jouer en son temps un certain Ray Charles, excusez du peu ! On peut aisément comprendre que les jeunes musiciens soient un peu sous pression, d’autant que la récompense du festival va audelà de l’accès à la scène. Pour la première fois cette année, la région Lorraine s’associe à une célèbre marque de burgers – mais si, ceux qui ont forcément un resto à moins de 10 kilomètres de chez vous – pour offrir à chaque groupe ou artiste 500 euros de matériel, afin de parfaire leur projet musical.   Mais revenons au concert : après un DJ set en début d’après-midi pour chauffer l’ambiance, les 10 formations venues offrir leurs performances au public – déjà conquis d’avance, il faut bien l’avouer – se succèdent, en faisant voyager les spectateurs d’un univers à un autre. On vogue ainsi de la folk acoustique au metal, en passant par la pop et

le reggae. Une variété de styles appréciable, même si un peu de hip-hop aurait été le bienvenu lors de ce show très axé sur la guitare. Ceci dit, ne boudons pas notre plaisir, nous sommes très clients de la musique à base de six-cordes... et nous sommes loin d’être les seuls, à en juger par les cris d’euphorie à l’arrivée de chaque nouveau groupe. Il est d’ailleurs assez étonnant de voir à quel point les finalistes du FML sont déjà très à l’aise en public. Certes, il y a parfois des imprécisions, que l’on mettra sur le compte du stress, mais de manière générale, l’interprétation est de très bonne facture et certains groupes, comme Drenalize et son hard rock façon Scorpions ont déjà tout compris en terme de présence scénique... quitte même à en faire un peu trop !   à mi-chemin du festival, les membres de Stereostar 69, dont on vous a déjà dit du bien, arrivent face à la foule. Au vu des barbes hirsutes et des cheveux grisonnants des musiciens,


FML

Le groupe Azadi et son reggae décapant.

Drenalize prouve que le hard rock a encore la cote.

Les Stereostar 69 fêtent l’anniversaire du FML.

Le public a réservé un accueil chaleureux aux artistes.

dur de croire qu’ils soient encore au lycée, à moins d’avoir triplé leur CM2 et quadruplé leur sixième. L’animatrice du festival explique alors que le groupe, constitué en partie de profs de lycée, est la guest (stereo) star du jour. Ils ont la tâche de fêter dignement le quinzième anniversaire du FML. On assiste alors à un spectacle surréaliste, pendant lequel des échassiers casqués et recouverts de diodes s’adonnent à un lâcher de confettis, au son pêchu des Stereostar, remplissant à merveille leur office.

L’anniversaire aura été célébré de la meilleure manière et l’événement aura encore démontré la variété des talents lorrains. La journée finie ne marque pas pour autant la fin de cette édition 2014, puisque le Conseil Régional de Lorraine prolonge le suspens en proposant d’élire un grand gagnant parmi les 10 lauréats. Celui-ci aura le privilège de se produire lors de la prochaine édition des illustres Nancy Jazz Pulsations. De quoi compléter agréablement les CV musicaux d’artistes déjà très prometteurs. 

Les 10 gagnants de 2014 >> Blasphor - Métal, Metz >> Sipping - Néo Métal, Nancy >> UnidoZ - Pop Rock, Metz >> Mist Side - Pop Folk, Vandœuvre >> Drenalize - Hard Rock, Briey >> Rocket Science - Pop Rock, Bar-le-Duc >> Lion & Wolf - Folk, épinal >> Azadi - Reggae, Metz >> The Wellies - Rock, Ottange >> Maeva Laruelle - Folk, Metz

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made in lorraine

Metz plage live 2014 Musique ensablée

Texte : Dom Panetta / Photo (Seed to Tree) : Matthieu Henkinet

Metz Plage Live en 2013.

Du sable, des parasols, de l’eau turquoise et de la musique, sans avoir besoin de traverser la France. Metz Plage revient cette année encore pour vous en mettre plein les yeux et les oreilles !

evenu le rendez-vous immanquable des étés messins, Metz Plage se prépare à s’installer à nouveau sur les berges du plan d’eau. Inscrite dans le cadre d’une politique de dynamisation de la ville, cette initiative de la municipalité propose chaque jour, pendant un mois, divers spectacles et activités, dans un décor rappelant de lointaines plages de sable fin et permettant aux visiteurs

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de goûter au plaisir des vacances à la mer (sous réserve d’une météo lorraine clémente).   Mais Metz Plage, c’est aussi une série de concerts hebdomadaires. Rendez-vous chaque vendredi soir du 25 juillet au 15 août, pour assister aux Metz Plage Live, en partenariat avec l’association Zikamine. Et cette année encore, il y en aura pour tous les goûts ! Du rock pour commencer

avec REG, un duo messin aux sonorités de l’Ouest, du « far-west » même, qui se produira le 25 juillet. Si les plaines du Colorado et les duels au soleil vus depuis votre table de saloon une bière à la main, sont votre came, vous allez adorer (merci de chiquer dans les endroits réservés à cet effet). Un mélange subtil entre rock et folk, saupoudré d’une touche de musique mexicaine, sur lequel on imaginerait parfaitement un jeune Clint Eastwood coller une balle entre les deux yeux de Billy the Kid, avant que celui-ci n’ait eu le temps de dire « Jolly Jumper ».   Pour ceux d’entre vous qui sont plus rêveurs qu’aventuriers, c’est l’électro planante de SeLF qu’il vous faut. Le duo messin se produira non loin des palmiers le 1er août et vous emmènera dans un monde de lignes et de courbes, de couleurs hypnotiques, d’abstrait, d’impalpable… Bref, un pays où l’imaginaire vous sera tout aussi utile, voire plus, que l’ouïe.   Autre date, autre style : le 8 août, avec Cold Gravity. N’échappant pas à la comparaison avec les frenchies de Skip The Use, Cold Gravity est un quintet mosellan évoluant dans un style pop-rock/new wave. De la fraîcheur, de l’énergie et une bonne dose de talent, voilà ce qui constitue le répertoire de ce groupe originaire (lui aussi) de Metz et formé depuis à peine plus d’un an et demi.


Metz Plage Live 2014

Seed to Tree, lors de leur venue à Metz pour le premier anniversaire de Karma.

Crédit photos : Ville de Metz.

Les 100 000e visiteurs de Metz Plage en 2013.

Enfin, pour clore cette édition 2014 des Metz Plage Live, c’est Seed To Tree qui viendra planter ses graines sur les plages du plan d’eau le vendredi 15 août. C’est d’ailleurs à l’occasion du premier anniversaire de Karma, en septembre dernier, que nos voisins luxembourgeois se sont produits pour la première fois en France. Des guitares acoustiques, un peu de batterie et de basse, des voix envoûtantes et des compositions intelligentes, Seed to Tree marquera en beauté la fin de ce nouvel été messin, grâce à une folk aux accents rock habilement dissimulés.   Les concerts, prévus de 19 heures à 20 heures, viennent renforcer la portée d’un projet brassant près de 200 000 visiteurs durant l’été. Bien que les représentations aient lieu assez tôt pour des raisons logistiques, elles sauront, à n’en pas douter, ravir les nombreux plagistes.  REG : http://regtheband.bandcamp.com/ SeLF : http://sornetteftfrite.tumblr.com/ Cold Gravity : https://soundcloud.com/cold-gravity Seed To Tree : http://www.seedtotree.lu/home

La scène des Metz Plage Live et son ambiance posée.

Le groupe REG rejoint la programmation de cette édition.

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dossier

Ces morceaux qui donnent envie de voyager... Texte : Dom Panetta / Photos : Guillaume Hann (pp. 12 et 14)

À l’approche de l’été, l’équipe de Karma vous propose de découvrir son guide du routard musical. Que vous soyez plutôt tourisme, fête ou relaxation, il y en aura pour tous les goûts !

Le thermomètre remonte, les journées s’allongent, les salles de classe commencent à se vider et les dates de vos festivals favoris approchent… Pas de doute, la saison estivale arrive et, avec elle, l’éternelle question : où partir en vacances ? Si les destinations ne manquent pas sur notre bonne vieille planète (et bientôt sur ses voisines !), il est bien difficile de se décider sur telle ou telle localisation. Intérêt, motivations, budget… Autant de paramètres qui peuvent vous faire hésiter à partir dans un endroit plutôt qu’un autre. Les sites et les agences de voyage ne vous aident pas non plus. Tous vous présentent des offres de rêves dans des paysages de cartes postales, à des prix défiant toute concurrence… Oui, mais alors que faire ?

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Décollage en musique

Une solution pourrait être de démarrer votre application Google Earth et de faire un zoom quelque part complètement au hasard sur la planète. Oui, il s’agit effectivement de la version moderne de la mappemonde que l’on fait tourner et que l’on arrête d’un doigt en désignant la future destination. Un peu risqué, mais après tout, pourquoi pas ? Une autre possibilité, plus intéressante, consiste à aller chercher l’inspiration dans la musique et plus particulièrement dans celle qui va elle-même puiser son inspiration dans les voyages !   Depuis toujours, la musique et le voyage ont été intimement liés. Déjà, au Moyen-Âge, les


Around the world

« Une liste interminable d’artistes a foulé les rues de la ville qui ne dort jamais »

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dossier troubadours parcouraient le pays, allant de seigneurie en seigneurie, afin de faire connaître leur art d’un bout à l’autre du royaume. Aujourd’hui encore, les artistes traversent des continents entiers pour se produire devant d’innombrables foules et certains n’hésitent pas à rendre hommage à leurs destinations préférées dans les titres, ou les paroles de leurs morceaux. Faîtes vos bagages et embarquons ensemble à leur poursuite, dans un tour du Vieux Continent et du Nouveau Monde. Le Nouveau Monde, la côte Est

Premier atterrissage du vol Karma Airlines, l’aéroport JFK à New York. Tout voyageur digne de ce nom doit, au moins une fois dans sa vie, faire une halte au cœur de la Grande Pomme. Les références à cette ville sont légion tout autour de vous, pas uniquement dans la musique, mais celle-ci lui offre

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quelques-unes de ses plus belles œuvres. La plus connue ? Probablement celle de la légende Sinatra. Si New York, New York ne fait pas l’éloge de la ville en elle-même, elle nous explique pourquoi ce bon vieux Frank tenait tant à s’y rendre.   Dans le même esprit, mais beaucoup plus récent, le titre Empire State of Mind du duo Jay-Z/Alicia Keys, vous motivera certainement plus à aller arpenter Broadway, Time Square ou Central Park. There’s nothing you can’t do, now you’re in New York / These streets will make you feel brand new / Big lights will inspire you, let’s hear it for New York (Il n’y a rien que vous ne puissiez faire, maintenant vous êtes à New York / Ces rues vous feront vous sentir nouveau / Les lumières vont vous inspirer, faîtes du bruit pour New York, ndlr). The Police, The Pogues, The Rolling Stones… Une liste

interminable d’artistes a foulé, comme vous peut-être cet été, les rues de cette ville qui ne dort jamais.   Mais assez parlé de la Pomme, reprenons la route et longeons la côte Est des ÉtatsUnis pour nous rendre dans la cité la plus célèbre du sud du pays : Miami. La plage, les belles voitures, les cocktails, les filles… Pas de doute, c’est bien la fête qui est à l’honneur dans ce lieu aux multiples cultures. Et ce n’est pas Will Smith qui vous dira le contraire ! Dans son titre sorti à la fin des années 1990, l’acteur-chanteur nous dresse un portrait on ne peut plus élogieux de cette Miami, qu’il affectionne tant. Plus en demi-teinte, la vision de U2 évoque somme toute les mêmes aspects de cette ville, mais n’oublie pas de mentionner la météo parfois capricieuse et la chirurgie esthétique, qui dispose en Floride d’une de ses plus belles


Around the world vitrines. De nombreuses facettes donc, également reprises par Ray Charles ou encore Saez. Un même titre pour plusieurs visions. Le Français n’hésite pas, lui, à présenter le pire de cette ville pleine de vices. Le Nouveau Monde, le Sud

Poursuivons notre voyage dans le sud des États-Unis et éloignons-nous des côtes. Un rapide passage par ce Sweet Home Alabama cher aux rockeurs de Lynyrd Skynyrd et nous y voilà. Le plus vaste des états, tout y est prétendument plus grand qu’ailleurs : le Texas. Fermement arrimé au Mexique avec lequel il partage un passé chargé, c’est probablement le territoire le plus connu, de par sa culture et son folklore. Tout ceci explique que Houston, la ville la plus peuplée de cet état aux nombreux superlatifs, ait inspiré tant d’artistes dans la composition et l’écriture de leurs morceaux. Houston is

filled with promise (Houston est remplie de promesses, ndlr) chante Michael Stripe, leader de feu R.E.M., tandis que Bob Dylan nous suggère de marcher droit si nous allons un jour à Houston, avant de poursuivre sa description du Texas en passant par Dallas, Austin et bien d’autres villes dans If You Ever go to Houston.

les vers suivants : On oublie tout / Sous le beau ciel de Mexico /On devient fou / Au son des rythmes tropicaux... / Le seul désir qui vous entraîne / Dès qu’on a quitté le bateau / C’est de goûter une semaine / L’aventure mexicaine / Au soleil de Mexico... Tout un programme et un joli coup de pub pour la mégalopole et le pays tout entier !

Passons un instant la frontière sud pour nous rendre à Mexico City. La capitale du Mexique et ses près de neuf millions d’habitants s’impose, aujourd’hui encore, comme une des villes les plus peuplées au monde. Il est donc tout naturel qu’elle soit mise sous les projecteurs dès 1951 dans l’opérette Le chanteur de Mexico, œuvre célèbre pour l’interprétation du titre Mexico par Luis Mariano. Le premier couplet met en avant les qualités de la ville par rapport au reste du monde et s’achève par

Mais retournons de l’autre côté du Rio Grande. Après les quelques déboires habituels avec les autorités américaines à la frontière, nous passons Tijuana, San Diego et arrivons enfin aux abords de la cité des anges, Los Angeles ! Véritable emblème du rêve américain, cette ville a vu défiler dans ses rues pléthore d’acteurs et de musiciens. I’d be safe and warm / If I was in L.A. (Je serais en sécurité et au chaud / Si j’étais à Los Angeles) chantaient The Mamas and The Papas dans California Dreamin’, tandis que

« Los angeles a vu défiler pléthore d’acteurs et de musiciens » 15


dossier

top tracks La sélec’

Jacques Brel – Le Port d’Amsterdam The Beatles – Strawberry Fields Forever The Clash – London Calling Bob Dylan – If you ever go to Houston Jay-Z / Alicia Keys – Empire State of Mind Lynyrd Skynyrd – Sweet Home Alabama The Mamas and The Papas – California Dreamin’ Gary Moore – Parisienne Walkways

Jared Leto décrit Hollywood comme A boulevard of hope and dreams / Streets made of desire (Un boulevard d’espoir et de rêves / Des rues faites de désir) dans City of Angels de 30 Seconds to Mars. Mère patrie du punk et du rock californien, comme son nom l’indique, la Californie est réputée pour son vivier de groupes et d’artistes contemporains, les Red Hot Chili Peppers en tête. Ceux-ci ont consacré bon nombre de leurs textes à leur patrie d’origine. Il est d’ailleurs dit que celui qui peut conquérir cet état, n’aura aucune difficulté à conquérir le monde.   Nous pourrions continuer ce voyage et cette énumération au pays de l’Oncle Sam pendant des pages et des pages, nous arrêtant notamment à Seattle, à la Nouvelle Orléans ou à Nashville, mais prenons plutôt un avion et descendons vers le sud du continent américain, plus précisément dans une région assez méconnue du grand public. Située à cheval entre l’Argentine et le Chili, la Patagonie est une des régions les plus sauvages de notre planète. C’est dans cette contrée lointaine que s’est installé un artiste bien français, Florent Pagny. Dans Terre, sortie en 2000, il raconte sa vie et ses émotions dans sa nouvelle patrie, plus accueillante (notamment sur le plan fiscal, ndlr).

édith Piaf – Dans ma rue Frank Sinatra – New York, New York

Les îles britanniques

De retour dans notre chère Europe, c’est en Irlande que nous nous posons, avant de regagner le continent à proprement parler. Très étroitement liée à la musique, l’Irlande est réputée pour être une terre de fête et d’amusement. Pourtant ce n’est pas cet aspect de l’île qui nous amène à faire escale ici, mais bel et bien ses lacs. Et plus précisément ceux du Connemara. Chantée par Michel Sardou en 1981, cette région de l’ouest de l’Irlande propose de magnifiques paysages, où la nature a su garder une grande partie de ses droits. Pour l’anecdote, la chanson est devenue culte dans certaines soirées hype, comme en témoigne La Crême de la Crême, dernier long métrage en date de Kim Chapiron.

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à présent, rapprochons nous un peu plus des terres. Cette fois, c’est en bateau que nous nous déplaçons, pour arriver dans le port de Liverpool, la ville qui a vu naître les Beatles. Et ce sont eux, les quatre garçons dans le vent, qui en parlent le mieux : au travers de Penny Lane et de Strawberry Fields Forever, McCartney et Lennon nous emmènent tour à tour dans les lieux qui ont marqué leur enfance et leur jeunesse. D’ailleurs, l’un des lieux les plus importants de la carrière des Fab Four se trouve à Liverpool. Il s’agit du Cavern, un bar/salle de spectacle mythique dans lequel les quatre Anglais ont joué plusieurs dizaines de fois à leurs débuts. On peut même trouver une statue de Stuart Stutcliff, le cinquième Beatles à quelques mètres de la porte, souvenir du temps où le groupe, encore appelé The Quarrymen, foulait les planches du Cavern en compagnie du larron.   Impossible pour vous de traverser le RoyaumeUni sans faire une halte à Londres. La capitale vous accueillera quel que soit votre âge, votre sexe ou votre couleur de peau et vous fascinera dans tous les cas. Mentionnée dans de multiples œuvres (London Calling des Clash, Landing in London de 3 Doors Down, etc.), la ville pourrait même vous inspirer vos propres compositions, que vous soyez musicien ou non, tant la musique y est omniprésente. Un petit détour par les légendaires Studio d’Abbey Road dans l’arrondissement de Westminster vous permettra de prendre une photo souvenir pendant votre traversée du légendaire passage piéton. Le Vieux Continent

Nous y voilà enfin ! Le continent européen, si souvent cité. La terre ferme… pour peu de temps, car une fois encore, c’est en bateau que nous poursuivons notre périple. Nous nous rendons dans l’un des ports les plus célèbres du monde : Le Port d’Amsterdam. Véritable plateforme commerciale, ce lieu mythique est également au centre d’une


des chansons les plus célèbres de Jacques Brel, dans laquelle l’artiste nous fait revivre l’ambiance du lieu, de ses marins et de leurs aventures. Plus qu’une chanson, un hymne repris maintes et maintes fois par de nombreux artistes, y compris par le rockeur aux yeux vairons, David Bowie.   Mais trêve de bavardages, la fin des vacances approche et il nous reste encore tellement de choses à voir que nous prenons immédiatement l’avion, direction le sud de l’Italie : la Sicile. C’est là, à Messine, que Damien Saez aurait voulu emmener sa belle. Le soleil, la chaleur, les paysages sauvages : un havre de paix qui sent bon la détente et le repos. Et pourquoi pas, avant de retrouver notre pays, faire une escale à Venise avec Claude Nougaro ? Ses canaux, ses gondoles, ses amoureux. C’est bien simple, il vous suffit d’imprimer le texte de la chanson et de suivre les vers pour avoir votre itinéraire tout tracé.

Photo : droits réservés.

Around the world

Et bien voilà, notre voyage touche à sa fin. D’ici quelques heures, nous atterrirons à Paris et retournerons à notre vie quotidienne, à moins que vous n’ayez encore quelques jours devant vous ? Et bien dans ce cas, accordons-nous une visite de la capitale française, qu’en dites-vous ? Parce qu’après tout, il n’est pas toujours nécessaire de faire des milliers de kilomètres pour se sentir en vacances ! Rejoignons donc Jacques Dutronc dans sa tournée matinale de la ville des Lumières, car Il est cinq heures, Paris s'éveille. Guide de talent, il nous propose en un couplet une visite des principaux monuments : La tour Eiffel a froid aux pieds / L’Arc de Triomphe est ranimé / Et l’Obélisque est bien dressé / Entre la nuit et la journée. Gary Moore, quant à lui, nous emmènera vers d’autres horizons dans Parisienne Walkways. Arrivés à Montmartre, la Môme Piaf vous fera découvrir sa vie et sa ville, en vous faisant arpenter la rue Pigalle. Dans ma rue, d’ailleurs récemment reprise par la jeune Zaz, qui nous transporte, quant à elle, du côté de Belle-Île-En-Mer, avec son titre Port Coton. Enfin, vous l’aurez compris, le voyage pourrait durer encore et encore. Atterrissage

Bien évidemment, ces quelques lignes ne représentent qu’une infime partie des innombrables destinations qui s’offrent à vous pour ces futures vacances d’été. Je vous invite donc à aller faire un tour dans votre discothèque, votre ordinateur ou vos souvenirs pour retrouver LA chanson qui vous donnera le déclic, vous fera boucler vos bagages et prendre le premier avion à la recherche de votre bonheur. Bon voyage ! « Mesdames et Messieurs nous arrivons à la fin de notre article. Merci de bien vouloir garder votre page ouverte jusqu’à la fin de la lecture. Karma Airlines et toute son équipe vous remercient d’avoir choisi notre magazine. Nous espérons que vous avez passé un délicieux moment dans ces quelques pages et vous souhaitons un agréable séjour. » 

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infographie

à chaque numéro, nous vous proposons une nouvelle infographie musicale. Cette fois-ci, petit retour graphique sur quelques grands compositeurs de cinéma et leurs travaux les plus marquants. Par Quentin Crumbach. 

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Les classiques du cinéma

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interview

yes

dialogue progressif Propos recueillis par Guillaume Hann Le groupe au complet fête ses quarante ans de carrière.

Justement, nous avons une question rituelle :

Groupe phare du rock progressif des années 1970, Yes fête en 2014 ses quarante

préférez-vous les Beatles ou les Rolling Stones ?

années d’activité, en proposant une nouvelle tournée. L’occasion de rencontrer

Dès le départ, j’ai été un fan des Beatles, avant de pouvoir apprécier les Stones à leur juste valeur, bien qu’ils aient composé d’excellentes chansons, mais

Steve Howe, guitariste de la formation. Vous pouvez également retrouver sur notre site l’interview du batteur Alan White, qui vient compléter celle-ci. Karma : Quel est votre secret pour

Pouvez-vous nous parler de votre

expliquer la longévité du groupe ?

travail avec Roger Dean (graphiste et

Steve Howe : (rires) Je crois qu’au fur et à

auteur de nombreux visuels de Yes).

mesure des années, chacun des membres a vieilli un peu différemment, mais on a surtout réussi à conserver une forme d’harmonie entre nous, c’est ce qui fait qu’on est toujours là ! Vous êtes connus pour vos chansons longues. Aviez-vous des restrictions à l’époque ?

La première chose à laquelle je pense, c’est qu’au moment de l’enregistrement de la première phase de Tales From Topographic Oceans, il a fallu réduire la taille des compositions de 28 à 22 minutes pour tenir sur la face A du vinyle. On n’aurait pas eu ce type de problème, plus tard, avec un CD, qui offre une plus grande marge de manœuvre et plus de continuité. De toute façon, je pense vraiment que les restrictions sont avant tout dans notre tête. Nous faisons régulièrement des chansons dont la durée est aux alentours de quinze minutes, même si on aime également faire des choses plus courtes (rires) !

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dire que les Beatles étaient le premier groupe de rock mais d’une certaine manière, ils ont aussi initié le mouvement psychédélique. Avec Close to the Edge, on n’était pas dans une logique de reproduire un type de musique, mais justement, tout en gardant l’esprit du rock, de jouer une musique qui évoquait une certaine forme de liberté. On pouvait expérimenter des choses.

A-t-il contribué au succès du groupe ?

Oui, complètement ! à de rares exceptions près, Roger a illustré la plupart des créations du groupe. On ne s’occupait pas directement du design des albums et le travail de Roger a toujours donné une continuité à ce qu’a pu faire Yes. C’est un partenariat subtil entre les deux parties. Il a contribué à populariser le groupe, autant que nos chansons. D’une certaine manière, on peut considérer qu’il en fait partie. Comment définiriez-vous le rock pro-

« Aujourd’hui, personne ne veut jouer comme Yes ! » qui sont toutes – comme vous le savez – basées sur ces mêmes racines de rythm’n’blues. Je pense que les Beatles, quant à eux, se sont immédiatement tournés vers quelque chose de plus large, qui a permis d’ouvrir la voie ensuite vers le rock progressif et qui me correspond bien plus.

gressif et comment en êtes-vous venus à adhérer à ce style ?

Appréciez-vous des groupes de prog’ actuels ?

Quand j’ai grandi, il y avait la pop, le rock et le blues et ces différents genres étaient au fond assez similaires et partageaient tous les mêmes types d’accords, semblables à ces trois genres. à un certain moment, des gens sont venus et ont incorporé des choses différentes, des accords de jazz notamment, qui m’ont parlé immédiatement. On peut

Vont-ils dans la bonne direction pour vous ?

Quand Chuck Berry est arrivé, il était seul. Personne ne sonnait comme lui. De la même manière, je ne m’attends pas à ce qu’il y ait un groupe aujourd’hui qui veuille jouer comme Yes. Ce que j’aime, c’est que le prog’ ait eu un effet sur lui-même et que des groupes de l’époque aient pu influencer des formations comme Dream Theater ou Porcupine Tree, qui sont encore plus techniques


Yes

que ce que Yes pouvait être. Actuellement, il n’yexiste pas de groupe qui sonne comme Yes, ce qui tombe plutôt bien, vu que nous sommes toujours là (rires) ! En parlant de technique, je voudrais en savoir plus sur votre rôle

de la structure du morceau. Parmi toutes les guitares qu’il y avait là, j’ai choisi une guitare Gibson pour le flamenco et j’ai commencé à improviser. En quelques heures, ça a rapidement pris forme. J’ai superposé plusieurs pistes. En finissant, Brian (May, guitariste de Queen, ndlr) m’a dit : « super, allez, allons manger ! »

dans Innuendo, la chanson de Queen, où vous jouez une partie de flamenco. Comment est venue cette proposition et pourquoi

Vous avez également joué dans Asia. êtes-vous d’accord pour dire

avoir choisi de jouer une telle partie ?

que les chansons du groupe sont plus « pop » que celles de Yes ?

En fait, j’étais dans un restaurant à Montreux, en Suisse et je savais que Queen était en train d’enregistrer un album dans les environs. Un technicien est entré dans le restaurant et a été surpris de me voir là. Il m’a proposé de passer au studio pour assister à l’enregistrement alors que le groupe était en plein travail sur Innuendo, qui était aussi le dernier morceau qu’ils enregistraient. Ils m’ont joué la chanson, que j’ai trouvé fantastique, comme le reste de l’album, qui est génial. C’est là qu’ils m’ont proposé d’intervenir, car ils pensaient que l’ensemble manquait de guitares. Ils m’ont demandé de jouer, sans me soucier

Oui, complètement ! C’est sûr, on a voulu rester dans la mouvance de Yes, mais pas uniquement. L’idée était de croiser différentes influences comme Boston ou Foreigner, mais sans se cantonner à ça. On avait quand même envie de garder une certaine partie progressive dans la musique du groupe, même si ce n’était pas sur toutes les chansons. Je trouve qu’il y a un bon équilibre à ce niveau dans Asia, notamment sur le premier album. 

Photo fournie par la Rockhal.

Yes, Heaven and Earth, 2014, Frontiers Records.

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interview

depeche mode rencontre au george V, avant bercy ! Propos recueillis par Nathalie Barbosa / Photos : Ugo Schimizzi

C’est à l’hôtel George V que Peter Gordeno, un des claviéristes du groupe Depeche Mode, a accepté de nous rencontrer. Thé Earl Grey, ambiance feutrée et un pianiste en arrière-plan : le décor est posé. Nous nous sentons comme des poissons dans l’eau parmi les dorures, les angelots et le baroque opulent des lieux. Luxe, calme et volupté. Que demander de plus ? Karma : Raconte-moi comment ton histoire avec Depeche Mode a débuté ! Peter Gordeno : En fait, je ne sais pas si tu

connais un peu l’histoire du groupe, mais au début des années 1990, Dave (Gahan, ndlr), le chanteur, avait pas mal de problèmes avec ses addictions. Suite à cela Alan Wilder a quitté la formation et c’est moi qui l’ai remplacé. Après Violator en 1993, le groupe a failli se séparer pour de bon et Dave a dû aller en cure de désintoxication. C’est à ce moment-là qu’ils ont commencé à chercher un remplaçant pour Alan. Ils ont demandé à voir huit personnes et je faisais partie des huit.

C’était une sorte de casting ?

En fait, au début, je n’avais même pas vu le groupe. C’était le tour manager qui faisait le casting et il réalisait par la suite un petit compte-rendu pour les autres membres. Je suis content que cela se soit passé comme ça, car j’étais vraiment trop arrogant à l’époque ! Il s’est avéré par la suite qu’ils

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n’ont aimé personne d’autre à part l’arrogant. Martin Gore a voulu me voir, mais ce n’était pas une vraie audition. On s’est fait une session détendue où on jouait ensemble, on improvisait et on chantait des chants de gospel. Aujourd’hui, j’en suis à ma cinquième tournée mondiale avec eux ! Comment vois-tu aujourd’hui ta relation avec le groupe Depeche Mode ? Es-tu un membre à part entière ou es-tu un musicien de tournée ?

Je pense que je suis quelque part au milieu des deux. La marque Depeche Mode est ancrée avec les trois membres originels : Martin L. Gore, Dave Gahan et Andrew Fletcher. Christian (Eigner, le batteur de Depeche Mode, ndlr) et moi, on est reconnus comme membres par les fans. En fait, toute l’organisation autour du groupe est très sympa. C’est un peu comme une famille. Dave est le seul à avoir son propre dressing, car il a des horaires différents de tout le monde. Sinon, nous partageons tous

le même dressing backstage et on mange tous ensemble. Dave a aussi une certaine routine en matière d’échauffements. Son boulot est beaucoup plus dur que celui des autres. Il arrive plus tard et il fait son yoga avant de monter sur scène. En matière de décision aussi, tout le monde a son mot à dire. Personne ne nous dit ce qu’on doit faire, ou quels titres jouer. Chacun fait des suggestions et on essaie des choses tous les soirs. Donc, oui, je pense que je suis quelque part entre le membre du groupe et le musicien de tournée. Comment vous sentez-vous de jouer à Bercy cette fois-ci, surtout après avoir joué dans de très grands stades, comme le Stade de France, l’année dernière ?

Je pense qu’on préfère les petites salles aux stades, à bien des égards. L’été dernier, on a fait de supers spectacles dans les stades, c’est vrai. Ce qui est bien avec ce groupe, c’est qu’on peut faire les deux, en fait. On a fait des stades en été et comme on a beaucoup de


Depeche Mode

« Personne ne nous dit ce qu’on doit faire, ou quels titres jouer » Show explosif du groupe à Bercy le 31 janvier 2014.

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interview

« Un jour, un fan m’a demandé une photo. J’étais en peignoir, t-shirt et pantoufles ! » fans très fidèles, ils reviennent nous voir en salle en hiver. C’est une expérience totalement différente. Un changement majeur tient dans le fait que nos concerts dans les stades commencent souvent alors qu’il fait encore jour. Notre show est assez visuel, tu le verras ce soir. Ce n’est pas très efficace s’il fait encore jour. Justement, peux-tu nous parler de l’artiste qui crée vos visuels sur scène ?

Il s’agit d’Anton Corbijn, encore une fois. Depuis que je fais partie de Depeche Mode, Anton a tout fait. Il commence à être très dur à avoir, car maintenant il fait aussi des longs métrages. Il a fait dernièrement The American, avec George Clooney dans le rôle principal. Il a fait pas mal de films. Vous verrez le résultat de son travail derrière nous ce soir. C’est lui qui a fait tout le design de la scène.

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Oui, il est là au début de la tournée. Le groupe lui laisse une très grande liberté. Lorsque nous montons sur scène le premier soir de notre tournée, c’est le moment où nous découvrons son travail dans sa globalité. Pour cette tournée-ci, nous avons répété six semaines aux étatsUnis et nous avons commencé avec la date de Nice. La dernière tournée, nous l’avons commencée au Luxembourg.

et à Montpellier. Ces fans nous suivent et la plupart sont vraiment sympas. Il y en a qui ne comprennent pas qu’il nous faut aussi un peu d’espace de temps en temps. Nous signons des autographes et faisons des photos à l’extérieur de l’hôtel et pas à l’intérieur. On essaie en tout cas de respecter cette règle. Il y a quelques jours, un fan m’a demandé une photo alors que je prenais mon petit-déjeuner. Je me suis dit « sérieusement ? ». Cela faisait dix minutes que j’étais réveillé. J’étais en peignoir, t-shirt et pantoufles. Mes cheveux partaient dans tous les sens. Vraiment ? Maintenant (rires) ?

Tu parlais des fans tout à l’heure. As-

Après avoir passé un bout de temps dans beau-

tu des histoires que tu pourrais nous

coup de beaux hôtels dans le monde, le groupe

raconter ? Vois-tu toujours les mêmes

est-il aujourd’hui blasé de cette vie ?

visages aux concerts ?

Si on parle du George V, je me sens blasé d’être ici, oui ! Je me dis que je suis probablement la personne la moins riche dans cet hôtel en ce moment (rires) ! J’aime regarder les personnes qui déambulent dans cet endroit, je trouve qu’ils ont tous un physique

Anton est-il présent lors de la mise en place des visuels ?

Oui, très souvent. Toutes les personnes que tu as vues dehors (il y avait une foule d’aficionados devant le George V à notre arrivée, ndlr), elles étaient déjà là à Lyon


Depeche Mode

particulier, tu ne trouves pas ? (il regarde les gens autour de nous) Je trouve qu’il y a beaucoup de personnages potentiels pour le prochain James Bond là (fou rire général) ! Pour en revenir à ta question, non on n’est pas blasés. Je pense que ce serait simple de le devenir, effectivement nous sommes très gâtés. Nous jouions un soir au Texas et il me semble qu’il y a eu un souci concernant la taille de la salle de massage qui n’était pas assez grande. En fait les gens de la troupe se sont vraiment plaints à cause de cela. Finalement j’ai inventé ce personnage d’enfant africain que nous devons soutenir financièrement. Donc à chaque fois que quelqu’un voulait se plaindre, on demandait à ce que cette personne écrive une lettre à ce gamin en Afrique pour lui raconter tous ses soucis personnels, comme par exemple « ma chambre d’hôtel n’est pas assez grande » ou « il n’y a pas de saumon fumé au menu ». Je l’ai appelé Mamatundé. à chaque fois que l’on se plaint, je dis « on doit en parler à Mamatundé » et lui raconter nos soucis au George V ! Notre question rituelle : préfères-tu les Beatles ou les Rolling Stones ? Pourquoi ?

Je ne suis pas sûr que je puisse y répondre pour le moment, car les Stones devraient faire leur check-in à tout moment dans ce même hôtel (rires) ! Je vais choisir les Beatles. Les Stones sont un super groupe de rock’n’roll et ils sont amusants, mais en matière de génie musical, les Beatles sont supérieurs. Les Stones n’ont rien fait de vraiment révolutionnaire. Ils n’ont pas changé le paysage musical. C’est juste un bon groupe de rock. C’est une très vieille question que vous posez ! En ce moment, pas mal de personnes choisissent les Stones. Tout dépend des critères

choisissent les Stones pour leurs personnalités : ils transpirent le sexe et ils ont un côté dirty et cool, en étant restés très ancrés dans le blues. Les Beatles sont plus éclectiques et leur musique traverse différents styles. Tiens, je vais te raconter des anecdotes de début de tournée, car elles sont intéressantes. Nous avons répété pendant quelques semaines à Los Angeles et nous étions logés au Four Seasons de L.A. Dave et moi, nous nous entraînions dans la salle de sport quand Paul McCartney, qui était dans l’hôtel aussi, car il avait un concert dans la région, est entré dans la salle et nous a salués. Dave et moi, on s’est regardés, ébahis, du genre « mais c’est Paul McCartney ! ». La semaine juste avant, trois des quatre Rolling Stones étaient aussi dans ce même hôtel. La semaine juste après, David Bowie y a fait un séjour. J’avais l’impression d’être au Madame Tussaud à Londres ! Imagine si quelqu’un avait mis une bombe dans cet hôtel !

Oui, toute la musique importante de ces 50 dernières années aurait été détruite ! Il me semble que Cher et Bon Jovi étaient là aussi la même semaine, mais personne ne faisait attention à eux (fou rire général) ! Nous avions déjà les Anglais, désolé ! Paul McCartney était d’ailleurs très charmant. Ce qui est marrant avec le fait d’être connu, c’est que des fois il y a quand même des décalages. Dave m’a dit plus tard : « Tu te rends compte ? Paul McCartney connaît mon nom ! » Concernant David Bowie, il était vraiment trop cool. Personne n’osait aller lui parler, en fait. Charlie Watts (batteur des Rolling Stones, ndlr) était passé nous voir à notre concert et il a sympathisé avec notre batteur. Ils ont fait des petits « warm up » ensemble. Il est vraiment sympa. 

pour lesquels tu les choisis.

Oui, exactement ! J’aime les mélodies ! Donc Beatles. Je pense que beaucoup de personnes

Depeche Mode, Delta Machine, 2013, Columbia.

Dave Gahan, toujours au sommet. Peter Gordeno, bien installé à l’hôtel Georges V.

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interview

Chinese man

reste zen et mange des nems ! Propos recueillis par Ugo Schimizzi / Photos : Yvan Cauvez

Suite de notre interview avec les Français de Chinese Man, dont la première partie a été publiée sur notre site internet en avril, en préfiguration de leur tournée nationale. On revient ici, avec eux, sur leur parcours d’indépendants et leurs choix de carrière. Karma : Vous venez de sortir votre nouvel album, The Groove Session volume 3, à la fois présentation complète des nouveautés du label Chinese Man Records et du groupe Chinese Man. On remarque également au

High Ku : C’est ce genre de choses qu’on émet,

qui nous plaît. Mais quand t’y repenses sur 10 ans, ça prend du volume. à la base, la réflexion est simple. Dès que c’est un projet collectif, c’est « l’album de Chinese Man Records ».

passage un attachement fort aux stéréotypes hip-hop des années 1990 dans la forme.

Votre parcours ressemble assez à celui des

Pour le titre oui, c’est un peu ça, notre culture des années 1990 se retrouve dans ce choix. On a gardé tout ça parce que c’est la continuité des autres volumes sortis avant. C’est une présentation de ce que fait le label Chinese Man Records à un instant T. Donc le même concept que les groove sessions. On continuera comme ça ensemble, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Zé Matéo : Et vu qu’on faisait pas vraiment du hip-hop, pas vraiment du reggae, le groove c’était finalement ce qui résumait nos sessions de travail. ça se réfère aussi à nos maxis Pandi Groove et à toutes les sessions du genre.

Ogres de Barback, par votre côté indépen-

SLY :

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dant, créateur d’un label, installé en dehors du circuit parisien. SLY : On nous a souvent dit ça !

Zé Matéo : Forcément, déjà sur le plan budgétaire, eux comme nous n’avons pas les mêmes moyens que des artistes signés sur une major. Un budget promo/marketing conséquent permet de marteler au niveau des médias. C’est sûr que si tu entends un artiste 25 fois pendant un mois, ça force l’achat, autant que ça te donne envie de le vomir d’ailleurs ! Nous, on a la chance d’être diffusés, mais pas au point d’être lassants.


Chinese Man

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interview

Le groupe s’est produit sur la scène du Zénith de Nancy le 7 mai dernier, pour les 10 ans du label.

SLY : Le matraquage, c’est affreux.

Même C2C ! Pourtant on les connaît et c’est vraiment un groupe dont je respecte grave le travail et dont je kiffe plein de titres de leur album. J’ai eu ce rejet aussi avec nos morceaux, ce sentiment que ta musique ne t’appartient plus. Quand le public te dit « même ma grand-mère écoute ça», que tu passes sur NRJ, que tu finis par faire une compil’ de trop… Parce qu’en France, on a aussi ce côté commercial/pas commercial. On différencie ce qui est populaire et ce qui est plus indépendant. High Ku : La musique a cette vocation-là. être très moderne, d’actualité et en même temps intemporelle. Nous, on sample des trucs des années 1960 et on découvre des auteurs qui n’ont très certainement jamais été connus et qui n’ont jamais eu un grand succès à leur époque. C’est un médium qui fait vraiment vibrer. On se pose beaucoup de questions dans notre Zé Matéo :

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pays alors qu’aux états-Unis, par exemple, on s’en détache. On est beaucoup trop viscéraux avec ce qui est commercial ou non. SLY : On a fait écouter un vieux sample utilisé sur Miss Chang à une copine chinoise qui nous a dit : « c’est bizarre d’avoir choisi ça ». Il y a vraiment aussi le besoin d’éloignement par rapport à ta culture, le pays, dans le choix des extraits. C’est pour cette raison que d’autre groupes comme le Wu Tang Clan ou IAM utilisent des samples d’origine asiatique ?

C’est effectivement le Wu Tang qui a influencé ce phénomène-là. C’est peutêtre juste parce que l’esthétique, la musique, sont loin de ce qu’on connaît et c’est malgré tout un univers très vaste, où il y a encore de nombreuses choses à piocher. Et puis techniquement, ce sont des créations intéressantes à bosser.

SLY :

Zé Matéo : Les artistes que tu cites, ont très

peu samplé de groupes asiatiques dans leur musique. ça nous est arrivé sur certains titres. En fait c’est plus un imaginaire. On est une génération qui a vraiment grandi avec les ninjas. Ce truc ninja, guerrier du son, y’a toute une imagerie qui peut se coller à la promo. En plus, certains musiciens comme Shurik’n (de IAM ndlr) en ont fait un style de vie, pratiquent les arts martiaux. Chez nous, Sly est champion du monde de taekwendo ! High Ku : Graaave ! Deux fois (rires) ! SLY : En fait, avec la musique asiatique, on retrouve quelque chose de beaucoup moins percussif. C’est une musique qui se prête bien, pour notre génération années 1990, à apposer des beats sur un son. Tu peux rajouter de la batterie, de la basse, il y a un lien pour moi. High Ku : Tiens d’ailleurs, on pourrait faire un « post » sur Facebook avec l’original de Miss Chang, ça pourrait être intéressant ! Zé Matéo : Carrément ! Vous gérez donc tout dans le label, des choix artistiques aux réseaux sociaux ? Vous n’êtes pas devenus un peu schizophrènes ? ça vous plaît d’avoir un œil sur tout ? High Ku : Oh, c’est un gros bordel dans nos

têtes (rires) !

SLY : Tout ce qu’on fait, on le fait parce que

ça nous plaît, ou parce que c’est nécessaire pour réaliser quelque chose qui nous plaît. Maintenant, on a la chance d’avoir des gens qui nous aident, comme Fred et Ben, ce qui nous permet de déléguer pas mal de trucs. On n’est pas trop schizophrènes, mais ce qui est vraiment sûr c’est que quand on crée, c’est ça qui est prioritaire. Tout le reste devient secondaire, lire les mails, etc. Tout est articulé avec le moment où on crée. Zé Matéo : Tu peux te planter sur le business, mais pas sur l’artistique. Si on ne fournit pas


Chinese Man

la base musicale adéquate, ou si on ne permet pas aux autres groupes de le faire, ça ne sert à rien. On ne vendra rien, même si on a la meilleure organisation du monde. SLY : C’est aussi parce qu’on a une équipe derrière, qu’on s’est permis de prendre Deluxe – même si maintenant on est tout le temps débordés ! Il faut savoir que sur la route, on est 35 pour cette tournée !

Après coup, que retiendrez-vous de votre contribution musicale au spot publicitaire de Mercedes ?

Un public plus conséquent, sûrement. Mais ça nous a surtout donné les moyens de créer vraiment le label, d’avoir les capacités financières de porter un projet, sans mettre de notre poche. C’est un peu un scénario à la Robin des Bois. On a pris l’argent à Mercedes pour l’investir dans un truc indépendant.

SLY :

Une question RH à présent. Où vous voyezvous dans 20 ans ?

Et si on vous le reproposait ?

SLY : Je vois où je ne me vois pas. Je ne me vois

SLY : On a eu le cas de figure, mais on a refusé la majorité du temps. Il nous est arrivé de dire oui, à l’étranger. Zé Matéo : Il y a peut-être une logique plus facile avec l’étranger. SLY : C’est surtout que les propositions venant de l’étranger étaient mieux. Après, les personnes qui nous suivent sont en majorité françaises. Elles nous suivent aussi pour l’univers. On fait attention à ça. à l’interprétation des gens, des « fans », même si je n’aime pas le mot. On est ouverts à la discussion, mais on sait qu’on ne fera pas certaines choses, suivant la marque, ou le produit.

pas encore faire les festivals, être blasé et continuer de le faire de la même façon. Un taf quoi. Y’a des mecs, tu vois, tu les sens fatigués, un peu blasés. J’espère qu’on n’en arrivera pas là. Zé Matéo : Pour moi, l’avenir passerait par un développement du label. Avoir la possibilté de se détacher du rythme, de la vie d’artiste, qui est moins en corrélation avec le fait de gérer un label, au bout d’un certain moment. J’aimerais avoir la possibilité, via Chinese Man Records, de produire de nouveaux groupes, de réaliser des choses, de garder cet esprit-là, le faire mûrir. Ou sinon, être tellement connu que tu te concentres sur tes projets en particulier, comme faire un spectacle d’une semaine à Paris, des trucs de ouf ! High Ku : Participer à la B.O. d’un film… Zé Matéo : Mais effectivement, laisser la place… je me vois pas sauter encore derrière des platines dans 20 ans ! High Ku : Ce sera même plus des platines d’ici là… (rires) ! Zé Matéo : En tout cas, je veux faire avancer ce projet. Peut-être que ce sera sous une autre forme, géré par plein d’autres gens. Le plus important, c’est qu’il y ait de la création. Là où il y a de la création, il y a de la vie ! SLY : En fait, on se retrouvera dans vingt ans, toi tu seras vieux journaliste aigri, nous on sera vieux musiciens aigris à jouer en festival, genre le Paye-Ta-Tong Festival (rires) !

« Là où il y a de la création, il y a de la vie ! » Chinese man sera en concert le 13 juillet 2014 au festival Décibulles (Neuve-église - Alsace).

Et enfin notre question rituelle : Beatles ou Rolling Stones ? Zé Matéo : Beatles dans ma jeunesse et je suis

devenu Rolling Stones avec le temps. Les Beatles, il y a un accès un peu plus facile, un peu plus pop. Les Rolling Stones c’est beaucoup plus rude. SLY : Moi je préfère les Beatles dans la totalité, mais les Stones pour mes morceaux préférés ! Les Beatles sont impressionnants sur la vision artistique et les Stones faisaient des tubes. Bon, les Beatles aussi, mais… Tu vois ce que je veux dire (rires) ! Manager : Moi je serais plus The Doors ! SLY : Ah bah super, merci !  Chinese Man, The Groove Session vol. 3, 2014, Chinese Man Records.

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interview

pour moi. La France a une tradition tout à fait respectable avec le grand opéra et les lieux lyriques ou symphoniques, mais il fallait absolument un essor en faveur des musiques actuelles, afin de toucher un public plus jeune, qui a besoin, qui a envie de voir des artistes sur scène et de pouvoir s’exprimer. En continuant d’allouer les crédits budgétaires du plan SMAC et en proposant un élan supplémentaire, je souhaite montrer qu’il s’agit véritablement d’une priorité pour l’état.

bouillon de culture(s) Propos recueillis par Guillaume Hann & Ugo Schimizzi  à l’occasion de la cérémonie de remise des insignes de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres à Jean-François Ramon, directeur de l’EPCC Metz en Scènes, par Madame la Ministre de la Culture Aurélie Filippetti, nous en avons profité pour interviewer les deux protagonistes lorrains sur leur vision de la culture. Karma : Madame la Ministre, c’est la deuxième décoration que vous remettez en peu de temps en Lorraine (la précédente distinction étant venue saluer le travail de Pascal Jaskula, responsable de La Passerelle à Florange, ndlr). Est-ce le signe que la Lorraine a un fort attachement à la culture ?

Je pense que nous avons un terreau fertile en Lorraine et particulièrement le sillon mosellan, qui a peut-être été longtemps sous-estimé et qui n’a pas été assez mis en valeur. à travers deux lieux qui soutiennent l’émergence, l’innovation, mais aussi de par la personnalité de ses dirigeants, il était important de marquer un attachement à ces projets.

Ces lieux existent à travers des volontés personnelles très fortes, j’ai voulu saluer ce travail, cette énergie qui se dégage de notre région, en direction notamment des musiques actuelles avec des choix esthétiques forts et encore une fois des salles qui permettent à la scène émergente de s’exprimer.

« En France, on a peut-être tendance à sousestimer les musiques actuelles »

Aurélie Filippetti :

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Pensez-vous que c’est un domaine qui

Concernant la musique lyrique justement,

n’est pas assez mis en avant ?

n’estimez-vous pas qu’il y a des actions

Non, d’une manière générale, en France, on a peut-être tendance à sous-estimer les musiques actuelles, même sur le plan SMAC*, qui est un outil formidable. On voit d’ailleurs que les jeunes y trouvent un accès à la culture. C’est très important

à entreprendre pour permettre une accessibilité à un public plus jeune ?

Bien sûr, on y travaille ! Notamment sur la question des tarifs, par exemple. J’ai demandé à l’ensemble des établissements de spectacle vivant, qui dépendent du ministère,

* Scènes de Musique Actuelles.


Crédit photo : Arsenal - Metz.

Photo : droits réservés.

Aurélie Filippetti

3 questions à Jean-françois ramon Karma : Monsieur Ramon, que représente pour vous cette distinction ?

de réfléchir à des offres tarifaires pour les jeunes. Que ce soit un signal pour leur dire : « vous êtes les bienvenus ». Le tarif ne doit pas être une barrière à l’accessibilité de ces lieux par les jeunes.

je les ai portés sur de gros établissements parisiens, publics, opérateurs nationaux qui ont les moyens de trouver des mécènes pour compenser. Notre dernière question, rituelle : plutôt

Vous parlez de tarifs. M. Ramon a parlé

Beatles ou Rolling Stones ?

de coupes budgétaires précédemment.

Rolling Stones, sans aucune hésitation ! Parce que j’aime le rock un peu punk, même si c’est un anachronisme par rapport aux Rolling Stones. En fait, j’aime retrouver une énergie et une certaine rage qui s’exprime à travers la musique rock. Je me retrouve et je me suis toujours plus retrouvée à travers les Stones que les Beatles. J’aime cette énergie décapante et décoiffante, avec une espèce d’animalité en plus, quelque chose de très brut ! C’est vraiment extraordinaire, exceptionnel ! 

Com ment garde -t- on la culture au premier plan dans une période difficile ?

J’ai personnellement choisi sur le plan SMAC de conserver les budgets, notamment sur tout ce qui est intervention en région. Pour le spectacle vivant et pour les arts visuels, tous les crédits ont été conservés et même légèrement augmentés. Les espaces d’émergence dans les territoires ont été préservés depuis deux ans et cela continuera ainsi. Les efforts budgétaires,

Jean-François Ramon : C’est la distinction du ministère de la Culture et comme ma carrière a été essentiellement marquée par des activités culturelles, évidemment c’est pour moi la plus belle des médailles, la plus belle des récompenses que je pouvais avoir, qui surpasse de loin toutes les autres. Cette année marque également l’ouverture de la Boîte à Musique. Quelle est votre volonté avec cette nouvelle salle ?

C’est le dernier niveau d’une fusée à trois étages, avec l’Arsenal et les Trinitaires. C’est un projet assez unique en France. En septembre prochain, quand on inaugurera la BAM, on aura un dispositif vraiment complet de diffusion et de production musicale, des musiques populaires aux musiques savantes avec des niveaux d’équipement absolument remarquables. Il y a peu d’équivalent dans les villes de province en France, on a donc beaucoup de chance. Notre question rituelle : plutôt Beatles ou Rolling Stones ?

Rolling Stones. C’est plus rock’n’roll ! 

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interview

enki bilal & erik truffaz

virtuoses au diapason Texte et photos : Cédric Mathias

Rencontre avec deux personnages reconnus dans leurs domaines respectifs : le jazz pour Erik Truffaz, le dessin pour Enki Bilal. Un entretien à toute vitesse entre un avion raté et la représentation de leur projet-concert commun Being Human Being à l’Arsenal de Metz. Karma : Enki Bilal, pouvez-vous nous en dire plus sur vos influences ?

Quand on est gamin, c’est d’abord le dessin. L’utilisation de la mémoire visuelle, l’envie d’éprouver l’acte de dessiner. Il y a ceux qui y sont encouragés, puis intervient le talent naturel. On se prend au jeu. On a ensuite le regard attiré par tout ce qui est visuel : film, peinture, gravure. Je suis arrivé en France à 9 ans et j’ai découvert la BD franco-belge alors que j’apprenais une nouvelle langue. Avec un talent pour le dessin, c’est l’endroit parfait !

BD et de ne pas rester dans des codes immuables, trop conservateurs.

Enki Bilal :

J’aime ceux qui racontent des histoires avec des images, des petites bulles. Je me passionne pour ce médium comme moyen de raconter et je suis influencé par les dessinateurs réalistes comme Giraud, alias Moebius, ou encore Uderzo comme graphiste réaliste. Ensuite vient l’impact visuel d’autres artistes comme Gustave Doré, Goya… Je pense qu’il est important de sortir du monde de la

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Comment vous êtes-vous rencontrés ? Enki Bilal : La rencontre avec Erik (Truffaz, ndlr) s’est faite grâce à une tierce personne qui a du flair. Cette rencontre a eu lieu dans mon atelier et je dois dire que la compréhension fut instantanée. On a rapidement élaboré un concept, sans grande hésitation. On s’est quittés en ayant déjà en tête le rendez-vous suivant, afin d’établir un projet concret avec un synopsis, des images. On a décidé d’un fil conducteur, menant à un montage basé sur des vidéos HD de peinture, tournées sans plan fixe, de manière active. De leur côté, Erik et Murcof ont composé un thème fondateur qui laisse des portes ouvertes pour des impros comme avec Mahut (Dominique, percussionniste du projet ndlr), qui n’intervient pas dans les compos par contre. (à Truffaz) Excusemoi si je monopolise la parole. Truffaz : Non non, tu parles bien…


Enki Bilal & Erik Truffaz

Truffaz et Bilal, avant leur concert à L’Arsenal, à Metz, le 8 février dernier.

Enki Bilal : C’est le combat de demain, même s’il n’est pas pris en compte et c’est pour cela que la politique se discrédite. La construction de l’Europe est d’ailleurs ratée à cause de ce manque de vision, d’ambition européenne et planétaire. Les citoyens continuent à voter pour des candidats incompétents. Pour en revenir au concert en lui-même, quelle est la part d’impro à chaque représentation ?

Comment s’est fait le choix du titre Being Human Being ? Enki Bilal : J’avais pensé à Bling Bling Human

Bling Bling, mais c’était trop sarcastique (rires) ! J’ai donc proposé ce titre à Erik qui a accepté et qui l’a proposé à Murcof. La question se situait plutôt au niveau du montage. Nous voulions parler de la genèse de l’humanité. On vit dans un monde délimité par le ciel, la terre et la mer, avec une entité cosmique qui instaure la réalité de notre planète. Nous voulions montrer la dissociation entre le calme lié à la naissance de notre environnement et la montée de la violence dûe à l’apparition de l’humain, engendrant la haine, comme le montrent les actualités ou les livres d’histoire. L’idée était ensuite d’inverser cette mécanique infernale par la résistance, l’amour et l’envie d’une renaissance en liaison avec le monde animal. Tous les animaux et les habitants de notre monde sont solidaires dans ce besoin de relancer un cycle apaisé. Le projet raconte en quelque sorte l’histoire de

l’Humanité. Après, chacun peut interpréter ce projet comme il le souhaite. Je suppose que vos nombreuses influences artistiques s’inscrivent dans ce projet et

Erik Truffaz : Il y a environ 75% de la trame qui est fixe. Enki intervient de son côté sur l’image plus aléatoirement. Enki Bilal : Je me laisse porter par la musique. Même si je place mes thèmes dans un certain tempo. Je sais a peu près à quel endroit je peux mettre mes effets. J’en ai créé une dizaine même si seulement cinq ou six sont réellement utilisés. L’impro, finalement, est peu visible par le spectateur. C’est un tout et seulement quelques détails changent. C’est une sorte de maelstrom mental que les gens regardent et écoutent. Ou alors, les gens trouvent ça nul et s’en vont.

ont nourri cette vision du monde ? Enki Bilal : Je suis dans cette problématique depuis un certain nombre d’albums : creuser des thématiques historiques, géopolitiques et ce, de manière prémonitoire, parfois. C’est une question universelle sur l’état de la planète, de ses habitants. Je n’aime pas parler d’écologie, en tout cas pas dans le sens politique, car l’écologie politique me donne des boutons. Je pense que ce n’est pas comme cela qu’on doit régler le problème, même s’il est important de s’engager dans ce combat. Une vision humaniste en somme ? Enki Bilal : Oui, tout simplement…

Erik Truffaz : Ça nous remet aussi en place par rapport au cosmos, ça nous fait relativiser et c’est particulièrement bon.

Notre question rituelle : plutôt Beatles ou Rolling Stones ? Erik Truffaz : Beatles pour les compositions

et Rolling Stones pour deux ou trois chansons dans ma voiture. Enki Bilal : Il y a deux choses que je n’aime pas dans les questionnaires : celui de Proust et cette question. J’en ai marre et des Beatles et des Rolling Stones. Sincèrement. Même si j’avoue qu’ils ont fait des bonnes choses. McCartney en fait toujours, d’ailleurs.  Enki Bilal, Erik Truffaz, Murcof, Being Human Being, actuellement en tournée.

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interview

cascadeur un vent de poésie venu de lorraine Propos recueillis par Guillaume Hann / Photo : Cédric Mathias

cascadeur sera en concert le 27 juin 2014 pendant le festival Hors Format, à Metz.

Fier représentant de la scène émergeante messine, le jeune prodige Cascadeur s’est gentiment prêté à l’exercice de l’interview. Il se confie sur ses projets, sa conception de la musique et sa vision de la scène musicale lorraine. Rencontre avec un artiste de talent et sensible, dont le succès critique n’est déjà plus à prouver. Karma : Tu peux nous rappeler brièvement ton parcours ? Qu’est-ce qui t’a conduit à la musique ? Cascadeur : J’ai commencé le piano à l’âge

de huit ans, en jouant du classique jusqu’à 16 ans. Puis, j’ai eu envie de jouer des choses que j’écoutais alors. J’ai dû apprendre à me détacher de la partition en faisant du jazz. J’ai aussi fait beaucoup de reprises en jouant avec des amis dans des lieux publics, puis j’ai joué dans des groupes avec des amis toujours présents sur les disques de Cascadeur (Jérôme Didelot, Thierry Bellia).

la durée, loin du « coup ». Cette élaboration dans le temps, à l’image d’un cascadeur préparant avec minutie son prochain saut ou numéro, me semble essentielle. Ainsi, je prépare déjà le prochain album...

opus, Ghost Surfer : « le Français se hisse tellement haut qu’on en nourrit presque de l’appréhension pour lui et pour la suite. » Ça te fait quoi ? Un immense plaisir ou un peu de pression ?

J’ai cru comprendre que ton casque et ton nom faisaient référence à un jouet que tu avais étant enfant ?

C’est vrai. Un motard blanc vêtu d’une combinaison étoilée s’élançant sur un tremplin rouge. On peut y voir une forme de timidité ?

L’attente semble grande ici ! L’idée de la chute m’obsède et ce n’est sans doute pas pour rien que mon projet regroupant mes morceaux écrits en français se nommait Chut ! Un bon cascadeur se doit de faire en sorte d’éviter celle-ci. Ou du moins, d’apprendre à tomber. Je m’y prépare ! Comme tout mortel.

Tu as été vu dans les InrocksLab, Taratata,

N’est-ce pas trop dur de devoir être

Télérama. On devine un vrai engouement

constamment masqué quand tu incarnes

Il y a énormément de guests sur cet album.

critique. Tu te sens installé maintenant ?

« Cascadeur » ?

Est-ce parce que pour toi, la musique se

Es-tu confiant pour l’avenir ?

Une forme d’émotivité. Le fait d’être masqué me préserve d’un certain nombre de « tracas » liés à cette activité. Bien sûr, c’est contraignant et ça demande une certaine discipline. Mais, en même temps, cela me permet d’être un peu ailleurs et d’éviter certaines coquetteries parfois inhérentes au rôle du chanteur.

conçoit à plusieurs ?

Un vrai sénateur (le corps alourdi et la peau rougie) ! Cet accueil critique est source de plaisir et de confiance, mais aussi d’interrogations liées à l’avenir. Comment poursuivre, chercher, sans trop se perdre. J’ai toujours essayé de travailler, concevoir dans

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Je cite les Inrocks à propos de ton dernier

C’est vraiment orgiaque ! C’est une donnée importante que de travailler à plusieurs. Cela permet de mieu x se connaître, d’afficher ses limites et d’apprendre. Je perçois Cascadeur comme un vaisseau visité et parfois fantôme !


Cascadeur En tournée, d’autres hommes masqués t’ont

« Un bon Cascadeur se doit d’éviter la chute ! »

rejoint. Comment as-tu ressenti ce besoin ? Quelles différences dans ta façon d’aborder les lives ?

Les premières années, ne voulant pas perdre mes amis musiciens, je partais seul pour leur éviter ma précarité... Puis, peu à peu, le vaisseau s’est rempli. Le miroir tendu du one-man-band s’est embué et j’ai eu envie d’autres reflets. J’ai joint des amis pour constituer une équipe. Actuellement, nous sommes nombreux, je trouve. C’est une machinerie huilée par les amitiés qui nous lient. Je suis impressionné par leur investissement dans cette aventure quelque peu perturbante, notamment pour leur identité. Jouer de son instrument masqué implique une redécouverte... Comment expliques-tu ce vivier très électro en provenance de Metz ?

Il y a sans doute à Metz une dynamique et un souffle nouveaux. Les souterrains voient le jour et je crois qu’il y a une forte tradition musicale ici, mais les lieux de concerts étaient bien rares. Cela semble changer ! Il était temps... La BAM va ouvrir en septembre. Quel regard portestu sur ces lieux spécifiques que sont les SMAC ?

J’en visite avec les concerts. Ce sont de beaux lieux qui doivent favoriser les idées de découverte, avec certaines prises de risques... La course à l’audience et le souci de rentabilité sont souvent des freins à de telles ambitions. De la même manière, Metz ouvre avec l’espace TCRM-BLIDA un nouveau lieu de création aux compétences multiples. Sens-tu ces dernières années un certain changement ou une direction plus artistique de la ville ?

C’est très bien. Que d’anciens parcs de bus deviennent des véhicules où l’imaginaire permettra les transports en commun ! Tout un symbole. Notre question rituelle : Beatles ou Rolling Stones ? Cascadeur, lors de son passage à L’Autre Canal à Nancy, le 14 février dernier.

Beatles, pour leur esprit aventureux.  Cascadeur, Ghost Surfer, 2014, Casablanca/Universal.

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influences

Beastie Boys

Trois garçons pleins de délires Par Rémi Flag

Formé en 1981, rarement un groupe n’a exploré autant de genres musicaux que les Beastie Boys, devenant une référence « intergalactique » intemporelle.

Malgré les années, l’esprit du groupe est resté le même. La pochette emblématique de Licensed to ill.

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maginez trois adolescents trépanés, issus des beaux quartiers de New York, à qui on aurait filé la clé de la cave à vins, du studio d’enregistrement et de l’armurerie. Voilà le style des Beastie Boys. Une crise de démence inopinée et imprescriptible comme la mort, qui frappa d’ailleurs en 2012 Adam Yauch, alias MCA, l’un des membres du groupe. Là où d’autres se sont servis de leurs chansons pour dénoncer, la rage au poing, les contrôles de police intempestifs, nos comparses, eux, se sont battus pour le droit de ruiner la baraque (des autres), lors de fêtes improvisées pendant les absences parentales. En 1981, toute la folie est déjà perceptible pour ce groupe originellement orienté punk, mais qui, un soir de doute à l’arrière-goût de houblon, décide d’aller tailler le bout de gras avec le gros MC rappant sur le trottoir d’en face.

I

Le résultat : trente ans de carrière qui semblent génialement imprévus, comme leur rencontre avec Rick Rubin, créateur de Def Jam Records, qui produira leur premier album Licensed to Ill en 1986. Sur cet opus, nos trois nerveux au flow trépignant posent des lyrics hallucinatoires sur d’antédiluviens beats hip-hop, mélangés à des riffs de grattes saturés, tout en utilisant une palette de samples allant de Barry White à AC/DC. Rien que ça ! De la pure créativité injectée directement dans le tympan, qui s’est répandue comme une traînée de coke sur le cultissime Paul’s Boutique. Miles Davis lui-même dira ne jamais se lasser de l’écouter tandis que le magazine Rolling Stone considèrera ce titre comme le Sgt. Pepper du rap. Le combo, capable de jouer ses propres partitions, comme d’inviter le guitariste de Slayer à poser quelques notes, peut se targuer de posséder un magnétisme ayant véritablement bouleversé le monde musical... et même culturel.


Photos : droits réservés / 4ever.eu

Beastie Boys

Pour atteindre une telle unanimité, ils s’entourent physiquement des plus grands, comme le légendaire DJ MixMasterMike. Spirituellement, ils vont chercher les meilleurs samples, dont certains négociés directement avec Bob Dylan (faisant passer le prix de 2 000$ à 700$), comme pour le titre Finger Lickin’ Good. Beaucoup de genres se sont d’ailleurs clairement infiltrés dans leur ADN. Le rock, jusqu’à l’overdose, puisque par exemple pour le titre Rhymin’ & Stealin’, ils iront piocher simultanément du Led Zep, du Black Sabbath et des Clash. Le hip-hop également, dont on peut reconnaître les pionniers Grand Masta Flash et Afrika Bambaataa sur respectivement Alright Hear This and 33% God. Enfantés de ces improbables copulations, beaucoup de leurs titres ont atteint le top 100 du Billboard US comme Hey Ladies, So What’cha want ou Pass the Mic.   Tarés mais malins, leur célébrité de rappeurs blancs d’origine juive et aisée a également per-

mis à d’autres, comme Eminem, d’émerger. Ce dernier le leur rendra bien, en les samplant sur son titre Berzek. Cette propension à touiller les genres a aussi fait des émules chez beaucoup d’autres musiciens. Le rap

Brooklyn. Dans le hip-hop, les Beasties sont repris depuis le milieu des années 1990, à peine quelques années après leurs débuts, par des groupes puristes et influents comme The Parchyde ou N.W.A. Assez récemment encore, Lil’ Wayne sniffait Brass Monkey sur son titre Da Da Da.

" les beastie boys se sont battus pour le droit de ruiner la baraque (des autres) ! " haut perché et les sauts épileptiques de Rage Against the Machine ne sont pas sans rappeler Sabotage. De même que Funky Shit ne serait jamais sorti de l’esprit torturé de Prodigy sans Root Down. Comment oublier également des groupes comme Body Count, qui ont à coup sûr débuté après avoir entendu No Sleep Till

En 2012, le groupe subit un coup d’arrêt lorsque MCA décède, peu après sa rentrée au Rock & Roll Hall of Fame. Madonna, Radiohead ou encore Chuck D expriment leurs condoléances et une grande soirée d’hommage est organisée, rassemblant la crème du hip-hop. Une preuve de plus que le chemin des 3 gamins de New York n’est pas prêt de disparaître des mémoires et que les têtes n’ont pas fini de remuer, because you can’t, you won’t and you don ’t stop !  Beastie Boys, Hot Sauce Committee Part Two, 2011, Capitol.

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cinéma

Le Jukebox de Tarantino Soundtrack Unchained

Par Lauriane Bieber / Illustration : Guillaume Hann

Référence incontestée du septième art, Quentin Tarantino ne cesse de s’imposer un peu plus à chacune de ses nouvelles réalisations. Fort de sa culture cinématographique et musicale, il fait de la musique une actrice à part entière, la rendant presque tout autant attendue par l’auditoire que le film lui-même.

arcours peu linéaire pour Quentin Tarantino, qui, après avoir été projectionniste de films érotiques, étudiant en théâtre, puis employé dans un vidéo club, a vu les opportunités éclore, lui permettant de conquérir le cercle fermé des réalisateurs de renom. à travers une violence stylisée et un incroyable travail de dialogue, ses scénarii prennent vie en s’appuyant sur des bandes originales détonantes. En 2008, lors de sa leçon de cinéma au festival de Cannes, il explique qu’on ne peut pas parler simplement de « la musique du film », mais que cette entité sonore, autour de laquelle tout va tourner, doit jouer un rôle capital : « Je ne peux pas avancer tant que je n’ai pas trouvé la couleur musicale du début du film ». Selon Quentin, la sélection des titres ne poursuit pas un but d’illustration des séquences, mais va au contraire donner son rythme au long métrage, du clap de début au clap de fin.

P

Le script n’est encore que bribes, lorsque le réalisateur se met à déambuler à travers sa longue collection de disques, déjà à la recherche des morceaux du générique.

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Cinéphile aguerri, Tarantino se laisse guider par ses envies, mais malgré son admiration pour de grands noms tels qu’Ennio Morricone, il refuse de leur déléguer la composition de l’intégralité d’une soundtrack, quitte à compromettre une collaboration sur certains titres. La musique lui est nécessaire

" la sélection des titres ne poursuit pas un but d’illustration des séquences " à l’élaboration d’une ambiance et à la tonalité qu’il souhaite donner à l’image. Grand fan des années 1970, il a su donner une seconde jeunesse à des titres alors inconnus du grand public, que l’on associe plus rapidement à son œuvre qu’à leurs interprètes, à l’exemple de Little Green Bag de George Baker dans Reservoir Dogs ou encore Girl You’ll Be a Woman Soon, reprise de Neil Diamond par

le groupe Urge Overkill, dans Pulp Fiction. Cela n’exclut pourtant pas toute forme de collaboration, puisque la B.O. de Kill Bill a été compilée sous la direction de RZA, leader du Wu-Tang Clan, grand ami et fan du cinéaste.   Fortement habitées par la culture pop, les sélections de Tarantino couvrent toutes les teintes de sa palette musicale, acquérant finalement une identité propre et cohérente. Ses influences multiples en tant que cinéphile et mélomane, auraient pu accoucher d’un mélange aléatoire, mais il réussit le tour de force de donner une cohérence à ses compilations, tout comme il parvient à mélanger le film de kung-fu avec le genre du western dans Kill Bill. La B.O. de Django Unchained en est l’exemple type : rock avec Too Old to Die Young de Brother Dege, rap avec 100 Black Coffins de Rick Ross et recyclant de la musique de western comme Lo Chiavamano King et Django de Luis Bacalov.   Ponctuer ses scénarii de ruptures brutales étant devenu une habitude, le réalisateur procède à l’identique pour la musique : Woo Hoo des 5.6.7.8’s dans le premier volume de


Le Jukebox de Tarantino Kill Bill, est suivi de près par l’arrivée d’O-ren Ishii, sur le célèbre Battle Without Honor or Humanity de Tomoyasu Hotei. Quelques minutes plus tard, se laisse entendre de manière surprenante le titre disco-flamenco de Santa Esmeralda, Don’t Let me be Misunderstood, illustrant ironiquement la violence durant le combat au sabre qui clôture le premier opus.   Chez Tarantino, on ne sait plus très bien si l’image domine la musique ou bien l’inverse. Son style réussit jusqu’à aujourd’hui à imposer des scènes musicales cultes, comme le twist entre Uma Thurman et John Travolta sur du Chuck Berry dans Pulp Fiction ou encore le lapdance de Butterfly sur Down In Mexico du groupe The Coasters dans Le Boulevard de la Mort. Les femmes sont d’ailleurs souvent mises à l’honneur par le réalisateur : dans Inglorious Basterds, la scène où Shosanna prépare la projection devant les nazis, est sublimée par la voix de David Bowie sur Cat People (Putting Out Fire). On se souviendra longtemps du passage sanglant et sarcastique du découpage d’oreille, rythmé par Stuck in The Middle With You des Stealers Wheel, dans Reservoir Dogs. Il est d’ailleurs amusant de se rappeler que la mise en scène inspirée de ce premier long métrage lui avait valu d’être hué à Cannes à l’époque. C’est pourtant la même recette et cette façon de styliser sa mise en scène, avec un côté western spaghetti, toujours en adéquation avec la musique, qui lui vaudra le succès qu’on connaît.   C’est peut-être d’ailleurs là que se situe la limite de la B.O. selon Tarantino. Depuis le début de sa carrière, il a mis la musique au premier plan de son œuvre, calquant son style sur chaque compilation, à tel point que l’on sait aujourd’hui immédiatement à quoi nos oreilles vont avoir droit. La prise de risque semble désormais assez limitée et les morceaux qui accompagnent Django Unchained, dernier long en date, auraient tout aussi bien pu illustrer Inglorious Basterds. En faisant le pari de l’efficacité, au détriment de l’originalité, le fondateur de A Band Apart s’assure un retour public et critique, mais commence à tourner en rond. La question est de savoir s’il parviendra à se renouveler ou s’il continuera à décliner, au risque de lasser. En attendant, on peut toujours se repasser Don’t Let me be Misunderstood en version longue pour méditer là-dessus. 

Tarantino est marqué par une culture pop, qu’il réinvestit dans tous ses films.

Django Unchained, Quentin Tarantino, The Weinstein Company, 2012

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museek

Donkey Kong Country Sonata Banana

Donkey Kong Country était à tous points de vue un jeu en avance sur son temps, y compris pour sa soundtrack. Jazz, groove, swing et rock : mieux que nul autre, il a démontré que le génie musical n’a que faire des contraintes techniques d’une console. Retour sur un monstre sacré de la jungle.

Par Thibaut Clement / Illustration : Guillaume Hann

n singe avec une cravate ! Détrompez-vous, il ne s’agit pas de politique, mais bien d’une des plus grandes sagas vidéoludiques que notre petit monde ait jamais porté : j’ai nommé Donkey Kong. Succès planétaire, le premier ennemi de Mario est devenu au fil des âges l’icône d’une génération de jeux de platesformes, dont personne ne peut nier l’empreinte dans le sentier argileux de Nintendo.

U

Si ses apparitions étaient devenues timides, Donkey Kong Country est le premier épisode sur Super Nintendo, ramenant sur la scène Donkey le gorille à cravate et le gratifiant ainsi d’un agile sidekick, Diddy le chimpanzé. Passons sur les prouesses techniques du jeu, dont la superbe des graphismes défiait dans un baroud brillant les nouvelles générations de consoles 3D, la Playstation et la Nintendo 64 en tête, pour s’attarder sur un monument de la musique vidéoludique. La soundtrack de Donkey Kong Country est une pièce de collection. Pas une seconde on ne se lasse du flot des notes d’ébènes des mélodies du jeu, et pour une bonne raison : la composition a été placée au centre de la bulle de création du jeu. Ce coup de force, c’est l’œuvre du trio britannique

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David Wise, Robin Beanland et Eveline Fischer, dont les notoriétés ont explosé à la sortie du titre. Leur secret : « des essais, des erreurs et beaucoup de café ! » révèle Wise dans une interview. La démarche : « D’un même œil que s’il s’agissait d’une bande originale de film ». Le succès est immédiat. Malgré les 16 petits bits de la console, la bande son est au-dessus de tout. Atmosphérique, technique et incroyablement entraînante, elle sait aussi se faire douce et hypnotisante.  « C’est un jeu de Super Nintendo, ne nous emballons pas ! » s’exclame alors le lecteur dubitatif. Assieds-toi petit homme venu de la civilisation, prends une banane et tends l’oreille. Tu entends ? Au murmure de la jungle s’ajoutent progressivement des cris de singe déchaînés, des percussions sourdes et stimulantes, incendiant le panorama tropical dans un roulement tellurique. Puis une basse s’invite dans le rythme, construisant avec une assise implacable les piliers de ce groove de la jungle. Du synthétiseur, un trombone et quelques trompettes finissent le travail : Jungle Groove rentre au panthéon des musiques vidéoludiques. Le décor change, et nous nageons entre les coraux d’un lagon turquoise.


Donkey Kong Country

Les fonds marins bénéficient d’un thème lénifiant et magique à la fois, peut-être même la plus belle réussite de l’album. La sonorité synthétique d’Aquatic Ambiance, typique des années 1990 et enrobant un piano cristallin, est une ode à l’évasion. Le décor change encore, et nous voilà sur un galion de corsaires où, de l’artimon, nous parvient le son d’un accordéon enjoué d’une mélodie portuaire avec Gang-Plank Galleon, pour se transformer en rock furieusement électrique.   Tous les thèmes sont peignés au millimètre, d’un soin rarement vu dans un jeu vidéo. Wise ne cache d’ailleurs pas une certaine influence de compositeurs célèbres tels que Nobuo Uematsu (Final Fantasy) ou Koji Kondo (Zelda). Et c’est à dessein que la bande originale s’inscrit dans son temps. « Il y avait à l’époque un synthétiseur appelé le Korg Wavestation, confie Wise, et je voulais que le son de la Super Nintendo s’en rapproche ». L’excellent SPC700 de Sony, circuit intégré pour le son de la console, était alors au meilleur de ses capacités. à tel point que différents ensembles n’ont eu aucun mal à reprendre de nombreux morceaux, à l’instar de l’orchestre philarmonique de Tokyo et ses superbes adaptations de Jungle Groove et d’Aquatic Ambiance, à l’occasion d’un Orchestral Game Concert.   La bande originale aurait pu être l’histoire d’un jour mais voilà, l’épopée simiesque est devenue une trilogie et les thèmes ont été renouvelés pour le meilleur. On retiendra les magnifiques Lockjaw’s Saga, Jib Jig, ou encore Hot-head Bop, des suites du jeu sur la console. Et pour les plus gourmands, les OST de Donkey Kong Country Returns (2010) et Tropical Freeze (2014) cumulent chacune plus de quatre heures de morceaux inédits, remixes et hommages à la trilogie. Leur qualité est constante et personne ne s’étonnera d’y voir la patte d’un compositeur ressorti de l’ombre, David Wise himself.  DK Jamz : Donkey Kong Country OST,

Robin Beanland, Eveline Fischer, David Wise, 1994.

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découpage

La rockstar des FML !  Pour ce huitième numéro, Karma s’associe au FML pour donner un coup de pouce aux jeunes groupes en devenir. Et pour percer dans la musique, autant commencer tôt. Alors, plutôt rock ou hip-hop ? à vos ciseaux ! Illustration : Pierre Schuster. 

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DU 20 JUILLET AU 17 AOÛT 2014

Plan d’eau

Retrouvez le Magazine Karma toute l’année sur magazine-karma.fr et le numéro 9 version papier en septembre 2014 dans toute la Lorraine et au Luxembourg.

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