MA reporters : Entre les espaces

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Cette saison, Wil Mathijs, documentariste flamand, était de retour à MA scène nationale pour une création documentaire avec des élèves du collège Jouffroy d’Abbans de Sochaux. Une immersion créative pour ces jeunes, mêlant apprentissage de techniques audiovisuelles, écriture de scénarios, et la réalisation de 3 documentaires. Diffusés en juin 2018, ces reportages ont questionné l’impact individuel du projet d’urbanisation de la ville de Sochaux avec notamment la déconstruction des trois tours du quartier Graviers-Evoironnes. A l’occasion de ce projet, MA scène nationale a invité cinq jeunes (étudiants et actifs) à se tester à l’écriture journalistique. Ils ont rencontré les différents acteurs du projet (élèves, professeurs, responsables de la ville, artiste) et ont assisté à quelques journées de tournage afin de découvrir l’envers du décor de la création participative Entre les Espaces et de comprendre ses enjeux. Suite à cette immersion, ils ont planché sur le sujet de leur article en ateliers collectifs puis ont pris la plume… Ils ont ainsi porté leur regard et rédigé mots et émotions sur cette aventure créative.

Découvrez les brèves de Chloé, Emma, Félix, Léon et Pierre-Elie. Les 5 MA reporters pour le projet Entre les espaces.


Brève MA reporter > Chloé Roussille Wil Mathijs "Je ne suis pas un éducateur ni un psychologue, je suis un vidéaste." Wil Mathijs, vidéaste Flamand a créé un documentaire avec les élèves de SEGPA du Collège Jouffroy d'Abbans de Sochaux sur les mutations urbaines. Avec ce projet, s'ouvre le regard des élèves sur la ville, qui la découvrent d'une façon différente, et qui ne pensaient pas réaliser un documentaire. En effet même si la plupart ont aimé y participer, c'était pour eux une première fois et les jeunes ne pensaient pas interviewer des personnes comme ils l'ont fait. "On ne savait pas qu'on allait filmer une personne dans sa vie privée" nous raconte un élève. Wil Mathijs quant à lui nous dit "j'apprends beaucoup des élèves, à être humain, moi-même, à questionner mes pensées pour les communiquer comme je ne suis pas un homme des mots mais plutôt des images et du son". Il explique que depuis 4 ans il travaille avec MA Scène nationale et qu'il a de bons retours de la part des adolescents avec qui il réalise des projets. Il est touché par le fait que les élèves s'intéressent à son travail. L'idée de leur apprendre des bases qu'ils réutiliseront plus tard lui plaît. Quand on demande à Wil Mathijs comment réussir à accéder au même métier que lui, il nous répond "si tu veux faire de la théorie, tu lis tous les livres qui sont faits par tous les grands hommes du cinéma en raccourci. Et puis, tu vois 4 films par jour. Tu prends une caméra et un micro, tu commences à faire des films. Tu vas faire des plateaux gratuits comme régisseur, tu bloques des voitures, tu fais du café pour l'équipe, puis tu fais la figuration, et c'est comme ça que tu commences. You Know collectionner l'expérience du plateau. Et, tu n'as plus besoin de 4 ans d'école de cinéma. Enfin c'est une manière d'attaquer, je crois."

"Je me sens pas artiste je me sens Wil c'est déjà assez"


Brève MA reporter > Emma Riboulet Il faut de touS pour faire un film. Un projet artistique collaboratif, ça implique évidemment des personnes, mais aussi des idées qui vont et viennent. Et parfois même, une demande qui ne provient pas de l’artiste lui-même mais d’une personne externe, c’est ce qu’on vous explique ici. Ce lien grâce auquel l’art fait le pont entre deux ri ves qui se regardent souvent mais ne se rejoignent pas. Nous avons rencontré Simon Werlhé, alors chargé de projet de l’agglomération de Sochaux, et en charge de la coordination des acteurs du renouvellement urbain du territoire. C’est sous sa casquette de citoyen que Simon Werlhé nous a présenté les grands changements à venir pour la ville sochalienne. Au programme, la réhabilitation de zones en lieu d’habitations modernes et écologiques. L’enjeu : rendre la ville de Sochaux plus attractive, reconstruire des espaces de vivre ensemble avec des nouveaux usages publics, dans une ville fortement marquée par l’empreinte du privé et la sphère travail, avec la présence historique de l’Usine Peugeot. Mais comment lier les habitants très attachés à l’image du « Sochaux-Peugeot » avec ces nouveaux projets ? L’art. La collaboration de MA Scène nationale avec Sochaux est ancienne. C’est donc tout naturellement que la ville de Sochaux a confié le projet à la Plateforme créative de MA, qui a sollicité Wil Mathijs, réalisateur de documentaires ultras réalistes et challenger. Car le projet en est un : créer 3 minis documentaires sur l’expérience de la vie quotidienne à Sochaux par le prisme d’habitants en prise avec ces transformations urbaines. Le tout en peu de temps, seulement 1 semaine de préparation, quelques jours de tournage et de prise de sons, de même pour le montage. Le processus créatif est une broderie qu’il faut sans cesse faire et défaire. Et en quelques jours, il faut simplement foncer sans s’arrêter. MA a également embarqué sur cette aventure des jeunes du collège Jouffroy d’Abbans. Une collaboration artistique qui permet à Wil Mathijs d’être le professeur en matière de technique, et l’apprenant en ce qui concerne la ville et la vision que chaque élève porte sur elle, pour la retranscrire en images. Le medium de la vidéo permet à leur réalisation d’être vue de tous, et de montrer aux jeunes participants l’importance de leur avis. Le projet fait entendre toutes les voix, et c’est bien l’art qui les relie. Que nous ne soyons pas d’accord avec ces changements urbains ou dans l’attente de les voir se réaliser, tout passera par l’œil habile de la caméra de Wil et de ses élèves cinéastes.


Brève MA reporter > Félix Thiebaux "Faire un film, c'est partir en guerre contre la réalité" La ville de Sochaux et MA scène nationale ont engagé un mercenaire de l'audiovisuel. L'objectif : réaliser un documentaire sur les répercussions sociales des transformations urbaines. Le réalisateur flamand Wil Mathijs a eu carte blanche pour orienter l'oeil de sa caméra, avec néanmoins un défi supplémentaire, celui d'être accompagné par des élèves de SEGPA du Collège Jouffroy d'Abbans de Sochaux, qui plongés dans le milieu artistique, ont eu le rôle de régisseur / cadreur. La patience de Wil mathijs avec ces jeunes apprentis lui a permis de recueillir un regard bien différent sur les sujets qu'ils ont pu aborder : les habitants de ces quartiers sochaliens en rénovation, accueillant chez eux une équipe de tournage.

Les interviews s'enchaînent, et tandis que la passion du cinéaste commence à susciter l'intérêt des adolescents, le travail les attend : prendre des rushs, le son, capter la bonne lumière, mais surtout s'inspirer du réel. En effet, l'art doit avant tout s'improviser, ce n'est pas une œuvre de fiction où tout est prévu à l'avance : ici, c'est la vraie vie qui est filmée. L'élève qui tient la caméra doit faire preuve d'intuition pour capturer dans son objectif la scène qui fera le documentaire. On étudie, on observe. Pour intégrer cela, ces jeunes futurs adultes, doivent apprendre à avoir confiance en eux, à faire face aux situations complexes comme des interviewés qui ne répondent pas à l'interphone ou à mettre leurs soucis de la veille de côté, mais aussi à s'approprier des opportunités de cadrage, à prendre des risques.

Pour certains élèves, cette expérience ne sera qu'un projet scolaire, dont l'intervenant qui les accompagnait était doté d'un étrange accent; mais pour d'autres c'est la découverte d'un fabuleux métier qui est maintenant un projet d'avenir, avec ce professionnel qui a peut-être bien changé leurs vies.


Brève MA reporter > Léon Breuillot C'est arrivé près de chez vous C'est arrivé dans une commune de 3900 habitants, ancien fleuron de l'industrie automobile française et du football, bref c'est arrivé à Sochaux un matin de décembre ensoleillé, entre les espaces et le temps, entre les habitants et les murs, entre leur passé et leur futur.

Salut à toi mon frère, qui lis ces lignes, toi qui es si singulièrement unique, salut à toi habitant de la terre, je vais te parler d'un homme qui ne voit pas dans l'autre un autre que soi mais un autre soi.

Wil Mathijs réalisateur hétérodoxe accompagné d'une poignée d'adolescents du collège Jouffroy d'Abbans et nous, reporters improvisés, nous sommes rendus chez la famille Limane, logeant dans l'ancienne cure de l'église, dernière bâtisse au pied d'un océan de gravas avec pour horizon l'Usine Peugeot imposante aux cheminées fumantes.

Je pensais relater ce que j'ai vu sur le tournage, mais je vais vous parler de ce que j'ai vécu. Vécu oui, car mes collègues et moi même ne sommes pas restés spectateurs très longtemps. A peine arrivés sur le terrain, Wil Mathijs nous fit troquer stylo, bloc-notes contre perche son, micro etc.

C'est peut-être son côté belge ou flamand, punk ou artiste, qui lui permet de fracasser les cloisons, passer outre les clivages, aller vers l'inconnu et lui tendre la main, comme il le fait aux ouvriers du chantier, aux passants intrigués par la caméra auxquels il distribue de chaleureuses poignées de main. Il atténue la distance entre soi et l'autre, une distance qui trop souvent nous empêche de communiquer, de nous rencontrer. Que tu sois lycéen, ingénieur, ministre ou sans abris, tu auras le droit au tutoiement en vigueur chez cet humaniste qui se borne à ne marquer aucune différence entre les individus. Son attitude, sa bienveillance est bénéfique pour ces collégiens de SEGPA à qui trop souvent on colle une étiquette, qu'on catégorise comme extérieurs à la norme. Dans le cadre de ce projet culturel et artistique Wil Mathijs réduit leur exclusion et les invite, les encourage à devenir acteurs de leur ville, de leur vies, à être auteurs de leurs traces.


Brève MA reporter > Pierre-Elie Vedovi « Ben l'avantage c'est qu'on avait pas cours.. » C'est à travers la création de trois courts métrages sur les mutations urbaines de Sochaux que les élèves de la section Segpa du collège J. D'Abbans se sont immergés dans l'univers cinématographique de Wil Mathijs, cinéaste belge et passionné. Une semaine après la première phase de tournage, j'ai pu rencontrer certains des jeunes participants, les questionnant sur les avantages et les inconvénients du projet « Entre les espaces ». A leurs premiers éléments de réponse, j'ai cru d'abord qu'ils n'y étaient que trop peu intégrés, et se sentaient plus spectateurs qu'acteurs. Cependant, les élèves utilisaient naturellement des termes techniques pour parler du tournage : « perche son », « plan », « séquence », « clap ». Et sur la deuxième phase de tournage, en passant une après-midi auprès d’eux, je les ai vus moi-même se familiariser avec le matériel d'éclairage et d'acquisition des images et du son. Leurs choix étaient respectés, autant dans l'écriture des interviews que sur les modalités techniques du terrain. Ils posaient leurs questions, choisissaient certains plans. Ce cours moment d'immersion des élèves dans le monde cinématographique a peut-être même révélé une vocation chez l'un d'entre eux, qui assure ne plus vouloir devenir gendarme mais réalisateur. J’ai également rencontré Véronique H., la directrice de la section Segpa du collège J. D’Abbans. Elle apparaît comme protectrice vis à vis des élèves tout en voulant « les armer pour résister et se défendre face au réel ». Durant notre échange, j’apprends que ce type de projet artistique, piloté avec un artiste avec MA scène nationale, est organisé depuis plusieurs années au collège et que nombreux sont les élèves de Segpa à avoir participé à ces immersions artistiques. L’enjeu : prouver à ces jeunes adolescents, parfois mal dans leur peau du fait de situations privées délicates, qu’ils possèdent des compétences et que leur contribution est légitime, rompre avec la notion de « collège prison » pour en faire « une scène de théâtre ». Au final, sans qu’il n’en saisissent entièrement la portée, l’avantage d’Entre les Espaces pour les élèves n’était peut-être pas simplement de pouvoir rater les cours..


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