Bienvenue à Gattaca, ou la mélancolie providentielle, par Lou Camino

Page 1

Lou Camino

Bienvenue Ă Gattaca

ou la mĂŠlancolie providentielle



Lou Camino

Bienvenue à Gattaca

ou la mélancolie providentielle

© Lou Camino, 2004



B

ienvenue à Gattaca, c’est l’histoire d’un homme qui, depuis toujours, rêve d’aller là-haut, dans l’espace.

Homme, rêve, espace, c’est un bon début pour évoquer la mélancolie… Si l’on ajoute à ce trio que, tel que notre homme a été conçu, la réalisation de son rêve d’enfance est proprement impossible, alors nous entrons véritablement dans ce qui définit la quête classique du mélancolique. Vincent Freeman, littéralement « l’homme libre », est en effet né naturellement, fruit - pour certains, pourri – de l’union charnelle entre un homme et une femme. Rien de choquant a priori, si ce n’est que dans la société dépeinte par le film – qu’un rapide insert en fin de générique situe « dans un futur pas si lointain » –, enfanter est devenu totalement obsolète. La Nature a été remplacée par sa reconstruction à travers la génétique. Ainsi, en manipulant le génome – cet ensemble de chromosomes dont nous sommes tous constitués –, l’homme crée-t-il des hommes améliorés, des hommes sans tares, des hommes parfaits, qui contribuent à créer un monde lui-même artificiellement parfait. Un enfant né


sous ces conditions est dit « Valide ».Vincent appartient donc à la classe, faut-il le préciser « sous-classe », des « In-valide ». Malheureusement, ou heureusement pour lui, dans cette société clairement eugéniste, l’espace est réservé à l’élite des « Valides ». Ce qui génère un certain nombre d’obstacles pour notre héros… Obstacles qui n’arrêtent pas Vincent pour autant et le poussent à faire le seul choix susceptible de le sauver : prendre l’identité génétique d’un « Valide » pour tromper le système jusqu’à réaliser son rêve. Car Vincent le rebelle réussit en effet à rejoindre son paradis céleste. Cette issue heureuse, cette conjuration du triste sort des mélancoliques fera office de fil d’Ariane ! Mais n’allons pas trop vite en besogne… Tout d’abord, montrer en quoi l’univers dans lequel vivent les protagonistes est à l’origine de leur mélancolie et comment le réalisateur, Andrew Niccol, et son équipe s’y sont pris pour créer cette atmosphère lourde et nostalgique qui rapidement contamine aussi le spectateur. Ensuite, le monde étant ce qu’il est, se concentrer sur Vincent « l’invalide » et les trois autres personnages « valides » qui lui gravitent autour : Jérôme, son double génétique ; Irène, la femme trouble dont il s’éprend et Anton, son frère biologique. Tous quatre sont empêtrés dans leur tristesse pour des raisons différentes – et à préciser - et c’est la rencontre de ces quatre solitudes autour du cœur malade et palpitant de Vincent qui leur permettra de transcender cet état, chacun à sa manière, et de s’élancer vers un nouveau voyage.

Bienvenue à Gattaca aurait pu être un récit historique, c’est un film de science-fiction, ou plutôt, d’anticipation. Aujourd’hui, en 2004, la science n’est en effet pas encore capable de façonner des êtres humains à la manière des généticiens démiurges de la fiction. Pourtant, en 1996, plus d’un an avant la


sortie du film, la première brebis clonée, Dolly, vient au monde et le séquençage du génome humain est en cours. S’en suivent le retour de quelques vieux cauchemars enfouis dans les mémoires sélectives des scientifiques, des politiques, des autorités religieuses et de la population : que deviendra l’espèce humaine si la sélection génétique réussit à s’imposer, si cette science dérive vers ce qu’elle sous-entend : créer des hommes différents, assurément améliorés, et par la même occasion, de nouvelles discriminations ? N’est-ce pas la définition même de l’eugénisme ? Or, qui pense eugénisme pense rapidement nazisme, bien que l’idéologie lui soit bien antérieure… Ce n’est donc probablement pas un hasard si, dans Bienvenue à Gattaca, l’esthétique – qui triomphe sur l’éthique dans le postulat eugénique – flirte avec celle des années 1950. Le souvenir de la seconde guerre mondiale est encore frais, avec lui ses horreurs, et l’espoir d’un monde meilleur, conséquence d’une croyance inconditionnelle en les bienfaits du progrès, chasse les mauvais rêves. Cette atmosphère rétrofuturiste se retrouve dans l’architecture – l’appartement d’Irène, bloc de baies vitrées posé face à la mer, est l’exemple classique des constructions californiennes de l’époque ; dans les voitures – électriques mais aux formes de DS et de Trabant – ; dans le look vestimentaire mais aussi, tout simplement, dans la lumière. La photographie, travaillée par Slawomir Idziak, qui a plusieurs fois collaboré avec Kieslowski, contient ce paradoxe, ce mélange d’effroi et d’espoir qui caractérise aussi notre temps. Les extérieurs sont filtrés en jaune, à la fois symbole d’un âge d’Or augurant le succès et présage d’un proche malaise. Le centre de formation des astronautes, Gattaca, prend place dans l’une des constructions massives, immenses et triomphantes de cette décennie, dessiné par l’architecte Frank Lloyd Wright. C’est un bâtiment, tout de béton et de vitres, à l’allure très froide et où les courbes sont à l’honneur. Ces rondeurs montrent d’ailleurs bien à quel point il est impossible de se cacher dans cette société où les contrôles d’identité génétique sont une véritable obsession, tout comme le sont la propreté et son corollaire, la pureté. Les scènes se déroulant dans cet antre de la perfection sont saturées de blanc et de bleu ; l’ambiance sonore


tourne autour d’échos de bruits de pas sur sol carrelé, de messages synthétiques répétés rebondissant sur les parois d’un espace vide, de séries de bips électroniques rappelant ceux des électrocardiogrammes… Tout cela crée un climat hivernal, d’une froideur effrayante et accentue l’idée que l’humanité, la joie, le rêve, la passion ont déserté ce monde où, avant même de naître, les hommes sont programmés pour correspondre aux désirs mégalomaniaques de leurs parents. A quoi peut bien rêver une personne dont le devenir est prédéterminé ? Vêtus de leur costume bleu triste tiré à quatre épingles, les postulants aux vols intersidéraux se ressemblent donc tous, se déplacent d’un pas sec, regardent droit devant eux, la face impassible, subissent les « tests de substance » et autres sans sourciller alors qu’ils s’apprêtent à vivre une aventure formidable, partir vers les « confins des sphères étoilées » des Elévations de Baudelaire.

Face à ce constat, je serais tentée d’extrapoler les propos de Walter Benjamin sur la perte de l’aura d’une œuvre d’art du fait de sa sérialisation, de sa reproduction mécanisée et de les appliquer à l’être humain – œuvre d’art pour certains – dépersonnalisé car il est passé sous l’œilleton sélectif d’une machine à dupliquer… Un produit sans saveur, sans « aura », sans relief, c’est ainsi qu’est représentée la masse humaine de Bienvenue à Gattaca. A quelques exceptions près – dont les personnages précédemment évoqués –, cette masse humaine semble avoir totalement digéré cet enfermement social, tout simplement parce que cette tyrannie est devenue la norme. Le spectateur, a priori, un peu moins… C’est l’un des nombreux choix subtils du réalisateur (aussi scénariste) que d’avoir


contracté deux temps, le passé – via l’ambiance visuelle et l’écho historique – et le futur – pour l’approche scientifique aboutie et une poignée de gadgets à la fois omniscients et d’une grande discrétion –, futur cependant suffisamment proche des fantasmes actuels pour que le spectateur se projette rapidement dans cet univers fictionnel pesant, se sente directement concerné voire agressé par le propos, et voie naître en lui la résistance d’Invalide qui habitera Vincent tout au long du film, une certaine mélancolie. Cette identification est d’autant plus facile et inévitable que le film à l’espace très sobre et épuré n’use ni des effets pyrotechniques ni de la violence gratuite communs à la majorité des films de science-fiction, artifices visant souvent à cacher les écueils de scénarios un peu creux. La violence n’est pas absente du film pour autant. Insidieuse, sournoise, elle est le fait de la discrimination génétique qui a remplacé la discrimination raciale, ce qui était déjà le nerf de la dystopie d’Aldous Huxley, Le meilleur des mondes, publié en 1932. A vouloir ainsi repousser sans compromission les limites de la connaissance, l’Homme signe son arrêt de mort. L’Homme, le vrai, l’unique, le dernier, incarné par Vincent, n’a jamais été aussi fragile et précaire. Il est le vestige, la ruine de ce monde dominé par l’ordre et la netteté. Cet Homme-là n’a jamais été si proche de la disparition, de l’éradication. C’est dire l’espoir placé en Vincent, de son côté même mais aussi de l’autre côté de l’écran. Pour accentuer l’impression de nostalgie mais peut-être aussi pour inscrire son histoire dans une quête immémoriale et plus glorieuse, Andrew Niccol opère un autre glissement temporel, beaucoup plus lointain que ne l’est la seconde guerre mondiale. C’est donc vers la Renaissance, elle-même résurgence de l’Antiquité, que nous transporte la machine à voyager dans le temps cinématographique. Nom symbolique pour une période qui l’est tout autant, notamment pour les astronomes. La Renaissance signe effectivement l’abandon du système géocentrique de Ptolémée, en vigueur depuis seize siècles. Ce modèle est remplacé par une vision un peu plus humble : le système héliocentrique décrit par Copernic, défendu ensuite par Galilée, Kepler et d’autres. C’est la naissance de l’astronomie moderne, celle sur laquelle nous nous appuyons toujours.


Ainsi, dans Bienvenue à Gattaca, les échos discrets à cette période sontils nombreux, et comme tout dans ce film, ont un double sens… Dans l’appartement de Vincent et Jérôme, se trouve une vieille lunette astronomique : c’est Galilée qui le premier a eu l’idée de s’en servir pour observer le cosmos, ce hors-champ insondable, de l’absence et de l’invisible. C’est ainsi qu’il a pu admirer les anneaux de Saturne en 1610, Saturne dont la réputation mélancolique n’est plus à présenter. L’anneau extérieur de la planète est séparé de l’anneau intérieur brillant par une ceinture opaque : la « Division de Cassini ». Jean-Dominique Cassini, physicien de l’époque, a aussi découvert deux satellites de la planète. Cassini, c’est surtout le nom de famille d’Irène. De même, le rêve de Vincent n’est pas d’aller n’importe où dans l’espace, mais d’aller sur Titan. Titan qui n’est autre qu’une des lunes de Saturne, découverte par Huygens en 1655. Au centre Gattaca, un des appareils tournoyants permettant aux futurs navigateurs de s’entraîner, est directement inspiré des instruments créés par Tycho Brahé pour imiter le mouvement des astres du système solaire. Il y a aussi un tableau, un portrait, vraisemblablement important, non identifié malgré enquête, qui trône sur l’un des murs bétonnés de l’appartement du duo Vincent-Jérôme. Sa facture permet néanmoins de le rattacher à la Renaissance. Enfin, au Club où vont respirer notamment les deux hommes, travaille Cavendish, la préposée au vin. Cavendish, le physicien, est plus connu pour ses travaux sur l’eau… Ce Club est situé dans un magnifique temple de l’architecture classique, à colonnes, arcades, grands escaliers, lustres, où le silence et les spasmes électroniques sont remplacés par un jazz sensuel et les conversations mêlées des habitués. Chaleureux, accueillant, familier, cet endroit est tout le contraire de Gattaca. Ceux qui le fréquentent – probablement les dépravés et les in-valides – y vont pour se détendre, danser, boire, être eux-mêmes, ce qui semble impossible à l’extérieur. C’est comme si le réalisateur avait voulu faire de ces références à la Renaissance une bulle d’air, un refuge pour les personnages, une lueur d’espoir, et qu’en même temps, il avait voulu montrer à quel point tout cela était fragile et temporaire. Une scène le montre particulièrement bien, et va jusqu’à faire fusionner les deux époques évoquées


jusqu’à présent : la police des polices en tenue sombre d’agents de la Gestapo, débarque en nombre au Club et procède à ce qui n’est plus ni moins qu’une rafle. Une rafle visant évidemment les Invalides. La révolution scientifique qui a secoué les 16ème et 17ème siècle ne s’est en effet pas faite en douceur… L’Eglise catholique a condamné la théorie copernicienne et ses défenseurs, contraire aux Ecritures et remettant totalement en question la place de Dieu dans la création du monde. N’est-ce pas cette crise du religieux que soulève Vincent lorsqu’il dit, lors d’un flash-back introductif revenant sur son entrée dans le monde : « Je ne comprendrai jamais pourquoi ma mère a préféré s’en remettre à Dieu plutôt qu’à son généticien local. » ? Autrement dit, le généticien est présenté comme le rival direct de Dieu. Il a même pris l’ascendant sur Dieu puisque la norme a changé : c’est lui qui a désormais le pouvoir de créer l’homme à son image. Pour marquer la rupture et insister sur la tristesse qu’elle suscite, un enfant né à l’ancienne, comme Vincent, un In-valide donc, est dit « enfant de la Providence ». Plus tard dans le film, Irène parlera de manière tout aussi nostalgique et émue d’ « enfant de Dieu », comme pour mieux rappeler la douleur provoquée par son absence. La génétique est donc montrée comme une nouvelle révolution voire une nouvelle foi, soulevant autant de débats qu’avait pu générer celle de la cosmologie. Ainsi, peut-on penser qu’Andrew Niccol a voulu dire qu’entre l’infiniment petit – le gène – et l’infiniment grand – le cosmos – le combat était le même, ainsi inscrit-il son histoire dans une Histoire qui a déjà été écrite… Il nous présente, dans un récit alliant lui-même lenteur et précipitation invitant à la contemplation, des images saturées de temps, mélancoliques donc, où tout semble imbriqué dans une spirale infernale : le passé et le futur ; Dieu et la science ; le fragment et le tout ; les gènes et les étoiles ; Vincent et la destinée de l’Homme…


Au commencement était le générique. Des noms apparaissent pour mieux disparaître superposés à une séquence qui deviendra un véritable rituel au fil du film : Vincent, dans un monochrome bleu iceberg servi par son thème musical lent et répétitif, calqué sur le rythme des battements du cœur, s’acharne méthodiquement à supprimer les vestiges de son corps d’invalide – des cils, des peaux mortes, des ongles, des cheveux tombant dans un fracas en disant long sur le poids réel de ces traces en général insignifiantes. Il les remplace alors par d’autres vraisemblablement plus à propos, celles de Jérôme Morrow – quelques gouttes de sang sous une fausse empreinte digitale, de l’urine dans une poche prête à l’emploi... Ainsi, dès le départ, le spectateur est-il mis dans la confidence : ce personnage ment. Cette duplicité est tout aussi rapidement présentée comme le moyen d’accéder à Gattaca, mais aussi comme un mensonge partiel : même si Vincent alias Jérôme triche sur son identité, c’est bien lui qui réussit à faire un million de saisies sans une seule faute et ainsi susciter l’admiration du directeur des programmes qui lui apporte alors la réalisation de son rêve sur un plateau : partir pour Titan. Pourquoi Titan ? Tout simplement parce que Titan, dont la surface est masquée par une épaisse couche de brume, incarne l’inconnu. Là-bas, au bout de l’espace, le futur reste à écrire. Voilà donc un homme brillant mais obligé de cacher celui qu’il est vraiment car il ne fait pas partie du monde dominant de l’histoire. Seule Irène semble intriguée par le personnage et décèle la passion toute contenue qui l’anime : Vincent, accoudé à une balustrade, le regard rivé vers un hors-cadre céleste, ne peut en effet s’empêcher d’assister à tous les départs de fusée. Le rêveur est démasqué, non sans une pointe d’humour.


Ces premiers mots échangés avec Irène lancent un récit en voix-off, au cours duquel Vincent raconte son histoire, et si l’on a l’oreille attentive, son issue heureuse. Cette narration proférée sur un ton monocorde se poursuit, alors qu’il découvre que le Directeur de l’Agence a été assassiné, sur un flash-back aux tons jaunes et verts qui nous renvoie à son enfance : images résiduelles d’une époque révolue et douloureuse, où se dessinent les motivations de sa rébellion, avec elle sa mélancolie. « Le jour où je suis né, à la seconde, le moment de ma mort était déjà connu » confie-t-il laconiquement. A partir d’une goutte de son sang, une infirmière dresse la liste de ses tares d’enfant de la providence : myope, disposition à la dépression, cardiaque, mort annoncée à 30 ans et 2 mois. Dans la foulée, son père décide de ne pas lui donner son propre nom, comme il l’avait initialement prévu, et lui préfère Vincent. Première rupture. Vincent est traité comme un être fragile et faible par ses parents, rejeté par l’institution du fait de la nature de son sang. C’est alors qu’ils décident de lui donner un petit frère, mais pas n’importe lequel : ayant compris leur erreur en osant contourner les lois de la nouvelle Nature, ils se rendent donc chez leur généticien local. Anton, le nom du père, naît avec tous les attributs d’un être génétiquement supérieur. Deuxième rupture. Car évidemment, Anton est celui qui est digne du père. Pire, Anton le sait et en joue cruellement auprès de son frère aîné, qui ne peut que souffrir en silence de sa différence, même pas acceptée par les siens. C’est ainsi que progressivement, il s’éloigne de ce simulacre de famille, se retire dans son monde intérieur et se donne tout à son rêve de voyage dans cet espace qui doit le mener au bout de sa nuit. Il se souvient : « peut-être est-ce par amour des planètes ou par dégoût de celle-ci ? Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours rêvé de l’espace. » Cette dernière scène est particulièrement importante : elle marque la rupture physique d’avec la famille, dont il n’attend rien et estime ne pas faire partie puisque son père n’a d’espoir que pour le frère, qui ne cesse de le rabaisser alors que sa mère n’a qu’un souhait, qu’il soit réaliste… Ce départ, dont Anton est le témoin consentant, passe donc par le dé-


chirement d’une image mensongère : celle de la famille idéale. Et ce n’est pas un hasard si Anton ne le retient pas. Il vient d’être battu par Vincent, à la nage. C’est leur jeu depuis toujours que de faire la course dans la mer. Anton l’avait toujours emporté mais cette fois-ci, la donne s’est inversée : non seulement Vincent l’a dépassé, mais il l’a surtout sauvé de la noyade… La première course présentée dans ce flash-back avait lieu pendant l’enfance et montrait le rejet d’Anton pour son frère Vincent, qui restait bloqué par une mer pleine d’algues géantes. Une ultime course aura lieu à la fin du film : la trentaine passée,Vincent persistera et signera dans ce qui sera une réplique de cette deuxième échappée. La répétition de ces séquences transforme ces épreuves en rite initiatique entre les deux frères et fait de la mer, le terrain d’un enjeu. Or de mer à mère, il n’y a qu’un « e », qui plus est, muet. Inutile d’aller interroger un dictionnaire des symboles pour s’en convaincre. L’eau donne la vie, mais peut aussi la reprendre ; l’eau va et vient, comme les humeurs ; elle est, pour Freud et Jung, l’élément le plus apte à représenter l’inconscient. Et plus encore, symbole « des puissances informes et des motivations secrètes et inconnues », de celles qui préparent les métamorphoses. Ainsi, me semble-t-il, une part de la mélancolie de Vincent naît-elle de cette quête de la mère. « Sais-tu qu’en apesanteur, c’est comme dans le ventre de ta mère ? », demande-t-il à Jérôme le jour où il apprend qu’il va partir pour Titan. Aller dans l’espace n’est-il pas le rêve qu’il a depuis toujours ? En fait, Vincent veut retrouver cet endroit où il était protégé, où ses gènes n’avaient pas encore d’importance, où il était en sécurité et aimé. Les derniers mots qu’il prononce, en quittant la Terre et la tête déjà dans les étoiles, sont : « On dit que nous sommes tous des enfants des étoiles. Finalement, je rentre peut-être chez moi. ». C’est véritablement une seconde naissance à laquelle Vincent espère accéder. Et la galerie qui le mène à la fusée, blanche, très lumineuse, n’est autre que le chemin de la délivrance, de l’ouverture vers cet ailleurs tant convoité qu’est l’espace, et en même temps, un retour vers l’intérieur : la matrice. Cette renaissance est la condition sine qua non pour qu’il vive enfin. Ainsi parlait Julia Kristeva dans Soleil Noir : « Pour l’homme et pour la femme,


la perte de la mère est une nécessité biologique et psychique, le jalon premier de l’autonomisation ». La souffrance d’Anton est différente et moins développée, puisqu’il reste un second rôle. Jusqu’à sa défaite contre son frère, il est l’enfant roi à qui tout réussit. Mais cet échec, dans une société qui prétend tout maîtriser et qui postule que les Invalides sont, par nature, inférieurs aux Valides, il ne le comprend ni le l’accepte. Tout comme, enfant, il ne comprenait pas d’où venait cette force qui poussait son frère à vouloir aller toujours plus haut, toujours plus loin malgré ses défauts rédhibitoires. Il ne savait tout bonnement pas ce que « rêver » voulait dire, et pour cette raison, s’est mis à jalouser son frère.Toutes ces incompréhensions ont fait de lui un être taciturne, fermé, solitaire, désabusé, revivant à l’infini ce premier naufrage contre Vincent, dans sa tête et réellement, comme le suggère une séquence où on le voit nager dans une piscine d’appartement faite pour un seul homme. Anton réapparaît en effet sous les traits du policier responsable de l’enquête sur le meurtre du directeur de l’agence de Gattaca. Le spectateur ainsi que Vincent n’apprendront d’ailleurs que vers la fin qui il est vraiment. Vincent étant parti tôt, il ne connaît pas le nouveau visage de son frère et réciproquement. Les quelques apparitions d’Anton n’en sont, a posteriori, que plus fantomatiques, sorte d’images subliminales condamnant Vincent à un brutal retour vers le passé et à la réalité. Irène, quant à elle, est la seule figure féminine du film, hormis le souvenir de la mère. Coiffée d’un thème musical calme, équilibré, qui comme celui de Vincent exprime à la fois l’espoir et la profonde tristesse, Irène donne l’image de la femme parfaite, droite, toute en retenue et inaccessible. En réalité, elle est malade. Bien que faisant partie de la classe des Valides, elle a le cœur fragile, comme Vincent. Les erreurs de manipulation ont la vie dure… Irène vit mal cette différence, qui ne lui ferme pas les portes de Gattaca mais fait qu’elle doit se contenter de rotations autour du Soleil. Cette imperfection, comme pour Vincent, l’incite à se surpasser intellectuellement mais la pousse aussi à chercher le moindre défaut chez les


autres, histoire de se sentir un peu moins seule. De prime abord, elle est celle qui a entièrement accepté les règles du système, plutôt par dépit et manque d’imagination. Cependant, on la sent hésitante, sibylline et en quête d’autre chose, de l’impromptu qui mettra un peu de gaîté et de piment dans sa pseudo-vie… Enfin, voilà Jérôme Morrow, brièvement présenté comme le double génétique de Vincent. Jérôme est l’archétype du mélancolico-dépressif de Kristeva. Il a « tout pour lui », un quotient génétique exceptionnel, un cœur d’acier, ce qui en fait un postulant pour l’immortalité. Elaboré pour les sommets, Jérôme collectionne pourtant les 2ème place, l’argent et non l’or. Il est écrasé par les attentes légitimes placées non pas en lui, mais en son patrimoine génétique. Car dans cette société de manipulation, les êtres humains ne sont plus des êtres sensibles, mais des programmes. Personne n’est sensé connaître d’état d’âmes puisque chacun ne pourra pas aller plus loin que ce que ses gènes lui réservent. Cette rupture entre les promesses de succès et la confrontation à la réalité – je ne suis pas à la hauteur – l’entraîne dans une spirale auto-destructive, où, selon les mots de la psychanalyste, « il se laisse contaminer par la mort » jusqu’à ce qu’elle vienne à lui : suite à une énième seconde place à un championnat de natation, ce Narcisse déchu fait une tentative de suicide. Ratée. Qu’attendre de moins d’un éternel second ? Il explique à Vincent qu’il s’est jeté sous une voiture. Ainsi le Valide est-il devenu ironiquement invalide, coincé sur son fauteuil roulant à ruminer ce nouveau coup du sort, qui ferait presque de lui un revenant d’entre les morts. Son amertume, son dégoût de la vie, qu’il a noyés dans l’alcool et la cigarette, se ressentent dès la première rencontre avec Vincent, qu’il toise avec dédain, supériorité et envers lequel il semble naturellement agressif et puéril. Il ne peut pas croire que lui, l’être parfait, puisse avoir besoin de l’aide d’un invalide pour continuer à vivre et cache cette blessure par un égoïsme de mégalo narcissique et une arrogance déplacée. En fait, Jérôme ne sait pas qui il est, puisqu’il a compris, à travers ses échecs répétés, qu’il n’était pas la somme de ses gènes.


Voici donc nos quatre solitaires présentés. Pris un à un, ils ne voient pas plus loin que leur ambition ou leur non-ambition ; pris un à un, ils ne peuvent plus avancer non plus. La rencontre est donc inévitable et porteuse de renouveau. Elle s’articule autour de Vincent même si la solitude primaire des personnages laisse penser qu’il n’en restera qu’un à la fin. Après sa victoire sur son frère sous un ciel bleu plein d’espérance, Vincent a vu se fissurer le mur des impossibles. C’est à partir de ce moment qu’il a pris sa vie en main en quittant les siens et a atterri à Gattaca, en tant qu’homme de ménage, place de choix réservée à la caste des Invalides. Son obsession : passer de l’autre côté et se faire passer pour l’un des leurs. Il entre ainsi complètement dans le cadre du mélancolique d’Anne Larue, tel qu’elle le définit dans l’introduction de L’autre mélancolie : « La mélancolie […] se définit comme une force de résistance cachée contre l’utopie sociale totalitaire qui menace la vie psychique. Elle est secrète, discrète, mystérieuse, cachée, mineure au sens où l’entendent les philosophes, c’est-à-dire obliquement subversive ». Vincent le rebelle puise dans sa mélancolie pour nourrir sa résistance contre le système. Il est prêt à toutes les transgressions pour accéder officiellement à son rêve d’étoiles, officieusement à sa renaissance. Même à changer d’identité, au risque de s’y perdre, à être une « échelle empruntée » ou encore « un pirate génétique » comme ils disent dans le film. Walter Benjamin ne disait-il pas : « L’éloignement du monde peut aller jusqu’à la perte de son propre corps » ? Le biotrafiquant auquel Vincent fait appel pour assurer sa métamorphose en Jérôme Morrow, Morrow comme l’aube mais aussi comme


le lendemain, répond au nom évocateur de German… Bref, dans cette société où le regard ne compte plus en comparaison du verdict sans appel apporté par l’analyse d’une goutte de sang,Vincent doit d’abord se transformer physiquement pour se faire passer pour Jérôme. Le pacte – peut-être faustien ? – que signent les deux hommes est simple et irréversible : Vincent assure matériellement la subsistance de Jérôme, qui lui, en lui préparant les échantillons prouvant sa validité, accepte de disparaître et donc de renaître. Vincent, jouant ainsi avec le feu, se rapproche du héros prométhéen de la « désobéissance adroite » de Gaston Bachelard dans La psychanalyse du feu. Même si Jérôme résiste au départ à céder son identité à Vincent : « Qu’est-ce qui te fait croire que tu pourrais être moi ? Même en étant presque parfait, je n’arrivais qu’en 2ème place. Moi ! Alors, comment tu penses t’en tirer ? », il finit par épouser totalement sa cause et même y trouver un second souffle. Rentrant les crocs, il demande à Vincent de l’appeler Eugène, son second prénom dont on remarquera la rime avec le gène ou l’eugénisme, et qui symbolise aussi la naissance d’un nouvel homme. Le double est alors en place et un peu du rêve de Vincent passe dans l’esprit pessimiste d’Eugène. Eugène vit désormais à travers Vincent-Jérôme, qui a ce qu’il n’a jamais eu : la passion. C’est ce transfert total, cette identification, qui lui permet de dépasser les raisons premières de sa dépression, d’aller à sa propre rencontre mais cela ne résout évidemment pas tous ses problèmes, en particulier son dégoût profond pour cette existence. Lors d’un contrôle d’identité, il lancera au policier s’étonnant de voir indiqué sur son appareil que Jérôme Morrow (en fait Vincent) est navigateur à Gattaca alors qu’il se trouve dans un fauteuil roulant : « ça te fait chier que je réalise ton rêve. Je quitte ce tas de merde. » Ainsi Vincent et Eugène trouvent-ils assez rapidement un équilibre autour de Jérôme, un Jérôme qu’ils n’acceptent finalement ni l’un ni l’autre et qui devient l’emblème du masque du duo. Vincent rejette en effet son statut d’Invalide, mais il ne peut pas non plus être accueilli tel qu’il est vraiment par les Valides. Il est en perpétuel jeu de cache-cache avec luimême et les autres et devient carrément paranoïaque lorsque l’un de


ses cils est retrouvé sur les lieux du crime, faisant de Vincent Freeman, l’Invalide, le meurtrier tout trouvé du directeur, d’autant plus que l’analyse de ce cil révèle « un tempérament violent »… Alors qu’il est sûr d’être vite reconnu, c’est-à-dire physiquement, et qu’il est prêt à tout abandonner, Eugène lui fait réaliser qu’il n’est plus Vincent depuis qu’il a mis les pieds à Gattaca et que le seul qui existe désormais est Jérôme. Jérôme, que j’ai identifié au masque, au fantôme, à celui qui n’existe pas vraiment. Les voilà donc face au verso du double, un univers de névrose où les deux ne sont plus propriétaires de leur être. Quelle alternative pour Eugène que de mourir vraiment cette fois ? Au moment même où Vincent s’élance dans l’espace, Eugène, portant sa médaille d’argent avec fierté, actionne le levier de l’incinérateur. Cet incinérateur qui détruisait les résidus du corps impur de Vincent sert donc une dernière fois à éliminer le corps pur de Jérôme. En effaçant ainsi les traces de son existence, tout en ayant pris soin de lui préparer des échantillons pour deux vies, Eugène cède définitivement sa place à Vincent, pour que, selon ses termes, « Jérôme vive toujours ». Et contre le feu, il n’y a pas d’échappatoire : son suicide est une réussite. Sa mort n’est pas complètement triste pour autant car il part le cœur léger : cette extension de vie lui a permis de trouver la paix grâce au rêve de Vincent auquel il s’est voué corps et âme. Le motif sur sa médaille sur lequel s’attarde la caméra pendant cette scène – deux hommes nageant côte à côte – renvoie alors à l’image du frère, Anton, et fait d’Eugène le vrai frère de cœur de Vincent. A toujours liés.

Revenons un moment à Vincent… Si Vincent n’est plus Vincent et qu’il n’est pas Jérôme non plus, alors qui est-il ? C’est sur ce point qu’Irène a un rôle


charnière et primordial. Elle le trouble et il aimerait pouvoir partager son monde avec elle, mais ce serait avouer la supercherie. Pourtant, Irène est celle qui va l’accompagner dans sa dernière ligne droite vers les étoiles, qui occupe une deuxième partie de film semée d’embûches pour le double Vincent-Jérôme traqué par la police et donc son frère. C’est effectivement à la moitié exacte du film que tout bascule et s’accélère pour Vincent. Cela se fait en musique : le couple assiste à un concert de piano. Au programme, une version modifiée pour 12 doigts par Michael Nyman de l’Impromptu opus 90 de Schubert. Du fait de sa rupture totale avec l’ambiance musicale le précédant, cet Impromptu romantique alliant les très aigus aux très graves, se présente comme la dernière respiration avant la tempête. Ainsi, cette musique scelle-t-elle leurs deux destinées et tous les dangers futurs que vivra Vincent, il les partagera avec Irène. Et par trois fois, Irène choisira de couvrir ses mensonges avérés, le sauvant ainsi d’une arrestation certaine. La femme apparaît ainsi dans Bienvenue à Gattaca comme une figure duelle, à la fois de tous les dangers mais aussi de tous les sauvetages. C’est visiblement entre les mains de cette figure féminine qu’est placé le destin de Vincent. Irène sent qu’il lui cache la vérité. Elle accepte de ne pas savoir, de vivre dans le doute - ce qui est probablement la première fois – jusqu’à ce que la vérité éclate au grand jour. Irène et Vincent-Jérôme viennent de passer la nuit ensemble. Pendant ce temps, Anton a compris que Jérôme Morrow et son frère ne faisaient qu’une seule et même personne. Il veut faire un test d’identité sur Jérôme afin de vérifier ses soupçons et demande à Irène de l’accompagner chez lui. Cette scène va plus loin que les autres, c’est la révélation pour Irène. Déjà, au contact de Vincent, elle a pu se libérer. Cela se manifeste par des postures moins rigides, un retour du sourire et des cheveux lâchés qui la font étrangement ressembler à la Vénus de Botticelli, autre référence à la Renaissance. Vénus, étoile du matin, étoile du soir, n’estelle pas, dans la mythologie, celle qui montre la route aux étoiles, symbole de paix du cœur qui appelle le bonheur ? Quoiqu’il en soit, même si elle a déjà inconsciemment pris le parti de Vincent, Irène ne s’attendait


pas à ce que son monde s’écroule autant. Elle accepte pourtant de voir le monde différemment, de désapprendre, d’espérer et donc de se découvrir en tant que personne. Elle accepte aussi Vincent tel qu’il est, lui permettant enfin d’être lui-même. Contrairement à Irène, Anton campe sur ses positions. Totalement monolithique, submergé par sa solitude, reniant sa défaite contre son frère estimant qu’il s’est battu lui-même, il semble incapable de transcender son mal de vivre. Quinze ans après, ce sont toujours les mêmes jalousies et les mêmes questions qui le taraudent. Comment Vincent a-t-il fait tout ça ? Le fait qu’il ait choisi d’être policier est à considérer comme un indice supplémentaire de son inaptitude à voir le monde autrement, à voir au-delà du règlement, des stéréotypes, de ce qui est donné comme vérité. Il est resté l’enfant obtus qu’il était et il lui faudra une dernière nage nocturne par une mer démontée et un nouveau sauvetage de la noyade pour qu’il accepte enfin l’impensable… Déjà, quelques heures auparavant, il avait dû admettre, preuve à l’appui, que Vincent n’avait pas tué le directeur de Gattaca. Le directeur des missions s’en est chargé, un Valide qui ne contenait pourtant aucune trace d’agressivité. Le départ pour Titan était remis en question et il ne pouvait l’accepter. Aussi s’est-il laissé aller à une pulsion destructrice et barbare.

C’est bien un monde d’illusions, de double, de faux-semblants, faussement transparent que donne à voir Bienvenue à Gattaca. Ainsi, dans cette réflexion sur la quête individualiste, la transgression reste


l’instinct de survie.

La réalisation des différents rêves et ambitions des personnages passe en effet par l’usurpation d’identité, le mensonge, la complicité, le meurtre, le suicide. Pour autant, ces transgressions sont instantanément pardonnées par le spectateur qui, dès les premières images, s’est rallié à la cause de Vincent qui a fait siens les mots de Pindare : « Deviens ce que tu es. » Bienvenue à Gattaca s’apparente ainsi, dans ce parti pris, à un hymne à ce qui fait d’un homme un homme : son imperfection mais aussi sa rêverie. C’est le message qu’envoie Vincent, lorsque, cerné par les étoiles, enfin en accord avec lui-même, il regarde droit devant lui, face caméra, le spectateur qui a suivi son ascension donc, en lui rappelant mentalement le mot du Petit Prince de Saint-Exupéry : « on ne voit bien qu’avec le cœur ». Ascension qui peut être interprétée différemment… Ne sommes-nous pas dans un univers de doubles où les symboles, quand on les cherche, finissent par occuper tout l’écran ? Ainsi, le meurtre du Directeur de Gattaca a-t-il lieu 7 jours avant le départ pour Titan. 7 comme perfection, comme divinité, comme création… La fenêtre de tir pour pouvoir rejoindre Titan n’est ouverte que 7 jours tous les 70 ans, correspondant à un cycle complètement achevé. L’application de Vincent à se défaire rituellement de ses traces d’invalide, à si bien nettoyer son poste qu’il parle de Sainteté ne rapprochent-ils pas ses actes de propreté compulsive de la purification religieuse ? Tout Invalide qu’il est, il est « enfant de la providence », « enfant de Dieu ». Lors de sa transformation physique, Vincent gagne cinq centimètres. On le voit cloué au sol, en croix, souffrant le martyre. Au dancing, lorsque Vincent demande à Eugène ce qu’il va faire après son départ, ce dernier lui répond en buvant d’un trait une coupe d’un vin rouge sang. Sang sacrificiel et expiateur, tout comme le dernier acte d’Eugène – sa mort par le feu renvoyant aux rites de régénération et de purification. La mèche de cheveux qu’il donne à Vincent en guise de cadeau d’adieu prend alors l’allure d’une relique de saint. La mère de Vincent s’appelle Marie et le nom de famille du directeur des missions, le meurtrier, celui qui lui permet de partir « là-haut », comme


il ne cesse de le répéter, d’aller rejoindre son absolu, son Paradis, est Josef. Joseph, époux de Marie et père nourricier du Christ. Vincent, figure christique, en instance de résurrection. Et s’il fallait un autre indice, je citerai celui du titre de pré-production du film : Le 8ème jour. Symbole par excellence de la transfiguration, de la résurrection du Christ, mais aussi de celle de l’Homme, il annonce l’arrivée d’une nouvelle ère… Le film commençait par un carton rappelant L’Ecclésiaste : « Regarde l’œuvre de Dieu, Qui pourra redresser ce qu’il a courbé ». C’est ainsi que le film fait une boucle sur lui-même et revient à cette crise du religieux naissant à la Renaissance, génératrice, du fait de la révolution scientifique évoquée au début, d’une nouvelle manière de voir. Cette profusion de symboles dégage une impression de totalité, de globalité, renvoie à l’univers en son ensemble, à la totalité cosmique, et à l’Être lui-même. Ces symboles permettent à un fragment du monde – un verre, un cil, un tableau, un nom, une couleur… – de s’inscrire dans un mouvement plus général, celui du fonctionnement du monde et font véritablement de ce film une œuvre somme dans lequel on peut se perdre. Comme sur nos routes…



Pour les plus curieux... Des milliers de duos photo-texte, d’histoires photographiques sur www.loucamino.com Et une sélection de récits plus longs... Des évasions phototextuelles : Why Detroit? Chili - Bolivie, entre ciel et terre Hawaii, de la jungle au volcan en passant par les étoiles Une expérience théâtrale avec la Cie Le Bouc sur le Toit : Henry V, on pourrait commencer comme ça Un entretien relevé avec Ludovic Ligot : Une fenêtre sur le ciel, l’homme invisible Une rencontre avec le peintre Gilles Rieu : Autour de Gilles


www.loucamino.com


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.